M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai ces amendements de suppression. Je suis convaincue que le bail mobilité n’est pas la bonne solution au problème du logement des jeunes en stage.

Commençons par clarifier le statut du bail. Le locataire est-il ou non en résidence principale ? La tradition du droit sur les baux en France est justement de scinder ce qui relève d’une résidence principale de ce qui relève des activités commerciales.

Or, à la lecture du texte, j’ai l’impression – nous verrons lors de l’examen des amendements – que nous sommes sur un système hybride : le bail concernerait une résidence principale, alors que ce n’est pas vraiment le cas, puisque, selon le droit, la résidence principale est stable.

Ce système hybride ouvre la brèche dans un mécanisme conçu pour protéger la résidence principale. C’est source de précarité. Si votre résidence principale est temporaire, que faites-vous ensuite ? En revanche, vous pouvez très bien être dans une location qui n’est pas votre résidence principale, par exemple parce que vous êtes en train d’effectuer un stage. Et cette brèche qui s’ouvre aura pour conséquence une précarisation de la garantie absolue sur la résidence principale.

Oui, il y avait d’autres solutions ! Toutes les associations le disent. Je pense, par exemple, à la possibilité d’avoir des résidences éclatées, c’est-à-dire de fédérer des propriétaires qui sont d’accord pour avoir des locataires jeunes et qui acceptent de s’unir à travers une plateforme.

Monsieur le secrétaire d’État, il ne faut pas exagérer ! On n’a pas méprisé les jeunes depuis des années. J’ai connu la période du dispositif Loca-pass, qui était une très grande protection pour les jeunes ; d’ailleurs, on trouvait le 1 % trop cher. Le fond du problème est qu’il aurait fallu trouver les méthodes.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je reste convaincue que la garantie universelle des loyers, votée dans le cadre de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, que M. Valls n’a malheureusement pas voulu mettre en œuvre, apaiserait les relations entre locataires et propriétaires.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai écouté vos réponses avec attention. Nous sommes effectivement dans un vrai débat politique, voire de société : quelles perspectives offrons-nous aux jeunes ? Moi aussi, j’étais jeune il n’y a pas si longtemps ! (Sourires.)

Nous le savons, l’accès au logement est une des conditions d’émancipation, d’autonomie et d’indépendance de celui qui sort de l’adolescence pour devenir un jeune adulte. Je centrerai mon propos sur les étudiants, sans me prononcer sur le nombre de résidences à construire.

Les jeunes qui veulent se loger au cours de leurs études ne souhaitent pas forcément rester chez leurs parents. Ils veulent faire leurs études là où ils ont envie de les faire, afin de se construire comme individus.

Vous leur répondez avec le bail mobilité, conçu pour satisfaire des exigences financières. Mais – nous sommes nombreux ici à avoir été étudiants –, une fois que l’on quitte le foyer familial, ce n’est pas seulement de la rentrée à la fin de l’année universitaire ; c’est un ensemble.

Vous proposez aujourd’hui un tel dispositif, parce que, dans les villes universitaires, la pression des loyers est telle que des étudiants préfèrent louer d’octobre à juin, plutôt que d’avoir un vrai logement été comme hiver. Pour un étudiant, chaque mois compte, et il faut accepter d’en rabattre.

Vous ne répondez pas à l’aspiration de la jeunesse à construire sa vie en dehors du foyer familial.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Le débat que nous avons sur le sujet agite tout de même beaucoup le milieu associatif, notamment des locataires : la précarisation que nous constatons aujourd’hui va-t-elle croître et s’imposer ?

Je reconnais que le secrétaire d’État pose les vrais problèmes ; la réponse n’est peut-être pas adaptée aux vrais problèmes. Effectivement, il y a des moments de formation, et il faut pouvoir accueillir étudiants et apprentis. Mais certains craignent que ce bail mobilité ne soit un cheval de Troie contre la loi de 1989, qui régit l’ensemble des rapports locatifs. Or les associations de locataires tiennent beaucoup à cette loi. Beaucoup se demandent si on n’est pas en train de faire la même chose qu’avec le code du travail : précariser progressivement.

Alors que le locataire doit partir au terme du contrat, le propriétaire peut multiplier les baux locatifs. La situation est donc complètement déséquilibrée.

Comme le soulignait Marie-Noëlle Lienemann, il y avait certainement d’autres solutions pour répondre aux besoins conjoncturels. Mais il ne faut en aucun cas précariser le logement social.

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Je ne voudrais pas que l’on entende seulement des voix opposées à l’article 34.

Pour ma part, je le trouve approprié pour répondre à un certain nombre d’enjeux auxquels sont confrontées les populations, par exemple en cas de mobilité ou de mise en œuvre de dispositifs de courte durée.

Certes, il me paraît tout à fait opportun que des formules diverses de logements puissent être mises en place, à côté notamment du logement familial. Je pense à la possibilité de se loger dans des conditions plus souples sur un lieu ou sur différents lieux d’activité professionnelle.

Le public qui a été ciblé comme pouvant bénéficier du dispositif paraît tout à fait approprié. Je défendrai tout à l’heure un amendement visant à élargir le système aux salariés en mutation professionnelle.

Il me paraît franchement temps de nous adapter à la manière dont les choses se passent aujourd’hui. Cela a été nécessaire pour le droit du travail. Il faut, me semble-t-il, tenir compte de l’évolution des pratiques, y compris sur les questions de logement.

Ne soyons pas rétrogrades et arc-boutés sur des principes. Sachons évoluer avec le temps et adaptons-nous aux demandes de nos concitoyens.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 186 et 575.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article 34 (début)
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Discussion générale

11

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Dallier. Mon rappel au règlement concerne l’organisation de nos travaux.

Le président de la commission des finances réclamait depuis un certain temps la communication du rapport Cap 2022, qui contient des éléments sur lesquels le Gouvernement va travailler pour réaliser des économies.

Ayant sous les yeux les mesures qui concernent le logement, je me demande si tout ce que nous sommes en train de faire a encore du sens, au vu du contenu du rapport.

Il est envisagé de transformer la participation des employeurs à l’effort de construction, la PEEC, en ressource fiscale. Les bras m’en tombent. Que valent nos débats et tout ce que nous avons pu dire sur Action Logement ?

M. Fabien Gay. C’est sûr !

M. Philippe Dallier. Le rapport recommande aussi la prise en compte de l’ensemble des revenus pour le calcul des aides personnalisées au logement, ou APL. Sont également visés le rapprochement des conditions de marché pour les ménages dont le revenu est suffisant dans le parc social et l’amélioration de la péréquation entre les bailleurs de ce parc.

Enfin, il est prévu de réformer le cadre fiscal de l’investissement locatif privé, avec notamment le remplacement du dispositif Pinel par un régime de déduction des charges de propriété pour l’ensemble des investisseurs.

Monsieur le secrétaire d’État, il s’agit de sujets très importants. Quel serait le sens de tous les débats que nous venons d’avoir si vous ne reteniez ne serait-ce qu’une ou deux de ces propositions ?

Je le précise, le rapport a été mis en ligne par un syndicat de la Direction générale des finances publiques. Il n’était manifestement pas possible de l’obtenir par les voies ordinaires, malgré les demandes répétées du président de la commission des finances.

Je suis très étonné. Nous allons travailler très tard ce soir, jusqu’à deux heures du matin, ainsi que lundi. Mais ce dont nous allons discuter sera peut-être remis en cause dans un délai très court et de manière assez fondamentale. C’est tout de même assez étonnant !

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m’interroger sur ce point, et de me donner ainsi l’occasion de vous répondre très clairement, afin, je l’espère, d’apaiser d’éventuelles craintes.

Le rapport Cap 2022 a été réalisé par des fonctionnaires, des chefs d’entreprise et des économistes qui ont exprimé leur vision. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit ni d’une feuille de route gouvernementale – certains sujets évoqués ne sont même pas à l’agenda – ni d’une quelconque décision que le Gouvernement pourrait prendre.

Ainsi, il a toujours été très clair que la PEEC ne serait pas refiscalisée.

En outre, les auteurs du rapport prônent parfois des mesures que nous appliquons déjà, comme la réforme du logement social, avec des regroupements. Selon eux, il serait préférable que les statuts des bailleurs sociaux soient homogènes, afin de cesser d’avoir des offices, des entreprises… Le Gouvernement ne suivra pas cette recommandation.

Le rapport n’engage que ses auteurs. Il ne s’agit ni d’une feuille de route gouvernementale ni des décisions putatives que nous pourrions prendre. Ce sont des propositions formulées par des experts. Vous savez très bien que différents rapports sont remis chaque année. Je pourrais évoquer le rapport Spinetta sur les petites lignes.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il a quand même bien influencé votre gouvernement !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat. Je vous rassure donc solennellement : ce rapport n’engage pas le Gouvernement.

M. Philippe Dallier. C’est comme le rapport Borloo !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour un rappel au règlement.

M. Pierre Ouzoulias. Mon rappel au règlement se fonde sur le même article. (Sourires.)

Monsieur le secrétaire d’État, votre défense n’est pas recevable. Si le rapport est seulement un guide ou une contribution au débat, pourquoi ne pas avoir l’avoir rendu public ?

Comme tous mes collègues, j’ai découvert ici en séance, grâce à un syndicat, le contenu du rapport sur la réorganisation de tous les services déconcentrés de l’État. Pourtant, nous avons passé une heure et demie à discuter de l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France, l’ABF !

M. Philippe Dallier. Une heure et demie aujourd’hui, et autant hier !

M. Pierre Ouzoulias. Et, grâce à la CGT de la culture, je sais qu’il va y avoir une complète réforme du ministère de la culture : ce sur quoi nous avons passé une heure et demie à discuter n’a plus aucune importance.

Votre défense n’est pas recevable, je le répète. Si c’était vraiment un simple document indicatif, il fallait le communiquer. Vous en avez assuré une telle confidentialité que cela lui donne de l’importance. Aujourd’hui, nous sommes certains que c’est votre programme.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le Gouvernement a manifestement un problème avec les rapports !

M. Philippe Dallier. Ça, c’est sûr !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Normalement, quand on commande un rapport, c’est qu’on pense qu’il va avoir des conclusions intéressantes, à prendre en compte, même si des éléments seront écartés.

Or on n’a tenu compte ni du rapport Borloo, célèbre pour les fameux « deux mâles blancs », ni du rapport Taché.

En général, les rapports pour lesquels on nous dit qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter sont aussi ceux qu’on préfère éviter de rendre publics, afin de pouvoir les mettre en œuvre de manière saucissonnée. On en applique une petite partie, puis une autre… Par exemple, on nous avait assuré qu’il ne fallait pas nous inquiéter lors de la remise du rapport Attali ; Nicolas Sarkozy avait dit qu’il reprendrait seulement quelques propositions. Or j’ai vu la haute fonction publique française, quels que soient les gouvernements, nous ressortir ce que ces hauts fonctionnaires si compétents avaient pensé. C’est ainsi qu’un rapport peut être mis en œuvre intégralement en étant découpé en tranches !

C’est malsain pour la démocratie : soit on assume une réorientation politique, soit on commande des rapports qui correspondent aux choix qu’on avait anticipés.

J’ai les plus vives inquiétudes. Par exemple, sur le 1 %, on va nous dire qu’il ne sera pas fiscalisé, mais on nous exhortera à faire un effort. Quand j’étais ministre, on m’a également menacée de le fiscaliser ; puis, on m’a dit qu’il y aurait un prélèvement.

Le débat budgétaire que je vois se profiler à travers de tels documents va mettre à mal toute une série des engagements qui ont été pris dans nos débats.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame Lienemann, vous indiquez que l’on parlait déjà de fiscaliser la PEEC au début des années 2000.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Des années 1990 !

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat. De vous à moi, combien y a-t-il eu de rapports prônant une telle mesure depuis les débuts des années 1990 ? Vos propos démontrent qu’il s’agit simplement d’un énième rapport, reprenant une idée dont on parle depuis les années 1990.

Monsieur Ouzoulias, vous posez une question légitime : faut-il ou non rendre publics ces rapports ? Le Premier ministre a été très clair : il a bien précisé que le rapport avait été rédigé par des économistes, des hauts fonctionnaires et des chefs d’entreprise. Ensuite, il y a eu des réunions avec les différents ministres concernés. Ainsi, Mme la ministre du travail a fait une communication pour indiquer quelles propositions seraient reprises. Je pense que c’est de bonne politique d’agir ainsi.

Le rapport ne présage aucune décision, aucun programme. Le fait même que vous indiquiez au sein de la Haute Assemblée que le rapport ferait « loi » montre à quel point nous avons tous développé un rapport complexe aux rapports.

12

Article 34 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique
Article 34

Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 34.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique
Article 34 bis (supprimé)

Article 34 (suite)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 975, présenté par Mme Rauscent, MM. Théophile, Bargeton et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

en formation professionnelle,

insérer les mots :

en mutation professionnelle,

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. J’aimerais répondre aux auteurs des rappels au règlement, mais je préfère revenir sur le débat que nous avions auparavant.

Vous évoquez la précarité du logement ? Partons d’un constat simple. Aujourd’hui, 1,2 million de jeunes sont en situation de précarité. Ce n’est pas seulement un problème de logement. Ils sont dans la précarité en général.

Pour ma part, je crois beaucoup à l’article 34.

Mon amendement vise même à améliorer cet article 34 qui concerne les professionnels en mission, mais oublie d’intégrer les personnes en mutation professionnelle.

Or changer d’emploi est souvent synonyme de changement de ville. Les personnes en mutation professionnelle manquent de point d’appui et ne peuvent pas forcément s’engager dans un bail traditionnel. La flexibilité offerte par le bail mobilité permet de répondre à cette difficulté et d’accompagner ces changements de vie, parfois très difficiles.

L’amendement s’inscrit ainsi pleinement dans la philosophie du texte qui vise, notamment, à lutter contre « l’assignation à résidence » en offrant à chacun la possibilité de vivre et d’évoluer en fonction de ses besoins.

Voilà pourquoi il convient d’élargir le champ des bénéficiaires du bail mobilité aux personnes effectuant une mutation professionnelle.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 62 rectifié sexies est présenté par MM. Daubresse, Magras, H. Leroy et Brisson, Mmes L. Darcos et Eustache-Brinio, MM. Morisset et Charon, Mme Di Folco, M. Bazin, Mmes Garriaud-Maylam et Lopez, MM. de Nicolaÿ, Rapin et Hugonet, Mmes Deroche et F. Gerbaud, M. Priou, Mme Thomas, M. Revet, Mmes Delmont-Koropoulis et Deromedi, M. Pierre, Mme Deseyne, MM. Savin, Chasseing, B. Fournier, Mayet et Cuypers, Mmes Lherbier, Berthet, Bonfanti-Dossat et Chain-Larché et MM. Husson et Mandelli.

L’amendement n° 671 rectifié bis est présenté par MM. Dallier et Bascher, Mmes Dumas et Lamure, M. Lefèvre, Mme Micouleau et MM. Milon, Panunzi et Sido.

L’amendement n° 908 rectifié est présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union Centriste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Après les mots :

service national

insérer les mots :

, en mutation professionnelle

La parole est à M. Michel Magras, pour présenter l’amendement n° 62 rectifié sexies

M. Michel Magras. Cet amendement de notre collègue Marc-Philippe Daubresse vise également à élargir le champ du bail mobilité aux salariés en mutation professionnelle.

Le dispositif du bail mobilité est conçu pour répondre à des besoins ponctuels de logement dans le cadre d’une mobilité professionnelle, laquelle conduit fréquemment le salarié muté à rechercher une solution de logement temporaire, dans l’attente du déménagement de l’ensemble du ménage et d’une installation plus durable.

Ouvrir le champ du bail mobilité aux salariés en mutation professionnelle est de nature à offrir une solution de logement supplémentaire à ces personnes pour lesquelles la mobilité constitue un point d’appui dans le parcours professionnel.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° 671 rectifié bis.

M. Philippe Dallier. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 908 rectifié.

M. Michel Canevet. Cet amendement du groupe Union Centriste devait être présenté par Mme Valérie Létard qui a dû s’absenter. Il vise à intégrer dans les potentiels bénéficiaires du bail mobilité les salariés en mutation professionnelle, considérant qu’un tel dispositif leur offre des opportunités pour se loger. Les salariés en mutation professionnelle doivent, en effet, garder une résidence principale. Ouvrir le champ du bail mobilité peut leur permettre de trouver une solution de logement temporaire sur leur lieu d’affectation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Ces amendements tendent à élargir le champ du bail mobilité au cas de mutation professionnelle. C’est une très bonne chose. La commission est favorable à ces quatre amendements, sous réserve que l’amendement n° 975 soit rectifié pour être rendu identique aux trois autres.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Même avis.

M. le président. Monsieur Lévrier, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 975 dans le sens suggéré par Mme le rapporteur ?

M. Martin Lévrier. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 975 rectifié, présenté par Mme Rauscent, MM. Théophile, Bargeton et les membres du groupe La République En Marche, et ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

service national

insérer les mots :

, en mutation professionnelle

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je vous entends bien, mon cher collègue Lévrier, nous devons avancer dans le débat, mais même M. le secrétaire d’État l’a reconnu : les salariés en mutation professionnelle ne sont franchement pas le public visé. C’est peanuts ! La question ici, c’est la formation professionnelle, l’apprentissage, les étudiants et les étudiantes. N’ai-je pas raison, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat. Oui.

M. Fabien Gay. Arrêtons donc avec cet argument qui laisserait à penser que le bail mobilité peut faciliter les choses pour ce public. D’ailleurs, pour les salariés en mutation professionnelle, il n’y a pas de souci, mais ils représentent 1 % des cas. Ils ne constituent donc pas la généralité.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai entendu les arguments qui ont été avancés, mais je pense que la politique consiste aussi à donner une vision d’avenir. Est-ce qu’on propose de la sécurité dans les parcours pour le XXIe siècle ou est-ce qu’on propose de la précarité ? Au travers du bail mobilité, c’est la précarité qui domine !

Un bail de un à dix mois ne sécurise pas. Je vous ai posé la question en commission des affaires économiques : que fera le jeune au bout de quatre mois, de six mois ou de dix mois ? C’est une vraie question ! Retournera-t-il chez ses parents ? Enchaînera-t-il avec un autre bail mobilité de quatre, de six ou de dix mois ? Pire, ira-t-il engraisser un marchand de sommeil ? C’est ça la vraie vie !

Dernière chose, je vous ai interrogé tout à l’heure sur la mission temporaire. Le bail mobilité s’adressera-t-il aux CDD ? Ce n’est pas clair d’un point de vue juridique. Le groupe CRCE prône les CDI, mais malheureusement beaucoup de contrats aujourd’hui sont des CDD. Il convient d’être honnête avec nos concitoyens : s’ils obtiennent un CDD, auront-ils un bail mobilité et rien d’autre ?

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je n’ai pas pour habitude de défendre particulièrement le Gouvernent, mais je ne comprends pas les arguments de notre collègue Gay.

En réalité, ce bail ne vient se substituer à aucun autre bail. C’est uniquement une possibilité qui s’additionne aux autres baux. Si un étudiant pense qu’il va s’inscrire dans une école, loin de chez ses parents, pour une période de deux ou de trois ans, il signera un bail différent d’un bail mobilité, cette dernière formule convenant davantage au cas du stage à l’autre bout de la France, par exemple. Un saisonnier qui doit se loger trois mois pour la saison de ski ou au bord de la mer utilisera aussi ce bail mobilité. Il s’agit donc d’une possibilité supplémentaire dans le catalogue des différentes possibilités.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas lui qui choisira, c’est le propriétaire !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. En quoi cette facilité constituerait-elle un danger ? Vous avez posé la question de savoir ce que fera le jeune au terme du bail mobilité s’il doit rester sur place. Eh bien, dans ce cas, il louera un logement avec un autre type de bail.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Encore faut-il qu’il trouve !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. J’ai donc du mal à saisir vos arguments.

M. Fabien Gay. Je vous répondrai plus tard, madame la présidente.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.

M. Sébastien Meurant. Cette mesure n’enlève rien, elle offre uniquement, comme vient de le souligner Mme la présidente, des possibilités supplémentaires qui permettront à quelques milliers de personnes de se loger plus facilement. Le vrai problème, c’est plutôt l’emploi et les salaires par rapport au coût du logement. Dans d’autres pays, l’emploi des jeunes n’est pas aussi précarisé qu’il l’est en France où ceux-ci enchaînent les CDD. Il est effectivement beaucoup plus stable et les niveaux de rémunération permettent l’accès au logement, ce qui n’est plus le cas chez nous. Voilà le vrai problème ! Sans parler du fait que les loyers explosent depuis des années.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat. Je ne reviendrai pas sur les arguments développés par M. le sénateur et par Mme la présidente de la commission, que je partage en tous points.

J’aimerais que l’on se mette à la place du propriétaire. Certains d’entre eux voient débarquer un saisonnier ou une personne en stage de césure : il sait très bien que c’est pour six mois. Beaucoup de propriétaires hésitent à louer leur appartement pour six mois, parce que cela les obligera à trouver un autre locataire à brève échéance. Tous les propriétaires ne se rueront donc pas sur le bail mobilité. Mme Lienemann se demande s’il y aura toujours des baux soumis à la loi de 1989. Mais l’immense partie des propriétaires feront des baux standards !

Enfin, pour répondre très clairement à votre question, monsieur Gay, les CDD ne seront pas éligibles au bail mobilité, sauf en cas de mobilité professionnelle au titre de ce CDD.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Cette discussion est surréaliste. J’ai l’impression que l’on n’est pas dans la vraie vie. Vous dites que c’est un bail qui s’ajoute à un autre. Mais on ne multiplie pas les baux comme certains ont multiplié les pains dans la mythologie !

M. Roger Karoutchi. En fait de mythologie, il s’agit de la Bible !

Mme Cécile Cukierman. Ça ne marche pas comme ça ! À un moment donné, ça va s’aligner !

Sans tomber dans la caricature du propriétaire qui veut faire de l’argent pour faire de l’argent et qui n’a aucun rapport avec son locataire – j’ai été locataire et je n’ai jamais eu de problème avec mon propriétaire –, il y a un vrai souci dans notre pays pour ceux à qui s’adresse le bail mobilité,…

M. Michel Canevet. Il s’agit des travailleurs saisonniers !

Mme Cécile Cukierman. … pas partout bien sûr, mais dans les zones tendues.

Les zones tendues, ce sont les grandes villes étudiantes – en termes de nombre, bien entendu, pas en termes de qualité – et les stations touristiques d’été ou d’hiver. Dans ces zones, il existe une pression réelle. On ne va donc pas se la raconter, les propriétaires auront tout intérêt à multiplier et à enchaîner des baux mobilité plutôt que de louer sur le long terme, d’autant qu’il n’est pas certain que les locataires resteront. Voilà la vraie difficulté !

Que vos enfants viennent faire leurs études à Saint-Étienne, en zone détendue, et ils n’auront pas de problème de bail mobilité ! De toute façon, dans ma ville, même avec un bail traditionnel, les loyers sont très bas et ils auront toujours de la place à l’université, qui est de qualité. Mais nous savons tous qu’il n’en va pas de même dans toutes les villes, que dans certaines d’entre elles il est compliqué de se loger et d’enchaîner les baux d’une année sur l’autre. On ajoute donc un stress supplémentaire aux étudiants. Ce bail mobilité est « séduisant » au début, en ce sens qu’il facilitera les démarches, mais, d’une année sur l’autre, il faudra de nouveau trouver un logement, ce qui deviendra de plus en plus difficile, car l’on proposera de moins en moins de baux traditionnels à ces jeunes. Comme vous l’avez vous-même rappelé, c’est aussi ça dans notre pays la réalité de l’accès au logement !