Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà quelques semaines, au cours de mon audition devant la commission de la culture, j’ai eu l’occasion de présenter l’état d’esprit dans lequel j’ai travaillé pour l’élaboration de ce budget.
La première de mes priorités a été de rétablir la sincérité de la programmation budgétaire. Comme nombre de nos concitoyens, j’ai pris toute la mesure des questions soulevées par la loi de finances pour 2017 lors de la publication du rapport de la Cour des comptes. C’était malheureusement trop tard pour reconnaître au Sénat le mérite d’avoir mis en évidence la sincérité parfois discutable de ce texte, mais assez tôt pour prolonger cette réflexion sur nos finances publiques et en tirer toutes les leçons.
Le budget de la MIRES qui vous est proposé pour 2018 est le produit de ce travail, lequel nous a conduits à apporter des réponses à ces deux questions : comment rétablir la sincérité des crédits inscrits dans le budget ? Comment traduire sur le plan budgétaire la politique du Gouvernement en matière d’enseignement supérieur et de recherche ?
Vous le savez, le soutien à nos établissements d’enseignement supérieur et à nos laboratoires fait partie des priorités cardinales du Gouvernement, qui a placé au cœur de son action la construction de notre avenir commun. C’est pourquoi ce projet de budget prévoit une forte hausse des crédits relevant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Ces crédits progressent de plus de 700 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, en s’établissant à 24,5 milliards d’euros. La MIRES, dans son ensemble, disposera de 27,7 milliards d’euros, hors intérêts de la dette. C’est donc le troisième poste budgétaire de notre nation.
C’est un effort considérable qui est ainsi fait au service de la préparation de notre avenir, de celui de notre jeunesse au travers de notre enseignement supérieur, mais aussi de celui du pays tout entier, qui se nourrit des progrès de la recherche et de leur diffusion rapide, par l’enseignement et l’innovation.
C’est également un budget stratégique, qui finance l’effort de la Nation en matière spatiale et contribue ainsi au rayonnement international de notre pays.
Nos concitoyens sont sensibles à cet effort et aux défis posés par la recherche scientifique. L’aventure scientifique continue de susciter leur intérêt, que ce soit dans le domaine spatial ou, plus récemment, dans les domaines de l’informatique ou de l’intelligence artificielle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’évoquerai tout d’abord nos priorités budgétaires en matière de recherche. Elles sont simples. Nos universités et nos organismes ont besoin de visibilité pour déployer leur stratégie et entrer dans la compétition internationale.
Nous devons permettre à nos laboratoires de se projeter dans un temps long et dans un monde de plus en plus concurrentiel. C’est pourquoi nous avons choisi d’augmenter de plus de 500 millions d’euros les crédits consacrés à la recherche, ce qui, dans la période de tension budgétaire dont vous n’ignorez rien, est considérable – je sais, au regard de vos déclarations, à quel point vous y êtes sensibles.
Par ailleurs, nous voulons redonner de l’oxygène à nos chercheurs, qui souffrent depuis des années de financements insuffisants et des querelles doctrinaires opposant les partisans de la recherche sur projets et les défenseurs du financement récurrent. À ce débat, j’ai souhaité apporter une réponse claire : nous avons besoin des deux !
Une recherche financée intégralement sur projets serait perpétuellement fragile et soumise à tous les aléas de la conjoncture économique et scientifique ; des laboratoires financés sur des seuls crédits de base ne pourraient permettre l’émergence des idées neuves. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’amendement de M. Ouzoulias.
Sans préempter cette discussion, ma volonté, ainsi que celle du Gouvernement, est de financer ce qui fonctionne, donc de réaffirmer le soutien à la recherche dans son ensemble, 140 millions d’euros supplémentaires étant alloués à l’ANR.
Le budget de l’ANR sera ainsi porté à 750 millions d’euros. Et, afin d’améliorer le taux de sélection des appels à projets, sa capacité d’engagements sera portée à 706 millions d’euros, afin d’amorcer le retour vers un taux de sélectivité qui ne sera plus totalement contre-productif.
Par ailleurs, les instituts Carnot verront leurs crédits augmenter de 5 millions d’euros ; ils ont fait la preuve de leur efficacité pour établir des partenariats performants, équilibrés et fluides avec le monde économique. J’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises : c’est un modèle de financement de la recherche intéressant, qui mériterait d’être diffusé.
Toutefois, cela ne signifie pas que nous délaissons les crédits de base. Bien au contraire, nous avons pris une décision inédite dans la période récente : nous avons choisi de dégager quelque 25 millions d’euros en direction des laboratoires, afin d’augmenter les crédits de base. En effet, chacun connaît la réalité, dans les universités comme dans les organismes : les financements récurrents avaient tellement baissé que nos unités de recherche n’avaient plus les moyens de conduire un projet scientifique propre au long cours.
Ces 25 millions d’euros constituent une première respiration, qui, là aussi, devra être amplifiée, mais qui représente une rupture avec ce qui était devenu une forme de dogme : la réduction permanente des crédits de base au profit de la recherche sur projets.
En parallèle, nous travaillons à réduire les fragilités financières structurelles du secteur, en rétablissant au bon niveau les financements destinés aux très grandes infrastructures de recherche, qui sont l’un des fers de lance de notre science à l’échelle internationale. Là encore, trop longtemps, la programmation d’ensemble, scientifique et budgétaire, de ces projets n’a pas été suffisante, et ce sont les organismes de recherche qui étaient contraints de prendre en charge sur leurs budgets le poids issu du dérapage desdits projets.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de signaler l’effort important qui sera réalisé en 2018 pour mettre un terme à la sous-budgétisation chronique des organismes internationaux de recherche. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de l’action et des comptes publics, pour prévoir une augmentation des crédits : sur le long terme, ce sont près de 314 millions d’euros supplémentaires qui serviront à donner un surcroît de sincérité aux crédits budgétaires des organismes internationaux.
Concernant l’enseignement supérieur, vous le savez, 2018 sera une année tout à fait particulière, puisque nous mettrons en œuvre la réforme de l’orientation et de la réussite à l’université, qui constitue la colonne vertébrale du plan Étudiants que j’ai présenté, avec le Premier ministre et le ministre de l’éducation nationale, le 30 octobre dernier.
Ce plan Étudiants, le Gouvernement l’a construit afin de répondre à une double urgence : d’une part, le recours au tirage au sort pour l’accès à l’enseignement supérieur, qui a concerné en 2017 plus de 66 500 étudiants ; de l’autre, la lutte contre l’échec en premier cycle, auquel nous nous sommes finalement lentement habitués – j’en veux pour preuve les documents budgétaires eux-mêmes, au sein desquels le taux de réussite en licence en trois ans figure parmi les indicateurs de performance, avec une cible, à l’horizon 2020, de 30 %…
Aujourd’hui, nous sommes à 27 % de réussite. C’est de cette situation que nous devons sortir, en accompagnant nos étudiants vers la réussite, car ce taux d’échec est la chose la plus injuste socialement qui soit.
À cet égard, j’adresse mes remerciements anticipés à M. Grosperrin, qui sera le rapporteur du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, et je salue Guy-Dominique Kennel et Catherine Procaccia, dont les travaux, ces dernières années, ont inspiré largement les pages de ce texte qui sera examiné par le Sénat en février prochain.
L’ambition globale du plan Étudiants dépasse le simple cadre du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, et se ressent dans la physionomie de la MIRES, la mobilité internationale sortante de niveau master. Examiner le budget de la MIRES pour 2018, c’est donc déjà aborder la question de la mise en œuvre de ce plan.
Étant attentive aux travaux conduits notamment par le Sénat, permettez-moi de vous apporter d’emblée quelques garanties, afin de répondre à ceux qui ont pu, très récemment, mettre en doute la parole du Gouvernement devant la Haute Assemblée.
Ainsi, je rappelle que le Premier ministre a annoncé il y a cinq semaines un effort supplémentaire de plus d’un milliard d’euros, par rapport à un budget en croissance de plus de 700 millions d’euros.
Cet effort supplémentaire se décompose ainsi : 450 millions d’euros, d’abord, au titre du Grand plan d’investissement, afin de financer la transformation pédagogique du premier cycle de licence et de construire de nouveaux cursus personnalisés. Un premier appel à projets sur les nouveaux cursus universitaires a déjà ses lauréats et mobilise plus de 130 millions d’euros ; le second appel à projets vient d’être lancé aujourd’hui, pour une réponse dès le mois de mars prochain, afin de mobiliser à nouveau un peu plus de 100 millions d’euros au titre des dix-huit prochains mois.
Ont été alloués sur 2018-2022, ensuite, 500 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires afin de créer des places dans les filières de premier cycle en tension et dans les formations courtes professionnalisantes, notamment en BTS et en DUT. Cet effort permettra de créer des postes, de financer des heures d’enseignement supplémentaires et de reconnaître l’engagement pédagogique des enseignants et des enseignants-chercheurs.
Cet engagement s’est traduit dès cette année par une série d’amendements visant à financer à hauteur de 20 millions d’euros au total, l’effort étant réparti sur plusieurs ministères, les mesures budgétaires qui seront prises en 2018 pour la mise en œuvre de ce plan – ces crédits concernent le dernier tiers de l’année 2018.
Enfin, 100 millions d’euros supplémentaires seront rendus aux étudiants en pouvoir d’achat grâce à la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante dès 2018.
Jusqu’alors, les étudiants devaient payer 217 euros en plus chaque année au titre de l’assurance maladie, alors même qu’ils n’avaient, dans leur grande majorité, aucun revenu. C’était une anomalie ; elle sera corrigée, et les étudiants, tous les étudiants, y compris les étudiants internationaux bien sûr, bénéficieront d’une couverture gratuite et d’une qualité de service et d’accès aux soins nettement améliorée.
Le plan Étudiants n’épuise pas, tant s’en faut, la question du financement de notre enseignement supérieur, qui appelle quelques développements, afin que vous soient présentés les objectifs du Gouvernement en la matière pour l’année à venir.
Tout d’abord, j’ai souhaité nous sortir collectivement d’une mauvaise habitude, celle de dissimuler sous des budgets en hausse apparente diverses impasses budgétaires, qui venaient ronger peu à peu les marges de manœuvre réelles.
C’était particulièrement crucial pour l’enseignement supérieur, car, depuis plusieurs années, nos universités et nos grandes écoles doivent résoudre une quadrature impossible : d’un côté, la démographie étudiante est en hausse, on le sait depuis environ dix-huit ans ; de l’autre, les charges ne cessent d’augmenter, sous l’effet notamment du glissement vieillesse technicité, qui n’a pas été financé au cours des dernières années.
La conséquence de cette quadrature a été simple : là où les lois de finances affichaient des créations de postes, la réalité, dans les universités, était celle de l’utilisation des crédits supplémentaires pour couvrir la progression permanente des charges.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Tout à fait !
Mme Frédérique Vidal, ministre. C’est avec cette logique délétère que nous avons rompu cette année, en remettant enfin à niveau les budgets de nos universités et en finançant le GVT. En tant qu’ancienne présidente d’université, je mesure parfaitement l’ampleur de cette petite révolution.
Cet effort inédit portera les moyens de l’enseignement supérieur à plus de 13,4 milliards d’euros ; ce sont 194 millions d’euros de plus par rapport à 2017. Et si l’on s’attache aux crédits qui seront effectivement disponibles pour les établissements, ce sont même 234 millions d’euros de plus qui seront notifiés aux universités et aux grandes écoles grâce à la baisse du taux de mise en réserve.
Enfin, afin de financer les projets de réhabilitation de l’immobilier des universités dans le cadre des contrats de plan État région, ainsi que la poursuite de l’opération Campus, l’enveloppe consacrée pour 2018 à l’immobilier s’élèvera à 343 millions d’euros, soit une augmentation de presque 60 millions d’euros.
Je dirai quelques mots, maintenant, pour répondre aux différentes questions qui ont été posées au cours de cette discussion générale.
Je commencerai par la question du plan Étudiants. De façon générale, je souhaite l’articuler avec deux autres réformes qui ont commencé : la réforme du baccalauréat, portée par Jean-Michel Blanquer, qui, bien sûr, a été complètement associé à l’élaboration du plan Étudiants, et la réforme de la formation professionnelle, de l’apprentissage, de la formation continue et de la formation tout au long de la vie, portée par Muriel Pénicaud, réforme à laquelle, bien sûr, nous sommes associés, Jean-Michel Blanquer et moi-même.
Il faut bien le comprendre, ce que nous souhaitons, c’est à la fois repenser l’orientation dès la fin du collège ou le début du lycée et travailler à mettre en place des filières d’excellence, en utilisant notamment l’apprentissage, qui est une autre forme de pédagogie,…
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. … et d’excellence !
Mme Frédérique Vidal, ministre. … et qui doit cesser d’être considéré comme une formation dévalorisante ; il n’y a qu’à considérer l’importance de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur ! Sur ce sujet, monsieur Adnot, je souhaite vous rassurer : la taxe d’apprentissage continuera à financer les formations de l’enseignement supérieur.
Le deuxième point sur lequel je veux revenir a été longuement et plusieurs fois débattu : c’est le mode de financement par l’ANR, mais aussi la recherche partenariale ou encore les plans nationaux.
Je vous confirme, monsieur Ouzoulias, que l’acharnement confine parfois à l’absurdité. (Sourires.) Il ne faut pas opposer la recherche de base et la recherche sur projets. Et il était très important de redonner aussi de la respiration à la recherche sur projets, tout simplement parce qu’elle permet à de jeunes équipes et à de jeunes chercheurs de s’émanciper, de porter un projet, donc de poser les bases et la fondation d’une future unité mixte de recherche. Il est donc absolument essentiel que nous soyons en capacité de faire émerger, par la recherche sur projets, nos équipes de recherche d’excellence de demain.
Le taux de financement de l’ANR, avec une sélectivité extrêmement forte, est évidemment une question importante. Nous nous engagerons, tout au long du quinquennat, pour revenir à une sélectivité qui ne décourage pas les chercheurs de déposer des projets auprès de l’ANR. Vous avez eu raison, monsieur Rapin, monsieur Lafon, de mentionner ce problème.
Toutefois, l’ANR nous permettra aussi, au travers de financements extrabudgétaires qu’elle contrôle, de financer un certain nombre de plans. En effet, madame Darcos, vous avez raison, de nombreux plans nationaux ont été annoncés sans être financés, et, bien sûr, nous travaillons à mettre au point leur financement.
Au-delà de ce travail, nous souhaitons, en lien notamment avec les priorités de l’Europe, être en capacité de lancer des plans nationaux. Le premier, sur le climat, a été engagé et confié au CNRS ; il y en aura un sur l’intelligence artificielle, confié à l’INRIA, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, et un sur la problématique de l’antibiorésistance, qui sera confié à l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Bref, l’objectif est que nous soyons aussi capables de définir des stratégies nationales de recherche.
Cela nous amène à la façon dont nous comptons soutenir nos équipes de recherche dans le dépôt de leurs projets et contribuer à leurs succès aux appels à projets européens.
Nous comptons agir de deux façons différentes. Tout d’abord, je participe extrêmement activement à l’ensemble des commissions qui se déroulent à l’échelon européen. Évidemment, si l’on est absent de ces commissions, on a un peu de mal à préparer les objectifs et les priorités du programme-cadre à venir… A contrario, lorsque l’on est présent, il est plus facile de les préparer. Et nous les préparons, bien sûr, en fonction des forces de notre pays.
Notre second objectif essentiel est, au niveau de l’Europe, de simplifier les procédures et, au niveau national, d’aider nos équipes à déposer des projets. De cette façon, je ne doute pas que nous aurons de meilleurs taux de réussite.
J’ajouterai un mot, pour finir, sur le paysage de l’enseignement supérieur, sur le plan Étudiants et sur le projet de loi proprement dit. Vous avez raison, monsieur Grosperrin, nous n’avons pas le droit à l’échec ; je suis d’autant plus déterminée à réussir que j’en suis parfaitement consciente.
Plusieurs défis sont devant nous. Il s’agit tout d’abord de la convergence du premier cycle de l’enseignement supérieur : nous devons faire en sorte que les universités et les grandes écoles se rapprochent et travaillent en synergie, sans pour autant se fondre les unes dans les autres et en mettant en avant, chacune, leurs spécificités. Tel est d’ailleurs l’objet d’un article d’un projet de loi que vous aurez à examiner prochainement, mesdames, messieurs les sénateurs, mais qui n’est pas le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants.
Plus spécifiquement, s’agissant dudit plan relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, la plateforme sera présentée avant les vacances de Noël. Je souhaite rassurer tout le monde : je n’ai jamais dit que c’est l’algorithme qui avait péché. Ce que j’ai toujours dit, en revanche, c’est que le non-fonctionnement de la plateforme APB, ou admission post-bac, était imputable à un défaut de choix politique.
Reste que la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, nous oblige aujourd’hui à changer de système, et nous ne pouvons pas conserver un algorithme entièrement automatisé. C’est pourquoi nous en avons imaginé un autre, qui est en simulation, qui fonctionne, et que nous aurons le plaisir de présenter avant les vacances de Noël.
Il est de notre responsabilité à tous, nous, adultes, de rassurer les lycéens sur le fait que les choses vont bien se passer pour eux. Notre objectif ultime, c’est d’être capables de les accompagner en prenant en compte leur diversité et de cesser de les jeter au milieu de la piscine alors même qu’ils ont encore besoin d’apprendre à nager. C’est là tout l’objectif du plan Étudiants ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je tenais d’ailleurs à vous remercier tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre soutien et de l’attention que vous portez à la question de la réussite étudiante. Ce sujet dépasse les clivages idéologiques, car il y va de l’avenir et du dynamisme de notre pays. Accompagner la réussite, reconnaître les talents, quels qu’ils soient, soutenir l’optimisme de notre jeunesse, c’est selon moi la meilleure protection de la démocratie. (Applaudissements sur les mêmes travées)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Recherche et enseignement supérieur |
27 610 165 582 |
27 671 429 016 |
Formations supérieures et recherche universitaire |
13 438 270 685 |
13 435 650 856 |
Dont titre 2 |
514 624 364 |
514 624 364 |
Vie étudiante |
2 694 501 688 |
2 698 860 888 |
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
6 718 684 048 |
6 764 603 666 |
Recherche spatiale |
1 621 103 753 |
1 621 103 753 |
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
1 761 452 463 |
1 734 154 531 |
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle |
738 770 054 |
778 890 598 |
Dont titre 2 |
105 575 546 |
105 575 546 |
Recherche duale (civile et militaire) |
179 519 167 |
179 519 167 |
Recherche culturelle et culture scientifique |
111 962 861 |
111 881 973 |
Enseignement supérieur et recherche agricoles |
345 900 863 |
346 763 584 |
Dont titre 2 |
216 953 354 |
216 953 354 |
M. le président. L’amendement n° II-183 rectifié, présenté par MM. Ouzoulias, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Grandes infrastructures de recherche
II. - Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Formations supérieures et recherche universitaire dont titre 2 |
300 000 000 |
|
150 000 000 |
|
Vie étudiante |
|
|
|
|
Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
|
993 467 553 |
|
716 606 308 |
Grandes infrastructures de recherche |
693 467 553 |
|
566 606 308 |
|
Recherche spatiale |
|
|
|
|
Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
|
|
|
|
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle dont titre 2 |
|
|
|
|
Recherche duale (civile et militaire) |
|
|
|
|
Recherche culturelle et culture scientifique |
|
|
|
|
Enseignement supérieur et recherche agricoles dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
993 467 553 |
993 467 553 |
716 606 308 |
716 606 308 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Nous vivons un paradoxe ! Lorsqu’il s’agit des collectivités territoriales, nous sommes tous d’accord pour limiter, voire réduire, le « mille-feuille territorial ». Dans le domaine de la recherche, en revanche, nous assistons à un bourgeonnement baroque de structures à la fois coûteuses, bureaucratiques et inefficientes.
L’Agence nationale de la recherche est l’une de ces structures. Elle est devenue une agence à dire « non », puisque la proportion des projets qu’elle finance n’a cessé de diminuer, pour atteindre un plancher d’environ 10 % ; mais, pour cela, il lui faut de plus en plus de personnels. Ainsi, cas exceptionnel dans le budget de la recherche, elle va bénéficier de trente emplois supplémentaires.
En dix ans, écoutez bien, mes chers collègues, son budget de fonctionnement a été multiplié par dix, le nombre de ses personnels par quatre, mais les fonds qu’elle distribue seulement par un et demi ! Le nombre de chercheurs diminue, mais le nombre de personnels administratifs chargés de gérer leurs demandes, lui, augmente…
L’ANR est si efficace que le Président de la République, pour son grand projet « Rendons notre planète encore plus belle » – je le dis en français, madame la ministre, car il me semble que c’est encore la langue de la République… –, a préféré confier la sélection des propositions scientifiques de la communauté internationale aux CRS – pardon, au CNRS. (Rires.)
Mme Cécile Cukierman. C’est l’heure tardive !
M. Pierre Ouzoulias. Les CRS, c’est pour la phase d’après, quand les chercheurs descendent dans la rue… C’est pour plus tard ! (Mêmes mouvements.)
J’ai écouté avec attention votre discours, madame la ministre : vous avez dit vous-même que les grands fonds nationaux que vous alliez lancer allaient être financés par les opérateurs historiques – vous avez cité l’INRIA, le CNRS, etc. Pourquoi ne pas les confier à l’ANR, si vous avez tant confiance en cette agence ?
M. Pierre Ouzoulias. Sur le fond, je partage votre sentiment : on ne peut pas opposer la recherche financée par des crédits récurrents et la recherche sur projets. J’ai moi-même fait les deux – par ailleurs, j’ai cessé de formuler mes demandes auprès de l’ANR : j’ai découvert qu’il était beaucoup plus simple de faire ses demandes à l’ERC, le Conseil européen de la recherche ; les dossiers étaient moins gros, les réponses plus rapides et les budgets plus importants !
Il est plus sage d’abandonner une nef qui prend l’eau de toutes parts que de tenter de la renflouer en pure perte. S’il faut lancer des projets, les opérateurs historiques sont parfaitement capables de les gérer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Mon cher collègue, vous avez pris la peine, de façon bien sympathique, de nous présenter votre amendement en décalant quelque peu votre exposé par rapport à votre objet écrit. En effet, ce dernier peut être résumé comme suit : comment tuer l’ANR, en silence, mais de la façon la plus sanglante possible !
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Avec les CRS ! (Sourires.)
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. La commission, vous l’aurez compris, émet un avis défavorable sur cet amendement.
Nous avons reçu de la part de Mme la ministre un engagement clair, me semble-t-il, ici, à la tribune. Je rassure ma collègue Catherine Procaccia : non, je n’ai pas eu de garantie sur les objectifs de l’ANR ; j’ai cité le chiffre de 25 %, car il s’agit, à mon avis, d’un idéal.
Nous allons continuer à suivre ce dossier et, dans un an, madame la ministre – je vous souhaite d’être alors encore membre du Gouvernement, et vous le serez sûrement –, vous pourrez nous faire part des chiffres et de la réussite de votre plan. J’ai tendance à faire confiance ; je réponds donc par la négative à notre collègue.
La commission est défavorable au meurtre de l’ANR ! (Nouveaux sourires.)
Mme Cécile Cukierman. Quelle soirée sanglante !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il s’agit effectivement d’un amendement ambitieux, dont les auteurs ont tout simplement pour projet de siphonner l’ensemble des crédits de l’ANR pour les redéployer vers le programme 150.
Je rappelle que l’ANR n’a pas pour vocation de porter les grands plans nationaux ; ce sont bien les organismes de recherche qui les portent. Elle a en revanche vocation à les gérer dans l’avenir, ce qui n’est pas complètement la même chose. La gestion de ces crédits par l’ANR dispense les opérateurs de l’obligation d’employer davantage de gestionnaires et moins de chercheurs. Vous le reconnaîtrez, monsieur le sénateur : cela peut aussi être utile !
La recherche financée par l’ANR est à la fois une recherche fondamentale et une recherche finalisée, qu’elle soit conduite dans la sphère publique ou en partenariat public-privé. Comme je l’ai dit tout à l’heure, ce type de financement autorise en outre l’émergence et l’émancipation des jeunes équipes.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.