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Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, je souhaite apporter des rectifications à plusieurs votes par scrutin public.
Pour ce qui concerne la séance du mardi 19 juin dernier, lors du scrutin public n° 131, je souhaitais voter pour l’amendement ; lors du scrutin public n° 132, par cohérence, je souhaitais voter contre l’article ; lors du scrutin public n° 133, je souhaitais voter pour les amendements ; lors des scrutins publics nos 137 et 139, je souhaitais voter pour l’amendement.
Enfin, pour ce qui concerne la séance d’aujourd’hui, lors du scrutin public n° 141, je souhaitais voter contre l’article.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins.
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Immigration, droit d’asile et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre II du titre Ier, l’examen de l’article 6.
TITRE Ier (suite)
ACCÉLÉRER LE TRAITEMENT DES DEMANDES D’ASILE ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D’ACCUEIL
Chapitre II (suite)
Les conditions d’octroi de l’asile et la procédure devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile
Article 6 (suite)
I. – Le titre III du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 731-2 est ainsi modifié :
a et a bis) (Supprimés)
b) Après la deuxième phrase du second alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il en est de même lorsque l’office prend une décision mettant fin au statut de réfugié en application de l’article L. 711-6 ou au bénéfice de la protection subsidiaire en application des 1° ou 3° de l’article L. 712-3 pour le motif prévu au d de l’article L. 712-2. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 733-1 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– après la première occurrence du mot : « cour », sont insérés les mots : « , et sous réserve que les conditions prévues au présent alinéa soient remplies » ;
– après le mot : « confidentialité », sont insérés les mots : « et la qualité » ;
b) Après la troisième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « L’interprète mis à disposition du demandeur est présent dans la salle d’audience où ce dernier se trouve. En cas de difficulté pour obtenir le concours d’un interprète qualifié présent physiquement auprès du demandeur, l’audience ne se tient qu’après que la cour s’est assurée de la présence, dans la salle où elle siège, d’un tel interprète tout au long de son déroulement. » ;
b bis) (nouveau) L’avant-dernière phrase est ainsi modifiée :
– après le mot : « opérations », sont insérés les mots : « , pour lesquelles il est recouru à des personnels qualifiés permettant d’assurer la bonne conduite de l’audience sous l’autorité de son président, » ;
– la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par le mot : « et » ;
c) La dernière phrase est supprimée.
II. – (Non modifié) Le titre III du livre II du code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l’article L. 233-5, les mots : « de président de formation de jugement et » sont supprimés ;
2° À la fin du second alinéa de l’article L. 234-3, les mots : « , pour une durée de trois ans, renouvelable sur leur demande » sont supprimés.
M. le président. L’amendement n° 434 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La demande d’aide juridictionnelle est présentée, le cas échéant, conjointement au recours devant la Cour nationale du droit d’asile. » ;
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, a été maintenu à trente jours. Nous proposons, par cet amendement, de prévoir que la demande d’aide juridictionnelle soit effectuée en même temps que le dépôt du recours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Sur ce point, la commission souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Le Gouvernement est, bien entendu, favorable à cet amendement.
M. François Patriat. Merci, monsieur le ministre d’État !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Le dispositif de cet amendement apporte une solution pour réduire la durée de la procédure tout en maintenant à trente jours le délai de recours. Cela étant, je crains qu’il ne soit un peu trop rigide, dans la mesure où aucune possibilité de délai entre la demande d’aide juridictionnelle et le dépôt du recours n’est prévue. Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 214 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 409 est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° 556 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec et Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 214 rectifié bis.
M. Roland Courteau. Cet amendement tend à supprimer l’extension des cas dans lesquels la Cour nationale du droit d’asile pourra statuer à juge unique dans un délai de cinq semaines.
En effet, l’article 6 étend les audiences par juge unique aux recours contre les décisions de cessation de la protection pour cause de menace grave. À nos yeux, il s’agit là d’une mauvaise mesure, pour deux raisons, de principe et d’efficacité.
Tout d’abord, sur le principe, les décisions prises après audience collégiale – cela devrait constituer la règle de droit commun – représentent déjà moins d’une décision sur deux. L’extension des décisions à juge unique affaiblira donc encore davantage le principe de l’audience collégiale.
Ensuite, sur le plan de l’efficacité, les demandes soulevant des questions d’ordre public devraient, en toute hypothèse, être examinées en formation collégiale, en raison de la sensibilité des enjeux.
M. le président. L’amendement n° 409 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 556 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Les dossiers de cessation de protection sont souvent les plus complexes et les plus sensibles pour les juges de l’asile. Ainsi, dans un contentieux de l’intime conviction comme l’est celui de l’asile, la collégialité doit rester le principe, et non devenir l’exception.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les dispositions du texte nous paraissant tout à fait intéressantes, nous souhaitons les conserver. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis. Au-delà de la théorie, je peux certifier que, dans la pratique, les cas de cessation de protection concernent des troubles très graves à l’ordre public. Il convient de pouvoir protéger nos concitoyens.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Nous persistons : en toute hypothèse, les demandes soulevant des questions d’ordre public devraient être examinées en formation collégiale, car il s’agit d’enjeux particulièrement lourds et sensibles. Il faut en finir avec cette idée selon laquelle les dossiers de menaces à l’ordre public doivent être traités dans les délais les plus brefs. On ne lutte pas efficacement contre de telles menaces en procédant de manière expéditive ; on obtient même plutôt l’effet l’inverse !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 214 rectifié bis et 556 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 580, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la troisième phrase du même second alinéa, le mot : « mêmes » est supprimé ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 215 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la dernière phrase de l’article L. 731-3, les mots : « d’une semaine » sont remplacées par les mots : « de quinze jours » ;
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La CNDA est compétente pour examiner les requêtes qui lui sont adressées par les réfugiés visés par l’une des mesures prévues aux articles 31, 32 et 33 de la convention de Genève.
Je le rappelle, l’article 31 de cette convention porte interdiction de sanctions pénales du fait de l’entrée sans autorisation sur le territoire afin de solliciter l’asile, l’article 32 porte interdiction d’expulser un réfugié, sauf raisons de sécurité nationale ou d’ordre public, et l’article 33 porte interdiction d’expulser ou de refouler un réfugié aux frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de son appartenance à un groupe social, de sa nationalité ou de ses opinions politiques.
Au travers de cet amendement, nous proposons de porter le délai de recours dont dispose le réfugié à quinze jours, contre une semaine actuellement, afin que l’intéressé puisse préparer son recours dans des conditions satisfaisantes et respectueuses de ses droits. S’il est important qu’il soit rapidement statué sur le sort du réfugié, encore faut-il que celui-ci ait pu, au préalable, former son recours dans les meilleures conditions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous souhaitons conserver le délai d’une semaine pour saisir la CNDA, tel que prévu dans le texte du Gouvernement. Il convient, et pour le demandeur visé par la mesure, et pour les différentes autorités chargées de l’asile, d’agir avec la plus grande célérité en la matière : il n’y a aucune raison d’allonger ce délai. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Pour les raisons précédemment indiquées, le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement.
Il s’agit, en l’occurrence, de troubles graves à l’ordre public, d’atteintes à la sécurité publique, et même à la sûreté de l’État. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) De tels dossiers doivent être examinés de manière relativement accélérée.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 215 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 414, présenté par Mme N. Goulet, n’est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 216 rectifié bis est présenté par MM. Marie et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 520 rectifié est présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 216 rectifié bis.
M. Didier Marie. Cet amendement vise à supprimer, en cas d’audience par vidéoconférence, la possibilité que l’interprète puisse ne pas être physiquement présent au côté du demandeur, les juges de la CNDA ayant mis l’accent sur la nécessité d’une telle proximité, au regard de l’importance du ressenti et de l’intime conviction dans leurs délibérés. L’interprétariat à distance altère nécessairement la qualité de la traduction, et surtout la confiance que le demandeur peut placer en celui qui traduit ses propos.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 520 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Ce projet de loi prévoit le recours à la vidéo-audience, dans les tribunaux judiciaires et administratifs comme à la Cour nationale du droit d’asile.
À nos yeux, la nécessité de recourir à la captation vidéo est la conséquence de la concentration des institutions chargées de l’instruction des demandes d’asile, à savoir l’OFPRA et la CNDA, dans la région parisienne.
Bien sûr, cette méthode est moins onéreuse que le déplacement des demandeurs d’asile ou que le recours à des missions d’agents, telles que l’OFPRA en organise actuellement outre-mer, mais la généralisation rapide d’une technologie aujourd’hui encore peu utilisée nous semble quelque peu risquée.
Certains membres de notre groupe ont pu effectuer des visites à l’OFPRA et à la CNDA, mais il ne leur a pas été possible d’assister soit à un entretien vidéo, soit à une vidéo-audience, afin de juger de la pertinence du dispositif.
Au vu de ces remarques, nous souhaitons donc que le recours à cette technique soit particulièrement encadré.
Cet amendement vise également à mieux articuler le recours simultané à l’interprétariat et à la vidéo-audience, en prévoyant que l’interprète soit présent au côté du justiciable, et non auprès de la formation de jugement.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 44 est présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 217 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 557 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 44.
M. Fabien Gay. Nous souhaitons supprimer l’alinéa prévoyant que l’on puisse se passer du consentement du demandeur d’asile pour l’auditionner en visioconférence.
Cette généralisation de la visioconférence est non seulement contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais aussi critiquée par les acteurs du contentieux, à commencer par les juges.
Saisi de la question du recours à la visioconférence, le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision du 20 novembre 2003, que l’utilisation de cette méthode était conforme à la Constitution, à condition qu’elle soit subordonnée au consentement de l’étranger.
Monsieur le ministre d’État, que vous inspire cette décision ? Avec une telle disposition, le Gouvernement fait passer son rouleau compresseur sur les droits fondamentaux du demandeur d’asile, sans égard pour le contrôle de la conformité de la loi à la Constitution exercé par le Conseil constitutionnel.
Lors de ces audiences, l’oralité est d’autant plus importante que les personnes concernées sont fragilisées par un parcours migratoire souvent dramatique et périlleux et par des conditions de vie plus que précaires. On prétend entendre leur récit et examiner leur demande d’asile à distance, par écran interposé…
Cette disposition fait, bien entendu, l’unanimité contre elle.
Ainsi, la Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Mme Adeline Hazan, estime que la généralisation du recours à la visioconférence pour les audiences sans le consentement des intéressés est inacceptable. Outre les difficultés techniques souvent constatées, la visioconférence entraîne, selon elle, une déshumanisation des débats et nuit considérablement à la qualité des échanges.
Du côté des avocats, le Conseil national des barreaux estime qu’une audience se tenant par le biais de moyens de télécommunication est incompatible avec une défense de qualité, de surcroît lorsque l’oralité est déterminante pour arrêter la décision.
Du côté des juges, tous ceux qui ont fait l’expérience de la visioconférence s’opposent à sa généralisation. Le syndicat de la juridiction administrative indique ainsi que ce dispositif a pour effet de mettre à distance le juge et les parties, qui ne se côtoient plus physiquement. Le principe pluriséculaire d’unité de temps et de lieu propre à tout procès se trouve dès lors mis à mal.
En résumé, la dématérialisation des audiences en matière de droit d’asile nuit gravement au principe fondamental du droit à un procès équitable, et donc à notre démocratie.
M. Jérôme Durain. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour présenter l’amendement n° 217 rectifié bis.
Mme Nelly Tocqueville. Cet amendement tend à supprimer la possibilité d’organiser une audience par vidéoconférence sans l’accord du requérant, en cas de recours devant la Cour nationale du droit d’asile.
La possibilité, pour le requérant qui séjourne en France métropolitaine, de venir s’exprimer en personne devant la CNDA pour exposer ses arguments de fait et de droit est une garantie essentielle qu’il convient de conserver.
La régression proposée est d’autant moins acceptable qu’elle est justifiée par des difficultés d’organisation des audiences. On ne peut accepter que des garanties procédurales soient altérées au nom de considérations pratiques.
Une audience se tenant par vidéoconférence est incompatible avec une défense de qualité, de surcroît lorsque l’oralité est déterminante pour la détermination de la décision qui doit être prise. C’est pourquoi l’utilisation de la vidéoconférence doit être réservée aux seuls cas de force majeure, par exemple lorsque l’éloignement géographique rend impossible la présence physique du requérant.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 557 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement est le corollaire de l’amendement n° 520 rectifié, déjà examiné.
Afin d’encadrer le recours à la vidéoconférence, relativement peu expérimenté jusqu’à présent, nous proposons de maintenir le droit en vigueur et de laisser au demandeur d’asile la possibilité de refuser le recours à cette technologie.
Plusieurs de mes collègues l’ont déjà rappelé : s’il peut être nécessaire d’accroître le recours à la vidéo-audience pour raccourcir certains délais ou pour le confort de certains demandeurs, cette procédure ne peut être généralisée et imposée aux principaux intéressés selon une logique purement pratique.
Nombre des individus concernés ont besoin d’un contact humain pour pouvoir livrer un récit souvent douloureux : il peut être très difficile pour le demandeur d’asile de se confier avec la précision nécessaire devant une machine, s’agissant de situations souvent complexes et intimes.
M. David Assouline. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 521 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement vise à rétablir la possibilité, pour les magistrats judiciaires, de présider une formation de jugement à la CNDA. Il s’agit d’une disposition managériale utile, dans une perspective de mobilité des magistrats entre les ordres judiciaire et administratif. La présence de magistrats disposant d’une connaissance approfondie des procédures judiciaires françaises et étrangères constitue un apport non négligeable lors de l’examen de demandes d’asile. Il convient donc de ne pas décourager ces mobilités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements nos 216 rectifié bis et 520 rectifié tendent à supprimer la possibilité, en cas de vidéo-audience, que l’interprète soit présent dans la salle où se tient l’audience de la CNDA et non pas aux côtés du requérant.
Or la consécration dans la loi de la présence de l’interprète au côté du requérant et, à défaut, dans la salle où se tient l’audience est une garantie pour le requérant. Elle permet en outre le bon fonctionnement du service public de la justice.
Avec un certain nombre de nos collègues, j’ai pu assister à une audience de la CNDA : je n’ai pas entendu les magistrats se plaindre de cette manière de procéder. Il y a des positions de principe, certes, mais il n’empêche que ce dispositif fonctionne, et cela d’autant mieux que le matériel utilisé est de bonne qualité.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Les amendements nos 44, 217 rectifié bis et 557 rectifié tendent à supprimer l’élargissement du recours à la vidéo-audience sans le consentement du requérant. À ce propos, je tiens à préciser un certain nombre de points.
Certes, le Conseil constitutionnel a, dans une décision de 2003, validé un dispositif de vidéo-audience pour les étrangers en rétention qui comprenait le consentement de l’étranger, mais il ne faisait pas pour autant de ce dernier une condition de constitutionnalité, ce qu’il a d’ailleurs confirmé dans une décision de 2011.
En conséquence, la mesure proposée est conforme aux prescriptions constitutionnelles et conventionnelles que la France doit observer, les garanties assurant le respect du contradictoire requises par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2011 étant bel et bien prévues. Ces garanties sont les suivantes : une salle d’audience spécialement aménagée, ouverte au public et relevant du ministère de la justice, un déroulement de l’audience en direct et assurant la confidentialité de la transmission, le droit pour l’intéressé d’obtenir communication de l’intégralité de son dossier, la présence de l’avocat, la réalisation d’un procès-verbal ou d’un enregistrement.
En outre, le bilan de la vidéo-audience mise en œuvre par la CNDA pour les demandes d’asile outre-mer est plutôt positif. Cela nous a été confirmé lors de notre déplacement à la CNDA.
Par ailleurs, je précise que la commission a adopté un amendement tendant à renforcer l’encadrement de ces vidéo-audiences, par le recours à des personnels qualifiés pour assurer le bon déroulement de l’audience sous l’autorité du président et la réalisation d’un double procès-verbal et d’un enregistrement intégral.
Dans ces conditions, toutes les parties à l’audience disposent des garanties nécessaires. La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Enfin, avec l’amendement n° 521 rectifié, nous abordons un point particulier dont nous avons très peu parlé jusque-là.
Cet amendement tend à rétablir la possibilité, pour les magistrats de l’ordre judiciaire détachés à la CNDA, de présider des formations de jugement.
Le projet de loi modifie l’article L. 233-5 du code de justice administrative pour aligner les modalités d’accueil des magistrats de l’ordre judiciaire au sein de la CNDA par voie du détachement sur celles qui sont applicables aux conseillers et premiers conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ayant le même grade.
Lors des auditions des syndicats de magistrats de l’ordre judiciaire, ce point n’a pas soulevé de difficulté. Cela permet d’ailleurs de garantir le même traitement à tous les magistrats, qu’ils relèvent de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.