Mme Éliane Assassi. Quelle bouillie !
M. Stéphane Ravier. Cela a été rappelé dans cet hémicycle, il y a quelques semaines, on estime que 70 % de ces mineurs, du moins déclarés comme tels, sont en réalité des majeurs,…
Mme Esther Benbassa. D’où viennent vos chiffres ?
M. Stéphane Ravier. … sachant que chaque prétendu mineur coûte à la collectivité près de 60 000 euros par an !
Mme Éliane Assassi. Ce sont vos fantasmes !
M. Stéphane Ravier. Il y a une première mesure à prendre dans une démocratie responsable, surtout lorsqu’elle compte 9 millions de pauvres et 5 millions de chômeurs : il faut obliger ces prétendus mineurs à accepter le test qui permet de déterminer si, oui ou non, ils sont mineurs et d’agir en conséquence.
Mes chers collègues, il serait temps que vous regagniez la planète Terre (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain) et que vous affrontiez la réalité de cette situation qui fait que, encore une fois, nos compatriotes qui sont dans les plus grandes difficultés économiques, sociales, identitaires, sécuritaires,…
M. Rachid Temal. Il faut arrêter !
M. Stéphane Ravier. … en grande partie à cause de votre politique d’immigration, ne sont pas pris en compte ! (M. Philippe Pemezec applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Un enfant, dans la plupart des cas, est socialisé. Parfois, il peut malheureusement être désocialisé, mais, en aucun cas, un enfant n’est asocial.
L’honneur de la République, c’est d’aider ces enfants, qu’ils soient français ou étrangers. Le déshonneur, c’est d’ignorer leur souffrance et de les enfermer.
Vous ne mesurez pas, monsieur le ministre d’État, les dégâts psychologiques produits sur un enfant, quel que soit le nombre d’heures pendant lesquelles il est privé de liberté. Le droit de l’enfant et les conventions internationales nous obligent : nous devons, quoi qu’il en coûte, quelles que soient les circonstances, protéger les enfants. Ne jamais priver un enfant de liberté doit l’emporter sur toute autre considération ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Je veux vous faire part, mes chers collègues, d’une expérience menée avec un certain nombre d’entre vous dans les Hautes-Alpes. En effet, aller voir sur place est certainement la meilleure façon de se faire une idée.
Mme Esther Benbassa. On ne vous a pas attendu !
M. Sébastien Meurant. Je ne vais pas interpréter, mais décrire ce que nous avons vu dans les Hautes-Alpes : nous n’avons vu que des hommes, habillés…
M. Rachid Temal. En bleu ! (Sourires.)
M. Sébastien Meurant. … avec des maillots de football – c’était un soir de match –, en jogging, chaussés de tennis et munis de téléphones.
Nous leur avons demandé si c’était le département qui leur fournissait ces vêtements, chaussures et téléphones. Ces hommes nous ont répondu que ce n’était pas du tout le cas. Ils avaient été récupérés par des associations,…
M. Xavier Iacovelli. Pas récupérés ! Sauvés !
M. Sébastien Meurant. … qui leur fournissaient tout ce que je viens de décrire.
Ces hommes étaient tous mineurs, puisqu’ils disaient tous l’être et avoir seize ans. Tous voulaient prendre le même chemin, être menuisiers ou électriciens, parce qu’ils s’étaient imaginé que, lorsqu’on a seize ans en France, on peut toucher de l’argent. (Brouhaha sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Vous êtes un odieux personnage !
M. Sébastien Meurant. La difficulté pour les personnes qui ont à traiter les dossiers de ces jeunes hommes, mineurs ou non, difficile de le savoir,…
Mme Éliane Assassi. Vous êtes vraiment un odieux personnage !
M. Sébastien Meurant. Madame la présidente, serait-il possible qu’on me laisse m’exprimer ?
Mme la présidente. Je vous ai donné la parole, mon cher collègue !
M. Sébastien Meurant. Pourriez-vous demander à nos collègues de se taire ?
M. Roger Karoutchi. Il faut ramener l’ordre !
Mme la présidente. Mon cher collègue, il est normal que l’on puisse s’interpeller. Cela étant, j’en appelle au respect de chacun. Veuillez poursuivre, monsieur Meurant.
M. Sébastien Meurant. Les services sociaux du département des Hautes-Alpes nous ont expliqué que tous ces réfugiés déclaraient être mineurs. Les Hautes-Alpes, c’est la montagne : ces migrants étaient hébergés dans un centre qui n’était pas fermé, sans gardien.
Ces services sociaux nous ont aussi expliqué – cela vous intéressera peut-être – que les rares jeunes femmes présentes, mineures ou pas – évidemment, on ne peut pas le déterminer, puisqu’on ne réalise pas de tests et que l’on ne peut même pas recueillir leurs empreintes –, étaient tout de suite récupérées par des réseaux. Ces femmes sont qualifiées de porte-monnaie ambulants ! Je le dis pour vous faire un peu réfléchir !
En faisant des déclarations de principe – l’État doit, quant à lui, gérer des faits concrets –, vous êtes les complices de ces trafiquants d’êtres humains ! (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme Esther Benbassa. Vous faites du cinéma !
M. Sébastien Meurant. Vous êtes les complices de ces réseaux de prostitution. Rendez-vous compte de cela !
Mme Éliane Assassi. C’est scandaleux !
Mme la présidente. Madame Assassi, laissez s’exprimer l’orateur !
M. Sébastien Meurant. Dans les Hautes-Alpes, nous avons tout simplement écouté les services sociaux : ce sont eux qui passent leur temps avec les réfugiés, et ils estiment que la moitié de ces jeunes ne sont pas des mineurs. La moitié !
En tout cas, je peux vous le dire, ces migrants sont pris en charge et ne sont pas laissés dans la nature, dans la montagne. Et vous, que proposez-vous ? Que fait-on de ces jeunes, de ces individus qui se déclarent mineurs, alors que la moitié ne l’est pas ?
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Le sujet dont nous discutons est essentiel et, en même temps, très symbolique. Le débat se poursuivra d’ailleurs dans quelques instants avec les zones de rétention.
Pour le moment, nous discutons des zones d’attente. Très franchement, la question des enfants, des mineurs, qu’ils soient isolés ou non, devrait faire consensus dans une enceinte républicaine ! Je dis bien une « enceinte républicaine ».
Je répète que je suis très étonné des propos que j’entends. Nous avons eu par le passé d’autres débats sur l’immigration : lors de dérapages sur les valeurs républicaines, même sur les travées de droite, on faisait front. Je me souviens que nous nous étions soulevés contre les tests ADN et que le Sénat avait finalement rejeté cette disposition. C’est le Sénat qui, à l’époque, avait rendu son honneur à notre pays !
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. David Assouline. Pourtant, la mesure venait d’un gouvernement de droite, mais c’est ici que l’on a réagi, parce que l’on touchait à des choses essentielles, à des valeurs humaines.
Comment peut-on envisager d’enfermer un enfant, avec des gardes à l’entrée ? Il n’a commis aucune faute, l’enfant !
M. Stéphane Ravier. C’est juste un clandestin !
M. David Assouline. Arrêtez avec votre inhumanité cynique !
D’ailleurs, en France, même pour les enfants qui commettent des fautes, on a quelques égards, justement parce qu’ils sont des enfants !
M. Stéphane Ravier. Vous êtes extraordinaire ! Vous êtes dans le déni permanent !
M. David Assouline. Là, nous touchons le fond. Oui, nous touchons le fond ! Nous avons toujours eu des désaccords sur les questions liées à l’immigration. Mais très franchement, mes chers collègues, pensez-vous sérieusement que cela grandisse l’image de la France ?
Tous ces jeunes qui traversent les montagnes, les mers… J’ai encore vu récemment un reportage sur un bateau en train de dériver, qui a justement été sauvé par les associations, dont l’Aquarius. À la fin, le bateau coule et on voit un enfant flotter à la surface. Alors, risquant leur vie, des personnels associatifs vont le sauver.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. David Assouline. Ce sont des enfants ! On risque sa vie pour eux ! C’est ce que l’on nous a appris ! Alors, arrêtez ! N’en rajoutez pas !
On n’enferme pas un enfant ; il en aura des séquelles toute la vie !
Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé !
M. David Assouline. Mais je suis sans cesse interrompu, madame la présidente.
Mme la présidente. Comprenez bien que, vu les circonstances, je sois très rigoureuse, parce que chacun considère être brimé par rapport à l’autre.
M. David Assouline. Je ne suis pas brimé. Mais les interruptions incessantes empêchent le bon déroulement d’une intervention.
Mme la présidente. Quoi qu’il en soit, je dois faire preuve de la même rigueur à l’égard de chaque orateur.
La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Il y a des moments, je crois, où l’actualité nous rattrape. Ce soir, notre débat porte sur les mineurs ; hier, une image a dû choquer tout homme et toute femme, quelle que soit son appartenance politique : celle de ce mineur, de ce jeune Mexicain encagé par l’administration Trump.
Beaucoup de choses ont été dites par mes collègues de gauche, et je ne vais pas les répéter.
Néanmoins, sommes-nous toutes et tous d’accord pour considérer qu’un mineur, qu’il soit né en France, au Mexique ou en Syrie, est un mineur ? Pour ma part, je dis : oui !
Par conséquent, on n’enchriste pas un mineur dans aucune geôle, où que ce soit dans le monde ! C’est comme ça ! C’est un droit humain fondamental !
Sommes-nous d’accord avec ça ?
Par ailleurs, je m’étais fait une promesse en entrant dans cet hémicycle, voilà dix mois : ne jamais répondre à l’extrême droite. Sans cela, on lui donne une tribune. Ses représentants sont rarement présents et, quand ils sont là, on s’amuse à leur répondre. Mais là, c’est trop !
Monsieur le ministre d’État, votre réponse me fait penser à une course à l’échalote. Vous courrez derrière l’extrême droite ! Vous légitimez les discours qui sont tenus, aujourd’hui, dans cet hémicycle ! C’est intolérable !
Pour la première fois, en France, un texte assimile asile et immigration. C’est un jeu très dangereux, car l’extrême droite progresse partout en Europe. Ils sont au pouvoir en Italie, en Hongrie, en Autriche ; ils sont entrés, pour la première fois, au Bundestag allemand…
On ne combat pas l’extrême droite sur ses propositions ; on la combat pied à pied !
M. Philippe Pemezec. C’est votre attitude qui la fait progresser !
M. Fabien Gay. On fait reculer l’extrême droite quand on s’occupe de faire reculer la pauvreté et la précarité.
On fait reculer l’extrême droite, en parlant, non pas aux bas instincts de nos concitoyens,… (Exclamations.)
Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues !
M. Fabien Gay. … mais à leur intellect !
M. Philippe Pemezec. Ce n’est pas parce que vous crierez fort que vous allez nous convaincre !
M. Fabien Gay. C’est un défi d’humanité !
Il n’y a pas un « flot migratoire », c’est faux ! Le solde migratoire n’a pas progressé depuis trente ans dans ce pays ni en Europe. Ce sont 3 %, seulement, des hommes et des femmes qui fuient la guerre et la misère que l’on retrouve en Europe, les autres – 97 % – restent dans leur propre pays ou dans les pays voisins.
M. Stéphane Ravier. Vous mentez !
M. Fabien Gay. Le Liban, 6 millions d’habitants, a accueilli 1 million de réfugiés.
M. Philippe Pemezec. Arrêtez de crier ! Vous nous saoulez !
M. Fabien Gay. C’est ça, la réalité !
Vous parlez aux pires instincts de nos concitoyens ; parlons à leur intellect ! J’ai honte de ce qui se passe, ce soir, dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’en appelle, pour ma part, à un peu de sérénité et d’écoute dans nos discussions.
M. Philippe Pemezec. Contrôlez votre famille politique, alors !
Mme Laurence Cohen. Vous n’avez même pas commencé à m’écouter ; vous ne savez pas ce que je vais dire ! Ayez au moins le respect d’attendre mon propos, cher collègue… si je peux encore vous appeler ainsi !
Ce débat n’est pas digne de la Haute Assemblée. Tout est mélangé dans les propos ! J’ai entendu un ou deux parlementaires ici présents nous expliquer que certains mineurs n’étaient pas des mineurs – ils se déguisaient –, qu’il fallait faire attention aux femmes présentes dans ces camps, parce qu’elles allaient être violées ou entraînées dans des réseaux. Mais on est où ? Sommes-nous entre parlementaires en train de légiférer ? Ou sommes-nous en train de fantasmer ?
Que nous ayons des désaccords idéologiques ou politiques, soit ! Nous les assumons tous, mes chers collègues, et c’est important, effectivement, de pouvoir confronter des points de vue différents. Cela enrichit nos discussions.
Je suis élue depuis 2011 au Sénat. Chaque fois, c’est ainsi, et chaque fois, on progresse, même si certaines lois que je ne partageais pas ont été votées – il y en a eu, hélas, beaucoup, beaucoup trop. Mais c’est un autre débat !
En tout cas, que l’on ne mélange pas tout !
Je suis orthophoniste : quand on parle d’enfants, on parle d’enfants ; quand on parle de mineurs, on parle de mineurs. Leur cas n’est jamais désespéré ! Ce dont ils ont besoin, toujours, c’est d’être accueillis. Ils n’ont pas besoin d’être rejetés !
Or, là, nous mettons en place le rejet et, le rejet appelant le rejet, il y a toujours des boucs émissaires ! C’est toujours la faute des autres ! Et la situation va en s’aggravant…
Ce n’est pas en se protégeant avec des petites phrases et des ricanements que l’on pourra sortir le pays de ses difficultés actuelles !
J’en appelle donc à un débat intelligent, serein. On peut être en désaccord, mais il faut se respecter, tout comme il faut respecter les enfants et les mineurs, qu’ils soient étrangers ou français. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Merci, madame Cohen, de cette intervention, qui fait suite à d’autres interventions, que je salue également.
Nous avons entendu ce soir beaucoup de propos assez terrifiants,…
M. Philippe Pemezec. C’est vous qui êtes terrifiant !
M. Jean-Yves Leconte. … tant sur le fond que sur la forme !
Sur le fond, certains de mes collègues ont parfaitement répondu.
Sur la forme, donc la manière de débattre, nous pouvons continuer à discuter de généralités, mais ces amendements soulèvent une question précise : des êtres humains – enfants ou se déclarant mineurs – arrivent à la frontière ; qu’en fait la République, quand ils sont isolés et quand ils sont accompagnés ? Différentes solutions sont proposées.
Comment établit-on qu’un enfant ou un mineur non accompagné, qui se déclare comme tel, en est bien un ? Nos principes veulent que l’on s’appuie sur sa propre déclaration, sauf si la justice de notre pays en décide autrement. Qu’en fait-on ? Le place-t-on en zone d’attente s’il est isolé, ou pas ?
Voilà ce sur quoi portent les amendements ! Il n’est peut-être pas nécessaire de faire des généralités sur l’asocialité de telle ou telle partie… Ce n’est pas ça ! La problématique est très précise. Que fait-on des enfants qui se présentent, de manière isolée ou en famille, aux frontières ? Les enferme-t-on ?
Le Gouvernement et nos collègues de droite ont apporté des réponses très générales. Un certain nombre d’horreurs ont été prononcées. Nous, nous proposons qu’un mineur ou un enfant isolé se présentant à la frontière puisse être accueilli et protégé.
Tel est donc l’objet de ces amendements, et je crois souhaitable que nous en restions à des considérations précises, concrètes, et que chacun prenne ses responsabilités par rapport à cette question du traitement d’un enfant se présentant à nos frontières. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mes chers collègues, de ce que nous sommes en train de vivre, de l’endroit où nous sommes et du sujet dont nous parlons !
Je suis jeune élu. À aucun moment, jamais, je n’aurais imaginé me retrouver, ici, à me poser la question de savoir si on doit, ou non, enfermer des mineurs ! Jamais je ne l’aurais imaginé !
Et puis ce ne sont pas des mineurs ! Ce sont des enfants ! J’en ai moi aussi, mes chers collègues, comme beaucoup d’entre vous, j’imagine. Quand vous regardez vos enfants dans les yeux, que vous dites-vous ? Vais-je l’enfermer ou non ? Posez-vous la question tout de même !
Il est invraisemblable que nous soyons, ici, à examiner ce problème. Nous sommes dans le délire le plus absolu !
Mais, monsieur Collomb, qu’êtes-vous en train de faire avec ce projet de loi ? On le voit ! Les sénateurs La République En Marche ont déserté ; il n’y a plus personne… La discussion se tient entre Les Républicains, du moins ce qu’il en reste, …
M. Philippe Pemezec. Les meilleurs sont là !
M. Guillaume Gontard. … et l’extrême droite !
Voilà où l’on en est ! Voilà à quoi mène ce discours ! Je vous rappelle, et je conclurai ainsi, car je ne veux pas être plus long, que vous avez été maire de Lyon, la ville des Justes. Souvenez-vous-en ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre d’État, demandez la parole si vous souhaitez intervenir. Elle est de droit.
Mme Éliane Assassi. N’inversez pas les rôles !
Mme Laurence Cohen. C’est votre projet de loi qui est mauvais !
M. Philippe Pemezec. Il y a des limites !
Mme la présidente. Monsieur le ministre d’État, le Parlement est un lieu libre de parole. Si vous souhaitez réagir, je vous laisserai intervenir.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je comprends le courroux du ministre d’État, mes chers collègues. Certains amalgames sont proprement intolérables,…
Mme Catherine Troendlé. Mais oui !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … surtout quand ils visent nommément – que ce soit un membre du Gouvernement ou toute autre personne – quelqu’un n’ayant évidemment rien à voir avec ces insinuations. Je trouve cela tout à fait scandaleux !
Je comprends que, dans le feu du dialogue, s’il s’agit d’un dialogue, on puisse s’emporter et franchir les limites, mais ce type d’accusations implicites est proprement intolérable.
Mme Laurence Cohen. C’est l’histoire !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame la présidente Assassi, je veux souligner à ce stade du débat, après tant de manifestations d’indignation, que la loi de la République n’a pas attendu le débat de ce soir pour se préoccuper de la situation des enfants étrangers qui arrivent dans nos aéroports.
Je signale à nos collègues du groupe socialiste et républicain que la législation sur l’immigration a été modifiée en 2015, puis en 2016, sans qu’aucun membre du gouvernement de l’époque ni aucun des sénateurs ici présents n’ait eu l’idée d’apporter des restrictions ou des conditions supplémentaires au placement temporaire d’enfants étrangers dans les zones d’attente.
Nous avons à trouver un bon équilibre entre plusieurs préoccupations.
La préoccupation de la dignité de la prise en charge de ces enfants est évidemment un souci majeur, et croyez bien, mes chers collègues de la gauche, que ce souci est partagé sur toutes les travées. Les postures accusatoires sont tout à fait excessives et blessantes pour le reste de l’assemblée, qui, à l’évidence, possède les mêmes qualités de cœur que les vôtres.
M. Philippe Pemezec. On se croirait à l’Assemblée nationale !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La vérité, c’est que la législation actuelle est très protectrice, posant un certain nombre de conditions. En l’absence de tuteur légal, on désigne un administrateur provisoire, qui est chargé de l’enfant tout juste arrivé.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Êtes-vous l’avocat du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Les conditions d’accueil dans les zones d’attente obéissent à des prescriptions visant à assurer la qualité de l’environnement de l’enfant.
Mme Éliane Assassi. On vous dit que ce n’est pas vrai !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. L’enfant ne peut pas être renvoyé par le même avion dans son pays d’origine, car l’on peut procéder à ce renvoi seulement après avoir vérifié qu’il peut être accueilli à son retour.
Si bien que toute allusion à la barbarie nazie et aux camps de concentration est évidemment totalement déplacée, s’agissant de cette loi de la République que la gauche au pouvoir n’a pas cherché à modifier – si elle n’a pas cherché à le faire, c’est bien qu’elle l’estimait digne et respectueuse des enfants étrangers arrivant à nos frontières… Et c’est effectivement le cas !
Je crois qu’il est temps, ce soir, de revenir à une plus exacte appréciation de nos réalités et de notre droit.
On peut fort bien refuser ces amendements, tout en ayant aussi à cœur le respect des valeurs d’humanisme fondant notre démocratie.
Mme Catherine Troendlé. Bien sûr !
M. Roger Karoutchi. Qui êtes-vous pour donner des leçons de morale ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ou, en tout cas, pas moins que vous !
En outre, ces amendements présentent des effets pervers évidents. Ainsi, la France n’aura plus le droit de renvoyer dans son pays aucun jeune homme ou aucune jeune fille âgés de dix-sept ans et onze mois qui pénétrerait sur son sol.
Mme Laurence Cohen. Ayez le même courroux vis-à-vis du Front national !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. On parle d’enfants !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai attendu patiemment mon tour, mes chers collègues, puisque j’ai demandé la parole au moment où notre collègue a parlé des Hautes-Alpes, nous décrivant des jeunes qui étaient tous, si j’ai bien compris, des tricheurs, des menteurs, des voyous, et des filles qui se préparaient à la prostitution.
Cela me paraît significatif d’un certain type de discours. Je suis parlementaire depuis un certain temps, j’ai entendu beaucoup de choses, mais là, il y a un tournant !
Je ne mets pas tout le monde dans le même sac – pas du tout, monsieur Karoutchi…
M. Roger Karoutchi. Je n’ai rien dit encore !
M. Jean-Pierre Sueur. Je lis sur votre visage !
Mais certains présentent constamment les immigrés – il faut écouter ce qui est dit, il faut penser à l’implicite – comme des tricheurs, des fraudeurs potentiels, des délinquants en puissance, comme des gens qui vont nous gêner, nous mentir, ne pas respecter notre pays.
Il est possible qu’il y ait des tricheries – c’est même certainement le cas –, mais voyez-vous, mes chers collègues, il y en a aussi parmi les franco-français !
La plupart des immigrés sont tout de même des gens qui, dans la misère, en difficulté ou persécutés, ont été obligés de partir. Tous ces gens qui ont quitté leur maison, ils ne l’ont pas fait de gaîté de cœur ! Tous ces gens qui sont dans les bateaux…
Et maintenant on nous indique qu’il y a de nouveau des bateaux ! Il va encore y en avoir, et il va falloir les accueillir !
M. Xavier Iacovelli. À Marseille !
M. Jean-Pierre Sueur. Si nous ne voulons pas le faire, il faudra bien qu’ils soient accueillis quelque part ! Il faudra bien que la France – nous en sommes tous conscients – prenne, avec d’autres, des initiatives pour que l’Europe organise l’accueil de toutes ces personnes dont la situation est infernale. C’est la réalité !
Je proteste donc contre tout un tas de discours implicites, qui, en définitive, sont méprisants à l’égard de personnes en très grande difficulté.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Beaucoup de choses ont été dites, mais je veux apporter mon témoignage, en complément de celui de M. Gontard.
Je suis allée à plusieurs reprises à la gare de Menton et j’ai vu ces mineurs qui font l’aller-retour, parfois deux fois dans la journée, entre l’Italie et la France. Ces mineurs – issus de la Corne de l’Afrique – étaient renvoyés le même jour, sans accompagnement, et le même jour ils revenaient.
À l’occasion d’une de ces visites – j’étais avec ceux que l’on appelle les « délinquants solidaires », dont M. Pierre-Alain Mannoni –, nous avons fait des efforts considérables pour placer une jeune fille à l’aide sociale à l’enfance, l’ASE. Cela a été impossible. Nous l’avons retrouvée, le même jour, avec des hommes, dans une salle exigüe de la police aux frontières, avec deux toilettes disponibles dans la cour pour 80 personnes ! C’est cela, aussi, le « destin » de ces mineurs, que l’on laisse sans accompagnement et sans aide ! Nous sommes tout de même parvenus, dans la soirée, à placer cette jeune fille à l’ASE.
Mes chers collègues, ce n’est pas du cinéma ! Nous parlons de personnes perdues, de personnes qui souffrent ! Cette jeune fille perdue était la dernière que nous avons pu aider, mais les passages ont été multiples toute la journée.
Dès lors, comment peut-on employer les termes que certains de nos collègues ont utilisés ? Comment peut-on faire des descriptions pleines d’indifférence et de mépris, en nous racontant un film monté de toutes pièces ?
Arrêtez avec vos fantasmes, mes chers collègues ! La réalité est là ! Des gens souffrent, monsieur le ministre d’État ! On ne va pas non plus enfermer ces enfants, ces mineurs dans des cages !