Mme la présidente. L’amendement n° 1142, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 86
Après les mots :
l’État
insérer les mots :
dans le département
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 379 rectifié bis, présenté par MM. Lafon et Bascher, Mme Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère, Charon et Chasseing, Mmes L. Darcos et F. Gerbaud, MM. Grosdidier, Guerriau et Janssens, Mme Lassarade, MM. Longeot et Moga, Mme Vullien, M. Longuet, Mmes Sollogoub et Bonfanti-Dossat, M. Détraigne, Mme Guidez, M. L. Hervé, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cuypers, Cigolotti, Médevielle, Mayet et Danesi, Mme Vérien, MM. Canevet, Mizzon, Dufaut et Grand et Mme Lavarde, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 103
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 1331-23 du code de la santé publique est complétée par les mots : « , au regard des critères de superficie définis à l’article L. 111-6-1 du code de la construction et de l’habitation ».
La parole est à Mme Michèle Vullien.
Mme Michèle Vullien. Cet amendement vise à clarifier la notion de « suroccupation », dont il existe aujourd’hui deux définitions.
Le code de la construction et de l’habitation dispose aujourd’hui que toute division d’immeuble en vue de mettre à disposition des locaux à usage d’habitation d’une surface et d’un volume habitables inférieurs à 14 mètres carrés et 33 mètres cubes est interdite.
En revanche, le décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent a fixé un autre seuil, avec une surface habitable de 9 mètres carrés pour une personne seule, 16 mètres carrés pour un couple et 9 mètres carrés par personne supplémentaire.
Vous imaginez bien, mes chers collègues, que les marchands de sommeil profitent de cette ambiguïté !
Dans ces conditions, il nous paraît opportun de clarifier la législation sur les critères de superficie permettant d’apprécier l’état de suroccupation, dans le sens des dispositions fixées par le législateur et de l’amélioration des conditions de vie effectives des locataires.
La référence à la surface de 14 mètres carrés permettra de constater un état de suroccupation et d’engager plus de procédures pour faire cesser l’activité des marchands de sommeil, qui bénéficient de cette ambiguïté pour louer des locaux en suroccupation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Si votre amendement a pour objet de sécuriser la notion de suroccupation dans le cadre de la police de la salubrité, nous pensons que son adoption pourrait conduire à l’effet inverse de celui que vous recherchez.
Le fait de ne pas définir de seuil particulier laisse la possibilité d’avoir recours à un faisceau d’indices qui serait plus difficile à contourner par les marchands de sommeil.
De plus, dans la mesure où le décret de 2002 autorise une surface de 9 mètres carrés, de nombreux logements – je pense, par exemple, aux chambres de service – pourraient être qualifiés d’insalubres du jour au lendemain, en raison de leur surface inférieure à 14 mètres carrés.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Madame la sénatrice, vous voulez définir les critères de suroccupation dans les dispositions du code de la santé publique relatives à la lutte contre ce phénomène.
Effectivement, plusieurs textes, aux finalités différentes, définissent aujourd’hui des critères de superficie minimale ou de suroccupation, ce qui peut poser un problème.
Nous sommes conscients des difficultés liées à la coexistence de ces définitions, mais ces dernières correspondent à des logiques distinctes.
Par conséquent, avant de privilégier l’un ou l’autre des critères, il convient, au préalable, d’effectuer un travail d’évaluation sur les plans juridique et pratique.
Quoi qu’il en soit, l’introduction d’un critère de superficie minimale sans lien avec le nombre d’occupants ne paraît pas suffisante.
Dès lors, je sollicite le retrait de votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Vullien, l’amendement n° 379 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Michèle Vullien. Oui, madame la présidente, car l’ambiguïté qui naît de l’existence de textes différents en matière de suroccupation bénéficie aux marchands de sommeil et leur permet parfois d’obtenir gain de cause. Cette situation n’est pas tolérable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 379 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 57, modifié.
(L’article 57 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 57
Mme la présidente. L’amendement n° 643, présenté par M. Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au IV de l’article L. 521-3-2 du code de la construction et de l’habitation, le mot : « un an » est remplacé par les mots : « trois ans ».
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à modifier une disposition applicable dès lors qu’un arrêté prévoit une interdiction d’habiter.
Actuellement, lorsque le relogement est assuré par une personne publique, un organisme d’habitation à loyer modéré, une société d’économie mixte ou un organisme à but non lucratif, le propriétaire ou l’exploitant de l’immeuble insalubre lui verse une indemnité représentative des frais engagés pour le relogement égale à un an du loyer prévisionnel.
Or cette somme ne suffit pas à faciliter les relogements.
Il est donc proposé d’augmenter l’indemnité exigible auprès du bailleur indélicat ou du marchand de sommeil à l’équivalent de trois ans de loyer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La durée d’un an actuellement en vigueur correspond au délai maximum de l’interdiction d’habiter édictée à titre définitif.
Modifier la durée établissant le montant de l’indemnité sans modifier celle de l’interdiction d’habiter serait fragile juridiquement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 644, présenté par M. Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 25-1 A de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai de trois mois, l’agent qui a effectué la visite transmet son constat à l’autorité compétente ainsi qu’aux intéressés. »
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Lorsqu’un signalement a été effectué en raison du danger qui pèse sur la santé ou la sécurité des occupants, le déplacement d’un agent pour établir un constat doit intervenir dans un délai de trois mois à compter de la demande.
Notre amendement vise à préciser que son rapport doit être transmis à l’autorité compétente et aux occupants concernés dans les trois mois suivant le constat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement, bien qu’elle ait considéré que le caractère législatif de la proposition n’était pas du tout évident et que celle-ci relevait plutôt du bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Avis favorable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 57.
L’amendement n° 734 rectifié quater, présenté par Mme Lienemann, MM. Iacovelli et Féraud, Mme Préville, M. Cabanel, Mme G. Jourda, M. Duran, Mme Meunier, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Tourenne, Jacquin et Kerrouche et Mme Féret, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un décret en Conseil d’État, relatif à la salubrité des habitations traitée dans le titre II du règlement sanitaire départemental, est publié dans un délai d’un an après promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. La loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé délègue aux collectivités territoriales les règles générales d’hygiène, via un règlement sanitaire départemental type, dit RSDT, défini par une circulaire du 9 août 1978. Depuis quarante ans, le contenu des RSDT relatif à la salubrité des habitations – c’est l’objet de leur titre II – est resté quasiment identique.
Or les procédures en matière d’insalubrité dans l’habitat ont considérablement évolué, sans articulation avec le RSDT.
La loi du 6 janvier 1986 suscitée prévoit la publication de décrets pris en Conseil d’État pour consolider le contenu des règlements sanitaires départementaux, mais aucun décret n’a été publié pour ce qui est de leur titre II.
Cette carence a pour conséquence un défaut d’articulation entre le règlement sanitaire départemental, les procédures d’insalubrité et les dispositions qui protègent les victimes des marchands de sommeil.
On observe fréquemment que les enquêtes conduites par les agents des services communaux ou intercommunaux de l’hygiène ne sont pas transmises aux services de santé de l’État et se bornent à transmettre une injonction, voire une amende, laquelle se monte au maximum à 450 euros.
Cette situation laisse les locataires aux mains de leur marchand de sommeil.
Il est cohérent de fixer un délai au Gouvernement pour publier ce décret attendu depuis trente-deux ans, de manière à prendre en compte les évolutions législatives et assurer, ainsi, une meilleure cohérence de l’action publique avec la protection des victimes des marchands de sommeil.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement a pour objet de contraindre l’État à adopter un décret relatif à la salubrité des habitations, laquelle est traitée dans le titre II du règlement sanitaire départemental.
Il est vrai que le décret remplaçant les règlements sanitaires départementaux est attendu depuis les années 1980.
C’est la raison pour laquelle la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Elle écoutera avec intérêt l’avis du Gouvernement !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Madame la rapporteur, vous n’allez pas être déçue, puisque le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement. (Mme la rapporteur sourit.)
Madame la sénatrice, vous avez eu raison de déposer cet amendement, qui a pour objet de fixer un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi pour la publication du décret en Conseil d’État destiné à remplacer les règlements sanitaires départementaux en ce qui concerne la salubrité des habitations.
Comme vous l’avez rappelé, ce décret en Conseil d’État était prévu par la loi du 6 janvier 1986, mais n’a jamais été publié pour le volet concernant la salubrité des habitations.
Au reste, cela montre que, malgré toutes ses vertus, la Ve République a encore quelques problèmes… (Sourires.) Pourtant, comme M. le secrétaire d’État me le fait remarquer, il y a eu, depuis, de grands ministres du logement !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 57.
Article 57 bis
(Non modifié)
Après l’article 11 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :
« Art. 11-1. – I. – À Mayotte et en Guyane, lorsque des locaux ou installations édifiés sans droit ni titre constituent un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l’article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement forment un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d’assiette et présentent des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique, le représentant de l’État dans le département peut, par arrêté, ordonner aux occupants de ces locaux et installations d’évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition à l’issue de l’évacuation. L’arrêté prescrit toutes mesures nécessaires pour empêcher l’accès et l’usage de cet ensemble de locaux et installations au fur et à mesure de leur évacuation.
« Un rapport motivé établi par les services chargé de l’hygiène et de la sécurité placés sous l’autorité du représentant de l’État dans le département et une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence adaptée à chaque occupant sont annexés à l’arrêté mentionné au premier alinéa du présent I.
« Le même arrêté précise le délai accordé pour évacuer et démolir les locaux et installations mentionnés au même premier alinéa, qui ne peut être inférieur à un mois à compter de la notification de l’arrêté et de ses annexes aux occupants et aux propriétaires. Lorsque le propriétaire est non occupant, le délai accordé pour procéder à la démolition est allongé de huit jours à compter de l’évacuation volontaire des lieux.
« À défaut de pouvoir identifier les propriétaires, notamment en l’absence de mention au fichier immobilier ou au livre foncier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune et sur la façade des locaux et installations concernés.
« II. – Lorsqu’il est constaté, par procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire, qu’un local ou une installation est en cours d’édification sans droit ni titre dans un secteur d’habitat informel au sens du deuxième alinéa de l’article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée, le représentant de l’État dans le département peut, par arrêté, ordonner au propriétaire de procéder à sa démolition dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l’acte, effectuée dans les conditions prévues au I.
« III. – L’obligation d’évacuer les lieux et l’obligation de les démolir résultant des arrêtés mentionnés aux I et II ne peuvent faire l’objet d’une exécution d’office ni avant l’expiration des délais accordés pour y procéder volontairement, ni avant que le tribunal administratif n’ait statué, s’il a été saisi, par le propriétaire ou l’occupant concerné, dans les délais d’exécution volontaire, d’un recours dirigé contre ces décisions sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de justice administrative. L’État supporte les frais liés à l’exécution d’office des mesures prescrites. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 239 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 633 rectifié bis est présenté par MM. Leconte et Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. Cabanel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey et Lienemann, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mmes Lubin, Monier et S. Robert, MM. Roger et Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne, Vaugrenard et Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 239.
M. Fabien Gay. L’article 57 bis a été inséré par la voie d’un amendement du Gouvernement adopté en commission à l’Assemblée nationale.
Il permet aux représentants de l’État à Mayotte et en Guyane de procéder à l’évacuation et à la démolition des bidonvilles, dans des conditions d’efficacité renforcées, comme le résume le rapport.
De fait, l’efficacité recherchée sera de mise, puisque, contrairement au droit positif, ne seraient requis ni l’existence d’un projet d’aménagement et d’assainissement, ni l’avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, le CODERST, ni, surtout, l’ordonnance du juge statuant en la forme des référés.
Cette procédure dérogatoire est, à notre sens, inacceptable. Le Sénat s’honorerait à la supprimer.
Avec 20 000 baraquements de fortune en tôle à Mayotte, les fameux « bangas », et 7 130 hébergements du même type en Guyane, plus de 150 000 personnes seraient probablement concernées. Où iront ces personnes, sur un territoire réduit ?
Aucun relogement n’est garanti, puisque les autorités peuvent se contenter non pas de reloger ces personnes, mais de les placer dans un centre d’hébergement d’urgence – on connaît les conditions de vie, plus que précaires, qui y sont offertes, et les durées d’accueil dérisoires.
Finalement, avec l’article 57 bis, ces infortunés construiront ailleurs, sans aucune garantie supplémentaire de légalité et de salubrité, des habitations que le préfet s’empressera sûrement de démanteler, pour les mêmes raisons et selon la même procédure.
La saisine du juge et celle du CODERST garantissent la conformité d’une telle intervention publique avec les droits fondamentaux les plus élémentaires des personnes et avec la protection des occupants d’un habitat indigne.
Au lieu de financer des démantèlements, finançons plutôt l’amélioration massive et progressive de l’habitat et de son environnement – toitures, dallage, latrines, construction de ruelles… Engageons, comme dans les années 1990, des opérations de RHI – ou résorption de l’habitat insalubre – qui permettent de passer d’un bidonville à de l’habitat en dur.
Enfin, cette dérogation au droit commun est en contradiction avec la sélection de Mayotte pour une mise en œuvre accélérée du plan Logement d’abord.
Si cette situation est source d’importants troubles à l’ordre public, comme le souligne le Gouvernement dans son exposé des motifs, n’oublions pas qu’elle est aussi source de colère et de révolte chez les populations locales.
Aussi ne sommes-nous pas à l’abri d’un nouveau soulèvement social, comme celui qui a eu lieu en Guyane récemment. Ce serait à déplorer, mais nous en connaissons désormais les causes : tentons de les résorber plutôt que de les exacerber. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 633 rectifié bis.
M. Xavier Iacovelli. On compte entre 30 % et 40 % d’habitat illégal en Guyane et à Mayotte sous la forme d’habitats de fortune, de cases traditionnelles, d’habitations en bois et parfois même en dur, car implantées depuis plus d’une décennie.
L’importance du nombre de logements dits informels et leur concentration dans des bidonvilles comme Kawéni à Mamoudzou ou Caro-Bolé à Koungou exigent une réponse appropriée.
Les populations vivant dans ces quartiers, souvent étrangères en situation régulière ou de clandestinité, sont en effet exposées à des risques naturels élevés et à des conditions sanitaires propices au développement d’épidémies.
Face à cette situation, la ministre des outre-mer estime que, à Mayotte comme en Guyane, le retard en construction de logements n’est pas rattrapable, non du fait d’insuffisances budgétaires, mais parce que les nécessaires ressources, notamment en main-d’œuvre qualifiée, sont peu nombreuses. Néanmoins, le Gouvernement entend faire passer le nombre de constructions annuelles de 300 à 800 logements.
Le projet de loi donne au préfet la possibilité d’expulser les occupants d’habitats informels et de détruire ces habitats. Cette disposition vise, sans distinction, tous les habitats. Une telle action pourrait s’appliquer sans décision de justice et dans le délai extrêmement court d’un mois.
Cette solution n’offre aucune alternative aux résidents en termes de relogement, si ce n’est une proposition d’hébergement d’urgence pour une nuit seulement, alors que leur habitat peut avoir été édifié depuis plus d’une décennie.
Ce choix politique est également une source non négligeable de tensions que nous devons prendre en considération, comme l’a souligné M. Gay à l’instant.
Pour ces raisons, nous proposons de supprimer l’article 57 bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.
Nous attendons la réponse du ministre pour avoir des précisions sur le relogement des personnes concernées et sur la préparation de ces évacuations.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
L’article 57 bis a été introduit en commission à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement a souhaité accélérer la démolition des bidonvilles en Guyane et à Mayotte dans le cadre de la lutte contre la prolifération de l’habitat illicite dans ces départements.
Il s’agit d’un sujet extrêmement préoccupant qui exige des mesures importantes. Je tiens à souligner que nous avons apporté des garanties relatives à l’hébergement, au relogement et à la bonne information des personnes évacuées.
On ne peut laisser proliférer ces bidonvilles. Les conditions de vie des personnes malheureusement contraintes d’y résider sont absolument exécrables. C’est une réalité.
En l’état du droit, les dispositions prévues dans la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer étaient adaptées aux poches d’habitat informel résiduel aux Antilles et à La Réunion. Elles se sont révélées tout à fait insuffisantes pour des bidonvilles en pleine expansion à Mayotte et en Guyane.
Cet article 57 bis vise donc à compléter les dispositions existantes pour permettre aux préfets de Mayotte et de Guyane de procéder aux démolitions de locaux et d’installations sans qu’il soit nécessaire d’obtenir préalablement une ordonnance du juge et un avis du CODERST.
Pour garantir les droits des occupants, ce même article prévoit un délai minimal d’un mois pour procéder à l’évacuation, la possibilité de saisir le juge en référé et l’obligation du préfet de proposer à chaque occupant une solution de relogement ou d’hébergement d’urgence. Nous avons donc encadré le dispositif pour éviter d’aggraver encore la situation des habitants.
Il est absolument indispensable d’enrayer la prolifération de ces bidonvilles. La garantie des droits des occupants que nous mettons en œuvre est conforme à la tradition de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je souhaiterais apporter mon témoignage.
Avec d’autres membres de la commission des affaires sociales, je me suis rendu en Guyane pour visiter les hôpitaux de Kourou, de Saint-Laurent-du-Maroni et de Cayenne. À proximité de ces hôpitaux modernes, la population est souvent logée dans les conditions de salubrité absolument discutables.
Je retiens de cette expérience qu’on ne peut calquer les normes hexagonales sur une région comme la Guyane – je ne parlerai pas de Mayotte que je ne connais pas – qui mérite véritablement une attention très particulière du Gouvernement. Je pense qu’il faut essayer des procédures différentes. On ne peut laisser les choses en l’état.
Nous parlons d’une population française qui connaît des difficultés extraordinaires. À Saint-Laurent-du-Maroni, par exemple, les services administratifs sont incapables de savoir si telle ou telle population présente depuis des années est guyanaise ou non : ce sont avant tout des habitants des bordures du fleuve, qu’ils viennent de Guyane ou du Surinam.
Nous devons être attentifs à ces populations. J’ignore si le dispositif retenu est le bon, mais je sais qu’il faut faire quelque chose. Comment accepter une situation dans laquelle le centre spatial de Kourou et d’autres équipements modernes coexistent avec des personnes vivant dans les conditions d’insalubrité que l’on connaît.
Je fais confiance au Gouvernement et à Mme le rapporteur. Au moins nous essayons de faire quelque chose. Le statu quo n’est de toute façon pas acceptable.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. J’entends bien votre argumentaire, monsieur le ministre, que M. Savary vient de compléter.
Vous nous dites que les préfets ont la possibilité de reloger l’ensemble des habitants des baraques et des petites cases détruites. Il est tout de même question de 20 000 habitats à Mayotte et, je crois, de 7 000 en Guyane. Il s’agit d’une population importante.
Le Gouvernement, dont les projets sont louables, va plus que doubler le nombre de constructions dans ces départements pour passer de 300 à 800 logements par an. Avec de tels chiffres, comment comptez-vous loger l’ensemble des personnes concernées ?
Je comprends bien que le statu quo n’est plus acceptable, mais les propositions du Gouvernement pour reloger ces Guyanais et ces Mahorais sont insuffisantes au regard des besoins.
Enfin, il s’agit d’une décision administrative et non judiciaire, ce qui n’est pas acceptable à nos yeux.