M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Pour revenir sur mes propos précédents, le minimum, c’est effectivement qu’aucune sanction ne puisse être prononcée à l’encontre du tiers avant l’infraction définitivement jugée et tranchée, avant que l’on soit sûr, dans le respect des principes généraux du droit, qu’il y a bien eu fraude fiscale. Sans cela, nous allons nous retrouver dans des situations ubuesques, violant tous nos principes généraux du droit.
M. le président. L’amendement n° 82, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
consiste
par les mots :
peut notamment consister
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. L’article 7 prévoit un dispositif de sanctions à l’égard des conseils, responsables du montage ou d’une prestation ayant conduit à sanctionner un contribuable.
La commission des finances a adopté un amendement tendant à restreindre les comportements à une liste définitive de prestations. Nous souhaitons revenir sur le caractère définitif de cette liste, avec un argument simple : réduire le champ de l’article conduira nécessairement à sanctionner moins.
Nous sommes en l’espèce face à des avocats. Nous pouvons prendre le pari, aujourd’hui, que si nous restreignons cette liste, beaucoup prouveront avoir réalisé un autre type de prestations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Nous sommes dans un État de droit et, dans un État de droit, on définit précisément les sanctions et leurs faits générateurs, et cela ne passe pas par l’emploi du terme « notamment » ! Il ne s’agit pas d’avoir une liste que l’on peut compléter au bon vouloir, en expliquant que l’ajout est contenu dans l’adverbe « notamment » !
C’est d’autant plus valable que l’article mentionne « tout acte destiné à égarer l’administration ». Cette catégorie, tout de même assez large, peut inclure un grand nombre de comportements qui ne sont pas définis ab initio.
De nouveau, nous ne sommes ni dans l’illustration par des exemples, ni dans le commentaire d’articles, ni dans l’étude d’impact. Nous travaillons à la fabrication de la loi : celle-ci doit être précise et ne peut se contenter de la mention « notamment » ou d’exemples.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable au rétablissement de la rédaction initiale du texte, d’autant plus que cette mention a été ajoutée dans le projet de loi après soumission du texte à l’avis du Conseil d’État et sur proposition de ce dernier.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. La définition retenue dans le texte de la commission est déjà extrêmement vaste, en particulier avec la mention « tout acte destiné à égarer l’administration ». Le principe de légalité des délits et des peines implique tout de même que l’on sache la raison pour laquelle on va être poursuivi ou même directement sanctionné, puisque dans le cas présent, il n’y aura pas de poursuite !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous nous abstiendrons sur cet amendement. Nous approuvons son objet, mais il nous semble préférable de préciser encore la rédaction, plutôt que d’employer l’adverbe « notamment » susceptible d’entraîner une certaine insécurité juridique.
M. le président. L’amendement n° 65, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes physiques ou morales mentionnées à l’alinéa précédent sont également solidairement responsables du paiement des majorations prononcées à l’encontre du contribuable sur le fondement du c du 1 de l’article 1728, du b ou du c de l’article 1729 ou de l’article 1729-0 A, devenues définitives.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement a pour objet d’améliorer le dispositif proposé à l’article 7.
Cela a été dit, sanctionner les intermédiaires qui fournissent une prestation permettant directement de commettre une fraude est une bonne chose.
Mais la peine envisagée nous semble relativement faible : 10 000 euros au minimum, le montant pouvant être porté à 50 % des revenus tirés de la prestation frauduleuse. Nous craignons que certains grands cabinets ou intermédiaires n’entrent dans une logique où ils incluent, dans leurs coûts, les risques liés à ces sanctions.
Nous pensons que, en termes d’efficacité et de dissuasion, il serait profitable de rendre ces intermédiaires solidairement redevables des pénalités fiscales.
Cette disposition est relativement courante en matière fiscale. D’ailleurs, le présent projet de loi prévoit, à deux reprises si je ne m’abuse, qu’elle s’applique aux éditeurs de logiciels. Aussi, rendre ces intermédiaires solidaires des pénalités fiscales qui seraient décidées à l’encontre du contribuable nous semblerait une mesure à la fois réellement dissuasive et efficace, car cela permettrait de faire face au risque d’insolvabilité des contribuables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Certes, l’exemple des éditeurs de logiciels a été cité, il existe des dispositifs de responsabilité solidaire. Cet amendement soulève cependant une difficulté, ce qui le rend à mon sens fragile, dans la mesure où il prévoit éventuellement un cumul des sanctions : l’amende et la responsabilité solidaire avec le contribuable. Et je ne suis pas certain que ce cumul soit possible sur le plan juridique. Dans les autres cas prévus par la loi, l’amende ne peut se cumuler avec la responsabilité solidaire : c’est l’une ou l’autre.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet les mêmes doutes que le rapporteur sur la constitutionnalité du dispositif que vous proposez, madame la sénatrice, notamment au regard de la décision 2012-239 QPC du Conseil constitutionnel sur le principe de la personnalité des peines.
En réponse à vos arguments, j’ajoute que l’idée que l’intermédiaire intègre, comme vous l’avez imaginé, les coûts de l’amende à hauteur de 50 % du bénéfice dans son équilibre économique ne nous paraît pas un argument suffisant, pour une raison simple : le présent texte prévoit une sanction administrative d’un montant égal à 10 000 euros ou, s’il est supérieur, à 50 % des revenus tirés de la prestation fournie au contribuable, sans préjudice de la sanction pénale d’ores et déjà prévue par la loi. Il ne me semble pas possible d’intégrer le coût de cette sanction, suffisamment dissuasive, dans l’équilibre économique de l’opération.
Avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La personne sanctionnée n’est également pas admise à siéger au sein du comité désigné à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai simultanément l’amendement n° 84 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud et les membres du groupe La République En Marche, et ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La personne sanctionnée n’est pas admise à siéger au sein de la commission des infractions fiscales prévue à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales.
Veuillez poursuivre, monsieur Rambaud.
M. Didier Rambaud. Les amendements nos 83 rectifié et 84 rectifié visent à interdire aux avocats condamnés au titre de l’article 7 de siéger au sein, respectivement, du comité de l’abus de droit fiscal, dont le rôle est extrêmement important, et de la commission des infractions fiscales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Interdire la participation de tiers ayant fait l’objet d’une sanction au comité de l’abus de droit fiscal paraît une mesure de bon sens.
Cette mesure d’interdiction semble un peu plus théorique concernant la commission des infractions fiscales, composée pour partie de personnalités qualifiées désignées pour moitié par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et, pour le reste, de magistrats. J’ignore si les magistrats de la Cour des comptes donnent des conseils en matière de montages frauduleux… Peut-être les services fiscaux ont-ils des noms à nous donner, ce qui nous intéresserait beaucoup !
Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ladite mise en demeure est contresignée par le directeur de l’organisme ou de la caisse.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Par cet amendement, nous proposons que la mise en demeure notifiant la pénalité soit contresignée par le directeur de l’organisme ou de la caisse lui-même, et non pas seulement par l’agent qui fait le contrôle et qui sanctionne. Ce contreseing est spécifié dans le code général des impôts ou dans le code de la sécurité sociale pour certaines infractions.
La commission m’a objecté que cette spécification n’était pas nécessaire dans la mesure où c’est le directeur de l’organisme ou de la caisse lui-même qui est l’auteur de la notification. Or, dans d’autres cas d’espèce, ce contreseing est prévu quand bien même le directeur est aussi l’auteur de la notification. Mais ma proposition ne paraît pas démesurée, compte tenu du caractère très grave de la sanction prévue à cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’alinéa 22 de l’article 7, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, dispose bien : « Le directeur de l’organisme de recouvrement ou de la caisse de mutualité sociale agricole lésée notifie les faits reprochés à la personne en cause ». Il peut toujours se contresigner lui-même, mais cela ne paraît pas très utile…
M. Emmanuel Capus. Il « notifie » !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Pour « notifier », il faut « signer » !
La commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Même avis.
La notification de la pénalité à l’intéressé, décision de l’organisme, est prévue par voie de mise en demeure. Or cette décision est signée systématiquement par le directeur de l’organisme.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Capus, l’amendement n° 43 rectifié est-il maintenu ?
M. Emmanuel Capus. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié est retiré.
L’amendement n° 112, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer la seconde occurrence du mot :
le
par les mots :
à compter du
La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Rédactionnel !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article additionnel après l’article 7
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1741 du code général des impôts, il est inséré un article 1741-… ainsi rédigé :
« Art. 1741-… – L’incitation à la fraude fiscale est le fait, pour toute personne physique ou morale, de concourir intentionnellement et à titre onéreux à :
« a) L’incitation, par voie publicitaire ou par voie de démarchage, la complicité ou la participation pour le compte d’un tiers, à la réalisation des faits mentionnés à l’article 1741, ou à la réalisation de schémas d’optimisation fiscale ;
« b) L’ouverture pour le compte d’un tiers d’un compte bancaire dans un pays signalé comme un site d’évasion fiscale par une organisation internationale dans laquelle siège la France.
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de 500 000 €. La tentative des infractions prévues par le présent article est punie des mêmes peines. Toute personne condamnée en application des dispositions du présent article peut être privée des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues à l’article 131-26 du code pénal. La juridiction peut, en outre, ordonner l’affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci dans les conditions prévues aux articles 131-35 ou 131-39 du code pénal. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est défendu.
M. le président. L’amendement n° 58 rectifié bis, présenté par Mmes Taillé-Polian et Conway-Mouret, M. Cabanel, Mmes Lienemann, Espagnac, Tocqueville, Guillemot et Van Heghe, MM. P. Joly, Tissot, Mazuir, Daudigny, Devinaz et Tourenne, Mmes Meunier et Préville et MM. Kerrouche et Marie, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1741 du code général des impôts, il est inséré un article 1741-… ainsi rédigé :
« Art. 1741-… – Quiconque incite, soustrait ou tente de soustraire frauduleusement un contribuable à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés au présent code, notamment par la voie de la promotion ou de l’offre de montages frauduleux, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’une amende de 500 000 € et d’un emprisonnement de cinq ans. »
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Aujourd’hui, seule la notion de complicité permet de poursuivre pénalement les intermédiaires impliqués dans une fraude fiscale avérée. Cette notion nous semble donc limitée. Un rapport sénatorial préconisait de créer un délit spécifique d’incitation à la fraude fiscale comportant notamment la répression du démarchage et de la publicité pour des dispositifs d’évasion fiscale.
Il est important, selon nous, de ne pas rester uniquement dans le champ de la complicité. Il serait bien que ces intermédiaires qui démarchent ou accompagnent de nombreuses entreprises puissent être poursuivis pour un délit en propre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission partage l’intention des auteurs de ces amendements, mais considère que le droit en vigueur, sous diverses qualifications juridiques, permet d’ores et déjà de poursuivre ces comportements d’incitation à la fraude fiscale : je pense d’abord au démarchage abusif – j’ai notamment à l’esprit le nom d’une fameuse banque dont le nom commence par un U et se termine par un S, qui passera bientôt en jugement –, au délit de fraude fiscale en bande organisée, délit créé par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui prévoit des peines assez lourdes – 3 millions d’euros d’amende et sept ans d’emprisonnement –, au délit de complicité de fraude fiscale prévu à l’article 1742 du code général des impôts.
Cet arsenal juridique permet d’ores et déjà de réprimer les comportements d’incitation à la fraude fiscale ; il ne nous paraît donc pas utile de l’élargir.
Avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Pour faire écho à ce que vient de dire M. le rapporteur, je rappelle que le Gouvernement partage évidemment les mêmes préoccupations et veut lutter contre ceux qui incitent à la fraude fiscale en commercialisant des schémas abusifs ou en en faisant la promotion. À cet effet, il a souhaité prévoir une sanction administrative contre des tiers, afin de compléter le droit en vigueur, qui permet, à l’occasion de l’exercice de poursuites pénales contre un contribuable, de poursuivre le tiers complice.
Ces instigateurs qui encouragent ou permettent la fraude encourent donc déjà, de ce fait, des sanctions pénales identiques à celles qui sont prévues aux présents amendements, voire supérieures en cas de circonstances aggravantes. Ces amendements ne sont par conséquent pas utiles, car la législation pénale existante permet de poursuivre et de sanctionner ces personnes.
En revanche, l’article 7 du projet de loi complète le dispositif d’une sanction administrative qui vise la mise à disposition par les professionnels de schémas ou de montages frauduleux destinés à être mis en œuvre par leurs clients, dans le cas de manquements graves et caractérisés.
Le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous partageons tous les mêmes objectifs. Les dispositions prévues à ces amendements sont les mêmes que celles qui avaient été avancées par une commission d’enquête sénatoriale en 2012. Depuis lors, les moyens se sont extrêmement développés, notamment grâce à internet. Je comprends que ces amendements soient superfétatoires, mais j’ai tout de même une question à poser, même si j’ignore s’il vous sera possible d’y répondre : combien de poursuites ont été engagées pour incitation à la fraude fiscale ? Si vous recherchez sur internet les termes « optimisation fiscale » – laquelle, évidemment, ne constitue pas un délit –, vous allez immédiatement tomber sur des cabinets formulant une flopée de propositions de fraude fiscale.
Je le répète, les moyens proposés par les auteurs de ces amendements ne sont peut-être pas bons, mais, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous citer le cas de personnes ayant déjà été poursuivies pour incitation à la fraude fiscale, et dans quelles conditions ?
Comme d’habitude, ce n’est peut-être pas le bon amendement, ni le bon endroit, ni le bon jour, ni la bonne heure, mais il n’empêche que l’incitation à la fraude fiscale pose quand même problème.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8
L’article 1741 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le mot : « applicables, », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « à 3 000 000 € et sept ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « à sept ans d’emprisonnement et à une amende de 3 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, ».
M. le président. L’amendement n° 74, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle peut également faire l’objet d’une interdiction de gérer au sens de l’article L. 249-1 du code de commerce. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Dans son mémoire d’analyse du présent projet de loi, le Syndicat de la magistrature fait part de quelques observations quant au contenu de l’article 8 qui, d’une certaine manière, légitiment l’amendement que nous avons déposé, au-delà des défauts éventuels de ce denier – vous connaissez notre modestie, mes chers collègues ! (Sourires.)
Le taux maximal de l’amende encourue, actuellement 500 000 euros pour le délit de fraude fiscale simple – 2,5 millions d’euros pour les personnes morales – et 3 millions d’euros pour le délit de fraude fiscale aggravée – 15 millions d’euros pour les personnes morales –, pourrait désormais être porté au double du montant des sommes fraudées.
Ce maximum légal alternatif paraît proportionné et justifié et n’appelle pas forcément d’observation en lui-même. Mais la moyenne des enjeux financiers des dossiers soumis à la justice pénale par l’administration fiscale s’établissant autour de 300 000 euros et le verrou de Bercy bloquant toute possibilité pour la justice de se saisir elle-même d’autres procédures plus importantes, la hausse prévue par le projet de loi n’aura qu’un impact finalement très limité.
Le Syndicat de la magistrature relève d’ailleurs que le taux maximal actuel n’est en vigueur que depuis moins de six mois et qu’il est déjà proposé une nouvelle augmentation qui peut finalement apparaître comme soit de l’amateurisme, soit une opération de communication instrumentalisant la loi pénale dans le seul but de multiplier les effets d’annonce pour surjouer une certaine fermeté, mais qui n’aura finalement pas la moindre application concrète.
Nous vous proposons donc, ce qui nous semble plus efficace, d’ajouter la possibilité d’une peine d’interdiction de gérer une entreprise pour les justiciables condamnés pour fraude fiscale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Nathalie Delattre, rapporteur pour avis. Ma chère collègue, vous proposez que les personnes condamnées pour fraude fiscale puissent également être condamnées à une interdiction de gérer une entreprise. Votre amendement nous paraît satisfait dans la mesure où l’article 1750 du code général des impôts prévoit déjà qu’une personne condamnée pour fraude fiscale peut faire l’objet d’une interdiction de gérer une entreprise, dans les conditions définies à l’article 131-27 du code pénal, lequel précise que cette interdiction peut être définitive ou temporaire.
La commission des lois sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Même avis. Comme vient de le rappeler Mme Delattre, l’article 1750 du code général des impôts prévoit déjà cette peine.
M. le président. Madame Brulin, l’amendement n° 74 est-il maintenu ?
Mme Céline Brulin. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. D’après ce que je sais, cette interdiction de gérer existe. Cependant, elle trouve difficilement à s’appliquer. Il m’a semblé entendre dire, notamment au cours d’un certain nombre d’audiences qui traitaient de fraude fiscale, que des personnes, bien qu’elles aient été interdites de gestion, géraient quand même une entreprise, en raison d’un problème que rencontre le fichier des interdits de gérer.
Ce fichier, je l’ai vérifié, existe bien, mais j’attire l’attention du Gouvernement sur sa tenue, sur son accessibilité et sur son efficacité. Si, au moment de juger une affaire, une interdiction de gérer est prononcée alors même que la personne au banc des accusés a déjà fait l’objet d’une telle interdiction, ce serait tout de même un peu ubuesque. Le Gouvernement doit procéder à des vérifications.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote sur l’article.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je souhaite prendre la parole sur cet article prévoyant une aggravation des peines en cas de fraude fiscale.
Comme l’a rappelé Mme Brulin, qui a défendu l’amendement n° 74, les peines en la matière ont déjà été aggravées il y a peu. Rarement prononcées, elles s’apparentent plus à des tigres de papier, ce qui ne manque pas de nous conduire à nous interroger sur la façon dont les tribunaux gèrent ces affaires de fraude fiscale ou sur la nature de ces affaires soumises aux tribunaux. Et là, bien entendu, nous en revenons au fameux verrou de Bercy, puisque, selon le ressenti même des juges, la plupart des affaires qui leur sont transmises ne sont pas les plus intéressantes, lesquelles relèvent souvent de la fraude à la TVA, d’insolvabilité, sont le fait de petites entreprises, de gérants qui ne parlent pas français.
Évidemment, si les peines ne sont pas pleinement appliquées comme elles pourraient l’être, dans la plupart des cas, c’est aussi en raison du type d’affaires qui passent devant les tribunaux.
Nous reviendrons sur ce débat lorsque nous aborderons le verrou de Bercy.
Nous ne nous opposerons pas à l’aggravation des peines en cas de fraude fiscale, laquelle doit être traitée avec gravité et requiert des peines importantes. Je souhaitais cependant attirer l’attention de notre assemblée sur ce point.