compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
Mme Mireille Jouve.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur la proposition de loi relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Demande d’inscription à l’ordre du jour de deux propositions de loi
M. le président. Par lettre en date du 19 décembre, M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, demande l’inscription à l’ordre du jour réservé à son groupe du jeudi 1er février 2018 :
- de la proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et les membres du groupe socialiste et républicain ;
- et de la proposition de loi relative à la réforme de la caisse des Français de l’étranger, présentée par MM. Jean-Yves Leconte, Richard Yung, Mmes Claudine Lepage et Hélène Conway-Mouret.
Acte est donné de cette demande.
4
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de quatre projets de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de quatre projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
projet de loi autorisant la ratification du protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet
Article unique
Est autorisée la ratification du protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet, signé par la France à Bruxelles le 29 juin 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du protocole sur les privilèges et immunités de la juridiction unifiée du brevet (projet n° 6, texte de la commission n° 143, rapport n° 142).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
projet de loi autorisant la ratification du traité d’extradition entre la république française et la république socialiste du viet nam et du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la république française et la république socialiste du viet nam
Article 1er
Est autorisée la ratification du traité d’extradition entre la République française et la République socialiste du Viet Nam, signé à Hanoï le 6 septembre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Article 2
Est autorisée la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République socialiste du Viet Nam, signé à Hanoï le 6 septembre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi autorisant la ratification du traité d’extradition entre la République française et la République socialiste du Viet Nam et du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République socialiste du Viet Nam (projet n° 614 [2016-2017], texte de la commission n° 141, rapport n° 140).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de sainte-lucie et de la convention d’extradition entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de sainte-lucie
Article 1er
Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie, signée à Castries le 30 septembre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Article 2
Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie, signée à Castries le 30 septembre 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie (projet n° 576 [2016-2017], texte de la commission n° 139, rapport n° 138).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l’approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du pérou
Article unique
Est autorisée l’approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou, signée à Lima le 23 février 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou (projet n° 382 [2016-2017], texte de la commission n° 137, rapport n° 136).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
5
Loi de finances rectificative pour 2017
Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2017 (projet n° 191, rapport n° 192).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, à quelques heures de la fin des débats budgétaires, le Sénat examine en nouvelle lecture le second projet de loi de finances rectificative pour 2017.
Les raisons de l’échec de la commission mixte paritaire sont nombreuses et désormais bien connues de vous toutes et tous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui avez activement participé à faire vivre le débat…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vivre, mais pas perdurer !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … tout au long de cette discussion budgétaire qui occupe tant le Gouvernement que le Parlement depuis le début du mois d’octobre.
Parmi les divergences majeures qui ont persisté entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances rectificative, j’insisterai sur deux dispositions qui, à elles seules, peuvent justifier l’échec de la commission mixte paritaire.
La première, qui aurait pu suffire à empêcher un accord, concerne le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. L’opposition que votre assemblée a manifestée sur ce sujet vous a conduits à rejeter en bloc les mesures qui concourent à la mise en œuvre du dispositif. Une nouvelle fois, le Sénat a privilégié la mise en place d’un prélèvement mensualisé assis sur les revenus de l’année, dispositif dont une mission de l’Inspection générale des finances a explicitement identifié les limites.
Le rapport remis au Parlement concernant l’analyse des options alternatives à la mise en place du prélèvement à la source indique par ailleurs et de manière claire que la substitution à la retenue à la source sur les salaires d’un prélèvement calculé par l’administration fiscale sur la base des dernières données transmises par les payeurs de revenus constituerait une solution « dégradée » au regard des bénéfices attendus pour le contribuable.
De fait, un tel prélèvement mensualisé n’offrirait pas tous les avantages que procure, selon le Gouvernement, un prélèvement s’adaptant chaque mois aux revenus versés, de façon immédiate et automatique.
En outre, s’agissant des employeurs, le dispositif proposé par votre assemblée n’allégerait en rien leur responsabilité, puisqu’ils devraient malgré tout déclarer chaque mois à l’administration fiscale leur assiette imposable, donnée indispensable à la mise en œuvre du prélèvement tel que vous le proposez.
En définitive, vous aurez compris que, sur ce point, le Gouvernement et la majorité présidentielle assument clairement le choix qui est le leur d’un véritable prélèvement à la source pour nos concitoyens, avec tous les bénéfices qu’il comporte.
La seconde divergence majeure que je veux souligner concerne très directement le solde budgétaire de l’État, qu’un certain nombre de dispositions adoptées par votre assemblée concourent à dégrader, par la réduction des recettes et l’augmentation des dépenses.
Pour ce qui est de la réduction des recettes, je prendrai un seul exemple : l’exonération d’impôt sur la fortune immobilière, envisagée à l’article 9 bis A, à concurrence des trois quarts de leur valeur imposable, des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ; je pourrais mentionner aussi d’autres dispositions relatives au même impôt.
En ce qui concerne l’augmentation des dépenses, vous avez adopté, entre autres mesures, la suppression d’un prélèvement de 27 millions d’euros sur le fonds de roulement de l’Agence française pour la biodiversité et modifié les plafonds d’affectation d’un certain nombre de taxes.
Bien que ces oppositions de principe entre les deux assemblées aient été maintenues, il convient de faire observer aussi, par souci d’honnêteté dans nos rapports, que des dispositions initialement proposées par le Gouvernement, ou bien introduites par la majorité présidentielle, ont été maintenues, voire amplifiées par votre assemblée. Je pense en particulier à l’extension des mesures en faveur de la libération du foncier à la zone B1, par l’application d’un coefficient de densité de 80 %, au lieu de 90 %, et l’ajout d’une évaluation avant le 1er septembre 2020.
Je n’ai fait état que d’un petit nombre de désaccords entre les deux assemblées, relatifs notamment au solde budgétaire de l’État. J’aurais pu vous en dresser une liste plus longue, mais le Gouvernement, par ma voix, préfère s’en tenir aux différends essentiels, ceux qui expliquent l’échec de la commission mixte paritaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à défaut d’obtenir l’unanimité, je vous invite bien entendu à poursuivre l’examen de ce second projet de loi de finances rectificative pour 2017. (MM. Julien Bargeton, Richard Yung et Jean-Claude Requier applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voici que nous revient, en nouvelle lecture, le second projet de loi de finances rectificative pour 2017. Parfois, notre horloge biologique fait que nous mélangeons un peu les textes…
À l’issue de la discussion en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat, quarante-sept articles restaient en discussion. La nuit dernière, l’Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a adopté une rédaction conforme à celle du Sénat pour seize articles et modifié son texte pour neuf autres ; mais, pour trente-trois articles, soit 70 % des articles qui restaient en discussion, des désaccords persistent.
M. Richard Yung. C’est normal !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. D’abord, l’Assemblée nationale a confirmé, sans surprise, la mise en œuvre du prélèvement à la source au 1er janvier 2019. Nous considérons toujours qu’il pénalisera des contribuables, notamment ceux qui bénéficient de réductions et crédits d’impôt, et fera peser, comme nous l’avons dit et répété, une charge nouvelle sur les tiers collecteurs, en particulier les entreprises les plus petites et les particuliers employeurs.
On aurait pu s’entendre, car nous n’étions pas opposés à une évolution du système ; mais l’Assemblée nationale a rejeté la proposition alternative du Sénat, consistant à mettre en place un prélèvement contemporain et mensualisé sur le revenu, opéré par l’administration fiscale.
Il faudra se demander, à l’avenir, si on a encore besoin d’une direction générale des finances publiques – DGFiP – et des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales – URSSAF –, car, si l’impôt est prélevé non plus par l’administration fiscale, mais par les entreprises et autres tiers collecteurs, on pourra sans doute faire des économies… Nous le proposerons prochainement, notamment via la fusion des URSSAF et de la DGFiP !
On peut évidemment comprendre des divergences entre nos deux assemblées sur ce point. Je ne reviendrai pas sur les longs débats que nous avons eus sur le sujet depuis presque deux ans : nous verrons bien, une fois la réforme mise en œuvre, ce que les contribuables en penseront.
En revanche, monsieur le secrétaire d’État, il est plus difficile de comprendre l’absence totale de reprise des améliorations adoptées par le Sénat pour l’année de transition. Je pense au délai de reprise fiscale, aux déductions pour travaux et aux mesures relatives aux monuments historiques – à ce sujet, la commission des finances avait adopté un amendement avec avis favorable du rapporteur général, mais le Gouvernement s’est opposé à la mesure cette nuit.
Il faut croire que la copie du Gouvernement était parfaite…
M. Richard Yung. Parfaite !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … et qu’aucun aménagement ne pouvait y être apporté par les parlementaires ! Vous verrez à l’usage, monsieur Yung !
Cela pose, plus généralement, le problème du devenir de nos initiatives et de l’attitude du Gouvernement à leur égard : comment comprendre que des dispositions issues d’amendements adoptés avec des avis de sagesse, voire des avis favorables, du Gouvernement, qui a levé le gage, soient ensuite supprimées sur l’initiative du Gouvernement ? Il y va de la cohérence de la position du Gouvernement.
M. Claude Raynal, vice-président de la commission des finances. C’est vrai !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dire une chose au Sénat et une autre à l’Assemblée nationale, c’est assez difficile à comprendre et assez peu lisible… Comment comprendre que des engagements pris par les membres du Gouvernement, dont vous-même, monsieur le secrétaire d’État, ne vaillent que dans notre hémicycle et soient oubliés à l’Assemblée nationale ? Nous ne comprenons pas cette méthode !
Nous ne comprenons pas non plus comment des initiatives du Sénat qui auraient pu faire consensus, et pour certaines votées à l’unanimité, peuvent être balayées sans aucun argument de fond.
Nous souhaitions par exemple que la CNIL puisse donner son avis dans la procédure d’ouverture des données de l’administration fiscale, comme le prévoyait d’ailleurs la loi sur l’économie numérique : il n’en est plus question.
De même, nous souhaitions – c’était également une position assez consensuelle du Sénat – que les plates-formes de réservation en ligne ne puissent plus verser le montant des loyers perçus sur des cartes anonymes prépayées à l’étranger, car, je le dis solennellement, il s’agit manifestement d’incitations à la fraude fiscale. Étrangement, le Gouvernement repousse cette interdiction de dix-huit mois : allez-y, vous avez dix-huit mois pour continuer à frauder, dit-il donc… C’est incompréhensible !
Nous pensions aussi qu’il revenait au législateur de plafonner le montant des versements en espèces à l’administration fiscale, afin de tenir compte des personnes en situation de précarité bancaire : le Gouvernement en décidera seul, sous forme de décret.
Nous avions identifié un certain nombre de difficultés s’agissant de la réforme des valeurs locatives pour les écoles et institutions privées à but non lucratif. Nous avions adopté un amendement, mais nos collègues députés nous ont dit qu’ils préfèrent s’en remettre au bon vouloir du Gouvernement, par une instruction fiscale. Je pense que, même si l’exécutif a des pouvoirs très étendus, une instruction fiscale ne peut pas contredire la loi, qui a encore une valeur supérieure dans la hiérarchie des normes…
Réunie ce matin pour examiner le projet de loi de finances rectificative, notre commission a donc fait ce constat amer : ni des conditions de délai convenables pour l’examen de ce texte, ni les conditions d’un dialogue avec l’Assemblée nationale, ni les conditions d’un dialogue avec le Gouvernement ne sont réunies, malgré la bonne volonté du Sénat, qui ne fait pas preuve d’opposition systématique, mais s’efforce de rechercher de manière pragmatique ce qui peut être amélioré. D’ailleurs, certaines de ses positions sont prises de manière très consensuelle, voire à l’unanimité : monsieur le secrétaire d’État, cela aurait mérité un examen, sinon bienveillant, du moins attentif, du Gouvernement.
Il n’est malheureusement pas question de laisser une quelconque marge de manœuvre au Parlement pour amender des dispositions, malgré leur caractère parfois extrêmement technique…
Dans ces conditions, mes chers collègues, la commission des finances, avec un immense regret, vous proposera d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative. Au vu du bilan de ce qui a été retenu cette nuit, une nouvelle lecture serait une perte de temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après l’adoption, hier, de la motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2018, la majorité de notre assemblée risque à nouveau d’abréger les discussions de nouvelle lecture, cette fois sur le projet de loi de finances rectificative. C’est peu dire que, au nom de mon groupe, je regrette ce choix.
Il faut reconnaître que les délais d’examen de ce dernier texte budgétaire de l’année sont serrés : fin de la première lecture vendredi dernier, réunion et échec de la commission mixte paritaire avant-hier, nouvelle lecture à l’Assemblée nationale cette nuit vers deux heures trente, le tout en alternance avec l’examen des autres textes. Chaque année, nous déplorons cette organisation de nos travaux, mais chaque année rien ne change, malheureusement…
Lors de la réunion de la commission des finances de ce matin, nous avons constaté, sans surprise, le rétablissement de la plupart des dispositions du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, en particulier sur le prélèvement à la source, qui est la réforme majeure de ce texte.
S’il n’y a pas vraiment lieu de s’étonner de ce retour au texte initial, on peut tout de même regretter la suppression de certaines modifications du Sénat, comme l’interdiction des cartes prépayées sur les plates-formes en ligne et d’autres mesures sur la fiscalité du numérique, qui constituaient des avancées et visaient à lutter contre la fraude. Il faudra nécessairement avancer sur ces questions un jour ou l’autre, le législateur ne pouvant indéfiniment rester en retard sur les mutations technologiques et les nouveaux usages qu’elles engendrent.
Pour le reste, la soixantaine d’articles encore en discussion portent sur des mesures extrêmement variées et techniques, qui n’appellent pas de remarques particulières et méritent d’être adoptées en l’état.
Une bonne surprise, tout de même : le maintien du taux de TVA réduit pour les parcs zoologiques, issu de l’adoption au Sénat, sur notre initiative, de l’amendement dit « panda ». Je ne doute pas que cette décision sera appréciée sur le terrain, en particulier dans le Lot, la Gironde et les Hautes-Pyrénées, ma chère collègue Carrère, qui abritent de magnifiques parcs zoologiques participant à leur façon à l’attractivité de nos territoires.
La mise en place du prélèvement à la source, qui paraît désormais inéluctable, continue de susciter des débats. La majorité sénatoriale a proposé une mesure plus limitée : le prélèvement contemporain, qui consiste à améliorer le système existant sans en bouleverser les fondements, si complexes.
Si la majorité de mon groupe est plutôt favorable à cette réforme, soutenue par une majorité de Français, nous serons attentifs à sa mise en œuvre concrète. Pour cela, les travaux menés par le Sénat et ceux qui ont été conduits par l’Inspection générale des finances depuis l’an dernier constituent une solide base de travail. Nous comptons d’ailleurs sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour tenir régulièrement informée la Haute Assemblée de la mise en place de cette innovation majeure de notre système fiscal. Comme nous vous voyons souvent au banc des ministres, je pense que vous vous plaisez au Sénat… (M. le secrétaire d’État sourit.)
Je salue enfin la création, en complément de ce texte, d’un groupe de travail sur la revitalisation des bourgs-centres. Sur toutes les travées, nous constatons, en tant qu’acteurs de terrain, les dégâts de la désertification des territoires ruraux et des villes moyennes. Nous ne voulons pas que se creuse l’écart entre une France pourvue de tous les atouts pour son développement et une autre fragilisée, parfois délaissée par les pouvoirs publics. C’est aussi la voix de nos concitoyens qui se sentent relégués que nous portons dans cet hémicycle.
Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d’État, que vous serez sensible à la nécessité de donner à nos collectivités territoriales les moyens financiers de faire vivre le principe républicain d’égalité. Nous y serons très sensibles.
En conclusion, je ne puis que regretter une nouvelle fois que les travaux du Sénat soient en définitive réduits à néant par le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable. Conformément à ses principes de discussion et de liberté de vote, le groupe du RDSE préférera toujours la voie du dialogue et du débat. C’est pourquoi nous ne pourrons soutenir la position de la commission des finances sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, je pense avoir identifié le point qui, au moins à ce stade du constat, est susceptible de nous mettre d’accord : la procédure budgétaire dans son épure actuelle est à bout de souffle.
Ce collectif budgétaire de fin d’année en est l’illustration : un examen au pas de charge, une inflation du nombre d’articles du fait de l’ajout d’amendements, notamment gouvernementaux mais pas uniquement, dans chaque assemblée et, au bout du compte, l’équivalent législatif d’un ancien magasin du Pont Neuf… On y trouve de tout ! Mais, en réalité, nous ne nous y retrouvons plus, et cela sur toutes les travées.
Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a pris l’engagement devant nous – cela ne manque pas de courage – de ne plus prendre de décrets d’avance au mois de novembre et de faire du collectif de fin d’année un texte purement technique. Cet engagement est totalement en cohérence avec l’exigence de sincérité du Gouvernement sur la loi de finances initiale et, plus largement, sur les textes financiers, une exigence qu’il s’emploie à respecter depuis juillet dernier.
Nous aurons un rendez-vous constitutionnel en 2018, qui sera une fenêtre d’opportunité pour améliorer les conditions de travail du Parlement. Dix ans après la réforme dite « Sarkozy », qui a comporté des avancées, le compte n’y est toujours pas, comme l’attestent les nombreux appels publics à réformer les modalités d’examen de la loi de finances.
Le diagnostic est largement partagé. Les députés avancent ainsi une proposition bienvenue de rééquilibrage du temps d’examen des textes financiers, aujourd’hui concentré sur le temps de la prévision et de l’autorisation, mais réduit pour le volet de l’évaluation et du contrôle de l’exécution.
À droit constant, il serait par exemple souhaitable de consolider la discussion du volet recettes du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est aujourd’hui séquencée et, disons-le, en silos. Il est paradoxal d’avoir une approche « toutes administrations publiques », mais une dispersion entre plusieurs textes ! Il ne serait d’ailleurs pas incohérent de discuter également des articles non rattachés – en simplifiant, les crédits d’impôt – en amont de la seconde partie.
Je me permets un aparté : si nous, au Sénat, souhaitions contribuer, comme c’est notre rôle, à la création d’une nouvelle catégorie de lois de finances, consacrées aux finances locales, il faudrait que nous veillions à la fois aux contraintes de temps – quand discuter ? – et, bien entendu, de champ – que discuter ?
S’agissant de la seconde partie, on pourra se demander s’il est de bonne politique d’avoir autant de rapporteurs spéciaux et de rapporteurs pour avis sur les différentes missions budgétaires. Pardonnez-moi cette observation qui est un peu celle d’un Huron au palais du Luxembourg, mais j’ai souvent pensé à la formule, fameuse, d’Edgar Faure : « litanie, liturgie, léthargie » pendant les débats en séance publique, après de riches débats et de nombreuses auditions très intéressantes en commission.
À tous les stades de la procédure – mais sans doute est-ce chimérique –, il serait probablement plus raisonnable pour le Gouvernement de ne plus déposer des amendements hors délai, ou alors de fournir systématiquement une étude d’impact. Le groupe La République En Marche avait eu l’occasion de s’exprimer en ce sens lors de l’examen en urgence du collectif « flash » faisant suite à la censure de la taxe de 3 % sur les dividendes.
Le Parlement doit veiller à ce que les principaux amendements gouvernementaux en matière fiscale soient suffisamment documentés. Le rapporteur général, qui est plus chevronné que moi, l’a répété : nous ne pouvons plus légiférer à blanc, sans un minimum de travail en commission des finances.
Faut-il confier l’examen du budget à des algorithmes ? Pas encore. Car des pistes stimulantes ont été avancées, pas uniquement au Palais-Bourbon, mais aussi dans certains think tanks.
Ainsi, nous pouvons consacrer davantage de temps au contrôle de l’exécution des lois de finances. Les lois de règlement, en dépit des ambitions initiales de la LOLF, sont devenues, ou plutôt sont restées, des astres morts. Comment prétendre vouloir améliorer la loi fiscale quand on ne prend jamais véritablement le temps d’en évaluer les effets ? Il s’agit de préparer et d’enrichir l’« automne de l’autorisation » à travers le « printemps de l’évaluation » – tant que ce n’est pas l’« hiver du mécontentement » du Richard III de Shakespeare…
En dopant ce volet de l’évaluation des dépenses publiques, le Parlement aura un rôle substantiel en matière de contrôle, mais aussi une meilleure connaissance de la construction budgétaire proposée par le Gouvernement.
Nous avons la chance de bénéficier de l’assistance précieuse de la Cour des comptes pour nos travaux de contrôle et d’évaluation. Je suis plus réservé sur l’idée, récurrente, d’une intégration de la Cour des comptes comme institution à part entière du Parlement, compte tenu de ses activités juridictionnelles.
Nous pourrions également renforcer nos liens avec d’autres organismes menant un travail d’évaluation qui mérite d’être porté dans le débat public – je pense à la Banque de France et à l’INSEE –, le cas échéant à travers une politique un peu volontariste en matière de mobilités. Nous avons ici d’excellents juristes ; attirer dans ses murs des économistes et des statisticiens pourrait être pertinent.
Il nous faut veiller aussi à enrichir davantage nos travaux d’évaluation des recherches universitaires en matière économique : de Philippe Aghion à Gabriel Zucman, en passant par Jean Tirole et Thomas Piketty, nous avons la chance d’avoir des têtes chercheuses en France, et il serait positif de les associer davantage à nos travaux.
Monsieur le président, j’ai conscience d’avoir fait un peu un hors-sujet ; mais ce dont j’ai parlé est, à mon sens, le vrai sujet pour l’avenir de nos débats.
En ce qui concerne le présent collectif budgétaire, avec constance, le groupe La République En Marche n’adoptera pas la motion tendant à opposer la question préalable. (M. Didier Rambaud applaudit.)