Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
MM. Philippe Adnot, Jackie Pierre.
2. Loi de finances pour 2017. – Discussion d’un projet de loi
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
M. Gérard César, vice-président de la commission des affaires économiques
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères
Mme Caroline Cayeux, vice-présidente de la commission des affaires sociales
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
M. Christian Eckert, secrétaire d'État
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Philippe Adnot,
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2017
Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport général n° 140).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis un mois, le Parlement examine les textes financiers sur lesquels repose la politique budgétaire du Gouvernement. Ces textes reflètent une même volonté, celle de redresser les comptes publics tout en prenant les mesures qui s’imposent pour rendre notre société plus juste et plus solidaire.
À l’heure où certains voudraient saper les fondements de la République sociale, il n’est pas inutile de rappeler que, depuis cinq ans, le Gouvernement est à pied d’œuvre pour garantir à nos concitoyens le maintien d’un service public de qualité, dont les bienfaits doivent profiter à la Nation tout entière.
En effet, à gauche nous en sommes convaincus, meilleurs seront les effets redistributifs de notre système, plus grande sera l’adhésion au projet commun qui organise notre vie sociale.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Encore faut-il que les deux chambres du Parlement, le Sénat après l’Assemblée nationale, acceptent de débattre des textes qui leur sont soumis.
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui…
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Jean Bizet. Mais il faut le faire sur des bases saines !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Qu’il me soit permis de rappeler ici la cohérence d’ensemble de la politique budgétaire mise en œuvre par le Gouvernement depuis 2012.
Au début de ce quinquennat, l’état de nos comptes publics était alarmant. Le Premier ministre François Fillon ne se déclarait-il pas à la tête d’un État « en faillite » ?
M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous le confirmons…
MM. Philippe Dallier et Vincent Delahaye. Il l’est toujours !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. N’y avait-il pas, en Europe, des inquiétudes fortes au sujet de l’euro ? Après la Grèce et quelques États du Sud, c’était au tour de la France d’être désignée comme un point de fragilité pour la monnaie unique.
À l’époque, les agences de notation, très présentes – c’est curieux, on n’en entend plus parler… –, nous rappelaient régulièrement, semaine après semaine, la fragilité alarmante de l’État en faillite de MM. Sarkozy et Fillon.
Aujourd’hui, nous mesurons les effets positifs des mesures qui ont été prises.
Mme Catherine Troendlé et M. Francis Delattre. Ah bon ?...
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces mesures, mesdames, messieurs les sénateurs, ont pris l’exact contre-pied de celles qui avaient trop longtemps prévalu. Baisse du déficit et stabilisation de la dette : voilà deux objectifs de long terme, pourtant capitaux, que nos prédécesseurs semblaient avoir perdus de vue.
Que constatons-nous aujourd’hui ? En 2017, notre déficit public repassera, pour la première fois depuis dix ans, sous la barre des 3 % du PIB, alors qu’il s’élevait à 6,8 % du PIB en 2010, soit plus du double. Le déficit des quatre branches de la sécurité sociale est proche de zéro et les comptes du régime général seront proches de l’équilibre en 2017, alors qu’ils présentaient un déficit record de près de 24 milliards d’euros en 2010...
M. Francis Delattre. Que vous avez transféré à la CADES !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. À cet égard, vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, d’ores et déjà examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale en première lecture ; enfin, vous l’avez « examiné », mais curieusement. En effet, vous n’avez pas voté de trajectoire ni de niveau de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM ; vous auriez pu, en effet, proposer une trajectoire ou modifier celle du Gouvernement, indiquer si vous souhaitiez relever ou diminuer le niveau de l’ONDAM, vous prononcer sur l’augmentation à 25 euros du tarif de consultation des médecins généralistes et sur l’augmentation du point d’indice de nos agents de la fonction publique hospitalière.
M. Didier Guillaume. Tout à fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il était devenu urgent de reprendre le contrôle de nos finances pour stabiliser notre dette publique. Nous y sommes aujourd’hui parvenus.
M. Francis Delattre. Ah oui ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est une force de savoir que notre endettement est sous contrôle.
M. Francis Delattre. Ah, il est « sous contrôle »…
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ainsi, pour la première fois depuis bien longtemps, le programme d’émissions à moyen et long terme de l’État baissera en 2017. Oui, le redressement des finances publiques constitue l’un des succès de cette législature (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.). Si des comptes en désordre sont le signe d’une nation qui s’abandonne, alors ce quinquennat aura été celui d’une France qui se reprend en main.
Tout en opérant cette remise en ordre des comptes publics, le Gouvernement s’est attelé à la lutte contre les inégalités. Pour ce faire, il a entrepris, par touches successives, une véritable réforme de l’impôt. Là où certains auraient souhaité une réforme plus brutale, le Gouvernement a dessiné les contours d’un système d’imposition plus progressif et plus juste.
Ainsi, le barème de l’impôt de solidarité sur la fortune a été rétabli ; la progressivité de l’impôt sur le revenu a été accrue par la création d’une tranche supplémentaire à 45 % ; l’imposition des revenus du capital a été alignée sur celle des revenus du travail, au grand dam de certains ; les niches fiscales ont été réduites ; le quotient familial a été plafonné.
Depuis 2014, les classes populaires et moyennes ont bénéficié de baisses d’impôt grâce auxquelles leur niveau de vie a non seulement été préservé, mais s’est même amélioré, pour les plus démunis de nos concitoyens. On oublie trop souvent de souligner de tels résultats, alors même qu’ils sont de nature à restaurer la confiance de nos concitoyens en leur avenir.
J’en entends me répondre que cette amélioration s’est faite aux dépens des plus aisés, dont on a exigé, à raison, qu’ils contribuent davantage à l’effort de redressement de nos comptes publics. Nous ne rougissons pas de ce parti pris, qui est conforme à nos engagements et à nos valeurs.
Les mesures relatives aux entreprises ont obéi à la même logique. Dans un premier temps, le Gouvernement a pris des mesures ciblées sur les grandes entreprises, à la fois pour lutter contre l’optimisation fiscale, comme cela a été le cas avec la non-déductibilité d’une partie des charges financières, et pour soutenir l’investissement au détriment du dividende, comme cela a été fait avec la taxe à 3 % sur les dividendes.
Puis, dans un deuxième temps, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et le pacte de responsabilité et de solidarité ont allégé le coût du travail afin de procurer à un plus grand nombre de nos concitoyens une place sur le marché de l’emploi. Il nous a fallu répondre à la grande fragilisation de notre tissu productif liée à la crise financière. C’est pour y remédier que nous avons élaboré ce pacte et le CICE. Nous l’avons fait avec pragmatisme car, pour l’économie française du début de la décennie, c’était la solution la plus à même d’amorcer la relance.
Telle a été notre politique fiscale tout au long de cette législature, et ce projet de loi de finances s’inscrit dans le sillage de ce que nous avons fait depuis 2012. Il comporte ainsi, pour les ménages des classes moyennes, une nouvelle baisse de l’impôt sur le revenu.
Il prévoit, dans le même temps, des mesures contre l’optimisation de l’impôt de solidarité sur la fortune, d’ailleurs complétées dans le projet de loi de finances rectificative pour 2016 qui vient d’être déposé.
Il instaure également la transformation en crédit d’impôt de la réduction d’impôt sur les services à la personne et les gardes d’enfants pour tous, y compris les retraités et les personnes atteintes de handicaps.
Il contient aussi, pour les entreprises, la hausse de 6 % à 7 % du CICE…
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … et la baisse progressive de l’impôt sur les sociétés jusqu’en 2020.
Enfin, il institue le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS, qui bénéficiera aux secteurs de l’économie sociale et solidaire, aux structures associatives, médico-sociales et à but non lucratif auxquelles ne s’applique pas le CICE.
M. François Marc. Excellent !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour le dire plus simplement, c’est une réforme progressive de l’impôt que nous avons menée durant ce quinquennat.
Je voudrais à présent m’arrêter sur la réforme du recouvrement de l’impôt sur le revenu. Celle-ci a souvent été annoncée ; jusqu’ici, elle a toujours été différée,…
M. Francis Delattre. Elle le sera encore !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … alors même que le prélèvement à la source bénéficiera à tous les contribuables.
On m’a dit, ou j’ai lu, que cette réforme était mal préparée.
M. Charles Guené. Absolument !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Tout à fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est méprisant pour les personnes qui ont travaillé d’arrache-pied, pendant des heures, jour et nuit, pour construire un texte, certes difficile à établir, mais que personne n’avait jusqu’alors réussi à finaliser.
M. Didier Guillaume. Il fallait le faire !
M. Francis Delattre. Pourquoi ne pas l’avoir fait au début de votre mandat ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On me dit aussi que cette réforme n’a pas fait l’objet d’une concertation. Quel mensonge ! Michel Sapin et moi-même avons personnellement rencontré nos collègues ministres de l’agriculture, de la défense du travail, du droit des femmes et de la santé. J’ai aussi rencontré à plusieurs reprises toutes les organisations syndicales de Bercy, toutes ! J’ai également rencontré toutes les organisations syndicales de salariés, la plupart du temps en la personne de leur premier représentant.
J’ai rencontré, pour certains plusieurs fois, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, la CGPME, l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, l’Union nationale des professions indépendantes, les représentants de l’économie sociale et solidaire, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA.
Enfin, mes services ont rencontré à six reprises, mon cabinet à deux reprises et moi-même à deux reprises les représentants du Mouvement des entreprises de France, le MEDEF. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. Philippe Dallier. Quelle audace ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Quelle transgression ! (Nouveaux sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ils ne vous ont pas convaincu ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Face à vos cris de surprise, j’ouvre une parenthèse. Le vice-président du MEDEF, M. Roux de Bézieux, a déclaré devant une commission de vos collègues de l’Assemblée nationale que le MEDEF n’avait pas été consulté sur cette réforme. Je tiens à votre disposition les dates et les lieux de ces rencontres, j’en ai compté dix !
M. Éric Doligé. Il n’a pas dit qu’il n’y avait pas eu de rendez-vous…
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si, monsieur le sénateur, lisez le compte rendu de la commission des finances de l’Assemblée nationale.
À deux reprises, j’ai rencontré les représentants de la Fédération des particuliers employeurs de France, la FEPEM, ainsi que, pour ce qui concerne les crédits et les réductions d’impôt, France générosités, qui regroupe la plupart des organisations caritatives, les Restos du cœur et la Fondation Abbé Pierre.
J’ai aussi reçu les représentants des associations d’assistantes maternelles, qui s’inquiétaient de leur statut et de leur crédit d’impôt. Je me suis déplacé trois fois en province – à Tours, à Metz, à Montpellier – et, chaque fois, j’y ai rencontré des experts-comptables, des directeurs des ressources humaines, des avocats fiscalistes, des notaires, des agriculteurs, qui m’ont fait part de leurs inquiétudes relatives au prélèvement à la source.
Donc, ceux qui disent que cette réforme n’a pas fait l’objet d’une concertation sont des menteurs !
On me dit aussi que cette réforme aurait été précipitée. Elle a été annoncée il y a plus d’un an, elle a été préparée depuis le mois de janvier, dès que l’examen de la loi de finances pour 2016 s’est achevé. Nous avons donc travaillé avec tous ceux que je viens de citer pendant un an, avec nos équipes, et nous avons encore devant nous un an pour que chacun puisse s’adapter au XXIe siècle, à l’aide des technologies existantes, aux dispositions qui rendront cette réforme opérationnelle.
Cela étant dit, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’est-ce qui importe le plus ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est de ne pas casser les pieds des Français !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui, justement !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Or cette réforme permettra aux contribuables de mieux appréhender, au moins du point de vue fiscal, certains des moments clés de leur vie. Avec le prélèvement à la source, les changements de situation, les moments, parfois douloureux, de transition seront très rapidement pris en compte par l’administration fiscale.
J’entends certains prétendre que cette réforme ne changera rien, qu’une mensualisation obligatoire aurait suffi. Ceux-là n’ont visiblement rien compris. Ils n’ont sans doute pas encore pris leur retraite – chaque année, 700 000 de nos concitoyens le font. Ils n’ont certainement pas fait l’expérience du chômage – 30 % des foyers fiscaux français connaissent des baisses significatives de leurs ressources d’une année à l’autre. Ils ont peut-être eu des enfants, mais ils n’avaient manifestement aucun problème de trésorerie pour avancer les dépenses que suppose cet heureux événement – chaque année, 800 000 de nos concitoyens connaissent une naissance dans leur foyer.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les enfants n’étaient pas pris en compte dans le projet initial !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ils n’ont certainement jamais pris de congé parental ni d’année sabbatique et n’ont sûrement jamais opté pour le temps partiel.
M. Francis Delattre. Ils n’ont jamais été ministres non plus ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avec le prélèvement à la source, tous les changements de situation entraîneront un alignement immédiat de l’impôt payé.
C’est bien là que réside tout l’avantage de cette réforme : quand le revenu varie, l’impôt s’adapte. La simple mensualisation du recouvrement ne tient pas compte de la volatilité des situations professionnelles et familiales, qui est le propre de notre société et qui s’accentue de jour en jour dans notre monde et dans notre économie en mutation. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Nous ne cessons de le répéter, cette réforme protégera les contribuables dans les situations de fragilité qu’ils peuvent connaître, même de façon passagère. C’est le rôle de la puissance publique de veiller à ce que tous nos concitoyens, sans exception, bénéficient des mesures qui leur sont favorables.
Je sais que, comme toute réforme, celle-ci peut susciter des craintes face aux changements qu’elle entraînera. Malheureusement, l’absence de débat ne nous permettra pas d’en aborder chacun des aspects,…
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … tels que la confidentialité des informations fiscales des salariés, qui est garantie, ou la réduction au minimum des diligences demandées aux employeurs.
Arrêtons-nous sur ces deux points. Les apports de la déclaration sociale nominative sont essentiels, et ils permettront d’ajouter une ligne sur la fiche de paie, de façon dématérialisée, automatique et sécurisée. Ah, ajouter une ligne, au XXIe siècle, ce serait terrifiant ! Cela représenterait une charge insurmontable ! Mais en 1993, en 2003, en 2015, en 2016, tous les employeurs ont ajouté une ligne sur leurs bulletins de paie…
M. Alain Gournac. Après vingt-six autres !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais elle n’est pas individualisée !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … à cause de Mme Aubry, de M. Fillon, de M. Bertrand ou de ce gouvernement… Aujourd’hui, il serait insurmontable d’ajouter une ligne sur la fiche de paie à propos du prélèvement à la source ? Mais je n’ai jamais entendu un seul employeur protester contre l’ajout de la ligne intitulée « allégement de cotisations sociales » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Francis Delattre. Il s’agit de données personnelles !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’en viens à la politique budgétaire que nous avons suivie pendant cette législature et que nous poursuivons en 2017. Cette politique a permis une baisse continue du déficit public, je l’ai souligné, mais aussi de dégager les moyens nécessaires pour rendre la vie meilleure dans notre pays.
Il y a eu en effet une constante durant cette législature : jamais nous n’avons hésité à dégager les moyens nécessaires pour que ceux qui en ont besoin puissent bénéficier de l’aide de l’État. Je pense au plan pauvreté, qui a revalorisé le RSA de 10 % au-delà de l’inflation,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur le dos des départements !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … à la prime d’activité pour ceux qui travaillent, aux revalorisations des bourses pour nos jeunes, ainsi qu’aux créations de postes d’enseignants et à la Garantie jeune.
L’aide aux plus démunis a été la ligne directrice de notre politique budgétaire. Les politiques de solidarité et d’insertion ont bénéficié de 1,9 milliard d’euros de moyens supplémentaires entre 2013 et 2017. Pour l’accès et le retour à l’emploi et pour la formation professionnelle, quelque 2,3 milliards d’euros de dépenses nouvelles ont été autorisés.
En outre, à côté de ce fil rouge, la sécurité des Français a exigé que nous relevions des défis que personne n’aurait pu prévoir en 2012. Nous avons pourtant fait face à ces défis tout en respectant notre contrainte budgétaire et nos schémas d’emplois – on en parle beaucoup, j’y reviendrai. Nous avons accordé tous les moyens nécessaires à la défense, à la police, à la gendarmerie, à la justice. Depuis la loi de finances initiale pour 2015, les moyens budgétaires alloués à ces différents secteurs ont progressé de 2,7 milliards d’euros.
En même temps que nous dégagions ces nouveaux moyens pour les Français, nous avons réduit les dépenses moins utiles ; c’est ce qui explique que nous ayons diminué de 6,5 milliards d’euros la dépense de l’État sur la législature, à périmètre constant.
M. Didier Guillaume. Excellent !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’une baisse en euros sonnants et trébuchants, de loi de finances à loi de finances, de loi de règlement à loi de règlement et non par rapport à un tendanciel.
Le plan d’économies sur trois ans lancé en 2014 se poursuivra en 2017 et associera tous les secteurs des administrations publiques. D’ores et déjà, vous avez débattu des économies sur la sécurité sociale, notamment l’assurance-chômage. Ce projet de loi de finances prévoit à nouveau que les collectivités territoriales prennent part à l’effort de redressement de nos comptes publics, ce qui se traduira par une baisse des dotations de l’État. Cette baisse, conformément aux déclarations du Président de la République lors du congrès des maires, sera allégée d’un milliard d’euros par rapport aux deux années précédentes.
L’ensemble des mesures prises dans ce projet de loi, comme dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, doit nous permettre de faire passer le déficit public sous le seuil de 3 % du PIB l’an prochain.
M. Francis Delattre. On peut prendre les paris ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certains crient au loup, à la tricherie. J’y insiste, plusieurs juges de paix se manifestent – le Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes, la Commission européenne, les candidats à la primaire de la droite et du centre –, et la Commission européenne vient de confirmer la crédibilité de cet objectif dans son avis sur la trajectoire budgétaire de la France. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. À 3,1 % du PIB !
M. Francis Delattre. Au prix d’un matraquage fiscal !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Calmez-vous, monsieur le sénateur, tout va bien se passer. (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
Quant au déficit de l’État, il atteindrait 69,3 milliards d’euros, soit son plus bas niveau depuis 2008.
M. Didier Guillaume. Belle réussite !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Bien entendu, ces objectifs pour 2017 s’appuieront fortement sur les résultats que nous attendons pour 2016, un solde de 3,3 % du PIB, confirmé dans le collectif budgétaire récemment déposé – mais l’examinerez-vous ?
À ce propos, permettez-moi de souligner que le léger ajustement de la prévision du taux de croissance pour 2016, ramenée de 1,5 % à 1,4 %, n’entraîne pas de modification de la prévision de solde. Il se résume à une légère évolution de la répartition des recettes fiscales, compte tenu des informations comptables déjà disponibles. La Commission européenne confirme d’ailleurs le réalisme de la prévision du Gouvernement sur ce point, tout comme le Haut Conseil des finances publiques, généralement peu complaisant.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est sûr, là-dessus, nous sommes d’accord…
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Peut-être n’avez-vous pas eu le temps d’en prendre connaissance, monsieur le sénateur, mais le Haut Conseil a publié vendredi dernier au matin son avis sur le projet de loi de finances rectificative et sur la trajectoire de 2017 ; vous aviez peut-être la tête ailleurs à ce moment-là… (Sourires.)
Dans l’avis relatif à l’exercice 2016, j’ai relevé une fois le mot « atteignable » – ce vocable peut certes exprimer un doute –, mais il y avait deux fois le mot « réaliste », monsieur le rapporteur général. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Francis Delattre. En fait, il dit : « peu réaliste » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sous la plume du Haut Conseil des finances, c’est plutôt rassurant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Cette prudence et cette prévoyance ne me semblent malheureusement pas partagées par tous ceux qui siègent dans cet hémicycle ; ils se reconnaîtront !
À entendre les propositions du principal parti d’opposition, j’éprouve un mélange d’inquiétude pour notre pays…
M. Francis Delattre. … et d’admiration ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … et de colère face à la dilapidation annoncée des efforts des Français. Une dette à plus de 100 % du PIB, plus importante que toute notre richesse nationale d’une seule année !
MM. Philippe Dallier et Francis Delattre. C’est déjà fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Un déficit à plus de 4,7 % du PIB (Mme la présidente de la commission des finances approuve.), dont on ne sait plus, d’ailleurs, s’il vaut pour 2017 ou pour 2018.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Regardez le débat de ce soir !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. M. Carrez a dit publiquement qu’il n’avait jamais validé ce chiffre, que l’on tente de justifier par quelques notes qui circulent ici ou là…
M. Francis Delattre. C’était M. Mariton !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, vous avez probablement lu qu’un grand journal du soir s’interroge sur ces comptes – ou plutôt sur ces mécomptes…
Il est toujours commode de justifier ce déficit en se réfugiant derrière l’insincérité supposée de notre budget, alors même que toutes les prévisions confirment le sérieux de notre politique budgétaire. (Rires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
MM. Roger Karoutchi et Francis Delattre. Et sa réussite !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cessez d’attiser les peurs sur l’état de nos finances et acceptez d’avoir une discussion un peu argumentée sur ces chiffres. Mais vous préférez vous défausser et couper court aux débats !
Tout cela n’est que prétexte. Notre budget conduit à un déficit inférieur à 3 % du PIB l’an prochain. Dès lors, quand vous évoquez un déficit à 4,7 %,…
M. Roger Karoutchi. Encore !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … vous admettez dès maintenant que vos cadeaux fiscaux feraient augmenter le déficit. (M. Éric Doligé sourit.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, avec vous, c’est le grand retour des cadeaux fiscaux. Tout votre programme fiscal est organisé autour d’une idée : payer à certains le prix du soutien qu’ils vous apportent. Comment comprendre autrement la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, la baisse des droits de succession pour les plus riches ou la baisse proportionnelle de 10 % de l’impôt sur le revenu ? À qui profitera cette dernière baisse ?
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Aux riches !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certainement pas à ceux qui n’y sont pas assujettis ! Je rappelle, en effet, que 10 % de zéro égale zéro…
MM. Philippe Dominati, Roger Karoutchi et Francis Delattre. Bravo ! (Sourires.)
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Les riches !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certainement ceux qui en paient le plus ! Et cette diminution se traduira par un déficit accru, ainsi que vous l’envisagez, mais aussi, parce que cela ne suffira pas, par des économies sur les retraites, l’éducation, les fonctionnaires, les minima sociaux, la santé et sans doute également sur la sécurité, à laquelle le Gouvernement a rendu les moyens que vous aviez supprimés.
Certains prétendent que la droite et la gauche n’existent plus.
M. Philippe Dallier. La gauche surtout !
M. Roger Karoutchi. La gauche, c’est sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ceux-là n’ont pas lu le programme de vos candidats, qui consiste à donner plus à ceux qui ont beaucoup et à demander des économies à ceux qui n’ont rien. Voilà le programme de la droite, et c’est tout le contraire de ce que nous avons fait.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est absolument pas caricatural …
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous vouliez supprimer 600 000 emplois de fonctionnaires. Un premier tour de primaires et ce chiffre est devenu « jusqu’à 500 000 ». Pourquoi ne pas nous donner la liste des postes concernés ?
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas d’impatience, cela viendra…
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Où les prendrez-vous ? Vous dites que ce ne sera ni dans la défense, ni dans la police, ni dans la gendarmerie, ni dans les hôpitaux.
Je vous rappelle que, chaque année, le nombre de départs à la retraite, dans les trois fonctions publiques, est légèrement supérieur à 100 000. Vouloir supprimer 500 000 emplois en cinq ans, c’est tout simplement arrêter tout recrutement durant la même période !
M. Jacques Chiron. Exactement !
M. Didier Guillaume. C’est logique !
M. Éric Doligé. Non !
M. Charles Guené. C’est possible, avec les trente-neuf heures !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quel programme ! Tenir de tels propos, c’est conduire le pays dans une impasse et décrédibiliser la parole politique.
M. Ladislas Poniatowski. Je croyais qu’on parlait du budget !
M. Didier Guillaume. Il n’y a plus de budget !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Depuis cinq ans, nous avons mené une politique dont nous pouvons être fiers. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Parlez-nous des trous du budget !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette politique a conduit à tout mettre en œuvre pour préserver notre modèle social.
M. Francis Delattre. Parlez-nous des impasses !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Or vous ne trouvez rien de mieux, si j’ai bien compris les intentions de la majorité sénatoriale, que d’opposer une question préalable à ce projet de loi de finances.
Cela dit, vous nous y aviez habitués ! L’an dernier, vous aviez in fine adopté un budget qui présentait un excédent massif.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’était bien ! On avait résorbé le déficit…
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, vous n’aviez pas voté la plupart des crédits, sans d’ailleurs trop dire si vous vouliez plus ou moins de dépenses… Vous n’aviez pas adopté l’article liminaire. Vous aviez voté un texte absolument inapplicable et même totalement inconstitutionnel !
Cette année, vous vous défaussez encore, mais vous ne dites rien de votre stratégie globale.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous en dirons plus bientôt !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Faut-il plus ou moins de dépenses ? Faut-il revenir à l’équilibre et, si oui, comment ? Vous ne répondez jamais à ces interrogations.
M. Roger Karoutchi. Regardez le débat de ce soir !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce que vous prenez pour un baroud d’honneur vous détourne du devoir qui est le vôtre : celui de débattre des textes et de légiférer au nom de la Nation et de toutes ses composantes, que vous êtes censés représenter. Quelle perte pour le débat démocratique ! Quelle piètre image de l’institution qui se voudrait sage, et qui se montre lâche… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Croyez-le bien : à gauche, nous demeurons fidèles aux principes démocratiques et aux valeurs républicaines. Nous nous battrons pour que vivent ces principes et ces valeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, je n’ai pas été convaincu… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Nous non plus !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que, sous la précédente majorité, une question préalable avait été adoptée sur un projet de loi de finances rectificative et deux PLF avaient été rejetés. Ce n’est donc pas une première !
Voilà un peu moins de cinq ans, le 16 juillet 2012, en séance publique, à l’Assemblée nationale, le ministre de l’économie et des finances de l’époque, Pierre Moscovici, qui a été cité, pour des propos tenus au titre d’autres fonctions, déclarait ceci :…
M. Didier Guillaume. Le bal des citations commence…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … « Pour 2012, notre objectif – vous le connaissez – est de ramener le déficit à un niveau plus soutenable. […] Cela s’inscrit dans une trajectoire désormais bien identifiée : 3 % en 2013 et l’équilibre des finances publiques en fin de mandat. »
M. Éric Doligé. Et alors ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Aujourd’hui, nous sommes en fin de législature et la même majorité gouvernementale nous promet non plus d’équilibrer les comptes publics, mais d’atteindre un déficit légèrement inférieur à 3 % du PIB en 2017. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire que, si le commissaire européen aux affaires économiques et financières Pierre Moscovici qualifie de « jouable » l’atteinte de cet objectif pour l’année prochaine, nous n’y croyons pas plus aujourd’hui qu’hier.
Tout d’abord, nous n’y croyons pas, parce que le Haut Conseil des finances publiques, qui ne peut être taxé de partialité, a rendu, en septembre dernier, un avis sur le présent projet de loi de finances et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui démontre que l’hypothèse de croissance de 1,5 % sur laquelle ce budget est bâti est « optimiste », en ce qu’elle excède les prévisions des économistes comme des organisations internationales. Le Haut Conseil a également déclaré que certaines économies, comme celles qui résultent de la conclusion d’une nouvelle convention d’assurance chômage, sont « irréalistes » et, enfin, que la réduction du déficit public telle qu’annoncée est « improbable ». Le Haut Conseil relève également nombre de risques en dépenses, qu’il s’agisse de l’évolution des dépenses d’assurance maladie ou des recapitalisations attendues pour le secteur énergétique, qui rendent la sincérité de ce budget contestable.
Le Haut Conseil a encore confirmé son appréciation vendredi dernier – vous n’avez pas été tout à fait complet sur l’avis qu’il a alors rendu, monsieur le secrétaire d’État –, en examinant le collectif de fin d’année, qui ramène la prévision de croissance de 1,5 % à 1,4 % pour 2016, tout en soulignant que cette première révision ne sera peut-être pas suffisante.
Ce projet de loi de finances ne fait donc l’objet d’aucune prudence dans ses évaluations de recettes et se trouve malheureusement à la merci de toute mauvaise nouvelle, qu’il s’agisse de la remontée des taux d’intérêt, qui a un peu commencé, ou de performances économiques moins bonnes qu’anticipé.
Nous ne croyons pas à ce budget. En effet, la commission des finances, munie de son expérience – elle examine en cours d’année nombre de projets de décrets d’avance, par exemple celui de septembre dernier, qui a ouvert 1,4 milliard d’euros de crédits pour financer 150 000 contrats aidés non budgétés –, a elle-même évalué l’ampleur des surestimations de recettes et des sous-estimations de dépenses pour 2017. Nous considérons, sans retenir les hypothèses les plus défavorables, que l’impasse budgétaire pourrait atteindre 12 milliards d’euros, ce qui conduirait notre pays à un déficit de l’ordre de 3,2 % du PIB l’an prochain. On est bien loin des 2,7 % annoncés !
Bien sûr, on constate des sous-budgétisations récurrentes. Celles-ci ont atteint, en moyenne, 2,5 milliards d’euros sur la période 2011-2015. Pour 2017, ce phénomène concerne une nouvelle fois les OPEX et les opérations de sécurité intérieure, l’hébergement d’urgence, les contrats aidés, l’aide médicale d’État et les contentieux communautaires. Doivent y être ajoutées, cette année, les participations financières de l’État. Comme vous le savez, mes chers collègues, cette liste n’est malheureusement pas exhaustive.
Cependant, notre appréciation de ce projet de loi de finances ne se fonde évidemment pas sur la seule estimation des dérapages prévisibles sur l’année 2017. Elle résulte de l’analyse très détaillée de l’ensemble de ses dispositions.
À l’Assemblée nationale, vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d’État, qu’« il semblerait que [le Sénat] refuse de faire son travail ». Vous n’êtes pourtant pas sans savoir que nous avons publié de nombreux rapports, que la commission des finances a consacré quarante-trois heures à l’examen de ce budget…
M. Didier Guillaume. Pour amuser la galerie !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … et que s’y ajoutent, bien évidemment, les heures qu’y ont consacrées les commissions saisies pour avis, qui ont multiplié les auditions ministérielles et conduit leurs propres travaux. Sans compter la présente discussion générale, que la conférence des présidents a choisi de rallonger, afin précisément que chacun puisse s’exprimer.
M. Roger Karoutchi. Exactement !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Faire son travail ne consiste pas, pour la commission des finances, à approuver les choix du Gouvernement.
M. Didier Guillaume. Ni à voter le budget, apparemment !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons très précisément examiné l’ensemble des articles et des missions budgétaires et pris en compte non seulement le texte proposé par le Gouvernement, mais aussi les modifications introduites par l’Assemblée nationale, bien évidemment.
À l’issue de cet examen très approfondi, que peut-on retenir ? Après un quinquennat marqué par un choc fiscal en direction des ménages tout particulièrement, dont l’imposition – je vous invite à lire le rapport qui a été publié ce matin – est de 31 milliards d’euros plus élevée en 2016 qu’en 2012, on peut retenir que ce projet de loi de finances ne contient qu’une nouvelle mesure ponctuelle : la réduction proportionnelle en faveur des foyers fiscaux, pour un coût de 1 milliard d’euros, soit un gain moyen de 154 euros par foyer fiscal. S’il est vrai qu’il y a « un geste du côté des ménages », pour reprendre les termes du Président de la République, ce dernier se justifie sans doute par l’approche des échéances électorales et a été défini en fonction des faibles marges de manœuvre en recettes.
Il faut préciser que l’inscription, dans le code général des impôts, de cette nouvelle réduction sui generis vient encore complexifier l’impôt et brouiller la lisibilité du barème. Les dispositifs s’empilent – la décote simple, la décote conjugale, la réduction d’impôt proportionnelle –, témoignant de la vaine tentative du Gouvernement d’annuler les effets du choc fiscal du début du quinquennat et de faire oublier son absence de stratégie en matière fiscale.
En définitive, seuls 43,8 % des foyers fiscaux acquittent l’impôt sur le revenu aujourd’hui, contre 50 % en 2012. L’impôt se trouve ainsi concentré sur un nombre toujours plus réduit de contribuables, qui payent toujours davantage.
Au reste, le renforcement de la concentration de l’impôt sur les ménages les plus aisés ou sur la classe moyenne n’est pas tout. À cet égard, j’ai procédé à une évaluation – la plus précise possible – des effets des autres impositions, dont la TVA et la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, sur le budget des ménages. Cette analyse montre une augmentation de près de 6 % du poids des prélèvements indirects entre 2011 et 2015. Cette hausse aura davantage pesé sur les ménages modestes, du fait du caractère dégressif de la fiscalité indirecte. Par ailleurs, les mesures en prélèvements obligatoires adoptées depuis 2012 ont largement défavorisé les actifs et les familles, comme en témoigne une étude menée par la direction générale du Trésor. C’est la raison pour laquelle nous avions souhaité, l’an passé, relever le plafond du quotient familial et alléger l’imposition des classes moyennes, mais, chacun le sait, nos propositions n’ont pas été retenues.
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce projet de loi de finances ne comporte pas de mesure susceptible d’alléger, en 2017, la charge fiscale sur l’ensemble des ménages, alors que celle-ci est passée de 14,5 % à 16 % du PIB entre 2011 et 2016, ce que tout le monde reconnaît désormais.
Comme vous le savez, la mesure emblématique de ce projet de loi de finances est relative non pas au montant de l’impôt, mais à son mode de recouvrement : il s’agit de l’instauration du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, l’un des soixante engagements du candidat François Hollande en 2012, qu’il fallait sans doute honorer en toute fin de mandat…
J’ai souligné, dans un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, le « choc de complexité » créé par ce nouveau dispositif. J’en ai noté de nombreux inconvénients. Je note d’ailleurs que l’Assemblée nationale a adopté un certain nombre d’amendements sur des points que nous avions soulevés : la naissance d’un enfant serait finalement prise en compte, la pénalité pour modulation excessive du taux de prélèvement serait assouplie, la grille de taux par défaut serait affinée et un acompte de 30 % serait introduit pour les crédits d’impôt pour services à la personne et garde d’enfants. Enfin, divers ajustements ont été apportés, liés notamment à la définition des revenus exceptionnels de l’année de transition.
Ces retouches sont sans doute utiles, mais elles sont très clairement insuffisantes pour répondre aux très nombreuses critiques formulées par les participants à nos tables rondes. Vous avez, monsieur le secrétaire d’État, rappelé la longue liste des personnes que vous avez auditionnées. Sachez que celles que nous avons entendues ou qui ont fourni des contributions écrites sont toutes défavorables au prélèvement à la source, comme l’indique le rapport de 244 pages de la commission des finances du Sénat.
L’Assemblée nationale, en adoptant le prélèvement à la source, a choisi un mode de recouvrement qui crée des charges et des responsabilités nouvelles.
M. Claude Bérit-Débat. Il existe partout ailleurs !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez cité d’autres prélèvements, mais le prélèvement à la source s’en distingue en ce que son taux est individualisé, à la différence du taux de la CSG. Ce taux n’est d’ailleurs pas si neutre, puisque vous avez même fait peser une responsabilité pénale sur les entreprises qui le dévoileraient. Il pose des problèmes de confidentialité.
Ce dispositif est donc clairement de nature à complexifier la vie des contribuables, alors même que le taux actuel de recouvrement de l’impôt est excellent.
Pourquoi votre projet de prélèvement à la source ne fonctionne-t-il pas ? Tout simplement parce que notre impôt, qui est « familialisé », qui est, certes, complexe, mais qui repose sur le prélèvement par foyer fiscal, n’est évidemment pas compatible avec un prélèvement à la source assis sur l’individu.
Je regrette que nos collègues députés n’aient pas retenu, dans le texte qu’ils ont finalement adopté, la proposition du Sénat, qui a été supprimée en deuxième délibération.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est faux ! Tel n’était pas l’objet de l’amendement qui a été voté à l’Assemblée nationale !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre proposition était plus simple. Elle prévoyait un prélèvement mensuel et contemporain, qui permettait de garder un lien exclusif entre le contribuable et l’administration fiscale, sans besoin d’introduire un tiers ni de complexifier le système.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’en viens maintenant à la fiscalité des entreprises.
Le Gouvernement a malheureusement annulé, pour l’an prochain, les 5 milliards d’euros de baisses d’impôt qui étaient prévues pour les entreprises.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Si ! Vous avez notamment renoncé à un certain nombre d’engagements pris dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Seule subsiste la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur les bénéfices.
M. Didier Guillaume. C’est une blague !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les PME seront imposées à 28 %, ce qui se traduira, d’ailleurs, par une perte de recettes de 330 millions d’euros.
À côté, les entreprises accorderont, en 2017, de très nombreuses avances à l’État, qu’il s’agisse de l’acompte d’impôt sur les sociétés ou de l’acompte de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, en attendant l’acompte sur la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, qui est inscrit dans le collectif budgétaire. Un certain nombre de mesures – prétendument « de trésorerie » – permettent donc d’améliorer le solde, mais ce sont des avances de recettes prélevées sur les entreprises.
Ainsi, concrètement, les entreprises devront verser par anticipation près de 1 milliard d’euros d’impôts dont elles ne sont redevables qu’au 1er janvier 2018 ou au titre d’un bénéfice qui n’est pas encore réalisé. Ces deux dispositions, de même que celle qui crée un nouvel acompte de prélèvement forfaitaire sur les revenus mobiliers, sont bien, qu’on le veuille ou non, des prélèvements supplémentaires en 2017, dont le seul motif est de gonfler artificiellement les recettes budgétaires de l’année, puisque leur effet sera neutralisé dès 2018. Nous ne pouvons évidemment pas accepter ces artifices budgétaires.
Plus généralement, et c’est sans doute là le point majeur, ce projet de loi de finances porte atteinte à notre compétitivité, du fait notamment de dispositions introduites par l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, les députés ont remis en cause, de manière particulièrement inopportune, le régime fiscal et social des actions qui résultait de la loi Macron, même si l’appellation de ce texte ne plaît plus aujourd’hui. La constitutionnalité de cette disposition, partiellement rétroactive, sera sans doute discutée. Enfin, les députés ont élargi l’assiette de la taxe sur les transactions financières, notamment aux opérations intrajournalières, et augmenté son taux. C’est regrettable à un moment où la place de Paris cherche à attirer les investisseurs, en particulier du fait du Brexit ! Là aussi, de nombreux risques constitutionnels existent. Ces dispositions, qui sont prises totalement à contretemps, ne peuvent évidemment être acceptées. Elles envoient des signaux négatifs, notamment pour ce qui concerne le dispositif en faveur des impatriés, qui témoigne d’ailleurs, en creux, de la lourdeur de notre système fiscal.
Je n’insisterai pas non plus sur d’autres dispositions introduites par nos collègues députés, particulièrement pénalisantes pour nos concitoyens. Je pense en particulier à la suppression de l’exonération de la plus-value sur la vente d’un premier logement en cas de réinvestissement dans l’achat d’une résidence principale ou encore à la possibilité, pour les communes situées en zone tendue, de porter à 60 % la majoration de taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Il y a fort à parier, hélas, que les augmentations d’impôts soient réelles, en 2017, pour de nombreux contribuables.
D’ailleurs, le Gouvernement reconnaît lui-même que le taux de prélèvements obligatoires ne diminuera pas l’an prochain. (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC.) Ce taux s’établira à 44,5 % du PIB, au lieu des 44 % encore prévus en avril dernier, dans le pacte de stabilité. Le Gouvernement a donc fait le choix de modifier très profondément l’équilibre en recettes et en dépenses pour 2017, en renonçant aux baisses de fiscalité pourtant promises, afin de pouvoir relâcher de manière significative les efforts sur la dépense publique. De fait, les baisses d’impôt attendront 2018…
Si l’on examine plus précisément les dépenses de l’État, le plafond prescrit en loi de programmation des finances publiques est dépassé de 9,1 milliards d’euros dès le projet de loi de finances. Le Gouvernement a fait des fameux 50 milliards d’euros d’économies l’alpha et l’oméga de sa politique. Cet objectif avait été l’un des leitmotive de sa communication. Il est aujourd’hui oublié. Le quantum d’économies prévu en 2017 dans le cadre de ce plan d’économies – certes, officiellement abandonné – est revu de 19 milliards d’euros à 12 milliards d’euros, dont seulement 1,5 milliard d’euros pour le budget de l’État. Encore ce chiffre fort modeste traduit-il une hausse réelle des dépenses, atténuée par des économies de pure constatation, qui ne dépendent aucunement des choix du Gouvernement… Ainsi, la charge de la dette est revue très nettement à la baisse, de 7,7 milliards d’euros, même si ce chiffre appelle la prudence. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne devrait lui aussi être inférieur de 2,4 milliards d’euros à la prévision de la loi de programmation, ce qui permet d’afficher une économie à moindres frais.
J’ajoute, concernant les dépenses, que plus de 40 % de la hausse des dépenses de l’État est due, en 2017, à la masse salariale, pour un montant de 3,2 milliards d’euros. Cela se traduira, à un moment où il n’y a pas d’inflation et quasiment pas de croissance, par une progression de 4 % de la masse salariale. Il faut remonter quinze ans en arrière, en 2002, pour retrouver une hausse aussi importante des dépenses du titre 2 – l’inflation n’était sans doute pas la même ! Ainsi, l’augmentation totale des dépenses de personnel sur l’ensemble du quinquennat s’élèvera à 5,1 %. À titre de comparaison, puisque certains ici aiment se comparer à ce qui a été fait durant la période précédente, la masse salariale avait décru de 6,6 % de 2007 à 2012, et était restée stable de 2002 à 2007.
Concrètement, cette hausse des dépenses de personnel annule presque l’intégralité des efforts de maîtrise réalisés depuis dix ans. Elle entraînera bien évidemment des conséquences budgétaires pérennes, bien au-delà du seul exercice 2017, puisque les fonctionnaires engagés devront être payés tous les ans.
On pourrait nous dire que cette évolution est justifiée notamment par le plan de lutte contre le terrorisme et l’actualisation de la loi de programmation militaire, mais ces mesures n’en expliquent qu’une faible partie : l’augmentation provient d’abord des recrutements dans d’autres ministères, tout particulièrement à l’éducation nationale.
M. Didier Guillaume. Nous le revendiquons !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Surtout, elle résulte de l’effet de mesures catégorielles, du glissement vieillesse-technicité, du dégel du point d’indice et du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » – le fameux « protocole Lebranchu » –, qui, d’ailleurs, coûte non seulement au budget de l’État, mais également à celui des collectivités territoriales.
MM. Philippe Dallier et Éric Doligé. Eh oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce protocole ne représente que 1,2 milliard d’euros en 2017. Cependant, nous mesurons déjà, en 2016, les effets budgétaires de cette politique, puisque nous venons d’être saisis d’un projet de décret d’avance, que nous examinerons la semaine prochaine, qui entérine un dérapage de rien de moins que 887 millions d’euros de la masse salariale de l’État en 2016, soit sept fois plus que le dépassement constaté en 2015, mes chers collègues.
Or, comme le Sénat l’a démontré lors de la discussion des précédents PLF, la maîtrise de la masse salariale de l’État est possible. Les outils sont nombreux. Ils peuvent être articulés autour de plusieurs axes. L’enquête que nous avions commandée à la Cour des comptes au titre du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances nous a d’ailleurs suggéré des pistes : une réduction des effectifs résultant d’une rationalisation des missions de l’État ; un accroissement du temps de travail dans la fonction publique ; un effort supplémentaire demandé aux opérateurs de l’État ; un développement de la mobilité dans l’intérêt du service.
Je rappelle simplement un chiffre de ce rapport sur la masse salariale de l’État que nous avions mis en avant : si le temps de travail des salariés du public était porté à 37,5 heures par semaine, ce qui correspond à la durée hebdomadaire de travail habituellement déclarée par les salariés du secteur privé, l’économie réalisée s’élèverait tout simplement à 5 milliards d’euros par an pour les trois fonctions publiques, dont 2,2 milliards d’euros pour la seule fonction publique de l’État. Vous voyez, mes chers collègues, que les pistes ne manquent pas !
À cet égard, l’année dernière, comme les années précédentes, le Sénat avait formulé des propositions très précises. Malheureusement, celles-ci n’ont fait l’objet d’aucune prise en considération de la part du Gouvernement.
M. Didier Guillaume. Allez voir à l’hôpital !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En tout état de cause, ce relâchement des efforts en dépenses intervient dans un contexte où la France affiche un ratio des dépenses publiques par rapport au PIB supérieur de 8,2 points à la moyenne de la zone euro. En outre, sur la durée, la progression des dépenses publiques a été plus dynamique en France que chez nos partenaires européens, puisqu’elle a été d’environ 2 % par an entre 2011 et 2015, contre une moyenne de 1 % dans les autres pays de la zone euro.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cette progression des dépenses publiques, deux fois supérieure à la moyenne des autres pays de la zone euro pour la période 2011-2015, explique le déficit de la France que l’on constate aujourd’hui.
Au total, mes chers collègues, le déficit de l’État est tout simplement attendu, en 2017, à 69 milliards d’euros. C’est sans doute une amélioration, mais une amélioration artificielle de 3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. En effet, cette estimation ne neutralise pas une recette de 4 milliards d’euros, liée à un simple jeu d’écritures : on a décidé de verser la trésorerie dont l’État disposait sur la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, sur le nouveau compte de commerce « Soutien au commerce extérieur ». Autrement dit, ce n’est pas une nouvelle recette : c’est un simple mouvement de crédits, qui aurait normalement dû être traité comme un changement de périmètre.
En tout état de cause, comme je l’ai rappelé en introduction, la commission des finances estime que le déficit de l’État sera bien plus dégradé que la présentation du projet de loi de finances ne le laisse penser.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2017 n’est pas acceptable, non seulement au regard des choix qu’il traduit pour l’année prochaine, mais aussi, et c’est sans doute un élément fondamental, compte tenu des très nombreuses charges qu’il fait peser sur le budget de l’État pour les années à venir. Non seulement ce budget témoigne d’un clair dérapage des dépenses de l’État, mais, au surplus, le Gouvernement prend de nombreux engagements qui contraindront les dépenses et les recettes de l’État en 2018 et au-delà.
Par exemple, le passage de 6 % à 7 % du taux du CICE, auquel nous aurions préféré une baisse des charges, n’aura aucun impact budgétaire en 2017. En revanche, il diminuera le produit de l’impôt sur les sociétés de 1,6 milliard d’euros en 2018 et de 3,1 milliards d’euros à l’horizon de 2021.
De même, la baisse du taux d’impôt sur les sociétés à 28 % grèvera le budget de l’État de 1,45 milliard d’euros en 2018 et de 7 milliards d’euros en 2021, sans aucun impact en 2017.
De façon similaire, la prorogation du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le fameux CITE, et son cumul avec le dispositif d’éco-prêt à taux zéro, ou éco-PTZ, auront un coût budgétaire quasi nul en 2017 – 1 million d’euros –, mais qui s’élèvera à 1,7 milliard d’euros dès 2018. Il s’agit donc bien d’une démarche pluriannuelle.
Cette liste n’est pas exhaustive. Il faut également mentionner l’extension du crédit d’impôt sur le revenu pour les particuliers employeurs qui concernera en premier lieu les retraités. Cette mesure, qui n’aura aucune incidence budgétaire en 2017, devrait coûter 1,1 milliard d’euros à compter de 2018, voire davantage si l’on se réfère à l’estimation réalisée par la direction générale du Trésor en 2014. Vous répondiez pourtant à M. François Marc, qui avait déposé un amendement sur ce sujet, si ma mémoire est bonne, que tout cela était trop coûteux…
Il en est de même du crédit d’impôt au profit des associations et établissements sociaux, introduit par voie d’amendement, qui devrait entraîner une perte de recettes de 600 millions d’euros. L’an passé, lors de l’examen des amendements en séance publique, vous nous disiez pourtant, monsieur le secrétaire d’État, que nous n’en avions pas les moyens.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. N’êtes-vous pas en train de lire la note de M. Carrez ? Ce sont les mêmes chiffres, dans le même ordre…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Que Gilles Carrez et moi ayons les mêmes chiffres me semble plutôt rassurant, monsieur le secrétaire d’État.
Manifestement, la perspective des échéances électorales change la donne aujourd’hui. Ce qui était trop coûteux hier devient bizarrement possible à la veille d’échéances électorales.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous devriez aussi lire Le Monde ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Au total, le Gouvernement propose des mesures en recettes dont le coût croîtra de manière exceptionnelle pour atteindre 12 milliards d’euros à l’horizon de 2021.
On pourrait imaginer que ces baisses d’impôt à effet budgétaire différé s’accompagnent, en contrepartie, d’une réduction de la dépense publique. Il n’en est rien, comme je l’ai montré sur la question de la masse salariale. Pis, le Gouvernement ajoute des dépenses nouvelles pour les exercices à venir.
Ainsi, la budgétisation du troisième programme d’investissements d’avenir a de quoi surprendre : aucun crédit de paiement n’est prévu en 2017, alors que l’on parle de milliards d’euros. Seules des autorisations d’engagement sont inscrites au budget de l’État, ce qui permet au Gouvernement d’afficher un effort de 10 milliards d’euros en faveur d’investissements de long terme sans dégrader le solde budgétaire d’un centime.
En outre, on ne cesse d’annoncer des dépenses nouvelles, généralement pluriannuelles. Ainsi, l’annonce, par le Président de la République le 27 octobre dernier d’une augmentation de 1 milliard d’euros des moyens liés aux opérations de rénovation urbaine ne pèsera qu’à hauteur de 15 millions d’euros en crédits de paiement en 2017. Le reste devra être décaissé à partir de 2018.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si vous suivez bien la note, vous devriez maintenant parler des prisons !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. De même, dans le cadre du très beau plan de lutte contre la surpopulation carcérale (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.), quelque 1,16 milliard d’euros ont été engagés, mais sans aucun décaissement des crédits de paiement en 2017. Encore une charge reportée sur 2018…
Je pourrais multiplier les exemples. Au total, ce sont 12 milliards d’euros de dépenses qui pèseront sur les exercices postérieurs à 2017.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Lisez aussi Le Monde, monsieur le rapporteur général. Tous les chiffres sont en page 6 ! (Mêmes mouvements.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Encore une fois, monsieur le secrétaire d’État, je trouve très rassurant que Gilles Carrez, Le Monde et moi-même ayons les mêmes chiffres !
Les dépenses vont aller croissant à l’avenir, alors que les impôts, eux, devraient se réduire étrangement dans un mouvement de ciseaux qui, bien évidemment, dégradera encore nos finances publiques.
Mes chers collègues, le présent projet de loi de finances comprend près de 25 milliards d’euros de charges qui pèseront sur les années postérieures à 2017, dont plus de 8 milliards d’euros dès 2018. Il s’agit d’une forme de détournement du principe de l’annualité budgétaire, selon lequel « le budget décrit, pour une année, l’ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l’État ».
Le Gouvernement avait renoncé, à juste titre, me semble-t-il, à nous présenter un projet de loi de programmation des finances publiques cet automne. On peut toutefois se demander si ce cadre pluriannuel n’aurait pas été nécessaire tant ce projet de loi de finances préempte l’avenir en multipliant les crédits d’impôt – j’en ai cité un certain nombre, mais l’Assemblée nationale en a augmenté bien d’autres ; je pense notamment à la prorogation du CITE qui, à elle seule, coûte 1,6 milliard d’euros.
J’en viens, pour finir, aux finances des collectivités territoriales. Sur ce sujet, le projet de loi de finances pour 2017 s’inscrit dans la continuité des précédents et peut se résumer en un mot : « rustines ». Les finances locales sont un bateau qui prend l’eau de toutes parts et dont vous essayez de colmater les brèches.
La baisse brutale de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, dénoncée par le Sénat, a placé certaines communes dans des situations intenables, alors que, chaque année, vous demandez aux collectivités territoriales de financer une hausse de la péréquation verticale et modifiez les critères de répartition.
Aujourd’hui, la baisse des dotations, comme l’avait souligné le rapport d’information sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017, entraîne une baisse inédite de l’investissement. Vous en avez d’ailleurs pleinement conscience, raison pour laquelle vous mettez en place, dans l’urgence, un fonds de soutien pour éteindre l’incendie que vous avez vous-même allumé.
La DGF est devenue encore plus illisible. Vous vous débattez avec les « DGF négatives » que vous avez créées et avec des systèmes d’écrêtement qui ne fonctionnent plus. L’année dernière, le Gouvernement avait proposé une réforme qui, faute de concertation, n’a pu aller à son terme. Le présent projet de loi de finances prend acte de son abandon.
Même le mécanisme des « variables d’ajustement » ne fonctionne plus. On aboutit aujourd’hui à une situation absurde : vous financez la hausse de la péréquation par des ponctions sur les territoires les plus fragiles.
Le Président de la République s’était engagé à apporter une solution pérenne au financement par les départements des allocations individuelles de solidarité. Or la réalité est tout autre : le projet de loi de finances rectificative, que nous examinerons dans quelques jours, se borne à mettre en place des fonds « exceptionnels ».
Je pourrais encore continuer, mais le temps qui m’est imparti touche à son terme. En 2017, l’État impose aux collectivités locales 900 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour la seule fonction publique territoriale.
En conclusion, l’examen très attentif du projet de loi de finances montre qu’un très grand nombre de ses articles, au-delà de quelques mesures techniques, ne peuvent recueillir notre assentiment.
Les dispositions proposées en matière de fiscalité des ménages ou des entreprises ne sont pas à la hauteur des enjeux, après un quinquennat marqué par des hausses de prélèvements au détriment des actifs, des familles, des collectivités locales et des investisseurs, désorientés par les changements de régimes fiscaux qui nuisent à la compétitivité de notre pays.
Ce budget pour 2017 est un budget de campagne, fondé sur un retour hypothétique du déficit public à 3 % du PIB en 2017. Sa sincérité est donc plus que contestable.
M. Daniel Raoul. Il faut conclure !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les deux années passées, nous avions adopté un projet de loi de finances très sensiblement modifié, avec nombre d’amendements, mais nos propositions n’avaient pas été retenues.
M. François Marc. On ne pouvait pas faire pire !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous ne laissiez même pas de quoi payer les fonctionnaires !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cette année, le projet de loi de finances présente en outre des défaillances structurelles auxquelles le cadre fixé par l’article 40 de la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances ne nous permet pas de remédier.
Au-delà de ces aspects, le Sénat ne peut non plus débattre d’un projet de loi de finances contraire au principe d’annualité budgétaire…
M. Didier Guillaume. Le Sénat peut en parler, mais pas en débattre !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … et qui obère les marges de manœuvre de la prochaine majorité gouvernementale.
Telles sont les raisons, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour lesquelles la commission des finances vous propose d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble de ce projet de loi de finances et de rejeter ainsi le texte dans sa totalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ainsi donc le Sénat s’apprête à rejeter en bloc le projet de loi de finances pour 2017 en lui opposant la question préalable, à l’issue d’une discussion générale dilatée dont les modalités d’organisation inhabituelles ne suffiront pas à occulter le fait que la majorité du Sénat renonce à sa fonction de législateur.
La motion tendant à opposer la question préalable est prévue par notre règlement. Elle est un outil comme un autre à la disposition des assemblées. Comme vous l’avez souligné, le Sénat à majorité de gauche a recouru à cette procédure à l’occasion de l’examen d’une loi de finances rectificative, en 2012.
Toutefois, pour une assemblée parlementaire élue au suffrage universel, renoncer à examiner la loi de finances de l’année, s’interdire d’autoriser la perception des impôts et d’allouer les crédits aux différentes politiques publiques, voilà un renoncement singulier !
Je connais bien sûr les limites que les institutions de la Ve République fixent aux pouvoirs du Parlement en matière budgétaire. En l’espèce, je ne vois pas en quoi elles auraient pu entraver la majorité sénatoriale pour laquelle les impôts sont trop élevés et l’État dépense trop.
Rien dans la Constitution ni dans les lois organiques n’empêche le Parlement de voter des économies ou de baisser les impôts. Rien ne vous aurait empêché de présenter des amendements pour réduire les crédits là où vous l’auriez jugé utile – et nous aurions été curieux de savoir où… –; rien ne vous aurait empêché de baisser certains impôts, voire d’en supprimer.
Le cadre juridique actuel n’empêche pas le Sénat de peser sur le contenu des lois de finances. L’année dernière, la copie du Sénat était très différente de celle de l’Assemblée nationale et la commission mixte paritaire avait échoué.
Cela n’avait pourtant pas empêché l’Assemblée nationale d’adopter 28 articles dans la rédaction du Sénat, de confirmer la suppression de 6 articles votée par le Sénat, de reprendre 10 articles introduits par le Sénat et de conserver, dans 26 articles, des modifications apportées par le Sénat. Il y a donc eu un apport de la Haute Assemblée, total ou partiel, sur 70 articles. La navette est utile et vous décidez pourtant de ne rien proposer cette année.
Les contraintes qui s’imposent à la majorité sénatoriale ne sont pas principalement juridiques. Pour ma part, sans verser dans la politique-fiction, je suis résolument opposée à tout ce qui peut conduire à une pratique des institutions dans laquelle le Parlement occupe une place secondaire, dans laquelle les parlementaires sont priés de remiser leur droit d’amendement. Je ne pourrai jamais me résoudre – nous l’avons évoqué ensemble, monsieur le président – à ce que le Sénat soit placé sur un strapontin institutionnel.
Aujourd’hui, pourtant, la Haute Assemblée s’apprête à amputer un pan significatif de la vie démocratique de notre pays. Chaque année, plus de 200 sénateurs participent au débat sur la loi de finances de l’année, un temps fort pour toutes les forces vives de nos territoires : 82 rapporteurs pour avis ont travaillé, sans parler des rapporteurs spéciaux et de notre rapporteur général qui, cette année encore, se sont mobilisés pour que la commission des finances examine le texte dans ses moindres détails. Qu’ils en soient remerciés, cette année peut-être plus que les autres, puisqu’ils auront déployé leur énergie en vain, pour rien.
Je voudrais aussi que chacun mesure ce que la majorité sénatoriale s’apprête à rejeter en bloc.
Nous n’examinerons pas les moyens du plan d’urgence pour l’emploi ni les mesures en faveur de la jeunesse et de l’emploi des jeunes avec, par exemple, la généralisation de la Garantie jeune, les crédits supplémentaires pour le service militaire adapté des jeunes ultramarins ou encore la montée en puissance du service civique.
Nous n’examinerons pas la réduction d’impôt sur le revenu de 20 % en faveur des classes moyennes, qui bénéficiera à 7 millions de foyers fiscaux, non plus que l’amélioration de l’avantage fiscal accordé aux retraités modestes pour les aider à recourir à des aides à domicile, ni les nouvelles mesures de revalorisation de la situation des anciens combattants et des supplétifs.
Nous n’examinerons pas l’effort financier en faveur des agriculteurs, dont les 480 millions d’euros prévus pour le nouvel allégement de cotisations sociales, non plus que les 216 millions d’euros prévus pour le financement des contrats de ruralité qui viennent s’ajouter à l’augmentation de la dotation d’équipement des territoires ruraux – la DETR –, qui va désormais représenter environ un milliard d’euros. Pourtant, si j’ai bien compris, tout le monde se réjouit de ces mesures !
Nous n’examinerons pas les modalités du retour de l’État dans le financement des projets portés par l’ANRU ni la première tranche du milliard d’euros annoncé en faveur du nouveau programme de rénovation urbaine.
De même, nous n’examinerons pas les financements en faveur de l’aide au développement qui atteignent pourtant un montant record cette année, ni les mesures de soutien à la transition énergétique.
Nous n’examinerons pas les 11 802 créations de postes dans l’éducation nationale qui permettront de tenir l’engagement de créer 55 000 postes en cinq ans.
Nous n’examinerons pas non plus les mesures permettant de mieux rémunérer les enseignants, dont le triplement de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves.
Les 100 millions d’euros destinés à permettre aux universités de faire face à la pression démographique ne seront pas examinés, pas plus que la nouvelle aide aux étudiants boursiers qui finissent leurs études sans emploi, ainsi que la généralisation des aides financières aux boursiers.
Nous n’examinerons pas l’augmentation de 8 % des crédits de l’Agence nationale de la recherche.
Nous n’examinerons pas le budget de la culture, alors qu’il franchit à la hausse le seuil de 1 % du budget de l’État.
Nous n’examinerons pas l’augmentation du taux du CICE qui va alléger les charges des entreprises de 3 milliards d’euros à terme.
Nous n’examinerons pas non plus la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés qui passera à 28 % en 2020 et qui cible prioritairement, sans attendre, les petites entreprises, pas plus que le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, tant attendu par le secteur associatif.
Nous n’examinerons pas les moyens supplémentaires accordés aux forces de police et de gendarmerie par le plan pour la sécurité publique et les conséquences financières du protocole de revalorisation de leur rémunération, ni un budget qui accorde à nos armées 600 millions d’euros de plus que ce que prévoyait la loi de programmation militaire dans sa version révisée, qui crée une indemnité pour récompenser les militaires de leur forte mobilisation et exonère d’impôt sur le revenu les primes versées dans le cadre de l’opération Sentinelle.
Le Sénat va aussi renoncer à peser sur un grand nombre de mesures, au premier rang desquelles le prélèvement à la source, au sujet duquel notre commission et son rapporteur général s’étaient pourtant fortement mobilisés.
Je pense aussi, dans le contexte du Brexit et de la promotion de place de Paris, à la taxe sur les transactions financières intrajournalières et aux modalités de distribution d’actions gratuites.
Je pense aussi, bien évidemment, aux finances locales. Nous devrons expliquer à nos électeurs que nous n’avons pas eu notre mot à dire sur l’intégration des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle dans les variables d’ajustement, sur les modalités de répartition du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales en 2017, sur l’affectation aux régions d’une fraction du produit de la TVA, sur la réforme de la dotation de solidarité urbaine ou encore sur l’organisation financière et fiscale de la métropole du Grand Paris.
Selon la majorité du Sénat, les défaillances structurelles de ce projet de loi de finances seraient telles qu’il faudrait renoncer à se prononcer sur chacune de ces composantes.
Ce budget manquerait de sincérité… De quoi parlons-nous ? Le projet de loi de finances repose sur une hypothèse de croissance de 1,5 % en 2016 et en 2017, ramenée à 1,4 % en 2016 par le projet de loi de finances rectificative.
Les prévisions du consensus des économistes se situent à 1,3 % en 2016 et à 1,2 % en 2017. Quelques dixièmes de points de pourcentage n’ont jamais suffi à rendre un projet insincère.
Permettez-moi, pour ramener les choses à leurs justes proportions, d’évoquer le dernier document budgétaire produit par l’ancienne majorité, le programme de stabilité d’avril 2012, présenté juste avant l’élection présidentielle. Il tablait sur une croissance de 1,75 % en 2013, quand le taux réellement constaté s’est établi à 0,2 %.
M. François Marc. Voilà une différence autrement plus importante !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est pour remédier à ce type de scénarios fantaisistes que nous avons collectivement créé le Haut Conseil des finances publiques.
La majorité sénatoriale critique aussi la trajectoire des finances publiques et met en doute la capacité de notre pays à ramener son déficit public sous le seuil de 3 % du PIB en 2017.
Pour se faire une idée, il aurait été utile que la majorité sénatoriale présente sa propre trajectoire. Aurait-elle retenu l’objectif de 3 % en 2017 ? Ou bien se serait-elle ralliée à une trajectoire désormais au centre du débat public et qui repose sur un déficit public de 4,7 % en 2017, pour un retour hypothétique aux 3 % en 2020 seulement ? À chacun sa cohérence ! Nous savons ce que nous avons subi et supporté, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État, pour parvenir à ramener le déficit en dessous de 3 %.
En tout état de cause, rassurez-vous, l’objectif est à notre portée. Pour atteindre 3 % en 2017, il nous faut réduire le déficit de 0,3 point de PIB en un an, voire moins si le résultat de 2016 est meilleur que prévu. Or, depuis le début de la législature, nous avons fait mieux en moyenne chaque année.
Ce constat vaut pour l’État comme pour la sécurité sociale. L’objectif est de réduire le solde des régimes obligatoires de base de 2,8 milliards d’euros en 2017, après 3,2 milliards en 2016 et près de 3 milliards en 2015.
Pourquoi douter des objectifs avancés par le Gouvernement, alors qu’ils se situent dans le prolongement des réalisations passées ? Ce qu’il nous propose aujourd’hui, le Gouvernement l’a réalisé les années précédentes !
Il faudrait surtout, lorsque l’on évoque la trajectoire des finances publiques, saluer le choix de politique économique, constant depuis 2012, de veiller à l’équilibre entre redressement des finances publiques et soutien à l’activité économique.
J’observe tout d’abord que la France ne figure pas dans la liste des huit pays dont l’analyse du projet de budget pour 2017 a suscité des critiques sérieuses de la part de la Commission européenne et nous en sommes heureux.
J’observe surtout que la Commission européenne, le 16 novembre dernier, a incité les États de la zone euro à prendre collectivement leurs responsabilités pour soutenir par le levier budgétaire la politique monétaire mise en œuvre par la Banque centrale européenne.
Tant que l’ensemble des États ne joue pas le jeu collectif, la France s’honore de prendre sa part du soutien à l’activité en Europe. Elle le fait en s’interdisant de conduire une politique budgétaire récessive.
Elle le fait aussi par sa politique de soutien à l’investissement, par les programmes d’investissements d’avenir successifs, par son activisme dans la mobilisation des crédits du plan Juncker, par le plan de soutien à la construction – qui commence à porter ses fruits – ou encore par les mesures successives de soutien à l’investissement local.
Car il faut rendre hommage aux exécutifs locaux et à leur sens des responsabilités. Les dépenses de fonctionnement sont contenues, le levier fiscal est utilisé avec une grande modération et tous les analystes prévoient un redémarrage de l’investissement local, après deux années de baisse dues en grande partie au cycle électoral.
J’en viens à une autre critique adressée à ce budget : il engagerait des dépenses ou des pertes de recettes en repoussant leur financement sur les années suivantes, une fois l’échéance électorale passée.
Cet argument me déconcerte, car, pour ma part, j’aurais critiqué le Gouvernement s’il avait renoncé à se projeter dans l’avenir et à fixer un cap à son action.
Je poserai la question autrement : si les électeurs envoyaient à l’Assemblée nationale une majorité différente en juin prochain, la majorité sénatoriale proposerait-elle de supprimer les mesures dont elle critique aujourd’hui le coût ?
Proposeriez-vous de revenir sur la baisse de l’impôt sur les sociétés à l’horizon de 2020, sur la prorogation du CITE ou sur l’élargissement du crédit d’impôt en faveur des particuliers employeurs ? Proposeriez-vous de revenir sur les gains procurés aux entreprises par l’augmentation du taux du CICE et de supprimer le crédit d’impôt en faveur des associations ? Je ne le crois pas, car ce sont de bonnes mesures. Comme vous ne voulez pas le reconnaître, vous préférez rejeter en bloc le budget.
L’examen de ce budget en commission a été marqué par un paradoxe. La majorité du Sénat trouve qu’on ne fait pas assez d’économies, mais ne veut pas dire où elle les ferait.
De nombreux rapporteurs ou orateurs de la majorité ont mis en évidence des manques de moyens et ont appelé, pour ce motif, à rejeter des missions. Si bien qu’on ne sait pas si la majorité sénatoriale pense qu’il y a trop de crédits, pas assez de crédits, trop d’économies, pas assez d’économies... J’observe d’ailleurs que la commission des finances a proposé l’adoption de trente-six missions sur cinquante-deux.
Mon seul commentaire sera de constater que cette indécision contraste avec les résultats obtenus par le Gouvernement depuis 2012.
Les finances de l’État n’ont pas dérapé depuis cette période. Bien au contraire, en 2017, hors charge de la dette et pensions, les dépenses de l’État seront inférieures de 5 milliards d’euros à leur niveau de 2012. En 2017, le déficit de l’État sera inférieur de 17 milliards d’euros à son niveau de 2011 et de plus de 5 milliards d’euros à celui de 2012.
Tout en consolidant les finances publiques, le Gouvernement a gouverné. Il a fait des choix, financé ses priorités et préparé l’avenir : 60 000 postes ont été créés dans l’éducation et dans la recherche ; les moyens de la police et de la gendarmerie ont crû de 11 % sur le quinquennat ; l’accès des plus pauvres à la justice a été amélioré par la suppression du droit de timbre et par l’élargissement de l’accès à l’aide juridictionnelle ; en trois ans, 1 600 magistrats ont été recrutés – en 2017, comme en 2016, l’École nationale de la magistrature accueillera 280 élèves, contre 105 en 2009 et en 2010.
L’absence de marges de manœuvre budgétaire n’a pas non plus empêché de transformer notre système fiscal.
Nous avons amorcé le « verdissement » de notre fiscalité en l’accompagnant d’une plus grande progressivité des prélèvements obligatoires reposant sur les ménages et d’un allégement des charges supportées par les entreprises.
Le CICE et le pacte de responsabilité prévoient 40 milliards d’euros d’allégements des prélèvements acquittés par les entreprises. La TVA sociale, votée à la toute fin du précédent quinquennat, ne prévoyait que 13,2 milliards d’euros…
La prime pour l’emploi a été supprimée et remplacée l’année dernière par la prime d’activité. On prédisait un taux de recours très faible, comparable à celui de l’ancien RSA « activité ». Or il est de plus du double : 4 millions de personnes en avaient bénéficié au 30 juin 2016.
Les baisses cumulées d’impôt sur le revenu, ciblées sur environ 12 millions de ménages modestes ou appartenant aux classes moyennes, atteindront 6 milliards d’euros en 2017.
Mes chers collègues, il y a les paroles et il y a les actes. La majorité sénatoriale nous reproche souvent de la renvoyer au bilan du quinquennat précédent, trop lointain et relevant de circonstances différentes. Nous aurions pu renouveler l’exercice et confronter le bilan et les projets de l’action du Gouvernement à un autre projet, celui de la majorité sénatoriale. Au lieu de cela, mes chers collègues, ceux d’entre vous qui ont été désignés iront à l’Assemblée nationale rendre une copie blanche en commission mixte paritaire. Peut-être nos collègues députés nous offriront-ils un café ? (Sourires.)
Parce que je soutiens l’action du Gouvernement, parce que je ne me résous pas à ce que le Sénat renonce à tenir sa place dans les institutions, je m’opposerai résolument à la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de dix minutes à un porte-parole par groupe, de trois minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe et de dix minutes pour chaque président de commission.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette non-discussion budgétaire décidée par la majorité sénatoriale est paradoxale, mais non surprenante.
Bien entendu, nous acceptons le principe de l’utilisation de moyens de procédure – en l’occurrence, celui de la motion tendant à opposer la question préalable – pour étayer un positionnement politique.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et vous savez de quoi vous parlez !
Mme Éliane Assassi. Mais combien de fois, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, nous avez-vous rétorqué, lorsque nous étions les auteurs de telles motions, qu’il fallait laisser vivre le débat, ne pas nuire au Sénat ou encore ouvrir le débat à l’ensemble des parlementaires en séance publique et non aux seuls membres des commissions concernées afin de donner tout son sens au bicamérisme, auquel vous vous dites très attachés ?
Votre attitude fut pourtant plus conciliante lors de l’examen de textes aussi importants que les projets de loi Macron ou El Khomri. Là, point de motion de procédure sur des projets de loi pourtant rejetés par une majorité de nos concitoyens ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Pourquoi ce raidissement soudain ? Ce budget serait-il si différent des autres ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
Mme Éliane Assassi. Marque-t-il une rupture ? Certainement pas.
En dehors de la création du prélèvement à la source, ce budget est dans l’exact prolongement de ceux qui ont été élaborés depuis 2012 : dogme de la réduction des dépenses, maintien et progression du CICE, réduction de l’impôt sur les sociétés ne peuvent être occultés par la réduction de l’impôt d’une partie de la classe moyenne, matraquée durant les premières années du quinquennat, alors que les plus riches échappent toujours, par moult détours, à une imposition justement proportionnée.
L’un des arguments avancés pour justifier ce rejet serait la certitude de pouvoir tout réécrire dans le cadre d’une loi de finances rectificatives en juillet 2017. Il me semble pour le moins osé de justifier le recours à une motion par une hypothèse que seul le suffrage universel peut valider.
Mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, la vérité est sans doute ailleurs, en l’occurrence du côté des primaires de la droite et du centre. Nous y voyons la volonté manifeste de masquer vos débats internes.
Je le dis d’emblée, nous réprouvons cette démarche, en raison non pas de l’utilisation d’une procédure à la disposition de tout parlementaire, mais de l’absence totale de motivation cohérente, crédible, à l’appui du recours à cette procédure.
Nous désapprouvons une posture politicienne qui permet d’éluder une absence de désaccord frontal avec les choix budgétaires du président Hollande et de ses gouvernements depuis 2012.
En effet, ce projet de loi de finances, le dernier du quinquennat, conclut cinq années d’un changement qui n’a pas eu lieu – ou plutôt qui a eu lieu, mais certainement pas dans le sens voulu par les électeurs du 6 mai 2012…
M. Philippe Dallier. Ah !
Mme Éliane Assassi. La ratification du traité budgétaire « Merkel-Sarkozy » par un président qui avait pourtant promis de le renégocier a, dès le départ, étouffé les espoirs.
Avec les nouvelles règles ainsi instaurées, c’est la Commission européenne qui valide en amont les choix budgétaires de la France. Cette année, comme les précédentes, elle ne s’est pas opposée au projet soumis à ce contrôle antidémocratique. Mieux encore, elle n’a même pas sourcillé.
Il est assez intéressant de constater que la majorité sénatoriale dépose une question préalable sur un projet validé par la très libérale Commission européenne. Nous sommes donc bien dans une posture, qui masque mal les accords de fond avec l’orientation générale.
Examinons ensemble quelques chiffres pour comprendre la mansuétude de l’institution présidée par M. Juncker.
Le produit de l’impôt sur le revenu a bondi de 59,5 milliards d’euros à 73,4 milliards d’euros entre 2012 et 2015. Chacun sait que les plus riches – ces 500 familles qui ont vu leur patrimoine augmenter de 25 % en cinq ans – n’ont souffert qu’à la marge de cette augmentation qui a visé, en premier lieu, les classes moyennes.
En parallèle, le produit de l’impôt sur les sociétés s’est réduit, au cours de la même période, de 40,8 milliards d’euros à 29,4 milliards d’euros.
Autre comparaison, la TVA, impôt injuste par nature en ce qu’il frappe tout le monde aveuglément, a grimpé de 133,4 milliards d’euros à 149,4 milliards d’euros. Le consommateur pauvre doit payer l’addition de ces budgets d’austérité.
L’évolution du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, qui a symbolisé le tournant libéral du quinquennat, doit être rapportée à cette augmentation de la TVA.
Ce crédit d’impôt, accordé sans aucune obligation d’investissement ou d’embauche, a coûté 60 milliards d’euros au budget de la Nation depuis sa création, et 17 milliards d’euros rien que dans ce projet de loi de finances pour 2017.
Les milliards concédés au MEDEF, sans créations d’emplois, ont trop souvent concouru à enrichir toujours plus les actionnaires des grands groupes. Carrefour, par exemple, a empoché 146 milliards d’euros en 2014, alors que, depuis 2012, les dividendes ont augmenté de 25 %. Auchan recevait 88 millions d’euros alors qu’était augmenté de 12,5 % le salaire de ses dirigeants en 2015.
Est-il normal enfin que La Poste, numéro un du CICE, ait reçu 341 millions d’euros à ce titre en 2015, alors que 6 284 emplois y étaient supprimés la même année et que de nombreux bureaux de poste fermaient, précipitant la désertification des zones rurales et la disparition, dans certaines zones urbaines, des services publics ?
Ainsi 17 milliards d’euros sont-ils consacrés au CICE dans ce projet de budget. Ce n’est pas rien au regard des budgets de la justice, dotée de 6,9 milliards d’euros, ou de l’agriculture, gratifiée de 3,1 milliards d’euros, alors que tout devrait être fait pour aider à l’installation de jeunes agriculteurs.
Comment s’étonner que MM. Juppé et Fillon surenchérissent, ce dernier proposant même d’ajouter 40 milliards d’euros au pactole du CICE existant ? La gourmandise est un vilain défaut, et le patronat n’a jamais su réfréner son appétit en matière de cadeaux fiscaux.
Monsieur le secrétaire d’État, vous annoncez comme une bonne nouvelle la baisse de plus d’un milliard d’euros de l’impôt sur le revenu de contribuables relativement modestes. À cet égard, il convient de rappeler l’explosion des impôts locaux. Selon vos propres chiffres, les produits de la taxe d’habitation et de la taxe foncière ont respectivement progressé entre 2011 et 2015 à une moyenne annuelle de 8 % et de 7 %.
L’évolution de l’impôt en général pose une question grave. L’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est-il encore pleinement respecté dans notre pays ? Permettez-moi d’en rappeler les termes : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
Ce principe fondateur de la proportionnalité de l’impôt, principe pleinement reconnu aujourd’hui, toujours et encore, par le Conseil constitutionnel, est de toute évidence profondément remis en cause par la croissance de la TVA et l’inflation de l’impôt local, qui, rappelons-le, hormis certains allégements et réductions, n’est pas progressif.
Monsieur le secrétaire d’État, doit-on considérer que l’article XIII de la Déclaration de 1789 est devenu caduc, sous la pression, en particulier, du dogme de la réduction de la dépense publique ?
Si l’on s’appuie sur les études soulignant un déplacement net de la fiscalité des entreprises vers celle des ménages, on peut considérer que la grande réforme fiscale empreinte de justice annoncée en 2012 n’est vraiment plus de mise.
Ce budget est donc encore un budget d’austérité. Il presse le contribuable, abîme le service public et n’organise pas l’investissement public nécessaire à la relance économique et à la lutte contre le chômage. L’investissement public est ainsi passé de 86 milliards d’euros à 67 milliards d’euros de 2012 à aujourd’hui.
Ce dogme austéritaire, contraire à l’idée de relance, a marqué le quinquennat qui s’achève. Un boulevard a été ouvert à ceux qui souhaitent mettre un terme à ce qui subsiste de notre modèle social français.
En abattant les digues de la résistance sociale, on crée la possibilité d’un retour au pouvoir d’une droite qui espère revenir définitivement sur plus d’un siècle de progrès social, à l’image de M. Fillon, lequel envisage sereinement d’« exploser » la limitation de la durée du travail.
Le projet porté par la droite, qu’elle ne veut pas présenter aujourd’hui,…
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas l’objet !
Mme Éliane Assassi. … est un projet dévastateur sur le plan social, un projet de casse massive du service public. Quand vous annoncez, avec vos candidats, chers collègues de la majorité sénatoriale, 250 000 ou 500 000 suppressions de postes de fonctionnaires, pensez-vous un seul instant aux familles, aux femmes, aux hommes, pour qui ces services publics sont les derniers remparts contre la violence sociale qui sévit dans notre pays ?
M. Vincent Delahaye. Nous pensons d’abord à ceux qui sont au chômage !
Mme Éliane Assassi. En quoi supprimer des postes d’infirmières, de policiers et d’enseignants constituerait-il un progrès pour la France ?
Cette vieille rengaine d’une dépense publique inutile, chère à Margaret Thatcher au Royaume-Uni, a produit le désastre social que l’on connaît dans les banlieues anglaises sinistrées. Je ne peux qu’encourager MM. Fillon et Juppé à se rendre au cinéma, comme je l’ai fait, pour voir le dernier film de Ken Loach. Peut-être en sortiront-ils quelque peu ébranlés dans leurs certitudes ultralibérales !
Pour nous, la France de l’avenir, ce n’est pas l’Angleterre des années 1980, avec ses charges à cheval contre les mineurs. La France de l’avenir, c’est celle de la solidarité, celle du partage des richesses, de la mobilisation générale pour l’emploi, source de reconstruction, de la mobilisation générale en faveur de l’éducation pour tous, de la mobilisation générale pour l’accès aux soins de l’ensemble de nos compatriotes, de la mobilisation générale pour un logement digne pour chacun, de la mobilisation générale, enfin, pour le droit à vieillir dignement.
Nous regrettons que François Hollande et ses gouvernements n’aient pas œuvré en faveur de ces mobilisations, choisissant l’abandon face à un ennemi pourtant dénoncé, à savoir la finance, alors que les moyens existaient pour agir, comme nous le prouvons par nos propositions.
Mais nous sommes inquiets de la brutalité affichée par une droite à l’affût. Nous aurions rejeté sans ambiguïté ce budget de renoncement, mais nous voterons contre la question préalable, qui porte en elle une revanche libérale que nous refusons et combattrons de toutes nos forces. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous n’examinerons peut-être pas le projet de loi de finances cette année. Je tiens à le dire d’emblée, au nom de tous les membres du groupe du RDSE, c’est un grand regret ! Le Sénat, comme l’Assemblée nationale, mérite un débat complet et transparent sur ce grand rendez-vous budgétaire annuel, où sont inscrites d’importantes mesures de politique économique et fiscale. Surtout, nous avons, en tant que parlementaires, des propositions à faire et des amendements à défendre.
Le projet de loi de finances pour 2017 est donc le dernier de cette législature et de ce quinquennat. C’est l’occasion d’ébaucher un bilan équilibré, sans complaisance, mais sans critique excessive, des politiques menées et de l’évolution des comptes publics.
Entre 2012 et 2017, les déficits se sont incontestablement réduits. C’est particulièrement visible pour les comptes sociaux, qui sont quasiment revenus à l’équilibre, nous l’avons vu ces derniers jours en examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. La branche retraite du régime général est même légèrement excédentaire, ce qui constitue une nouveauté que nous attendions depuis longtemps. Espérons que cela durera !
Le déficit de l’État a également baissé. En 2012, il représentait 4,8 % du PIB. En 2016, il devrait s’établir à 3,3 % et repasser l’an prochain sous le seuil fatidique des 3 %. Toutefois, de nombreuses incertitudes, aussi bien politiques qu’économiques, pèsent aujourd’hui sur ce chiffre. Les prévisions de croissance sont d’ores et déjà revues à la baisse aussi bien par la Commission européenne et le FMI que par l’OCDE, du fait notamment des conséquences incertaines du Brexit et de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.
Des taux d’intérêt bas ont contribué de façon cruciale à réduire le déficit. Toutefois, cette situation, dont la France a beaucoup profité, pourrait se modifier l’an prochain. Rien n’indique que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, bénéficiera de conditions d’emprunt aussi favorables.
Face à de si grandes incertitudes, quelles sont les propositions du Gouvernement et, surtout, quelles sont les conséquences concrètes pour nos concitoyens et nos territoires ?
Le Gouvernement a décidé de poursuivre la réduction de l’impôt sur le revenu pour les revenus moyens : une personne seule au revenu inférieur à 20 500 euros par an bénéficiera ainsi d’une réduction de 20 %. Dont acte. La démarche vise à alléger la facture pour une partie des classes moyennes. Malheureusement, elle contribue aussi à réduire toujours plus l’assiette de cet impôt.
Un impôt citoyen et juste doit être supporté par le plus grand nombre, même de façon symbolique. Tel est le sens de l’amendement « Joseph Caillaux » (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) que nous avons déposé à l’article 2, comme chaque année depuis la suppression de la tranche à 5,5 %. Si nous faisons ainsi référence au père de l’impôt sur le revenu progressif, homme politique radical, c’est parce que cet amendement renvoie tout simplement au principe de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, cité tout à l’heure par Éliane Assassi, selon lequel, « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
Je salue bien évidemment les mesures de solidarité à l’égard des ayants droit des membres des forces de l’ordre décédés en mission et des victimes du terrorisme. Tout ce qui peut être fait pour soulager la douleur des familles et des proches des victimes doit être soutenu sans condition, au moment où nous apprenons que de nouveaux attentats ont été déjoués et que le danger reste constant.
La réduction par étapes du taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés à partir de l’an prochain jusqu’en 2020 est un facteur d’attractivité du territoire national. Elle n’aura pas d’impact sur l’application du taux réduit de 15 % pour les TPE-PME ; c’est un gage de stabilité.
Parallèlement, la France doit poursuivre ses efforts en faveur d’une harmonisation vertueuse des politiques fiscales dans l’Union européenne et lutter davantage contre le dumping fiscal.
Je souhaite vous faire part de notre inquiétude concernant l’aménagement du régime d’imposition des élus locaux, qui figure à l’article 5 du projet de loi. La mise en œuvre de la réforme du prélèvement à la source entraînera la refonte du régime d’imposition des indemnités des élus locaux – il fonctionne depuis longtemps déjà sur le principe d’une retenue à la source –, qui serait intégré au sein du nouveau régime général, dont l’application débuterait en 2018. Mais la réforme n’est pas neutre fiscalement, car elle accroîtra le prélèvement pour certains élus. Une réforme technique comme celle-ci ne doit pas être utilisée pour dissimuler un durcissement fiscal. Sur ce point, nous souhaitons vous entendre, monsieur le secrétaire d’État.
Concernant l’évolution des dotations aux collectivités locales en 2017, nous pouvons faire deux constats.
Premièrement, pour le bloc communal, le résultat est moins mauvais qu’attendu, avec une moindre baisse de la DGF, promise par le Président de la République, le 2 juin dernier, lors du congrès des maires.
Deuxièmement, les grands perdants de ces arbitrages sont les régions et les départements. Leur contribution au redressement des finances publiques reste inchangée, alors que leur situation s’est considérablement aggravée. Je pense notamment à la baisse des dotations aux départements et à l’ampleur croissante de leur reste à charge du fait de dépenses de solidarité, qui renforce leurs difficultés.
Si nous n’examinons pas la première partie du projet de loi de finances, nous ne discuterons pas non plus de la deuxième partie, relative aux mesures fiscales non rattachées et aux crédits des missions. Cela signifie très précisément que nous ne pourrons nous prononcer ni sur l’instauration du prélèvement à la source, ni sur la réforme de la propagande électorale, ni sur la répartition des différentes dotations aux collectivités, autant de sujets majeurs qui mériteraient pourtant d’être examinés en détail.
Dans ce contexte législatif contraint, notre groupe, s’il approuve les grandes orientations budgétaires du projet de loi de finances, émet de nombreuses réserves sur le détail de son contenu. La trajectoire de redressement des finances publiques définie dans la loi de programmation pluriannuelle, révisée lors de la présentation du programme de stabilité, reste globalement acceptable, même si elle manque manifestement d’ambition.
Il est essentiel de prendre davantage en compte les préoccupations des territoires, en particulier des territoires ruraux. Des mesures fiscales volontaristes en faveur de l’activité agricole et des réseaux des chambres d’agriculture, des infrastructures de transport – nous avons évoqué le réseau ferroviaire hier dans cet hémicycle –, de la communication par téléphone mobile et par internet et des services aux personnes sont indispensables.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes particulièrement attentifs à la préservation du tissu d’entreprises locales, qui sont vitales pour l’activité économique dans nos territoires ruraux.
La crise agricole est particulièrement aiguë – nous en avons également parlé hier. Si les tensions sont un peu retombées à la suite des mesures d’urgence prises par le Gouvernement, la situation demeure préoccupante. Les causes, certes, viennent de plus loin ; les solutions ne dépendent pas seulement de la volonté du Gouvernement. Cette volonté est bien réelle, mais la concurrence joue à l’échelle européenne. J’en profite pour appeler de mes vœux l’adoption définitive, dans les plus brefs délais, des dispositions de la loi Sapin II relatives à l’agriculture, car la vie économique de nombre d’agriculteurs, éleveurs et producteurs de lait en dépend.
Le soutien à l’investissement local est un enjeu majeur. La précédente loi de finances avait créé un fonds de soutien d’un milliard d’euros, dont nous devons d’ores et déjà tirer un premier bilan. L’article 60 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit de le renforcer, en majorant de 200 millions d’euros la dotation d’équipement des territoires ruraux. Les 600 millions d’euros attribués au titre de la dotation de soutien à l’investissement doivent contribuer à la réalisation de projets de rénovation thermique, de transition énergétique, de développement des énergies renouvelables, de mise aux normes et de développement de l’accessibilité des infrastructures. Enfin, les 600 millions d’euros destinés aux projets de territoire doivent donner davantage de moyens aux communes et intercommunalités situées en zone rurale.
En conclusion, je redis notre profond regret de ne pouvoir examiner ce projet de loi de finances. L’an dernier, les débats avaient été particulièrement riches et animés ; je pense notamment à la discussion sur la réforme des dotations du bloc communal. La majorité de la Haute Assemblée avait présenté un budget alternatif. Si nous n’avions pas approuvé l’ensemble du texte, nous avions, du moins je l’espère, apporté une contribution positive et fait adopter quelques amendements.
Nous laissons ainsi passer l’occasion d’examiner précisément et de façon constructive la fiscalité et l’économie. Gageons que les questions budgétaires reviendront bientôt à l’ordre du jour avec le projet de loi de finances rectificative.
Après cette intervention générale au sein de cette première discussion générale, plusieurs de mes collègues du RDSE s’exprimeront mardi prochain, au cours du deuxième épisode, sur différents sujets, notamment plusieurs missions de ce projet de loi de finances, avant que M. Mézard n’explique notre vote sur la question préalable souhaitée et déposée par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Daniel Raoul applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe UDI-UC.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez présenté à l’instant un bilan enjolivé du quinquennat, sur le plan financier comme sur le plan budgétaire.
Pour le groupe UDI-UC, ce quinquennat est celui des promesses non tenues. D’abord, le candidat Hollande avait promis un retour à l’équilibre budgétaire en cinq ans. Vous nous présentez aujourd’hui un texte qui fait apparaître un déficit de 70 milliards d’euros, alors que le déficit moyen du quinquennat aura été de 72 milliards d’euros. Le retour à l’équilibre budgétaire paraît donc très lointain !
Ensuite, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait affirmé que neuf Français sur dix ne seraient pas concernés par la hausse des impôts. Vous le savez, c’est tout à fait faux. Aujourd’hui, l’augmentation de l’impôt sur le revenu par rapport à 2012 est de 14 milliards d’euros, alors que le nombre de contribuables a baissé. Par conséquent, les classes moyennes et supérieures payent beaucoup plus qu’en 2012.
En outre, on nous avait promis un grand soir fiscal. MM. Ayrault et Valls avaient repris ce créneau. On n’a rien vu venir, excepté du bricolage et de l’improvisation fiscale, avec 103 hausses et créations de taxes. On a assisté à une inflation fiscale, sans véritable réforme.
Par ailleurs, en 2014, MM. Hollande et Valls avaient annoncé 50 milliards d’euros d’économies. Au fur et à mesure des lois de finances, on a constaté que ces économies, surtout celles qui concernaient l’État, étaient constamment reportées. Cette perspective a donc été abandonnée, comme nous nous y attendions.
Malheureusement, nous avons besoin de réaliser des économies sur les dépenses. Depuis le début, nous avons un désaccord de fond. Vous ne m’écoutez pas, monsieur le secrétaire d’État !
M. Vincent Delahaye. Vous avez toujours prôné la maîtrise des dépenses. Pour notre part, nous sommes partisans de leur réduction, indispensable pour revenir à l’équilibre budgétaire. Celle-ci ne pourra se faire qu’avec une réforme de fond, qui n’a pas été mise en œuvre au cours de ce quinquennat.
Pis, vous prônez la maîtrise des dépenses, mais vous ne l’appliquez pas !
M. Vincent Delahaye. Maîtriser les dépenses, c’est faire en sorte que les dépenses de l’État évoluent au même rythme que l’inflation. Or elles ont augmenté deux fois plus !
M. Vincent Delahaye. J’ai fait le calcul, si ces dépenses avaient évolué au même rythme que l’inflation, le déficit se trouverait allégé de 35 milliards d’euros, c’est-à-dire qu’il serait moitié moindre !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les dépenses ont baissé en valeur ! Qu’est-ce que vous racontez ?
M. Vincent Delahaye. Pour 2017, vous ouvrez en grand le robinet : les cadeaux électoraux, qui représentent au total 10 milliards d’euros, bénéficient à tout le monde, notamment aux fonctionnaires, qui récupèrent 4 milliards d’euros, aux jeunes, aux indépendants, aux agriculteurs et aux intermittents. Vous me répondrez que c’est de bonne guerre. Soit, il s’agit d’une situation classique. Je le fais simplement remarquer, plus les caisses sont vides et plus on distribue ! Vous faites des cadeaux électoraux à crédit, d’une ampleur sans précédent. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le rapporteur général a évoqué des sous-budgétisations. Certaines sont récurrentes, notamment pour ce qui concerne les opérations extérieures, les contrats aidés et l’hébergement d’urgence. Elles ont été chiffrées entre 1,5 milliard d’euros et 2,5 milliards d’euros par la commission des finances.
Ce budget présente également des artifices comptables : un certain nombre de dépenses, décidées en 2017, ne feront sentir leur plein effet sur les comptes qu’en 2018. Cet effet a été chiffré à 10 milliards d’euros. Il s’agit notamment du programme d’investissements d’avenir et du crédit d’impôt pour la transition énergétique. Je ne citerai pas toutes les mesures concernées, M. le rapporteur général en ayant dressé la liste.
Si j’additionne ces 10 milliards d’euros aux sous-débudgétisations, je constate que les dépenses sont sous-évaluées de 11 milliards d’euros à 13 milliards d’euros.
M. Vincent Delahaye. Quant aux collectivités territoriales, on leur demande de poursuivre l’énorme effort qu’elles ont déjà commencé à mettre en œuvre et qui devait représenter un total de 28 milliards d’euros, que vous avez finalement réduits d’un milliard d’euros, portant ainsi l’effort global à 27 milliards d’euros.
M. Éric Doligé. Laissez parler l’orateur !
M. Vincent Delahaye. Je vous demande de ne pas m’interrompre, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye et à lui seul ! Vous pourrez répondre le moment venu, monsieur le secrétaire d’État.
M. Vincent Delahaye. Je le répète, monsieur le secrétaire d’État, si les dépenses avaient évolué au même rythme que l’inflation, elles auraient été allégées de 35 milliards d’euros.
J’ai également calculé que, si l’État s’était imposé les mêmes efforts que ceux qu’il a demandés aux collectivités locales, nous aurions économisé 35 milliards d’euros supplémentaires ! Nous serions ainsi aujourd’hui à l’équilibre budgétaire.
Pour ma part, j’estime que le retour à l’équilibre ne peut se faire en cinq ans. Il convient de se fixer une durée de dix ans, qui me paraît plus raisonnable.
S’agissant des recettes, vos prévisions, monsieur le secrétaire d’État, sont hyper-optimistes. Nous ne sommes pas les seuls à le dire, puisque le Haut Conseil des finances publiques, que votre gouvernement a créé, juge improbable un déficit de 70 milliards en 2017. Vous vous êtes bien gardé de le rappeler tout à l’heure ! Vous vous êtes en effet contenté d’évoquer un avis récent dudit Haut Conseil, sans mentionner le point de vue très sévère qu’il a émis sur ce projet de loi de finances.
Les prévisions concernant la croissance, la consommation et la création d’emplois ont été gonflées.
M. Vincent Delahaye. Vous tablez par ailleurs sur une hausse de 5 milliards d’euros des recettes de TVA. J’aimerais bien savoir pourquoi !
Selon la commission des finances, la surévaluation des recettes atteint 5 milliards d’euros à 7 milliards d’euros.
M. Vincent Delahaye. Au total, en corrigeant la sous-évaluation des dépenses et la surévaluation des recettes, on obtient un déficit plus proche de 86 milliards d’euros ou de 90 milliards d’euros que des 70 milliards d’euros prévus par ce projet de loi de finances. (M. le secrétaire d’État s’esclaffe.)
Nous dénonçons donc l’insincérité de ce budget. Nous ne pouvons pas continuer dans cette voie. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
La Commission européenne ne veut pas prendre position avant des échéances électorales importantes, d’autant que l’un de ses commissaires est l’ancien directeur de campagne du candidat François Hollande. Il est donc compliqué pour lui de dénoncer ce projet de loi de finances.
Pour notre part, nous dénonçons l’insincérité de ce projet de budget, ainsi que son caractère électoraliste. Pour autant, nous aurions été prêts à en discuter, monsieur le secrétaire d’État (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.), si nous n’avions pas fait l’expérience, au cours de ces dernières années, de votre comportement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Car vous n’avez jamais cessé de nous dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »
Toutes nos propositions, y compris celles qui relevaient du simple bon sens, ont été écartées, des chiffrages totalement fantaisistes nous étant opposés. Qu’irions-nous faire aujourd’hui avec un budget électoraliste et insincère, alors même que le Gouvernement n’a jamais accepté d’écouter la moindre proposition émanant du Sénat ? Nous y perdrions tous notre temps !
La commission des finances a beaucoup travaillé. (M. le secrétaire d’État hausse les épaules.) Je ne vois pas pourquoi vous vous moquez ainsi, monsieur le secrétaire d’État ! Je ne me moque pas de Bercy, et je ne pense pas qu’il faille se moquer du travail réalisé par le Sénat, qui a passé des centaines d’heures à travailler sur ce texte.
Plusieurs sénateurs socialistes. Le temps de parole est écoulé !
M. le président. C’est moi qui préside !
M. Vincent Delahaye. Simplement, si, par le passé, le comportement du Gouvernement avait été plus constructif à l’égard du travail du Sénat, nous aurions pu accepter d’aller plus loin dans la discussion de ce projet de loi de finances.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Vincent Delahaye. Le groupe UDI-UC votera donc la motion tendant à opposer la question préalable, pour dénoncer ce budget électoraliste. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion budgétaire, qui occupe chaque année notre calendrier de l’automne, est une clef de voûte de l’équilibre des pouvoirs exécutif et législatif.
La plupart des historiens considèrent d’ailleurs que, si les assemblées délibérantes, nées au cœur du Moyen Âge, ont progressivement réussi à conquérir un pouvoir politique face aux monarques, c’est grâce à la revendication, puis à l’affirmation laborieuse de l’annualité du vote du budget.
Celle-ci tient aujourd’hui encore une telle place dans notre procédure parlementaire que le projet de loi de finances de l’année est le seul texte législatif pour lequel le règlement de notre Haute Assemblée prévoit, de droit – M. le président pourra le confirmer –, un scrutin public à la tribune.
C’est donc ce socle du pouvoir parlementaire que la majorité sénatoriale nous propose de dynamiter cette année. Carthago delenda est !
L’argumentation a le mérite de la simplicité : ce budget serait électoraliste. Oui, il ne faut pas se le cacher, ce budget est un brin électoraliste.
M. Philippe Dallier. C’est dit !
M. André Gattolin. Soyons honnêtes, mon cher collègue, l’électoralisme est la chose du monde la mieux partagée, en particulier par toutes nos formations – je pense surtout à celles qui ont la capacité de proposer un budget !
Le Haut Conseil des finances publiques a considéré qu’une prévision de croissance de 1,5 %, sur laquelle a été fondé le budget pour 2017, est « optimiste ». Le rapporteur général juge même qu’elle « frôle l’irréalisme ».
Au mois de septembre dernier, lorsque le projet de loi de finances a été déposé, le consensus des économistes évoquait une prévision de 1,2 % de croissance pour 2017, soit un écart de 0,3 point avec la prévision retenue.
Mais, mes chers collègues, qu’en était-il du projet de loi de finances pour 2012, voté quelques mois avant le précédent rendez-vous présidentiel ? Au mois de septembre 2011, le consensus des économistes s’établissait, lui aussi – c’est un hasard ! –, à 1,2 % de croissance, mais la prévision du gouvernement de François Fillon était à cette époque non pas de 1,5 %, mais de 1,75 %, soit un écart de 0,55 point ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Michel Berson. Il fallait le rappeler !
M. François Marc. C’était donc un budget insincère ? (Sourires sur les mêmes travées.)
M. André Gattolin. Le Haut Conseil des finances publiques n’existait pas encore, mais gageons qu’il aurait au moins qualifié, avec son langage châtié, une telle prévision de « follement enthousiaste ».
Rappelons que la croissance pour 2012 aura finalement été de… 0 % !
Sans vouloir donner de leçon à quiconque, avant de trop vilipender l’irréalisme d’aujourd’hui, il n’est pas inutile de se remémorer les chimères d’hier.
La majorité sénatoriale reproche également à ce budget de comporter des mesures fiscales dont l’impact ne portera pas principalement sur l’année 2017. Là encore, c’est vrai ! Mais cela tient essentiellement, chacun l’aura compris, aux modalités de recouvrement de l’impôt. Certains crédits ou baisses d’impôt n’ont effectivement pas d’impact sur les finances publiques l’année de leur entrée en vigueur du fait du délai de perception d’un an, mais c’est la conséquence des arcanes de notre droit fiscal ; ces mesures seront bel et bien appliquées dès le 1er janvier 2017.
Certes, il n’est pas interdit de penser que le Gouvernement, cette année peut-être un peu plus que d’autres d’années, utilise de telles règles au mieux de ses intérêts.
Mais, dans le même temps, avec le prélèvement à la source, il met enfin en place une ambitieuse réforme du recouvrement de l’impôt sur le revenu, qui devrait justement supprimer un tel décalage préjudiciable à la lisibilité des finances de l’État et des ménages. Il serait donc cohérent de saluer une telle initiative.
Je poursuis la comparaison. Pour 2012, qu’en était-il des réformes à impact différé ?
Dans le projet de loi de finances rectificative du mois de mars 2012, le gouvernement de François Fillon nous avait proposé, à un mois de la présidentielle, l’introduction d’une TVA sociale d’un montant de 13 milliards d’euros.
On pourrait gloser, comme le fait aujourd’hui la majorité sénatoriale à propos du prélèvement à la source, sur la légitimité démocratique des grandes réformes entreprises en fin de mandat.
En l’occurrence, la TVA sociale du mois de mars 2012 n’était pas une réforme, puisqu’elle était assortie d’une entrée en vigueur… au 1er octobre de l’année 2012, c’est-à-dire juste après les élections. Cela n’a donc pas grand-chose à voir avec le fait que les crédits d’impôt appliqués en 2017 s’imputent au solde de 2018.
Autrement dit, le projet de loi de finances rectificative de mars 2012, dont la TVA sociale constituait le principal contenu, n’était vraiment qu’une coquille vide ! La comparaison avec le projet de loi de finances de cette année est donc réellement sans fondement.
S’il est une chose que nous pourrions reconnaître sur toutes les travées de cet hémicycle, c’est que le dernier budget d’un quinquennat comporte toujours une part d’électoralisme, plus ou moins grande selon l’époque.
C’est la logique de notre calendrier institutionnel qui s’applique, indépendamment de la couleur de la majorité en place. Pour autant, un tel fonctionnement n’est pas satisfaisant et l’opposition est dans son rôle en le dénonçant ; je dirais même qu’elle doit tenir ce rôle. Cela passe en particulier par la confrontation transparente et minutieuse des propositions, point par point, pied à pied. Rien dans la part d’électoralisme du cru 2017 ne justifie que la majorité refuse de débattre et dépossède le Sénat d’une de ses prérogatives les plus fondamentales !
Pour terminer la comparaison avec 2012, rappelons que la majorité sénatoriale d’alors avait, quant à elle, fait son travail, en adoptant le projet de loi de finances après l’avoir réécrit. Certes, ce que nous ne savions pas encore à l’époque, c’est que nous n’en voterions malheureusement plus d’autre ensuite.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Et voilà !
M. André Gattolin. Pour notre part, au groupe écologiste, nous sommes restés fidèles à nos positions, considérant par exemple, comme cela est indiqué dans la désormais fameuse motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative pour 2012, que la mise en œuvre de cette TVA sociale « dégraderait le pouvoir d’achat des ménages, sans améliorer la compétitivité et l’emploi. »
Or, avec 40 milliards d’euros de CICE et de baisses de charges, financés en partie par une hausse de la TVA, le gouvernement actuel a choisi de prendre une mesure assez proche de cette TVA sociale, pour en faire la colonne vertébrale de la politique économique et budgétaire du quinquennat.
Comme l’on pouvait s’y attendre, le bilan de cette mesure phare est mitigé, pour ne pas dire médiocre : tout juste 100 000 emplois créés, pour un coût marginal prohibitif et des entreprises françaises au premier rang des dividendes pour la zone euro, avec 42 milliards d’euros distribués en 2015.
Or c’est bien cette politique, et non la crise ou encore nos engagements européens, qui a annihilé notre marge de manœuvre budgétaire et imposé des coupes claires à l’État et aux collectivités territoriales !
La baisse de l’impôt sur le revenu qui figure dans le budget pour 2017 est, à cet égard, bienvenue. Le rééquilibrage qu’elle opère au profit des ménages reste toutefois trop faible au regard de l’effort qui leur a été imposé tout au long du quinquennat pour permettre l’accroissement des marges des entreprises.
En outre, le choix de baisser l’impôt sur le revenu plutôt que la TVA ou la CSG tend à réduire encore un peu plus le produit du principal prélèvement obligatoire doté d’un barème progressif. Cela ne concourt évidemment pas à renforcer la justice de notre système fiscal.
Pour nous, ce budget comporte, malgré tout, des points positifs, en tout cas dans sa version issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, où le Gouvernement semble avoir, à ce stade, choisi de se montrer conciliant avec sa majorité.
On peut ainsi se réjouir de la nouvelle mouture du prélèvement à la source, par laquelle les députés ont répondu aux principales critiques qui avaient été émises.
On peut se réjouir aussi de l’introduction d’une véritable taxe sur les transactions financières, même si son avenir reste pour le moins politiquement précaire.
On peut se réjouir encore des progrès, certes modérés, sur la fiscalité des carburants ou de la généralisation des crédits d’impôt en faveur de l’emploi associatif et de l’emploi des salariés à domicile.
En matière de dépenses, il y a également quelques motifs de satisfaction. Je pense en particulier au budget de la culture, dont je suis corapporteur spécial avec mon collègue Vincent Éblé, budget dont les crédits affichent cette année une hausse significative de plus de 5 %, après les années de vaches maigres du début du quinquennat.
Cependant, ce budget ne remet malheureusement pas fondamentalement en cause une politique économique qui ne recueille pas notre assentiment.
Symboliquement, ce projet de loi de finances sera même le véhicule par lequel nous aurons discrètement enterré l’écotaxe pour un coût de dédit proche du milliard d’euros.
Ce n’est clairement pas ce que nous espérions de ce budget. Nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas saisi cette dernière occasion pour ressouder la majorité qui s’était constituée ici autour de la réécriture du projet de loi de finances pour 2012. C’est précisément pour cela que nous souhaitons débattre point par point, comme il sied à une assemblée parlementaire responsable.
Pour notre part, nous ne craignons ni la confrontation politique des projets ni l’examen juridique et financier de leur faisabilité. Si les spéculations sur le degré d’électoralisme ont toute leur place dans le débat parlementaire, elles n’ont, en revanche, aucune légitimité à le censurer ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à rappeler que ce projet de loi de finances a fait l’objet d’un examen minutieux de la part de notre Haute Assemblée.
M. Michel Berson. Mieux vaut entendre ça que d’être sourd !
M. Bruno Retailleau. La commission des finances y travaille depuis près de deux mois, les autres commissions ont multiplié les auditions, et les rapporteurs spéciaux ont effectué de très nombreux travaux et déplacements tout au long de l’année. Au sein de chaque mission, chaque article a été pesé, soupesé, et a fait l’objet d’un examen méticuleux.
Je tiens à remercier Mme la présidente de la commission des finances, M. le rapporteur général, ainsi que l’ensemble des rapporteurs spéciaux de leur travail approfondi.
Monsieur le secrétaire d’État, nous voici arrivés au terme d’un processus, en fin de parcours ; c’est également vrai du quinquennat qui s’achève. L’heure des comptes a sonné.
Notre groupe formule trois critiques majeures à l’encontre du présent projet de loi de finances.
La première concerne la seule véritable réforme contenue dans ce texte, celle du prélèvement à la source, une réforme mal ficelée et, en réalité, mort-née.
Il faut le reconnaître, l’idée de la concordance des temps, afin que l’impôt s’adapte le plus rapidement au revenu, était séduisante à l’origine, mais le dispositif que vous nous proposez est une usine à gaz d’une formidable complexité et soulève trois difficultés.
D’abord, il y a un problème de confidentialité pour le salarié et pour l’employeur, sans parler de la lourdeur administrative ; or, en la matière, il est inutile d’en rajouter…
Ensuite, comme M. le rapporteur général l’a souligné voilà quelques instants, il s’agit d’une fausse contemporanéité : le taux de prélèvements, ainsi que les crédits et réductions d’impôts seront décalés.
M. Bruno Retailleau. Enfin, l’objectif de la mise en œuvre en 2018 est irréaliste, comme l’ont montré les travaux de la commission des finances.
D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, si une telle réforme était vraiment la panacée, comme votre gouvernement semble le considérer, pourquoi avoir attendu la fin du quinquennat pour l’engager, en confiant sa mise en œuvre concrète aux bons soins de vos successeurs ?
Le Sénat ne s’est pas contenté d’émettre des critiques. Il a aussi formulé des propositions. Elles rejoignent d’ailleurs les préconisations du Conseil des prélèvements obligatoires. Le système que nous prônons serait à la fois plus juste, plus efficace, plus contemporain, et il ne pénaliserait ni les employeurs ni les employés.
M. François Marc. Dans ce cas, débattons-en !
M. Bruno Retailleau. La deuxième critique, qui a déjà été évoquée, est fondamentale : votre projet de loi de finances est insincère !
Dans ce budget, les dépenses sont sous-évaluées et les recettes sont surestimées. En fait, ce texte est avant tout une synthèse de toutes vos promesses électorales, qui, soit ne sont pas financées, soit sont financées à crédit. Vous avez préempté l’avenir. Jamais un budget de fin de mandat n’aura été autant en trompe-l’œil ! Jamais un budget de fin de mandat n’aura été aussi peu sincère !
Trois chiffres résument une telle insincérité budgétaire : les dépenses sont sous-évaluées de 12 milliards d’euros, le déficit est sous-estimé de 20 milliards d’euros, et les dépenses ou baisses d’impôt laissées à la charge de vos successeurs s’élèvent à 25 milliards d’euros ! Ces trois chiffres sont dramatiques.
D’ailleurs, M. Migaud, le président du Haut Conseil des finances publiques, a indiqué que les risques de dérapage des dépenses étaient plus importants pour 2017 que pour les années précédentes. Vous l’avez mal cité, monsieur le secrétaire d’État ; les déclarations que vous avez reprises concernaient l’année 2016. Voici ce que M. Migaud a dit pour l’année 2017 : « En matière de finances publiques, le Haut Conseil confirme l’appréciation qu’il a portée dans son précédent avis sur les prévisions du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. » Je tenais à rétablir la vérité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. François Marc. C’est de la calomnie ! On n’a jamais vu ça au Sénat !
M. Bruno Retailleau. Cela suffirait en soi à rejeter ce projet de budget, mais il y a une troisième critique. Un budget, ce n’est pas seulement un exercice comptable, des chiffres que l’on aligne. Nous, qui gérons des collectivités territoriales, le savons bien ; un budget, c’est l’expression d’une vision ! Et, dans votre cas, comme il s’agit de votre dernier budget, c’est aussi l’expression d’un bilan…
Rappelons quel est ce bilan. Aucune des grandes promesses du candidat François Hollande n’aura été tenue ! C’est aussi simple que cela. Vous aurez beau revenir perpétuellement sur 2012 – j’y reviendrai moi-même dans quelques instants –, vous n’y changerez rien.
La meilleure manière de porter un jugement vrai sur une action gouvernementale est de faire des comparaisons. Vous connaissez l’adage : « Quand on se regarde, on se désole ; quand on se compare, on se console. » Sauf que, en l’occurrence, c’est le contraire, monsieur le secrétaire d’État ! Quand votre gouvernement se regarde, il est dans l’autosatisfaction ; quand on compare la situation de la France à celle des autres pays, on se désole !
Notre pays fait systématiquement moins bien que la moyenne des pays européens, petits pays compris.
M. François Marc. N’importe quoi !
M. Bruno Retailleau. La grande promesse du candidat François Hollande concernait le chômage.
M. François Marc. Justement ! Le chômage baisse !
M. Alain Gournac. Il y a 600 000 chômeurs de plus !
M. Bruno Retailleau. Aujourd’hui, il y a effectivement 600 000 chômeurs de plus qu’en 2012. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.) C’est la preuve que des expédients comme ces centaines de milliers d’emplois d’avenir, qui coûtent 10 milliards d’euros, ne règlent pas le chômage des jeunes. Malgré le fameux plan de 500 000 formations, la France, qui se situait au quatorzième rang européen sur vingt-huit en matière de chômage en 2012, est tombée au vingt-deuxième aujourd’hui ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La dette n’a cessé de croître…
M. Maurice Vincent. Bien moins qu’auparavant !
M. Bruno Retailleau. Elle a dépassé les 98 % du PIB.
Cela ne sert à rien de nous renvoyer les chiffres d’avant 2012 au visage ; nous, nous avons été confrontés à la pire crise économique depuis 1929 ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Au demeurant, sur cette période, la dette de l’Allemagne a autant augmenté que la dette de la France. D’ailleurs, l’augmentation de notre dette a été inférieure à l’augmentation moyenne de la dette des autres pays européens. Depuis 2012, la dette française a augmenté de 7 %, contre 1 % en moyenne dans les autres pays européens ! Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Vous avez même réussi l’exploit de combiner hausse sans précédent des impôts et alourdissement de la dette et des déficits publics !
M. Bruno Retailleau. M. le rapporteur général vous a répondu, monsieur le secrétaire d’État. Mais je pourrais aussi vous renvoyer à la page 60 du premier tome du rapport de Mme Valérie Rabault : les impôts sur les ménages, les classes moyennes et les familles ont augmenté de 31 milliards d’euros !
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. La seule courbe que François Hollande aura réussi à inverser, c’est celle de la natalité ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Et il n’y a pas de quoi en être fier : la démographie d’aujourd’hui, c’est la croissance et le financement des retraites de demain !
La France est, après la Finlande, le pays d’Europe où les dépenses publiques sont les plus fortes.
En matière de déficits publics, seuls la Croatie, la Grèce, le Portugal et l’Italie font moins bien que la France. Tous les autres pays européens font mieux !
Aucun engagement n’aura donc tenu ! Aucune réforme structurelle n’aura été engagée, malgré une conjoncture exceptionnelle !
Le Président de la République n’est jamais avare de confidences, surtout auprès des journalistes… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.) Il s’est récemment plaint auprès de certains d’entre eux de ne pas avoir eu de « bol » ; je suppose qu’il voulait dire qu’il n’avait pas eu de chance…
M. François Marc. C’est un excellent Président de la République !
M. Bruno Retailleau. Or je pense, au contraire, qu’il a eu beaucoup de chance.
En effet, après avoir joué les météorologues, en pensant que nous étions dans un cycle économique et en attendant une éclaircie après le mauvais temps, il s’est fait astrologue : je vous renvoie à ces propos sur « l’alignement des planètes ». Vous aviez une fenêtre de tir. La Banque centrale européenne avait indiqué vouloir assouplir sa politique monétaire pour vous permettre d’engager des réformes. Hélas ! Vous avez gâché cette occasion, et la fenêtre est en train de se refermer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. Michel Berson. Tout cela est bien excessif !
M. Bruno Retailleau. Mais rendons à César ce qui est à César, et à François Hollande ce qui est à François Hollande !
M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, j’ai encore besoin de quelques instants pour évoquer le Président de la République.
Je sais gré à François Hollande d’avoir assumé la politique de l’offre. Cela nous a permis, y compris au sein de ma propre famille politique, d’abandonner quelques vieilles lunes. Aujourd’hui, nous assumons notre position libérale : nous voulons plus de liberté pour l’économie française.
M. François Marc. On est loin du budget, là !
M. Bruno Retailleau. Il n’était, me semble-t-il, pas question pour la Haute Assemblée de cautionner ce budget qui n’en est pas un !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Retailleau !
M. Bruno Retailleau. Contrairement à ce que certains affirment, le Sénat n’a pas refusé d’examiner le présent projet de loi de finances ; c’est bien parce que nous l’avons examiné que nous allons le rejeter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. Ladislas Poniatowski. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à cet instant, je me demande un peu ce que nous faisons ici. Nous abordons ce qui devrait être le débat le plus important de l’année, et l’hémicycle est aux trois quarts vide ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Mais les meilleurs sont là ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. La majorité sénatoriale est aux abonnés absents !
M. Richard Yung. Manifestement, certains ont choisi de voter avec leurs pieds !
Si nous avons été élus au Parlement, c’est d’abord pour discuter du budget et déterminer le montant des impôts ! C’est le cœur de la démocratie ! Notre ami André Gattolin y a fait référence : c’est en Angleterre et dans les provinces des Pays-Bas espagnols qu’est né le mouvement pour que les parlements contrôlent la fixation des impôts.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre question préalable est une démission du Parlement ! C’est du jamais vu depuis vingt-cinq ans !
M. Philippe Dallier. Mais si ! (Non ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Richard Yung. À l’époque, le Sénat conservateur avait recouru à la question préalable pour rejeter le projet de budget du gouvernement de Pierre Bérégovoy.
Pourtant, le 28 septembre dernier, M. le président du Sénat avait déclaré : « Au Sénat, nous préparons l’alternance. C’est avec ce regard que nous allons examiner le projet de loi de finances. » Je l’avoue, je n’avais pas compris que cela signifiait que le budget ne serait pas examiné…
Le 26 octobre dernier, M. le rapporteur général de la commission des finances avait annoncé que, face à un « budget d’annonce » – il parlait évidemment du texte du Gouvernement, qu’il trouvait électoraliste, insincère, etc. –, la majorité sénatoriale présenterait un « budget d’alternance », affirmant que celle-ci avait toujours « pris ses responsabilités » jusqu’ici. Or nous n’avons vu aucun budget d’alternance, et, pour ce qui est de prendre vos responsabilités, vous repasserez !
M. Claude Bérit-Débat. C’est irresponsable !
M. Richard Yung. Refuser le débat budgétaire est une triple faute.
D’abord, c’est laisser l’Assemblée nationale décider seule, donc mettre à mal le bicamérisme. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Michel Berson. Très bien !
M. Richard Yung. Ensuite, c’est priver l’ensemble des sénateurs de leur droit d’amendement, qui est le cœur de leur métier. (Mêmes mouvements.)
Enfin, c’est rabaisser le Sénat, ce dont nous n’avons pas vraiment besoin dans le contexte actuel.
Un tel « abandon de poste », comme on dit dans la marine, démontre que vous n’avez pas de contre-proposition, pas de budget d’alternance.
M. Francis Delattre. Si, on va virer « lof pour lof », comme on dit dans la marine !
M. Richard Yung. Vous cherchez seulement à masquer des divergences que chacun d’entre nous peut constater dans les journaux ou pourra encore voir ce soir à la télévision. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Le projet de loi de finances pour 2017 mérite que l’on s’y arrête. Pour preuve, la commission des finances, qui a bravement continué son travail, pourtant devenu sans objet, a adopté trente-six missions budgétaires, et en a rejeté seize. Elle a donc validé 70 % des dépenses. Vous aurez beaucoup de mal à démontrer que ce budget est insincère et mauvais !
Vos collègues de droite à l’Assemblée nationale, eux, ont fait leur travail, permettant l’adoption de plusieurs de leurs amendements ; ils ont montré que la discussion budgétaire pouvait être utile.
Je rappelle les grandes orientations du projet de loi de finances.
La première est le renforcement de la justice fiscale et sociale. Je mentionne le prélèvement à la source, qui a largement été évoqué, la quatrième baisse consécutive de l’impôt sur le revenu en faveur des ménages aux revenus moyens et modestes, et le crédit d’impôt de 50 % en faveur des services à la personne, qui bénéficiera d’abord aux retraités ; ce sont eux qui en ont le plus besoin.
La deuxième est l’amélioration de la compétitivité des entreprises. Je pourrais évoquer le passage progressif à 28 % du taux normal de l’impôt sur les sociétés – c’est le taux moyen européen – et à 15 % pour les PME, la hausse du CICE, la prorogation du dispositif de soutien aux jeunes entreprises innovantes et le suramortissement pour les PME ou la création d’un crédit d’impôt pour les associations, qui correspond à une attente forte.
La troisième est la maîtrise de la dépense publique, que vous avez l’air de mépriser. Elle se traduit d’abord par une baisse du montant total des dépenses, avec le maintien du financement des secteurs prioritaires que vous connaissez : 1,8 milliard d’euros supplémentaires pour le soutien à l’emploi ; 3 milliards d’euros supplémentaires pour l’éducation et 1,6 milliard d’euros supplémentaires pour la sécurité. Nos concitoyens comprennent très bien ce que cela signifie en termes de postes dans les hôpitaux et les écoles. Vous aurez beaucoup de mal à les convaincre du contraire.
L’an prochain, le déficit passera pour la première fois depuis 2008 sous la barre des 3 % du PIB. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. Alain Gournac et M. Vincent Delahaye. C’est faux !
M. Ladislas Poniatowski. C’est une blague !
M. Richard Yung. Mes chers collègues, me permettez-vous de continuer ?
M. Retailleau nous invite à faire des comparaisons ? Soit. La Commission européenne confirme elle-même ce que je viens de dire.
M. Francis Delattre. C’est normal ! C’est votre copain !
M. Richard Yung. Monsieur Delattre, savez-vous qui décide au sein de la Commission européenne ? Ce n’est pas un seul commissaire ; c’est le collège des vingt-sept commissaires ! Et nous n’y avons pas forcément que des amis politiques.
M. Didier Guillaume. Vous y avez plus d’amis politiques que nous, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité !
M. Richard Yung. Votre objection ne tient donc pas, monsieur Delattre.
Le déficit public français se situera dans une fourchette comprise entre 2,7 % à 2,9 % du PIB. Nous verrons à ce moment-là.
M. Philippe Dallier. Oui, nous verrons bien ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Richard Yung. Nous avons une dizaine d’heures pour évoquer le présent projet de loi de finances : cinq heures aujourd’hui, et à peu près autant la semaine prochaine. Certes, la discussion risque d’être un peu vide. Vous voulez donner l’impression qu’il y a un débat, mais c’est comme l’Orangina…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous voulez dire le Canada Dry ! Même sur ça, vous vous trompez !
M. Richard Yung. Le vote de la motion tendant à opposer la question préalable ne sera qu’un ersatz de vote de budget !
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous auriez pu profiter de l’occasion pour nous faire part de vos propositions sur les recettes, qu’il s’agisse de la réduction de l’impôt sur le revenu, de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, de la hausse de la TVA ; un ou deux points de TVA en plus, c’est tout de même entre 13 milliards d’euros et 15 milliards d’euros. D’ailleurs, j’ai le sentiment que vous n’êtes pas forcément au clair sur le sujet…
Vous auriez également pu nous indiquer où vous souhaitez supprimer 300 000 à 500 000 postes de fonctionnaires. Cela intéresserait certainement beaucoup nos concitoyens.
M. Francis Delattre. Ce n’est pas le débat !
M. Richard Yung. Mais, comme il n’y a pas de débat, nous ne saurons rien de vos propositions !
M. Francis Delattre. S’il n’y a pas de débat, c’est votre faute !
M. Michel Berson. Non ! C’est vous qui fuyez le débat !
M. Richard Yung. Idem sur les 100 milliards d’euros à 110 milliards d’euros de réduction du déficit public que vous promettez : comme vous ne voulez pas nous indiquer vos propositions concrètes, nous ne pouvons pas débattre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – Brouhaha.) Mes chers collègues, puis-je m’exprimer ? Nous n’allons déjà pas voter le budget ; j’espère que nous avons encore le droit de parler dans cet hémicycle !
En 2007, François Fillon déclarait être à la tête d’un « État en faillite ».
M. Bruno Retailleau. C’est encore pire maintenant !
M. Richard Yung. Dix ans après, nous avons rétabli l’équilibre financier !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais non ! La situation s’est aggravée !
M. Richard Yung. Mais revenons aux 3 % de déficit public. Dans la perspective de l’adoption du traité budgétaire européen, vous n’avez eu de cesse de nous demander de graver dans le marbre de la Constitution – selon vos propres mots – la « règle d’or » !
M. Francis Delattre. Vous n’en avez pas voulu ! Vous disiez vouloir renégocier le traité ! Et qu’est-ce vous avez fait ? Rien !
M. Richard Yung. Aujourd’hui, je vois que certains seraient prêts à passer la règle des 3 % par pertes et profits ; on est à 4 %, à 4,5 % ou à 4,7 %...
Tout cela est à contretemps. Notre pays est malheureusement confronté à une situation compliquée. Je pourrais évoquer le Brexit, ce qui se passe aux États-Unis, les difficultés en Italie, et la liste est loin d’être exhaustive.
Ce n’est pas le moment d’affaiblir la France, chers collègues de la majorité : il faut lui donner un budget !
Avec un certain humour, vous avez qualifié le projet de loi de finances déposé par le Gouvernement de « maquillé comme une voiture volée ». Nous regrettons que vous n’ayez pas le courage de la repeindre, cette voiture,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce serait du recel !
M. Richard Yung. … et de permettre ainsi la victoire de son conducteur !
Au vu de tous ces éléments, vous aurez compris que le groupe socialiste et républicain ne votera pas la motion tendant à opposer la question préalable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires économiques.
M. Gérard César, vice-président de la commission des affaires économiques. Monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’espère que le débat sur ce texte va se calmer…
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce serait sage !
M. Gérard César, vice-président de la commission des affaires économiques. La politique budgétaire est en principe un instrument de la politique économique. C’est pourquoi la commission des affaires économiques s’intéresse aux crédits des secteurs qui relèvent de sa compétence et, d’une manière générale, à la vie économique de notre pays, en métropole comme outre-mer.
Je le dis d'emblée, nous partageons l’analyse de la commission des finances : ce projet de loi de finances préélectoral ne correspond pas à la réalité. Il y a donc lieu de le sanctionner.
Pour autant, ce n’est pas parce que le débat pourrait s'arrêter dès la semaine prochaine en séance publique qu’il n'y a pas lieu d’examiner les crédits des programmes en commission.
Pour notre part, à la commission des affaires économiques, nous le faisons. Cela nous donne l’occasion d'auditionner les ministres sur la politique qu’ils mènent dans leurs secteurs respectifs. Nous avons des débats fort intéressants grâce au travail de nos rapporteurs pour avis.
Lorsque certains nous disent qu’il est inutile de poursuivre le travail en commission parce que la commission des finances a déposé une motion tendant à opposer la question préalable, nous répondons qu’il nous faut former notre propre jugement : c'est l’examen détaillé en commission qui fonde le débat en séance publique. C'est donc bien plutôt l’absence de travail en commission qui pourrait nous être reprochée !
Mes chers collègues, l'économie française est en piteux état, et c’est en grande partie dû à la très mauvaise politique budgétaire menée depuis bientôt cinq ans.
Un véritable choc fiscal a marqué les trois premières années du quinquennat. Les entreprises ont été saisies de tétanie : même lorsqu'elles en avaient besoin, elles évitaient de recruter, par crainte de ce que le Gouvernement allait décider.
Cette mandature devait être marquée par le « redressement productif ». Or l'emploi industriel a continué de diminuer et les usines de fermer. C'est une préoccupation très forte de la commission des affaires économiques.
Nous croyons qu’il est possible de produire en France. Nous en avons des exemples dans l’aéronautique, dans le spatial, dans l’automobile, dans la construction navale. La révolution numérique crée aussi des occasions de développement pour l'industrie.
Mais l’État et les autres administrations publiques souffrent de dépenses de transferts sociaux trop importantes. Ils ne peuvent plus financer l’équipement du pays, comme l’a montré la triste affaire de l’usine Alstom de Belfort, qui a requis l’accélération d'une commande de 15 rames TGV par l’État.
Le Gouvernement aggrave encore les choses, avec la purge qu’il fait subir aux collectivités territoriales, alors même qu’il abandonne l'objectif d’économies de 19 milliards d’euros initialement prévu pour l’État.
L'investissement des collectivités territoriales s'est effondré, ce qui n’a pu qu’aggraver la crise économique, les collectivités réalisant près des trois quarts de l'investissement public.
Le pacte de responsabilité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sont des dispositifs utiles, mais ils sont intervenus trop tard et ils sont surtout trop compliqués. Il vaudrait mieux les remplacer par des allégements directs de charges sociales.
Le résultat de tout cela est que la croissance reste poussive. Le chômage s’est certes stabilisé ces derniers temps, mais il reste à un niveau très élevé et la croissance est beaucoup trop faible pour qu’il puisse diminuer significativement.
L’économie américaine est peut-être déjà en fin de cycle de croissance après la crise de 2008, alors que l’économie française n’a pas encore commencé de s’en remettre. Nos partenaires européens se portent mieux que nous. Des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Autriche sont quasiment au plein-emploi. L’Italie, l’Espagne ou l’Irlande, qui avaient davantage souffert de la crise que la France, ont vu leurs finances publiques se rétablir plus vite et leur chômage commencer à diminuer beaucoup plus tôt.
Alors que la précédente mandature avait connu deux chocs terribles, la crise des subprimes et la crise des dettes publiques, l'actuel quinquennat, à l'inverse, a vu s’améliorer trois facteurs externes très importants : une forte baisse des taux d’intérêt, qui touche peut-être à sa fin ; une très forte baisse des prix de l’énergie, du pétrole en particulier ; un rééquilibrage favorable de la parité entre l’euro et le dollar. Le Gouvernement n’a pas su en faire profiter la France, contrairement à nos partenaires.
Je ne vais pas entrer dans le détail des travaux de la commission des affaires économiques, je n’en ai pas le temps, mais je souhaiterais illustrer mon propos de quelques exemples pris parmi les crédits qu’elle suit.
Je représente aujourd'hui son président, Jean-Claude Lenoir, qui ne peut malheureusement être présent, mais je suis aussi rapporteur pour avis de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », sur les crédits de laquelle nous avons émis un avis défavorable.
Mon premier exemple concerne les crises agricoles, qui se sont malheureusement multipliées ces dernières années. Le Gouvernement a prévu 4,8 millions d’euros sur ce poste en 2017. Or la dépense atteindra plus de 150 millions d'euros en 2016.
À chaque crise, il est nécessaire d’aller solliciter des crédits par redéploiements budgétaires ou ouvertures de crédits en projet de loi de finances rectificative.
Ainsi, on attend pour 2016 l’ouverture de crédits à hauteur de 157 millions d’euros sur le fonds d’allégement des charges, le FAC, mobilisé dans le cadre du pacte de consolidation et de refinancement des entreprises agricoles.
On attend aussi des crédits pour compenser les pertes de recettes locales liées aux mesures de dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Le second exemple que je voudrais donner porte sur les crédits de l’énergie, grâce aux travaux de Bruno Sido et d’Alain Chatillon et à l’apport essentiel de Ladislas Poniatowski.
Le programme « Énergie, climat et après-mines » est en effet marqué par au moins deux défauts majeurs.
Le premier, une absence de compensation de la hausse de la taxe carbone, qui est contraire à la loi et qui occasionnera des prélèvements supplémentaires sur les consommateurs d'énergie. Selon les hypothèses de rendement de la taxe carbone retenues, ce sont entre 196 millions d'euros et 440 millions d'euros de prélèvements supplémentaires qui pèseront sur les consommateurs en 2017.
Le deuxième, des instruments de financement de la transition énergétique qui sont bien en deçà des besoins, ou même des annonces initiales du Gouvernement.
Le prix plancher du carbone pour la production électrique nationale, limité ensuite aux seules centrales à charbon, a été finalement abandonné.
La programmation pluriannuelle de l’énergie ne dit rien sur la façon dont la part du nucléaire dans la production électrique sera réduite à 50 % en moins de dix ans. Cela ne nous étonne pas : nous avons toujours dénoncé le caractère à la fois irréaliste et nuisible pour l'économie française de cet objectif.
Il va falloir aussi financer la refondation de la filière électronucléaire.
Pour AREVA, d’abord : le plan de financement de cette opération prévoit des augmentations de capital pour un total de 5 milliards d'euros, dont 2 milliards iront à AREVA SA, chargé des actifs douteux, et 3 milliards au nouvel AREVA, chargé du cycle du combustible. L'État y souscrira pour un montant compris entre 4 milliards et 4,5 milliards d'euros.
Pour EDF, ensuite : l’État, actionnaire à 85 %, a fait le choix de renforcer les capitaux propres de l’entreprise. Tout d’abord en acceptant de percevoir ses dividendes en actions plutôt qu’en numéraire ; ensuite en indiquant qu’il souscrira à hauteur de 3 milliards d’euros à l’augmentation de capital de 4 milliards d’euros prévue prochainement.
Au total, la recapitalisation de la filière va donc absorber entre 7 milliards et 7,5 milliards d’euros d’investissement de la part de l’État.
Or les crédits du compte d’affectation spéciale prévu à cette fin ne comptent que 6,5 milliards d’euros. C'est insuffisant, et c’est sans compter sur l'achat de titres Alstom, pour 1 milliard d'euros supplémentaires. Le compte d’affectation spéciale pourrait ainsi connaître une impasse de 2 milliards d'euros.
Il ne s’agit là que de quelques exemples des impasses que recèle ce budget, bien plus nombreuses encore que celles qui ont été relevées par M. le rapporteur général.
Elles justifient à nos yeux le rejet du présent projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Daech, Brexit, Trump : trois ruptures stratégiques qui nous propulsent dans une ère d’instabilité. Tous les repères de « l’ordre international » prévalant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale semblent aujourd’hui vaciller dans un grand désordre.
À l’heure de l’émergence des États-continents – la Chine, l’Inde, l’Iran –, à l’heure de l’émergence africaine, à l’heure de la montée du terrorisme islamiste radical, qui ravage le Moyen-Orient et menace le Maghreb, à l’heure de la remise en cause des libertés en Turquie, à l’heure du retour de la force en Russie, voici que notre projet européen est menacé dans sa dynamique et dans son essence ; voici que notre alliance la plus étroite, l’alliance transatlantique, semble fragilisée.
Nous qui observons la vie politique depuis un certain temps, avons-nous vu une situation internationale aussi dégradée que celle que je viens de décrire ? Je ne le crois pas.
Dans ce contexte, les crédits budgétaires des missions « Action extérieure de l’État », « Aide publique au développement » et « Défense » sont bien plus que des lignes de crédits. Ce sont les deux faces d'une même politique, celle qui vise à apporter de la stabilité à un monde agité, mais aussi de la sécurité et du développement.
Ces sujets sont connectés, bien sûr. Il n'y a pas de développement sans sécurité, chacun le sait. Mais il n’y a pas non plus de sécurité sans développement. La solution aux crises n’est pas que militaire, elle est forcément aussi politique, diplomatique. Nous voyons combien il est difficile de construire des stratégies économiques et sociales durables, qui prolongent l’action militaire.
Nous avons l’expérience d’interventions militaires qui ont débouché sur l’amplification des crises plutôt que sur leur résolution.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc été particulièrement attentive à chaque ligne de crédits.
Je me contenterai ici de vous livrer les principales observations de nos rapporteurs budgétaires pour avis.
Sur la mission « Action extérieure de l’État », le modèle de gestion immobilière mise en œuvre par le ministère des affaires étrangères fait dépendre l’entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles. Ce modèle économique non vertueux est en voie d'essoufflement, car les ventes faciles ont déjà été réalisées.
De plus, les crédits du compte d'affectation spéciale, réceptacle des recettes des ventes à l'étranger, ne sont mis à disposition, sous plafond, qu’à partir du mois de mai. Je reconnais bien là la malice de Bercy, en tête du hit-parade en la matière, car cette manœuvre est en réalité une sorte d’entrave au pilotage des crédits par le ministère.
La vision stratégique, sur ce plan, fait donc cruellement défaut.
Les crédits de la mission « Aide publique au développement » augmentent et l’Agence française de développement, l’AFD, est recapitalisée pour augmenter ses prêts. C’est un point positif, nous le reconnaissons bien volontiers.
Nous souhaitons que ces crédits permettent de créer une facilité de prévention et de gestion des crises, dotée d’au moins 100 millions d'euros. Ce serait le complément indispensable aux efforts militaires que nous avons menés récemment, au Sahel par exemple, contre les djihadistes. Ces efforts seront ruinés dans dix ans si ces pays se trouvent toujours dans une situation d’extrême fragilité.
Le militaire ne peut être traité sans le développement, car c’est le développement qui, à terme, chasse la guerre.
Les crédits de la diplomatie culturelle et d’influence reculent encore en 2017, hors sécurisation des réseaux.
Nous ne pouvons y être favorables. Le contexte actuel est celui d’une compétition mondiale des valeurs. Les démocraties veulent-elles défendre les leurs ?
À l’échelle internationale, nous le voyons, les régimes autoritaires deviennent majoritaires. Même les démocraties, celle des États-Unis par exemple, sont tentées par ce modèle.
Nous avons un combat de valeurs à mener, un combat culturel et d’influence.
Nous disposons pour cela de leviers historiques uniques au monde : les réseaux de l’enseignement français à l'étranger et l’action culturelle.
J’en viens à la mission « Défense ». L'actualisation de la programmation militaire en juillet 2015 a marqué un début de retournement de tendance, que nous avons soutenu de manière très forte.
Mais cet effort a été rapidement affecté par la dégradation du contexte sécuritaire et l'intensification de l'engagement opérationnel de nos armées, sur le territoire national – avec l’opération Sentinelle – comme sur les théâtres extérieurs, en particulier au Levant.
Les décisions arrêtées en conseil de défense le 6 avril 2016 auraient dû conduire à actualiser l'actualisation.
Or j’ai l’impression – c’est la remarque, monsieur le secrétaire d'État, d’un observateur attentif – qu’il y a comme un problème entre le conseil de défense et Bercy : tout se passe comme si la ligne hiérarchique n’était pas toujours respectée.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous n’y étiez pas, me semble-t-il, monsieur le président de la commission. Je le sais, j’y étais.
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Il se trouve que j’ai assisté à des conseils de défense.
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. J’ai pu y constater que Bercy n’appliquait pas toujours les décisions prises.
Je vous rappelle d’ailleurs que la commission des affaires étrangères du Sénat a même dû faire un contrôle sur pièces et sur place pour s’assurer du respect des décisions prises en conseil de défense.
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Depuis, les choses ont évolué dans le bon sens.
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Une nouvelle trajectoire de dépenses a été tracée dans un rapport remis au Parlement par le Gouvernement, le mois dernier, pour la période 2017–2019. Cela va dans la bonne direction, mais les ressources correspondantes ne sont définies que pour 2017 !
Nous avons quatre séries d'inquiétudes pour l’avenir.
Première préoccupation : la solidité de la prévision de recettes pour l'année prochaine.
L'augmentation – 600 millions d'euros de plus qu'en 2016 et 420 millions d'euros de mieux que la prévision actualisée de 2015 – repose sur 200 millions d'euros de cessions immobilières très incertaines. Je passe sur la discussion à Paris, sur la décote Duflot, ou encore sur les fameuses économies dites de « coût des facteurs », qui représentent plus de 200 millions d'euros.
Trop d'incertitudes, monsieur le secrétaire d'État, pour des missions régaliennes !
Deuxième préoccupation : les crédits 2017 sont insuffisants. Ils ne permettront pas de sortir les armées de la surchauffe. C'est vrai pour l'entretien programmé du matériel, avec la suractivité en opérations extérieures, et l'érosion de notre capital opérationnel.
Des difficultés se posent aussi en matière de capital humain. La nécessaire remontée de la préparation opérationnelle sera lente et difficile. Avec plus de 30 000 militaires actuellement déployés sur notre sol et à l'étranger, les capacités des contrats opérationnels, aujourd'hui largement dépassées, devront être revues.
Troisième préoccupation : la fin de la gestion 2016.
Deux milliards d'euros de crédits sont encore gelés, dont 1,8 milliard d’euros d'équipement des forces, soit 18 % des crédits de la Direction générale de l'armement, la DGA, laquelle est en cessation de paiement depuis le 12 octobre dernier.
M. Ladislas Poniatowski. Stupéfiant !
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. C’est la cause d’une grande fragilité pour notre pays, un pays pourtant en guerre.
Comme chaque année, il faudra couvrir les surcoûts nets d'opérations extérieures et intérieures, soit au total 830 millions d'euros.
À ce stade, je le reconnais, monsieur le secrétaire d'État, le projet de collectif budgétaire déposé la semaine dernière ouvre bien les crédits. Nous souhaitons l’exécution de ces engagements.
Dernière préoccupation : les années 2018 et 2019, pour lesquelles les ressources de la défense, aujourd'hui, ne sont pas sécurisées. C’est une véritable impasse de financement, que le Gouvernement lui-même a chiffré à 1 milliard d'euros pour 2018 et à 1,2 milliard d’euros pour 2019. Ceux qui auront à gouverner le pays à compter de mai prochain auront donc un certain nombre de responsabilités à assumer en la matière…
Un dernier mot, mes chers collègues, sur les ventes d’armes de notre pays. Puisque nous débattons du budget, il convient de parler également des recettes.
Je le dis pour avoir bien observé les choses, je trouve l’action du ministre de la défense salutaire. Qu’il s’agisse des ventes de sous-marins à l’Australie, de Rafale à l’Inde ou à l’Égypte, je suis fier de constater que notre industrie de défense devient une industrie phare.
Mais il ne faudrait pas se tromper d’analyse. Cette situation révèle que le monde repart dans la course aux armements, qu’il devient très dangereux.
Si les Australiens achètent nos sous-marins, c’est que la situation en mer de Chine les inquiète, voire leur fait peur.
Si les Égyptiens achètent des Rafale, ce n’est certainement pas parce que le contexte dans lequel ils évoluent est paisible et serein.
Nous devons mesurer la gravité de la situation du monde.
J’ai assisté ce matin à la remise des prix de la Fondation Chirac. Jacques Chirac disait toujours que l’esprit de la paix devait toujours prévaloir sur les facteurs de guerre.
Or aujourd'hui, partout dans le monde, ce sont les facteurs de guerre qui se développent. Même notre vocabulaire devient guerrier : « guerre des religions », « guerre des monnaies », « guerre des civilisations ».
Prenons conscience de ce qu’était la politique étrangère de la France : une stratégie d’indépendance nationale, qui consistait à parler avec tout le monde – les Américains, les Russes, les Chinois – pour faire prévaloir la paix.
Ce doit être notre objectif. Dans ce monde très dangereux, au-delà de nos discussions budgétaires, la France doit mettre toute sa force pour toujours proposer la paix.
La guerre nous menace : faisons les efforts nécessaires pour notre défense ;…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. … portons progressivement son budget à 2 % du PIB. Mais notre esprit de défense est gaulliste, c’est la dissuasion, c’est-à-dire nous renforcer pour faire la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des affaires sociales. ( Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
Mme Caroline Cayeux, vice-présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a eu une première occasion de s’exprimer sur les choix et le bilan du Gouvernement en matière de finances publiques lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les administrations de sécurité sociale représentent, je le rappelle, 600 milliards d'euros, c’est-à-dire près de 30 % du PIB, 43 % des dépenses publiques et 54 % des prélèvements obligatoires. Dès lors, lois de finances et lois de financement entretiennent un lien étroit. Elles traduisent une même politique financière et obéissent à un même cadrage macro-économique.
Quels sont les constats effectués par la commission des affaires sociales ?
Tout d'abord, son appréciation sur la trajectoire de réduction des déficits présentée par le Gouvernement rejoint totalement celle de la commission des finances.
Cette trajectoire pose à nos yeux problème, tant du point de vue de sa crédibilité qu’en raison des choix qui la conditionnent.
Le Gouvernement a souhaité démontrer que, sur le champ social tout au moins, il était parvenu à définitivement rétablir l’équilibre des comptes.
Nous avons rappelé que la sécurité sociale était toujours bel et bien en déficit, à hauteur de 4 milliards d’euros en 2017. À cela s’ajoute un déficit du même ordre pour l’assurance chômage.
Nous avons établi que la réduction de ces déficits reposait en partie sur des mesures comptables tendant à gonfler les recettes et à minorer les dépenses de manière artificielle, en partie sur des transferts. Ainsi, l’État prendra en charge pour 2,8 milliards d’euros supplémentaires des exonérations de cotisations sociales. C'est une bonne chose pour la sécurité sociale, mais c’est autant qu’il faudra financer par le déficit du budget de l’État.
Mme Caroline Cayeux, vice-présidente de la commission des affaires sociales. En 2017, la sphère sociale est encore censée contribuer aux économies annoncées par le Gouvernement, mais leur réalisation nous paraît sujette à caution.
Ainsi, sur 4 milliards d’euros de moindres dépenses prévues sur l’objectif national de dépenses d'assurance maladie, l’ONDAM, notre commission a démontré que plus de 900 millions d’euros étaient discutables. Le comité d’alerte de l’ONDAM a lui-même souligné qu’une partie significative d’entre elles sera imputée sur d'autres périmètres ou financée par des ressources non pérennes. Si l’on neutralise ces opérations, la vraie progression de l’ONDAM sera de 2,5 % et non de 2,1 % en 2017.
Plus contestables encore sont les économies annoncées sur l’UNEDIC. Cette dernière prévoit le maintien d’un déficit élevé en 2017 en l'absence de modification des règles d’indemnisation. Les négociations sur une nouvelle convention d’assurance chômage ont été rompues au mois de juin et il y a fort à parier que le Gouvernement laissera ce dossier en l’état à son successeur. La prévision de déficit est ainsi supérieure de 2,2 milliards d’euros à celle qui a été retenue par le Gouvernement dans son cadrage.
S’agissant des choix qui sous-tendent cette trajectoire, la hausse des prélèvements a jusqu'à présent été clairement privilégiée sur la réduction des dépenses.
En 2017, malgré le pacte de responsabilité, dont la troisième étape semble d’ailleurs remise en cause, le niveau des prélèvements obligatoires affectés aux administrations de sécurité sociale sera supérieur de 0,4 point à celui de 2012. Des hausses sont encore prévues l’an prochain, pour les cotisations de retraite et la fiscalité du tabac.
En matière de décélération des dépenses, le résultat le plus significatif concerne l’assurance vieillesse, mais il est lié à la réforme des retraites de 2010, combattue par l’actuelle majorité, réforme dont elle a atténué les effets en élargissant les possibilités de retraite anticipée.
Notre commission conteste en tout cas l’idée selon laquelle l’équilibre des régimes serait désormais pleinement assuré. Les prévisions en ce sens s’appuient sur des hypothèses très optimistes. Elles occultent les besoins de financement des régimes du secteur public, aujourd'hui automatiquement couverts par des ajustements budgétaires, et donc le déficit de l’État. Pour les employeurs publics, le financement des retraites est supérieur de 20 milliards d’euros au niveau qui résulterait d’une application des taux de cotisation du secteur privé.
Le véritable effort sur les dépenses a été fait sur la politique familiale, avec la réduction du quotient familial et la modulation des allocations familiales. Ces mesures ont remis en cause un élément constitutif fort de notre politique familiale, à savoir la garantie d’une certaine compensation des charges familiales pour toutes les familles, indépendamment des nombreux mécanismes de solidarité à l’égard des plus modestes d’entre elles.
Comme l’a souligné la commission des finances, en s’appuyant d’ailleurs sur les chiffres du rapport économique, social et financier du Gouvernement, le bilan des mesures sociales et fiscales du quinquennat se traduit par une ponction sur le pouvoir d’achat des ménages avec enfants, alors que les célibataires et les couples sans enfant bénéficient d’un gain de pouvoir d'achat. C’est une situation que nous ne pouvons bien entendu que dénoncer.
En résumé, exception faite de cette entorse aux principes qui fondaient de longue date notre politique familiale, la dynamique des dépenses sociales demeure extrêmement forte, et elle est délibérément sous-évaluée dans les textes financiers pour 2017.
Cela est vrai pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ça l’est également pour le projet de loi de finances.
Sur la mission « Santé », notre commission constate, comme chaque année, la sous-budgétisation des crédits destinés à l’aide médicale d’État. Il s’agit, vous le savez, d’une dépense particulièrement dynamique, qui a progressé de 40 % depuis 2012. Sur la même période, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 32 %, avec une accélération au cours des dernières années.
Le collectif budgétaire prévoit des crédits supplémentaires représentant 11 % de la dotation initiale. Et nous considérons que, une fois encore, les crédits prévus pour 2017 ne couvriront pas les besoins.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » a également été sous-dotée en 2016, puisque près de 800 millions supplémentaires doivent être ouverts en collectif.
Ici encore, les dépenses sont particulièrement dynamiques. Le Gouvernement a élargi certaines conditions d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, mais c’est surtout la prime d’activité qui génère des besoins beaucoup plus importants que prévu. Après une rallonge de 370 millions dans le collectif de fin d’année, une augmentation d’environ 300 millions supplémentaires est inscrite pour 2017. Elle risque d’être insuffisante pour une prestation récente, qui va poursuivre sa montée en charge, ouverte dès l’âge de 18 ans, accessible par des démarches dématérialisées et cumulable depuis la loi Travail avec l’AAH et les rentes accident du travail.
La commission dresse un constat assez comparable sur le programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Égalité des territoires et logement ». Les crédits demandés pour 2017 sont inférieurs de 17 millions d’euros à ceux qui devraient été consommés en 2016 après abondement en collectif budgétaire, alors que les besoins sont appelés à augmenter compte tenu de la progression de la précarité mais aussi de la nécessaire prise en charge du flux des populations migrantes.
La commission des affaires sociales a donné un avis défavorable aux crédits de la mission « Travail et emploi », en raison de ses doutes sur la pertinence des multiples dispositifs que celle-ci finance pour un montant désormais supérieur à 15 milliards d’euros.
Une enveloppe de 1,5 milliard d’euros – 200 millions de plus qu’en 2016 – est prévue pour financer les contrats aidés, dont moins de 20 % seront conclus dans la sphère marchande, alors que toutes les études du ministère du travail sur le taux d’insertion professionnelle des bénéficiaires devraient conduire le Gouvernement à donner la priorité à l’apprentissage et à privilégier les contrats dans la sphère marchande.
La même remarque pourrait être faite à propos des contrats d’emploi d’avenir, dotés de 900 millions d’euros l’an prochain.
Enfin, la commission déplore les hésitations du Gouvernement en matière d’aides à l’embauche. Après la création, en 2015, de l’aide TPE pour l’embauche d’un premier salarié, est intervenue cette année une aide temporaire pour toutes les PME qui embauchent des personnes en CDI ou en CDD de plus de 6 mois et dont la rémunération est inférieure à 1,3 SMIC. La prolongation de cette aide en 2017 a été annoncée et près de 2 milliards d’euros sont prévus au budget.
Sans méconnaître l’utilité de cette nouvelle aide, on peut constater que la politique gouvernementale, faite d’hésitations et de tâtonnements, n’est pas de nature à rassurer les employeurs, qui souhaitent avant tout la stabilité de l’environnement juridique. Ce dispositif devra impérativement être évalué afin de faire la part entre les inévitables effets d’aubaine et les résultats réellement liés à la baisse du coût du travail.
En conclusion, la commission des affaires sociales partage pleinement l’analyse effectuée par la commission des finances, ce qui l’a conduit à proposer au Sénat de rejeter les objectifs de recettes et de dépenses du projet de loi de financement de la sécurité sociale, rejet qui, en vertu des dispositions organiques propres aux lois de financement, n’a pas empêché la discussion des dispositions strictement non financières du projet de loi.
C’est également ce qui a motivé l’avis défavorable qu’elle a exprimé sur quatre des huit missions budgétaires qu’elle a examinées, et ce qui amènera ses rapporteurs à soutenir la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
MM. Ladislas Poniatowski et Antoine Lefèvre. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, un budget qui augmente est-il nécessairement un bon budget ? Une hausse des crédits est-elle toujours la traduction d’une politique publique pertinente, claire et cohérente ?
Telles sont les questions auxquelles la commission de la culture s’est efforcée, comme chaque année, de répondre en examinant les crédits des missions qui relèvent de sa compétence. Je profite de l’occasion qui m’est ici offerte pour remercier l’ensemble de nos collègues rapporteurs de ces missions pour leurs travaux.
Ce faisant, la commission n’a pas perdu de vue que les crédits de certaines missions s’inscrivent aussi dans un contexte général, celui de la baisse des dotations de l’État. Dans le secteur culturel, les collectivités territoriales assurent les deux tiers des financements ; du coup, l’examen du seul budget ne permet pas de disposer d’une vue globale de l’effort réel de l’État en la matière. On ne saurait se satisfaire pour ce secteur des affichages d’augmentations en cette dernière année si, en parallèle, les dotations baissent tellement que les structures et équipements culturels se trouvent, par ricochet, mis en difficulté !
D’une manière générale, nous examinons un projet de loi de finances en demi-teinte, qui intervient au terme d’une législature marquée par de fortes variations des budgets, créant, de fait, un effet yo-yo préjudiciable à la conduite des politiques publiques. En résumé, les augmentations de 2017 compenseront-elles les baisses drastiques et brutales des années précédentes ? Je crains qu’une dynamique n’ait été cassée dans certains secteurs...
Quoi qu’il en soit, forte de la ligne de conduite de responsabilité qui a toujours été la sienne, la commission de la culture a, hier encore, donné un avis favorable au projet de contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde. Elle a estimé que ce document reflétait bien la volonté de développer les missions de l’audiovisuel extérieur de la France. Elle a également bien sûr tenu compte des efforts de maîtrise des dépenses menés à bien par la chaîne publique depuis plusieurs années, bref d’une stratégie cohérente, globale et vertueuse.
C’est aussi au nom du réalisme que la commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » au sein de la mission « Action extérieure de l’État », tout en soulignant que ceux-ci baissent de manière constante et inquiétante depuis plusieurs années et que nous sommes désormais au bout du bout. Que nous restera-t-il pour mener à bien, dans un monde devenu dangereux, le nécessaire combat culturel et d’influence évoqué par Jean-Pierre Raffarin il y a quelques instants ?
À l’inverse, un budget progresse-t-il toujours pour de bonnes raisons et traduit-il une véritable dynamique de l’action publique ? L’évolution des crédits correspond, bien souvent et avant tout, à l’augmentation du point d’indice de la fonction publique. Celle-ci a évidemment un impact très fort sur l’évolution des crédits de la mission « Enseignement scolaire », ainsi que sur ceux de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Défalquée de cette progression, l’évolution des crédits apparaît évidemment nettement moins favorable.
Elle l’est d’autant moins lorsque la progression est due à un mouvement budgétaire ou comptable bienvenu, mais qui gonfle artificiellement les crédits de la mission considérée. Ainsi, l’année dernière, la redevance d’archéologie préventive a été – enfin – budgétée. C’est une bonne chose et nous l’avons d’ailleurs saluée en son temps. Cependant, l’appréciation de l’évolution des crédits doit être relativisée à due proportion.
Surtout, et ce phénomène concerne plusieurs missions, si on assiste à un réel effort dans certains domaines, les lignes budgétaires sont souvent loin de retrouver leur niveau de 2012.
Je ne prendrai que deux exemples.
Premièrement, dans le domaine culturel, alors que le Président de la République avait proclamé haut et fort la priorité accordée à la jeunesse et à l’éducation, le Gouvernement avait paradoxalement d’emblée fait le choix d’assécher, puis de supprimer le financement des conservatoires. Il fallait mettre l’accent sur l’éducation artistique et culturelle, mais sans accorder de crédits à ces établissements pourtant essentiels dans la structuration de cette politique d’enseignement et de sensibilisation des élèves aux arts et à la culture.
Je ne comprends d’ailleurs pas très bien la politique menée par le Gouvernement, qui a relancé les budgets cette année, et on peut s’en réjouir, mais qui n’a en aucun cas traité la question de manière structurelle à l’occasion de la loi NOTRe ; il aurait pu pousser à la décentralisation...
Deuxièmement, dans le domaine de la recherche, on a assisté au même phénomène de baisse des crédits puis de rétablissement partiel en fin de quinquennat pour l’Agence nationale de la recherche.
Le taux de sélection des projets était désormais tellement bas qu’il avait perdu toute signification, dans un secteur pourtant essentiel pour l’avenir. Je me félicite donc de la prise de conscience qui, dans ce domaine aussi, semble avoir eu lieu.
La recherche, d’une manière générale, fournit d’ailleurs une très bonne illustration des préoccupations exprimées par les membres de la commission de la culture.
Peut-on, mes chers collègues, accepter les impasses financières qui concernent, notamment, les contributions de la France aux organisations internationales chargées de mener à bien de grands projets de recherche ?
Peut-on accepter que les organismes de recherche et les universités soient appelés à se débrouiller pour financer le glissement vieillesse-technicité, quitte à ne pas pourvoir certains postes, ou que les mesures de sécurisation, qui sont nécessaires dans le contexte actuel, aient été financées en continuant à appliquer le taux dérogatoire de contribution des universités au Fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique ? Bref, pas de moyens supplémentaires pour la politique en faveur des handicapés, au nom de la sécurité des étudiants. Voilà qui n’est quand même pas très glorieux, car ces deux priorités ne sauraient être opposées !
Ces tours de passe-passe budgétaire sont d’autant plus regrettables qu’ils nuisent à l’image globale que l’État peut donner à des secteurs entiers, jusqu’à masquer la réussite de l’effort mené en matière de structuration et de visibilité de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Je voudrais évoquer maintenant les préoccupations ou interrogations exprimées par les membres de la commission, qui, si elles ne sont pas toutes strictement budgétaires, ont une incidence forte sur notre façon d’appréhender le budget – pour le dire autrement, les zones d’ombre et de lumière de quelques secteurs.
Dans le domaine de la presse, le renforcement des aides à la modernisation est bienvenu tant celles-ci sont indispensables, notamment pour favoriser la transition numérique du secteur. En revanche, si la situation de Presstalis semble aujourd’hui assainie, au prix d’efforts considérables de l’État, des éditeurs et des salariés, celle des Messageries lyonnaises de presse fait craindre une nouvelle crise de la distribution.
Surtout, guère plus d’un an après la loi qui a clarifié son statut et les modalités du soutien financier que lui apporte l’État, la situation de l’Agence France-Presse constitue une réelle source d’inquiétude.
Même sentiment partagé dans le domaine du cinéma : le renforcement des crédits d’impôt intervenu l’an passé a eu un effet très positif, notamment sur la relocalisation des tournages en France, créant ainsi de la richesse. En revanche, le système de financement pourrait être fragilisé par une réduction de la participation de Canal+, et si le rendement de la taxe sur la vidéo n’est pas rendu plus dynamique par son extension aux grands acteurs de l’internet.
Tout cela me fournit une transition pour aborder une impasse grave de ce budget : l’absence de réflexion sur l’incidence fiscale de la révolution numérique. Je pense, en particulier – et je parle sous le contrôle de notre collègue Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la mission « Médias » –, au financement de l’audiovisuel public.
Cette question a fait l’objet, il y a un peu plus d’un an, d’un travail que j’avais souhaité très approfondi, mené conjointement par la commission de la culture et la commission des finances.
Nous savons tous que les nouveaux usages des médias, les nouveaux supports vont entraîner une baisse du rendement de la contribution à l’audiovisuel public : il faudra bien qu’un gouvernement ait le courage de s’attaquer à ce chantier, annoncé il y a trois ans par le Président de la République, en conclusion d’un colloque organisé au sein du Conseil supérieur de l’audiovisuel, mais qui ne s’est jamais traduit dans les faits.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. La fuite en avant n’est jamais bonne conseillère. C’est pourtant ce à quoi on assiste s’agissant de deux des missions clés de notre commission, l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur.
Par exemple, la réforme des rythmes scolaires, quoi qu’on en dise, a coûté beaucoup plus cher que l’estimation initiale,…
Mme Catherine Troendlé. Bien sûr !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. … pour un résultat en demi-teinte.
Mme Catherine Troendlé. Eh oui !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Par ailleurs, les « mesurettes » prises et les déclarations de bonnes intentions faites en 2013, dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, ne sauraient compenser l’absence de vraies et nécessaires réformes structurelles, que nous n’avons collectivement pas su mener ces trente dernières années. J’en veux pour preuve le taux d’échec dramatique de nombre d’élèves et la dégradation très sensible du niveau des élèves en orthographe.
Dans l’enseignement supérieur, la seule progression des dotations cette année, même si elle apporte un ballon d’oxygène aux universités, ne va en rien résoudre les questions structurelles, notamment de ce qui est sans doute la première d’entre elles, c’est-à-dire le taux d’échec massif en licence.
Notre commission a formulé des pistes d’évolution au travers des recommandations de sa mission d’information sur l’orientation, dont le rapporteur était Guy-Dominique Kennel. Comme celui-ci l’a justement expliqué, il faut avant tout mieux affecter les moyens. Plus récemment, grâce à la proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat déposée par Jean-Léonce Dupont, nous avons pu avancer sur la voie d’une réforme, véritable et nécessaire, de l’entrée en Master.
Au total, la hausse spectaculaire des crédits en fin de législature est sans doute de bonne guerre – nous avons parfois souligné le bien-fondé de certaines augmentations –, mais elle n’est certainement pas de bonne politique.
Cette hausse, qui intervient après des baisses spectaculaires et drastiques, traduit selon nous des hésitations face aux véritables réformes qu’il aurait fallu entreprendre.
Elle traduit également une absence de vision et d’anticipation face à un monde qui ne nous attend pas pour bouger. C’est très inquiétant car, à l’époque de la mondialisation, la primauté revient à l’économie de la connaissance.
En conclusion, je rebondirai sur les propos de Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je suis absolument convaincue que, au-delà des politiques de défense, la culture et l’éducation sont des enjeux majeurs pour garantir la paix et lutter contre tous les obscurantismes dans ce monde sujet aux menaces. Elles doivent, à ce titre, faire l’objet de politiques nouvelles et audacieuses. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
(M. Claude Bérit-Débat remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chaque année, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a procédé à un examen attentif des recettes et des dépenses du projet de loi de finances concernant les sujets qui relèvent de ses compétences.
Nous nous sommes ainsi penchés sur les questions relevant de l’aménagement du territoire, de l’environnement, de la prévention des risques, de la transition écologique, de la recherche en matière de développement durable et des transports, qu’ils soient aériens, ferroviaires, maritimes ou routiers.
Les huit rapporteurs pour avis de la commission ont procédé à de très nombreuses auditions et la commission a elle-même entendu plusieurs personnalités pour approfondir certains aspects du projet de loi de finances.
Nous avons ainsi auditionné le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, M. Jean-Michel Baylet, qui, la semaine dernière, nous a fourni un certain nombre d’explications sur son budget.
Que retenir de nos travaux ?
Le cadre budgétaire contraint apparaît dans chacun des budgets examinés. La plupart d’entre eux ont vu leurs crédits diminuer, parfois même sensiblement, au cours des derniers exercices. Ce n’est pas forcément en soi un défaut, mais, lorsque ces diminutions sont répétées, qu’elles conduisent à des baisses d’effectifs et que, dans le même temps, on élargit les missions des organismes concernés, cela commence à poser problème.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je citerai deux exemples – mais il y en aurait bien d’autres –, celui de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, et celui des agences de l’eau.
Comme nous l’a rappelé notre rapporteur Pierre Médevielle, depuis trois ans, l’ANSES s’est vu confier chaque année de nouvelles missions.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Désormais, elle doit délivrer les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et matières fertilisante ; elle doit évaluer et délivrer les autorisations de mise sur le marché, les AMM, pour les produits biocides ; elle a reçu une mission de toxicovigilance ; elle doit réaliser un bilan très important sur les produits de substitution aux néonicotinoïdes ; elle doit également contrôler les produits de vapotage. Face à cela, ses moyens budgétaires et ses effectifs ont diminué !
Il y a une véritable contradiction entre le fait de confier à de tels organismes des tâches supplémentaires, conformément aux attentes de nos concitoyens, et celui de diminuer les moyens dont ils disposent.
En conséquence, l’ANSES a de plus en plus de mal à remplir ses missions. Nous attendons depuis plus d’un an le bilan qu’elle doit nous transmettre sur l’impact sanitaire des éoliennes. Nous l’aurons peut-être à la fin de l’année, mais nous n’en savons rien. Nous doutons du fait que l’ANSES puisse rendre le bilan très attendu sur les alternatives aux néonicotinoïdes.
Quant aux agences de l’eau, elles subissent pour la troisième année consécutive un prélèvement dit « exceptionnel » de 175 millions d’euros. Or, dans le même temps, elles se sont vu confier de nouvelles missions dans la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, adoptée à la demande du Gouvernement. Comment peuvent-elles les assumer et avoir des conséquences accrues avec des moyens réduits ?
De tels exemples pourraient être multipliés. Je pourrais parler de l’ADEME (M. le secrétaire d’État s’exclame.), qui est au bord de la cessation de paiement. Je pourrais également évoquer l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, l’INERIS, ou le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA. (M. le secrétaire d'État proteste.) Je comprends que cela vous gêne, monsieur le secrétaire d’État, mais restez calme !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. On ne dirait pas ! (M. le secrétaire d'État s’exclame.) Monsieur le secrétaire d’État, ayez la courtoisie de me laisser parler, s’il vous plaît !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Ce qui paraît le plus gênant, c’est que, une fois de plus, comme les années précédentes, on a peine à voir quelles sont les priorités du Gouvernement.
Un exemple : la transition énergétique.
Hier encore, la ministre de l’environnement disait devant notre commission que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte était l’une des grandes lois du quinquennat. Il est formidable que ce texte revête un tel caractère emblématique ! Mais dix-huit mois plus tard, où sont les moyens pour la mettre en œuvre ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cinq cent mille fonctionnaires en moins et 100 milliards d’euros d’économies !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. La transition énergétique ne consiste pas seulement à définir des objectifs ambitieux, mais aussi à prévoir leur déclinaison locale ! Or comment les collectivités locales pourront-elles mettre en place ces mesures si, dans le même temps, elles subissent des baisses de dotations ?
Pour que la transition énergétique puisse devenir une réalité sur le terrain, il faut que les collectivités aient des moyens financiers supplémentaires ou qu’elles disposent d’une part de fiscalité écologique.
Deux échelons territoriaux sont particulièrement concernés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte : les régions, qui vont devoir élaborer les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire, les SRADDET, et les EPCI, qui doivent mettre en place les plans climat air énergie territoriaux, les PCAET.
On sait que pour élaborer ces documents il faut un budget de 1 à 2 euros par habitant. Mais pour mettre en œuvre les mesures contenues dans ces documents, il faut des budgets de 100 à 200 euros par habitant. Monsieur le secrétaire d’État, comment fait-on pour dégager de tels crédits, alors que l’on continue à baisser les dotations aux collectivités territoriales ?
Vous me rétorquerez peut-être qu’a été mis en place le fonds de concours « Territoire à énergie positive pour la croissance verte ». Certes, mais il concerne des territoires déjà engagés dans la transition, et ne concerne donc pas les territoires qui doivent s’y engager. En outre, nous n’avons aucune garantie sur la pérennité de ces crédits, qui sont des crédits « one shot ».
Autre exemple de financement insuffisant : le Fonds chaleur. Depuis 2014, la ministre de l’écologie nous annonce son doublement. Or ce n’est toujours pas le cas : il reste plafonné à un peu plus de 200 millions d’euros par an. C’est dommage, car ce fonds est efficace et a un effet de levier. Entre 2009 et 2015, pour un investissement d’un peu plus de 1 milliard d’euros, il y a eu 4,7 milliards d’euros de travaux, ce qui a permis de réaliser 3 600 installations et 1 700 kilomètres de réseaux de chaleur, dont la moitié concerne des énergies renouvelables. Il est donc regrettable que l’augmentation promise n’ait pas eu lieu.
Sur le budget de la politique des territoires, là encore, comme nous l’a indiqué notre rapporteur M. Pointereau, les priorités n’apparaissent pas clairement et l’aménagement du territoire demeure le parent pauvre de l’action publique. Nous pourrions évoquer l’accès aux soins et le numérique pour illustrer notre propos.
On observe une sorte de saupoudrage, sans visibilité ni perspective, sur toute une série de dispositifs, soit moins de moyens sur plus d’actions.
Certes, une nouveauté apparaît cette année : les contrats de ruralité. C’est très amusant : nous les avions votés ici même l’année dernière – c’était une proposition du groupe UDI-UC –, contre la volonté du Gouvernement et, finalement, changement de pied du Gouvernement, qui revient avec les contrats qu’il refusait un an plus tôt ; le Gouvernement sait donc faire preuve, parfois, de clins d’œil humoristiques.
Cependant, on doit dénoncer la construction en trompe-l’œil de ces contrats. Pour 2017, en effet, les 216 millions d’euros prévus en autorisations d’engagement ne seront couverts que par 30 millions d’euros de crédits de paiement, eux-mêmes en partie gagés par des baisses de crédits ouverts l’année dernière ! Il s’agit, une fois encore, d’un effet d’affichage. Et c’est une nouvelle préemption, à bon compte, sur les budgets des prochaines années.
J’en viens au domaine des transports, à propos duquel nos quatre rapporteurs, spécialistes de ces questions – Nicole Bonnefoy, Charles Revet, Jean-Yves Roux et Louis Nègre –, ont tous émis, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, critiques et inquiétudes.
La principale critique concerne le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, qui affiche, depuis plusieurs années, un net décalage entre ses besoins de financement et ses ressources.
Fixé à 2,2 milliards d’euros pour 2017, ce budget n’est clairement pas à la hauteur des engagements pris, comme le reconnaissait hier ici même M. le secrétaire d’État chargé des transports. Il faudrait de 2,6 milliards à 2,8 milliards d’euros pour que l’AFITF ne soit pas à nouveau obligée de retarder certains projets ou d’accroître sa dette à l’égard de SNCF Réseau, qui n’en a vraiment pas besoin...
Si l’on fait un bilan des trois dernières années, la politique menée par le Gouvernement à l’égard de l’AFITF ne peut que susciter de très vives critiques. Louis Nègre nous a ainsi rappelé que l’AFITF avait dû prendre en charge les indemnités versées à Ecomouv’ au titre de l’abandon de l’écotaxe, alors que le produit de celle-ci aurait dû venir abonder le budget de l’agence.
De même, l’augmentation de la fiscalité du gazole décidée en 2015, qui devait revenir à l’AFITF, a été, pour plus de la moitié, détournée par Bercy pour financer d’autres dépenses, pour ne pas dire pour boucher d’autres trous.
Comment, dans ces conditions, assurer le soutien à une véritable politique de rénovation et de développement de nos infrastructures ? Comment assurer le financement d’investissements favorables au report modal que constituent plus des deux tiers des interventions de l’AFITF en faveur du ferroviaire, du fluvial, du maritime et du transport collectif ?
Nos infrastructures ne sont pas en bon état. Jean-Yves Roux s’inquiète dans son rapport de l’état de notre patrimoine routier. Charles Revet mentionne à nouveau la lenteur des mesures prises pour assurer un meilleur accès à nos ports maritimes.
La politique gouvernementale en matière d’infrastructures n’est pas à la hauteur des enjeux !
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, notre commission est inquiète. Elle admet les nécessités d’une politique budgétaire rigoureuse, mais elle ne comprend pas l’absence de priorités claires, l’accumulation de choix contradictoires, la mauvaise gestion de crédits qui peuvent pourtant exercer un véritable effet de levier, favorable à la création de richesses et d’emplois.
Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ait émis un avis défavorable à l’adoption d’une très grande majorité des budgets qu’elle a examinés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – MM. Éric Doligé, Jean Bizet et Philippe Dominati applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des lois.
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, il me revient, en l’absence du président Philippe Bas, retenu par un déplacement à Dijon de la mission sur le redressement de la justice programmé de longue date, de présenter les principales observations de la commission des lois sur les crédits du projet de loi de finances dont elle s’est saisie pour avis.
Nous ne pourrons vraisemblablement pas en discuter dans le détail puisque la commission des finances a décidé, à juste titre, de présenter une motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble du projet de loi.
Cela n’a pas empêché la commission des lois de procéder, comme à son habitude, à un examen approfondi, exigeant et objectif de ces crédits.
Cette année encore, les rapporteurs pour avis ont réalisé de nombreuses auditions, en complément des auditions des ministres de l’intérieur et de la justice en commission, et effectué un travail remarquable, qui mérite d’être salué.
Ce travail n’aura pas été vain puisqu’il aura permis d’éclairer nos débats et nos concitoyens. Voici la synthèse, nécessairement incomplète, qui peut en être faite.
Lors de l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », notre collègue Pierre-Yves Collombat a relevé tout à la fois : les inquiétudes et critiques suscitées par la création, sans débat préalable, du fichier des titres électroniques sécurisés ; les difficultés pratiques résultant de la réorganisation, sur plusieurs sites, des directions régionales de l’État dans les nouvelles régions ; l’absence de mise en œuvre de la réforme de la carte des sous-préfectures, longtemps annoncée mais redoutée des élus locaux ; ainsi que le rejet par l’Assemblée nationale, qu’il a salué, du projet gouvernemental de dématérialisation de la propagande électorale.
S’agissant de la mission « Conseil et contrôle de l’État », notre collègue Michel Delebarre a souligné, d’une part, le risque de dégradation des performances satisfaisantes affichées par les juridictions administratives et financières, en raison de l’extension des compétences qui leur sont confiées, et, d’autre part, la multiplication des outils de rationalisation du contentieux administratif, tels que la procédure à juge unique et la médiation, qui suscitent des inquiétudes sur la qualité de la justice rendue et l’éloignement du justiciable de son juge.
Pour la mission « Direction de l’action du Gouvernement », notre collègue Alain Anziani a relevé la contribution des services du Premier ministre à l’effort de maîtrise des dépenses publiques et souligné la croissance non pas du nombre, mais du volume des textes de loi, particulièrement marquée en 2015 et 2016, qui alimente les critiques sur la qualité de la loi et dont la responsabilité incombe tant au Gouvernement qu’au Parlement.
Notre collègue Jean-Yves Leconte a, quant à lui, mis en exergue le risque que le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne puisse contrôler le respect du principe d’équité lors de la campagne pour l’élection présidentielle qu’en se fondant sur les déclarations par les médias des temps de parole et d’antenne, et l’inquiétude du Défenseur des droits face à l’obligation d’apporter un secours financier aux lanceurs d’alerte, prévue par la loi dite Sapin II malgré l’opposition du Sénat.
S’agissant de la mission « Économie », notre collègue André Reichardt a étudié la mise en œuvre par l’Autorité de la concurrence de ses nouvelles prérogatives à l’égard des professions réglementées du droit, laquelle suscite des appréciations mitigées de la part de ces professions, singulièrement des notaires.
Il a aussi poursuivi son examen des politiques d’accompagnement des entreprises dans les territoires, confirmant les réserves exprimées l’an passé et son attachement à une véritable décentralisation des aides aux entreprises.
Enfin, il s’est interrogé sur les missions de la nouvelle Agence France Entrepreneurs et sur la reconfiguration du dispositif gouvernemental en matière d’intelligence économique.
Pour la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », et plus particulièrement la fonction publique, notre collègue Catherine Di Folco a fait un triple constat : tout d’abord, l’objectif de stabilisation des effectifs de fonctionnaires d’État sur le quinquennat n’aura pas été atteint puisque 43 080 créations nettes de postes auront été enregistrées entre 2012 et 2017 ; ensuite, l’augmentation de la masse salariale de l’État est préoccupante, comme l’a également observé la Cour des comptes, car elle contribue à l’aggravation du déficit public et empêche de dégager des marges de manœuvre budgétaires pour rénover la fonction publique ; enfin, les perspectives financières du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique sont préoccupantes en raison de l’effet de ciseaux né de la diminution de ses recettes et de l’augmentation de ses dépenses.
Lors de l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », notre collègue Esther Benbassa a salué les efforts de réalisme budgétaire conduits sur certains postes, comme celui des CADA, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, même si l’hébergement des demandeurs d’asile dans ces centres est loin d’être la norme.
Elle a toutefois exprimé la crainte que les prévisions budgétaires ne demeurent en retrait par rapport à l’exécution pour le financement de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et de l’allocation pour demandeurs d’asile.
Notre collègue François-Noël Buffet, pour sa part, a relevé que la politique d’immigration et d’intégration demeurait le parent pauvre de la mission, malgré une hausse de ses crédits pour la deuxième année consécutive.
Il a en outre déploré le manque d’indicateurs pertinents pour évaluer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière.
S’agissant de la mission « Justice », nos collègues Yves Détraigne, Hugues Portelli et Cécile Cukierman ont salué l’augmentation sensible des crédits qui lui sont alloués.
Yves Détraigne a toutefois souligné les difficultés récurrentes auxquelles sont confrontés les services judiciaires : sous-évaluation des frais de justice, cause de dépassements élevés en cours d’année ou d’importants retards de paiement pour les juridictions ; taux de vacance de postes élevé, tant pour les magistrats que pour les greffiers ; sous-consommation du plafond d’emplois voté chaque année, qui témoigne de déficiences graves dans l’organisation de la gestion du ministère.
Il a relevé qu’en dehors des créations prioritaires ciblées sur l’antiterrorisme, les créations nettes d’emplois restaient modestes et n’étaient pas de nature à résorber les 479 postes vacants et à rétablir la confiance dans la justice.
Il a par ailleurs estimé que les conséquences budgétaires de l’augmentation de la rétribution des avocats au titre de l’aide juridictionnelle étaient sous-évaluées dans le projet de loi de finances pour 2017, et que cette revalorisation ne dispensait pas d’engager la nécessaire réforme d’ampleur de l’aide juridictionnelle.
Hugues Portelli a déploré les vacances de postes de surveillants pénitentiaires, la prise de conscience trop tardive du Gouvernement de la nécessité de créer de nouvelles places de prison, la surpopulation carcérale qui en résulte et les hésitations dans la politique gouvernementale de prise en charge des détenus radicalisés.
Cécile Cukierman s’est inquiétée des difficultés financières du secteur associatif habilité, qui permet aux magistrats de diversifier les mesures de prise en charge des mineurs.
Elle a appelé de ses vœux un renforcement des partenariats entre la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, et les autres acteurs de la protection de l’enfance, singulièrement les conseils départementaux.
Enfin, elle a souligné la montée en puissance du phénomène de radicalisation chez les mineurs et les hésitations de la PJJ sur les réponses à privilégier, entre renforcement des dispositifs de droit commun et prise en charge spécifique.
S’agissant de la mission « Outre-mer », notre collègue Thani Mohamed Soilihi s’est plus particulièrement intéressé, cette année, à la situation des juridictions judiciaires outre-mer, en écho aux travaux en cours de la mission de la commission des lois sur le redressement de la justice.
Il a mis en exergue une organisation atypique et différenciée des juridictions ultramarines de premier degré, et des difficultés de gestion liées à leur éloignement, à un environnement juridique et culturel distinct, aux difficultés d’affectation des magistrats et des personnels de greffe, ainsi qu’aux contraintes climatiques sur les bâtiments et les équipements.
Enfin, il a souligné la nécessité de tirer les conséquences législatives de récentes décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité.
Lors de l’examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics », notre collègue Jean-Pierre Sueur a souligné que la quasi-totalité des pouvoirs publics participaient à l’effort de maîtrise de la dépense, leurs dotations étant toutes reconduites en euros courants, à l’exception de celle du Conseil constitutionnel.
Cette dernière augmentera de 38 % en 2017, après avoir diminué pendant sept exercices consécutifs, afin de permettre le bon exercice par le Conseil constitutionnel de ses missions électorales au cours d’une année exceptionnelle durant laquelle se dérouleront trois élections nationales, mais également pour renforcer de manière pérenne ses effectifs ainsi que les échanges internationaux avec d’autres cours constitutionnelles.
S’agissant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », notre collègue Jacqueline Gourault a souligné la nécessité d’une réforme de la dotation globale de fonctionnement par un texte de loi spécifique qui tienne compte des bouleversements en cours de la carte intercommunale. Elle a également appelé de ses vœux une réflexion sur une évolution du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales.
Le président Philippe Bas a, quant à lui, demandé que soit mis un terme à la baisse des dotations de l’État qui conduit à une déstabilisation budgétaire des collectivités territoriales, en particulier des communes et des départements. Il a rappelé que ces dotations n’étaient pas des libéralités accordées par l’État aux collectivités territoriales, mais qu’elles visaient à compenser les transferts de compétences de l’État auxdites collectivités ou la suppression d’impôts locaux.
Enfin, lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurité », Alain Marc et moi-même avons relevé les augmentations de moyens de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile, dans un contexte marqué par les attentats de 2015 et 2016.
Alain Marc a évoqué les nombreuses manifestations spontanées de policiers organisées, hors de tout mot d’ordre syndical, à la suite de l’incident survenu à Viry-Châtillon le 8 octobre dernier.
J’ai pour ma part salué l’annonce par le Gouvernement de la mise en œuvre d’un projet de système de gestion opérationnelle unifiée pour uniformiser au niveau national les logiciels équipant les plateformes de traitement des appels d’urgence au 18. J’ai toutefois déploré que le ministère chargé de la santé conduise en parallèle son propre chantier.
Tel est le tableau, aux touches nécessairement impressionnistes mais que j’espère colorées et vives, des principales observations formulées par les rapporteurs pour avis de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances est, chaque année, l’occasion de nous interroger sur l’effort financier de la France pour la construction européenne. Il permet aussi de mesurer ce que notre pays reçoit du budget européen. Au-delà, nous devons être conscients que l’Europe des projets exige des moyens financiers. Il est donc légitime de regarder de près quelles sont les ressources qui alimentent le budget européen.
Permettez-moi de saluer le travail du rapporteur spécial de la commission des finances, notre collègue François Marc. Il a rendu compte de ses travaux à la commission des affaires européennes, ce qui nous permet de bien évaluer les différents enjeux qui sont en cause.
Quels sont ces enjeux ?
D’abord, le montant de la participation de la France. Au total, si l’on ajoute les ressources propres traditionnelles que sont les droits de douane et les cotisations sur le sucre – elles diminuent depuis des décennies –, versées directement au budget européen, la contribution de la France devrait s’élever à 20,9 milliards d’euros en 2017. Notre pays demeurerait ainsi le deuxième contributeur net, derrière l’Allemagne, et le premier contributeur, à hauteur de 26 %, soit 1,38 milliard d’euros, au mécanisme de correction britannique, qui devra s’éteindre dans les années à venir. Il est aussi le premier État membre, devant l’Espagne, à bénéficier de « retours » du budget européen, puisque 14,5 milliards d’euros ont été dépensés en France en 2015, soit 11,1 % du budget total de l’Union. N’oublions pas en particulier ce que la France reçoit au titre de la politique agricole commune.
Depuis plusieurs années, nous nous sommes préoccupés de la dégradation du solde net de la France. La contribution de notre pays a sensiblement augmenté depuis trente ans. Cependant, notre rapporteur spécial nous a indiqué que le niveau du prélèvement sur recettes, prévu en 2017, était inférieur de 5,4 % à la prévision pour 2016 et de 3 % à l’exécution 2015. Ce niveau est donc anormalement bas. On constate, en effet, un démarrage très lent des programmes de la politique de cohésion de la période 2014–2020. La Commission européenne a donc proposé, pour ces fonds, un montant de crédits de paiement inférieur de 23 % au montant inscrit en 2016.
On ne peut que déplorer cette situation. L’explication principale réside dans la complexité et la rigidité des procédures de gestion de ces fonds. Je ne saurais trop insister sur ce point.
Notre collègue Philippe Bonnecarrère a parfaitement analysé devant notre commission des affaires européennes les causes de cette mise en œuvre faible de la politique de cohésion.
C’est un choc de simplification dont a besoin cette politique. À chaque étape, les principaux intervenants sont confrontés à une réglementation de gestion et de contrôle qui représente plus de 1 000 pages pour les seuls Fonds européen de développement économique régional, FEDER, et Fonds social européen, FSE, auxquelles s’ajoutent les règles propres au fonds agricole et au fonds pêche.
Par ailleurs, sollicitée par des États membres sur le sens d’une règle qu’elle a édictée, la Commission publie des « notes d’orientation » qui se surajoutent à l’existant. À elles seules, ces notes représentent 4 000 pages ! On atteint un volume « prohibitif » de documents. Ces règles évoluent au fil de l’eau et ont un effet rétroactif qui vient encore compliquer la tâche des bénéficiaires et des porteurs de projet.
On assiste donc à une surréglementation européenne, mais aussi à une surréglementation des autorités de gestion elles-mêmes, c’est-à-dire désormais les régions. Celles-ci ont le souci de ne pas s’exposer à des sanctions des autorités de contrôle et d’audit, nationales et européennes. Elles ont donc tendance à multiplier les garde-fous. Cet emballement réglementaire est singulièrement néfaste à l’économie européenne, plus particulièrement à l’économie française.
Nous devons aussi être attentifs à la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Je le rappelle, cette programmation pluriannuelle est désormais bien inscrite dans la pratique européenne. Entérinée par le traité de Lisbonne, elle permet de donner plus de prévisibilité et d’éviter les querelles annuelles sur les dépenses du budget européen. Mais la révision à mi-parcours permet aussi de s’interroger sur le bien-fondé des choix initiaux et de procéder, le cas échéant, aux rectifications nécessaires.
En septembre, la Commission européenne a présenté une communication et un ensemble de propositions législatives en vue de cette révision. Comme le rapporteur spécial, je veux relever les priorités politiques claires qui sont définies en faveur de la croissance et de l’emploi, d’une part, de la gestion de la crise migratoire, d’autre part.
Nous constatons que davantage de moyens financiers seront accordés aux programmes et aux instruments destinés à soutenir l’investissement, comme le programme européen pour la compétitivité des petites et moyennes entreprises, appelé COSME.
Enfin, la proposition de révision du cadre financier pluriannuel introduit plus de flexibilité et de réactivité, ce qui est indispensable pour s’adapter à une réalité changeante. Je le dis souvent, le temps économique va beaucoup plus vite que le temps politique. Songeons à la crise des réfugiés qui a obligé l’Europe à dégager de nouveaux moyens financiers. Mais nous devons aussi rester vigilants sur le risque d’une hausse du montant des contributions nationales d’ici à 2020.
Nous ne pouvons examiner le budget européen sans poser la question des conséquences du retrait du Royaume-Uni, qui est l’un des principaux contributeurs nets. Or de nombreuses incertitudes demeurent. François Marc a appelé, à juste titre, notre attention sur ce point. La dépréciation de la livre sterling d’environ 15 % a déjà entraîné, en 2016, un manque à gagner estimé à 1,8 milliard d’euros pour le budget européen. La Commission européenne a, en conséquence, provisionné 1,1 milliard d’euros d’amendes, mais il existe toujours un risque de report négatif sur le budget 2017.
Je dois donc vous interroger, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi aucun mécanisme spécifique n’a été prévu pour se prémunir contre les risques de change entre l’euro et la livre sterling ? Un tel mécanisme sera-t-il mis en place à l’avenir ? Je souhaiterais avoir votre réponse sur ce point précis.
Enfin, nous devons nous poser la question du mode de financement du budget européen. Le traité prévoit qu’il doit être financé par des ressources propres. Qu’en est-il en réalité ? Plus des trois quarts du financement est assuré par des contributions des États membres en fonction de leur richesse respective. Nous dénonçons depuis longtemps cette situation. Elle produit des marchandages permanents entre les États, qui restent obsédés par leur solde net entre ce qu’ils versent et ce qu’ils reçoivent – nous sommes loin de l’esprit de solidarité qui a présidé à la naissance de l’Europe ! Elle ne permet pas de doter le budget de recettes sûres et évolutives. Elle concourt à maintenir le budget de l’Union à un niveau dérisoire par rapport aux ambitions affichées dans les traités.
On voit bien les défis immenses que doit relever l’Union européenne : la crise migratoire, la compétitivité et l’innovation, l’union de l’énergie, le marché unique du numérique, les crises agricoles... Certes, toutes les réponses ne sont pas financières. Mais peut-on répondre à ces défis avec un budget qui ne dépasse pas 1 % du PIB européen ?
Le renforcement des ressources propres est donc un enjeu essentiel. C’est pourquoi nous serons très attentifs aux propositions du groupe à haut niveau présidé par Mario Monti, que nous recevrons avec la commission des finances en janvier prochain.
François Marc nous a exposé les idées qui circulent : développer l’impôt sur les sociétés sur la base d’une assiette harmonisée et consolidée, l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés ou ACCIS – deux directives feront l’objet d’une étude particulière du rapporteur général, ce qui nous ravit ! – ; créer une fiscalité écologique – une de plus ! – ; recourir à la taxe sur les transactions financières – ce n’est pas très populaire par les temps qui courent ! – ou encore corriger le manque à gagner massif du fait des fraudes à la TVA – une assez bonne solution.
Les préconisations du groupe Monti devront aboutir à des décisions ambitieuses. C’est la condition pour que le budget de l’Union gagne en clarté, en légitimité et en volume. Le Sénat sera très attentif à ces propositions. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et du RDSE.)
(Mme Françoise Cartron remplace M. Claude Bérit-Débat au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à cette heure tardive et devant l’affluence, je me contenterai de quelques remarques relativement modestes. En tout état de cause, nous aurons encore quelques heures de débat la semaine prochaine et je pourrai, là aussi, vous répondre.
Sur la forme, je voudrais, d’un mot, apporter à nouveau quelques clarifications. Le rapporteur général nous dit que la commission a passé des heures à analyser les choses. Peut-être, mais le travail d’un parlement digne de ce nom n’est pas seulement d’analyser, c’est de faire des propositions et de prendre des décisions ! (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)
Êtes-vous là, comme le Conseil économique, social et environnemental, pour faire des commentaires, présenter des rapports et regarder passer la caravane ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Doligé. C’est indigne !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Faire des rapports et analyser, c’est bien, mais le Parlement doit évidemment être une force de proposition sur un acte essentiel comme le vote du budget !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous ferons un budget rectificatif au mois de mai !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais justement ! Comme les personnes qui suivent nos débats, j’aurais aimé connaître les dispositions que vous supprimerez, si vous devenez majoritaires, et celles que vous ajouterez…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut de la patience !
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois. Chaque chose en son temps !
M. Michel Canevet. Ne soyez pas impatient !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne le suis pas, mais j’ai l’impression que certains choix sont esquissés dans l’ombre.
Par exemple, on entend parler d’économies à hauteur de 100 milliards ou 110 milliards d’euros, mais les orateurs qui viennent de s’exprimer, en particulier les représentants des commissions, ont plutôt réclamé des crédits supplémentaires,…
M. François Marc. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … que ce soit pour l’ANSES, les agences de l’eau, l’ADEME, l’AFITF, le budget de la défense ou encore certains organismes culturels. Et j’en passe !
J’entends certains dire qu’ils vont réduire les effectifs de la fonction publique de 500 000 personnes, alors qu’il faudrait – comme on l’a entendu à l’instant – augmenter ceux de l’ANSES.
À un moment donné, il faut être cohérent ! Vous avez choisi de ne pas faire de propositions. Permettez-moi de faire remarquer que je trouve cela curieux !
Je n’ai quasiment pas entendu d’interventions sur le prélèvement à la source. Il me semblait pourtant que c’était un point important du projet de loi de finances…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons adopté un rapport spécifique sur ce sujet !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui, j’ai lu votre rapport, monsieur de Montgolfier. Vous savez, je ne fais pas que des mots croisés, je lis aussi beaucoup.
Vous y proposez un autre système et le premier élément que vous mettez en avant, c’est qu’il assure un gain de trésorerie d’environ 16 % pour les contribuables. Mais cela résulte uniquement de ce que les prélèvements sont opérés sur douze mois, non sur dix comme aujourd’hui, et je vous signale que c’est la même chose pour le prélèvement à la source que nous proposons !
Vous auriez aussi pu dire que certains aspects de notre proposition étaient positifs, car les choses sont, dans la vie, rarement binaires…
Vous avez également dit que l’amendement de Mme Dalloz faisait ce que vous aviez proposé dans votre rapport. C’est faux ! Il ne fait que rendre le prélèvement mensuel obligatoire, mais dans les conditions actuelles, c’est-à-dire en prenant en compte les revenus perçus l’année d’avant. Il ne modifie donc en rien le décalage entre les revenus et l’impôt.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas ma proposition !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je le sais bien, mais vous avez dit tout à l’heure qu’il aurait fallu laisser l’amendement de Mme Dalloz...
En tout cas, hormis de votre part, monsieur le rapporteur général, je n’ai pas entendu de commentaires sur cette disposition importante, alors même que j’entends dire qu’elle serait la pire des choses…
Je me suis un peu énervé il y a quelques instants – oui, cela m’arrive ! –, lorsque M. Delahaye s’est exprimé. Il est parti, mais il lira sûrement le compte rendu des débats. D’habitude, il est très présent dans nos discussions budgétaires, je lui en donne acte. Il a dit que nous n’avions pas réduit les dépenses de l’État. Là encore, c’est faux ! Il est quand même irritant d’entendre ce type de contrevérités, dont je pense qu’elles ne nous rendent pas collectivement service.
En loi de finances initiale, les dépenses de l’État s’élevaient à 303,2 milliards d’euros en 2013, elles atteindront 298,6 milliards en 2017, ce qui représente une baisse de 4,6 milliards. On peut éventuellement dire que ce n’est pas assez ou que cela ne va pas assez vite, mais pas que les dépenses augmentent. Vous n’avez tout simplement pas le droit de le dire !
M. Michel Canevet. Il a dit : par rapport à l’année dernière.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non, on a parlé à ce moment-là du quinquennat ! On relira le compte rendu des débats.
Et si l’on inclut la dette et les pensions, c’est la même chose : on passe de 395,2 milliards à 388,3 milliards d’euros, soit une baisse de 6,9 milliards. C’est très clair !
En ce qui concerne la dépense publique en pourcentage du PIB, je vous invite à l’humilité… Entre 2008 et 2012 – je tiens à votre disposition les chiffres précis année par année –, l’augmentation moyenne a été de 3,1 %, contre 1,3 % entre 2013 et 2017, soit 2,5 fois moins.
Là encore, on peut dire que ce n’est pas la bonne méthode ou le bon levier, mais pas que ce gouvernement a fait exploser la dépense publique.
Et, comme l’a fait voilà quelques instants la vice-présidente de la commission des affaires sociales, je voudrais ajouter un élément qui n’est pas assez souvent évoqué : le budget de l’État prend en charge l’ensemble des réductions de cotisations sociales décidées par le Gouvernement et le Parlement. On peut ou non s’en réjouir. En tout cas, cela explique le fait que le déficit de la sécurité sociale s’améliore, ce qui est, là aussi, une constatation tout à fait factuelle, alors que celui de l’État se réduit moins vite.
Je souligne ce point, parce que cela touche un débat de fond sur le modèle de financement de notre protection sociale. Je conviens qu’il s’agit d’un sujet technique, mais il me semble qu’il peut tout à fait être soulevé dans cet hémicycle.
Je voudrais également répondre à M. Requier, qui m’a interrogé sur le prélèvement à la source concernant les élus. Aujourd’hui, ceux-ci peuvent opter pour un tel prélèvement – et c’est ce qu’ils sont nombreux à faire –, mais ils peuvent aussi choisir d’imputer leurs revenus sur leur déclaration annuelle classique.
Chacun choisit, ce qui est logique, la solution la plus avantageuse. Dans certaines situations, par exemple lorsque le conjoint n’a pas de revenus ou que des enfants sont à la charge du contribuable, il peut être avantageux de ne pas choisir le prélèvement à la source.
Nous nous heurtons, sur ce dossier, à une véritable difficulté : si nous conservons le système actuel, l’impôt sur le revenu de l’année 2017 serait annulé pour certains contribuables, ceux qui ont choisi de rattacher les revenus d’élu au foyer fiscal, et maintenu pour les autres, ceux qui ont choisi le prélèvement à la source. En outre, il y a une question de temporalité, puisque cette option est choisie en fin d’année.
Devant cette difficulté, toute autre solution que celle que nous avons retenue serait inconstitutionnelle, car elle créerait une inégalité entre un même type de contribuables, d’activités et de revenus : pour certains, une année n’aurait pas été imposée, pas pour les autres.
Voilà pourquoi nous avons fait ce choix ! Alors, qui sont les gagnants et qui sont les perdants ? Objectivement, cela dépend. Il est nécessaire de faire des simulations – les associations d’élus en ont sans doute fait – dans toutes les situations possibles pour bien appréhender la réponse à cette question. Certains sont clairement gagnants, par exemple ceux qui ont des enfants ou dont les autres revenus fiscaux sont faibles.
En tout cas, pour tous ceux qui ont opté pour le prélèvement à la source, c’est un cadeau correspondant à une année d’imposition sur l’indemnité de fonction, puisqu’il n’y aura pas d’imposition sur 2017. En outre, tout cela se calcule sur la durée du mandat ; seules cinq années seront imposées, pas six, ce qui constitue un gain.
Je voulais vous apporter ces quelques éléments, nous aurions pu en parler plus en détail, mais ce ne sera pas possible vu la manière dont les débats ont été organisés au Sénat…
Je souhaite aussi dire quelques mots au sujet de l’intervention du premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui a fait un descriptif de la situation internationale et de ses dangers. Je partage assez largement son analyse géopolitique, mais, concernant les crédits, quelques observations doivent tout de même être faites.
Premièrement, c’est la première fois qu’une loi de programmation militaire est respectée. Deuxièmement, elle a même été révisée à la hausse en 2015, ce qui n’était évidemment pas prévu. Troisièmement, Jean-Pierre Raffarin a eu la courtoisie et la justesse de souligner l’abondement important des crédits de l’aide publique au développement : 130 millions d’euros, auxquels se sont ajoutés 270 millions, soit un total de 400 millions.
Je suis moins en accord avec lui sur la question du coût des facteurs, qui est un sujet récurrent de débats entre plusieurs ministères et le mien. On ne peut tout de même pas dire que les prix de l’énergie et du pétrole sont les mêmes aujourd’hui qu’au moment où a été établie la loi de programmation militaire. Des études très précises ont été réalisées par l’Inspection générale des finances et le contrôle général des armées. J’estime que cela est incontestable.
Or nos forces armées, avec tout le respect que je leur dois, consomment énormément de kérosène et de gazole, ce qui représente une part importante de leurs dépenses.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Absolument !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. D’ailleurs, elles ont mis en place un système d’achat très performant, il permet de sécuriser les prix en achetant sur des durées longues. Il n’empêche que les prix du pétrole et de l’énergie en général ont baissé.
Sur ce point, nous avons un différend avec le ministère de la défense et j’imagine auprès de qui le premier ministre Jean-Pierre Raffarin est allé chercher ses informations, ce qui est certes légitime. J’assume cette différence, je crois qu’on peut se permettre de prendre en compte l’évolution des prix de l’énergie.
En conclusion, je le répète, je regrette profondément la manière dont le débat s’organise ici. On me dit que le Gouvernement n’accepte pas beaucoup d’amendements du Sénat, mais, vous le savez, nous n’y sommes pas majoritaires…
Il me semble que je prends toujours le temps de répondre aux questions et d’expliquer les différents sujets qui sont soulevés. Un choix a été fait et, bien évidemment, j’assisterai mardi prochain sur une longue durée à la suite des travaux, le vote aura lieu mercredi, et nous retournerons ensuite à l’Assemblée nationale. Je vous remercie de votre écoute. (MM. François Marc et Jean-Claude Requier applaudissent.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 29 novembre 2016, à quatorze heures trente :
Suite du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale (n° 139, 2016-2017) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 140, 2016-2017) ;
Suite de la discussion générale.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD