M. Ronan Dantec, rapporteur. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Genest. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui défend des principes auxquels chacun ici souscrit pleinement : favoriser l’accès de chacun, quelle que soit sa condition matérielle, à l’eau potable et au réseau d’assainissement. Toutefois, elle est aussi tout à fait anachronique, non pas en raison des valeurs qu’elle défend – la dignité et la promotion de l’hygiène sont des valeurs que la République a portées haut au travers de ses politiques de santé publique, de ses programmes sociaux et de l’enseignement de ses hussards noirs et qui doivent continuer de guider l’action des élus d’aujourd’hui et de demain –, mais en raison de plusieurs de ses dispositions. Ainsi, les mesures visant à répondre aux besoins en eau potable des personnes rencontrant de grandes difficultés sont déjà appliquées, et depuis fort longtemps, par les départements et les comités communaux d’action sociale, les CCAS.
Monsieur le rapporteur, les élus locaux n’ont pas attendu l’initiative de quelques députés hors sol pour organiser la solidarité sur leur territoire. Au contraire de la logique de ces dispositions, le suivi de ces questions par le CCAS, organisme local, permet d’accompagner les foyers fragilisés, et cette proximité garantit que l’aide offerte soit en adéquation réelle avec les besoins exprimés. Croyez-moi, cela sera toujours plus efficace qu’un dispositif complexe et bureaucratique !
En outre, le texte issu de la commission souffre d’un autre anachronisme : il a le côté « vintage » de la France jacobine d’hier et de son hyper-réglementation.
M. Ronan Dantec, rapporteur. Moi, je défends la France jacobine ?
M. Jacques Genest. L’heure n’est plus à l’ajout de normes accablant les forces vives et les élus de notre pays, monsieur le secrétaire d’État. Il devient au contraire furieusement d’actualité de limiter les contraintes pesant sur ceux qui agissent, en ne perturbant pas, par des textes dont l’interprétation et l’exécution seraient sujettes à caution, les initiatives qui fonctionnent bien. Je pense notamment à la question des réseaux d’assainissement et d’eau potable, auxquels chaque habitant résidant sur le territoire de la commune, mais en dehors des dessertes prévues par le schéma de distribution pourrait réclamer un raccordement. Cela représenterait un coût considérable pour les communes rurales, déjà soumises à de lourdes contraintes budgétaires.
Certes, nous avons eu un léger soulagement lorsque nous avons constaté que l’Assemblée nationale avait supprimé la taxe imposée aux producteurs d’eau en bouteille, une mesure aussi injuste qu’économiquement archaïque. Cela dit, pourquoi l’État, qui puise chaque année dans le fonds de roulement des agences de l’eau, n’offrirait-il pas à celles-ci un peu de répit afin qu’elles puissent subventionner, à bon droit, les installations exigées par cette proposition de loi ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. C’est justement dans le texte !
M. Jacques Genest. Ainsi, mes chers collègues, je voterai contre ce texte, mais, dans une logique constructive, j’invite M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État à prendre connaissance des propositions faites par le groupe de travail sur la simplification législative du droit de l’urbanisme, de la construction et des sols, où ils trouveront une inspiration pour le futur. De même, en consultant le texte de la proposition de résolution adoptée hier dans cet hémicycle sur l’initiative de notre collègue Rémy Pointereau, visant à améliorer la gestion de l’eau, ils trouveront des idées pour rendre l’eau moins chère et mieux distribuée, au service de tous.
Puisque vous avez répondu à M. Pointereau, monsieur Desessard, je me permets de répondre à vos propos insultants pour les élus locaux, notamment ruraux. Étant président des maires ruraux de l’Ardèche, je peux vous garantir qu’il n’y a pas d’Ardéchois qui n’ait pas l’eau. Confondez-vous la France avec un pays sous-développé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. Jean Desessard. Je parlais des grandes villes !
M. le président. La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi repose sur des valeurs de solidarité et de générosité. On peut s’en féliciter, mais, en pleine campagne électorale, cela peut aussi sembler gratifiant pour ses auteurs… Or le pragmatisme doit guider nos travaux et nous donner la faculté de nous abstraire de considérations dont l’unique vertu serait de flatter nos propres consciences tout en essayant de séduire les électeurs.
Ce texte est la triste mais habituelle illustration de cette incapacité à résister aux propositions d’affichage dont les mesures sont à la fois inutiles et contre-productives.
Elles sont d’abord inutiles. Notre collègue Ronan Dantec, le rapporteur, nous l’a prouvé sans le vouloir en recensant les différents dispositifs, qui sont nombreux, existant pour venir en aide aux personnes ayant des difficultés à payer leurs factures d’eau.
Il existe dans les municipalités, au travers des centres communaux d’action sociale, des dispositifs d’aide pour les ménages démunis. À l’échelle des départements, dans le cadre du Fonds de solidarité pour le logement, une ligne budgétaire a vocation à aider les familles en difficulté ; en 2010, 10 millions d’euros ont ainsi été consacrés à la prise en charge des impayés d’eau. N’oublions pas non plus la loi de notre excellent collègue François Brottes de 2013, qui prévoit une expérimentation sur cinq ans ; cinquante collectivités se sont portées volontaires. Aussi, ne brûlons pas les étapes, expérimentons !
Respectons aussi, plusieurs orateurs l’ont dit, les élus locaux. Il faut leur faire plus confiance.
M. Charles Revet. Eh oui ! Ils sont sur le terrain !
M. Christian Cambon. Absolument !
M. Michel Raison. Trop de lois veulent leur dicter un certain nombre de règles ; laissons-leur de la liberté, de l’oxygène.
Par ailleurs, on a interdit en 2014 aux distributeurs de couper l’eau toute l’année, quels que soient les consommateurs. Ce texte est donc inutile.
Il est en outre contre-productif du point de vue du financement. En effet, je rappelle que les collectivités territoriales ont été privées de 11 milliards d’euros de dotations au cours du quinquennat.
M. Charles Revet. Absolument !
M. Michel Raison. Du coup, les investissements dans ces mêmes collectivités ont baissé de près de 5 milliards d’euros…
M. Ronan Dantec, rapporteur. On en récupère 60 millions !
M. François Bonhomme. Un chèque sans provision !
M. Michel Raison. … et, vu les difficultés financières de l’État, il serait très surprenant que l’on revienne un jour là-dessus.
M. Jean-Pierre Bosino. Il y a 80 milliards d’euros de fraude fiscale, donc ça devrait aller…
M. Michel Raison. D’ailleurs, lors de son discours à l’Assemblée nationale, Mme la secrétaire d’État Barbara Pompili ne semblait pas vraiment emballée par ce texte.
Il me semble également nécessaire de rappeler que, depuis cinq ans, les ménages ont vu leurs prélèvements obligatoires augmenter de 83 milliards d’euros et les entreprises ont vu les leurs croître de 20 milliards d’euros, soit plus de 100 milliards d’euros au total.
M. Jean-Pierre Bosino. Et les 40 milliards d’euros du CICE !
M. Michel Raison. En outre, les dépenses de l’État ont augmenté de 94 milliards d’euros. N’en rajoutons pas plus ! L’affichage semble aussi séduisant que des mesures proposées par certains candidats populistes à l’élection présidentielle – je pense en particulier au revenu universel.
M. Martial Bourquin. Oh !
M. Michel Raison. Aussi, mes chers collègues, je ne me laisserai pas séduire par ce texte, je voterai contre cette proposition de loi, qui me semble inutile, puisque les outils existent déjà,…
M. Ronan Dantec, rapporteur. Mais non !
M. Michel Raison. … et parce que je souhaite que l’on continue de faire confiance aux élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement
Article 1er
(Non modifié)
I. – Le titre Ier du livre III de la première partie du code de la santé publique est complété par un chapitre IV intitulé : « Droit à l’eau potable et à l’assainissement » et comprenant un article L. 1314-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1314-1. – Le droit à l’eau potable et à l’assainissement comprend le droit, pour chaque personne physique dans des conditions compatibles avec ses ressources :
« 1° De disposer chaque jour d’une quantité suffisante d’eau potable pour répondre à ses besoins élémentaires ;
« 2° D’accéder aux équipements lui permettant d’assurer son hygiène, son intimité et sa dignité ;
« 3° (Supprimé)
« L’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics concourent à la mise en œuvre du droit à l’eau potable et à l’assainissement. »
II. – Au deuxième alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’environnement, après le mot : « potable », sont insérés les mots : « et à l’assainissement ».
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Reichardt, Grand, Kennel, Vaspart et Cornu, Mmes Mélot et Estrosi Sassone, MM. Bizet, Commeinhes, Cardoux, Cambon et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Magras, Mme Morhet-Richaud, MM. de Raincourt, Morisset, Carle, Masclet, Chaize, Calvet, Danesi, de Nicolaÿ, B. Fournier, Laménie, Mouiller, Vogel et Savary, Mme Lopez, M. D. Laurent, Mmes Giudicelli et Deromedi, MM. Mandelli et Vasselle, Mme Deseyne, MM. Pierre, Genest et Darnaud, Mme Gruny, MM. Gremillet et Raison, Mme Garriaud-Maylam et M. Rapin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Cet amendement tend à supprimer l’article 1er pour plusieurs raisons.
D’abord, cette disposition a une portée normative pour le moins discutable ; son effectivité pourra largement être remise en question.
Ensuite, elle pourrait bouleverser l’équilibre qui résulte des dispositions de la section 2 du chapitre IV du titre II du livre II du code général des collectivités territoriales sur le service public de l’eau et de l’assainissement et de la jurisprudence y afférent. En effet, les dispositions précitées prévoient que les communes arrêtent un schéma de distribution d’eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution, c’est-à-dire les zones dans lesquelles l’obligation de desserte s’applique. Par voie de conséquence, si une construction ne figure pas dans une telle zone desservie par le réseau distribution, la commune n’a pas d’obligation de raccordement. Tel est le sens donné à ces dispositions par le Conseil d’État, qui a considéré qu’une collectivité territoriale n’a pas l’obligation de raccorder au réseau public d’eau potable un hameau éloigné de l’agglomération principale.
Si l’on ne supprime pas cette disposition, le droit à l’eau pourra entraîner des obligations pour les communes, ce qui engendrera des coûts supplémentaires que la baisse actuelle des dotations empêche de financer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. On peut entendre que telle ou telle disposition technique de la présente proposition de loi fasse débat, mais, dans le cas précis, il s’agit simplement de référence aux engagements pris par la France sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
M. Rémy Pointereau. Vous le regrettez ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Je suis donc très surpris par la volonté de supprimer l’article 1er. Je n’avais pas compris que la majorité sénatoriale souhaitait détricoter le bilan international de l’ancien président…
Il se trouve en outre que le droit d’accès à l’eau a été consacré par la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite LEMA. Ce principe existe donc déjà ; on précise simplement les choses et on les sécurise.
On peut discuter de l’article 2 ou de l’article 3 – on va le faire –, mais vouloir supprimer l’article 1er, qui reprend l’engagement de la France sur le droit à l’eau et précise le dispositif par rapport à une loi précédente qui, à la limite, imposait plus d’obligations aux collectivités territoriales, j’avoue que je ne comprends pas…
M. Roland Courteau. Il ne faut pas chercher à comprendre !
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cela dit, même si je voulais vous exprimer mon incompréhension totale de cet amendement, je suis là pour donner l’avis de la commission, qui a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, par crainte, en particulier, qu’il ne crée une obligation de desserte pour les collectivités territoriales.
Cette crainte n’est pas fondée, car les compétences des collectivités territoriales en matière d’assainissement collectif et non collectif ne sont pas remises en cause. Les collectivités auront toujours la responsabilité de l’établissement des zones d’assainissement non collectif en tenant compte de l’intérêt pour l’environnement et la salubrité publique et des coûts que représente une installation collective, comme cela est prévu dans le code général des collectivités territoriales.
Le Gouvernement est donc défavorable à la suppression de cet article, qui permet notamment de définir le droit d’accès à l’eau et de mettre en cohérence les différents codes traitant de ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, vous nous montrez où vous voulez aller.
Mon cher collègue – je ne citerai pas votre nom pour éviter…
M. Rémy Pointereau. Une collusion ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. … un reproche supplémentaire –, vous nous dites que ce texte défend de grandes idées, auxquelles personne ne peut être défavorable dans un hémicycle composé de parlementaires, mais que, ce qui vous intéresse vraiment, c’est que ces idées n’entrent pas en application.
M. Christian Cambon. Ce n’est pas ce qu’on a dit !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas bien vis-à-vis de nos concitoyens qui doutent aujourd'hui de la politique, justement parce que, à longueur de meetings, de réunions publiques ou d’émissions télévisées, on affiche de grandes intentions et que, quelques mois plus tard, au moment d’agir, on ne les traduit pas en actes en raison de leur coût, de résistances ou de l’inertie.
Par cet amendement, vous montrez que vous n’avez vraiment pas envie d’appliquer ce droit fondamental à l’eau pour tous. Remarquez, au moins, vous êtes cohérents… Mais vous devriez cesser de voter des textes affichant de grandes intentions et de dire que vous voulez que tout le monde puisse bénéficier des mêmes droits, des mêmes possibilités et des mêmes services, alors que vous pensez fondamentalement qu’il est préférable de ne pas les mettre en application, dès lors que cela a un coût.
Vous nous annoncez des lendemains qui chantent, alors que je vous ai montré que la mise en œuvre de ce droit à l’eau sera positive aussi bien pour les collectivités locales que pour les territoires.
Enfin, vous m’avez repris sur les communes rurales, mon cher collègue. Or ce n’est pas dans les rues des communes rurales que les gens font le plus leurs besoins, c’est effectivement plutôt dans les grandes villes. Je peux vous assurer que le fait de voir des personnes dans des situations désespérées ne pas avoir accès à l’eau et à l’assainissement dans les grandes villes me révolte. Cela vaut le coup de voter cette proposition de loi pour remédier à cette situation inacceptable !
M. Joël Labbé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, pour explication de vote.
M. Philippe Madrelle. Le groupe socialiste et républicain votera contre cet amendement, car il tend à détruire le fondement même de ce texte, qui est de rendre leur dignité aux personnes qui sont privées d’accès à l’eau potable.
À l’Assemblée nationale, cette question a fait l’objet d’un accord transpartisan et d’un vote unanime. Nous ne comprenons pas cette opposition systématique, cette volonté d’obstruction.
M. Jean Desessard. C’est politique !
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour explication de vote.
M. Christian Cambon. Je ne peux pas laisser passer les affirmations de M. Desessard sur l’attitude de la majorité sénatoriale concernant le droit à l’eau.
En février 2011, j’ai eu l’honneur de faire adopter ici, dans cette assemblée, une proposition de loi, également votée par l’Assemblée nationale, qui met en place un dispositif curatif pour aider les familles qui ne sont pas en mesure de payer leurs factures d’eau quand leur montant excède les fameux 3 % édictés par l’OCDE.
Un certain nombre de collègues – je remercie en particulier Jean-Claude Requier – ont eu la gentillesse de rappeler le bilan de cette loi, qui a permis d’aider plus de 300 000 familles grâce aux 10 millions d’euros dépensés par les FSL, eux-mêmes alimentés par les distributeurs d’eau, qu’il s’agisse d’opérateurs publics ou privés, car il ne s’agit pas de distinguer la régie de la délégation de service public.
Par ailleurs, ce dispositif est complété par une décision du Conseil constitutionnel, qui interdit formellement de procéder à des coupures d’eau.
Enfin, comme vous le faites observer, et comme nous le constatons nous-mêmes en tant que maires ou élus de nos communes, il existe des personnes ou des familles déshéritées occupant des locaux qui ne sont pas desservis par l’eau courante. Croyez-vous sincèrement que les maires ou les CCAS laissent perdurer ce genre de situation ? Je me retrouve donc dans les propos tenus par ceux de nos collègues qui défendent les collectivités locales et les maires, ce qui est notre rôle ici.
Nous sommes tous sensibles à cette détresse. Simplement, nous proposons d’autres dispositifs que ces mesures générales visant à distribuer des allocations. Nous avons déjà eu ce débat dans l’hémicycle lorsqu’il a été question de distribuer des mètres cubes d’eau à tout le monde, y compris à vous et à moi. Pour quelle utilité ? Il vaut mieux cibler l’aide et faire en sorte qu’elle aille à celles et à ceux qui en ont besoin.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et montrent que, globalement, à quelques exceptions près, les dispositifs actuels sont efficaces. Au passage, vous avez évoqué les toilettes publiques, mon cher collègue. Je ne crois pas que ce soit au Sénat d’examiner cette question mais plutôt aux maires. Mme Hidalgo n’a qu’à mieux s’occuper des rues de Paris et tout le monde y trouvera son compte !
Les dispositifs actuellement en vigueur méritent certainement d’être évalués, mais les chiffres montrent, je le répète, qu’ils répondent très largement à cette nécessité de respecter le droit à l’eau pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roland Courteau. Insuffisant !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je voudrais manifester mon incompréhension.
J’ai bien saisi la nature du débat, que nous retrouverons un peu plus tard, sur le manque de précision du dispositif ou, éventuellement, le caractère superfétatoire de telle ou telle disposition. C’est une analyse que le Gouvernement ne partage pas, mais ce débat se comprend. En revanche, ce que viennent de dire les auteurs de l’amendement va exactement à l’inverse de ce qu’ils veulent faire.
L’article 1er dispose simplement que le droit à l'eau potable et à l'assainissement comprend le droit, pour chaque personne physique dans des conditions compatibles avec ses ressources, de disposer chaque jour d'une quantité suffisante d'eau potable pour répondre à ses besoins élémentaires ; d'accéder aux équipements lui permettant d'assurer son hygiène, son intimité et sa dignité. L'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics concourent à la mise en œuvre du droit à l'eau potable et à l'assainissement. Or je n’ai entendu personne dire qu’il était contre cet engagement, qui pourrait d’ailleurs faire l’objet d’un principe général.
En adoptant cet amendement, vous courez le risque de faire triompher l’interprétation de ceux qui sont hostiles à la loi au motif qu’elle ne contiendrait que des dispositions de principe. C’est pourquoi, je le répète, le dispositif de cet amendement ne me paraît pas du tout correspondre aux arguments avancés par ses auteurs, que je ne mets absolument pas en cause.
Monsieur Cambon, vous avez cité vos faits de guerre, si j’ose dire, votre action législative sur la question. Pour moi, cela devrait tous vous inciter à vous retrouver autour de l’engagement mentionné à l’article 1er, que vous voulez pourtant supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est supprimé et l’amendement n° 2 rectifié n'a plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Pointereau, G. Bailly, Reichardt, Grand, Kennel, Vaspart et Cornu, Mmes Mélot et Estrosi Sassone, MM. Bizet, Commeinhes, Cardoux, Cambon et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Magras, Mme Morhet-Richaud, MM. de Raincourt, Morisset, Carle, Masclet, Chaize, Calvet, Danesi, de Nicolaÿ, B. Fournier, Laménie, Mouiller, Vogel et Savary, Mme Lopez, M. D. Laurent, Mmes Giudicelli et Deromedi, MM. Mandelli et Vasselle, Mme Deseyne, MM. Pierre, Genest et Darnaud, Mme Gruny, MM. Gremillet et Raison, Mme Garriaud-Maylam et M. Rapin, était ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
Article 2
(Non modifié)
I. – Le chapitre IV du titre Ier du livre III de la première partie du code de la santé publique, tel qu’il résulte de l’article 1er, est complété par un article L. 1314-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1314-2. – Les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de distribution d’eau potable et en matière d’assainissement prennent les mesures nécessaires pour satisfaire les besoins élémentaires en eau potable et en assainissement des personnes qui ne disposent pas d’un raccordement au réseau d’eau potable.
« Les collectivités mentionnées au premier alinéa installent et entretiennent des équipements de distribution gratuite d’eau potable.
« Dans chaque commune de plus de 3 500 habitants, des toilettes publiques gratuites sont accessibles à toute personne.
« Les collectivités mentionnées au premier alinéa de plus de 15 000 habitants installent et entretiennent des douches gratuites. Elles adoptent, le cas échéant, des dispositions pour donner accès à des douches ou des laveries dans des établissements recevant du public. »
II. – Les dispositions de mise en œuvre du I sont prises dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi. Les collectivités ou établissements publics mentionnés au I utilisent, le cas échéant, des équipements sanitaires existant dans des bâtiments communaux et dans des équipements qu’ils subventionnent. Ils peuvent bénéficier d’aides pour la création de nouveaux équipements, en particulier d’aides des agences de l’eau.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Reichardt, Grand, Kennel, Vaspart et Cornu, Mmes Mélot et Estrosi Sassone, MM. Bizet, Commeinhes, Cardoux, Cambon et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Magras, Mme Morhet-Richaud, MM. de Raincourt, Morisset, Carle, Masclet, Chaize, Calvet, Danesi, de Nicolaÿ, B. Fournier, Laménie, Mouiller, Vogel et Savary, Mme Lopez, M. D. Laurent, Mmes Giudicelli et Deromedi, MM. Mandelli et Vasselle, Mme Deseyne, MM. Pierre, Genest et Darnaud, Mme Gruny, MM. Gremillet et Raison, Mme Garriaud-Maylam et M. Rapin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Cet amendement vise à supprimer l’article 2 pour plusieurs raisons.
Le dispositif de cet article ne cible pas avec suffisamment de précision le cœur de la lutte contre la grande pauvreté. En effet, si nombre de nos concitoyens n’ont pas accès à l'eau potable et à l'assainissement, nous le devons d’abord à un manque structurel de places d’hébergement d’urgence et, plus généralement, à une crise du logement, qui se traduit par un déficit chronique de constructions de logements, en premier lieu de logements sociaux. Ainsi, en décembre 2013, 43 % des sans domicile fixe qui ont composé le 115 n’ont pas obtenu de place à Paris, 61 % en province.
S’agissant de la crise du logement, il faut rappeler que nous sommes passés de 600 000 logements construits en 2007 à 417 000 en 2016, si l’on prend les douze mois de juillet 2015 à août 2016. Nous sommes donc largement en retrait par rapport à l’année 2007.
La question de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement ne se réglera pas en instituant une obligation de réaliser des toilettes publiques gratuites pour les communes de plus de 3 500 habitants ou des douches gratuites pour les collectivités de plus de 15 000 habitants.
Les auteurs de la présente proposition de loi se trompent également de priorité en ce qui concerne la gestion de l’eau dans notre pays. En effet, on peut s’étonner que les dispositions examinées aujourd’hui créent un droit à l’eau potable et l’obligation de réaliser des équipements, alors même que la gestion de l’eau nécessite avant tout des investissements massifs dans le domaine des infrastructures d’alimentation en eau. Il existe d’autres priorités, les réseaux d’eau potable notamment, avant de penser à construire des installations dont on ignore si elles seront finalement utilisées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. Cet amendement est plus étonnant que le précédent, mais plus compréhensible. Je n’ai d’ailleurs toujours pas saisi l’objet du dernier amendement, mais passons…
En clair, vous dites que la mise en œuvre effective du droit à l’eau potable, c’est le logement. Votre réponse consiste donc à construire des logements pour les 100 000 sans-abri… J’ai tendance à penser que, dans l’immédiat, certaines personnes risquent d’avoir très soif !
Or le sens de l’article 2, et même du texte dans son ensemble, est de répondre à cette situation d’urgence. Le présent amendement tend à apporter une réponse structurelle, assez juste d’ailleurs, mais qui n’est absolument pas adaptée à l’urgence de la situation.
En fait, si j’ai mieux compris le sens de cet amendement, c’est grâce à notre collègue Requier. Il a expliqué, en parlant des communes, que beaucoup d’entre elles faisaient face à leurs responsabilités et, effectivement, beaucoup d’entre elles y font face. En réalité, le sens du combat mené aujourd'hui par la droite de cet hémicycle est d’empêcher l’adoption d’une loi qui stigmatise ceux qui n’assument pas leurs responsabilités.