M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Sur l’amendement n° I-137 rectifié, présenté par M. Dominati, je partage avec son auteur la volonté de gagner en visibilité, en lisibilité et en compréhension de l’impôt.
Le temps passé à Bercy me fait découvrir le caractère parfois très sédimenté de l’édifice fiscal français. Il doit même arriver que les services de Bercy n’arrivent plus à reconstituer l’historique de certains impôts, personne ne se souvenant de la raison qui permettait, initialement, de les légitimer.
Or, la compréhension de l’impôt, c’est en effet la base de l’acceptation de l’impôt, de même qu’un lien important entre nos concitoyens et la Nation. Je partage cet argument.
Toutefois, le rapporteur général l’a rappelé, cette proposition contrevient au principe de progressivité de l’impôt, défendu de manière constante par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence.
Elle introduit également une dose de justice fiscale relativement faible, avec seulement deux taux d’imposition, ce qui bénéficierait très fortement aux contribuables les plus aisés.
De plus, en supprimant la quasi-totalité des avantages fiscaux associés à l’impôt sur le revenu, votre proposition, monsieur Dominati, aurait pour conséquence d’annihiler l’effet incitatif de certaines dépenses fiscales destinées à soutenir des acteurs économiques ou des acteurs sociaux qui opèrent dans nos territoires.
Je partage le sentiment du rapporteur général sur le chiffrage qu’il conviendrait d’effectuer pour évaluer la faisabilité d’une telle mesure.
Je comprends votre souhait d’ouvrir ce débat. Il n’y a pas de sujet tabou, le Président de la République et le Gouvernement étant assez ouverts à la discussion, y compris sur des sujets aussi anciens que celui-là.
Toutefois, nous sommes très attachés à la progressivité de l’impôt sur le revenu. Pour cette raison, je demanderai le retrait de cet amendement.
L’amendement n° I-213, présenté par Éric Bocquet, prévoit un taux marginal d’imposition de 60 %. Je ne reviendrai pas sur la totalité de la démonstration, mais je rappelle que le Conseil constitutionnel a fait état de son scepticisme, arguant du caractère confiscatoire de ces taux.
De surcroît, au-delà des problèmes juridiques, il y a aussi un aspect psychologique. Quand votre taux d’imposition final dépasse la moitié de ce que vous gagnez, vous n’êtes vraiment pas incité à l’entrepreneuriat et à la prise de risque. Pour cette raison – et pour d’autres qui leur appartiennent –, certaines personnes préféreront aller créer, innover et embaucher à l’extérieur de nos frontières plutôt qu’à l’intérieur.
L’objectif est évidemment de faire baisser la pression fiscale – c’est l’autre argument que j’emploierai pour demander le retrait de cet amendement –, mais également de construire un édifice fiscal qui soit plus incitatif et qui rémunère justement les prises de risques sur le territoire national. Il ne s’agit pas de rémunérer encore plus des gens déjà aisés, mais de récompenser des personnes qui investissent en France, créent de l’emploi en France et rendent nos territoires plus attractifs.
Enfin, l’amendement n° I-489, présenté par Jean-Claude Requier, prévoit l’instauration d’une tranche à 5,5 %. Je ferai la même réponse : notre objectif est de faire baisser la pression fiscale et d’éviter de faire entrer de nouvelles personnes dans l’impôt. J’entends l’argument qui consiste à dire que le consentement à l’impôt sera d’autant mieux établi que la base de la population qui y consentira et le paiera sera large.
Toutefois, les foyers les plus modestes participent déjà à l’effort et à la dépense publique de la Nation par d’autres types de prélèvements que l’impôt sur le revenu. Le lien avec la Nation est sans doute moins direct qu’avec l’impôt sur le revenu, que vous payez par tiers ou tous les mois, mais il existe néanmoins.
Pour cette raison, je sollicite également le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Au détour de trois amendements, nous avons finalement trois propositions de refonte de l’impôt sur le revenu. C’est intéressant.
D’un côté, M. Dominati nous propose un allégement et une simplification radicale de cet impôt.
Puis la balle arrive en fond de court, du côté de M. Bocquet, qui entend pour sa part accroître la progressivité de l’IR en ajoutant une tranche.
Enfin, la balle est envoyée au centre avec M. Requier, qui propose l’élargissement de la base de l’impôt sur le revenu.
Il est compliqué d’aborder ce débat de fond, passionnant en soi, au détour de ces trois amendements, même s’ils nous invitent à la réflexion.
La proposition de M. Requier est très intéressante en ce qu’elle ouvre le débat sur l’universalité de l’impôt sur le revenu. Il y aurait, c’est vrai, des effets de transfert de charges, et n’oublions pas que les personnes non assujetties à l’IR payent beaucoup d’autres impôts, la TVA, qui est légèrement dégressive dans les derniers déciles, mais aussi la CSG, bien sûr, de même que les impôts et droits indirects sur l’essence, les tabacs, etc.
L’élargissement de la base représenterait donc un prélèvement de pouvoir d’achat qui nécessiterait sans doute, par ailleurs, de revoir la politique sociale dans son ensemble. Je ne ferme pas la porte à une telle évolution, mais elle va beaucoup plus loin qu’un simple amendement à l’occasion de cet article. Il faudrait ouvrir plus largement les débats.
Pour ces raisons, et même si nous ne sommes pas forcément opposés à certains des arguments avancés, le groupe La République En Marche votera contre ces amendements, sans méconnaître les perspectives qu’ils ouvrent.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je voudrais d’abord dire qu’il serait bien difficile de faire plus provocateur que l’amendement présenté par notre collègue Philippe Dominati. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Dans un débat, rien n’est provocateur !
M. Claude Raynal. Ce serait tout de même compliqué de l’être davantage…
Pour autant, il est intéressant d’entendre ce type de discours, car, au moins, monsieur Dominati, vous posez les choses sur la table de manière extrêmement claire !
En gros, vous proposez qu’il y ait moins, voire plus du tout, de progressivité, ce qui reviendrait finalement à une espèce de flat tax. On comprend bien à qui elle bénéficierait – pas besoin de suivre de longues études pour cela ; vous l’écrivez d’ailleurs quasiment dans l’objet même de votre amendement : à ceux qui sont le plus soumis à l’impôt sur le revenu. Ce faisant, vous allez, à mon sens, à l’encontre de l’un des principes fondateurs de notre République.
Toutefois, il ne faut pas voir cet impôt comme un impôt majeur. La flat tax que vous proposez, elle existe déjà : c’est la TVA, qui constitue aujourd'hui un impôt majeur de notre système fiscal. Je ne crois donc pas utile d’aller plus loin en la matière.
En ce qui concerne l’amendement de notre collègue Jean-Claude Requier, qui revient sur une mesure que nous avons prise en 2014, je veux dire, sans aucune provocation évidemment, qu’il aboutirait finalement, s’il était adopté, à taxer davantage des personnes qui sont déjà largement touchées par la TVA. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée.
Pour l’ensemble de ces raisons et pour celles qui viennent d’être évoquées à l’instant par mon collègue Julien Bargeton, nous voterons contre l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Que ce soit par solidarité avec Joseph Caillaux ou non, il me semble que l’amendement de M. Requier devrait être voté par tout le monde !
J’entends bien l’argument avancé par M. le secrétaire d’État ou par Claude Raynal sur le fait qu’il existe déjà des participations de différents types – la TVA, la CSG, etc. Mais ce n’est pas la même chose.
La participation des gens à l’action publique est claire, quand ils payent, même de manière symbolique, un impôt sur le revenu.
M. Julien Bargeton. Et le pouvoir d’achat ?
M. Roger Karoutchi. Quand vous achetez un produit, où que ce soit, avec la TVA, avez-vous vraiment le sentiment de participer à l’action publique ? Pas du tout ! Vous achetez un produit, et c’est tout ; vous n’avez, je le répète, absolument pas le sentiment de participer à l’action publique.
M. François-Noël Buffet. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi. Je considère que le paiement d’un impôt sur le revenu – même quelques euros ! – permettrait à tous les citoyens d’avoir conscience de faire partie de la République : ils pourraient alors se dire que la République leur appartient. Cet impôt, même très minime, et avec une base très faible, c’est autre chose ; il crée un vrai sentiment d’appartenance ! C’est un véritable impôt citoyen, ce que ne sont pas les impôts indirects sur la consommation.
J’en suis désolé pour mon collègue Philippe Dominati, qui a raison de défendre ses convictions. Il n’y a pas de provocation à débattre. Vous le savez, si tout le monde était si satisfait du système fiscal français, cela se saurait… Lancer les pistes d’un débat, qui devra de toute façon avoir lieu, ne me choque pas.
M. Jean-François Husson. Bravo !
M. Roger Karoutchi. Au final, l’amendement qui constitue une mesure de justice et d’équité et qui permet de faire en sorte que chaque citoyen se sente responsable – propriétaire même, pourrais-je dire – de la République, c’est l’amendement de M. Requier, que je voterai. (M. Jean-François Rapin applaudit.)
M. Dominique de Legge. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Ces trois amendements en discussion commune sont très différents. J’ai cosigné celui de Philippe Dominati, parce que, comme lui, je crois profondément que nous devons réfléchir à ce que pourrait être un impôt simplifié, qui serait en effet très proche de ce qui est appelé une flat tax, et procéder à une évaluation. Je vous rappelle qu’un tel système a été défendu dans notre assemblée par l’ancien doyen de notre groupe, Serge Dassault.
L’amendement n° I-137 rectifié, qui prévoit cette flat tax avec un taux de 26 %, présente l’immense avantage de répondre à l’appel du Président de la République élu en mai dernier. Il encourage tous nos compatriotes à être des « premiers de cordée » : à partir de 45 000 euros, le taux d’imposition est plafonné à 26 %. Par conséquent, le travail, l’initiative, l’offensive, l’engagement sont récompensés par un impôt qui n’est plus confiscatoire.
Pour autant, je reconnais que le travail de Philippe Dominati, que j’ai soutenu, mériterait d’être approfondi.
J’ajoute que l’adoption d’un tel amendement constituerait un fait tragique pour la presse écrite. Vous le savez, il m’arrive encore de dire des bêtises… (Sourires sur différentes travées.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Rien ne vous interdit d’arrêter ! (Nouveaux sourires.)
MM. Jean-François Rapin, Julien Bargeton et Claude Raynal. Si peu ! (Mêmes mouvements.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. De moins en moins ! (Mêmes mouvements.)
M. Gérard Longuet. De moins en moins, je le reconnais !
Toute la presse a dénoncé les dernières turpitudes du Panama, avec les Panama papers, en matière d’optimisation fiscale et je ne peux pas m’empêcher de sourire, car ces mêmes magazines et quotidiens ne manquent pas, chaque année – c’est un véritable marronnier ! –, de présenter à leurs lecteurs des dizaines de pages consacrées aux moyens de ne pas payer les impôts qu’ils devraient normalement assumer.
M. Julien Bargeton. C’est vrai !
M. Gérard Longuet. C’est pourtant de l’optimisation fiscale…
L’avantage de la proposition de Philippe Dominati, c’est de faire tomber les niches. La presse devrait alors abandonner la publication des pages qu’elle réalise sur les sujets liés à l’optimisation fiscale, optimisation qu’elle dénonce par ailleurs, lorsqu’elle n’en est pas à l’origine.
En conclusion, je me rallierai volontiers à la proposition de notre collègue Jean-Claude Requier. Joseph Caillaux était l’adversaire de Raymond Poincaré, mais, pour une fois, je choisirai la Sarthe plutôt que la Meuse ! (M. Dominique de Legge applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Avec ces trois amendements, nous sommes déjà au cœur du débat, et c’est bien qu’il s’engage. Je voudrais vous dire à quel point nous ne sommes pas des extrémistes de l’impôt sur le revenu. Nous proposons une tranche de 60 %, et on nous répond que c’est dissuasif, voire anticonstitutionnel, et que ce n’est pas bien pour les gens qui veulent s’engager.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je confirme que ce n’est pas bien !
M. Éric Bocquet. Mais souvenons-nous de ce qu’a décidé Roosevelt dans les années trente : il me semble qu’il avait créé une tranche d’imposition à 92 %, qui est restée en vigueur pendant plus d’un demi-siècle – c’est le président Clinton qui y a mis fin ! Et cela n’a pas empêché les États-Unis de devenir la puissance économique que nous connaissons.
M. Gérard Longuet. Il y avait de nombreuses niches fiscales !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est tout de même étonnant de voir les communistes se réclamer de la fiscalité américaine…
M. Éric Bocquet. Je note aussi que Mme Lagarde, qu’on ne peut pas soupçonner d’extrémisme fiscal, puisqu’elle est directrice générale du FMI et fut ministre de M. Sarkozy, relève qu’il pourrait être intéressant d’envisager une super-taxe sur les très hauts revenus.
On sait bien que la tendance est plutôt au dumping fiscal : « Venez chez nous et vous ne serez pas trop taxé ! » J’ai lu avec intérêt l’interview de Lloyd Blankfein dans les pages saumon du Figaro le 20 novembre dernier. Celui qui est tout de même le dirigeant de Goldman Sachs – ce n’est pas n’importe quelle banque : c’est du sérieux, du lourd ! – y expliquait qu’il envisageait, en raison du Brexit, d’installer des équipes en Europe, à Paris et Francfort, mais à deux conditions : assouplir le marché du travail, ce qui est déjà fait en France, et baisser les impôts, ce à quoi vous travaillez…
Voilà pourquoi nous proposons qu’une tranche supérieure de l’impôt soit créée.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Ces trois amendements ont le mérite de poser un certain nombre de questions. L’impôt sur le revenu n’est pas une création récente ; de mémoire, c’est une loi de décembre 1959 qui l’a institué et il a connu de nombreuses évolutions.
Ces amendements, en particulier celui qui a été présenté par Philippe Dominati, ont le mérite d’appeler notre attention sur la question des dépenses fiscales, qui représentent, en ordre de grandeur, 30 milliards d’euros. Cette question doit donc être largement prise en compte. On le comprend, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes tout de même là pour soutenir les recettes de l’État, qui ne doivent pas être réduites. On parle toujours d’une progression des recettes.
Selon le document relatif à l’évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances, l’impôt sur le revenu est estimé à environ 78 milliards d’euros. Or, le nombre de foyers imposés diminue et entre 20 et 21 millions de foyers n’en paient pas du tout. On voit donc bien qu’une réflexion doit être menée en la matière, ce qui explique l’intérêt de ces amendements.
C’est dans cet esprit que je me rallierai à l’avis de la commission des finances.
Enfin, je souhaite rappeler le travail réalisé par les agents des directions des finances publiques ; il n’est pas simple du tout. Si beaucoup de personnes utilisent maintenant Internet, ce n’est pas le cas de tous – les services font un effort de communication – : une présence humaine reste indispensable, par exemple au moment des déclarations d’impôts.
M. le président. Monsieur Dominati, l’amendement n° I-137 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Après les explications claires du secrétaire d’État et sur la suggestion du rapporteur général, qui semble avoir de la peine quand on supprime quelques niches fiscales, je vais le retirer, monsieur le président.
Néanmoins, je souhaiterais disposer de simulations sur les résultats que donneraient l’application des taux figurant dans mon amendement. Nous sommes en début de mandature, et, vous l’avez bien compris, c’est le moment d’engager des débats. Aussi, pour les mener correctement, nous avons besoin de simulations, en vue des futurs travaux.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances les demandera !
M. Philippe Dominati. Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° I-137 rectifié est retiré.
Monsieur Bocquet, l’amendement n° I-213 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° I-489 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-489.
(L'amendement est adopté.) (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Claude Raynal. Vous allez taxer les pauvres !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-215, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 9 à 14
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
b) Le 2 est ainsi rédigé :
« 2. La réduction d’impôt résultant de l’application du quotient familial ne peut excéder 1 545 € par demi-part ou la moitié de cette somme par quart de part s’ajoutant à une part pour les contribuables célibataires, divorcés, veufs ou soumis à l’imposition distincte prévue au 4 de l’article 6 et à deux parts pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune.
« Toutefois, pour les contribuables célibataires, divorcés, ou soumis à l’imposition distincte prévue au 4 de l’article 6 qui répondent aux conditions fixées au II de l’article 194, la réduction d’impôt correspondant à la part accordée au titre du premier enfant à charge est limitée à 3 630 €. Lorsque les contribuables entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée entre l’un et l’autre des parents, la réduction d’impôt correspondant à la demi-part accordée au titre de chacun des deux premiers enfants est limitée à la moitié de cette somme. » ;
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Pour compenser la perte de recettes découlant de cet article, les taux d’imposition des plus-values de long terme indiqués au a du I de l’article 219 du code général des impôts sont relevés à due concurrence.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. La question du quotient familial est, sans aucun doute, ce qui fait obstacle à la mise en œuvre de certains choix en matière de réforme fiscale, en particulier en ce qui concerne l’impôt sur le revenu.
En outre, l’annonce de la mise en œuvre de la retenue à la source va sans doute faire naître, entre les salariés d’une même entreprise, bien des interrogations, singulièrement du fait de l’application du fameux quotient familial.
Pour des raisons diverses, le quotient familial d’un foyer fiscal peut connaître une majoration d’une demi-part : celle-ci est, par exemple, liée à la situation de santé du contribuable, au service qu’il a rendu à la Nation – c’est le cas des anciens combattants – ou encore au fait qu’il a assumé seul la charge de l’éducation d’un ou plusieurs enfants.
La demi-part des personnes seules ayant élevé des enfants pendant au moins cinq ans représente 550 millions d’euros d’impôts en moins, qui sont partagés entre environ un million de ménages.
C’est autant pour la demi-part des anciens combattants – 900 000 ménages –, quand celle des contribuables invalides représente 390 millions d’euros, partagés entre près de 1,4 million de redevables, et celle des veuves 110 millions pour environ 160 000 dossiers fiscaux.
Enfin, les conséquences du divorce coûtent 415 millions d’euros au trésor public en impôts en moins pour environ 1,8 million de ménages.
Ainsi, toutes ces mesures liées au quotient familial, qui prend en compte les situations réelles des ménages, coûtent au total un peu plus de 2 milliards d’euros au budget de la Nation, pour plus de 5 millions de contribuables.
Ce dispositif constitue donc un élément de la politique sociale de la Nation, mais, pas plus que la suppression de l’exonération des majorations de pension, les mesures prises pour réduire leurs coûts ne se sont traduites par un renforcement des moyens de ladite politique.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° I-96, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer le montant :
1 527 €
par le montant :
1 750 €
II. – Pour compenser la perte résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l'État de la hausse du plafond du quotient familial est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement concerne également le quotient familial, puisqu’il vise tout simplement à le relever de 1 527 euros à 1 750 euros.
Lorsque l’on regarde la politique du précédent quinquennat, dont nous venons indirectement de parler au travers de l’amendement de notre collègue Jean-Claude Requier, on s’aperçoit que les familles et les classes moyennes ont sans doute été les plus malmenées.
Mme Catherine Procaccia. Et le Gouvernement continue !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En outre, les familles sont un petit peu les oubliés de ce projet de loi de finances ; nous parlerons plus tard de la taxe d’habitation – vous le voyez, je suis honnête et complet dans mon explication –, mais en ce qui concerne l’impôt sur le revenu, il n’y a pas de changement. C’est pourquoi nous souhaitons soutenir les familles, leur redonner un peu de pouvoir d’achat, en relevant de 1 527 euros à 1 750 euros par demi-part le quotient familial.
Le coût de cette mesure est certes de 550 millions d’euros, mais nous venons, à l’instant, de voter un amendement – je vous rappelle que j’avais demandé son retrait – qui apporte plus de 700 millions d’euros de recettes. Cet amendement est donc complètement gagé par le précédent vote. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Gérard Longuet. Merci, monsieur Requier !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est la raison pour laquelle je pense que vous le soutiendrez avec beaucoup d’enthousiasme… Les classes moyennes et les familles vous en sauront gré !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-215 ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Si M. Bocquet vote l’amendement de la commission, qui va au-delà du sien, il sera pleinement satisfait !
Surtout, je m’interroge, parce que l’amendement n° I-215 prévoit d’appliquer le même plafonnement par demi-part pour un contribuable célibataire ou divorcé ayant élevé seul un enfant à charge par le passé, mais n’ayant plus cet enfant à charge, et pour un contribuable veuf ayant effectivement un enfant à charge. Dans un cas, l’enfant est encore à charge, pas dans l’autre, alors que le plafonnement serait le même.
J’ai donc du mal à comprendre la logique de cette proposition, qui ne me semble pas équitable. Encore une fois, l’objectif poursuivi sera atteint si l’amendement de la commission est adopté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Sur l’amendement présenté par le sénateur Éric Bocquet, qui propose une revalorisation sélective du quotient familial selon la situation des contribuables concernés, je dois dire que le présent projet de loi de finances permet une revalorisation identique au taux de l’inflation – plus 1 % – de tous les plafonds et de toutes les demi-parts, notamment celles pour les invalides, les anciens combattants et les veuves.
Il me paraît plus juste de procéder de la sorte, de façon générale. Avec la proposition du Gouvernement, le plafond du quotient augmente déjà de 15 euros…
Mme Catherine Procaccia. Quinze euros !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. … et celui des parents isolés, de 36 euros. Je le redis, cette proposition me semble plus juste. C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement n° I-215.
Concernant l’amendement présenté par le rapporteur général, le coût de la mesure s’élève à 550 millions d’euros. Certes, vous estimez que l’adoption, à l’instant, de l’amendement du sénateur Jean-Claude Requier vous donne les moyens de la financer, mais je rappelle que le plafonnement du quotient familial est nécessaire. Les économies dégagées ont permis de maintenir le niveau des prestations, notamment pour les allocations familiales.
Votre proposition remettrait en cause, en partie, l’équation financière de ce choix. Surtout, elle ne concernerait que les ménages les plus aisés. Or il me semble que nous partageons la conviction qu’il faut revaloriser les revenus, le pouvoir d’achat, des classes moyennes.
Plus de 80 % des ménages concernés par le plafonnement du quotient familial appartiennent au décile le plus élevé : on ne se situe pas dans les classes moyennes quand on s’adresse au décile le plus élevé ! Pour un couple marié avec deux enfants, le plafonnement s’applique uniquement à ceux dont le revenu déclaré est supérieur à 5 930 euros par mois pour l’imposition des revenus de l’année 2016.
Vous l’aurez compris, il y aura d’autres voies et moyens – nous aurons l’occasion d’en débattre – pour améliorer le pouvoir d’achat des classes moyennes. C’est la raison pour laquelle je demande également le retrait de cet amendement.