M. Michel Savin. Effectivement !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Autrement dit, le fait de rendre les plateformes éventuellement responsables du paiement de la TVA au cas où le vendeur a été signalé a conduit les entreprises à s’enregistrer à la TVA, avec à la clé un surcroît de recettes de plusieurs centaines de millions de livres. C’est donc une mesure efficace.
Nous pouvons dire que nous attendons une action de l’Europe. Mais nous savons bien que certains pays européens n’ont pas forcément intérêt à ce que le commerce en ligne soit plus producteur de revenus.
Ce n’est pas seulement un problème de fraude fiscale. C’est aussi un problème de concurrence déloyale. Un vendeur assujetti en France qui respecte ses obligations est forcément défavorisé par rapport à un autre qui ne déclare même pas la TVA !
J’exhorte donc nos collègues à tenir la position qu’ils viennent d’adopter. Inspirons-nous des exemples qui ont fait leurs preuves ! Il serait tout de même bizarre d’oublier un pan entier, représentant plus de 1 milliard d’euros de fraude dans un projet de loi sur la fraude !
Et, encore une fois, monsieur le secrétaire d’État, allez visiter les locaux de la DNEF à Pantin ; vous verrez, c’est très instructif !
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Sur le fond, nos positions convergent évidemment. Permettez-moi cependant de formuler deux remarques.
Premièrement, la directive que j’ai évoquée a été adoptée à l’unanimité du conseil Ecofin. Nous n’avons donc pas à attendre son adoption. Une obligation de transposition en vue d’une application au 1er janvier 2021 est même prévue. D’ailleurs, si les dispositions proposées par M. le rapporteur étaient définitivement adoptées, nous devrions de toute manière les modifier l’année prochaine dans le cadre de la transposition de la directive.
Deuxièmement, et je le dis avec un sourire, vous conviendrez avec moi que les Britanniques sont moins intéressés que nous par l’évolution du droit de l’Union européenne et par l’action de la Commission européenne pour les années à venir.
Article additionnel après l’article 4 sexies
M. le président. L’amendement n° 55 rectifié, présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 4 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de 6 mois après la fin de l’expérimentation prévue par l’arrêté du 28 août 2017 modifiant l’arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes », le Gouvernement remet aux commissions des finances des deux assemblées un rapport détaillant les résultats du traitement automatisé de lutte contre la fraude des particuliers et des entreprises. Ce rapport évoque les moyens mis en œuvre, l’articulation avec le nouveau cadre juridique relatif à la protection des données personnelles et les résultats chiffrés de ce traitement en matière de lutte contre la fraude.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Il ne s’agit pas exactement de demander un nouveau rapport.
Comme cela a déjà été évoqué, depuis 2014, Bercy dispose d’une cellule de data mining dédiée au « ciblage de la fraude » et à la « valorisation des requêtes ». Jusqu’à présent, la collecte de données électroniques concernait exclusivement des professionnels, pour lutter contre la fraude à la TVA.
Mais, depuis le 28 août 2017, cette collecte de données est étendue à tous les contribuables, y compris les particuliers. La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, a donné son accord. La collecte peut donc porter sur les données non seulement d’administrations, mais également d’acteurs privés. Cela renvoie à ce qu’indiquait notre collègue Michel Canevet, notamment à propos du site Leboncoin. Un logiciel crée des modèles pour savoir qui fraude ou est susceptible de frauder. C’est très bien pour lutter contre la fraude.
La CNIL a tout de même indiqué qu’il fallait poser deux garanties, le dispositif touchant à la vie privée des contribuables. D’une part, il doit s’agir d’une expérimentation de deux ans pour les contribuables. D’autre part, un rapport doit lui être remis à l’issue de l’expérimentation, afin de savoir quelles données ont été collectées.
Mon amendement vise donc à faire en sorte que le rapport réclamé par la CNIL soit également remis aux commissions des finances des deux assemblées. Vous le voyez, dans mon esprit, il ne s’agit pas de demander un nouveau rapport.
M. le secrétaire d’État pourra peut-être nous préciser si le Gouvernement a bien l’intention de remettre un rapport à la CNIL. Bien entendu, si le rapport est public, mon amendement perdra sa raison d’être ; nous pourrons faire l’effort d’aller consulter nous-mêmes le document. Mais si le rapport n’est pas public ou si le Gouvernement n’a pas prévu de déposer un rapport à la CNIL, il me semble utile que ce rapport soit remis aux commissions des finances du Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. De deux choses l’une : soit le rapport est public, et l’amendement n’a plus de raison d’être ; soit il n’est pas public, et je m’engage à en demander communication au nom de la commission des finances – un tel document ne relève pas du secret-défense ou du secret médical –, comme le permet la loi organique relative aux lois de finances. Le sujet intéresse également les rapporteurs spéciaux, dont Thierry Carcenac ici présent, auteur d’amendements sur le data mining.
Dans ces conditions, l’amendement sera satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je confirme que le Gouvernement remettra bien un rapport à la CNIL et que le data mining est de toute manière effectué dans le respect des règles prévues par cette dernière. M. le rapporteur vient de s’engager à demander communication du rapport. Pour ma part, je m’engage à vous le communiquer.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, qui est ainsi satisfait.
M. le président. Monsieur Capus, l’amendement n° 55 rectifié est-il maintenu ?
M. Emmanuel Capus. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 55 rectifié est retiré.
TITRE II
RENFORCEMENT DES SANCTIONS DE LA FRAUDE FISCALE, SOCIALE ET DOUANIÈRE
Article 5
Le onzième alinéa de l’article 1741 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les mots : « peut, en outre, ordonner » sont remplacés par le mot : « ordonne » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle peut toutefois, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas ordonner l’affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est retiré.
M. le président. L’amendement n° 47 est retiré.
Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Après l’article 1729 A, il est inséré un article 1729 A bis ainsi rédigé :
« Art. 1729 A bis. – I. – Les amendes ou majorations appliquées à l’encontre de personnes morales à raison de manquements graves caractérisés par un montant de droits fraudés d’un minimum de 50 000 € et le recours à une manœuvre frauduleuse, au sens des b et c de l’article 1729, dès lors que cette sanction est devenue définitive, peuvent faire l’objet d’une publication, sauf si ces manquements ont fait l’objet d’un dépôt de plainte pour fraude fiscale par l’administration.
« Cette publication porte sur la nature et le montant des droits fraudés et des amendes et majorations appliquées, la dénomination du contribuable ainsi que, le cas échéant, l’activité professionnelle et le lieu d’exercice de cette activité.
« La décision de publication est prise par l’administration après avis conforme et motivé de la commission prévue à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales qui apprécie, au vu des manquements et des circonstances dans lesquels ils ont été commis, si la publication est justifiée.
« La publication est effectuée sur le site internet de l’administration fiscale pendant une durée qui ne peut excéder un an.
« II. – Lorsque la commission prévue à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales est saisie, une copie de la saisine est adressée au contribuable, qui est invité à présenter à la commission ses observations écrites dans un délai de trente jours.
« La publication ne peut être effectuée avant l’expiration d’un délai de soixante jours à compter de la notification de la décision de publication.
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
3° (nouveau) Après le huitième alinéa de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette commission est également chargée de donner un avis à l’administration lorsque celle-ci envisage de rendre publiques des sanctions administratives, en application des dispositions de l’article 1729 A bis du code général des impôts. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 91, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante ;
1° Le chapitre premier du titre II de la troisième partie du livre premier est complété par un VIII ainsi rédigé :
« VIII. – Commission de publication des sanctions fiscales.
« Art. 1653 G. – Il est institué une commission de publication des sanctions fiscales. Cette commission est chargée de donner un avis à l’administration lorsque celle-ci envisage de rendre publiques des sanctions administratives, en application des dispositions de l’article 1729 A bis.
« Cette commission est présidée par un conseiller d’État, en activité ou honoraire.
« Elle est composée de deux conseillers d’État, de deux conseillers maîtres à la Cour des comptes et de deux magistrats à la Cour de cassation, en activité ou honoraires.
« Le président a voix prépondérante. » ;
II. – Alinéas 6 et 8
Remplacer les mots :
L. 228 du livre des procédures fiscales
par la référence :
1653 G
III. – Alinéas 11 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Cet amendement vise à rétablir le texte dans sa rédaction initiale.
La commission des finances a supprimé la commission de publication des sanctions fiscales au motif que la création d’une commission représente un coût. Deux arguments me semblent militer contre une telle suppression.
Premièrement, un arrêté de 2011 prévoit que le montant de l’indemnité forfaitaire mensuelle susceptible d’être allouée au président de la commission des infractions fiscales est fixé à 500 euros.
Deuxièmement, il semble dangereux d’ajouter du travail à la commission des infractions fiscales, la CIF. Nous souhaitons quelle connaisse de davantage de dossiers à transmettre au pénal. C’est bien le sens de l’article 13. Je vous rappelle qu’elle a été conçue comme garantie pour les contribuables ; ce rôle nous paraît suffisant.
M. le président. L’amendement n° 48, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 6, 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Avec l’article 6, nous sommes de nouveau dans ce que l’on pourrait appeler la « logique de l’exemplarité ».
Le problème est que cet article, à l’instar de son jumeau l’article 5, met une fois encore l’effectivité de la publication dissuasive en question, des voies de recours pouvant être sollicitées – cela se défend et se conçoit –, tandis que la commission des infractions fiscales se retrouve investie d’une nouvelle fonction : donner le feu vert à la publication des décisions de l’administration.
Nous avons déjà souligné des problèmes très sérieux que posait l’existence de la commission des infractions fiscales du point de vue de la chaîne du droit dans notre pays. Cette commission sert de sas particulièrement sélectif au déferrement d’un certain nombre de contribuables au pénal.
Les cas de fraude fiscale dont l’autorité judiciaire est saisie concernent avant tout des entreprises et des particuliers aux revenus et, surtout, au patrimoine relativement élevés.
Les redressements les plus significatifs relatifs à des entreprises parfois importantes demeurent, pour une grande part, inconnus du public. D’ailleurs, on pourrait se demander ce qu’ont recouvert les opérations menées par le service de traitement des déclarations rectificatives, ou STDR, entre 2013 et 2017 du point de vue de l’éventuelle publicité. En quatre ans, 51 000 dossiers ont été traités, 32 milliards d’euros d’avoirs sont revenus à la surface, et il y a eu 8 milliards d’euros de recettes fiscales ! Tout cela ressemble à une bonne affaire pour l’État sans que nous sachions tout à fait ce qui a procédé de l’application des barèmes et des tarifs en vigueur, des pénalités et des amendes, des transactions éventuelles et des extinctions d’office ou presque de l’action publique !
Nous sommes donc partisans de ne pas saisir la CIF en cas de publication de décisions administratives. Au demeurant, celles-ci ont peut-être aussi le défaut de permettre une défausse sur toute procédure juridique potentielle.
En cas de rejet de cet amendement, nous ne pourrions pas voter l’article 6.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Ces deux amendements portent sur la commission chargée d’autoriser ou non la publication des sanctions fiscales, instance qui est d’ailleurs une nouveauté.
Le Conseil d’État a souligné qu’il s’agissait d’une protection du contribuable. Mais il a aussi considéré que la création d’une nouvelle commission n’était sans doute pas indispensable. En effet, pourquoi créer une nouvelle commission ? Il y a déjà la CIF et, contrairement à ce que vous indiquez, cher Didier Rambaud, elle aura moins de travail. Nous proposons qu’il n’y ait quasiment plus de verrou de Bercy. La loi fixerait les critères, et la CIF serait compétente uniquement lorsqu’on serait en deçà de ces critères. C’est donc une protection contre l’arbitraire éventuel de l’administration.
Pour les cas de fraude fiscale les plus graves, il n’y aura plus de verrou de Bercy. Ce seront les critères légaux qui s’imposeront, et tout sera transmis au parquet. Et dans l’hypothèse où la transmission poserait problème, il y aurait tout de même une concertation avec le parquet.
Inversement, si on est en deçà des critères, il peut y avoir transmission à l’administration fiscale et, dans ce cas et dans ce cas seulement, il y a un passage par la commission des infractions fiscales. Celle-ci aura donc nécessairement moins de travail. Aussi, au lieu de créer une nouvelle commission, il nous semblait plus pertinent de lui confier la mission d’autoriser ou pas les sanctions pénales.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 91.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 48. Prévoir un avis conforme pour la publication de la sanction par l’administration nous paraît constituer une protection du contribuable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 48, pour les raisons qu’a évoquées M. le rapporteur. Il nous semble utile qu’une instance puisse se prononcer sur l’opportunité de la publication des sanctions. Nous rejoignons ainsi un avis du Conseil d’État.
Nous ne pouvons évidemment pas être défavorables à l’amendement n° 91, qui vise à rétablir le texte initial du Gouvernement. Toutefois, comme nous entendons également les arguments de M. le rapporteur sur l’évolution de la masse de travail de la commission des infractions fiscales, nous émettons un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Quel sera le coût du nouveau « bidule » qu’il est proposé de créer ? Y aura-t-il un secrétariat ? Des nominations ?
Nous nous plaignons en permanence de la complexité administrative, et nous nous perdons dans les sigles. Pourquoi, alors qu’il existe déjà une commission des infractions fiscales, créer une nouvelle commission ?
M. Michel Savin. C’est une usine à gaz ! Pour placer les copains !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La CIF aura demain moins de travail, puisque le verrou de Bercy sera supprimé. Je ne comprends pas très bien l’avis de sagesse du Gouvernement.
Il ne nous semblait pas forcément utile de créer un nouvel organisme, avec nomination d’un président, de membres, indemnisation, secrétariat, etc. Essayons de nous simplifier la vie !
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous suivons totalement la position du rapporteur sur ces amendements. Comme nous espérons réduire les pouvoirs de la CIF à leur plus simple expression, c’est une très bonne chose qu’elle puisse s’occuper des publications : cela lui fera un os à ronger ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. La situation est paradoxale : nous devons nous prononcer sur cet amendement alors que nous n’avons pas encore statué sur le rôle et la place de la CIF. Certains souhaitent qu’elle continue son travail à peu près dans les mêmes conditions ; d’autres, dont notre groupe, proposent de la supprimer.
Par conséquent, nous nous abstiendrons. Il faudrait tout de même clarifier qui, au sein de l’administration fiscale, décide de la publicité de la sanction.
M. le président. L’amendement n° 80, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
à l’encontre de personnes morales
La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Nous retirons cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 80 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 81 est présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 99 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
dès lors que cette sanction est devenue définitive,
II. - Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les recours portant sur les impositions et les amendes ou majorations correspondantes présentés avant l’expiration du délai mentionné au deuxième alinéa du présent II ont pour effet de suspendre la publication tant que les impositions et les amendes ou majorations ne sont pas devenues définitives. En cas de recours portant sur les impositions et amendes ou majorations présenté après l’expiration de ce même délai, la publication est retirée du site internet de l’administration fiscale tant que n’est pas intervenue une décision juridictionnelle confirmant de manière définitive le bien-fondé de la décision de publication.
La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 81.
M. Didier Rambaud. Cet amendement vise à rétablir la version initiale du projet de loi s’agissant des garanties liées à la publication des sanctions.
La commission des finances a adopté un amendement visant à ne publier que les sanctions devenues définitives. Nous pensons que le texte initial présente des garanties suffisantes.
D’abord, toute décision de publication est prise après avis conforme et motivé de la commission créée. Ensuite, le projet de loi prévoit un délai de soixante jours avant toute publication, délai qui court à partir de la notification de la décision. Enfin, tout recours sur la sanction a un effet suspensif : a priori, celui qui a reçu une notification et ne présente pas de recours sous soixante jours reconnaît sa faute. Pour mémoire, au civil, l’appel se fait sous trente jours.
En termes d’efficacité des sanctions, l’équilibre retenu dans le projet initial du Gouvernement nous semble être le bon.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 99.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté : il s’agit de revenir à la rédaction initiale du projet de loi.
M. le rapporteur et la commission ont fait le choix de rendre publiables les sanctions uniquement après l’expiration de tous les délais de recours. Cela peut porter le délai de publication à plus de deux ans et faire perdre du sens à la sanction que représente la publication de celle-ci : rendre public le comportement délictueux.
Par ailleurs, imaginons qu’un administré concerné par la publication des sanctions ait reconnu sa faute et ait eu ensuite un comportement irréprochable ; deux ou trois ans plus tard, il pourrait voir sa réputation à nouveau réinterrogée du fait d’une publication beaucoup trop tardive par rapport à la date de prise de décision des sanctions.
Nous souhaitons donc revenir à la rédaction initiale. Comme l’a rappelé M. Rambaud, la procédure que nous proposons permet à un administré de faire appel de la décision de publication de la sanction. Cela garantit un processus contradictoire et respectueux.
M. le président. L’amendement n° 64, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La publication est effectuée soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, aux frais de la personne sanctionnée.
La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. Le texte actuel prévoit que la publication est effectuée seulement sur un site de l’administration fiscale. Nous souhaitons élargir cette publication, en faisant en sorte qu’elle soit effectuée par la presse écrite ou par tout moyen de communication au public par voie électronique, aux frais de la personne morale sanctionnée, comme c’est le cas notamment pour les sanctions prononcées par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. On peut être favorable – je comprends la valeur dissuasive d’une telle mesure – à la publication des sanctions, notamment fiscales, à l’égard des personnes morales. Cette nouvelle possibilité ne me choque pas du tout. Nous avons évoqué à l’instant le filtre éventuel.
En revanche, je trouverais choquant qu’une sanction puisse être publiée sans être définitive. Imaginons qu’une société cotée en Bourse dont la sanction a été publiée par l’administration fiscale fasse un recours et l’emporte in fine. Quelle sera la réaction des marchés lors de la publication de la sanction ? Une baisse instantanée de 20 % du cours de la société, du fait d’un « risque contentieux » ! Nous prenons donc une responsabilité considérable ! Et qui devra en assumer les conséquences ? La société pourra-t-elle ensuite faire un recours de plein contentieux contre l’État ou l’administration fiscale ? Un tel dispositif est extrêmement dangereux et, pour tout dire, irresponsable !
Il faut a minima attendre que les délais de recours soient épuisés avant de publier une sanction ; cela me paraît le minimum pour les droits du contribuable !
Autrement, il faut m’expliquer ce qu’il va se passer… J’aimerais savoir, très concrètement, ce qu’il adviendra si l’on publie une décision selon laquelle une société cotée en bourse a fraudé pour, en définitive, avoir une décharge de l’impôt. Le contribuable pourra-t-il demander réparation, au motif que l’on aura indûment publié une sanction fiscale ? C’est une vraie question !
Je suis donc très défavorable aux amendements identiques nos 81 et 99, et soutiens la publication des sanctions, à condition que celles-ci soient définitives.
Sur l’amendement n° 64, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 64, qui vise à la publication sur différents supports.
S’agissant des amendements identiques nos 81 et 99, je répète que les décisions de publication de la sanction, dépendantes d’une commission, quelle qu’elle soit – je ne reviens pas sur le débat relatif à l’article précédent –, sont elles-mêmes susceptibles d’un recours de la part du contribuable dans un délai de soixante jours.
Nous en sommes convaincus, dès lors que la sanction vise l’exemplarité et une forme d’exposition publique du délit commis, il faut aller un peu plus vite que les deux ans de délais de recours prévus !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je veux intervenir, au nom de mon groupe, sur les amendements identiques nos 81 et 99.
Avec ces amendements, ce sont les principes généraux du droit que l’on malmène sérieusement !
Une personne poursuivie et condamnée a en principe droit à un certain nombre de recours. Ce n’est qu’à la fin de ces recours que la sanction tombe et est applicable. Il existe des cas d’exécution provisoire, mais ils sont assez rares.
On s’appuie à juste titre sur le dispositif du name and shame. Mais ce procédé ne signifie pas injustice !
Il est d’ailleurs très intéressant de voir un gouvernement, présentant un texte sur les fake news – nous aurons l’occasion, ou pas, d’en discuter –, souhaitant que l’on soit le plus robuste possible sur les accusations, les griefs, les reproches, les informations diffusées, proposer que l’on publie purement et simplement des condamnations temporaires, provisoires, alors même que, plus tard, celles-ci pourraient être invalidées.