Mme Sophie Primas. Par le biais d’un simple amendement !
Mme Isabelle Debré. C’était un cavalier !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Vous auriez pu au moins examiner cet amendement, voire le rejeter, mais vous ne l’avez pas souhaité. Nous avons sans doute perdu un peu de temps… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Gournac. C’était un cavalier !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Par ailleurs, il suffit de lire les rapports du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et ceux des associations, de se pencher sur le travail des délégations aux droits des femmes au sein des deux assemblées pour savoir que ces sites internet posent incontestablement un problème d’accès à l’information. Mon seul objectif est d’y répondre.
À ceux qui pensent que la question aurait été entièrement réglée par une disposition législative en 1993 et que nous devrions nous en contenter, je répondrai, cela n’a échappé à personne, qu’internet n’existait pas à cette époque. Surtout, ceux qui se sont opposés, toujours en 1993, à la création du délit d’entrave contre les commandos anti-IVG dont les membres s’enchaînaient aux grilles des services utilisaient, mot pour mot, le même argument que celui que j’ai entendu la semaine dernière à l’Assemblée nationale et encore aujourd’hui au Sénat : l’atteinte à la liberté d’expression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Exactement !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Je le constate, vingt-trois ans après, un consensus se dégage autour du délit d’entrave instauré en 1993. J’espère qu’il ne faudra pas vingt-trois ans supplémentaires pour obtenir un consensus sur le délit d’entrave version 2016 !
Je répondrai maintenant à certaines inquiétudes exprimées par un certain nombre d’entre vous, dont Mmes Cohen et Archimbaud et M. Mézard, sur les moyens à déployer pour mieux garantir l’accès à l’IVG. Le Gouvernement se désengagerait de son rôle de financeur des associations et des services et reporterait la charge sur les collectivités territoriales. C’est inexact ! Nous venons de signer la convention pluriannuelle d’objectifs avec le planning familial pour la période triennale 2016-2018.
Mme Sophie Primas. Cela tombe à pic !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Pardonnez-moi, ce n’est pas moi qui fixe les dates des conventions triennales ! En l’occurrence, nous avons augmenté de 28 % les subventions accordées au planning familial, précisément pour compenser le désengagement de certaines collectivités. À ce propos, je vous citerai le cas de la région Rhône-Alpes dont le président a annoncé très récemment qu’il diminuait de 30 % les subventions au planning familial, ou encore celui du conseil départemental de la Somme, qui vient de réduire de 50 % lesdites subventions en faveur de l’action du planning familial au sein du centre hospitalier universitaire d’Amiens. C’est donc bien plutôt l’État qui compense le désengagement de certaines collectivités ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Je m’adresse maintenant à tous ceux qui s’inquiètent du nombre d’IVG et de la prévention de celles-ci. Nous devons nous engager tous ensemble très fortement pour mettre en place, au sein de tous les établissements scolaires, des cours d’information à la sexualité et à la contraception. Je vous le concède, ce n’est pas suffisant. Au demeurant, lorsque nous devons discuter du rôle de l’éducation nationale sur cette question, ce sont ceux qui contestent aujourd’hui l’extension du délit d’entrave qui estiment, dans le même temps, que l’éducation à la sexualité relèverait, non pas de l’éducation nationale, mais exclusivement des familles.
Soyons cohérents : pour diminuer le nombre des IVG, il faut plus d’information sur la contraception au sein des établissements scolaires, et sous la houlette de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Alain Vasselle. Non, dans les centres de planning familial !
Mme Laurence Rossignol, ministre. J’aborderai enfin les questions juridiques et répondrai par là même à MM. Mercier et Milon.
Monsieur Milon, j’ai examiné comme vous l’abus de faiblesse et l’escroquerie. C’est tentant, d’autant que je me réjouis toujours de venir au Parlement, mais pour moi, le mieux est de trouver les solutions dans la loi en vigueur.
L’abus de faiblesse est le fait d’exploiter la vulnérabilité, la sujétion psychologique ou l’ignorance d’une personne pour la conduire à prendre des engagements dont elle ne peut apprécier la portée. Pousser quelqu’un à prolonger une grossesse ne peut être assimilé au fait d’inciter une personne à prendre un engagement dont elle ne peut apprécier la portée. Par conséquent, l’abus de faiblesse ne fonctionne pas.
L’escroquerie est le fait d’obtenir un bien ou de l’argent par une manœuvre frauduleuse. Le fait de pousser une femme à renoncer à une IVG ne me semble pas équivalent. Malheureusement, l’escroquerie ne fonctionne pas non plus.
C’est pourquoi le délit d’entrave a été créé, et il s’applique exactement à ce dont nous parlons aujourd’hui, à savoir limiter les activistes anti-IVG qui veulent exercer des pressions psychologiques sur certaines femmes, afin de les faire renoncer à leur décision.
En toile de fond, derrière ces agissements, on trouve l’idée qu’une femme décidant de recourir à une IVG et cherchant une information sur les conditions de cette interruption, comme le remboursement, aurait pris une décision légère, irréfléchie, insuffisamment mûrie, et que, en parlant avec elle, on pourrait peut-être la faire douter de cette décision et lui offrir une alternative à l’IVG, comme je l’ai souvent entendu. Je ne connais qu’une alternative à l’IVG, c’est la grossesse !
Mme Patricia Schillinger. Très bien !
Mme Laurence Rossignol, ministre. Je conteste profondément cette idée selon laquelle une femme qui aurait pris la décision de recourir à l’IVG n’aurait pas déjà mûrement réfléchi et pesé en son for intérieur ce que signifie pour elle, à ce moment de sa vie, cette décision. La situation est différente pour chaque femme, chaque femme est unique et le recours à l’IVG n’est jamais vécu de la même façon : il n’existe pas plus d’assignation au traumatisme que de légèreté à l’égard de l’IVG. Chaque femme est différente, chaque IVG est différente. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
J’en viens à la constitutionnalité, que certains remettent en cause, de cette proposition de loi. Je vous rappelle que l’article unique de ce texte vise à modifier un article du code de la santé publique lui-même déjà conforme à la Constitution. Pour ma part, je suis infiniment plus prudente que vous, mesdames, messieurs les sénateurs : il n’est pas rare que Conseil constitutionnel prenne des décisions divergentes. Et le Conseil accepte les restrictions à la liberté d’expression dans un certain nombre de cas.
Cet article ne serait pas non plus conforme à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Or le comportement qui manifeste une volonté de faire obstacle à la liberté des femmes de subir une IVG constitue, pour nous, une infraction dont la pénalisation est compatible avec les articles X et XI de la Déclaration.
Le Conseil constitutionnel a pris bon nombre de décisions au sujet d’infractions considérées comme des délits d’expression et relevant du code pénal : la provocation au génocide, la provocation au suicide, les atteintes à la vie privée, l’atteinte à la représentation d’une personne, les provocations à l’égard des mineurs, la provocation à un attroupement armé, à la rébellion, au terrorisme, y compris le discrédit jeté sur une décision de justice. En ma qualité de ministre chargée des droits des femmes et de la protection de l’enfance, je pense que l’infraction que constitue le discrédit jeté sur une décision de justice est nécessaire pour le respect de la justice et la séparation des pouvoirs, même si elle porte atteinte à l’intime liberté d’opinion.
Pour toutes ces raisons, la disposition qui vous est proposée ne me paraît pas, contrairement à vous, inconstitutionnelle.
Quant à l’intelligibilité, le Conseil constitutionnel exige que les lois pénales soient précises. Or cet article tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale est extrêmement précis, sans pour autant être moins intelligible, puisqu’il vise « des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse ». Il pose beaucoup de conditions pour être conforme aux exigences du Conseil constitutionnel à l’égard de la loi pénale.
En résumé, pour ma part, je n’aurais pas la même assurance que vous pour me prononcer à la place du Conseil constitutionnel. Néanmoins, à mon sens, toutes les conditions sont réunies dans l’article tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale pour que le Conseil considère qu’il n’est pas porté atteinte à la liberté d’expression.
En outre, je le dis depuis quinze jours, toute personne opposée à l’IVG, toute association, tout groupuscule, qu’il s’agisse des Survivants, d’AfterBaiz ou autres, pourra continuer de clamer haut et fort que l’IVG est un crime, que la conception commence dès que le spermatozoïde entame son trajet et qu’il est hostile à l’IVG philosophiquement.
En revanche, ces personnes ne pourront plus dire aux femmes qui pensent trouver des informations sur l’IVG, notamment sur le lieu et les conditions de l’intervention, en se rendant sur l’un de ces sites ou en appelant un numéro vert que l’IVG rend stérile, que toutes les femmes y ayant eu recours doivent ensuite recourir à la PMA, que tous leurs enfants seront traumatisés, y compris ceux qui naîtront après l’IVG. C’est de cela que nous ne voulons plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Je ne sais pas comment on peut encore soutenir aujourd’hui ces sites et favoriser leurs manœuvres toxiques et délétères, tout en se disant attaché au droit des femmes à disposer de leur corps. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse
Article unique
Le dernier alinéa de l’article L. 2223-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« - soit en exerçant, par tout moyen, des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés au même article L. 2212-2, des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse ou de l’entourage de ces dernières. »
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l'article unique.
Mme Fabienne Keller. Mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre de la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, mais permettez-moi quelques mots personnels.
Le procès de Bobigny puis la loi Veil sont à l’origine de mon engagement en politique. Alors adolescente, j’ai découvert que le combat politique pouvait changer la vie des femmes en les rendant libres et aussi responsables de leur choix.
Des textes successifs, en particulier la loi Neiertz de 1993, ont complété la loi Veil et assuré l’effectivité du droit à l’IVG, comme l’a rappelé Michel Mercier, en créant le délit d’entrave. L’enjeu de notre débat d’aujourd’hui est d’étendre le délit d’entrave à la réalité du numérique.
De quoi parle-t-on ? Imaginez que vous êtes une jeune femme entre seize et vingt-cinq ans. Vous venez de découvrir votre grossesse non désirée et n’osez en parler ni à vos parents, ni à vos proches, ni peut-être à votre ami. Le temps court, il vous reste quelques semaines, voire quelques jours, et vous cherchez de l’information. À ce stade, vous êtes dirigée vers un site qui, sous couvert d’un site institutionnel, défend en fait une thèse, vous donne des indications pouvant vous induire en erreur sur une IVG, crée une culpabilité à un moment où vous êtes en grande fragilité.
Quel est l’enjeu pour nous, mes chers collègues ? Nous cherchons à faire en sorte que la loi protège ces jeunes femmes durant cette période très sensible et que celles-ci puissent avoir accès à une information juste et équilibrée. Nous ne pouvons pas accepter l’idée que de tels sites les trompent, en avançant de manière masquée, en leur délivrant, sous couvert d’une information qui serait objective, une information biaisée.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Fabienne Keller. Notre mission est de permettre aux femmes d’avoir le choix, et ce de manière effective.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je soutiens cette proposition de loi qui vise à étendre le délit d’entrave au numérique. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article unique.
Mme Nicole Bricq. Mes chers collègues, la commission des affaires sociales a travaillé sur ce texte à deux reprises. Malgré les brefs délais, je me suis adressée en son sein à la majorité sénatoriale, lui demandant d’abandonner les postures, de penser, comme Mme Keller, à ces jeunes femmes qui découvrent leur grossesse et qui, alors que la gestation est avancée, cherchent désespérément une solution. Faute d’avoir trouvé une écoute attentive à proximité, elles consultent des sites sur internet et sont l’objet de désinformation et de pressions par des sites qu’elles croient publics.
Mais je n’ai pas été écoutée. « Nous sommes là, non pour assurer la communication du Gouvernement, mais pour faire la loi », m’a-t-on répondu. Parlons-en ! Je n’avais pas perdu tout espoir que nous puissions nous comprendre, mais ce fut le cas lorsque j’ai entendu M. Milon nous accuser, alors qu’il n’est pas intervenu en commission, de désinformation et de manipulation. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce n’est pas acceptable, même si je suis habituée à la dialectique en politique.
Concernant l’inconstitutionnalité doctement soulevée par M. Mercier, au nom de la commission des lois, et le respect de la Convention européenne des droits de l’homme, Mme la rapporteur, Stéphanie Riocreux, a précisément cherché, au travers de son amendement que la commission des affaires sociales a adopté, un chemin juridique pour pouvoir discuter avec nos collègues de l’Assemblée nationale et avec le Gouvernement.
À partir de là, les sénateurs socialistes appartenant à la commission des affaires sociales, les sénateurs membres du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE souhaitent que le texte de la commission fasse l’objet d’un vote positif, car ils pensent, nous pensons à toutes ces femmes que je viens d’évoquer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article unique.
M. Yves Daudigny. Les sites que nous évoquons, très bien référencés et à l’apparence officielle, ne sont évidemment pas neutres. Ils agissent par persuasion intellectuelle ; ils sont militants. Ils instrumentalisent la vulnérabilité des femmes confrontées à une grossesse non désirée pour les convaincre de renoncer elles-mêmes à mettre un terme à celle-ci. Ils ne se bornent pas à exprimer une opinion.
La création du délit d’entrave a conduit ces militants à revoir leurs méthodes. Il est fait obstacle à l’interruption volontaire de grossesse non plus dans la rue en empêchant les femmes d’avoir accès à des centres de santé, mais sur internet. Les discours, en revanche, sont immuables, toujours aussi pernicieux, fielleux, calomnieux, des discours manifestement erronés, qui virent au harcèlement par textos, par mails, par appels continus. Le but de ces militants n’est pas d’informer ; il est véritablement de tromper. Il n’est pas inutile de rappeler que la plupart des jeunes qui ont recours à internet jugent crédibles les informations qu’ils y recueillent.
Quarante-deux ans après la loi Veil, la société doit accorder aux femmes le droit d’interrompre une grossesse dans la sérénité, en toute autonomie, sans pression ni entrave. Le recours à l’IVG est un choix douloureux, ambivalent, mais il demeure personnel. Il ne peut être éclairé que par ceux qui sont habilités à le faire – je pense au corps médical, au personnel paramédical et au planning familial – et non par des idéologues !
Face à la prolifération de ces sites, nous ne devons plus éluder notre responsabilité. Cette proposition de loi ne crée pas une nouvelle incrimination, mais a vocation à étendre celle qui existe déjà, pour s’adapter à de nouvelles pratiques et aux nouvelles technologies. Son adoption permettrait de combler un vide juridique qui empêche aujourd’hui le juge de sanctionner les pressions psychologiques organisées sur ces sites. Ce texte n’entame en rien la liberté d’opinion ni celle d’expression. Chacun est et reste libre d’affirmer son hostilité à l’avortement, sur internet ou ailleurs.
La liberté d’expression comme la liberté d’opinion constituent des droits fondamentaux à préserver. Elles n’autorisent toutefois ni la manipulation des esprits ni l’intoxication des jugements. Elles ne supposent pas un droit à l’imposture et au mensonge. Tromper délibérément des jeunes filles et des femmes, comme le font aujourd’hui les lobbies anti-IVG sur internet, ne doit pas être toléré. Il s’agit non seulement de démasquer ceux-ci, mais plus encore de les sanctionner. C’est bien là le sens de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l’article unique.
Mme Catherine Génisson. Beaucoup l’ont dit, quand une femme fait le choix d’accéder à l’interruption volontaire de grossesse, elle prend une décision difficile et mûrement réfléchie. Nous avons ici à cœur de faire appliquer la loi de la République, en l’espèce la loi Veil de 1975.
Pour avoir accompagné comme praticien hospitalier bon nombre de femmes qui ont accédé à l’interruption volontaire de grossesse, je peux témoigner qu’aucune d’elles n’a dissimulé la difficulté de cette décision, qui doit impérativement être mise en œuvre avec toute l’humanité nécessaire.
Le délit d’entrave d’aujourd’hui n’est plus celui de 1993. Il est commis par des sites qui présentent des informations travesties.
Madame la ministre, vous avez indiqué que la liberté d’expression n’était pas un droit au mensonge. C’est vrai. La liberté d’expression est intangible, mais elle doit être assortie aussi du courage de l’expression. Chacun d’entre nous a le droit d’exprimer son opposition au principe de l’interruption volontaire de grossesse, mais doit le faire à visage découvert, et non avec duplicité, comme c’est le cas sur ces sites que, je le pense, nous condamnons tous.
Sans entrer dans des débats politiciens, le sujet qui nous occupe, Catherine Deroche l’a rappelé, aurait pu être traité dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté, mais le Sénat n’a pas voulu examiner l’amendement déposé à cette fin.
Mme Isabelle Debré. C’était un cavalier !
Mme Catherine Génisson. Il est donc absolument légitime que ce sujet fasse l’objet d’une proposition de loi.
Le problème qui se pose à nous est à mon avis celui de l’effectivité de notre proposition, et je voudrais à cet égard remercier chaleureusement la délégation aux droits des femmes et la rapporteur d’avoir essayé de trouver une solution à la question fondamentale qui nous occupe.
Nous voterons évidemment le texte qui nous est soumis et nous espérons que la commission mixte paritaire permettra de parfaire le système. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, sur l’article unique.
Mme Marie Mercier. Madame la ministre, mes chers collègues, médecin en exercice, je suis profondément attachée à la loi Veil. J’accompagne des jeunes filles, mais aussi des femmes. Nous en sommes tous conscients, l’IVG est un drame, une détresse, et laissera toujours une cicatrice indélébile.
Madame le ministre, vous l’avez rappelé, nous sommes en 2016 : l’accès aux sites pornographiques est extrêmement facile, mais l’éducation sexuelle est lacunaire et misérable. Dans les collèges, les infirmières ne disposent en effet pas toujours des moyens nécessaires s’agissant non seulement de la contraception, mais aussi, et c’est un point sur lequel j’insiste, de l’information sur la contraception.
Si pour ce texte, que nous avons examiné très rapidement, nous ne trouvions pas de chemin juridique, quelle image donnerions-nous aux femmes, aux jeunes filles ? Il aurait fallu plus du temps pour y réfléchir davantage : le sujet le méritait, pour la protection des femmes et des jeunes filles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. René Vandierendonck applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, sur l’article unique.
M. Jean-Pierre Leleux. Sur ce sujet extrêmement compliqué, je veux simplement exprimer ce que j’ai dans ma conscience après avoir écouté ce débat.
La loi de 1975 crée un droit, que nul ne conteste ni n’a l’idée de remettre en cause. Elle ne prescrit pas un devoir, et, le corollaire d’un droit accordé, c’est le droit de ne pas l’utiliser.
Mme Catherine Génisson. Évidemment ! Et certaines grossesses aboutissent, heureusement !
M. Jean-Pierre Leleux. Entre le droit de pratiquer une IVG et celui dont dispose une jeune femme de ne pas l’utiliser, il y a tout l’espace de l’intimité et de la conscience, de la liberté de conscience et d’expression.
M. Philippe Kaltenbach. Quel jésuitisme !
M. Jean-Pierre Leleux. Dans ce contexte, il n’est pas illégitime que des sites internet se positionnent, les uns pour conseiller les femmes qui veulent accéder à l’avortement et d’autres pour accompagner celles qui ne le souhaitent pas, mais qui ont besoin d’écoute et de conseils.
Il faut sanctionner des sites outranciers,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Jean-Pierre Leleux. … probablement, et même certainement, mais, dans la proposition de loi, rien n’est précisé sur l’autorité qui fera la distinction entre un site outrancier et un site dont l’objectif est d’accompagner une jeune femme…
M. Jean-Pierre Leleux. … en détresse devant cette situation, particulièrement quand sa famille n’est pas apte à le faire.
Qui fera cette distinction ? Est-ce le juge, l’État ?
M. Philippe Kaltenbach. Le juge !
M. Jean-Pierre Leleux. Qui, et sur quels critères ?
C’est dans cette ambiguïté que la liberté d’expression me semble, pour une part, menacée. C’est pourquoi la délibération accélérée dont fait l’objet ce texte, qui n’est pas mûr, me conduit, personnellement, à voter contre lui.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, je n’ai pas entendu dans cette enceinte, jusqu’à présent, de propos exagérés, ni de la part des uns ni de la part des autres.
M. Roland Courteau. Mais si !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je n’ai pas entendu de sénateurs du groupe Les Républicains affirmer que l’IVG pouvait entraîner une stérilité ! Personne n’a dit cela ici…
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … et personne ici ne défend ce genre de sites, c’est une évidence, madame la ministre. Sauf que, si l’IVG n’entraîne évidemment pas la stérilité, quand il y a un accident, cela peut se produire…
Mme Évelyne Didier. Voilà une étrange conception des choses !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Des incertitudes pèsent sur ce texte, mais vous nous assurez qu’il serait légalement et techniquement impossible d’intervenir sans lui.
Je suis intervenu en commission sur le sujet à plusieurs reprises pour dire que je ne comprenais pas pourquoi on ne pouvait pas interdire certains types de sites, alors que, par ailleurs, on y parvenait concernant, par exemple, les sites pédophiles. Cela me pose un problème, qu’il soit technique ou légal ! J’espère que Mme Bricq m’aidera à comprendre…
Par ailleurs, madame Bricq, si par moment je me suis abstenu en commission, c’était, avec l’accord de Mme la rapporteur, tout simplement pour l’aider à porter son rapport et pour faire en sorte que l’amendement qu’elle avait présenté puisse passer et être intégré au texte que nous examinons en séance. Ne dites donc pas…
Mme Nicole Bricq. Vous allez donc le voter !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je ne suis pas intervenu quand vous avez tenu des propos un peu diffamatoires sur mon compte,…
Mme Nicole Bricq. Je n’ai fait que répéter ce que vous aviez dit ! (Chut ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … mais, de toute évidence, vous ne savez pas vous taire, pas plus en séance qu’en commission, d’ailleurs. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Je comprends bien que vous n’ayez pas entendu ce que j’avais pu dire, puisque, que les intervenants soient du camp adverse au vôtre ou de votre camp, vous ne les écoutez pas ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mmes Gatel, Doineau et Billon, MM. Canevet, Capo-Canellas, Médevielle, Luche et Longeot, Mme Goy-Chavent et MM. Bonnecarrère, J.L. Dupont, Guerriau et Delahaye, est ainsi libellé :
I. – Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 2223-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2223-2-…, ainsi rédigé :
« Art. L. 2223-2-… – Engage sa responsabilité civile toute personne physique ou morale qui crée un dommage à autrui, en diffusant ou transmettant publiquement par voie électronique, des allégations de nature à induire manifestement autrui en erreur, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse.
« Le juge peut, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à faire cesser le comportement illicite. Ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.
« L’action en justice appartient à toute victime de ces allégations, ainsi qu’à toute association régulièrement déclarée depuis cinq ans à la date des faits, ayant, en vertu de ses statuts, vocation à défendre ou assister les femmes, qui en sont les destinataires. »
II. – En conséquence, rédiger ainsi l’intitulé de la proposition de loi :
Proposition de loi relative à la lutte contre les propos intentionnellement trompeurs tenus par voie électronique touchant à l’interruption volontaire de grossesse
La parole est à Mme Françoise Gatel.