M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis. Monsieur Ouzoulias, pour avoir auditionné les représentants de l’ANR, nous savons qu’ils sont en attente, en effet, d’un nouveau président et d’une nouvelle impulsion. Ils ont connu une vraie crise de confiance, mais ils sont déjà sur la bonne voie, comme en témoigne la décision du Gouvernement d’augmenter les crédits en vue de porter à 13 % le taux de réussite sur les appels à projets génériques.
Toutefois, il faudra, à mon avis, poursuivre cette dynamique, pour atteindre au moins les 20 %, taux moyen constaté dans les autres pays européens.
Pour ces raisons, et parce que je ne souhaite pas siphonner le budget de l’ANR, je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. On sait très bien, en déposant ce type d’amendements, qu’il ne s’agit pas de siphonner le programme d’une mission pour donner à un autre. C’est ainsi, certes, que les choses sont toujours présentées dans les objets de nos amendements. Toutefois, en réalité, il s’agit d’amendements d’appel. (M. Pierre Ouzoulias opine.)
Notre collègue nous a conté une petite histoire amusante. Passons sur les CRS, c’est hors sujet ; pour le reste, il a posé une vraie question : pourquoi dix fois plus de personnels pour une fois et demi plus de budget ? Toute la question est là !
Le sujet est non pas de siphonner un programme au profit d’un autre, mais de savoir, madame la ministre, quelle est votre appréciation sur l’ANR. Vous prenez vos fonctions au Gouvernement. Y a-t-il des marges de progression ? Les choses vous semblent-elles normales ? Nous aimerions vous entendre sur ces questions.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait :
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Merci, mon cher collègue, d’avoir explicité ma pensée. C’est exactement ça ! Votre expérience a parlé ; quant à moi, novice comme je suis, j’ai encore beaucoup à apprendre ! (Sourires.)
Madame la ministre, je suis chercheur, je ne vous le cache pas, et ce que les chercheurs, aujourd’hui, vivent le plus difficilement, c’est la précarité : en sciences humaines, l’âge moyen de la titularisation est aujourd’hui de 37 ans… Les chercheurs sont soumis à un régime qui les épuise. Aussi, lorsqu’ils obtiennent un statut, ils ont malheureusement dépensé l’essentiel de leur énergie à courir après les financements. Ce modèle ne fonctionne pas ! Il provoque des drames humains considérables et il est, du point de vue de la recherche, contre-productif.
Il faut donc remettre les choses à plat, comme mon collègue le disait, et réfléchir à un autre système de recherche. Celui qui a cours depuis quelques années aboutit à un échec criant, je le dis sincèrement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-184, présenté par MM. Ouzoulias, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Formations supérieures et recherche universitaire dont titre 2 |
|
79 895 852 |
|
79 895 852 |
Vie étudiante |
79 895 852 |
|
79 895 852 |
|
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
|
|
|
|
Recherche spatiale |
|
|
|
|
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
|
|
|
|
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 |
|
|
|
|
Recherche duale (civile et militaire) |
|
|
|
|
Recherche culturelle et culture scientifique |
|
|
|
|
Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
79 895 852 |
79 895 852 |
79 895 852 |
79 895 852 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je fais mien l’argumentaire de M. Raynal, pour éviter que vous ne vous effarouchiez devant ce nouvel avatar du procédé consistant à vider un budget pour en remplir un autre… Nulle malignité là-dedans, aucun mauvais esprit, pas de volonté de provocation – à minuit dix, c’est de toute façon impossible ! (Sourires.)
Les aides directes pour les étudiants, dans votre projet de budget, sont en baisse. Or, vous le savez, la situation des étudiants est catastrophique. Un quart d’entre eux bénéficient d’une bourse dont le montant maximal se situe autour de 555 euros, c’est-à-dire en dessous du seuil de pauvreté, et 50 % des étudiants sont salariés. Ce dernier chiffre doit faire réfléchir : ce n’est pas du travail choisi, vous le savez, madame la ministre.
Vous savez aussi, d’expérience, que lorsqu’un étudiant a passé le samedi et le dimanche à la caisse d’un grand supermarché, son attention, le lundi, est toute relative. Le taux élevé de salariés parmi la population étudiante pose donc aussi un problème pour la qualité de notre enseignement – c’est un point important.
Par ailleurs, je crois que vous l’avez dit, madame la ministre, les conditions matérielles d’études sont devenues extrêmement mauvaises. Nombre d’établissements fonctionnent en deçà des critères de sécurité. Et puisque l’on a parlé des bibliothèques, je vous rappelle que l’on compte en la matière, en France, une place pour douze étudiants, soit moitié moins à peu près qu’au Royaume-Uni ou en Allemagne.
Sur leurs conditions d’études, les étudiants expriment de façon quotidienne leur fatigue ; ils nous parlent d’une sorte de combat pour la survie. Dans leur langue parfois très imagée, ils nous disent que la fac, aujourd’hui, est devenue une préparation journalière à Koh-Lanta, donc un exercice compliqué.
Vous l’avez vu : nous avons puisé dans les crédits dédiés aux établissements privés, qui représentent environ 18 % des étudiants. L’objectif n’est pas de les supprimer – j’ai déjà dit ici que j’étais favorable à la liberté d’enseignement, et même à la libre-pensée !
Toutefois, sur le fond, il nous a semblé important que, comme pour les établissements scolaires, l’État module ses aides à raison de la fonction sociale des établissements. De ce point de vue, il nous semblerait légitime de donner plus aux établissements qui font l’effort d’accueillir les enfants des familles les plus modestes.
M. le président. L’amendement n° II-427, présenté par M. Adnot, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Formations supérieures et recherche universitaire dont titre 2 |
6 000 000 |
|
6 000 000 |
|
Vie étudiante |
|
6 000 000 |
|
6 000 000 |
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
|
|
|
|
Recherche spatiale |
|
|
|
|
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
|
|
|
|
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 |
|
|
|
|
Recherche duale (civile et militaire) |
|
|
|
|
Recherche culturelle et culture scientifique |
|
|
|
|
Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° II-184.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Vous aurez tous compris qu’il s’agit là de deux amendements totalement antinomiques.
Nous avons fait le constat que les établissements d’enseignement supérieur privés ont connu ces dernières années une baisse considérable de leurs dotations, le montant moyen par étudiant étant passé de 1 093 euros en 2012 à 705 euros en 2016. Pour autant, le nombre d’étudiants inscrits n’a cessé d’augmenter. Il s’agit donc d’améliorer une situation qui ne peut pas durer, parce qu’elle n’est pas convenable.
Je rappelle que les établissements d’enseignement supérieur privés comptent également beaucoup d’élèves boursiers. Dans le privé, il n’y a pas que des étudiants avec beaucoup de moyens !
Voilà pourquoi nous proposons d’augmenter la dotation de l’enseignement supérieur privé de 6 millions d’euros. Nous prélèverons cette somme sur des crédits qui n’ont pas été consommés l’année dernière, notamment parce que la montée en puissance de l’aide à la recherche du premier emploi, la ARPE, n’a pas eu lieu. En tout état de cause, il faudrait souhaiter que les crédits destinés à ce dispositif ne soient jamais utilisés : mieux vaudrait motiver nos étudiants pour qu’ils entrent dans la vie active le plus rapidement possible après avoir terminé leurs études.
Bref, cet amendement vise à rétablir une situation plus convenable par rapport aux établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général, les EESPIG. Surtout, il s’agit de vous aider, madame la ministre, à assumer la parole de l’État. En effet, il y aura plus établissements et plus d’étudiants. Si nous en restions aux crédits actuels, nous serions dans une impasse.
Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° II-184, que l’on pourrait qualifier de dogmatique, pour reprendre des propos antérieurs de M. Ouzoulias, la commission émet bien sûr un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur Ouzoulias, je préfère de beaucoup la défense orale de votre amendement à son objet écrit, qui l’apparentait davantage à un siphonnage de crédits, ce qui n’est pas acceptable.
Mme Cécile Cukierman. Mais c’est le principe des lois de finances !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Vous vouliez en effet transférer le financement des établissements d’enseignement supérieur privé vers l’aide aux étudiants.
Il n’empêche que vous avez raison de dénoncer les inégalités entre les jeunes, car elles existent. À mon sens, la plus criante d’entre elles n’est pas celle qui existe entre le public et le privé, mais plutôt celle qui oppose ceux qui font des études et ceux qui y renoncent, y compris pour des questions financières. En effet, les études protègent évidemment du chômage.
C’est pourquoi nous avons supprimé la cotisation de 217 euros dès la rentrée passée et rendu gratuite la caution locative. C’est pourquoi aussi nous construisons 60 000 logements étudiants et nous garantirons l’accès gratuit aux soins dans les centres de santé qui seront mis en place dans les campus.
Vous affirmez que 50 % des étudiants travaillent. Ces chiffres sont produits par mon ministère, je les connais donc particulièrement bien. Ils ont le don de m’énerver, parce qu’ils incluent tous les étudiants en apprentissage et tous les stagiaires, ce qui les gonfle inévitablement !
Quoi qu’il en soit, même si seulement 20 % des étudiants travaillent, c’est toujours 20 % de trop. C’est pourquoi je suis aussi très attachée à ce que l’on développe les emplois étudiants créés au sein même des universités, car ils apporteront bien plus aux étudiants.
En tout état de cause, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° II-184.
Monsieur Adnot, nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, je n’oppose absolument pas les établissements publics aux établissements privés, surtout lorsqu’il s’agit d’établissements privés d’intérêt général et qui sont donc sans but lucratif.
Parmi les 57 établissements privés qui bénéficiaient d’un contrat et d’une subvention depuis 2010, quelque 44 ont obtenu le label EESPIG, ainsi que 3 groupes d’écoles. D’après les données de mon ministère, 3 dossiers sont en cours d’examen.
Depuis cette année, 9 nouveaux établissements ont obtenu la qualification, parmi lesquelles 3 écoles d’ingénieurs d’agriculture qui bénéficient d’un contrat avec le ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Les autres sont principalement des écoles de management. Au total, 56 établissements bénéficient donc de la qualification d’EESPIG pour cette année.
J’évoquais à l’instant les financements versés par le ministère à ces établissements, car ils jouent un rôle important et sont conventionnés. Force est de constater que pour des raisons qui lui appartiennent, et que je ne connais pas, le gouvernement précédent a fait le choix de baisser les dotations versées aux EESPIG. D’où l’effet ciseau que vous avez identifié et qui est réel. Nous nous entendons donc sur le constat.
C’est pourquoi, dès l’année 2018, nous serons en mesure de doter ces établissements de 2 millions d’euros supplémentaires grâce à un effort en matière de gestion. Nous aurons l’occasion de discuter de nouveau de tout cela et de la place des EESPIG lors de l’examen du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, qui prévoit de leur reverser une partie de la contribution vie étudiante.
Pour cette raison, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° II-427. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je me réjouis que Mme la ministre ait annoncé un nouveau système d’orientation pour les étudiants en remplacement du calamiteux système de l’admission post-bac, ou APB, qui a montré toutes ses limites. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Je souhaite surtout réagir sur les motivations qui sous-tendent l’amendement n° II-184, dont je lis l’objet : « Les établissements privés d’enseignement supérieur, à l’image de leurs confrères des premier et second degrés, constituent aujourd’hui des accélérateurs d’inégalités sociales ».
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas faux !
M. Michel Canevet. Je suis profondément scandalisé de lire des choses pareilles ! En effet, le groupe Union Centriste est particulièrement attaché à la liberté scolaire et au libre choix.
Mme Cécile Cukierman. Vous êtes de droite, nous de gauche !
M. Michel Canevet. Nous sommes pour la réussite des jeunes enfants. Je prends l’exemple de la Bretagne, où près d’un élève sur deux est scolarisé dans un réseau autre que celui de l’enseignement public, avec des résultats qui sont parmi les meilleurs au niveau national ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Or nous savons tous que le contexte est préoccupant : nous observons un recul de notre classement par rapport aux autres pays. En clair, plus on a donné de moyens à l’éducation, plus les résultats se sont dégradés.
Mme Cécile Cukierman. Plus on a financé l’enseignement privé, plus on s’est effondré dans les classements mondiaux !
M. Michel Canevet. Nous ne pouvons accepter un tel amendement, d’autant que, comme l’a souligné M. le rapporteur, les crédits ont été significativement diminués ces dernières années, ce qui était particulièrement regrettable.
Il est totalement inacceptable de proposer de nouvelles réductions. S’il existe un facteur d’égalité sociale, c’est bien la possibilité pour les familles de choisir leur réseau d’enseignement et de permettre, à tous, la réussite par la scolarisation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Mon intervention s’inscrit dans le prolongement des propos de Michel Canevet. Je suis moi aussi choqué par l’amendement n° II-184. Autant vos explications passent à l’oral, monsieur Ouzoulias, autant à l’écrit c’est un peu plus compliqué…
Vous avez cité Bourdieu. Vous auriez pu également faire référence à Baudelot et à Establet, c’est-à-dire à ces personnes qui n’ont pas encore compris que l’enseignement, qu’il s’agisse du public ou du privé, permettait l’élévation des jeunes. Le vrai problème se trouve non pas dans l’enseignement supérieur, mais à l’école. Je me félicite du dédoublement des classes dans les réseaux d’éducation prioritaire renforcée, ou REP+, car c’est là que naissent les difficultés.
J’aimerais que l’on sorte de l’opposition caricaturale entre le public et le privé. Vous l’avez vous-même reconnu, ce sont souvent les établissements privés qui obtiennent les meilleurs résultats au classement de Shanghai, peut-être en raison du contexte.
Quoi qu’il en soit, sortons de cette opposition public-privé. Mon groupe votera l’amendement n° II-427 défendu par M. Adnot. Il est important de soutenir l’enseignement supérieur privé, qui souhaite ni plus ni moins être mis sur un pied d’égalité avec l’enseignement public. (Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme Cécile Cukierman. Le dogmatisme est de votre côté !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Sans en rajouter, j’aimerais que l’on soit vigilant lorsque l’on gage des crédits de la sorte, même si c’est la règle en loi de finances.
J’ai entendu Philippe Adnot dire que l’aide à la recherche du premier emploi n’avait pas donné satisfaction parce qu’elle n’avait pas été utilisée, voire qu’il serait préférable qu’elle ne soit pas utilisée, ce qui n’est pas faux sur le fond.
Pour autant, je rappelle qu’il s’agit de crédits destinés à la vie étudiante, particulièrement d’aides directes à destination des étudiants les plus fragiles. C’est un dispositif qui a été mis en place en 2016 pour aider l’enseignement supérieur à finalité professionnelle pour les plus modestes. Oui, ces aides n’ont pas été utilisées. Est-ce une raison pour diminuer encore davantage les crédits de l’ARPE, déjà en baisse pour 2018, puisqu’ils s’élèvent à 43 millions d’euros, contre 92 millions d’euros en 2017 ?
C’est un mauvais signe adressé à la vie étudiante, singulièrement aux étudiants les plus modestes. Bien que je sois moi aussi Bretonne, je n’entrerai pas dans les débats sur l’enseignement privé, et mon groupe votera contre les deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Ces deux amendements sont totalement à l’opposé l’un de l’autre. Pour un centriste, il est donc difficile de trouver une position équilibrée ! (Sourires.)
Notre préférence va néanmoins nettement à l’amendement n° II-184 présenté par Philippe Adnot, au nom de la commission des finances. L’idée d’opposer le privé au public est d’un autre temps, et je ne me retrouve pas dans les propos de M. Ouzoulias, même si, sur bien des sujets, son argumentation est très intéressante. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une rhétorique du passé.
Face au défi d’accueillir environ 300 000 étudiants d’ici à 2025, il est évident que les établissements privés doivent également jouer un rôle. Les affaiblir, comme cela a été le cas ces dernières années, n’est pas une solution.
Voilà pourquoi nous sommes favorables à l’amendement n° II-427, même si, à titre personnel, j’aurais préféré que le gage porte sur d’autres crédits que sur ceux qui sont consacrés à la vie étudiante. Nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Rassurez-vous, il n’y aura pas de chœur breton ce soir sur l’école privée ! (Sourires.)
Néanmoins, les propos de mon excellent collègue M. Ouzoulias ne sont pas à la hauteur de son intelligence. J’ai eu l’occasion de discuter avec lui de cet amendement : comme chacun de nous, il a à cœur que tout un pays se mobilise pour la réussite de ses enfants.
Pour ma part, je salue le travail qui est effectué par Mme la ministre et je pense, mes chers collègues, que la plus grande des inégalités est celle qui est règne aujourd’hui à l’université, où on laisse croire à beaucoup de jeunes qu’ils réussiront dans leur parcours universitaire, alors qu’ils n’y ont pas été préparés. Je rappelle que deux étudiants sur trois quittent l’université avant d’avoir obtenu un diplôme et se retrouvent sur une voie d’échec.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Madame la ministre, j’exposerai brièvement les raisons pour lesquelles la commission maintiendra l’amendement n° II-427.
J’ai rappelé que le financement moyen par étudiant était passé à 705 euros dans le privé, contre près de 10 000 euros dans le public. Nous ne proposons donc pas de financer l’enseignement supérieur privé et l’enseignement supérieur public au même niveau. Par ailleurs, ce ne sont pas nécessairement les étudiants les plus modestes qui mettent le plus de temps pour trouver du travail, bien au contraire !
Madame la ministre, c’est tout simple : nous voterons cet amendement et vous trouverez les 6 millions d’euros ailleurs.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Au CNRS ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Ouzoulias. Ou sur les 6 milliards d’euros du CIR !
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. En effet, je ne tiens pas absolument à ce qu’ils soient pris sur les crédits de la vie étudiante.
M. le président. L’amendement n° II-573 rectifié quinquies, présenté par Mme Préville, MM. Tissot et Durain, Mmes Taillé-Polian, Lienemann et Lepage et MM. Kerrouche, Mazuir, Madrelle et Courteau, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Formations supérieures et recherche universitaire dont titre 2 |
|
|
|
|
Vie étudiante |
|
|
|
|
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
|
|
|
|
Recherche spatiale |
|
|
|
|
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
|
|
|
|
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 |
|
|
|
|
Recherche duale (civile et militaire) |
|
10 000 000 |
|
10 000 000 |
Recherche culturelle et culture scientifique |
10 000 000 |
|
10 000 000 |
|
Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. La culture scientifique, technique et industrielle, ou CSTI, développe l’information sur la science et ses enjeux. En favorisant les échanges avec la communauté scientifique, en opérant un partage des savoirs et en éduquant les publics à une citoyenneté active, elle inscrit la science dans la société.
La loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a clarifié les rôles entre l’État et les régions. Ces dernières se sont vues transférer la coordination et la mise en cohérence des actions de la CSTI.
Les régions ont bien un rôle central dans la nouvelle gouvernance de la CSTI : organisation du réseau des acteurs sur leur territoire, engagement des projets, soutien financier des actions portées dans ce domaine.
Pour autant, les crédits nationaux décentralisés, s’ils viennent bien abonder ces financements régionaux, ne le font qu’à hauteur de 4,7 millions d’euros. L’État conserve encore des moyens d’action non négligeables ; il doit rester un acteur incontournable pour donner le goût de la science aux nouvelles générations.
Vous pouvez penser que la réussite de la CSTI dans le cadre d’un contexte budgétaire restreint repose davantage sur la rationalisation de la gouvernance que sur une augmentation des moyens. Pour ma part, je ne le crois pas. Il est selon moi nécessaire aujourd’hui de promouvoir auprès des jeunes publics le goût de la science. Il s’agit aussi de résorber l’écart entre l’évolution des sciences et des techniques et la capacité des citoyens à la comprendre pour la maîtriser.
Or les avancées scientifiques ont été si importantes ces dernières années que nous avons tout à gagner à ce que chaque citoyen devienne plus savant, donc plus responsable et moins naïf. Comprendre pour mieux faire des choix de société, n’est-ce pas un idéal à poursuivre dans une société avancée ?
Nous en sommes à un moment crucial, particulièrement en la matière, s’agissant des choix relatifs à l’énergie, l’écologie, etc.
Cette question touche également celle des stéréotypes de genre ; il est urgent de développer cette culture afin d’encourager les jeunes filles à se diriger vers les carrières scientifiques et techniques. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Pour ces raisons il est nécessaire de donner un nouveau souffle au développement des politiques partenariales : État, collectivités, associations.
Au printemps dernier, le Conseil national de culture scientifique, technique et industrielle, présidé par Dominique Gillot, a remis la stratégie nationale de CSTI. L’ambition fixée par cette dernière nécessite un investissement supérieur aux moyens actuels consacrés à la CSTI qui ne peut pas être assuré par les régions seules. C’est pourquoi il est proposé de reprendre la proposition du Conseil national et d’augmenter les crédits d’intervention.
Bien évidemment, je ne veux pas porter atteinte au financement de la recherche duale. Je souhaite néanmoins que le Gouvernement se saisisse de ce sujet et que la Haute Assemblée puisse prendre toute sa part à la réflexion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Quelle bonne intention que de vouloir valoriser la connaissance scientifique et de chercher à la diffuser auprès des jeunes !
Vous avez précisé à la fin de votre intervention que vous ne souhaitiez pas porter atteinte à la recherche duale. Néanmoins, il s’agit d’un élément important, qui a été défendu par de nombreux orateurs tout à l’heure à la tribune, qu’il s’agisse de la recherche spatiale ou du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. L’intention est bonne, mais j’aurais aimé que le gage soit différent.
Pour l’instant, la commission émet sur cet amendement un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je profite de cette intervention pour saluer le travail important réalisé par votre ancienne collègue Dominique Gillot, qui s’est fortement investie.
La Nation consacre déjà 250 millions d’euros spécifiquement à la CSTI : 196 millions d’euros dédiés aux musées et aux établissements publics ; 16 millions d’euros consacrés par les opérateurs de l’enseignement supérieur ; plus de 2 millions d’euros pour la fête de la science ; 3,6 millions d’euros décentralisés sur la DGD-S, la Direction générale déléguée à la science. Malheureusement, les crédits de la recherche duale sur lesquels vous voulez prendre les finances pour la CSTI ne me permettent pas d’émettre un avis favorable sur cet amendement.
Comme je l’ai précisé, j’ai proposé à des députés de travailler sur ces sujets puisque la même question a été soulevée à l’Assemblée nationale. Je serai ravie que vous acceptiez de vous joindre à ces discussions.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.