M. Didier Rambaud. Sur l’initiative de notre collègue Richard Yung, nous proposons de commencer une réflexion sur les mesures prises par les pays membres de l’Union européenne en matière de fiscalité. Nous souhaitons nous appuyer sur les critères du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises adopté par le conseil des ministres de l’économie et des finances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Oui, le Gouvernement a fait de la lutte contre la fiscalité dommageable l’un de ses principes d’action. Mais la Commission européenne est aujourd’hui à la tâche, et le ministre de l’économie et des finances veille à ce que le but qui nous est commun soit recherché dans le cadre des négociations avec nos partenaires européens, dans le domaine très particulier de la fiscalité où, je vous le rappelle, l’unanimité est de règle.
Pour ne pas gêner ces efforts par l’interprétation qui pourrait être faite de cet amendement, et même si nous partageons les mêmes constats, je vous demande, monsieur le sénateur, de retirer cet amendement, quitte à ce que vous le représentiez, dans le cadre du projet de loi de finances ou d’un autre texte financier, si M. le ministre de l’économie et des finances n’obtient pas ce qu’il vous a dit rechercher.
M. Didier Rambaud. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 88 est retiré.
Article 12 (nouveau)
Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
I. – L’avant-dernier alinéa de l’article L. 247 est supprimé.
II. – L’article L. 251 A est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , qui mentionne le nombre, le montant total et le montant moyen des remises accordées, répartis par type de remise accordée et par imposition concernée, pour les personnes morales et pour les personnes physiques » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Sont notifiées chaque année au président et au rapporteur général des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances les transactions conclues par l’administration en application du 3° de l’article L. 247 et dont le montant de l’atténuation accordée est supérieur à 200 000 euros ou qui portent sur des faits ayant fait l’objet d’une plainte de l’administration fiscale. La notification mentionne l’identité du contribuable, le montant de l’atténuation accordée et les motifs ayant conduit l’administration à l’accorder. »
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.
M. Éric Bocquet. Cette intervention sur l’article vaudra défense de l’amendement n° 49, monsieur le président.
L’article 12 porte sur une question assez essentielle dans le travail de l’administration fiscale aujourd’hui : celle de l’état des lieux annuel de la pratique de la transaction en procédure contentieuse.
Nous avons déjà eu l’occasion, lors de la discussion du projet de loi portant, entre autres sujets, sur le fameux droit à l’erreur, de pointer du doigt la pratique de la transaction, fort répandue malgré les exclusions formelles figurant encore dans le code.
La transaction est fort utilisée en matière de contrôle douanier ; elle est même le mode de résolution par excellence de dossiers de contentieux. Elle est également employée de longue date pour les impôts gérés par la DGFiP. C’est le cas notamment parce que chaque dossier d’une certaine importance et concernant des fraudes d’un montant significatif pose la question de la capacité immédiate du contribuable concerné à faire face à ses obligations.
En clair, il s’agit de mesurer la capacité contributive du redevable et d’adapter la décision finale à cette capacité. Nul besoin, par exemple, de « charger la barque » lorsque les impôts dus par une entreprise risquent de mettre en péril son existence même, avec la perspective, pour le Trésor public, de se retrouver avec une admission en non-valeur.
La transaction peut fort bien consister à prévoir un échéancier de paiement des droits et impôts dus, assortis de pénalités dont le montant pourra éventuellement être réduit à raison des efforts et versements accomplis par le redevable.
Sur cet article, nous avons déposé deux amendements, dont l’un soulève, semble-t-il, des questions de constitutionnalité.
Posons-nous cependant cette question préalable : l’organisation d’un débat au sein des assemblées sur les questions de recouvrement des créances fiscales impayées et des transactions réalisées dans ce cadre ne pourrait-elle pas faire l’objet d’une modification de la loi organique relative aux lois de finances ou de l’ordonnance relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ?
Connaître de la gestion de ces dossiers complexes, même sous une forme anonymisée – ce que nous préférons, d’où l’amendement n° 50 –, nous semble participer du travail fondamental du Parlement : le contrôle de l’utilisation des ressources publiques et leur allocation.
M. le président. L’amendement n° 105 rectifié, présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le Gouvernement publie chaque année, dans le fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances, les résultats de l’application de la politique de remises et de transactions à titre gracieux par l’administration fiscale, incluant les données de la direction générale des finances publiques et de la direction générale des douanes et des droits indirects. Il mentionne le nombre, le montant total et le montant moyen des remises accordées, répartis par type de remise accordée et par imposition concernée, pour les personnes morales et pour les personnes physiques.
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 247 est supprimé
2° – L’article L. 251 A est ainsi rédigé :
« Art. L. 251 A. – Sont notifiées chaque année au président et au rapporteur général des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances les transactions conclues par l’administration en application du 3° de l’article L. 247 et dont le montant de l’atténuation accordée est supérieur à 200 000 euros ou qui portent sur des faits ayant fait l’objet d’une plainte de l’administration fiscale. La notification mentionne l’identité du contribuable, le montant de l’atténuation accordée et les motifs ayant conduit l’administration à l’accorder. »
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. La loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière charge le ministre du budget de publier chaque année un rapport sur l’application de la politique de remises et de transactions à titre gracieux réalisées par l’administration fiscale.
Or le premier rapport n’a été publié que le 14 avril 2017. Sans compter que la direction générale des douanes et droits indirects ne s’est pas encore prêtée à cet exercice.
La Cour des comptes a constaté qu’il y avait un problème et préconisé que ce rapport soit annexé, chaque année, au projet de loi de finances. Tel est l’objet de mon amendement.
Contrairement à ce que j’ai entendu en commission des finances ce matin, cet amendement n’est pas satisfait par l’amendement adopté par la commission. En effet, celle-ci a prévu que, chaque année, seront communiquées au président et au rapporteur général des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat l’ensemble des transactions de plus de 200 000 euros. Je propose que, au surplus, soit annexé au projet de loi de finances un rapport exhaustif sur la politique générale de remises et de transactions.
Les deux mesures sont complémentaires. On comprend bien, en effet, que les transactions communiquées au président et au rapporteur général des commissions des finances ne seront pas publiables ; nécessairement soumises au secret fiscal, elles ne circuleront pas vers le grand public, ni même au sein de la commission.
Je sais que la commission est sensible à la nécessité de ne pas accumuler les rapports, mais celui dont il s’agit n’est pas nouveau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. En commission ce matin, nous avons peut-être été un peu rapides, mais je vous confirme, mon cher collègue, que ce rapport existe bien ; il nous a été remis le 14 mars 2017, certes tardivement. La commission a introduit à l’article 12 des dispositions qui l’enrichissent. Votre amendement est donc satisfait, et j’en sollicite le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Capus, l’amendement n° 105 rectifié est-il maintenu ?
M. Emmanuel Capus. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 49, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° La seconde phrase est ainsi rédigée : « Ce rapport fait l’objet d’un débat chaque année, avant l’examen de la loi de finances initiale, devant l’Assemblée nationale et le Sénat. »
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La possibilité d’un débat annuel est déjà prévue. Le rendre obligatoire serait contraire à la Constitution, puisque les assemblées sont maîtresses de leur ordre du jour. Si nous voulons organiser un tel débat, il nous appartient de le faire.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, satisfait par l’article L. 251 A du livre des procédures fiscales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Bocquet. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 49 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 90, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, de Belenet, Mohamed Soilihi, Richard et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. L’article 12 prévoit que les transactions d’un montant supérieur à 200 000 euros ou qui portent sur des faits ayant fait l’objet d’une plainte de l’administration fiscale seront notifiées, une fois par an, au président et au rapporteur général des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cette notification mentionnerait « l’identité du contribuable, le montant de l’atténuation accordée et les motifs ayant conduit l’administration à l’accorder. »
Notre amendement vise à supprimer cette notification, au motif que la communication de telles informations, notamment l’identité du contribuable, contrevient à différentes règles du secret professionnel et du respect de la vie privée.
M. le président. L’amendement n° 104, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Supprimer les mots :
et dont le montant de l’atténuation accordée est supérieur à 200 000 euros ou
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. J’invite M. le sénateur Rambaud à retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement qui vise à revenir seulement sur la notification des transactions pour lesquelles le montant de l’atténuation est supérieur à 200 000 euros. Il s’agit d’atteindre un compromis avec le texte de la commission.
Les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances peuvent accéder à l’intégralité de ces informations grâce à leurs pouvoirs exorbitants. Par ailleurs, le Gouvernement transmet chaque année un certain nombre d’éléments dans un rapport qui leur est remis.
Monsieur le rapporteur, cet amendement reconnaît les pouvoirs du Parlement et les prérogatives de votre fonction, tout en garantissant le secret fiscal.
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Première phrase
Remplacer les mots :
et dont le montant de l’atténuation accordée est supérieure à 200 000 euros ou qui portent
par le mot :
portant
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
l’identité du contribuable, le
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Environ 3 500 transactions sont réalisées chaque année. Je rappelle, pour nos collègues qui ne sont pas membres de la commission des finances, qu’une transaction ne porte jamais sur le montant de l’impôt, mais sur la remise de pénalités : l’administration peut réduire les pénalités, mais l’impôt reste dû.
Nous avons souhaité obtenir une information sur les transactions en cas d’intention de porter plainte ou de plainte déposée au plan pénal. Je crois que le Gouvernement y est défavorable.
Faut-il aller plus loin ? Nous avons prévu le seuil de 200 000 euros, dans la mesure où il correspond à un seuil de délégation. La commission souhaite maintenir son texte et émet un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Si cet amendement est adopté, cela ne changera pas la face des choses, puisque le président de la commission des finances et moi-même procéderons, en vertu de nos pouvoirs prévus par la LOLF, à un contrôle sur place de la liste des transactions. En d’autres termes, si le rapport ne se déplace pas, c’est nous qui nous déplacerons…
M. le président. Monsieur Rambaud, l’amendement n° 90 est-il maintenu ?
M. Didier Rambaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 90 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 50 ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12.
(L’article 12 est adopté.)
Article additionnel après l’article 12
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 60 rectifié est présenté par Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 251 du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La transaction devenue définitive éteint l’action publique pour la répression des délits prévus au présent code afférents aux impositions qu’elle vise et des délits de recel et de blanchiment de ceux-ci. »
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement, que j’ai évoqué au cours de la discussion générale, vise à compléter l’article L. 251 du livre des procédures fiscales pour prévoir que « la transaction devenue définitive éteint l’action publique pour la répression des délits prévus au présent code ».
Il s’agit d’une transposition de l’article 1244 du code civil. Par cohérence et pour éviter les divergences et contradictions de jugement, la transaction en matière fiscale doit entraîner l’extinction des procédures.
Comme précédemment avec la procédure de la question préjudicielle, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter ces amendements de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements identiques, parce que les deux procédures sont indépendantes. La transaction met fin à la procédure fiscale – c’est là son intérêt. Les poursuites pénales, elles, portent non pas sur le montant dû, mais sur l’intentionnalité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’avis est défavorable. D’ailleurs, je m’étonne que les sénateurs communistes aient présenté un tel amendement, puisqu’il est quelque peu contraire à la position qu’ils défendent depuis le début de l’examen de ce texte : en effet, la transaction viendrait éteindre la poursuite. On n’en demande pas tant, monsieur le sénateur…
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’avais le sentiment que cela apportait plutôt une garantie aux contribuables. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 60 rectifié est retiré.
Monsieur Bocquet, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
TITRE III
Réforme de la procédure de poursuite pénale de la fraude fiscale
(Division et intitulé nouveaux)
Article 13 (nouveau)
I. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 228 est ainsi modifié :
a) Avant le premier alinéa, il est ajouté un I ainsi rédigé :
« I. – L’administration est tenue de déposer une plainte tendant à l’application de sanctions pénales en matière d’impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d’affaires, de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre dès lors que les faits qu’elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle prévu à l’article L. 10 du présent livre remplissent les critères cumulatifs suivants :
« 1° Les droits dus relèvent, pour un montant supérieur au seuil fixé par décret en Conseil d’État, des cas d’application du c du 1 de l’article 1728 du code général des impôts, du début du b ou du c de l’article 1729, du I de l’article 1729-0 A, de l’article 1732 ou du dernier alinéa de l’article 1758 du même code ;
« 2° Soit le même contribuable a déjà été sanctionné pour des faits identiques et relevant du 1° pendant deux des quatre années précédentes, soit les faits sont susceptibles de relever des deuxième à septième alinéas de l’article 1741 du même code.
« Si toutefois l’administration considère, pour des motifs propres aux faits concernés, qu’il n’y a pas lieu de déposer plainte alors même que ceux-ci remplissent ces critères, elle en informe le parquet compétent. Celui-ci peut demander à l’administration toutes informations relatives aux faits concernés, dans les conditions prévues par l’article L. 141 B du présent code, et engager l’action publique. »
b) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;
– après le mot : « plaintes », sont insérés les mots : « , autres que celles prévues au I, ».
2° L’article L. 228 A est abrogé ;
3° Après l’article L. 141 A, il est inséré un article L. 141 B ainsi rédigé :
« Art. L. 141 B. – Les agents de l’administration sont déliés du secret professionnel à l’égard du procureur de la République pour la mise en œuvre du dernier alinéa du I de l’article L. 228. » ;
4° À l’article L. 232, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : « , ou en application du cinquième alinéa du I de l’article L. 228, ».
II. – L’article 1er de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière est abrogé.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard dix-huit mois après le 1er janvier de l’année suivant l’entrée en vigueur du I, un rapport présentant le bilan de la mise en œuvre de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction résultant de la présente loi. Ce rapport indique, en les répartissant par impôts, droits et taxes ainsi que par catégories socio-professionnelles et en précisant le montant des droits visés pénalement :
– le nombre de plaintes déposées sur une année civile en application des premier à cinquième alinéas du I du même article L.228 ;
– le nombre de dossiers pour lesquels l’administration a considéré, en application du cinquième alinéa du même I, qu’il n’y avait pas lieu de déposer plainte ;
– parmi les dossiers mentionnés au troisième alinéa du présent III, le nombre des dossiers ayant fait l’objet de poursuites ;
– les suites données par l’autorité judiciaire aux dossiers ayant fait l’objet de poursuites.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 9 rectifié est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 46 est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° 68 rectifié est présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au huitième alinéa de l’article 1741, les mots : « , en cas de dissimulation, que si celle-ci excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 € » sont remplacés par les mots « que si le montant des impositions mises à la charge du contribuable excède 50 000 € ou 10 000 € si le contribuable exerçait un mandat électoral ou occupait une fonction ministérielle sur la période de reprise des impositions » ;
2° L’article 1741 A et le 3 de l’article 1746 sont abrogés.
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié
1° L’article L. 228 est ainsi rédigé :
« Art. L. 228 – Les plaintes tendant à l’application de sanctions pénales en matière d’impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d’affaires, de droit d’enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbres, sont adressées par l’administration au procureur de la République territorialement compétent en application de l’article L. 231 du présent livre.
« Sans préjudice des plaintes dont elle prendrait elle-même l’initiative, l’administration porte à la connaissance du procureur de la République les procédures dans lesquelles les opérations de contrôle :
« – soit conduisent à l’application de majorations supérieures à 100 000 euros en application du c du 1 de l’article 1728, de l’article 1729 ou de l’article 1729-0 A du code général des impôts ;
« – soit révèlent des faits susceptibles de relever de la qualification de fraude fiscale aggravée prévue au deuxième alinéa de l’article 1741 du même code ;
« – soit mettent en cause une personne physique ou une personne morale ayant déjà fait l’objet au moment de la commission des faits, en tant que contribuable ou en tant que dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale contribuable, de majorations en application du c du 1 de l’article 1728, de l’article 1729 ou de l’article 1729-0 A dudit code, devenues définitives.
« Lorsque de tels faits sont portés à sa connaissance par l’administration, le procureur de la République exerce l’action publique dans les conditions prévues par les articles 40-1 et suivants du code de procédure pénale.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’examen conjoint des dossiers concernés par l’administration et l’autorité judiciaire.
« Si le procureur de la République décide de ne pas engager de poursuites, il en informe l’administration qui peut alors transiger avec le contribuable ou se constituer partie civile devant le juge d’instruction si elle souhaite que des poursuites pénales soient mises en œuvre.
« Si le procureur de la République ouvre une enquête, il fait application des dispositions de l’article L. 10 B du présent livre et peut également saisir les agents mentionnés à l’article 28-2 du code de procédure pénale. » ;
2° L’article L. 228 B est abrogé ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 230 est supprimé ;
4° À l’article L. 188 B, les mots : « dans les cas visés aux 1° à 5° de l’article L. 228 » sont supprimés.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
M. Éric Bocquet. Nous voici face au verrou de Bercy. Relevons d’entrée certains éléments du débat, dont plusieurs d’entre eux ont déjà été évoqués.
Cet article ne figurait pas dans le texte initial du projet de loi et a donc été ajouté, compte tenu du travail accompli en commission et de la sensibilité croissante du Sénat, comme de l’Assemblée nationale d’ailleurs, au problème de la procédure pénale en matière fiscale pour trouver un nouvel équilibre entre la toute-puissance des directions de l’administration, y compris à l’encontre, bien souvent, des initiatives mêmes des services déconcentrés, et le pouvoir discrétionnaire de la commission des infractions fiscales, la CIF.
Le Syndicat de la magistrature, dans son mémoire relatif au texte, indique : « Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude s’inscrit dans une démarche, quasi assumée dans l’exposé des motifs, de compensation de l’indulgence affichée envers les fraudeurs à l’occasion du projet de loi “pour un État au service d’une société de confiance” et du refus déterminé de levée du “verrou de Bercy”. »
Le présent projet de loi est néanmoins très modeste dans son ambition, se contentant pour l’essentiel d’aménagements à la marge, de modifications cosmétiques et d’un renforcement des sanctions fiscales administratives qui s’inscrit avant tout dans une volonté de marginaliser la poursuite pénale des auteurs de délits fiscaux, de légitimer le maintien d’un traitement principalement administratif de la fraude fiscale et de tenter de rendre politiquement acceptable la conservation d’un verrou de Bercy, lequel constitue pourtant une spécificité difficilement défendable.
Il faut d’autres moyens et d’autres dispositions qu’une généralisation des croisements de fichiers pour permettre aux services fiscaux de mieux répondre, demain, aux contentieux existants. Cela passe par la rupture claire avec la logique de suppression massive de postes de fonctionnaires au sein des administrations fiscales qui a sensiblement appauvri la qualité du travail accompli, malgré le profond sens de l’intérêt général qui anime leurs 125 000 agents.
Il convient de lancer le service public fiscal à la reconquête de ses positions perdues pour donner une inflexion réelle à la lutte contre la fraude sociale, comme fiscale, et résoudre, en connaissance de cause, la fameuse dialectique du verrou de Bercy.
Plus de moyens matériels et humains, une étude conjointe de l’administration et de la juridiction compétente des dossiers nécessitant une procédure judiciaire, voilà comment sortir des controverses actuelles par le haut. L’intérêt général ne le vaut-il pas ? (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)