M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 44, 217 rectifié bis et 557 rectifié, qui tendent à supprimer l’élargissement du recours à la vidéo-audience sans le consentement de l’intéressé. M. le rapporteur vient de rappeler l’avis exprimé par le Conseil constitutionnel sur ce sujet.
Les amendements nos 216 rectifié bis et 520 rectifié visent à imposer la présence physique de l’interprète au côté du requérant. Pour un certain nombre de langues rares, il est impossible de trouver des interprètes dans l’ensemble de la France. Il est alors préférable, en pratique, que l’interprète soit placé auprès de la CNDA. Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur ces amendements.
Enfin, les dispositions de l’amendement n° 521 rectifié découlent d’une mauvaise interprétation du projet de loi ; la mesure en cause ne vise pas à empêcher les magistrats de l’ordre judiciaire de présider une chambre de la CNDA. L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Lorsque nous examinerons le projet de loi relatif à l’organisation de la justice, nous aurons l’occasion de revenir longuement sur l’usage de la vidéoconférence lors des audiences judiciaires.
Recourir à cette technique n’est pas la panacée. Bien sûr, chacun est ravi de pouvoir converser par Skype avec les membres de sa famille vivant au loin, mais une audience judiciaire est d’une autre nature qu’une conversation privée.
L’échange entre l’interprète et le demandeur d’asile passe non seulement par la voix, mais aussi par le regard. Lorsqu’il est présent au côté de la personne, l’interprète peut plus facilement comprendre et expliquer les choses.
Il est parfois difficile de trouver un interprète, je veux bien l’admettre, mais le texte est beaucoup trop général. Dans la pratique, on en viendra rapidement à considérer qu’il est plus commode, pour l’administration, de recourir à des interprètes présents auprès de la CNDA, plutôt que d’en chercher partout sur le territoire.
À mon sens, la généralisation des visioconférences est une régression de l’État de droit et, comme l’a dit M. Gay, la décision rendue par le Conseil constitutionnel en 2003 devrait nous inspirer.
Pour ces motifs, j’estime que vous faites fausse route, monsieur le ministre. Vous pensez sans doute que la majorité des demandeurs d’asile sont de faux réfugiés, que ce sont des immigrés illégaux potentiels et qu’il faut pouvoir les renvoyer, mais ce n’est pas une raison pour ne pas respecter l’État de droit. Lorsqu’on ne respecte plus l’État de droit, on perd en démocratie ; cela, je ne peux pas l’accepter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 216 rectifié bis et 520 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44, 217 rectifié bis et 557 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 218 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le début du premier alinéa de l’article L. 733-3 est ainsi rédigé : « Avant de statuer sur un recours soulevant une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse, la Cour … (le reste sans changement) ».
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement vise à élargir les cas dans lesquels la CNDA peut formuler une demande d’avis au Conseil d’État avant de statuer.
Actuellement, l’article L. 733-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, pose trois conditions cumulatives : il doit s’agir d’une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges.
Cette troisième condition nous semble restreindre inutilement la possibilité offerte à la CNDA. Surtout, elle a pour effet de retarder le recours à ce dispositif, alors que, apporté au plus tôt, un éclairage du Conseil d’État pourrait garantir une plus grande sécurité juridique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le droit applicable à l’heure actuelle est le droit des juridictions administratives classiques. Il n’y a pas de raison d’élargir, pour une juridiction spécialisée, des dispositions applicables pour les juridictions administratives de droit commun. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 218 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 144 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 238 |
Contre | 103 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel après l’article 6
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 339 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 733-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 733-2. - Le président et les présidents de section, de chambre ou de formation de jugement peuvent, par ordonnance motivée, donner acte des désistements, rejeter les recours ne relevant pas des compétences de la cour ou rejeter les recours entachés d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance ou qui n’ont pas été régularisés à l’expiration du délai imparti par une demande adressée en ce sens dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 377 rectifié bis.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 377 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, M. Temal, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 733-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’ordonnance est susceptible d’appel dans un délai de deux jours ouvrés à compter de sa notification. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ces deux amendements ont trait aux cas dans lesquels la Cour nationale du droit d’asile peut statuer par ordonnance.
L’article L. 733-2 du CESEDA dispose que « le président et les présidents de section, de chambre ou de formation de jugement peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention de l’une des formations [collégiales] prévues à l’article L. 731-2 ».
Il s’agit là d’une disposition assez classique en ce qui concerne les juridictions, sauf que sa formulation est assez floue.
Aujourd’hui, la CNDA peut statuer par ordonnance dans cinq cas. Pour trois d’entre eux – donner acte des désistements, rejeter les recours ne relevant pas la compétence de la cour, rejeter les recours entachés d’une irrecevabilité manifeste non susceptibles d’être régularisés –, il n’y a rien à redire.
En revanche, les deux autres sont plus problématiques : constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur un recours –pourquoi et comment, on ne le dit pas – et rejeter les recours ne présentant aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l’OFPRA – cela revient, en clair, à statuer d’ores et déjà sur l’appel.
Dans ces deux derniers cas, la formulation étant beaucoup trop générale, il convient de prévoir que la CNDA ne puisse pas prendre une décision par ordonnance.
Certes, le rapporteur pourrait me rétorquer – j’essaye de faire du Jean-Pierre Sueur ! (Sourires) – que cette question relève du règlement, en l’occurrence de l’article R. 733-4. Pour autant, lorsqu’il s’agit de reconnaître des droits procéduraux, il est important que cela figure dans la loi. Ce qui est flou dans le texte doit être précisé.
L’amendement n° 377 rectifié bis prévoit que « l’ordonnance doit être susceptible d’appel dans un délai de deux jours ouvrés à compter de sa notification ». En effet, aujourd’hui, il n’y a pas de notification et, surtout, pas de possibilité d’appel. Pourtant, ce sont vraiment des droits fondamentaux qui sont en cause avec le rejet d’un recours. Il est normal qu’une décision prise par ordonnance puisse faire l’objet d’un appel, dès lors que la personne concernée souhaite pouvoir bénéficier de la formation collégiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 339 rectifié bis tend à inscrire dans la loi les cas dans lesquels la CNDA peut statuer par ordonnance. Les hypothèses dans lesquelles les magistrats peuvent se prononcer ainsi sont aujourd’hui déterminées par décret en Conseil d’État.
Les auteurs de cet amendement proposent en outre de supprimer l’une de ces hypothèses, celle qui représente le contentieux le plus important.
Je rappelle que le président de la cour ou les présidents qu’ils désignent peuvent statuer par ordonnance motivée dans les cinq cas suivants : donner acte des désistements, rejeter un recours ne relevant pas de la compétence de la CNDA, constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur un recours, rejeter un recours entaché d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance ou qui n’a pas été régularisée à l’expiration d’un délai indiqué par la CNDA –typiquement, l’introduction tardive d’un recours contentieux –, rejeter un recours ne présentant aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l’OFPRA. Dans ce dernier cas, l’ordonnance ne peut être prise qu’après examen de l’affaire par un rapporteur et après prise de connaissance des pièces du dossier par le requérant.
L’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 377 rectifié bis vise quant à lui à instituer un recours en appel d’une décision prise par voie d’ordonnance par la CNDA. Or les décisions de la CNDA sont susceptibles d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État : devant quelle juridiction serait-il interjeté appel ? Il n’y a pas lieu de modifier les choses. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements, pour les mêmes motifs que la commission.
Je rappelle que la possibilité de statuer par voie d’ordonnance est un principe du contentieux administratif. Aujourd’hui, le recours à cette possibilité concerne 34 % des décisions, ce qui est extrêmement important. Par conséquent, il faut la conserver.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Nous avons bien compris que statuer par ordonnance permettait à la CNDA de trancher rapidement des cas qui, a priori, ne posaient pas de difficulté.
Avec la mise en place, en 2015, du juge unique, on aurait pu espérer un recul du nombre de décisions prises par ordonnance, mais cela n’a pas été le cas.
On nous a fait remarquer que, souvent, les décisions prises par ordonnance n’étaient pas notifiées aux requérants, ce qui empêchait ces derniers d’engager un recours et de pouvoir bénéficier d’une procédure contradictoire.
Voilà pourquoi nous proposons d’instaurer une possibilité d’appel. Certes, monsieur le rapporteur, toute décision de la CNDA peut être contestée devant le Conseil d’État, mais pour une raison de procédure, pas sur le fond. Par conséquent, le Conseil d’État ne peut se prononcer sur la motivation de la décision prise par ordonnance.
Pour garantir le respect des droits des requérants, il importe donc d’adopter ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 339 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 377 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 6 bis A (nouveau)
Après l’article L. 743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L.743-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L.743-2-1. – Sauf circonstance particulière, la décision définitive de rejet prononcée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, le cas échéant après que la Cour nationale du droit d’asile a statué, vaut obligation de quitter le territoire français. À ce titre, elle peut faire l’objet d’une contestation devant la juridiction administrative de droit commun. »
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. L’article 6 bis A est une innovation de la commission des lois du Sénat, visant à prévoir que toute décision définitive de rejet d’une demande d’asile de l’OFPRA, le cas échéant après que la Cour nationale du droit d’asile a statué, vaut obligation de quitter le territoire français.
L’argument qui justifie l’introduction de cette disposition est simple : un grand nombre de demandeurs d’asile sont déboutés et la proportion d’entre eux qui se voient effectivement reconduits à la frontière est trop faible.
Certains vont d’ailleurs plus loin et considèrent que tous les déboutés sont en fait des usurpateurs, n’utilisant le droit fondamental qu’est celui de demander l’asile que pour bénéficier temporairement d’un statut légal sur notre territoire, tout en sachant que, une fois déboutés, ils ne seront pas expulsés. Le syndrome du benchmarking, sans doute…
J’ai eu l’occasion de le souligner lors de la discussion générale : ni l’allongement de la durée de rétention ni la délivrance automatique d’obligations de quitter le territoire français ne permettront d’augmenter significativement, comme certains le souhaitent, le nombre des reconduites à la frontière.
En revanche, cette mesure, dont je défendrai dans un instant la suppression, affaiblira un peu plus les droits des exilés. On peut penser que, au rythme actuel, il n’en restera plus grand-chose dans quelques années…
On s’offusque de la montée de l’extrême droite chez nos voisins européens, on dénonce avec emphase le refus de l’Italie d’accueillir l’Aquarius dans ses ports, mais que faisons-nous ici de vraiment différent ? Nous adoptons, loi après loi, des dispositions toujours plus attentatoires aux droits fondamentaux, en faisant croire à nos concitoyens que la fermeté en la matière permettra de régler la crise migratoire. Mes chers collègues, tout cela est indigne !
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 8 est présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 219 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 419 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 443 rectifié est présenté par MM. Richard, Amiel, Bargeton, Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 522 rectifié est présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 8.
Mme Esther Benbassa. Alors que le rapporteur a rétabli à trente jours le délai de recours devant la CNDA après rejet par l’OFPRA d’une demande d’asile, il durcit drastiquement le dispositif d’OQTF. Ainsi, cet article prévoit que toute décision définitive de rejet d’une demande d’asile de l’OFPRA, le cas échéant après que la CNDA a statué, vaut obligation de quitter le territoire français, alors même que la jurisprudence de la CNDA montre qu’un certain nombre de demandeurs d’asile ont raison de persévérer dans leur démarche, car des statuts ou des protections subsidiaires sont régulièrement accordés par la CNDA dans ce cadre.
On ne peut, pour reprendre les termes de l’association ELENA, « créer une catégorie d’“éloignables”, car, lorsque le demandeur d’asile persiste à vouloir faire reconnaître ses persécutions, c’est que le danger est prégnant et durable ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 219 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Nous souhaitons également la suppression de cet article, car nous considérons que son dispositif est marqué par un mélange des genres qui ne pourrait que compliquer un certain nombre de procédures et conduire à des imbroglios juridiques s’il devait être adopté.
En effet, l’appréciation d’une demande d’asile et l’appréciation d’un droit au séjour sont deux compétences différentes : la première relève de l’OFPRA et de la CNDA, la seconde de l’autorité préfectorale. Il serait particulièrement malvenu de donner à l’OFPRA et à la CNDA une compétence en matière de police administrative.
En outre, l’OFPRA et la CNDA ne seraient pas chargés exclusivement de veiller à l’application de la convention de Genève et d’évaluer les demandes d’asile, mais seraient en même temps et simultanément chargés d’apprécier la capacité de la personne à rester sur le territoire, en particulier le respect des conditions dans lesquelles elle devrait être éloignée, notamment au regard de la Convention européenne des droits de l’homme.
Ensuite, ce dispositif « court-circuite » l’autorité préfectorale, qui est compétente en matière d’éloignement, en matière de délais de départ volontaire, de détermination du pays de renvoi, d’aide au départ, d’interdiction de retour. Tous ces éléments ne peuvent pas être de la compétence de la CNDA, dont la charge de travail est déjà très lourde. Il est hors de question de lui confier des missions supplémentaires.
Par ailleurs, ce n’est plus le juge administratif qui apprécierait les circonstances particulières pouvant justifier un maintien du droit au séjour. Il y aurait donc un flux de contentieux de droit commun et un flux de contentieux au Conseil d’État. Cela me semble complètement contre-productif au regard de notre objectif commun de simplifier et d’augmenter les droits. Je ne sais pas si, véritablement, nous partageons tous cet objectif, mais, en tout cas, tout le monde le revendique ! Simplifier, personne n’est contre. Accélérer les procédures, tout le monde est d’accord, mais, pour nous, cela doit se faire dans le respect des droits.
Enfin, ce dispositif est contraire à la directive Retour, qui impose, en matière d’éloignement aussi, une appréciation de chaque cas individuel, ne relevant ni de la compétence de l’OFPRA ni de celle de la CNDA. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, pour présenter l’amendement n° 419.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je comprends bien l’intention de la commission, mais préconiser que la décision de l’OFPRA vaille OQTF méconnaît la distinction juridique entre ce qui relève de la protection, donc de la décision de l’OFPRA, et ce qui relève d’une problématique d’admission au séjour et d’éloignement, dont le traitement revient à l’autorité administrative, c’est-à-dire au préfet.
Si l’OFPRA ou la CNDA devaient se prononcer sur le droit au séjour, cela les amènerait à traiter d’une multitude de questions nouvelles, liées par exemple à l’existence d’une menace pour l’ordre public ou au droit de l’étranger à mener une vie familiale normale, distinctes de leur office actuel.
La modification introduite par le Sénat n’aurait donc de sens qu’avec une réforme profonde des structures chargées de l’asile et de l’immigration, qui n’est pas dans les objectifs du Gouvernement.
Se poserait en outre la question du régime contentieux des OQTF, qui doivent pouvoir faire l’objet d’un recours suspensif. Or il n’est ni souhaitable ni opportun de faire de la CNDA le juge de l’OQTF, contentieux massif qui impose le recours fréquent à des procédures d’urgence.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour présenter l’amendement n° 443 rectifié.
M. François Patriat. Ce dispositif semble méconnaître la distinction juridique entre l’éligibilité à la protection et l’admission au séjour. Il y a mélange des genres entre l’appréciation du bien-fondé d’une demande d’asile – qui incombe de manière exclusive à l’OFPRA et, le cas échéant, à la CNDA – et l’appréciation du droit au séjour, qui relève d’abord de l’autorité préfectorale. Il y a ici deux régimes juridiques distincts, l’asile et le séjour : ce n’est pas parce qu’une personne ne relève pas du premier qu’elle ne peut faire une demande au titre du second. Or le dispositif introduit par la commission l’interdit.
La préfecture reçoit les demandes et délivre des autorisations provisoires de séjour. Donner à l’OFPRA ou à la CNDA la capacité de délivrer une OQTF risquerait d’entraîner un imbroglio juridique. À partir du moment où un demandeur d’asile est débouté, il est évident qu’il ne doit pas se maintenir sur le territoire, mais cet article mélange les rôles des institutions qui participent à la procédure.
Enfin, s’il n’y a aucune objection de principe à ce que le législateur intervienne pour modifier le partage des compétences entre les préfets et l’OFPRA, ceux qui souscrivent à cette modification ont manifestement pour objectif affiché de faire ressortir un marqueur politique, et non d’instituer un dispositif opérationnel.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 522 rectifié.
M. Guillaume Arnell. J’ai eu l’honneur d’être désigné chef de file par mon groupe pour l’examen de ce projet de loi. À ce titre, j’ai pris la peine d’aller visiter, avec plusieurs collègues, le centre de rétention de Vincennes et d’auditionner un certain nombre de représentants de l’OFPRA, en particulier son directeur. Nous avons également été reçus à la CNDA. Si nous avons retiré une certitude de ces contacts, c’est que l’OFPRA ne souhaite pas se substituer au préfet. Cela a été clairement établi.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Elle ne doit pas non plus se substituer au législateur !
M. Guillaume Arnell. C’est votre interprétation, monsieur le président de la commission des lois ! Je ne suis pas juriste, mais acceptez au moins l’hypothèse que, parfois, vous puissiez avoir tort ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
L’OFPRA ne souhaite pas que les décisions définitives de rejet de demande d’asile qu’elle peut rendre soient considérées comme des OQTF.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Je voudrais expliquer la logique du dispositif. En 2015, nous avions déjà formulé cette proposition, notamment parce que l’on constatait déjà, à l’époque, que les déboutés du droit d’asile faisaient des demandes d’autorisation de séjour sur le territoire à d’autres titres et que, par ailleurs, lorsque les décisions définitives de rejet de demande d’asile avaient été prononcées, les préfets ne prenaient pas très rapidement les obligations de quitter le territoire français.
Je vous soumets de nouveau ce dispositif aujourd’hui, conforté par les aménagements prévus à l’article 23 par le Gouvernement. En effet, aux termes de cet article, le demandeur d’asile pourra faire, en même temps que sa demande d’asile, une demande d’admission au séjour à un autre titre. C’est une bonne chose, à condition que l’on fixe un délai pendant lequel il pourra faire ce choix, de manière à purger, si je puis m’exprimer ainsi, la voie juridique choisie. La commission des lois a fixé ce délai à deux mois.
En conséquence, dès lors que l’OFPRA ou la CNDA aura rendu une décision définitive d’acceptation de la demande d’asile, l’affaire sera réglée et la protection accordée. En revanche, en cas de décision définitive de rejet, le requérant, n’ayant pas la possibilité juridique de faire une demande d’admission au séjour à un autre titre, devra quitter le territoire national. De ce fait, la décision de l’OFPRA ou de la CNDA vaudra obligation de quitter le territoire français. On ne demande pas à l’OFPRA ni à la CNDA de se substituer à la préfecture. Simplement, après que l’ensemble des droits du demandeur auront été purgés, les circonstances juridiques feront que celui-ci devra quitter le territoire national.