M. le président. M. le ministre a précédemment émis un avis favorable sur cet amendement.
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout à fait ! Mais il faudra malgré tout traiter le problème de réécriture…
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 38 rectifié ter, présenté par MM. Grand, Milon et Bizet, Mmes Lassarade, Deromedi et Delmont-Koropoulis et MM. Courtial, Frassa, Danesi, Sido, H. Leroy, Chaize, Allizard, Revet, Bonne, J.M. Boyer, Duplomb, Pillet et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 575 E bis du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement, le dernier de ceux que je présenterai sur ce texte, tend à mettre fin à un trafic franco-français né de la fiscalité réduite applicable en Corse, territoire où les produits du tabac sont en moyenne 25 % moins chers qu’en France continentale.
En vertu de la directive du 21 juin 2011, la France ne pouvait laisser perdurer une telle disparité que jusqu’au 31 décembre 2015 – et nous sommes en 2018 !
Ce sujet relève peut-être du domaine des lois de finances ; mais n’est-il pas temps de mettre fin à ce régime dérogatoire accordé à la Corse depuis le Consulat de Napoléon Bonaparte ?
Cette suppression permettra de lutter contre la fraude. Je pense notamment au trafic constaté en février dernier : on a observé une hausse spectaculaire des commandes de tabac en Corse, à la veille de l’augmentation des prix. Or cette hausse ne s’est pas accompagnée des déclarations obligatoires de stocks par les buralistes corses. Il s’agit là d’une situation discriminante pour les buralistes des autres départements.
Monsieur le ministre, j’appelle également votre attention sur quelques chiffres de santé publique. En la matière, les comparaisons entre la Corse et le continent sont terrifiantes.
En Corse, la surmortalité par cancer du poumon est supérieure à la moyenne nationale de 12 % pour les hommes et de 27 % pour les femmes. Au total, 38 % de jeunes Corses fument quotidiennement, alors que la moyenne nationale s’établit, pour les jeunes, à 32,4 %.
Voilà pourquoi je tiens à lancer l’alerte. Je n’imagine pas que l’on puisse me donner raison sur cet amendement en dehors des débats budgétaires. Toutefois, je souhaitais, ce soir, poser publiquement la question au Gouvernement !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Mon cher collègue, j’entends tout à fait vos propos.
Toutefois, la commission s’interroge : s’agit-il réellement d’un enjeu de lutte contre la fraude, ou le but est-il de traiter des différentiels de taxes, y compris avec la Corse ? En pareil cas, ce sujet relève du projet de loi de finances, et il faut se pencher sur l’ensemble des dispositifs similaires, par exemple les taux réduits applicables aux carburants.
Nous ne souhaitons pas que l’on commence à prendre de telles mesures, relatives aux taux d’imposition, au titre de ce projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. À cet égard, je réfrène, moi aussi, de nombreuses tentations… (Sourires.)
Nous n’entendons pas évacuer le sujet : il s’agit d’une question de fond,…
M. Éric Bocquet. Même d’un sujet essentiel !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. … mais, pour l’heure, nous demandons le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Grand, nous n’allons pas, au titre de ce projet de loi, modifier la fiscalité du tabac en Corse, même si – vous l’avez rappelé –, les chiffres sont très mauvais pour la santé publique.
De plus, la Haute Assemblée, qui s’intéresse de très près au fonctionnement des collectivités territoriales, sait que les recettes de la fiscalité du tabac en Corse sont attribuées, pour partie, à la collectivité territoriale : on ne saurait revenir ainsi sur une partie de la fiscalité affectée à cet échelon.
Même si la question est intéressante et mérite d’être posée, compte tenu des enjeux de santé publique qu’elle soulève, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Grand, l’amendement n° 38 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 38 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 107 rectifié bis, présenté par Mme Boulay-Espéronnier, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 17, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 57 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le transfert de fonctions et de risques par une entreprise établie en France à une entreprise liée au sens du premier alinéa et située hors de France, fait présumer un transfert de bénéfice, lorsque l’entreprise établie en France ne démontre pas qu’elle a bénéficié d’une contrepartie financière équivalente à celle qui aurait été convenue entre des entreprises indépendantes. L’entreprise établie en France fournit les nouvelles modalités de détermination des résultats réalisés par les entreprises parties au transfert, y compris celles établies hors de France. » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « premier, deuxième et troisième » sont remplacés par les mots : « quatre premiers ».
II. – Le I s’applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2018.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à reprendre un amendement déposé il y a quelques années par un ancien rapporteur général. À mon sens, il tend à poser une véritable question : celle des transferts d’actifs à effet retard, si l’on peut dire, à savoir l’ensemble des processus qui, au sein d’un groupe donné à base française et à vocation internationale, peuvent conduire à modifier la domiciliation de certains actifs, dont le potentiel de valeur ajoutée peut venir à manquer au moment d’établir la contribution fiscale de l’entreprise en France.
C’est évidemment le cas dès lors que l’on procède à des mouvements sur les éléments matériels du patrimoine de l’entreprise, par exemple, quand on déplace des machines sur un autre lieu de production.
Ces problèmes peuvent également se présenter en cas de circulation d’éléments de l’actif incorporel – à savoir les brevets, le process de fabrication, parfois même le nom commercial de l’entreprise –, dont l’absence va affecter la création de valeur dans l’entreprise de départ.
Combien de nos PME familiales ont connu des fortunes diverses, après avoir été approchées par des investisseurs qui ont récupéré, au fil de leur participation à la transmission de l’entreprise, les meilleurs morceaux de celle-ci – brevets, modes de fabrication, parfois savoir-faire des ouvriers et capacités d’innovation du bureau d’études – jusqu’au dernier moment, celui de la procédure collective de redressement et de liquidation ?
Il s’agit donc de poser une vraie question, qui va bien au-delà, me semble-t-il, du simple respect de la liberté d’entreprendre. Dans un groupe industriel et commercial donné, dès lors que l’on déplace un brevet, les revenus tirés de l’exploitation de ce brevet se déplacent également !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’article 57 du code général des impôts permet dès à présent d’effectuer un redressement sur les prix de transfert. Mais, évidemment, il appartient à l’administration fiscale d’apporter la preuve.
Or, si l’on votait cet amendement, on créerait une forme de présomption générale de manipulation des prix de transfert dès lors que les groupes réalisent des opérations à l’international. Malheureusement, ou heureusement, ces échanges font partie de la vie des entreprises, notamment pour les groupes qui déploient des activités à l’étranger.
À nos yeux, on ne peut pas introduire une telle présomption de manipulation en cas de transfert des fonctions et des risques hors de France. Des fraudes peuvent exister ; elles sont assez compliquées pour ce qui concerne les prix de transfert. Quoi qu’il en soit, il appartient à l’administration de les établir.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui, de fait, tend à inverser la charge de la preuve.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1649 AB du code général des impôts, il est inséré un article 1649-… ainsi rédigé :
« Art. 1649-… – Toute personne élaborant, développant ou commercialisant un schéma d’optimisation fiscale est tenue de porter ce dernier à la connaissance de l’administration fiscale dès les pourparlers de vente ou d’achat du dispositif.
« Le manquement à cette obligation entraîne l’application de l’amende prévue à l’article 1734.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à reprendre une proposition formulée il y a déjà quelque temps, dans le cadre des recommandations de la première commission d’enquête sur l’évasion et la fraude fiscales.
En s’inspirant de la législation que le Royaume-Uni a adoptée en 2004 et dont l’efficacité préventive a été démontrée, il s’agit de créer, sous peine d’amende, une obligation, à la charge du promoteur du schéma d’optimisation fiscale – il s’agit la plupart du temps d’un cabinet de conseil – ou, à défaut, de son utilisateur, de communiquer le contenu du montage à l’administration fiscale dès les pourparlers de vente ou d’achat du dispositif.
Une phase expérimentale pourrait consister à permettre aux cabinets d’avocats ou de conseil qui le souhaitent de communiquer à l’administration les montages dont ils connaissent l’existence, mais qu’ils refusent de mettre en place pour leurs clients.
Une telle mesure favoriserait les conseils de pondération, tout en mettant en danger ceux qui proposent des schémas d’optimisation agressifs et litigieux.
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Chère collègue, cet amendement sera satisfait sur le fond par la transposition du projet de directive adopté le 25 mai dernier par le conseil des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne.
Ce projet de directive oblige les intermédiaires à déclarer les schémas de planification fiscale qu’ils vendent à leurs clients. Normalement, ces dispositions seront transposées par la France avant le 31 décembre 2019.
De plus, ces dispositions avaient déjà été votées en 2014 par nos collègues députés, et elles avaient à l’époque été censurées par le Conseil constitutionnel : nous n’allons pas prendre ce risque, alors même que, pour une fois, l’Union européenne nous permet d’atteindre précisément le but visé !
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 11
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – À l’article 238-0 A :
1° Au premier alinéa du 1, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
2° Le 2 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Les a à c sont ainsi rédigés :
« a) En sont retirés les États ou territoires ayant signé l’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers du 29 octobre 2014 ou ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative permettant d’échanger automatiquement tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale des parties ;
« b) Y sont ajoutés ceux des États ou territoires ayant signé l’accord multilatéral ou conclu avec la France la convention d’assistance administrative mentionnés au a) dont les stipulations ou la mise en œuvre n’ont pas permis à l’administration d’obtenir les renseignements nécessaires à l’application de la législation fiscale française, ainsi que les États et territoires qui n’ont pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative permettant l’échange automatique de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale des parties et auxquels la France avait proposé, avant le 1er janvier de l’année précédente, la conclusion d’une telle convention ;
« c) En sont retirés les États ou territoires ayant signé l’accord multilatéral mentionné au a) et n’ayant pas conclu avec la France la convention d’assistance administrative mentionnés au a), auxquels la France n’avait pas proposé la conclusion d’une telle convention avant le 1er janvier de l’année précédente, et qui ont obtenu au moins l’évaluation « largement conforme » du Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations en matière fiscale, créé par la décision du conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques en date du 17 septembre 2009, en ce qui concerne la norme commune de déclaration relative à l’échange automatique de renseignements. »
b) (nouveau) le dernier alinéa est supprimé.
3° Après le 2 sont insérés un 2 bis et un 2 ter ainsi rédigés :
« 2 bis Nonobstant le 2, sont inscrits sur la liste mentionnée au 1 les États et territoires, autres que ceux de la République française, figurant à la date de publication de l’arrêté mentionné au même 1 sur l’annexe I, le cas échéant actualisée, relative à la liste de l’Union européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales, des conclusions adoptées par le Conseil de l’Union européenne le 5 décembre 2017, pour l’un des motifs suivants :
« 1° Ils ne respectent pas le critère 2.2 de l’annexe V des conclusions adoptées par le Conseil de l’Union européenne qui sont mentionnées au 2 bis ;
« 2° Ils ne respectent pas au moins un des autres critères définis à l’annexe V mentionnée au 1° ;
« 2 ter L’arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget modifiant la liste indique le motif qui, en application des 2 et 1° ou 2° du 2 bis, justifie l’ajout ou le retrait d’un État ou territoire. Lorsque l’ajout ou le retrait est effectué en application du 1° ou 2° du 2 bis, l’arrêté précise le ou les critères et sous-critères, au sens de l’annexe V mentionnée au 2 bis, dont l’évaluation a justifié l’ajout ou le retrait de la liste. » ;
4° Au premier alinéa du 3, après la référence : « 2 », est insérée la référence : « et du 2 bis ».
B. – Au dernier alinéa du 5 de l’article 39 terdecies :
1° Après les mots : « non coopératif », sont insérés les mots : « au sens de l’article 238-0 A autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis de ce même article 238-0 A » ;
2° Sont ajoutés les mots : « , sauf si la société de capital-risque apporte la preuve que les opérations de la société établie hors de France dans laquelle est prise la participation correspondent à des opérations réelles qui ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire non coopératif ».
C. – Le deuxième alinéa du II bis de l’article 125-0 A est complété par les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf si le débiteur apporte la preuve que les opérations auxquelles correspondent ces revenus et produits ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces revenus et produits dans un État ou territoire non coopératif de ce même article 238-0 A ».
D. – Au VI de l’article 182 A bis :
1° Après les mots : « État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A », sont insérés les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-A 0 » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette retenue est libératoire de l’impôt sur le revenu et n’est pas remboursable. »
E. – La première phrase du V de l’article 182 A ter est complétée par les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf si le débiteur apporte la preuve que ces avantages ou gains correspondent à des opérations réelles qui ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif ».
F. – Le III de l’article 182 B est ainsi rédigé :
« III. – Le taux de la retenue est porté à 75 % lorsque les sommes et produits, autres que les salaires, mentionnés au I, sont payés à des personnes domiciliées ou établies dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf si le débiteur apporte la preuve que ces sommes correspondent à des opérations réelles qui ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif. Cette retenue est libératoire de l’impôt sur le revenu et n’est pas remboursable. »
G. – Le premier alinéa de l’article 244 bis est complété par les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf s’ils apportent la preuve que les opérations auxquelles correspondent ces profits ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif ».
H. – Le deuxième alinéa de l’article 244 bis B est complété par les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf s’ils apportent la preuve que les opérations auxquelles correspondent ces profits ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif ».
I. – Au c du 2 de l’article 39 duodecies, au troisième alinéa du 2° du 2 de l’article 119 bis, au premier alinéa du III de l’article 125 A, au d du 6 de l’article 145, au premier alinéa du 3 de l’article 150 ter, au 2 de l’article 187, au premier alinéa du 1 du II et au deuxième alinéa du 4° du 2 du II de l’article 163 quinquies C, au premier alinéa de l’article 163 quinquies C bis, au premier alinéa du a sexies-0 ter du I de l’article 219, et au dernier alinéa du 2 du II de l’article 792-0 bis, après la référence : « 238-0 A », sont insérés les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A ».
II. – Le 4° de l’article L. 62 A du livre des procédures fiscales est complété par les mots : « autres que ceux mentionnés au 2° du 2 bis de ce même article, sauf si le redevable apporte la preuve que les opérations auxquelles correspondent ces sommes ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif ».
III. – Les I et II s’appliquent à compter du premier jour du deuxième mois qui suit la date de publication de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 56 rectifié bis, présenté par Mmes Taillé-Polian et Conway-Mouret, M. Cabanel, Mmes Lienemann, Espagnac, Tocqueville, Van Heghe et Guillemot, MM. P. Joly, Tissot, Mazuir, Daudigny, Devinaz et Tourenne, Mmes Meunier et Préville et MM. Kerrouche et Marie, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 238-0 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 238-0 A. – I. – Sont considérés comme non coopératifs, à la date du 1er janvier 2019, les États et territoires qui répondent à au moins un des quatre critères suivants :
« a) En matière de norme commune de déclaration relative à l’échange automatique de renseignements et de norme de l’Organisation de coopération et de développement économiques en matière d’échange de renseignements à la demande, n’ont pas obtenu l’évaluation “largement conforme” du Forum mondial ;
« b) N’ont pas ratifié ou ne participent pas à la convention multilatérale de l’Organisation de coopération et de développement économiques concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, dans sa version modifiée ;
« c) N’ont pas pris l’engagement de respecter et de mettre en œuvre de manière cohérente les normes anti-BEPS minimales adoptées dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques ;
« d) Ou permettent l’existence sur leur territoire de régimes fiscaux dommageables tels que définis au V du présent article.
« II. – Les États ou territoires les moins avancés, tels que définis par le Conseil économique et social de l’Organisation des Nations Unies, et ne disposant pas de centre financier ne peuvent être considérés comme non coopératifs au sens du I du présent article.
« III. – La liste des États et territoires non coopératifs est fixée annuellement au cours du premier mois de l’année par un arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget, après avis du ministre des affaires étrangères.
« Dans le délai d’un mois après la publication de cet arrêté, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application des critères définis au présent article. Ce rapport détaille notamment les motifs justifiant l’ajout, le maintien ou le retrait d’un État ou d’un territoire de cette liste.
« Ce rapport fait l’objet d’un débat devant les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et des affaires étrangères, dans un délai de deux mois à compter de sa transmission. Il peut également faire l’objet d’un débat en séance publique.
« IV. – Les dispositions du présent code relatives aux États ou territoires non coopératifs s’appliquent à ceux qui sont ajoutés à cette liste, par arrêté pris en application du III du présent article, à compter du premier jour du troisième mois qui suit la publication de celui-ci. Elles cessent de s’appliquer à la date de publication de l’arrêté qui les retire de cette liste.
« V. – Est réputé comme dommageable un régime fiscal qui répond à au moins un des sept critères suivants :
« a) Un niveau d’imposition effectif inférieur de plus de la moitié au taux effectif moyen constaté dans l’Union européenne, y compris une imposition nulle, qu’il résulte du taux d’imposition nominal, de la base d’imposition ou de tout autre facteur pertinent ;
« b) Des dispositions ne permettant pas la divulgation de la structure sociétale des personnes morales ou du nom des détenteurs d’actifs ou de droits, ni celle de l’identité de leur bénéficiaire effectif ;
« c) Des mesures fiscales avantageuses réservées aux non-résidents ;
« d) Des mesures facilitant la création de structures ou dispositifs destinés à attirer des bénéfices sans activité économique réelle dans cet État ou territoire ou l’octroi d’avantages fiscaux même en l’absence de toute activité réelle ;
« e) Des incitations fiscales en faveur d’activités qui n’ont pas trait à l’économie locale, de sorte qu’elles n’ont pas d’impact sur l’assiette fiscale nationale ;
« f) Des règles pour la détermination des bénéfices faisant partie d’un groupe multinational qui divergent des normes généralement admises au niveau international, notamment celles approuvées par l’Organisation de coopération et de développement économiques ;
« g) Des mesures fiscales manquant de transparence, y compris lorsque les dispositions légales sont appliquées de manière moins rigoureuse et d’une façon non transparente au niveau administratif. »
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Mes chers collègues, cet amendement vise à rénover les critères d’identification des États ou territoires non coopératifs plus communément appelés paradis fiscaux.
Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 11 n’est pas à la hauteur des enjeux de l’évitement fiscal, qui, selon les évaluations de la Commission européenne, représente plus de 1 000 milliards d’euros de pertes de recettes à l’échelle de l’Union.
Avec cet amendement, nous proposons de fonder l’action menée à ce titre sur quatre critères objectifs.
Les trois premiers critères ont été publiés et adoptés par le Conseil de l’Union européenne le 5 décembre dernier. Plus ambitieux, le quatrième critère permet de sanctionner les régimes fiscaux dommageables. Il repose sur les conclusions du conseil Ecofin du 1er décembre 1997, en matière de politique fiscale.
En vertu du premier critère, il faut avoir reçu l’évaluation largement conforme du Forum mondial, pour ce qui concerne les échanges d’informations et de données.
Le deuxième critère est la participation aux conventions multilatérales de l’OCDE, pour ce qui concerne l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
Le troisième critère est la mise en œuvre des mesures minimales anti-BEPS, afin de lutter contre l’érosion des bases fiscales et le transfert de bénéfices.
Le quatrième critère est le fait de ne pas avoir mis en place de régime fiscal dommageable. Les cas dont il s’agit sont définis au V de l’amendement, lequel détaille sept hypothèses, correspondant à des pratiques identifiées par l’Union européenne et figurant dans les conclusions du conseil Ecofin évoqué précédemment.
Je ne détaillerai pas ces sept cas, je mentionnerai simplement les principaux éléments : avoir un niveau d’imposition inférieur à la moitié du taux effectif moyen de l’Union européenne ; présenter une absence de transparence quant aux structures et aux bénéficiaires effectifs ; réserver des avantages fiscaux à des non-résidents ; présenter une absence réelle d’activité et de lien avec l’économie locale ; ou encore déterminer des bénéfices des groupes multinationaux non conformes aux standards internationaux, ou instaurer des mesures fiscales manquant de transparence, notamment des pratiques de rescrits abusifs, lesquelles ont été dénoncées récemment.
L’application de ces critères permettrait de dresser une liste correspondant aux pratiques fiscales réelles des États.
En outre, grâce à cet amendement, le Parlement pourrait être associé à l’élaboration de la liste des paradis fiscaux ; il ne suffit pas de fixer des critères, il convient d’en vérifier l’application.
Enfin, une clause de sauvegarde porte sur les pays reconnus comme moins avancés, qui ne disposent pas d’un centre financier : il convient de ne pas les pénaliser.