M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Yannick Vaugrenard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Nous célébrons aujourd’hui, mardi 17 octobre, la Journée mondiale du refus de la misère.
La France, classée parmi les pays dits « riches », n’échappe cependant pas à la pauvreté, qui touche près de 9 millions de nos concitoyens.
Ce sont fréquemment les mêmes qui ont à supporter la double peine : être pauvres et stigmatisés. Trop souvent, la méfiance, voire la défiance, l’emporte sur la confiance. Trop souvent, il est question d’assistés, alors que nous devrions parler d’ayants droit de notre démocratie. Trop souvent, l’isolement est le compagnon de la misère. Trop souvent, enfin, les complexités administratives sont les causes du non-recours, estimé à près de 10 milliards d’euros par an.
Dans notre France des droits de l’homme, un enfant sur cinq est pauvre, et même un sur deux dans nos zones urbaines sensibles. Oui, ceci est condamnable ; oui, ceci est intolérable.
Quelques avancées nécessaires ont eu lieu, mais elles restent très insuffisantes face à l’ampleur du fléau. C’est d’un véritable plan de lutte pour l’éradication de la pauvreté dont notre société a besoin. C’est cela qu’il faut mettre en œuvre, en liaison étroite avec les associations caritatives et humanitaires.
Jamais la lutte contre la pauvreté ne doit servir de variable d’ajustement budgétaire.
Monsieur le Premier ministre, quelle est votre ambition sur cette question majeure, à la fois sociale et sociétale ? Quelles mesures comptez-vous prendre ?
Mes chers collègues, un de nos illustres prédécesseurs, Victor Hugo, écrivait : « L’homme est fait, non pas pour traîner des chaînes, mais pour ouvrir des ailes ». S’attaquer sans relâche à ce drame de la misère, c’est aussi ouvrir un peu plus les ailes de notre démocratie. Alors, faisons-le ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Gouvernement… Pardon, avec le Parlement – le Gouvernement, il s’en débrouille ! (Sourires.) –, porte-parole du Gouvernement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Voilà un accueil chaleureux, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Vaugrenard, quelle que soit notre place dans cet hémicycle, la lutte permanente contre la pauvreté nous rassemble tous.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, le constat est dramatique : 3 millions d’enfants, soit un enfant sur cinq, sont en situation de grande pauvreté ; 36 % des familles monoparentales sont touchées par la pauvreté – ce chiffre monte à 70 % dans le cas des mères isolées sans travail. Telle est la réalité dans notre pays.
En ce 17 octobre, nous célébrons un triste anniversaire, celui de la trentième journée internationale de lutte contre la pauvreté.
Vous avez raison, monsieur le sénateur : nous devons agir à tous les niveaux. C’est ce que le Gouvernement fait, en matière d’éducation, quand il décide d’investir massivement dans les quartiers les plus difficiles de notre République en dédoublant les classes dans les REP+.
Le Gouvernement agit aussi en matière de logement, à travers le programme « logement d’abord », qui s’adresse à celles et ceux qui, exclus du logement, sont notamment obligés de séjourner à l’hôtel. Nous sommes mobilisés pour ces personnes. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Et vous supprimez l’ISF !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Le Gouvernement agit aussi dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018… (Exclamations redoublées sur les mêmes travées.)
Puisque vous évoquez l’ISF, je citerai à mon tour Victor Hugo en disant qu’« il faut savoir limiter la pauvreté sans limiter la richesse ». (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Il y a celles et ceux qui considèrent que l’on peut dépenser ce que l’on n’a pas produit et il y a ceux qui pensent qu’il faut produire pour pouvoir dépenser, protéger et aider les femmes et les hommes dans cette grande difficulté.
C’est tout le sens de l’action que nous portons dans le projet de loi de finances, dont je ne doute pas que vous votiez les mesures de revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés ou de minima sociaux qui, mesdames, messieurs les sénateurs, n’ont pas été augmentés depuis cinq ans. Voilà la réalité du projet de loi de finances !
Mais le Président de la République veut aller plus loin : il a réuni ce matin l’ensemble des acteurs de la lutte contre la grande pauvreté pour définir avec eux, et avec ceux qui sont concernés, un plan d’action qui doit tous nous mobiliser. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
déserts médicaux
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe République et Territoires/Les Indépendants.
M. Daniel Chasseing. Ma question s'adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé ; elle porte sur les déserts médicaux.
L’absence de médecins condamne les territoires à la désertification : pas de retour des retraités ; pas d’implantation de jeunes ; pas de tourisme, pas d’économie ; établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et pharmacies en grande difficulté…
Les progrès technologiques, comme la télémédecine, constituent un plus pour le médecin, mais ne sauraient le remplacer.
Vous avez proposé un plan qui va dans le bon sens entre incitations financières, développement des maisons de santé et mise en place d’actions nouvelles telles que collaboration entre secteur public et privé, cumul emploi-retraite, libération du temps médical, consultations avancées, rémunération des maîtres de stage…
Permettez-moi d’émettre quelques propositions complémentaires : augmenter le numerus clausus, sachant que 20 % des diplômés ne s’installent pas et ne remplacent personne ; instaurer un internat par faculté, en fonction des besoins du territoire ; renforcer les stages du deuxième cycle chez le médecin généraliste ; instaurer un internat de six mois chez le praticien, l’interne épaulant le médecin ; installer, comme de nombreux jeunes le souhaitent, des médecins salariés à même d’intervenir dans les maisons de santé pluridisciplinaires, embauchés par une association hôpital-mairie ou hôpital-département ou par un groupement hospitalier de territoire qui évoluerait juridiquement ; étudier des solutions plus contraignantes telles que le non-conventionnement des praticiens s’installant en zone hyperdense ou l’engagement de l’État pour qu’aucune maison de santé ne reste sans médecin – interne sous la responsabilité d’un médecin référent hospitalier ou intervention d’un jeune diplômé, éventuellement salarié, sur une période à définir.
La République doit garantir l’accès aux soins de premier recours par la présence d’un médecin dans les maisons de santé du territoire.
Je vous remercie, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, de votre réponse, très attendue, notamment dans les zones rurales. (Applaudissements sur toutes les travées.)
M. Philippe Dallier. Quel succès !
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires. (Encore ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Chasseing, vous représentez le département de la Corrèze, département béni des Présidents de la République (Sourires.), où il y a manifestement un manque de médecins.
Je connais bien cette problématique qui concerne nombre de territoires ruraux, mais aussi les quartiers fragiles dont nous parlions voilà quelques instants.
Vos propositions vont dans le bon sens. Le plan présenté par la ministre des solidarités et de la santé, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, correspond parfaitement aux mesures que vous souhaitez. Nous prendrons en considération les nouvelles mesures que vous venez de proposer, mais sachez que ce plan prévoit la création de 300 postes d’assistants partagés, salariés par l’hôpital, qui pourront exercer à la fois dans une structure hospitalière et dans des structures ambulatoires dans les zones sous-denses.
Le plan prévoit également le doublement du nombre des maisons de santé – 1 000 sur le quinquennat – grâce aux 400 millions d’euros dédiés dans le plan d’investissement et le renforcement des aides à l’installation avec un budget de 200 millions d’euros.
Le plan permet aux généralistes retraités, et nous connaissons l’importance de cette mesure dans nos territoires, d’avoir une activité à temps partiel. Il s’agit d’un bon signal.
Enfin, vous avez évoqué le contrat d’adjoint dans les zones sous-denses qui permet à un étudiant en médecine d’exercer en même temps qu’un autre médecin, installé en soutien.
Cet ensemble de mesures, auquel peuvent s’ajouter d’autres dispositions, va dans le sens que vous souhaitez.
Nous réfléchissons à l’ouverture du numerus clausus, monsieur Chasseing, mais une telle mesure, dont les effets ne se feraient pas sentir avant dix ans, ne permettrait pas de résoudre les problèmes à court terme.
Ces quelques éléments de réponse vont donc dans le sens de votre excellente question, docteur Chasseing. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre, avec Mme la ministre des solidarités et de la santé, soyez pour la santé ce que Jules Ferry a été pour l’école, en permettant l’accès à un médecin pour les soins de premier recours dans toutes les maisons de santé du territoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe République et Territoires/Les Indépendants, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
notre-dame-des-landes
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe Priou. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne le projet d’aéroport du Grand Ouest. (Ah ! et marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
De nombreux élus locaux se trouvent confrontés à des citoyens, qui, s’inspirant de la non-application du droit sur la zone de Notre-Dame-des-Landes, s’affranchissent eux aussi de la réglementation, notamment en matière d’urbanisme.
Comment comptez-vous rétablir l’état de droit, alors même que les élus locaux font face à un phénomène contagieux de désobéissance civile en raison de l’inertie de l’État ?
Par ailleurs, les médiateurs dits « indépendants » n’ont pas trouvé le temps d’auditionner les collectivités membres du syndicat mixte de l’aéroport. L’unique contact établi consistant en un bref appel téléphonique au maire de Saint-Nazaire, à 15 heures, pour un rendez-vous à 17 heures à Nantes.
Expliquez-nous, monsieur le Premier ministre, comment ont été choisis ces médiateurs dits « indépendants ». Dans le même temps, pouvez-vous nous faire part du résultat des études complémentaires et nous expliquer comment ont été sélectionnés et mandatés les cabinets d’études ?
Le devoir de vérité et de clarté s’impose pour répondre à une population, et à ses élus, qui se sentent floués et abusés après un référendum dont le résultat, en faveur de la réalisation de cet aéroport, est pourtant incontestable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je tiens tout d’abord à saluer le travail considérable d’ores et déjà réalisé par la mission de médiation sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes.
La mission a auditionné plus de 150 personnes selon une méthode qui a permis de nouer le dialogue à la fois avec les partisans du transfert et les opposants.
M. Bruno Retailleau. Ah non !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Chacun peut avoir accès à la mission, mais j’ai bien noté les cas particuliers que vous avez évoqués et que je signalerai moi-même.
La mission mène un travail d’analyse technique qui doit mettre en lumière, de manière factuelle et impartiale, les avantages et les inconvénients de chacune des options.
Dans ce cadre, la lettre de mission prévoyait bien qu’elle recoure à des expertises, menées sur la base d’un protocole strict et dans le respect des règles de la commande publique. Ces expertises seront rendues publiques et chacun pourra comparer et analyser les résultats et les méthodes de ces travaux.
Je sais que ces derniers sont suivis avec une attention et une vigilance toutes particulières, tant par les partisans que par les opposants à ce transfert. J’entends les impatiences, mais le moment est à l’analyse et à l’écoute. Chacun, dans un esprit de responsabilité, doit permettre à la mission de mener son travail sereinement.
Vous pouvez noter que le Gouvernement a fait preuve à la fois de diligence et de transparence sur la méthode dès son arrivée. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle que la mission a été lancée le 1er juin, soit moins de quinze jours après l’installation du Gouvernement. Ce rapport sera remis en décembre prochain pour éclairer les choix du Gouvernement sur les options en présence. Nous prendrons alors nos responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche – M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour la réplique.
M. Christophe Priou. Madame la ministre, vous ne nous avez pas convaincus sur l’indépendance des experts.
Ils auraient pu être rejoints par d’autres experts aussi indépendants que Mme Duflot ou M. Mamère… Je force à peine le trait, puisque deux des trois experts étaient notoirement opposés au projet actuel avant leur nomination.
Les déclarations médiatiques du ministre d’État en charge de la transition écologique et solidaire, qui met sa démission dans la balance, ne sont pas de nature à nous rassurer.
Je ne peux que l’inviter à méditer l’adage de Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre et ancien sénateur, sur le temps du silence et la parole ministérielle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
finances locales ultramarines
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe La République En Marche.
M. Georges Patient. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer.
Dans une Guyane qui ne s’est toujours pas apaisée depuis les événements de mars et avril derniers, deux sujets très brûlants exaspèrent les habitants.
Le premier concerne l’immigration clandestine, qui se poursuit à un rythme effréné : plus de 11 000 demandes d’asile, soit autant qu’en France hexagonale, recensées dans un territoire de 250 000 habitants, à tel point que certains n’hésitent pas à parler de « génocide par substitution ».
Le second sujet de crispation porte sur le respect des accords de Guyane et leur absence de visibilité dans les documents budgétaires et dans le grand plan d’investissement.
Je veux espérer que le Président de la République, qui se rend en Guyane en fin de semaine prochaine, apportera à la population les réponses attendues sur ces deux questions incontournables.
Je voudrais cependant surtout évoquer devant vous le dernier rapport de la Cour des comptes, d’une violence inédite à l’égard des élus d’outre-mer. Dans la foulée de cette charge, le président de la chambre régionale des Antilles-Guyane, sortant de son rôle, car s’y sentant autorisé, appelle la population à sanctionner les élus ! En outre-mer tout paraît permis…
Une telle posture de la Cour des comptes est d’autant plus désolante que ce rapport est parsemé d’erreurs grossières. En effet, pour étayer sa démonstration, qui consiste à dire que les collectivités d’outre-mer sont très riches et que leurs difficultés financières découlent uniquement d’une mauvaise gestion, la Cour n’hésite pas à faire des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être.
Pourquoi une telle charge, alors que nous savons tous que les collectivités d’outre-mer se trouvent dans une impasse budgétaire structurelle ? Est-ce pour masquer les graves manquements dont elles pâtissent en matière de péréquation ?
La Cour finit tout de même par reconnaître cette situation dans son rapport, pour la première fois. Les représentants des villes capitales des outre-mer et moi-même ne cessons pourtant de le clamer haut et fort depuis dix ans. Il s’agit toutefois d’une avancée majeure…
M. le président. Veuillez poser votre question !
M. Bruno Sido. Il n’en a pas ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Georges Patient. J’en ai deux, et ce sont les suivantes. (Nouveaux sourires.) Quel train de vie peuvent mener les communes des DOM dans un tel contexte de pénurie financière ? Quelles mesures comptez-vous prendre, madame la ministre, pour permettre aux communes des DOM de bénéficier, dès 2018, d’une péréquation juste et équitable ? (M. Alain Bertrand applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, la Cour des comptes a mis en lumière, dans son dernier rapport, la situation financière des collectivités locales d’outre-mer, plus dégradée que celles de métropole. En cela, elle est dans son rôle, et je ne ferai aucun commentaire sur ses conclusions.
Toutefois, comme vous, je veux affirmer ici que les collectivités d’outre-mer sont confrontées à des défis propres que ne peut occulter le débat sur leur situation financière. C’est vrai de la Guyane, où l’explosion démographique et la taille des communes constituent des enjeux majeurs. Ces collectivités, les seules en France à être confrontées à ce type de défis, sont insuffisamment armées pour y faire face.
Les accords de Guyane ont traduit l’engagement et la solidarité du Gouvernement en 2017, avec 89 millions d’euros supplémentaires fléchés vers la collectivité territoriale et les communes. Ces dernières bénéficieront également d’un surcroît de recettes lié à l’octroi de mer qui s’élèvera, à terme, à 27 millions d’euros.
Plus généralement, l’ensemble des territoires d’outre-mer vit au quotidien l’éloignement, l’insularité ou l’enclavement et connaît des taux moyens de pauvreté et de chômage sans équivalent dans l’Hexagone. Là aussi, monsieur le sénateur, je vous rejoins.
La Conférence nationale des territoires, mise en place par le Gouvernement, a lancé une mission chargée de proposer un contrat de mandature aux collectivités. Dans ce cadre, je veille à ce que les particularités des outre-mer soient bien prises en compte.
J’ai moi-même demandé, afin d’alimenter ces débats avec des données spécifiques, à ce qu’un rapport soit rendu, au 1er semestre 2018, sur les structures des charges et des recettes des collectivités ultramarines.
Monsieur le sénateur, je le dis souvent : il n’y a pas pour moi de sujet tabou, et la transparence est au cœur de ma méthode ; nous continuerons à œuvrer dans cet esprit. L’enjeu est clairement posé, les termes du débat doivent être équilibrés, les chiffres précis. Nous débattrons de tous ces sujets. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
états généraux de l’alimentation
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la Mutualité sociale agricole dénonce le fait qu’en 2016 un tiers des agriculteurs français ont gagné moins de 350 euros par mois.
M. Bruno Sido. C’est un scandale !
M. Pierre Cuypers. L’urgence est donc déclarée.
Dans le contexte actuel des états généraux de l’alimentation, le Président de la République a formulé un certain nombre de propositions : « redonner du pouvoir d’achat à nos agriculteurs en leur donnant la possibilité de proposer eux-mêmes un contrat aux groupes agroalimentaires avec une prise en compte des prix de production et avec la mention obligatoire des coûts de revient inscrite dans les contrats » et « soutenir […] le relèvement du seuil de revente à perte ».
Prendre de telles dispositions sera selon lui possible si les agriculteurs se structurent en filières et en interprofessions fortes, portant chacune un projet de transformation : permettez-nous d’en douter pour le moment !
La nature et le calendrier de mise en œuvre de ces engagements sont très approximatifs et restent bien évidemment à définir.
Changer de modèles productifs, peut-être, mais arrêter certaines productions ne s’inscrivant pas dans la concurrence internationale, comme évoqué par le Président de la République, serait catastrophique et fatal. Il faut veiller à donner à notre agriculture les moyens de sa compétitivité.
Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de me préciser comment le Gouvernement entend donner suite à ces propositions et de présenter un calendrier. Renvoyer la définition des modalités d’application aux années à venir serait adresser un mauvais signal. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Cuypers, vous avez certainement été, comme moi, attentif au discours du Président de la République, qui redonne du souffle à notre agriculture (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) afin que les agriculteurs puissent demain vivre dignement des revenus de leur activité.
Dans cette perspective, notre action repose sur plusieurs volets.
Il convient d’abord d’inverser la construction des prix, en partant des prix de revient des producteurs pour remonter aux transformateurs et aux distributeurs, afin que chacun des acteurs puisse être justement rémunéré.
Ensuite, le Président de la République a souhaité que les agriculteurs puissent se regrouper en organisations de producteurs pour avoir plus de force, afin que le triptyque transformateurs-distributeurs-producteurs soit triplement gagnant.
Enfin, d’ici à la fin de l’année, nous présenterons au Président de la République, en nous appuyant sur le travail des filières, un plan de restructuration de celles-ci visant à mieux les armer pour répondre demain à la concurrence européenne et mondiale, à les doter d’une vision d’avenir, à leur donner la capacité d’investir et d’innover. Tel est le visage de l’agriculture de notre pays, de la « ferme France », que nous souhaitons pour demain.
Nous avons déjà bouclé le premier chantier, portant sur la création et la répartition de la valeur. Nous souhaitons, au travers du deuxième chantier que nous avons lancé ces derniers jours, permettre aux consommateurs de notre pays de bénéficier d’une alimentation saine, durable et accessible à tous. Cela signifie miser sur la qualité, faire monter nos aliments en gamme vers une qualité « premium », tout en faisant en sorte que le budget moyen du consommateur ne soit pas altéré. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Dans cette perspective, nous disposons d’un certain nombre d’outils. Dès le premier semestre prochain, nous présenterons un projet de loi visant à faire en sorte que la « ferme France » soit demain en mesure de faire face aux défis et aux enjeux qui l’attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour la réplique.
M. Pierre Cuypers. Monsieur le ministre, nous n’avons pas entendu ou lu la même chose !
L’enjeu primordial est de permettre à tous les agriculteurs de vivre de leur travail et de mettre en place des politiques propres à les accompagner, à les soutenir, au lieu de les entraver. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
harcèlement
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Angèle Préville. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Longtemps, les femmes se sont tues, parce que le moyen de survie en milieu hostile est d’être comme étranger à soi-même. Les femmes en phase de dissociation après une agression ne parlent pas. Mais la parole des femmes vient de se libérer, au travers de dizaines de milliers de tweets. Devant cette clameur qui s’élève, que comptez-vous faire, madame la secrétaire d’État ? Ce cri qui s’étouffait dans nos gorges, le voilà enfin audible par le truchement des réseaux sociaux. Sa portée est considérable, et il doit être non seulement entendu, mais vraiment pris en compte. Des mesures concrètes, d’application rapide, doivent être prises pour venir au secours des femmes qui ont osé s’exprimer.
Mais agir ne doit pas seulement consister à panser les plaies ; il faut s’attaquer aux racines du mal.
Peut-on envisager la tenue d’un débat de moralisation générale qui permettrait de mettre en question la pornographie accessible à tous, notamment à nos enfants, la publicité qui entretient l’idée que nous, les femmes, sommes des objets ? Sans oublier l’éducation des garçons, peut-on envisager la mise en œuvre d’un volet pédagogique d’information des filles, absolument nécessaire et aujourd’hui cruellement absent, sur les dangers d’être une femme dans notre société ? Qu’envisagez-vous concernant ces hommes de pouvoir ayant abusé de leur position dominante pour contraindre des femmes à ce qu’elles ne voulaient pas ? Je me prends à rêver –c’est un rêve subversif ! – que, dans les entreprises ou les administrations, les présidents, les directeurs, les chefs d’équipe ayant fauté soient systématiquement remplacés par des femmes.
Enfin, je pense aux femmes qui ne peuvent s’exprimer, celles qui sont victimes de violences dites pudiquement « conjugales ». C’est un crime de masse qui est passé sous silence et qui concerne environ 130 femmes par an. Que proposez-vous de concret pour réduire le nombre de ces victimes ? Peut-on envisager une médiatisation à la fois nationale, par une information claire dans les journaux, et locale,…
M. le président. Veuillez conclure.
Mme Angèle Préville. … comme cela se pratique en Espagne, où l’on installe à l’entrée des villes ou sur les places des silhouettes figurant les victimes, avec mention de leur nom et de la date du décès ?
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Angèle Préville. Ce scandale enfin révélé vous interpelle et vous oblige, madame la secrétaire d’État. J’attends votre réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche.)