M. le président. L’amendement n° II-45 rectifié bis, présenté par M. Husson, Mme Bories, M. Charon, Mme Deromedi, MM. P. Dominati et B. Fournier, Mme Imbert, MM. Laménie et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Morisset, Rapin et Dallier et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. L’article 55 supprime un engagement pris par l’État depuis 1949, consistant à majorer légalement certaines rentes viagères de retraite. Il s’agissait, notamment après-guerre, de protéger les assurés bénéficiaires de ces contrats de la forte inflation de l’époque.
L’État rembourse ainsi chaque année une partie des majorations légales de rente viagère versées au cours de l’année précédente par les assureurs. Ce remboursement bénéficie aux personnes physiques ayant souscrit une assurance, et cela pour les rentes viagères avant 1987.
Ce mécanisme de revalorisation consiste, concrètement, à demander aux assureurs de préfinancer les majorations légales auprès des assurés, l’État remboursant ensuite les assureurs. C’est ce remboursement de l’État aux assureurs que supprime l’article.
On lit dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances qu’il s’agirait d’une aide financière apportée aux assureurs pour tenir leurs engagements contractuels. Or ce n’est pas aux assureurs, mais aux assurés, que cette aide financière s’adresse, au nom de la solidarité nationale !
Remarquez que ce système de majoration des rentes viagères a été institué en dehors de toute clause contractuelle et de réglementation du code des assurances. L’article 55 transfère ainsi intégralement aux assureurs une charge publique, destinée à l’origine au financement de mesures de solidarité découlant de l’intérêt général.
Dans une lettre du 21 juillet dernier adressée au ministre de l’économie, la Cour des comptes estime à 1,8 milliard d’euros ce transfert, jusqu’à l’extinction des contrats, sur un nombre réduit d’entreprises d’assurance.
Le déficit des finances publiques justifie, certes, que l’on fasse des efforts ; mais il justifie difficilement ce genre de mesures immédiates et confiscatoires, présentant du reste un risque d’inconstitutionnalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. La commission des finances sollicite le retrait de cet amendement au profit du suivant, qui vise à étaler les provisions sur six ans.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le Gouvernement, qui souhaite la suppression du dispositif de participation de l’État au financement des majorations de rente viagère, est défavorable à cet amendement. En revanche, il est favorable à l’amendement suivant, du rapporteur général.
M. le président. Monsieur Husson, l’amendement n° II-45 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-François Husson. Non, monsieur le président, je vais le retirer, en faisant confiance, comme nous le faisons souvent, à l’engagement oral du représentant du Gouvernement. J’espère, madame la secrétaire d’État, que cette parole sera tenue, car c’est une question de confiance.
Je souligne seulement que, lors des débats à l’Assemblée nationale, cette mesure n’avait posé aucun problème. Preuve que, dans la navette parlementaire, il est parfois utile de rappeler un certain nombre de fondamentaux !
Pour les assurés comme les assureurs, je me félicite de la proposition avancée par M. le rapporteur général et acceptée par Mme la secrétaire d’État.
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° II-45 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-636 rectifié, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. – Les organismes débirentiers mentionnés au III peuvent répartir, sur une période de six ans au plus et de façon linéaire, à compter des comptes établis au titre de l’exercice 2017, les effets du I et du II sur le niveau des provisions mathématiques prévues par l’article R. 343-3 du code des assurances. Les modalités de constitution de la provision déterminées par les organismes concernés en application du présent alinéa font l’objet d’une explication dans l’annexe des comptes.
Cet amendement a déjà été présenté au nom de la commission des finances, et Mme la secrétaire d’État a fait connaître qu’elle y est favorable.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, je tiens à protester solennellement contre les conditions dans lesquelles nous sommes en train de travailler.
Je trouve la situation inadmissible : alors que nous sommes épuisés, vous nous demandez d’aller à toute vitesse pour terminer l’examen des crédits cette nuit, avec un quart d’heure de séance supplémentaire.
Ce ne sont pas des conditions pour travailler. De plus, nous sommes très peu nombreux dans l’hémicycle. Tout cela n’est pas digne des législateurs que nous sommes ! (M. Jean-François Husson et Mme Christine Lavarde applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 55, modifié.
(L’article 55 est adopté.)
Article 55 bis (nouveau)
Avant le 1er septembre 2018, le Gouvernement remet au Parlement un rapport analysant l’impact budgétaire et économique de la suppression de la prime d’État pour les nouveaux plans d’épargne logement et comptes d’épargne logement.
M. le président. L’amendement n° II-300, présenté par Mme N. Goulet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
de la prime d’État
par les mots :
du régime fiscal dérogatoire de l’épargne logement
La parole est à M. Michel Canevet, en remplacement de Mme la rapporteur spécial.
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Cet amendement concerne un rapport demandé au Gouvernement sur l’épargne logement. La commission propose d’en élargir le champ à l’ensemble du régime fiscal dérogatoire de cette épargne.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 55 bis, modifié.
(L’article 55 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 55 bis
M. le président. L’amendement n° II-137 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller et D. Laurent, Mmes Malet et Dindar, MM. Pierre, Paul et Kern, Mme Deromedi, MM. Gilles, Longeot et Morisset, Mmes Gruny, Joissains et Di Folco, MM. Bonhomme, Karoutchi, B. Fournier et Vogel, Mme Deseyne, MM. Canevet, Paccaud, Brisson, Chatillon, Leleux, Husson et Louault, Mmes Garriaud-Maylam et Férat, MM. Bonne, Genest, Piednoir et Revet, Mmes Imbert et Lherbier et MM. Rapin et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 55 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les personnes physiques titulaires d’un plan d’épargne logement prévu aux articles L. 315-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation peuvent, avant le 31 décembre 2018 et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, affecter une fraction de cette épargne exclusivement à l’acquisition de meubles meublants à usage non professionnel. Ce retrait partiel n’entraîne pas la résiliation du plan. Ce dernier est cependant réputé résilié pour la détermination du droit à versement de la prime d’épargne-logement.
II. – L’article L. 315-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « , et d’acquisition de meubles meublants à usage non professionnel » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , et d’acquisition de meubles meublants à usage non professionnel » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La fraction du prêt d’épargne-logement utilisée pour financer l’acquisition de meubles meublants n’est pas prise en compte pour l’octroi de la prime d’épargne-logement mentionnée à l’article L. 315-4. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Comme le montrent les statistiques publiées par l’INSEE, le marché de l’ameublement est dépendant de celui de l’immobilier. Depuis trois ans, il a ainsi chuté de 10 %, provoquant de nombreux sinistres économiques et sociaux, tant en fabrication qu’en distribution spécialisée d’ameublement.
En l’absence de toute perspective de reprise de l’activité immobilière, les 125 000 salariés de la filière meuble française sont menacés ; pour leur sauvegarde, des mesures concrètes et rapides d’incitation à la consommation de meubles sont nécessaires.
C’est pourquoi les auteurs de cet amendement proposent, afin de soutenir la consommation française d’ameublement et les emplois induits, d’autoriser les ménages français à prélever une partie de leur épargne logement pour l’achat de meubles. Cette mesure de déblocage temporaire et partiel de l’épargne actuelle des plans d’épargne logement serait une forte incitation à la consommation de meubles et soutiendrait donc la croissance, avec les rentrées fiscales induites, dont celles de TVA.
Je précise que le secteur de l’ameublement domestique serait seul concerné par cette mesure et que des mesures identiques ont été adoptées précédemment, notamment dans la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. La commission sollicite le retrait de cet amendement, dont l’adoption complexifierait trop le dispositif du plan d’épargne logement, alors que nous souhaitons le rendre plus lisible.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le plan d’épargne logement est un produit destiné à favoriser une épargne régulière permettant aux ménages de constituer un apport personnel et d’obtenir un prêt à un taux fixé à l’avance dans le cadre d’un projet immobilier. Le fonctionnement de ce produit ne permet pas d’opérer un retrait pour acquérir des meubles meublants à usage non professionnel. Un tel retrait au cours de la vie du plan serait contraire à la logique même du produit.
Dans ces conditions, l’amendement n’est pas opportun. Le Gouvernement en sollicite le retrait et y sera défavorable s’il est maintenu.
M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° II-137 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L’amendement n° II-137 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-438, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 55 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La garantie de l’État est accordée à la Banque de France au titre des prêts que celle-ci consent à partir de 2018 au compte « Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance » du Fonds monétaire international. Cette garantie porte sur le principal et les intérêts, dans la limite d’un montant cumulé en principal de 2 milliards de droits de tirage spéciaux. Cette garantie couvre le non-respect de l’échéancier de remboursement de chaque tirage par le gestionnaire du compte.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Le Fonds monétaire international, en complément de son activité principale d’appui aux États en situation de crise de balance des paiements, appuie les pays à faibles revenus par des prêts concessionnels. Cette activité, qui s’est fortement développée à la suite de la crise de 2008-2009, est menée, pour l’essentiel, à travers la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, la FRPC.
La contribution française à cet effort prend aujourd’hui la forme de prêts de la Banque de France à la FRPC, garantis par l’État. Le dernier prêt accordé date de 2010, pour 1,3 milliard de droits de tirage spéciaux, soit environ 1,5 milliard d’euros.
Le FMI a sollicité ses États membres pour qu’ils renouvellent et amplifient leur contribution. La France soutient pleinement cet effort en faveur de la promotion du développement et de la lutte contre la pauvreté. Dans ce cadre, il est prévu que la Banque de France accorde à la FRPC un nouveau prêt, d’un montant de 2 milliards de droits de tirage spéciaux, soit environ 2,4 milliards d’euros au taux de change actuel.
L’article additionnel dont le Gouvernement propose l’insertion autorise l’État à apporter sa garantie à ce prêt.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Canevet, en remplacement de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à l’amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 55 bis.
compte d’affectation spéciale : participation de la france au désendettement de la grèce
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Participation de la France au désendettement de la Grèce |
148 000 000 |
167 300 000 |
Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs |
148 000 000 |
167 300 000 |
Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France |
0 |
0 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
compte d’affectation spéciale : participations financières de l’état
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Participations financières de l’État |
5 000 000 000 |
5 000 000 000 |
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
4 000 000 000 |
4 000 000 000 |
Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État |
1 000 000 000 |
1 000 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 68 et 69, ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 68, rattachés pour leur examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
Participations financières de l’État
Article 68 (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information faisant le bilan de la privatisation des autoroutes. Ce rapport précisera notamment les montants de l’envolée des tarifs pour les usagers et ceux des dividendes records pour ces sociétés.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, sur l’article.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je voterai contre cet article, qui prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur les sociétés autoroutières, leur rentabilité et les distributions faites à leurs actionnaires.
En 2014 et 2015, Jean-Jacques Filleul et moi-même avions travaillé, à la suite du rapport de M. Lasserre, alors président de l’Autorité de la concurrence, sur le problème des autoroutes. Nous avions décidé de confier à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, le soin de contrôler les autoroutes.
Je ne vois donc pas l’intérêt d’un article de loi prévoyant un rapport au Parlement sur la rentabilité des autoroutes et les distributions de dividendes. Il suffit de demander à l’ARAFER de faire son travail !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Contrairement à notre collègue, nous allons voter en faveur de l’article 68, car il pose une question tout à fait pertinente, celle du devenir des entreprises jadis publiques, en l’occurrence ici, la question de la part détenue par l’État dans les sociétés d’économie mixte de concession autoroutière qui ont été privatisées.
L’opération de privatisation des autoroutes, une fois engagée, a constitué l’une des décisions publiques les plus critiquables et les plus critiquées de ces quinze dernières années. La situation ne s’est d’ailleurs pas arrangée, notamment pour les usagers victimes de la hausse des péages.
L’article 68 est donc parfaitement bienvenu et devrait nous inspirer pour d’autres circonstances, par exemple, les liens plus ou moins ténus entre politique industrielle et maîtrise publique, qui se sont assez largement évanouis dans les opérations de privatisation.
Autre exemple intéressant : quelles ont été les conséquences réelles de la privatisation par tranche de l’opérateur historique de téléphonie Orange et de la libéralisation des télécommunications sur la qualité du service rendu et l’appareil économique du pays, en général ?
Compte tenu de l’heure tardive ou très matinale, mes chers collègues, je vous ferai grâce d’aller plus avant. Nous voterons cet article !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. La commission des finances me semble avoir émis un avis favorable sur l’article 68, son dispositif introduit par l’Assemblée nationale n’ayant pas été remis en cause en commission.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, je précise que la commission des finances ne me semble pas s’être prononcée sur cet article, ni dans un sens ni dans un autre.
Je mets aux voix l’article 68.
(L’article 68 est adopté.)
Article additionnel après l’article 68
M. le président. L’amendement n° II-416, présenté par Mmes Taillé-Polian et Lienemann, M. Tissot, Mme G. Jourda, M. M. Bourquin, Mme Artigalas, M. Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 68
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’information au moins trente jours avant toute opération concernant les participations financières de l’État qui aurait pour effet de faire perdre à l’État, ses établissements publics ou d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public, la majorité des titres ou des droits de vote d’une société.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. À cette heure tardive ou matinale, il est vrai que notre discussion ressemble davantage à une vente aux enchères qu’à un débat parlementaire ! On essaie de passer très rapidement sur des points importants, et c’est bien dommage ! Malgré tout, je tiens à défendre cet amendement d’appel.
À partir de 2012, l’État s’est doté d’une doctrine de l’État actionnaire, qui a été progressivement confortée avec l’instauration du droit de vote double, par exemple, ou une nouvelle gouvernance des entreprises à participation publique. Or cette doctrine de l’État actionnaire, qui avait l’avantage de donner une ligne claire à l’intervention de l’État dans les entreprises, semble aujourd’hui être remise en cause.
En premier lieu, en renonçant à exercer l’option d’achat des titres à hauteur de 20 % du capital d’Alstom lors du récent rapprochement entre Alstom et Siemens, le Gouvernement a mis en pratique une nouvelle conception du rôle de l’État actionnaire beaucoup plus restrictive que la précédente. Il se prive ainsi de la possibilité d’orienter sur le moyen ou le long terme les choix stratégiques de cette entreprise, qui ont pourtant des incidences sur la préservation de l’emploi.
En second lieu, en décidant de céder 10 milliards d’euros de titres pour alimenter un fonds de financement de l’innovation, le Gouvernement diminue drastiquement les actifs de l’État. Je vous pose la question, madame la secrétaire d’État : au bénéfice de qui aura lieu cette cession massive de titres ?
Je vais citer un ancien ministre interrogé sur la pertinence de s’engouffrer dans la brèche de privatisations qui n’auraient d’autre effet que d’appauvrir l’État actionnaire : « Quand j’entends dire que la situation des finances publiques conduirait l’État à céder des participations, je crains que ce ne soit là un prétexte pour céder à quelques amis des parts de sociétés… » C’est ce même ancien ministre qui faisait remarquer que vendre des participations de l’État ne créait pas de recettes budgétaires.
On le sait, au vu de la faiblesse actuelle des taux d’intérêt, le rendement du placement de ces 10 milliards d’euros serait bien plus faible que les dividendes qu’ils rapportent aujourd’hui à l’État ! Bref, il est tard, on aimerait y voir plus clair, madame la secrétaire d’État, et, surtout, comprendre la nouvelle doctrine – s’il y en a une – de l’État actionnaire.
Lors de son audition devant la commission des affaires économiques, le ministre de l’économie a en effet déclaré que le rôle que l’on a fait jouer à l’État jusqu’à présent n’était pas le bon. Je suis d’accord, mais le Parlement doit en être informé et ce compte d’affectation spéciale doit nous éclairer davantage sur les choix actuels et à venir et sur la réelle stratégie de l’État actionnaire.
Dans son rapport, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques fait observer…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue ! Dépasser le temps imparti n’est pas acceptable à cette heure avancée !
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, je comprends votre rappel, mais on a quand même accepté une interruption de trente minutes à cause du Gouvernement…
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État. Je comprends qu’il s’agit d’un amendement d’appel, qui invite donc à une discussion un peu plus large sur les conditions dans lesquelles s’effectuent les cessions et la perte de majorité de l’État au capital d’une entreprise publique.
Je rappelle que le cadre légal et réglementaire prévoit déjà que le Parlement doit autoriser la privatisation de la plupart des grandes entreprises. Celui-ci est donc parfaitement impliqué dans la décision. Généraliser une pratique de consultation de la représentation nationale au travers d’un rapport préalable sur les privatisations de tout type d’entreprise détenue majoritairement par l’État, comme vous le proposez, monsieur le sénateur, n’apparaît pas opportun.
Par ailleurs, vous avez souhaité une clarification sur la stratégie d’intervention de l’État en tant qu’actionnaire des différentes entreprises. Le Gouvernement est assez clair dans ses choix : il cherche à rester actionnaire des entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de notre pays et de celles qui participent à des missions de service public ou d’intérêt général. Il tente également de rester au capital d’entreprises qui présentent un risque systémique lorsqu’il n’est pas en mesure de préserver les intérêts publics au moyen de leviers non actionnariaux et qu’il souhaite néanmoins conserver sa capacité d’intervenir.
Compte tenu de ces explications, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Je vous entends, madame la secrétaire d’État. Cependant, nous vous rappelons que, si vous devez récupérer 10 milliards d’euros - encore que le Premier ministre ait évoqué un chiffre moins élevé devant le Conseil national de l’industrie -, il faudrait que l’État cède un tiers de ses participations dites « cessibles ».
Dix milliards d’euros, cela représente 10 % des 100 milliards d’euros de l’APE, l’Agence des participations de l’État. Cela équivaut donc à 10 % du total des participations de l’État ! Sur le périmètre véritablement cessible de ces participations dans le secteur concurrentiel, je le répète, ce montant représenterait même un tiers de l’ensemble. En l’espace d’une année, il ne sera pas possible de céder 10 milliards d’euros, quand bien même ce montant serait réduit aujourd’hui à 8 milliards d’euros à la suite de la déclaration du Premier ministre.
Les cessions se feraient sous la forme de prêts de titres, contractés auprès de je ne sais quelle instance, puisque l’APE ne peut pas se voir verser de dividendes. Je ne sais pas non plus sur quels fonds seraient versés ces dividendes ni quelle ligne budgétaire ou quel programme les retraceraient : il y a là un mystère qu’il faut lever !
Pour trois des entreprises qui pourraient être concernées, le législateur a décidé que l’État ne pouvait pas descendre en deçà d’un seuil de 70 % de détention du capital pour deux d’entre elles, et de 50 % pour la dernière. Pour les autres entreprises, il faudrait que l’État informe le Parlement lorsqu’il envisage de mener des opérations de cession le conduisant à perdre la majorité au sein des conseils ou à perdre en influence lorsqu’il existe un système de droits de vote double.
Madame la secrétaire d’État, de toute façon, la presse en sera informée. En outre, cette disposition ne fait courir aucun risque de délit d’initié. Aucune information sensible qui pourrait, si j’ose dire, « déstabiliser » les cours et, donc, conduire à brader le patrimoine de l’État ne serait ainsi livrée au marché. Il me semble qu’il convient de trouver un compromis raisonnable entre la confidentialité qui doit entourer ces opérations et la nécessaire information dont le Parlement a besoin pour autoriser ces opérations. Il s’agit d’un amendement « borné » !