compte rendu intégral
Présidence de M. Vincent Delahaye
vice-président
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
M. Dominique de Legge.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport général n° 108).
Dans la suite de la discussion des articles de la première partie, nous poursuivons l’examen des dispositions relatives aux ressources.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE PREMIER (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
A. – Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er
I. – La perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État est autorisée pendant l’année 2018 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.
II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :
1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2017 et des années suivantes ;
2° À l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2017 ;
3° À compter du 1er janvier 2018 pour les autres dispositions fiscales.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, notre groupe a déposé sur ce PLF un certain nombre d’amendements visant à mieux encadrer et lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Vous devriez, me semble-t-il, les regarder d’un œil bienveillant. Et, dans le cas contraire, sachez que notre groupe a une volonté très affirmée d’améliorer les dispositifs en la matière.
Le gouvernement précédent avait fait des progrès extrêmement importants dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. J’espère que ce sujet important reste d’actualité.
Je ne doute pas une seule seconde que vous allez « retoquer » certains de nos amendements, mais nous les soutiendrons néanmoins avec énergie, monsieur le ministre !
M. le président. L'amendement n° I-345, présenté par MM. Malhuret, Capus et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le montant annuel des dépenses fiscales ne peut excéder 89,8 milliards d’euros en 2018.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement vise à maintenir les dépenses fiscales au niveau de l’année précédente, avec pour objectif d’alerter le Gouvernement sur les dérapages éventuellement constatés de ces niches.
À l’occasion des échanges qui se sont tenus ce matin en commission des finances, on m’a indiqué que cet amendement n’était peut-être pas pertinent, car fondé sur des évaluations du Gouvernement, et non sur des montants fixes.
J’entends ces remarques d’autant plus que le but de ma proposition étant surtout d’éviter que les amendements déposés par les différents groupes du Sénat n’accroissent cet effet de niche et ses inconvénients.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je partage les propos de notre collègue Emmanuel Capus.
Le souhait, partagé sur un certain nombre de travées, de limiter le montant des dépenses fiscales rejoint l’objet de l’article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Cet amendement aurait donc davantage trouvé sa place dans ce dernier texte.
Par ailleurs, vous fixez très précisément le montant des dépenses fiscales pour 2018 à 89,8 milliards d’euros. Cela voudrait dire que nous sommes capables de connaître à l’euro près le montant des dépenses fiscales. Or, quand vous examinez les « bleus budgétaires », vous constatez que, si certaines dépenses sont évaluées à l’euro près, beaucoup d’autres relèvent d’estimations effectuées à partir d’échantillons. Malheureusement, on ne connaît donc pas réellement le volume des dépenses fiscales, ce qui serait nécessaire pour fonder un texte normatif du type de celui que vous proposez.
J’entends néanmoins l’alerte, nous en avons déjà tenu compte en adoptant l’article 17 du projet de loi de programmation, et nous partageons la même intention.
À la suite de ces explications, vous aurez sans doute à cœur de retirer cet amendement, mon cher collègue. Je vous y invite, en tout cas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Je partage, monsieur le sénateur, l’invitation qui vous est faite à l’instant par le rapporteur général, pour des raisons identiques.
Vous le savez, le Gouvernement souhaite réduire les dépenses fiscales. Différents engagements seront débattus au cours de la discussion, notamment la suppression du CICE. Nous sommes même encore plus ambitieux que vous, avec une volonté de baisser de 14 milliards d’euros les dépenses fiscales à l’horizon 2022. Nous nous sommes engagés, dans le projet de loi de programmation des finances publiques, à limiter le coût des dépenses fiscales à 28 % du montant des recettes fiscales nettes en 2018 et à 25 % en 2022.
Ce souhait de maîtriser la dépense fiscale est partagé et je suis certain que les arguments développés par le rapporteur général et par votre modeste serviteur sauront vous convaincre de retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Capus, l’amendement n° I-345 est-il maintenu ?
M. Emmanuel Capus. Je le retire, monsieur le président, après avoir entendu l’avis de la commission des finances et les observations du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° I-345 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
B. – Mesures fiscales
Article 2
Le II de la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article 196 B, le montant : « 5 738 € » est remplacé par le montant : « 5 795 € » ;
2° Le I de l’article 197 est ainsi modifié :
a) Le 1 est ainsi modifié :
– aux premier et deuxième alinéas, le montant : « 9 710 € » est remplacé par le montant : « 9 807 € » ;
– à la fin du deuxième alinéa et au troisième alinéa, le montant : « 26 818 € » est remplacé par le montant : « 27 086 € » ;
– à la fin du troisième alinéa et à l’avant-dernier alinéa, le montant : « 71 898 € » est remplacé par le montant : « 72 617 € » ;
– à la fin des avant-dernier et dernier alinéas, le montant : « 152 260 € » est remplacé par le montant : « 153 783 € » ;
b) Le 2 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, le montant : « 1 512 € » est remplacé par le montant : « 1 527 € » ;
– à la fin de la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 3 566 € » est remplacé par le montant : « 3 602 € » ;
– à la fin du troisième alinéa, le montant : « 903 € » est remplacé par le montant : « 912 € » ;
– à la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le montant : « 1 508 € » est remplacé par le montant : « 1 523 € » ;
– à la première phrase du dernier alinéa, le montant : « 1 684 € » est remplacé par le montant : « 1 701 € » ;
c) Au a du 4, les montants : « 1 165 € » et « 1 920 € » sont remplacés, respectivement, par les montants : « 1 177 € » et « 1 939 € ».
M. le président. L'amendement n° I-214, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I - Alinéa 2
Remplacer le montant :
5 795 €
par le montant :
5 850 €
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. À une époque où la solidarité familiale doit souvent compenser les effets de l’incertitude sociale, des difficultés d’insertion professionnelle ou des tensions existant sur le « marché du logement », le rattachement des enfants majeurs, mariés ou non, est l’une des réponses fiscales proposées par notre droit.
La situation concerne environ 1,7 million de foyers fiscaux et le rattachement coûte 1,9 milliard d’euros au Trésor public, soit une incidence fiscale d’un peu plus de 1 000 euros par foyer fiscal concerné.
On est donc assez loin de la niche fiscale génératrice d’un avantage indu ou exorbitant…
Cet amendement se détermine avec simplicité, en cohérence avec l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu que nous avons indiquée lors de la discussion de l’article. Il s’agit tout simplement de procéder au relèvement du seuil de plafonnement des effets du rattachement, en lui appliquant la progression de 2 % que nous avons imprimée aux tranches du barème de l’impôt sur le revenu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai peur qu’il y ait une petite imprécision dans l’amendement d’Éric Bocquet. Dans son argumentation, il parle du rattachement de tous les enfants au foyer fiscal. Pourtant, son amendement ne vise très concrètement que le rattachement d’un enfant marié ou ayant des enfants à charge, ce qui est finalement plus restrictif que l’article 196B du code général des impôts, qui prévoit le rattachement fiscal des enfants majeurs de moins de 21 ans.
Cet amendement me semble en outre pleinement satisfait par le relèvement du quotient familial de 1 527 euros à 1 750 euros que je propose à travers l’amendement n° I-96, et par la revalorisation d’un point de l’abattement dans l’article 2 du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. En effet, l’article 2 du présent projet de loi prévoit déjà de porter l’abattement de 5 738 euros à 5 795 euros, sans parler des différents autres dispositifs à l’avantage des familles prévus par ailleurs.
Je vous rappelle en outre que ces personnes, majeures et mariées, devraient en principe être imposées séparément, la possibilité de demander le rattachement au foyer des parents étant dérogatoire. À ce stade, nous n’envisageons pas d’aller au-delà et je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° I-214 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-214 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° I-137 rectifié, présenté par MM. P. Dominati, Longuet et Husson et Mme Boulay-Espéronnier, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 4 à 8
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
a) Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 18 000 € le taux de :
« – 3,3 % pour la fraction supérieure à 18 000 € et inférieure ou égale à 48 000 € ;
« – 16,3 % pour la fraction supérieure à 48 000 €. » ;
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les articles 16, 31, 31 bis, 35 bis, 35 ter, 44 nonies, 62, 72 B, 72 D, 72 D bis, 72 D ter, 73 B, 75-0 A, 80 bis, 80 quinquies, 80 sexies, le 6° du 1 de l’article 80 duodecies, les articles 80 quaterdecies, 81, 81 A, 81 D, 83, 84 A, 92 A, 93, 93-0 A, 100 bis, 125-00 A, 125-0 A, 125 A, 131 quater, 135, 150 ter, 150-0 A, 150-0 B quater, 150-0 D, 150-0 D ter, 150 U, 150 VJ, 151 ter, le VII de l’article 151 septies, les articles 151 septies A, 154 bis A, 155 B, 156, 156 bis, 157, 157 bis, les a et b quinquies de l’article 158, les articles 163 A, 163 bis, 163 bis AA, 163 bis B, 163 quinquies B, 163 quinquies C, 163 quinquies C bis, 163-0 A ter, 194, 195, 196 A bis, 196 B, les 2 et 3 du I de l’article 197, les articles 199 quater B, 199 quater C, 199 quater F, 199 septies, 199 decies I, 199 decies E, 199 decies EA, 199 decies F, 199 decies G, 199 decies G bis, 199 decies H, 199 undecies A, 199 undecies B, 199 undecies C, le I et les VI à VI ter A de l’article 199 terdecies-0 A, les articles 199 terdecies-0 B, 199 terdecies 0-C, 199 quindecies, les 1 à 5 de l’article 199 sexdecies, les articles 199 octodecies, 199 vicies A, 199 unvicies, le I de l’article 199 duovicies, les articles 199 tervicies, 199 sexvicies, 199 septvicies, 199 octovicies, 199 novovicies, 200, 200 quater, 200 quater A, 200 quater B, 200 decies A, 200 undecies, 200 terdecies, 200 quaterdecies, 200 quindecies, 200 A, 244 bis C, 1691 ter du code général des impôts et l’article 18 bis de l’annexe IV du code général des impôts sont abrogés.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Au moment où commence l’examen du premier budget de cette mandature présidentielle, le rapport annuel de l’OCDE montre que la France reste vice-championne du monde des prélèvements obligatoires. Et nous serons peut-être champions dans peu de temps, car, dans le projet de loi de programmation pluriannuelle, j’ai bien noté que la baisse des prélèvements obligatoires envisagée par le Gouvernement était extrêmement faible.
Néanmoins, à l’heure où certaines annonces doivent intervenir sur le plan de la fiscalité, cet amendement permettrait peut-être d’aménager l’impôt sur le revenu.
En France, cet impôt est particulièrement progressif, avec une tranche supérieure à 45 %. Je propose de le remplacer par un mécanisme que l’on désigne le plus souvent par l’appellation flat tax.
Je rappelle quelques chiffres : sur les 37,7 millions de foyers fiscaux, seuls 16 millions acquittent l’impôt sur le revenu, et 10 % des contribuables payent près de 70 % de la recette totale. Cette réalité explique que les Français soient périodiquement excédés, la colère s’exprimant par vague.
Il appartient à ce gouvernement de saisir l’occasion d’une remise à plat de la fiscalité afin de disposer d’un système d’imposition beaucoup plus moderne.
Nous proposons seulement deux seuils et deux taux, l’un à 16 % avec la contribution sociale généralisée, l’autre à 26 %.
Ce mécanisme fonctionne déjà dans un certain nombre de pays et présenterait aussi l’avantage d’abolir le grand fatras, le véritable maquis des niches fiscales, qui représentent à peu près la moitié des recettes de l’IR : environ 33 milliards d’euros, pour 72 milliards d’euros de recettes au total.
Je soumets donc cet amendement à la sagacité du Gouvernement et du rapporteur. J’aimerais aussi que l’on puisse étudier le coût et l’impact – on parle souvent d’impact - d’une telle mesure fiscale, qui ferait de nous un pays réellement moderne.
M. le président. L’amendement n° I-213, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 8
Remplacer ces alinéas par onze alinéas ainsi rédigés :
a) Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 9 905 € le taux de :
« - 8 % pour la fraction supérieure à 9 905 € et inférieure ou égale 12 800 € ;
« - 12 % pour la fraction supérieure à 12 800 € et inférieure ou égale à 18 890 € ;
« - 16 % pour la fraction supérieure à 18 890 € et inférieure ou égale à 27 360 € ;
« - 22 % pour la fraction supérieure à 27 360 € et inférieure ou égale à 45 950 € ;
« - 30 % pour la fraction supérieure à 45 950 € et inférieure ou égale à 73 345 € ;
« - 40 % pour la fraction supérieure à 73 345 € et inférieure ou égale à 112 325 € ;
« - 45 % pour la fraction supérieure à 112 325 € et inférieure ou égale à 155 320 € ;
« - 50 % pour la fraction supérieure à 155 320 € et inférieure ou égale à 200 000 € ;
« - 60 % pour la fraction supérieure à 200 000 €. » ;
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement répond à deux exigences, d’une part la réduction du déficit de l’État, d’autre part, et surtout, la justice fiscale et sociale, préoccupation qui ne doit jamais cesser de nous guider.
En proposant, comme nous le faisons, de modifier la progressivité des tranches du barème, nous poursuivons l’ensemble des objectifs ainsi définis.
La mesure que nous préconisons est susceptible de dégager des marges de manœuvre pour les finances publiques, tout en répartissant la charge fiscale au plus près des capacités contributives de chacun et chacune.
Au-delà de l’examen de notre proposition, ce qui est en question, c’est bel et bien le fait que l’impôt sur le revenu, dans notre pays, est marqué par une forte concentration des revenus imposables, qui traduit la réalité des inégalités sociales, de patrimoine et autres, ces inégalités affectant également la situation générale du pays et son économie en particulier.
Pour vérifier la réalité de ces inégalités, un simple examen des données officielles, présentes sur le site du ministère, suffit.
Ainsi, en 2016, 749 000 foyers fiscaux ont déclaré un revenu supérieur à 100 000 euros annuels – ils cumulent plus de 140 milliards d’euros de revenus soumis au barème, soit une moyenne proche de 190 000 euros par foyer, tout de même – et acquitté 28 milliards d’euros d’impôt sur le revenu, soit environ 20 % de leurs revenus.
Nous sommes tout de même assez loin de l’impôt « confiscatoire ».
À l’autre bout de la chaîne, si l’on peut dire, un peu plus de 14 millions de foyers fiscaux ont déclaré moins de 15 000 euros annuels, pour un revenu total de 107 millions d’euros environ, soit un revenu moyen de moins de 7 500 euros.
Notre proposition vise donc à conférer une plus grande progressivité au barème et, partant, à lui insuffler ce supplément de justice fiscale qui lui manque singulièrement, et qui risque de lui manquer plus encore avec le prélèvement forfaitaire unique annoncé sur les revenus financiers, lequel va faire perdre beaucoup d’argent au budget général.
M. le président. L'amendement n° I-489, présenté par MM. Requier, Collin, Gabouty et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, M. Gold, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 et 6
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
- les premier et deuxième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 114 € le taux de :
« – 5,5 % pour la fraction supérieure à 6 114 € et inférieure ou égale à 12 196 € ;
« – 14 % pour la fraction supérieure à 12 196 € et inférieure ou égale à 27 086 € ; »
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le troisième alinéa du 2° est applicable à compter de l’imposition des revenus de l’année 2017.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Notre groupe présente chaque année cet amendement dit « Joseph Caillaux », qui manquerait assurément au rapporteur général si nous renoncions à le défendre, même s’il s’évertue à en demander le retrait ! (Sourires.)
Cet amendement vise à rétablir la dimension citoyenne de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, conformément à la philosophie originelle de Joseph Caillaux, le père de l’impôt sur le revenu, radical de surcroît.
En l’espèce, il est prévu de rétablir la tranche de l’impôt sur le revenu à 5,5 %, supprimée en 2014, afin d’élargir l’assiette.
En 2015, seuls 45,6 % des foyers étaient effectivement imposés, soit moins d’un foyer fiscal sur deux. Ce pourcentage est en diminution. La suppression de la tranche à 5,5 % par la loi de finances pour 2015 a été en partie responsable de cette évolution, qui fragilise le statut de l’impôt sur le revenu, lequel devrait rester l’impôt citoyen par excellence.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en son article XIII, dispose : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
Si les contribuables disposant d’un faible revenu imposable, inférieur à 6 114 euros annuels, doivent continuer à ne pas être soumis à l’impôt sur le revenu, il importe que ce dernier soit acquitté par le plus grand nombre, ne serait-ce qu’à titre symbolique. Au-delà de la mesure ponctuelle, il s’agit de redonner tout son sens à la citoyenneté et de retisser les liens entre l’État et les citoyens.
Cette mesure n’augmentera pas la charge pesant sur les ménages déjà imposés en 2017.
Par ailleurs, il est prévu que les seuils des tranches à 5,5 % et à 14 % soient revalorisés de 1 %, conformément à l’évolution de l’indice des prix hors tabac entre 2016 et 2017. Cela permet de neutraliser les effets de l’inflation et de préserver le pouvoir d’achat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je me réjouis de ces propositions, que je conçois davantage comme des amendements d’appel, notamment en direction du Gouvernement, pour parvenir à un chiffrage et à une étude approfondie sur l’impôt sur le revenu.
Au fur et à mesure des réformes qu’il a connues, cet impôt a subi une sorte d’hyperconcentration et, aujourd’hui, plus de la moitié des foyers fiscaux français ne sont pas imposables.
On peut donc concrètement s’interroger sur le fait de savoir si l’impôt sur le revenu, qui est également miné par un grand nombre de niches fiscales, est toujours adapté. Néanmoins, on ne peut pas admettre ces amendements en l’état. Ils nécessiteraient au minimum un chiffrage, et Philippe Dominati nous invitait d’ailleurs à mener une étude d’impact.
L’amendement n° I-137 rectifié, qui vise à instaurer une sorte de flat tax progressive composée de deux taux, outre le taux à 0 %, présente l’avantage de la simplicité et de la lisibilité. Il se heurte néanmoins à deux problèmes. Tout d’abord, la jurisprudence du Conseil constitutionnel exige une progressivité de l’impôt et je ne suis pas sûr que l’on réponde à cet objectif constitutionnel en fixant seulement une tranche à 3,3 % et une tranche à 16,3 %.
Ensuite, il faudrait approfondir sérieusement les conséquences de la suppression des dépenses fiscales.
Si j’ai bien compris, à part le quotient familial, inhérent au calcul de l’impôt, elles seraient toutes supprimées si cet amendement était retenu.
Je pourrais prendre l’exemple de l’emploi à domicile. De nombreux collègues, sur toutes les travées, ont déposé des amendements visant à relever les plafonds pour ces emplois, actuellement fixés à 12 000 euros plus 1 500 euros par enfant à charge, dans la limite de 15 000 euros. Or ces mesures fiscales constituent un soutien important à l’emploi à domicile et évitent sans doute le travail non déclaré. Je ne suis pas certain que nous soyons capables du jour au lendemain de supprimer ces aides, avec à la clef un risque d’effondrement de ces emplois et de basculement vers le travail non déclaré.
Je pourrais encore parler des dons aux œuvres et du soutien au monde associatif.
Certaines niches fiscales sont en effet très importantes en volume. Certaines sont justifiées, d’autres le sont moins, mais leur suppression brutale pourrait induire des effets importants. Ce débat devrait néanmoins avoir lieu et la commission des finances pourrait examiner, de concert avec le Conseil des prélèvements obligatoires, le CPO, et le Gouvernement le poids réel de l’impôt sur le revenu aujourd’hui.
Les deux autres amendements en discussion commune sont totalement contradictoires avec le premier.
L’amendement n° I-213, présenté par le groupe CRCE, vise au contraire à créer de nouvelles tranches, dont une à 60 %. Je suis au grand regret de vous annoncer, mon cher collègue, que le Conseil constitutionnel trouverait certainement à y redire. Sa jurisprudence est bien établie en la matière. Souvenez-vous de la censure de la taxe à 75 %, après saisine du Conseil par plus de soixante députés et sénateurs, en particulier des sénateurs membres du groupe auquel j’appartiens. Si on ajoute la CSG, on atteint des taux d’imposition qui ne passent pas la barre de la jurisprudence du Conseil.
Quant à l’amendement n° I-489, je salue la constance de la fidélité de notre collègue Jean-Claude Requier à Joseph Caillaux, le père de l’impôt sur le revenu.
Au fil des réformes, en particulier celles qui sont intervenues lors du dernier quinquennat, le nombre de contribuables qui payent l’impôt sur le revenu a diminué. Cela pose la question de la réforme de la première tranche du barème, à laquelle la majorité sénatoriale s’était opposée, arguant justement de l’hyperconcentration de l’impôt.
Quand vous regardez aujourd’hui qui paye l’impôt, vous vous apercevez que 20 % des contribuables payent plus de 70 % du produit de l’impôt sur le revenu. Cette réalité n’est pas sans conséquence, y compris parfois sur des décisions de départ à l’étranger.
Sommes-nous prêts pour autant à réintégrer aujourd’hui plusieurs millions de foyers fiscaux pour 500 millions d’euros de recettes environ ? C’est un vrai débat…
L’augmentation de la CSG concourt sans doute déjà un peu à la réalisation de cet objectif, puisque cet impôt a un public beaucoup plus large que l’impôt sur le revenu.
Pour ma part, je suis plutôt partisan d’une baisse des prélèvements obligatoires que d’une augmentation du produit, même si je partage la volonté de rééquilibrage exprimée par l’auteur de cet amendement.
Je sollicite donc plutôt le retrait de ces trois amendements d’appel. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.