Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Depuis avant-hier, nous débattons d’un texte très important, puisqu’il concerne la vie de centaines et de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants dans notre pays qui sont en souffrance. Je considère que le Sénat et sa majorité n’ont pas été à la hauteur de ce que contient ce projet de loi, qui mérite un débat non pas partisan, mais politique, au sens noble du terme.
Les conditions ne sont effectivement pas réunies pour que ce débat politique ait lieu dans la sérénité. La majorité sénatoriale en porte ce soir la responsabilité.
J’entends ce que le président de la commission des lois nous a proposé. Je le regrette, d’autant que mon groupe, proportionnellement, est relativement bien représenté depuis le début de cette discussion.
Nous avons essayé de créer les conditions d’un débat serein sur des amendements porteurs de contenu, qui ne se bornent pas à manifester notre opposition, mais comportent un certain nombre de propositions alternatives. Nous savons en effet que des dizaines et des dizaines d’organisations et d’associations, et des milliers de nos concitoyens, attendent des éléments précis sur ce que notre pays est en mesure de proposer à tous ces hommes, toutes ces femmes et tous ces enfants en souffrance.
Après avoir entendu la proposition de M. le président de la commission des lois, j’aimerais bien, madame la présidente, entendre aussi ce qu’en pensent nos collègues de la majorité sénatoriale, du moins ceux qui sont là… (Marques d’approbation sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
MM. Pascal Savoldelli et Guillaume Gontard. Très bien !
Mme Éliane Assassi. En effet, quelle que soit la décision que nous allons prendre, le point de départ est que nous ne pouvons pas débattre sereinement, du fait de l’absence d’un très grand nombre de collègues de la majorité sénatoriale, ce qui conduit à demander des scrutins publics. Donc, madame la présidente, si vous le permettez, j’aimerais entendre la voix de nos collègues de la majorité sénatoriale !
Mme la présidente. Mes chers collègues, il me revient de décider. J’ai entendu l’ensemble des points de vue. (Dénégations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Jean-Yves Leconte. Et la majorité ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, il ne m’appartient pas de solliciter les sénateurs qui ne souhaitent pas s’exprimer.
Mme Laure Darcos. Je demande la parole, madame la présidente ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Je m’exprimerai en tant que nouvelle sénatrice. Je partage la tristesse du président de la commission des lois. Ce n’est pas non plus facile pour nous d’avoir recours à des scrutins publics.
J’espère en tout cas, mes chers collègues, que vous saluerez la présence de ceux qui sont là, certes pas en nombre, mais qui vous écoutent et essaient de débattre avec vous.
M. Guillaume Gontard. C’est bien la moindre des choses !
Mme Laure Darcos. Je ne pense pas que vous arriverez à nous provoquer, mais j’espère que nous serons à l’avenir très nombreux, pour pouvoir débattre de manière respectueuse et en évitant les scrutins publics.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous n’allons pas éterniser le débat sur la poursuite ou non de la séance. Je propose que nous continuions nos travaux. C’est la règle, et je ne crois pas que les conditions d’un débat serein ne sont pas réunies.
Mme Éliane Assassi. Tous les groupes ne se sont pas exprimés sur le sujet ! Pourquoi prendre une telle décision ?
Mme la présidente. Ma chère collègue, je pouvais ne demander aucun avis, mais ce n’est pas mon habitude. Il ne me revient pas néanmoins de solliciter l’avis des groupes qui ne se manifestent pas spontanément.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 445 rectifié bis, présenté par MM. Sueur et Iacovelli, Mme G. Jourda, M. Marie, Mmes Harribey et Blondin et MM. Fichet et M. Bourquin, est ainsi libellé :
Après l’article 10 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 221-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 221-5. – Un mineur ou un étranger accompagné d’un mineur ne peut faire l’objet d’une mesure de maintien en zone d’attente. Immédiatement avisé par l’autorité administrative, le procureur de la République est saisi dans un délai de vingt-quatre heures. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de maintenir des mineurs accompagnant leur famille en zone d’attente.
L’enfermement des enfants en zone d’attente est contraire à l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant selon lequel « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »
La privation de liberté pendant une durée pouvant atteindre vingt, voire vingt-six jours, avec le risque d’être réacheminé à tout moment, est par définition attentatoire à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Dans son arrêt Popov contre France, la Cour européenne des droits de l’homme relève que « la promiscuité, le stress, l’insécurité et l’environnement hostile que représentent [les centres de rétention] ont des conséquences néfastes sur les mineurs, contraires avec les principes internationaux de protection des enfants ». Cette décision est parfaitement transposable aux zones d’attente.
Par ailleurs, la situation faite aux mineurs placés en zone d’attente est en contradiction flagrante avec le principe de protection des mineurs contre l’éloignement.
Monsieur le ministre d’État, vendredi dernier, j’ai visité la zone d’attente pour personnes en instance – la ZAPI – de Roissy-Charles-de-Gaulle. J’ai pu y rencontrer des mineurs, des familles, ainsi que les représentants de la Croix-Rouge qui gèrent ce centre. Unanimement, les salariés de la Croix-Rouge m’ont parlé des traumatismes que pouvait provoquer cette rétention des enfants, et de la frustration des familles qui ont des enfants en zone de rétention.
Nous partons du principe qu’un mineur, qu’il soit isolé ou accompagné, reste un mineur et qu’il n’est pas à sa place dans un lieu de privation de liberté.
Mme la présidente. L’amendement n° 94 rectifié, présenté par M. Antiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l’article L. 221-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Un mineur ne peut être placé en zone d’attente. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. En juin 2015, le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon, s’est saisi d’office de la situation de deux fillettes âgées de trois et six ans, retenues plusieurs jours dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy. À cette occasion, il a réaffirmé son opposition à l’enfermement des enfants en zone d’attente.
Dans sa décision 2017-144, faisant suite à cette saisine, il a conclu à la violation de plusieurs droits, portant atteinte à l’intérêt supérieur des deux fillettes. Il a tenu à rappeler que le maintien en zone d’attente ne peut constituer qu’une mesure de dernier ressort et doit être d’une durée aussi brève que possible. Cela l’a conduit à formuler dix recommandations générales, afin de mieux garantir la prise en compte de l’intérêt de l’enfant.
Aussi, cet amendement tend à l’interdiction générale et absolue de placer des mineurs en zone d’attente, dans la mesure où il s’agit d’une privation de liberté. À ce titre, aucun mineur ne devrait avoir à subir un tel traitement, qu’il soit accompagné ou non. Dans un cas comme dans l’autre, il appartient aux autorités de confier les mineurs isolés ou les mineurs avec leur famille aux centres d’hébergement prévus par le CESEDA.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli, Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa de l’article L. 221-1 est ainsi rédigé :
« Un mineur non accompagné ne peut faire l’objet d’une mesure de maintien en zone d’attente. » ;
2° L’article L. 221-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 221-5. – Un mineur non accompagné ne peut faire l’objet d’une mesure de maintien en zone d’attente. Immédiatement avisé par l’autorité administrative, le procureur de la République est saisi dans un délai de vingt-quatre heures. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Je vais défendre cet amendement, mais, avant cela, je tiens à dire que je n’accepterai pas que l’on manipule la commission des lois pour lui faire assumer les problèmes du groupe Les Républicains ! C’est inadmissible ! Alors qu’une révision constitutionnelle est annoncée, vous vous rendez compte de l’image que nous donnons du Sénat !
Je comprends que mes collègues du groupe La République En Marche regardent le spectacle…
Mme Laurence Rossignol. Avec gourmandise !
M. Pascal Savoldelli. … avec gourmandise, oui !
Mme Catherine Procaccia. Il ne faut pas leur prêter de mauvaises intentions !
M. Pascal Savoldelli. Je ne prête d’intention à personne, ma chère collègue, mais je ne comprends pas cette attitude ! J’ai une opinion différente de celle de Mme Darcos sur de nombreux sujets, mais cette dernière a eu le courage de s’exprimer. Elle a pris ses responsabilités, elle, au moins ! Où se trouve le groupe majoritaire du Sénat ?
M. Fabien Gay. Oui, il est où ?
M. Pascal Savoldelli. On va trouver d’autres solutions. Je vais inviter M. Buffet ou M. Bas, ainsi que mon collègue Laurent Lafon – pour maintenir les équilibres –, à visiter le centre de rétention de Vincennes !
M. Philippe Pemezec. On n’a pas besoin de vos leçons !
M. Pascal Savoldelli. C’est sérieux, mes chers collègues. Il y a un vrai problème en termes d’image du Sénat ! Franchement !
M. Philippe Pemezec. Vous prolongez inutilement le débat !
Mme la présidente. Monsieur Savoldelli, présentez votre amendement, s’il vous plaît !
M. Pascal Savoldelli. Je vais le faire, madame la présidente, mais vous voyez bien que je suis en colère ! Cette colère n’est pas propre à un parti ou à une idéologie. On parle tout de même du Sénat !
Mme Catherine Di Folco. Vous vous donnez en spectacle !
M. Pascal Savoldelli. Les Républicains étaient davantage présents quand nous avons examiné la réforme de la SNCF ! L’absence des membres de votre groupe durant des heures découle non pas d’un oubli ou de quelconques loisirs, mais d’une décision d’ordre politique que vous avez prise, mes chers collègues. Je fais confiance à votre capacité de vous organiser !
Mme Catherine Troendlé. Mais nous, nous sommes bien là ! Ayez du respect pour ceux qui sont présents !
M. Pascal Savoldelli. Mon discours ne vous plaît peut-être pas, mais, personnellement, je serai là demain aussi et, avec les élus de mon groupe, je passerai la nuit, s’il le faut, à défendre nos amendements ! Nous respecterons le Sénat comme nous l’avons toujours respecté, quelles que soient les réformes examinées, y compris lorsque nos amendements sont rejetés par la majorité. Nous respectons l’institution avant tout et acceptons le conflit d’idées !
Revenons-en à mon amendement. Six mille personnes, y compris des gosses, transitent par la ZAPI de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. La médiatrice interprète de la Croix-Rouge, qui s’occupe des mineurs, nous a expliqué qu’ils étaient stressés, qu’ils pleuraient, parce que les uniformes les effraient. Et que dire des aménagements ?
Que fait le Sénat ? Allons-nous continuer à parler de nos querelles, de chiffres, du fait qu’un groupe a décidé d’être peu présent pour des raisons que celui-ci n’est même pas capable d’expliquer, alors que la France s’honorerait à garantir de meilleures conditions de placement en rétention à ces mineurs, ainsi que leur intégrité psychique et psychologique, et ce quel que soit leur pays d’origine ? C’est de cela que nous devrions parler !
C’était un moment de colère et d’humeur, j’en conviens, madame la présidente, mais j’espère qu’il est partagé ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il est certain que nous avons tous, les uns et les autres, de bonnes raisons de ne pas être satisfaits de la manière dont ce débat se déroule.
Mme Esther Benbassa. Les uns et les autres ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Pour autant, je crois que nous en avons suffisamment parlé et que la meilleure démonstration que nous puissions apporter de notre esprit de responsabilité, à nous tous qui sommes présents ce soir, est de continuer à travailler sur le fond, puisque la séance se poursuit, et de faire avancer le débat. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Esther Benbassa. La séance a été suspendue plus d’un quart d’heure !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ne nous arrêtons pas à chaque instant sur des questions d’organisation : nous en avons déjà suffisamment discuté entre nous. S’il vous plaît, mes chers collègues, puisque nous avons décidé, avec madame la présidente, de continuer à débattre du fond, débattons du fond !
M. Fabien Gay. C’est incroyable ! Vous avez dit l’inverse tout à l’heure !
Mme la présidente. L’amendement n° 254 rectifié ter, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 221-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 221-5 – Un mineur non accompagné ne peut faire l’objet d’une mesure de maintien en zone d’attente. Immédiatement avisé par l’autorité administrative, le procureur de la République est saisi dans un délai de vingt-quatre heures. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Lorsqu’il sera temps de le mettre aux voix, cet amendement n’aura peut-être plus d’objet, dans la mesure où les amendements qui le précédent l’englobent.
En effet, il a pour objet d’interdire le placement en zone d’attente des mineurs non accompagnés. Mes collègues ont exposé tout à l’heure toutes les difficultés, les inconvénients et les aspects inadmissibles de la rétention des enfants, y compris lorsque ceux-ci sont accompagnés de majeurs. Mais lorsqu’ils ne sont pas accompagnés, c’est totalement intolérable !
Sans chercher à établir de comparaisons déplacées, certaines images provenant d’outre-Atlantique d’enfants séparés de leurs parents nous ont heurtés. Nous connaissons également la position des instances internationales, ainsi que l’avis du Conseil d’État, sur le sujet : l’interdiction de placer un mineur non accompagné en zone d’attente doit être la règle. C’est pourquoi il faut adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 445 rectifié bis vise à interdire le placement en zone d’attente de tous les mineurs et de tous les étrangers accompagnés de mineurs. M. Antiste, auteur de l’amendement n° 94 rectifié, propose une telle interdiction pour tous les mineurs. Les amendements nos 24 rectifié bis et 254 rectifié ter tendent à limiter cette interdiction aux mineurs isolés ou non accompagnés.
L’adoption de ces amendements équivaudrait concrètement à devoir accepter l’entrée sur notre territoire de tout mineur isolé, de tout mineur, voire de toute personne accompagnée d’un mineur, du seul fait qu’ils se présentent à nos frontières. Ce serait nier la possibilité même d’un contrôle du franchissement de nos frontières. Ce n’est évidemment pas conforme à nos engagements vis-à-vis de l’Europe ni au code frontières Schengen.
J’ajoute que le maintien des mineurs en zone d’attente est particulièrement encadré pour tenir compte de leur vulnérabilité. Outre les garanties reconnues à tout étranger, à savoir l’assistance d’un interprète et d’un médecin, la communication avec un conseil ou toute personne de son choix, le mineur bénéficie de protections spécifiques supplémentaires.
En effet, il ne peut être éloigné avant un délai minimal d’un jour franc, dont il bénéficie de plein droit. Un administrateur ad hoc doit être désigné pour le représenter dans le cadre de toutes les procédures administratives et juridictionnelles, s’il n’a pas de représentant légal. En outre, les conditions matérielles de maintien sont aménagées : il bénéficie ainsi, en pratique, à Orly ou à Roissy, d’un lieu d’hébergement adapté et séparé, que, comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, nous avons visité. Enfin, le réacheminement ne peut se faire qu’après s’être préalablement assuré de la prise en charge du mineur, soit par sa famille, soit par une institution chargée de le protéger.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je partage l’avis du rapporteur.
Si ces amendements étaient adoptés, tous les mineurs non accompagnés qui arriveraient sur le territoire français devraient effectivement y rester. Or vous savez, si certains d’entre vous ont des responsabilités dans les départements, que l’un des problèmes majeurs des départements aujourd’hui est celui de la prise en charge des mineurs non accompagnés, et qu’une discussion a lieu actuellement entre le Premier ministre et le président de l’Assemblée des départements de France pour trouver les solutions à ce problème.
Ensuite, je peux vous dire, en tant que ministre de l’intérieur, que nous connaissons un certain nombre de mineurs qui sont arrivés à Paris totalement asociaux. Ces mineurs ne peuvent être pris en charge par aucun service social aujourd’hui ! Il s’agit d’une difficulté majeure que nous traitons à bas bruit, mais que nous traitons tous les jours ! Ça aussi, c’est la réalité, et les Français la voient également cette réalité-là ! Il ne s’agit pas d’une simple réalité virtuelle ; c’est une réalité de tous les jours, dans un certain nombre de quartiers !
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Mme Éliane Assassi. Que fait-on, alors ? On les enferme ?
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le ministre d’État, la réalité, c’est que vous justifiez l’enfermement des mineurs. Or, qu’il soit accompagné ou non, un mineur reste un mineur !
Je suis désolé, mais il existe d’autres solutions pour ces mineurs : plutôt que d’être enfermés dans une prison pendant vingt à vingt-six jours, encadrés par la Police aux frontières, ils pourraient être assignés à résidence, accueillis dans des centres d’hébergement où les personnels ne portent pas l’uniforme.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Monsieur le ministre d’État, je suis désolé, mais, pour moi, vos propos sont terriblement inquiétants !
En effet, ce que vous venez de dire peut conduire tout droit à un renoncement de la France aux conventions internationales qu’elle a ratifiées. C’est grave !
Le problème des mineurs étrangers isolés présents sur notre territoire est une réalité, comme dans d’autres territoires en Europe. Il s’agit d’une réalité extrêmement forte. On a beaucoup parlé de Mayotte aujourd’hui. Et pourtant, des conventions internationales – parce que l’on croit à la protection de l’enfance – s’imposent à nous.
J’espère que, au-delà des propos que vous avez tenus, votre idée n’est pas de renoncer à l’État de droit dans lequel nous sommes engagés, et qui fait l’honneur de la République, depuis 1789 !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre d’État, je suis extrêmement scandalisé par vos propos. Ils me touchent au plus profond de mon âme.
Je suis élu départemental des Hauts-de-Seine et je peux vous assurer qu’il y a, aujourd’hui, dans ce département, énormément de mineurs asociaux que les services de l’État ont abandonnés. Et ils sont français !
Ce qui nous sépare, monsieur le ministre, c’est que je ne fais pas de différence entre des mineurs asociaux français et étrangers : c’est ça l’humanité ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. J’avoue avoir très mal moi aussi, moi qui suis le fils d’une génération, dont on peut très bien deviner les origines, qui est issue de rapports que l’histoire ne cesse de dénoncer.
Je ne comprends pas comment on peut traiter des enfants comme cela et les déshumaniser à ce point. Je ne comprends pas comment un peuple peut être traité de cette manière, surtout par le pays qui se dit le champion des droits de l’homme !
J’en suis très triste et, si je n’avais aucun motif de voter contre ce texte, ce moment précis m’en donne toutes les raisons ! Je suis très amer, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. Monsieur le ministre d’État, je suis également très choquée par vos propos, surtout quand vous utilisez l’expression « réalité virtuelle ». Nous sommes peut-être des hors-la-loi pour vous, mais mes collègues et moi-même sommes entièrement accaparés dans nos départements par le problème des jeunes mineurs.
Monsieur le ministre d’État, juste avant que nous abordions la question de ces mineurs qui fuient leur pays, avec ou sans leurs parents, vous nous avez dit que des bateaux venant de Libye, où l’on sait que l’esclavage des migrants est un commerce tout à fait banal, allaient bientôt arriver, sans pour autant que vous sachiez exactement où ils se trouvent et où ils accosteront.
Pouvez-vous nous donner davantage d’informations sur ce sujet, de sorte que les associations puissent s’organiser pour accueillir les personnes qui se trouvent sur ces bateaux ?
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Je veux dire à notre collègue communiste, qui interpellait tout à l’heure les membres du groupe La République En Marche, qu’aucune forme d’indignité ne suscite la gourmandise et que le spectacle offert ce soir n’éveille chez moi absolument aucune gourmandise !
Cela étant, j’ai déposé un amendement sur l’article 15 quater, qui concerne la rétention des mineurs accompagnés. Certes, nous débattons en cet instant d’un sujet différent. Je veux simplement relever que l’amendement précité, comme ceux dont nous discutons maintenant, a un premier mérite, celui de rappeler que notre code prohibe la rétention des mineurs, et fixe un certain nombre de conditions préalables à la rétention. Il faut quand même le dire. Avec ce texte, nous sommes donc en mesure de tenir nos engagements sur un plan juridique.
Je suis conscient de la situation particulière des mineurs isolés en zone d’attente, et j’entends les arguments du rapporteur et du ministre sur ce sujet-là.
S’agissant de l’article 15 quater, nous avons besoin de temps pour travailler, afin de mieux encadrer l’assignation à résidence, l’accueil des familles avec des enfants et leur hébergement. Il faut aussi travailler pour améliorer la définition d’un certain nombre de conditions préalables à la rétention, car c’est à propos de la rétention des mineurs accompagnés que la France a été condamnée, et non du placement en zone d’attente des mineurs.
M. Rachid Temal. Mais alors, vous allez voter pour ou contre nos amendements ?
M. Arnaud de Belenet. Sur la question de la rétention des mineurs accompagnés, nous avons effectivement encore des marges de progression.
Mme Éliane Assassi. Vous êtes pour ou contre les amendements dont nous discutons ?
M. Arnaud de Belenet. Je ne voterai évidemment pas les amendements relatifs à l’interdiction du placement des mineurs en zone d’attente (Exclamations ironiques sur certaines travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.), ce qui ne m’empêchera pas de défendre mon amendement sur le placement en rétention des mineurs accompagnant leur famille.
M. Rachid Temal. Pensée complexe ! (Sourires.)
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Arnaud de Belenet. Sur ce dernier sujet, en effet, un travail préalable est nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. Oui, 1789 ! Vous nous faites faire un bond en arrière de trois siècles pour tenter de justifier les mesures complètement ahurissantes que vous souhaiteriez prendre en 2018 !
C’est, 1789, l’année de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui commence par la formule « Au nom du Peuple François et du citoyen ». J’ai beau éplucher les dix-sept versets de cette religion laïque et obligatoire, je n’y ai pas trouvé l’obligation d’accueillir chez nous toute la misère du monde, même lorsqu’elle est mineure ! L’interprétation que vous en faites est purement idéologique et n’est absolument pas adaptée à la réalité de notre pays en 2018.