Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Le texte du code civil, ne l’oublions pas, était d’inspiration libérale ; les parties étaient censées être parfaitement autonomes dans leur volonté et capables.
Néanmoins, le législateur s’est peu à peu rendu compte – il lui a tout de même fallu deux siècles – qu’une partie pouvait être dominée par l’autre et qu’il fallait trouver des moyens d’annuler un contrat pour vice du consentement quand celui-ci avait été obtenu par la violence ou de manière abusive.
Toute une série de combats ont été menés pour obtenir ces avancées. Il a fallu du temps pour conceptualiser l’abus de faiblesse sur personne vulnérable et âgée et, pour qu’un acte signé par une personne incapable puisse être remis en cause, il a fallu inventer la sauvegarde de justice. Ce n’est donc pas si simple.
La loi prévoit l’état de dépendance dans lequel se trouve un contractant et grâce auquel est obtenu un engagement auquel il n’aurait pas souscrit en l’absence de contrainte et alors que cet engagement procure un avantage manifestement excessif à celui qui l’obtient. Il s’agit donc de protéger les personnes vulnérables. Or le fait de qualifier d’économique la dépendance tend à réduire la portée du texte, alors que l’intention du Gouvernement était au contraire de l’élargir.
Mes chers collègues, je vous rappelle que l’ordonnance date de février 2016, soit d’une époque où le gouvernement était franchement à gauche, alors qu’aujourd’hui on sent bien qu’un courant libéral, de droite et plutôt restrictif est à l’œuvre… Nous allons donc suivre M. Collombat et le Gouvernement, car, madame la ministre, pour une fois, vous proposez un amendement qui est plutôt de gauche que de droite ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. François Pillet, rapporteur. Vous voilà rassuré : il reste une gauche !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne comprends pas la position de notre rapporteur.
L’important et minutieux travail qui a été réalisé visait à apporter davantage de clarté et de précision, et à rééquilibrer le poids des parties en cas de déséquilibre manifeste.
Qu’entend-on par dépendance économique ? Une personne avec pas mal d’argent, mais trop âgée pour pouvoir véritablement être considérée comme autonome, se trouve-t-elle dans une telle situation ? À mon sens, non ; elle n’a tout simplement pas les moyens de prendre la bonne décision. On nous dit que la solution existe dans tel code ou tel code. Mais l’objectif de ce texte est de réviser le code civil, et l’on traite ici des contrats. On va là à l’encontre du travail de la commission et des propositions généralement avancées par notre rapporteur, dont je trouve le blocage sur ce point étonnant !
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il s’agit effectivement d’une divergence de portée un peu plus politique que technique. Le texte, dans son écriture initiale, traduisait une volonté de protection assez large, et je tiens personnellement, pour les raisons énoncées par MM. Collombat et Bigot, à ce que nous y revenions.
De surcroît, monsieur le rapporteur, dans les exemples que vous avez évoqués, le juge pénal n’a pas exactement, comme je l’ai souligné, les mêmes pouvoirs, car il n’est pas en capacité de prononcer l’annulation du contrat. Il y a réellement là des dimensions différentes et, pour ma part, je le répète, je souhaiterais que nous revenions à l’écriture initiale.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Rassurez-vous, mes chers collègues, j’ai parfaitement vu le problème ! Il ne s’agit certes pas d’introduire dans ce texte une notion à fragmentation politique, même légère, mais nous avons déjà des éléments légaux pour assurer la protection des personnes en état de dépendance. Puis, avec les vices du consentement, nous disposons d’une autre notion qui ouvre toute une kyrielle de possibilités. C'est pourquoi il ne m’a pas semblé que je me montrerais particulièrement oublieux des personnes dépendantes en limitant le texte à la dépendance économique, qui est une notion jurisprudentielle.
Cependant, dans la mesure où le Sénat est responsable et qu’il est ouvert au débat, nous pourrions envisager de préciser cette réaction dans le cours de la navette de telle sorte qu’elle reçoive l’approbation de tous.
En tout état de cause, je maintiens mon avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 15.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à la fois au respect du temps – j’y insiste, pour éviter d’avoir à passer à des mesures coercitives (Sourires.) – et au respect mutuel !
expulsion des clandestins
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Lherbier. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Sur le site internet de votre ministère, on peut lire : « L’étranger qui souhaite venir en France doit y être autorisé. Présent sur le territoire national sans titre, l’étranger est alors en situation irrégulière. »
Il s’agit d’un rappel de la loi française votée par le Parlement. Force est de constater que la loi, comme c’est malheureusement trop souvent le cas, n’est pas ou est peu appliquée.
Concernant la terrible affaire de Marseille, où deux jeunes filles ont été sauvagement tuées, l’assassin était un clandestin et avait commis des délits à répétition.
On estime à plusieurs centaines de milliers le nombre d’étrangers qui séjournent illégalement dans notre pays.
Lors de son intervention télévisée, dimanche soir, le Président de la République a tenu des propos fermes contre l’immigration illégale. Il a promis l’expulsion de tous les étrangers en situation irrégulière ayant commis un délit, quel qu’il soit.
Sa proposition mérite des éclaircissements. S’agit-il pour le Président de la République de limiter les expulsions aux clandestins qui auraient commis un délit ?
La langue du Président de la République a-t-elle fourché ? A-t-il cultivé une savante ambiguïté ou avait-il bien à l’esprit une vision restrictive des reconduites à la frontière ?
Si tel est le cas, j’attire votre attention sur le fait que la loi française prévoit l’expulsion de tous les clandestins qu’ils aient commis ou non un délit, et que limiter l’expulsion à ceux qui auraient commis un délit reviendrait à donner un droit de séjour en France aux étrangers illégaux.
Je demande donc au ministre de l’intérieur de bien vouloir nous éclairer sur les intentions précises du Président de la République, et en même temps de lever toute ambiguïté sur ses propos. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, en effet, les services de l’État doivent être pleinement mobilisés pour éloigner les étrangers en situation irrégulière qui présentent une menace pour l’ordre public. Vous l’avez rappelé, le Président de la République a confirmé cette orientation prioritaire.
Par ailleurs, M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a envoyé dès le 10 octobre dernier une circulaire aux préfets pour leur rappeler que l’ordre public devait être respecté et que les sortants de prison devaient faire l’objet d’une attention prioritaire.
Notre droit nous permet de les éloigner – vous avez raison – en prononçant à leur encontre une obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, mais aussi de les placer en rétention s’ils présentent un risque de fuite.
Pour les sortants de prison, une meilleure articulation doit être recherchée avec les établissements pénitentiaires pour mieux anticiper les éloignements durant la phase d’incarcération. C’est absolument certain !
Par ailleurs, pour faciliter l’identification des personnes interpellées, un système biométrique relié au fichier de gestion des dossiers des étrangers sera déployé dans les prochains mois. Il permettra la consultation du fichier à partir des empreintes digitales de la personne.
Dans le même objectif, les forces de l’ordre seront dotées en 2018 d’équipements permettant de prendre les empreintes digitales sur place et de consulter les fichiers de façon mobile.
Madame la sénatrice, comme vous le constatez, la politique du Gouvernement est ferme à cet égard (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), ce qui ne nous empêche pas, bien sûr, d’accueillir,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … comme c’est de tradition dans notre pays, les demandeurs d’asile qui sont menacés dans leur propre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Yves Daudigny et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste.
Mme Élisabeth Doineau. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, mais elle pourrait s’adresser aussi au Premier ministre, au ministre de l’intérieur, au ministre des affaires étrangères ou encore au ministre des affaires sociales, car elle est très large.
Le 5 septembre dernier, le Président de la République a demandé au Gouvernement des propositions pour revoir l’accueil et l’accompagnement des mineurs non accompagnés. Il précisait que la réponse actuelle n’était pas satisfaisante et qu’elle représentait une charge croissante pour les départements.
Le rapport d’information que j’ai présenté dernièrement avec mon ancien collègue Jean-Pierre Godefroy annonçait une explosion du nombre des prises en charge. Il passera de 13 000 à la fin du mois de décembre 2016 à 25 000 à la fin de cette année ! Tous les départements sont touchés, avec des records jamais atteints. Les agents des départements sont dépassés, voire en burn-out professionnel, parce que nous ne sommes plus dans le champ de nos compétences. Cela va jusqu’à mettre en danger notre mission historique de protection de l’enfance…
Premier problème, l’hébergement. Nous observons une embolie de toutes nos structures d’accueil, malgré leur diversité et leur nombre.
Deuxième problème, l’évaluation de la minorité. Nos services sont totalement accaparés et découragés : difficulté d’authentifier les documents administratifs quand il y en a, avec des appréciations variables selon les préfectures ; difficulté de bénéficier des services des interprètes, car ils sont trop rares ; difficulté d’analyser les parcours migratoires chaotiques de ces jeunes qui mériteraient l’appréciation des services de la police aux frontières.
Troisième problème, l’accompagnement. Que leur proposer comme formation sinon l’apprentissage ? Mais là encore, c’est de nouveau le parcours du combattant !
Je pourrais continuer ainsi longtemps, parce qu’il faudrait aussi parler des multitraumatismes ressentis par ces jeunes. Il faudrait évoquer les liens avec les parquets et les cours de justice, qui sont également dépassés par le nombre, ou encore des recours portés par les avocats ou par associations.
M. le président. Veuillez poser votre question !
Mme Élisabeth Doineau. C’est une question qui relève des flux migratoires, et c’est à l’État de prendre ses responsabilités dans ce domaine. Les conseils départementaux sont dans l’attente de mesures concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, vous avez raison de souligner l’importance et l’urgence de ce problème.
Vous avez cité des chiffres qui témoignent de l’urgence de la situation, dont nous sommes pleinement conscients. Avec ma collègue Agnès Buzyn, nous avons tenu le 15 septembre dernier un comité de pilotage sur la question des mineurs non accompagnés.
Nous y avons, d’une part, réaffirmé les engagements financiers de l’État avec l’abondement à hauteur de 6,5 millions d’euros du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, destiné à prendre en charge l’évaluation et à compenser la mise à l’abri assumée par les départements.
M. Alain Fouché. Ce sont les départements qui paient !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous y avons, d’autre part, également réaffirmé que l’État tiendrait ses engagements en remboursant aux départements 30 % du coût correspondant à la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance des mineurs non accompagnés supplémentaires pour l’année passée.
Vous l’avez rappelé à juste titre, il y a de grandes difficultés, notamment concernant la phase d’évaluation et de mise à l’abri. Nous savons pertinemment que des jeunes déclarés majeurs dans un département se représentent dans d’autres pour tenter de faire connaître leur minorité. Il importe de mettre en place des outils pour éviter un tel phénomène. Nous devons harmoniser les procédures d’évaluation pour qu’il n’y ait pas de difficulté avec les parquets. Ensuite, bien entendu, nous prendrons en charge ces jeunes, lorsque leur minorité aura été reconnue.
M. le Premier ministre, qui se rendra vendredi à l’Assemblée des départements de France, aura l’occasion de vous y annoncer un plan d’action très concret. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
états généraux de la politique de la ville
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.
M. Frédéric Marchand. Ma question s’adresse à M. le ministre de la cohésion des territoires.
Monsieur le ministre, la politique de la ville est née il y a quarante ans avec les premières opérations « Habitat et vie sociale », prémices de la politique de la ville et de sa méthode.
Malgré l’engagement des acteurs sur le terrain et les progrès réalisés en matière de cohésion sociale, de cadre de vie, de renouvellement urbain et d’emploi, le regard porté sur les quartiers populaires reste encore trop souvent négatif et stéréotypé.
Vous le savez, les habitants de ces quartiers ne veulent pas être assignés à résidence ! Bien au contraire, ils revendiquent de la dignité, de la considération et, bien évidemment, du travail.
Maire, pour encore quelques jours, d’une commune dans la métropole lilloise dont deux quartiers sont inscrits en politique de la ville depuis le 1er janvier 2015, je suis, comme tous les élus, conscient de la nécessité d’engager une nouvelle étape pour tenir cette belle promesse républicaine qui nous est chère : l’égalité des territoires.
Monsieur le ministre, au-delà des premières décisions prises sur cette grande cause nationale, je pense notamment aux classes dédoublées de CP en REP+, dont chacun salue en cette rentrée scolaire la pertinence, pouvez-vous nous indiquer les mesures qui seront mises en œuvre dans les prochains mois pour conforter les territoires urbains en souffrance dans des domaines aussi essentiels du quotidien que sont le logement, l’emploi, l’éducation ou bien encore la sécurité ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Marchand, j’entends le message des élus locaux et des maires sur la politique de la ville.
Nous connaissons la fragilité de nombre de ces quartiers. Comme vous l’avez souligné, cette politique de la ville a été lancée voilà quarante ans, avec des hauts et des bas. Si la réussite avait été totale, elle n’existerait plus aujourd’hui.
Nous sommes face à des situations très diverses. Nos concitoyens, habitants et élus de ces quartiers, veulent simplement disposer des mêmes droits, des mêmes chances que les autres. C’est ce que l’on appelle le droit commun.
Je voudrais d’abord apporter des précisions sur les questions budgétaires : la première étape de notre engagement, autour du Premier ministre, a été de reconduire le budget de la politique de la ville en 2018 – 430 millions d’euros – et pour les années suivantes.
Nous avons également augmenté la DPV, la dotation politique de la ville, pour la porter à 150 millions d’euros et accru le montant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU, de 90 millions d’euros. Voilà quelle est la réalité financière budgétaire.
Je voudrais ensuite souligner, comme vous, qu’il est nécessaire de mener une politique forte en matière d’éducation, où beaucoup reste à faire.
La mise en place de 2 500 classes dédoublées dans ces quartiers – les réseaux d’éducation prioritaire « plus », ou REP+, ont été visés en priorité – témoigne du caractère extrêmement volontariste de cette politique. Nous allons également bientôt mettre en place des emplois francs dans ces mêmes quartiers.
Vous avez enfin évoqué la sécurité, essentielle dans ces quartiers. Nous devons mettre en place une police de proximité. Des efforts considérables doivent être réalisés pour lutter, tous ensemble, contre le communautarisme. Si la République recule dans ces quartiers, d’autres, qui sont déjà à l’œuvre, viendront prendre sa place. (Des noms ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il s’agit d’un enjeu tout à fait fondamental et prioritaire.
M. Bruno Retailleau. C’est vrai !
M. Jacques Mézard, ministre. J’entends que nous menions une politique interministérielle très forte sur tous ces sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
assises de l'outre-mer
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Stéphane Artano. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer.
Madame la ministre, vous lancerez jeudi, à Saint-Pierre-et-Miquelon, les assises de l’outre-mer voulues par la Président de la République. J’espère qu’elles ne connaîtront pas le triste succès des états généraux des outre-mer. Je formule le vœu sincère qu’elles soient un véritable succès pour la République.
Depuis huit ans, sur mon territoire, les élus du conseil territorial réconcilient la société civile avec la politique par une démocratie participative permanente et renforcée. Je me félicite donc de votre initiative ambitieuse.
Toutefois, en posant comme postulat que les assises permettront de réinventer les outre-mer, certains pensent déjà que les élus ultramarins n’ont rien fait. Nos territoires sont pourtant en mouvement : à Saint-Pierre et Miquelon, en 2009, nous avons adopté, au travers d’une démarche de territoire innovante, un schéma de développement économique sur vingt ans qui a reçu le soutien de l’Union européenne.
Nous avons adopté avec l’État, en 2015, trente-huit mesures concrètes qui vont occuper le territoire pour les cinq prochaines années.
En mars 2017, cette démarche innovante nous a permis de convaincre 70 % de la population du bien-fondé de ce plan de développement économique.
Madame la ministre, vous avez indiqué que ces assises constitueront la feuille de route des politiques publiques de ce quinquennat en outre-mer. Il ne faut pas vendre du rêve à nos concitoyens, qui attendent des projets concrets.
L’État respectera-t-il la légitimité électorale des programmes de développement économique en cours ? Comment ne pas craindre une cacophonie, voire un mélange des genres, entre tenue des assises, élaboration concomitante des projets État-collectivités et plan de convergence du projet de loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ? Il s’agit de trois documents différents avec des vocations différentes. Comment organiserez-vous leur articulation ?
Enfin, l’État est-il prêt à assumer budgétairement cette ambition présidentielle ou présentera-t-il la facture aux collectivités déjà mises à mal ces derniers temps ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Comme vous l’avez rappelé, le Président de la République a souhaité, lors de sa campagne électorale, que les assises des outre-mer soient organisées dès le début de ce quinquennat.
Ces assises ont bien évidemment pour objectif de construire des politiques innovantes, de réinventer de nouveaux outils, tout en évaluant ceux qui existent, pour construire notre parcours commun tout au long de ce quinquennat.
Tous les sujets peuvent être abordés et chaque territoire est libre de ses choix. Mayotte, par exemple, a choisi d’aborder la question de la sécurité, ce qui se comprend aisément eu égard à la situation de ce territoire ; la Nouvelle-Calédonie, quant à elle, a souhaité évoquer la question de la jeunesse ; Saint-Pierre-et-Miquelon – il est important de le souligner – a choisi ses priorités en concertation avec les élus locaux et la société civile.
La mise en place d’une plateforme numérique permettra à l’ensemble de nos citoyens d’outre-mer de s’exprimer. Nous voulons renouer ce lien avec ceux qui n’ont que rarement la parole.
Vous vous interrogez, monsieur le sénateur, sur l’issue des assises et leur traduction législative, ou encore sur leur lien avec les autres exercices démocratiques en cours sur les territoires. Soyez rassuré : l’idée n’est pas de tout oublier, mais bien de remettre en perspective un certain nombre de projets de territoires et de leur apporter des réponses précises, notamment en matière d’outils. Nous voulons créer un véritable écosystème économique pour aider au développement des territoires et accompagner l’ensemble des projets sociaux.
Prenons tous notre avenir en main et participons à ces assises, à tous les niveaux. C’est par la coconstruction, méthode qui m’est chère, que nous pourrons apporter une réponse efficace aux défis que doivent relever les territoires d’outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour la réplique
M. Stéphane Artano. N’oubliez pas que les initiatives viennent des territoires. L’innovation est déjà présente, les programmes existent. Il suffit que le Gouvernement les respecte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
logement social
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. En l’absence du ministre du logement, ma question s'adresse à M. le ministre de la cohésion des territoires.
Les déclarations du Président de la République, dimanche dernier, ont suscité une profonde indignation.
Il a ainsi déclaré : « Dans le monde HLM, il y a des réserves, on le sait, depuis des décennies, il y a des acteurs qui ont beaucoup d’argent », avant de poursuivre : « Dans le monde HLM, il y a des organismes qui ont de l’argent et qui ne le dépensent plus, qui ont construit une forme de rente ».
Monsieur le ministre, quel est le montant de cette rente ? Avez-vous des chiffres à avancer après ces graves accusations ? Rappelons que les moyens des offices, comme l’exige la loi, sont réinvestis dans l’économie réelle au service des locataires – construction, réhabilitation… – et ne sont jamais distribués sous forme de dividendes.
Après la manifestation de samedi dernier pour le maintien des aides personnalisées au logement, ou APL, plusieurs rassemblements se tiennent aujourd’hui pour la défense de l’habitat social, des locataires et des personnels des bailleurs sociaux.
J’entends souvent certains ministres dire que « la rue ne fait pas la loi ». Mais la rue, monsieur le ministre, c’est aussi la République sociale inscrite dans notre Constitution. Vous vous devez donc de répondre aux questions posées : à quoi vont servir les 3,2 milliards d’euros pris sur deux ans au logement social et aux bailleurs ? Est-ce là que vous allez chercher le financement des nouveaux cadeaux faits aux plus riches et qui coûteront la bagatelle de 4 milliards d’euros ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, l’État consacre plus de 40 milliards d’euros au logement et notre pays compte encore plus de 4 millions de mal-logés. Il y a là une responsabilité collective qui ne date pas d’aujourd’hui.
J’entends et peux comprendre votre question. Je respecte les sensibilités diverses et l’expression de la rue. Je me suis d’ailleurs rendu au congrès de l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, où – la vie démocratique est ainsi faite – j’ai passé un bon moment… (Sourires.)
Encore une fois, nous portons une responsabilité collective sur ces questions. Le Sénat apporte sa contribution depuis des années en menant de nombreux travaux sur le logement dont nous tiendrons le plus grand compte.
Je ne vais pas m’abriter derrière les rapports de la Cour des comptes, je sais ce que d’aucuns ici peuvent en penser, y compris au sein de votre groupe, monsieur Savoldelli, mais tout de même… J’ai souvent entendu parler ici des « dodus dormants ». Cela ne veut pas dire que toutes les structures HLM sont en difficulté, mais, très simplement, qu’il y a une grande diversité. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de restructurer et de mutualiser ces organismes.
M. Pierre Ouzoulias. Plus de 4 milliards pour les riches !
M. Gilbert Roger. Où est la rente ?
M. Jacques Mézard, ministre. Ma porte, comme celle du secrétaire d’État, est toujours ouverte pour dialoguer avec les bailleurs sociaux et elle le restera ! M. le Premier ministre a fait des propositions de compensation qui ne sont pas neutres. Je vais poursuivre ce dialogue avec l’ensemble du Gouvernement. Je suis certain que nous trouverons, c’est le cas de le dire, des solutions constructives. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, vous apprécierez la réponse à ma question…
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que la dette de l’État envers les organismes HLM s’élève à 2 milliards d’euros. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Vous faites ces économies pour financer votre réforme de l’ISF : c’est une politique de classe.
Pour reprendre les mots de Jules Renard, « si on doit fêter votre politique du logement, la plus grande pièce sera la salle d’attente ! » (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
lutte contre la pauvreté