M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Monsieur Joly, pour ce qui concerne les listes de territoires non coopératifs, la France fait plus que d’autres pays : nous appliquons à la fois la liste européenne et la liste nationale. Or de nombreux États ne suivent que la liste européenne.
De plus, en détaillant les critères proposés, vous avez évoqué un certain nombre de préoccupations qui me paraissent assez largement satisfaites par la rédaction actuelle de l’article 11.
Je ne relève ainsi que trois différences principales.
La première différence est l’inscription dans la loi des critères de la liste européenne – à mon sens, il ne nous revient pas de procéder à un tel travail, d’autant que ces critères sont susceptibles d’évoluer. Il faut éviter toute rigidité excessive.
La deuxième différence a trait à l’application de l’ensemble des mesures de rétorsion aux États de la liste de l’Union européenne. L’article 11 prévoit une application complète aux seuls États qui favorisent des structures offshore. De votre côté, vous allez un peu plus loin. Mais, à ce stade, l’équilibre de l’article 11 me semble satisfaisant.
La troisième différence est relative à la clause de sauvegarde que vous prévoyez pour les pays qui ne sont pas des centres financiers. Néanmoins, sur ce point, la rédaction de l’article 11 me paraît également satisfaisante.
La commission souhaite que l’on s’en tienne à l’équilibre atteint pour cet article. Sur le fond, vos propositions sont très largement satisfaites par la rédaction élaborée. Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Joly, l’amendement n° 56 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Patrice Joly. Au regard des enjeux de la fraude fiscale et des pratiques des paradis fiscaux, il me paraît nécessaire d’être exigeant, car la justice fiscale est nécessaire à la cohésion nationale et communautaire.
Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il me semble que nous sommes très en dessous de ce que nous pouvons faire en l’espèce. En tout état de cause, nous sommes en première lecture au Sénat, nous pouvons faire preuve d’un peu d’exigence. L’Assemblée nationale rabotera nos critères si elle le souhaite, mais au moins aurions-nous accompli de bonnes choses.
Je ne vois pas comment nous pourrions nous satisfaire de la situation actuelle, après les scandales que nous avons connus. Je comprends et je respecte la volonté d’équilibre de M. le rapporteur, mais cette liste ne me semble pas suffisante.
Nous pouvons nous permettre d’avoir des exigences supérieures. C’est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
…° Avant le 1, il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« … Sont coopératifs les États et territoires dont le droit fiscal n’est défini par aucun des critères suivants :
« - Taux d’imposition nuls ou notoirement inférieurs à la pratique admise et aux recommandations internationales ;
« - Dispositifs de contrôle administratif et judiciaire inexistants ou notoirement insuffisants ;
« - Absence ou ineffectivité de conventions bilatérales fiscales ou portant sur l’échange automatique d’informations ;
« - Existence et promotion d’instruments juridiques facilitant l’opacité des transactions et mouvements financiers. » ;
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Je fais miens les propos de ma collègue nous invitant à faire preuve d’exigence au cours de cette première lecture au Sénat.
Nous avons voté en faveur de l’amendement présenté à l’instant par nos collègues du groupe socialiste et républicain, mais nous vous proposons d’être encore un peu plus exigeants en définissant, dans une approche positive, les États et territoires coopératifs plutôt que les paradis fiscaux.
Il s’agit des juridictions dans lesquelles les travers des partisans du moins-disant fiscal ne sont pas intégrés au droit, qui ne pratiquent pas, par exemple, des taux d’imposition attractifs pour attirer les investisseurs. D’ailleurs, l’annonce d’un taux d’impôt fédéral à 7,5 % indique qu’il faudrait sans doute se demander où placer les États-Unis aujourd’hui !
Dans le même ordre d’idée, nous pourrions nous demander où mettre le Luxembourg, où sont domiciliées quelques officines avisées de conseil en gestion pour une clientèle de gros patrimoines aimant la discrétion et d’entreprises à vocation internationale qui n’apprécient guère que leurs activités et placements fassent l’objet d’une trop grande publicité.
Cette transparence est un mal nécessaire. Le combat doit être mené ; il est utile pour que les mentalités évoluent au moins autant que les termes de l’échange entre ce que l’on appelle le Sud et les pays développés, parce que la fraude fiscale est le corollaire du pillage des économies des pays du Sud, de leurs matières premières, de leurs forces vives et de leur potentiel sans cesse gaspillé.
Telles sont les raisons qui nous conduisent à vous proposer cet amendement, mes chers collègues. Nous ne doutons pas que vous aurez à cœur de le soutenir !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Vous allez être un peu déçue, ma chère collègue !
Je préfère que l’on inscrive dans la loi ce qui est interdit plutôt que ce qui est autorisé. Votre proposition revient à écrire que les États et territoires coopératifs sont ceux qui ne sont pas non coopératifs. C’est une lapalissade. Il est préférable d’écrire ce qu’est un État non coopératif plutôt que l’inverse.
En outre, il y a sans doute – heureusement ! – plus d’États coopératifs. Il reste beaucoup à faire, mais nous pouvons convenir que les choses ont changé et que la situation évolue.
Je ne prétends pas que la fraude fiscale internationale a diminué, parce que nous constatons également un changement de pratiques et une internationalisation qui permet encore à de grands groupes mondiaux d’échapper à l’impôt, mais l’OCDE comme l’Union européenne et la France ont pris des initiatives qui ont conduit à réduire le nombre d’États et territoires non coopératifs.
La loi doit, à mon sens, exclure ce qui est interdit et non expliquer ce qui est autorisé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 57 rectifié bis est présenté par Mmes Taillé-Polian et Conway-Mouret, M. Cabanel, Mmes Lienemann, Espagnac, Tocqueville, Van Heghe et Guillemot, MM. P. Joly, Tissot, Mazuir, Daudigny, Devinaz et Tourenne, Mmes Meunier et Préville et MM. Kerrouche et Marie.
L’amendement n° 72 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au premier alinéa du 1, les mots : « non membres de la Communauté européenne » sont supprimés ;
La parole est à M. Patrice Joly, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié bis.
M. Patrice Joly. Cet amendement a pour objet de supprimer l’exclusion des pays européens de la liste française des États et territoires non coopératifs. Nous souhaitons nous interroger collectivement sur l’exclusion de la liste des paradis fiscaux d’États européens tels que les Pays-Bas, l’Irlande ou le Luxembourg.
Ces juridictions ont en effet été évoquées dans divers scandales au cours de ces dernières années. Si l’Union européenne est elle-même en pointe dans la lutte contre l’évasion fiscale, ce n’est pas le cas de tous ses membres. L’existence de pratiques aussi inventives que le « sandwich hollandais » ou les rescrits accordés aux multinationales, comme à Apple par l’Irlande, le démontrent.
Le Parlement européen lui-même, dans son ensemble, a regretté que les États membres de l’Union soient exclus a priori de la liste noire commune établie en décembre 2017.
Par cet amendement, nous appelons donc le Gouvernement à agir résolument auprès de l’Union européenne, afin de mettre fin à ce gâchis massif de ressources.
Rappelons les propos du Président de la République lui-même, dans son discours de la Sorbonne du 26 septembre dernier : « cette divergence fiscale nourrit une forme de désunion, désagrège nos propres modèles et fragilise toute l’Europe […] On ne peut pas bénéficier de la solidarité européenne et jouer contre les autres. »
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 72.
M. Éric Bocquet. Rappelons quelques éléments sur ce sujet. Avec cette liste, qui rassemble les États et territoires non coopératifs, nous sommes dans le champ de la fraude fiscale de haut vol, celle qui traverse les frontières, qui ignore les océans et qui adore les algorithmes.
L’article 11 présente quelques défauts, dont le moindre n’est pas de conditionner l’existence d’une liste noire à une forme d’accord européen, puisque la liste produite par le conseil des ministres des finances aurait plus de sens que celle que le travail de l’administration française a permis d’établir.
Cette difficulté n’est pas secondaire et elle se double du postulat, pour le moins discutable, selon lequel les États et territoires situés en Europe ou contrôlés et gérés par des États membres de l’Union européenne bénéficient d’une sorte de présomption d’innocence quant au respect des recommandations internationales en matière de transparence fiscale.
C’est oublier que l’Europe ne comprend pas que des États et territoires parfaitement coopératifs et libérés de la pression du moins-disant fiscal. L’Europe, c’est, bien sûr, le couple franco-allemand, si souvent célébré, c’est l’Italie, la Pologne, la Slovénie ou la Catalogne, mais c’est aussi Jersey, Guernesey, l’île de Man, l’archipel des Açores, les Canaries, sans parler de Saint-Martin, d’Aruba, de Curaçao, de la Polynésie française, ou encore du Luxembourg, des tax rulings irlandais et de la discrétion des banques autrichiennes.
La Suisse elle-même est libérée, par ces accords, de toute inquiétude, alors que son territoire comprend des cantons qui ont fait de l’optimisation fiscale leur principal atout touristique.
Selon la Banque mondiale, le PIB des îles anglo-normandes s’élève à 11,5 milliards de dollars, les plaçant en 129e position à l’échelle planétaire, devant des pays comme le sultanat de Brunei, les Bahamas, mais aussi le Mozambique, la République du Congo ou encore le Tchad, l’Arménie et Madagascar, excusez du peu !
Le PIB de l’île de Man atteint 6,8 milliards de dollars ; il est plus élevé que celui de pays comme la Mauritanie, le Togo ou le Monténégro, et ne voyez aucun mépris dans mes propos pour ces États, mes chers collègues. Aruba est plus riche que le Libéria, le Burundi, la République centrafricaine ou la République du Cap-Vert.
Derrière la façade de l’Union se trouve donc une arrière-cour étrangement peuplée, qui mérite, pour le moins, que nous nous y intéressions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La fraude fiscale est une matière un peu aride, et je remercie Éric Bocquet de nous faire voyager ce soir vers des endroits plus ou moins agréables !
Ces amendements soulèvent certaines questions. Il est vrai qu’un bon nombre des territoires qui ont été cités ne sont pas exemplaires en matière fiscale, en ce qu’ils pratiquent des taux bas et offrent des services offshore. Faut-il, pour cela, les inscrire sur cette liste ? C’est un vrai sujet.
Toutefois, pratiquent-ils l’échange d’informations ? M. le ministre sera à même d’y répondre plus précisément et de nous dire si, quand l’administration fiscale française interroge ses homologues de Guernesey, de Jersey ou de Chypre, cette coopération est effective. C’est cela qui est intéressant.
La liste ne fait pas tout, nous l’avons vu avec le Panama, qui en avait été sorti contre l’avis du Sénat, avant que la France ne soit contrainte de l’y inscrire de nouveau. Il faut de l’effectivité et M. le ministre nous éclairera à ce sujet : les États membres de l’Union européenne cités répondent-ils aux demandes ou ne le font-ils pas parce qu’ils pratiquent le secret fiscal ? S’il y a échange d’informations, il n’y a pas lieu de les inscrire sur cette liste.
La vraie difficulté, qui me conduit à demander le retrait de ces amendements, réside dans les conséquences de l’inscription sur la liste, notamment la mise en place de taux dissuasifs et de retenues à la source majorées. Ces dispositions sont en effet interdites par les directives européennes qui priment, malheureusement, sur nos lois et sur nos règlements.
Par conséquent l’inscription d’un État de l’Union européenne sur la liste serait sans doute très satisfaisante sur le plan intellectuel, mais elle resterait dépourvue de conséquences concrètes.
C’est pour cette raison que je souhaite entendre le Gouvernement. M. le ministre nous avait d’ailleurs dit au mois de mars dernier qu’il n’était pas défavorable, sur le principe, à une telle inscription, même si celle-ci entraînerait sans doute des difficultés relationnelles avec nos partenaires.
J’ai donc deux réticences envers ces amendements et une interrogation quant au caractère effectif de l’échange d’informations avec ces pays. Pour ces raisons, la commission demande leur retrait ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous faisons face à une difficulté : une fois la liste établie, comment constater que nous ne nous contentons pas de fermer les yeux et de travailler avec des États qui seraient non coopératifs ? Il ressort de nos débats, me semble-t-il, ainsi que des propos de M. le rapporteur, que la liste importe peu, car ce sont parfois les pays qui posent problème.
Dans l’Union européenne, pour le moment, le processus est déclaratif. Il suffit qu’un État affirme se plier à un certain nombre de pratiques que l’Union lui demande de mettre en œuvre pour qu’il sorte de la liste. Dans un an, vous le savez, un constat sera dressé. Des pays qui, après s’être engagés à rentrer dans le droit chemin indiqué par l’Union européenne, feront sans doute l’objet d’un constat négatif et seront inscrits sur la liste.
Il faut donc accepter cette chronologie, qui a été négociée entre les États de l’Union européenne, pour savoir quels pays relèveront d’une liste qui sera peut-être complétée.
En ce qui concerne l’Union européenne, nous pourrions tout à fait inscrire des pays membres sur cette liste, à la condition, comme l’a bien dit M. le rapporteur, qu’il s’agisse d’États avec lesquels nous n’avons pas d’échange de renseignements. Or je suis obligé de vous dire qu’il n’y a pas d’États dans l’Union européenne avec lesquels la France n’entretient pas de tels échanges pour lutter contre la fraude fiscale.
Si cela devait changer, si nous rencontrions de grandes difficultés, voire une absence d’échange d’informations, avec un État membre, je l’ai dit, inscrire celui-ci sur cette liste ne me gênerait pas. Ce pays serait d’ailleurs confronté à un problème très important, puisqu’il se trouverait en dehors des règles que l’Union européenne s’est fixées.
La question se posera peut-être au lendemain du Brexit, lorsque la Grande-Bretagne quittera l’Union européenne. Vous avez cité la Suisse, mais vous savez mieux que moi encore, monsieur le sénateur, que ce pays n’a pas le même statut que les membres de l’Union européenne.
Les échanges d’informations fonctionnent donc avec les pays de l’Union européenne, même si nous pouvons porter quelque jugement sur certaines façons de pratiquer la fiscalité. J’ai déjà indiqué ce que je pensais de certains pays, à propos desquels on pourrait s’interroger sur le respect des règles fiscales et de la solidarité de l’Union européenne.
Ceux-ci, toutefois, ne doivent pas figurer sur la liste. Cela ne signifie pas qu’ils ne l’intégreront pas un jour, mais, aujourd’hui, le ministre que je suis constate que nous échangeons des informations avec chacun des pays de l’Union européenne et que, à ce titre, les États membres ne peuvent pas être placés sur cette liste, sauf à prendre le risque d’être nous-mêmes condamnés pour cela.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je ne voudrais pas être désagréable et je comprends bien ce que vous nous expliquez, comme ce que M. le rapporteur nous dit.
Toutefois, en matière de lutte contre la fraude fiscale, nous jouons au football avec les règles du basket ! Vous constatez bien que nous ne sommes pas du tout équipés pour lutter ! S’il y a échange de renseignements, alors on retire le pays de la liste, quitte à l’y remettre si jamais il ne remplit pas les conditions l’année prochaine… Il existe un décalage complet entre les pesanteurs de l’administration, nos règles et ces pratiques ! C’est l’histoire de l’obus et du blindage !
Je comprends très bien les rigueurs du droit. Nous sommes tout de même là pour faire du droit, mais en même temps nous devons envoyer des signaux. Or nos signaux ne sont pas très optimistes quant à la façon dont nous pourrions venir à bout de ces territoires non coopératifs.
J’ai beaucoup de mal à admettre que nous ne puissions pas être plus combatifs. Certains pays pratiquant une fraude agressive, je ne vois pas pourquoi notre législation ne le serait pas un peu plus.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous soulevez une question importante. Afin qu’il n’y ait pas de quiproquo, madame la sénatrice, je vais m’étendre un peu, ce qui me permettra d’être laconique sur d’autres amendements.
Il me semble qu’il faut distinguer deux cas de figure.
Des pays, dont certains membres de l’Union européenne, pratiquent une fiscalité que nous jugeons agressive. Nous souhaitons que l’on mette en place la même fiscalité en Europe entre pays frères, pour éviter des concurrences qui pourraient s’apparenter à de l’optimisation. Cela vaut pour l’Irlande comme pour d’autres.
D’autres États ne sont pas coopératifs, c’est-à-dire qu’ils n’acceptent pas l’idée de l’échange d’informations. La liste des États et territoires non coopératifs, comme son nom l’indique, est bâtie sur ce principe.
Vous demandez l’inscription de pays membres de l’Union européenne sur cette liste, mais il n’y a pas, je le répète, d’État membre avec lequel nous n’échangeons pas d’informations. Il n’y a aucune raison politique d’inscrire sur cette liste des États avec lesquels nous échangeons des informations, quels que soient, par ailleurs, les jugements que nous portons sur la politique fiscale de tel ou tel d’entre eux. C’est une autre question.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 rectifié bis et 72.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 54, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le deuxième alinéa du 1 est complété par les mots :
et après avis des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je le sais, cet amendement est absolument inconstitutionnel. (Sourires.)
M. Jérôme Bascher. Comment va-t-on faire ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Vous le retirez donc !
Mme Nathalie Goulet. Comme je ne désespère pas de parvenir à ajouter la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales à l’article 34 de la Constitution, il faudra bien, à un moment ou à un autre, associer le Parlement à l’élaboration de la liste visée.
À chaque fois, nous arrivons à la fumée des cierges, le Parlement n’a rien à faire et nous nous retrouvons face à une liste sur laquelle nous ne pouvons absolument pas agir. Vous avez vous-même cité le Panama ; Nicole Bricq et mon groupe étaient à l’époque fermement opposés au retrait du Panama de la liste, mais cela n’a pas empêché le Gouvernement de le faire. Le rôle du Parlement est tout de même réduit sur ce sujet et le moment est venu, me semble-t-il, de lui donner un peu de pouvoir.
Il s’agit d’un amendement d’appel. Vous allez m’expliquer qu’il est anticonstitutionnel. Par conséquent je le retire, mais j’aurai au moins eu le plaisir de le défendre !
M. le président. L’amendement n° 54 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 86 est présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 100 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 5 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 86.
M. Didier Rambaud. Il s’agit d’un amendement pragmatique, identique à celui qu’a déposé le Gouvernement et que M. le ministre va excellemment présenter !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Quelle remarquable convergence de pensées !
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 100.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement est quasiment soutenu, après la brillante démonstration de M. Rambaud ! (Sourires.) Il vise à revenir au texte initial du projet de loi.
Si le Gouvernement partage la volonté de la commission et de son excellent rapporteur de favoriser l’échange automatique de renseignements sur les comptes financiers, il n’est pas favorable à l’évolution proposée. D’abord, parce que l’effectivité de l’échange automatique de renseignements est déjà prise en compte par la liste européenne des pays et territoires non coopératifs. Ensuite, parce que le critère retenu par la commission pour cette inscription s’écarte de celui qu’a choisi le Conseil de l’Union européenne, s’agissant de la liste européenne, et est donc contraire à la volonté du Gouvernement d’appliquer strictement les critères adoptés à l’unanimité des États membres après négociation. Enfin, parce que l’absence de support juridique permettant l’échange automatique ne signifie pas nécessairement que l’autre État ne coopère pas avec la France.
Comme l’a très bien dit M. le sénateur du groupe La République En Marche, il s’agit d’un amendement pragmatique.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 8
Après les mots :
avec la France
insérer les mots :
depuis au moins trois ans
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. La mise à jour de la liste française des États et territoires non coopératifs se fait en appliquant les critères définis à l’article 238-0 A du code général des impôts.
Deux éléments sont pris en compte pour décider de l’inscription ou de la radiation d’un État de cette liste, à compter du 1er janvier de l’année : l’existence d’un accord fiscal avec la France ou, en l’absence d’un tel accord, la qualité de la coopération fiscale.
Nous avons déjà vu quelles évolutions implique cet article du projet de loi, avec la fusion des listes française et européenne.
Ainsi, il est prévu de radier les États qui ont conclu une convention fiscale avec la France ou qui sont considérés par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales comme coopératifs, même s’ils n’ont pas signé de convention avec notre pays, dès lors que celui-ci ne leur a pas proposé de le faire.
À l’inverse, sont inscrits sur la liste des États et territoires non coopératifs, ou ETNC, ceux qui ont conclu une convention avec la France dont la mise en œuvre est insatisfaisante ou qui, n’ayant pas signé un tel accord, ont décliné la proposition française ou ont été jugés non coopératifs par le Forum mondial.
L’actualisation de la liste, qui a lieu chaque année, se fait de manière largement mécanique : la simple signature d’une convention fiscale avec la France suffit ainsi à en faire sortir un État. En cas de non-coopération, il s’écoule donc au moins une année avant que le pays soit rétabli sur la liste.
Durant cette année, les flux financiers vers cet État, peut-être hâtivement radié, pourront échapper aux mesures de rétorsion prises en pareil cas, telles que la majoration des taxations sur de nombreux flux à destination et en provenance des États et territoires concernés. Ce manque à gagner fiscal est regrettable.
Pour l’éviter, il conviendrait de revoir les critères de radiation de la liste française des ETNC : un État ne devrait pas être radié de la liste, et donc qualifié de coopératif, au seul motif qu’il a conclu une convention fiscale avec la France, mais sa radiation ne devrait intervenir qu’a posteriori, une fois qu’il aura été constaté que la mise en œuvre de la convention signée avec la France permet effectivement à l’administration fiscale d’obtenir les renseignements nécessaires à l’application de la législation fiscale française.
Imaginons, mes chers collègues, que la France joue son quart de finale contre l’Uruguay avec un gardien de but menotté et onze joueurs, alors que l’Uruguay en aurait treize !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le Gouvernement et le groupe La République en Marche proposent, par deux amendements identiques, de revenir sur la position de la commission des finances.
Il nous semble que la situation est assez complexe : il y a donc une liste française et une liste européenne ; pour la liste européenne, on applique le critère de l’échange automatique, mais pour la liste française, pour une raison étrange, on ne pourrait pas le faire.
Nous souhaitons que la norme mondiale en matière de coopération fiscale internationale, qui est l’échange automatique, s’applique aussi bien à la liste française qu’à la liste européenne. Cela va dans le sens de l’Histoire. Par conséquent la commission est défavorable à ces amendements identiques.
L’amendement n° 12 tend à imposer un délai de trois ans entre la signature d’un accord d’échange automatique d’informations et le retrait de la liste des ETNC. Je préfère m’assurer de l’effectivité de l’engagement.
Prenons un exemple : une alternance politique se produit dans un pays, alors que le précédent gouvernement avait triché. La nouvelle équipe est élue sur l’engagement de lutter contre la fraude fiscale et de sortir le pays de la liste. La législation du pays change, mais on devrait lui imposer une pause de trois ans avant de lui donner satisfaction.
On peut toujours réinscrire un État sur la liste, vous le savez. La commission des finances était ainsi défavorable à la sortie du Panama et, de fait, le Gouvernement a été contraint de l’inscrire de nouveau en 2016. Je préfère cette possibilité à la mise en place d’un délai de carence de trois ans.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.