M. le président. L'amendement n° 23, présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet article supprime les réductions automatiques de peine, pour que le régime actuellement prévu devienne le seul régime de réduction de la peine.
Il faut rappeler que le régime des crédits de réduction de peine a été instauré par la loi pénitentiaire du 9 mars 2004, dite « Perben II », et que seule la minoration de ces crédits pour les condamnés en état de récidive a été supprimée par la loi du 15 août 2014. Il est donc proposé le retour au régime antérieur à 2004. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont déjà été avancés au cours de cette discussion, nous ne pouvons pas accepter ce retour.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Il ne faudrait pas que ce problème, sociologiquement important, devienne le terrain de chasse de personnes moins versées dans la pédagogie que nous. Il nous faut répondre à des situations qui sont parfois dénoncées par les magistrats eux-mêmes.
C’est la raison pour laquelle il a paru nécessaire de renverser le principe. Les réductions de peine seront toujours possibles, mais elles ne seront pas automatiques en fonction du temps passé dans l’établissement pénitentiaire : elles interviendront après démonstration d’un comportement de réinsertion.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Les crédits de réduction de peine sont un moyen d’améliorer l’exécution des peines. Ils permettent surtout un suivi à la sortie de la détention, en cas d’absence d’aménagement de peine, par le biais d’un suivi post-libération ou d’une surveillance judiciaire. Qui plus est, cela relève du principe de l’individualisation et ne peut être fonction des demandes des personnes poursuivies.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le livre V est ainsi modifié :
a) Le titre Ier bis est abrogé ;
b) La section 1 bis du chapitre II du titre II est abrogée ;
2° (nouveau) Au 6° de l’article 74-2, les mots : « ou d’une libération sous contrainte, » sont supprimés ;
3° (nouveau) Au 8° de l’article 230-19, les mots : « d’une contrainte pénale, » sont supprimés ;
4° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article 474, les mots : « à une contrainte pénale, » sont supprimés ;
5° (nouveau) Au III de l’article 707, les mots : « , de libération conditionnelle ou d’une libération sous contrainte » sont remplacés par les mots : « ou de libération conditionnelle » ;
6° (nouveau) Les 1° et 2° de l’article 712-11 sont ainsi rédigés :
« 1° Dans le délai de vingt-quatre heures s’agissant des ordonnances mentionnés aux articles 712-5 et 712-8 ;
« 2° Dans le délai de dix jours s’agissant des jugements mentionnés aux articles 712-6 et 712-7. » ;
7° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 721-2, les mots : « d’une mesure de libération sous contrainte ou » sont supprimés et les références : « aux articles 720 et 730-3 » sont remplacées par la référence : « à l’article 730-3 » ;
8° (nouveau) Au troisième alinéa de l’article 730, les références : « des articles 720 et 730-3 » sont remplacées par la référence : « de l’article 730-3 » ;
9° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article 774, les mots : « ou une libération sous contrainte » sont supprimés.
II (nouveau). – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article 131-3 est abrogé ;
2° L’article 131-4-1 est abrogé ;
3° Au premier alinéa de l’article 131-9, les mots : « la peine de contrainte pénale ou » sont supprimés.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 24 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 34 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 48 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 11.
Mme Cécile Cukierman. Cet article a pour objet de supprimer la peine de contrainte pénale et la procédure de libération sous contrainte, dispositions que nous avons défendues lorsqu’elles ont été présentées au Parlement.
Introduite par la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales du 15 août 2014, ou loi Taubira, la peine de contrainte pénale est certes encore peu utilisée par les magistrats, mais il est nécessaire de laisser à ces derniers le temps de s’approprier ce dispositif.
Au-delà des vertus de ses modalités de fonctionnement pour la réinsertion des individus, sa suppression viendrait accroître de fait la surpopulation carcérale.
Par ailleurs, la question de l’accroissement du budget reste en suspens si ces suppressions sont mises en œuvre.
Les dépenses devraient plutôt être réorientées pour rendre efficaces ces aménagements de peine, car, à la différence de l’ancien sursis avec mise à l’épreuve, la contrainte pénale exige un suivi intense des condamnés et des renforts supplémentaires en conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, une justice efficace et humaine est à ce prix, et c’est une nécessité pour notre société.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 24.
M. Alain Anziani. L’article 21 est un article majeur de cette proposition de loi. Le président de la commission des lois nous rappelait d’ailleurs tout à l’heure que, parmi les objectifs de ce texte, figurait la suppression de la contrainte pénale. Notre rapporteur juge cette mesure inefficace, parce qu’elle est inutilisée par les magistrats.
Permettez-moi toutefois de formuler quelques observations.
Tout d’abord, je voudrais insister sur le caractère très novateur de la contrainte pénale. Différente d’un sursis avec mise à l’épreuve, elle constitue une nouvelle peine.
Elle existe dans les pays anglo-saxons, qui ne sont pas forcément connus pour leur laxisme et qui la jugent pourtant utile en sus des peines prison et d’autres dispositions, telles que le sursis avec mise à l’épreuve.
Elle a également été recommandée par le Conseil de l’Europe, conformément à sa philosophie de l’emprisonnement comme recours de dernier rang.
Elle a enfin donné lieu à de nombreux travaux, notamment de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, qui avait proposé cette peine.
On nous dit que la contrainte pénale n’est pas utilisée. Toutefois, depuis combien de temps existe-t-elle ? À l'évidence, elle constitue un vrai bouleversement, et même sans doute une révolution culturelle pour nos magistrats. C’est pourquoi il faut lui laisser le temps de trouver toute sa dimension, toute sa place dans notre dispositif pénal.
Elle constitue en tout cas une solution. Je ne sais pas si elle sera remise en cause aujourd'hui ou plus tard, mais je suis persuadé que, si elle l’était, la question se reposerait très rapidement.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 34.
Mme Esther Benbassa. Nous avons passé un nombre important d’heures, au sein de la commission et en séance publique, à débattre de la contrainte pénale, disposition phare de la loi Taubira.
Nous l’avons défendue, considérant que cette mesure, qui se déroule en milieu ouvert, est une peine à part entière, une peine dont la finalité est de responsabiliser et de réinsérer le condamné dans notre société.
Nous souhaitions d’ailleurs avec force que cette nouvelle peine trouve rapidement toute sa place dans le système pénal, qu’elle soit véritablement appliquée et ne soit pas considérée par les magistrats comme une simple mesure de substitution au sursis avec mise à l’épreuve.
Sa mise en application n’est probablement pas totalement satisfaisante à ce jour, mais nous continuons d’être favorables à cette mesure et nous nous opposons tout naturellement à sa suppression.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 48 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Je ne conteste pas que la contrainte pénale ait pu susciter des espoirs. Ces derniers, fruits de la réflexion de la conférence de consensus, étaient toutefois quelque peu immatériels. Sur le terrain, la contrainte pénale ne fonctionne pas.
Tout d’abord, les financements nécessaires n’ont pas été prévus. Ensuite, et surtout, cette mesure ne se différencie pas du sursis avec mise à l’épreuve, que les magistrats ont l’habitude d’appliquer et d’utiliser. C’est si vrai que, depuis 2014, seulement 2 504 mesures de contrainte pénale ont été prononcées, alors que 110 000 mesures de sursis l’ont été dans le même temps. Il y a donc à l’évidence un problème.
Nous aurions certes pu poursuivre longtemps le débat, mais ce qui a emporté ma décision, ce sont les auditions de magistrats. Ces derniers m’ont dit qu’ils n’avaient pas recours à la mesure de contrainte pénale, la jugeant trop lourde et trop complexe. Faisons donc porter nos efforts sur le sursis avec mise à l’épreuve, et abrogeons cette mesure, qui a sans doute porté des espoirs, mais qui, pragmatiquement, n’a rien apporté du tout.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement croit à la contrainte pénale. J’ai d’ailleurs remis au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales en octobre dernier, dans lequel je m’efforce d’expliquer pourquoi nous n’avons aujourd'hui que 2 287 contraintes pénales, alors que l’étude d’impact en espérait beaucoup plus. Bien des raisons l’expliquent.
Le premier élément, évident, M. le rapporteur vient de le souligner, est que les magistrats avaient l’habitude d’utiliser le sursis et qu’un nouvel outil suscite une plus grande prudence.
Le deuxième élément, également souligné par M. le rapporteur bien qu’il vienne à l’appui de la contrainte pénale, est que, pour que cette dernière soit efficace, il faut que des personnels, notamment des conseillers d’insertion et de probation, soient recrutés. Nous n’avons pu le faire dans les tout premiers mois, mais 1 100 conseillers d’insertion ont été recrutés depuis lors, qui sont à la disposition des magistrats.
Le troisième élément est que ce mécanisme n’est pas connu. Les avocats eux-mêmes ne demandent pas cette peine pour leurs clients, auxquels ils ne souhaitent pas la voir appliquée. Nous avons organisé, avec la Direction des affaires criminelles et des grâces, une réunion de sensibilisation le 6 décembre dernier. J’ai invité les parquets à requérir plus souvent la contrainte pénale et, s’ils ne le font pas, à nous expliquer pourquoi.
Je ne suis pas fétichiste, et s’il faut procéder à des ajustements, nous le ferons. Toutefois, cela ne saurait aller jusqu’à la suppression de la contrainte pénale défendue par la commission des lois.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, l’article 21 est à mes yeux le plus fondamental de notre discussion. La contrainte pénale résume à elle seule toute la politique pénale de ce quinquennat.
Nous avons tout d’abord des objections de principe très fortes à l’égard de cette politique, dont, avec la contrainte pénale, le principe devient l’alternative à la prison, et l’exception, la prison.
À l’inverse, nous voulons une politique où le principe est la prison, et l’exception, l’alternative à la prison. Cette démarche, qui n’est pas que symbolique, indique que nous n’avons pas de pudeur ni de réticence face à l’acte de punir. Or par la contrainte pénale, vous avez manifesté de la réticence et de la pudeur face à l’acte de punir. Face à la montée de la délinquance, il nous semble absolument essentiel d’affirmer nettement l’exigence de la punition et de la sanction.
Le deuxième élément pour lequel il faut renoncer à cette contrainte pénale, et non simplement la laisser dépérir d’elle-même alors que les juges ne la prononcent pas, est son échec patent, et cela après plusieurs années d’application. Les chiffres – 1 000 contraintes pénales prononcées par an en moyenne face à 108 000 peines de prison –, permettent de mesurer l’inanité de ce dispositif, qui est massivement rejeté par les magistrats.
Vous avez raison, il faut se demander pourquoi, entre 2011 et 2015, les décisions des magistrats ont abouti à une augmentation de 10 % des peines de prison ferme, alors même que vous leur proposiez la contrainte pénale.
Il y a deux raisons à cela.
La première raison est que nos magistrats sont sévères, contrairement à ce que l’on entend dire parfois. D'ailleurs, ils ont aussi diminué de 18,7 % le nombre de peines d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve en cinq ans. C’est dire si nos juges sont sévères et s’ils veulent une répression efficace face à la délinquance. Ce dispositif est donc mauvais sur le plan des principes.
La seconde raison justifiant que nous ne puissions le laisser subsister est que vous n’avez pas réussi à doter le service de probation et d’application des peines des moyens nécessaires. Cela montre que la méthode utilisée était mauvaise, et que, dorénavant, il faudra toujours faire des études d’impact approfondies avant de prendre de nouvelles mesures en matière de politique pénale.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je voterai bien évidemment ces amendements de suppression.
Permettez-moi de préciser que la contrainte pénale n’a rien de commun avec le sursis avec mise à l’épreuve. Il s’agit d’une mesure lourde, impliquant des contrôles permanents sur toute la durée de la sanction, alors que le sursis est une condamnation à une peine d’emprisonnement qui n’est pas exécutée et qui peut être assortie d’une mise à l’épreuve quand il ne s’agit pas d’un sursis simple.
La réalité est que, aujourd'hui, les agents de probation ont trop de contrôles à réaliser sur les sursis avec mise à l’épreuve et qu’ils n’y parviennent pas systématiquement. La contrainte pénale est une mesure beaucoup plus répressive. Que l’on cesse donc, monsieur le président de la commission des lois, de laisser accroire qu’il y aurait une droite répressive et une gauche laxiste. Ce n’est pas vrai !
Le problème est de savoir quelle est l’efficacité de la procédure pénale. Nous devons creuser ce problème, notamment dans le cadre de la mission d’information sur le redressement de la justice.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit qu’il fallait que les sanctions soient d’abord efficaces, que l’enjeu était non pas leur importance ou leur quantum, mais leur mise en œuvre rapide. Il est exact que la contrainte pénale n’est pas accueillie aujourd'hui par les juridictions, parce que, sauf en quelques lieux où elle est fortement pratiquée, celles-ci n’ont pas les moyens de la mettre en œuvre.
Monsieur le garde des sceaux, personne ne saurait vous faire le reproche de ne pas y penser, mais permettez-moi d’insister sur l’urgence, au moment où les prisons se remplissent, de donner à l’administration pénitentiaire les moyens dont elle a besoin.
Soyons cohérents dans nos propos : on ne peut pas, d’un côté, constater lors de la discussion générale que les prisons se remplissent plus encore que d’habitude, et, de l’autre, s’entendre dire que nous serions pour la libération des gens ! C’est complètement faux, et ce n’est pas comme cela que nous aborderons le redressement de la justice dans une République apaisée.
La justice est l’une des premières obligations régaliennes et, sans faire de populisme, les démocrates ont tout intérêt à ce qu’elle puisse fonctionner. C’est ce que nos concitoyens attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11, 24, 34 et 48 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Article 22
L’article 13 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont assistés, dans l’exercice de leurs missions, par les délégués bénévoles à la probation, dans des conditions définies par décret. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 25 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 47 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 25.
M. Alain Anziani. Faut-il que des délégués bénévoles viennent renforcer les services pénitentiaires d’insertion et de probation ? C’est la question qui est posée au travers de cet article.
Notre réponse est de bon sens : ce ne sont pas des bénévoles qu’il nous faut, mais une meilleure professionnalisation. Nous assistons d’ailleurs à son accélération dans l’ensemble de notre pays.
Nous disposons aujourd'hui de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation de grande qualité. Ils sont recrutés par voie de concours et formés pendant deux ans à l’École nationale d’administration pénitentiaire. Il nous paraît donc beaucoup plus utile de compléter et d’approfondir cette formation, plutôt que de recruter des délégués bénévoles en plus de nos conseillers de métier.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 47 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. L’article 22 propose de réintroduire la possibilité d’avoir recours à des bénévoles pour alléger le travail des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Comme l’exprime le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, « l’efficacité de la prison réside moins dans le jour de l’entrée que dans le jour de sortie du condamné ». S’il est des économies à ne pas faire lorsque l’on cherche à lutter contre la récidive, c’est donc dans l’accompagnement des probationnaires.
Depuis une trentaine d’année, cette mission d’accompagnement s’est considérablement professionnalisée, en bonne intelligence avec le milieu associatif, qui assure une fonction support importante.
Mes chers collègues, nous craignons que la réintroduction de bénévoles ne casse cette dynamique de professionnalisation, qui est, vous l’avez compris, essentielle. Pour cette raison, nous proposons la suppression de l’article 22 de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Loin de moi l’idée de contester que la professionnalisation des services pénitentiaires d’insertion et de probation ait été très bénéfique.
Pour autant, il ne vous aura pas échappé que, dans sa rédaction, l’article ne nuit pas à l’apport du monde associatif et bénévole et lui permet, dans des conditions déterminées, d’apporter un soutien ponctuel aux équipes sur des missions limitativement énumérées.
La commission, qui pense avoir fait œuvre créatrice sur ce sujet, émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est plutôt favorable à la suppression de l’article 22. En effet, les mesures de suivi n’ayant pas vocation à être prononcées dans les dossiers les moins complexes, la présence de bénévoles est plutôt de nature à nous inquiéter. Nous préférons faire confiance à la compétence des services d’insertion et de probation, dont je répète que nous avons augmenté leurs effectifs, puisque, depuis trois ans, nous avons recruté 1 100 conseillers supplémentaires.
Permettez-moi également de remercier le président Philippe Bas de son appréciation sur le travail des juges. Ses déclarations sur leur sévérité seront de très bons soutiens au regard des facilités auxquelles quelques-uns de ses amis peuvent parfois se laisser aller, prétendant que la justice est laxiste dans ce pays…
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 et 47 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Article 23
I (nouveau). – Un décret en Conseil d’État prévoit les missions et les modalités de fonctionnement des établissements pour peines, dans lesquels sont affectés les condamnés définitifs.
II (nouveau). – Le deuxième alinéa de l’article 717-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« La répartition des condamnés dans les établissements pour peines s’effectue compte tenu de leur catégorie pénale, de leur âge, de leur état de santé, de leur profil médico-psychologique et de leur personnalité. Leur régime de détention est déterminé en prenant en compte leur personnalité, leur santé, leur profil médico-psychologique, leur dangerosité et leurs efforts en matière de réinsertion sociale. Le placement d’une personne détenue sous un régime de détention plus ou moins sévère ne peut porter atteinte aux droits mentionnés à l’article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.»
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 35 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 12.
Mme Cécile Cukierman. L’article 23 veut restaurer l’effectivité de l’exécution de la peine et lutter contre la surpopulation pénitentiaire en définissant un nouveau type d’établissement pénitentiaire pour les détenus condamnés à des peines courtes et « considérés comme peu dangereux, ne risquant pas de s’évader et dont la peine restant à subir serait inférieure à un an ».
Quand allons-nous cesser de penser que la prison et l’enfermement sont la réponse à tous les maux de notre société ?
À la question de la surpopulation carcérale, la droite sénatoriale répond par la création de nouvelles structures pénitentiaires de fait, alors que les conditions de vie dans les maisons d’arrêt, dont le taux d’occupation est de 137 %, ne cessent de se dégrader. Et nous ne parlons pas de la hausse continue du nombre de détenus encore non jugés – presque 19 500 prévenus au 1er janvier dernier.
Cette proposition de loi qui promet de rendre la justice plus répressive ne fera donc qu’accentuer le problème. Je le répète avec force : lutter contre la surpopulation carcérale ne consiste pas à créer de nouveaux centres de rétention, comme le suggère cet article. Un moyen simple de désengorger les prisons existe. Il consiste à faire de la détention provisoire une exception et non la règle, comme je l’ai déjà souligné lors de la discussion générale.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 35.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Les centres de détention à sécurité adaptée répondent incontestablement à une réalité : tous les détenus ne nécessitent pas le même niveau de sécurité.
Dès lors, il nous est apparu souhaitable de prévoir que certains établissements puissent ne se voir affectés par l’administration pénitentiaire que des détenus peu dangereux, pour lesquels une courte peine reste à subir. Cet article est pragmatique et me semble répondre aux besoins de l’administration pénitentiaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Je ne conteste pas ce que vient de dire M. le rapporteur : il est vrai que tous les détenus ne demandent pas le même niveau de sécurité pour leur incarcération.
La définition des critères de répartition des condamnés reprend d’ailleurs le droit existant. L’article 23 y ajoute le profil médico-psychologique du détenu, ce qui n’apporte aucune modification de fond, puisque ce profil est déjà intégré dans la définition de la personnalité du détenu.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. La proposition de Mme Cukierman me semble incroyable, moi qui ai plus de trente ans de barreau derrière moi ! Il me semble impossible de dire qu’il ne faut plus créer de centres de rétention, quand nous subissons une délinquance de plus en plus forte.
Sans doute faut-il les créer différemment pour répondre au problème de la solitude, qui existe dans les nouveaux centres de détention, mais le maintien de la détention provisoire, certes pas à tout va, mais pour un certain nombre de dossiers, est indispensable au maintien de la sécurité publique.
Je connais bien la profession, pour avoir longtemps plaidé pour des gens extrêmement dangereux, en cour d’assise ou en correctionnelle. Or je ne suis pas du tout d’accord avec votre proposition et je ne pense pas qu’elle soit bonne.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je voudrais tout d’abord rappeler à mon collègue Fouché que nous sommes réunis dans cette enceinte parce que nous avons toutes et tous été élus. Quelles que soient les expériences des uns et des autres et le nombre d’années passées au barreau de telle ou telle juridiction, c’est à ce titre-là que nous intervenons ! Nous sommes donc tous au même niveau. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui sauraient, et, de l’autre, ceux qui devraient apprendre.
Vous avez le droit de ne pas être d’accord avec l’amendement de suppression que nous proposons. Cette mesure fait pourtant l’objet d’un débat depuis les travaux de notre commission.
Je pourrais aussi vous rétorquer, puisque vous avez tant d’expérience, qu’il est bien connu qu’enfermer ou menacer de la prison ne fait malheureusement pas baisser la délinquance. S’il suffisait d’avoir une justice plus répressive et plus sévère pour que la délinquance cesse, cela se saurait. Les maux sont malheureusement bien plus profonds.
C’est pourquoi je suis en droit de dire – que cela vous plaise ou non, vous devez le respecter –, que cette proposition de créer des centres n’est pas satisfaisante et ne répond pas aux besoins.