Sommaire
Présidence de Mme Françoise Cartron
Secrétaires :
MM. Philippe Adnot, Jackie Pierre.
2. Mise au point au sujet d’un vote
3. Candidature à une commission
M. Didier Guillaume ; Mme la présidente.
5. Loi de finances pour 2017. – Suite de la discussion d’un projet de loi
6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
7. Loi de finances pour 2017. – Suite de la discussion d’un projet de loi
8. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
9. Projet de loi de finances pour 2017. – Suite de la discussion d’un projet de loi
10. Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
11. Nomination d'un membre d'une commission
12. Retrait d’une question orale
14. Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
M. Philippe Adnot,
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 24 novembre 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Madame la présidente, je souhaite faire une mise au point au sujet d’un vote. Lors du scrutin public n° 65 sur les amendements identiques nos 1 rectifié quater et 177 rectifié sexies tendant à insérer un article additionnel après l’article 43 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, notre collègue Patrick Chaize a été comptabilisé comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Candidature à une commission
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à commission des affaires sociales en remplacement de Louis Pinton, décédé.
Cette candidature va être publiée, et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
4
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement.
M. Didier Guillaume. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les lois de finances sont des textes fondamentaux pour la vie parlementaire. Notre Constitution leur consacre plusieurs dispositions particulières, qui rendent leur examen annuel obligatoire. Et, quand je vois les rangs clairsemés de la droite sénatoriale, je mesure mieux encore leur importance. (M. Jean-Baptiste Lemoyne s’exclame.)
Que l’on soit d’accord ou non avec ses orientations, la loi de finances permet un débat général sur la politique menée par le Gouvernement.
Au nom de cette particularité constitutionnelle, de ce fondement du fonctionnement de la Nation, le groupe socialiste et républicain regrette le choix de la majorité du Sénat – de votre majorité, monsieur le président Larcher – de refuser l’examen du budget de la Nation. En empêchant le débat de se tenir, vous mettez en cause un droit constitutionnel appartenant à chacun d’entre nous, le droit d’amendement.
Il s’agit d’un déni de responsabilité pour des parlementaires qui prétendent incarner l’alternance. L’alternance que vous proposez sera absente de ce budget. Parce que vous avez du mal à vous mettre d’accord sur un projet, vous masquez votre incurie à réaliser un contre-projet par un subterfuge réglementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous faites donc le choix, à mon sens insensé, de l’escamotage du débat, de l’évitement de la confrontation projet contre projet, de la feuille blanche à remettre à l’Assemblée nationale. Et nous qui croyions, monsieur le président du Sénat, que vous vouliez réhabiliter la Haute Assemblée !
C’est une semaine noire pour le Sénat, qui se tire une balle dans le pied. Espérons qu’elle ne lui sera pas fatale ! Certes, nous avons travaillé en commission, mais, in fine, tout cela s’est révélé de « l’occupationnel », j’y insiste. En effet, à quoi sert le Sénat, s’il ne prend même pas la peine de voter le budget ?
Nous ne souhaitons pas cautionner votre pièce de théâtre en trois actes, commencée jeudi dernier. Que dire de l’ordre du jour d’aujourd'hui ? Six heures de discussions ininterrompues, de bavardages pour faire diversion ! Et que dire de l’ordre du jour de demain, du vote solennel à la tribune de la question préalable ? Excusez du peu ! Tout ça pour ça, pour passer de longues heures, cet après-midi et demain, dans l’hémicycle, afin de montrer, comme un leurre que l’on agite devant les caméras de télévision, que le Sénat travaille.
Nous disons stop à la diversion, car ce n’est pas à la hauteur des enjeux !
Pour ces raisons, notre groupe ne participera pas à ce simulacre de débat, à cette mascarade parlementaire où il nous est interdit d’amender et d’améliorer au fond le budget. Nous sommes désolés pour nos collègues de gauche qui se sont opposés avec nous à la question préalable, mais nous prenons ce qui nous semble être nos responsabilités.
Monsieur le président du Sénat, vous resterez dans l’histoire comme celui qui aura bâillonné la Haute Assemblée à des fins préélectorales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, vous resterez comme ceux qui auront tenté d’étouffer le bicamérisme à des fins d’unité de leur majorité.
Mesdames, messieurs de la droite sénatoriale, j’espère que vous n’allongerez pas la déjà trop longue liste des fossoyeurs du bicamérisme. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous quittons la salle des séances, où nous reviendrons jeudi prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
(Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et républicain se lèvent et quittent l’hémicycle, après avoir salué un à un M. le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics. – Exclamations continues sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Philippe Dallier. On croirait des condoléances ! C’est l’enterrement du quinquennat !
M. Éric Doligé. Quelle mise en scène ! Allez donc préparer votre primaire !
M. Francis Delattre. Quel cinéma !
Mme Sophie Primas. Bonne après-midi !
M. Henri de Raincourt. On va pouvoir travailler !
5
Loi de finances pour 2017
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport n° 140, avis nos 141, 142, 143, 144, 145, 146).
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le document Chiffres clés du budget de l’État publié pour le dernier budget de la législature et que vous avez tous reçu, le Gouvernement nous présente un résumé de la situation fiscale de notre pays.
En 2012, l’impôt sur le revenu dégageait quelque 59,5 milliards d’euros de recettes. On en attend 73,4 milliards d’euros pour 2017. En 2012, l’impôt sur les sociétés rapportait 40,8 milliards d’euros nets ; pour 2017, ce ne sont plus que 29,4 milliards d’euros nets, alors que le montant brut de l’impôt dépasse légèrement 60 milliards d’euros. Les coups de boutoir du report en arrière des déficits, du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et de quelques autres mesures insérées dans notre droit fiscal l’ont considérablement réduit.
L’impôt sur les sociétés ne représente qu’environ 1,3 % du produit intérieur brut marchand, un niveau quasi inconnu en Europe, malgré des taux d’imposition prétendument plus faibles que le taux français !
En revanche, la TVA aura en 2017 un rendement supérieur de 16 milliards d’euros à celui de 2012, quelque 16 milliards d’euros dont l’essentiel sera prélevé dans le porte-monnaie des consommateurs salariés ou demandeurs d’emploi, des familles, des retraités modestes. La TVA devient donc la recette la plus importante du budget de l’État.
Ainsi, à tous ceux qui considèrent aujourd’hui qu’une part de la population ne contribue pas à la charge du budget, cette réalité montre le contraire. Les ménages modestes et moyens paient sans cesse plus d’impôts. La loi de finances pour 2017 propose un allégement de fiscalité de 1 milliard d’euros. Cinq millions de ménages modestes et moyens vont en bénéficier, ce qui représente une moyenne de 200 euros par ménage.
Cependant, parallèlement, les sociétés dépassant 250 millions d’euros de chiffre d’affaires vont bénéficier de la suppression de la majoration exceptionnelle, une mesure qui va coûter 2,6 milliards d’euros au budget de l’État. Qu’en feront-elles ?
Le rapporteur général de la commission des finances vient de produire un rapport d’information intitulé Cinq Années sans modération fiscale. Il fait apparaître que la fiscalité directe portant sur les ménages reste, en 2016, plus élevée de 31 milliards d’euros qu’au début du quinquennat. La charge fiscale des ménages au cours des dernières années est passée de 14,5 % du PIB à 16 % du PIB entre 2011 et 2016.
En outre, une simulation inédite des effets des hausses des principales taxes indirectes – dont la TVA, la contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, et les taxes multiples sur les produits de consommation – sur le budget des ménages montre, d’une part, que le poids des prélèvements indirects a augmenté de près de 6 % en moyenne entre 2011 et 2015, et, d’autre part, que cette évolution a davantage pesé sur les ménages modestes, du fait du caractère dégressif de la fiscalité indirecte.
Enfin, sur l’ensemble du quinquennat, et toujours selon ce rapport, la réduction des prélèvements sur les entreprises atteint 12,5 milliards d’euros, soit une baisse inférieure à celle qui devait découler des allégements de cotisations, d’un montant de 13,2 milliards d’euros, adoptés par la précédente majorité gouvernementale, en février 2012, et qui auraient dû entrer en vigueur en 2013.
Voilà donc quelques extraits, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, qui peuvent contribuer au débat qui nous occupe.
Toutefois, que l’on ne s’y trompe pas : la hausse apparente de l’imposition des entreprises est en grande partie due à l’accentuation de la lutte contre la fraude fiscale, et je ne crois pas, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, que l’on puisse se plaindre de cette situation ! L’action contre les contribuables indélicats a gagné en vigueur, notamment depuis le travail accompli par les commissions d’enquête constituées sur l’initiative de notre groupe et dont mon ami Éric Bocquet fut le si brillant rapporteur. Ce travail doit être poursuivi et amplifié.
Les années qui viennent de s’écouler ont cependant été marquées par une série de changements fondamentaux en matière fiscale, notamment avec le renforcement du crédit d’impôt recherche et la création du CICE, sujets sur lesquels reviendra plus largement mon amie Brigitte Gonthier-Maurin.
Ainsi, faute d’une réforme fiscale plus lisible et compréhensible par les citoyens, nous sommes confrontés à une campagne contre l’impôt oubliant totalement l’importance de la contribution de chacun à l’intérêt général.
Je pense qu’il est bon de se souvenir que la Constitution s’appuie sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui précise : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » La présidente de notre groupe a rappelé la teneur de cet article au début de notre discussion générale, jeudi dernier.
Monsieur le secrétaire d’État, ce principe de proportionnalité est-il toujours respecté aujourd’hui ? Le quinquennat qui se termine et la loi de finances pour 2017 ne vont toujours pas dans ce sens.
La réforme du prélèvement à la source n’a rien à voir avec une plus grande justice fiscale en faveur des citoyens. Elle risque de plus de rendre encore moins lisible l’impôt et plus faible la vigilance du citoyen sur son utilisation.
Toutefois, il me semble que le rapport d’information de M. le rapporteur général de la commission des finances n’a pas obligatoirement pour objectif d’aller dans ce sens, l’essentiel des remarques portant sur une dénonciation d’une dépense publique insuffisamment maîtrisée. En langage plus direct, cela veut dire encore moins de services publics pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Christian Favier et Thierry Foucaud interviendront plus longuement sur ces sujets.
Aujourd’hui, le code général des impôts, c’est l’arbre du principe et la forêt des exceptions ! En foi de quoi, l’impôt sur les sociétés est miné par tant de dispositifs dérogatoires, d’exceptions à la règle commune, d’amortissements accélérés et de régimes particuliers qu’il en a perdu toute signification et toute efficacité. Pourquoi ne pas le rendre plus efficace, avec un calcul intégrant les choix faits par l’entreprise dans le sens de l’emploi et de l’investissement ?
L’impôt sur le revenu a été quelque peu rectifié, et les régimes de faveur accordés aux placements financiers spéculatifs assez largement remis en question, mais, dans le même temps, la progressivité de l’impôt a été attaquée par les gouvernements de Villepin, Fillon, Ayrault et maintenant Valls, sans faire avancer davantage la justice sociale.
Les statistiques officielles de l’impôt sur le revenu nous rappellent que les contribuables les plus riches de notre pays, dont le revenu annuel dépasse 9 millions d’euros par an, ne supportent qu’un taux de prélèvement de moins de 20 %.
Quant à la réforme fiscale, elle ne peut passer par la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, comme le gouvernement de MM. Chirac, Balladur et Juppé s’y était risqué en 1986, juste le temps que le sort contraire des urnes ramène ses membres à la raison, dès le printemps de 1988. Nous ne croyons pas plus que la solution passe par la hausse de la TVA, même jusqu’au taux normal de 25 % autorisé par les directives européennes, venant se substituer à des baisses de cotisations sociales normalement dues par les entreprises.
Ces recettes ont déjà été essayées et, entre 1986 et aujourd’hui, elles ont conduit notre pays à passer de 2,5 millions à 5,7 millions de personnes privées d’emploi, toutes catégories confondues.
Nous ne croyons pas davantage que la réforme fiscale passe par la mise en œuvre de la retenue à la source. Le texte adopté par l’Assemblée nationale ne règle aucunement les problèmes posés quant à la confidentialité inhérente à la relation entre contribuables et administration des impôts,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai ! Sur ce point, nous sommes d’accord.
Mme Marie-France Beaufils. … et comporte tant d’exceptions dans son application et tant d’approximations dans sa mise en place qu’il est fort probable que sa gestion soit plus contraignante in fine que ne l’est aujourd'hui celle de l’impôt sur le revenu, dont le taux de perception atteint 98 %.
Comment feront les travailleurs précaires qui, alternant périodes d’activité et périodes de chômage, vont se trouver à réclamer régulièrement le remboursement de prélèvements indus ?
De surcroît, la retenue à la source ouvre, selon nous, la voie à la fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée et au démantèlement conjugué de notre administration fiscale et de la sécurité sociale, au profit d’une sorte d’agence de recouvrement, qui n’aura de moderne que le nom !
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-France Beaufils. Je termine, madame la présidente.
Une vraie réforme fiscale pour le progrès social, c’est l’efficacité économique, avec la baisse de la TVA, le renforcement de l’égalité des entreprises face à l’impôt sur les sociétés, le rejet de l’incitation aux placements spéculatifs ; c’est la justice sociale, avec un barème de l’impôt sur le revenu plus progressif ; c’est la recherche du progrès social par le recul de la fiscalité indirecte et la progression de l’impôt direct.
Mettons un terme à toutes ces mesures systématiques d’allégement, de dérogation et de traitement particulier, toujours au détriment des plus modestes de nos concitoyens, qui mettent ainsi en cause le principe d’égalité devant l’impôt !
Nous aurions voté contre ce nouveau budget d’austérité, validé au préalable, sans hésitation, par la Commission de Bruxelles, et nous rejetons catégoriquement la dérive ultralibérale proposée aujourd’hui par la droite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Dallier. Par la droite ultralibérale, bien sûr… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
6
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. Mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de l’Assemblée nationale d’Arménie, conduite par M. Ara Babloyan, président du groupe d’amitié Arménie-France et président de la commission de la santé, de la maternité et de l’enfance. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, se lèvent.)
Au programme de cette délégation, accueillie par notre collègue Philippe Kaltenbach, président du groupe d’amitié France-Arménie, figurent, d’une part, l’administration locale et, d’autre part, le partenariat entre l’Arménie et l’Union européenne.
Durant son séjour, la délégation se rendra à Lyon et Alfortville. Différentes rencontres parlementaires sont également prévues, et la délégation sera reçue tout à l’heure par le président de la commission des affaires européennes, notre collègue Jean Bizet.
Nous leur souhaitons la bienvenue au Sénat français et formons tous le vœu que ces entretiens soient fructueux ! (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État, applaudissent longuement.)
7
Loi de finances pour 2017
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Yvon Collin. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous reprenons aujourd’hui la discussion générale du projet de loi de finances pour 2017.
À titre liminaire, je me joins aux regrets exprimés jeudi dernier par notre excellent collègue Jean-Claude Requier de ne pouvoir cette année examiner en détail le budget. À l’approche des élections du printemps prochain, cruciales pour l’avenir de la France, le Sénat devrait contribuer au débat économique, avec des propositions de réforme à la fois crédibles, innovantes et justes.
Le groupe auquel j’appartiens occupe une place singulière dans cette assemblée, qui lui permet de prendre de la distance par rapport aux oppositions parfois trop caricaturalement partisanes et de tenir souvent un langage plus équilibré, me semble-t-il, sur les grands sujets, particulièrement les sujets économiques.
Monsieur le secrétaire d’État, avec des prévisions de croissance revues légèrement à la baisse par l’INSEE et le FMI – 1,3 % en 2016 et 1,2 % en 2017, au lieu de 1,5 % –, les anticipations du Gouvernement risquent de se révéler à nouveau trop optimistes.
Il est vrai que les incertitudes aux niveaux national et international sont fortes, ce qui rend toute prévision fragile. Cependant, si le scénario le moins favorable se confirme, une croissance plus faible entraînera moins de recettes fiscales que prévu, ce qui risque d’aggraver le déficit public que le Gouvernement a décidé de faire repasser sous la barre des 3 % du PIB l’an prochain.
Le prochain gouvernement, quelle que soit la majorité dont il procède, devra enrayer effectivement la hausse inexorable des dépenses publiques, mais aussi éviter des mesures d’austérité trop brutales, à cause de leur effet récessif sur l’économie.
Au Parlement, nous le savons bien, mes chers collègues, il existe une règle stricte, prévue par l’article 40 de la Constitution, qui empêche de déposer un amendement ayant pour conséquence de réduire les recettes ou de créer une charge nouvelle. Le prochain gouvernement devrait peut-être se soumettre à une règle semblable : ne pas réduire les recettes, sauf à compenser ces réductions par des recettes équivalentes, mais ne pas créer non plus de nouvelles dépenses. Monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à vous tenir à une telle règle !
Réduire les dépenses apparaît plus que jamais souhaitable. Toutefois, en pratique, cette réduction est difficile à mettre en œuvre sans entraîner des effets récessifs dommageables aux finances publiques.
Face à cette aporie budgétaire, le seul véritable levier dont dispose le Gouvernement est le levier réglementaire : réformer, moderniser, simplifier les normes et les codes, afin de réduire les coûts administratifs pour nos concitoyens et les entreprises. Les collectivités locales en bénéficieraient aussi. Un véritable travail de simplification et de rationalisation doit être mené : il est certes discret et ingrat, mais c’est peut-être le seul qui apporterait des résultats tangibles.
Concernant les déficits, une clarification du discours est nécessaire. Il y a un non-dit dans la controverse sur le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG : la gauche radicale reproche au Président de la République de ne pas avoir tenu parole, car il n’a pas renégocié le TSCG. Toutefois, en pratique – soyez sûrs que nos voisins européens nous le reprochent –, la France n’a pas respecté les règles de ce traité, par exemple le déficit structurel inférieur à 0,5 %.
Nous faisons donc face à un dilemme : soit nous conservons nos engagements budgétaires européens et nous faisons en sorte de vraiment les respecter – c’est la ligne orthodoxe –, soit nous décidons que ces règles ne sont pas justifiées et nous les dénonçons.
La dette publique approche peu à peu des 100 % du PIB. C’est moins qu’en Italie ou en Grèce, c’est désormais beaucoup plus qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas. Plus que le taux d’endettement, c’est la nature des créanciers qui indique si cette dette est soutenable ou non.
Il n’existe malheureusement pas d’information publique détaillée sur la composition des détenteurs de notre dette publique, mais nous savons qu’environ les deux tiers de cette dernière sont détenus par des non-résidents, c’est-à-dire des créanciers établis hors de France. Autrement dit, contrairement à un pays comme le Japon, dont la dette est détenue très majoritairement par des banques japonaises, nous n’avons plus de souveraineté sur notre dette publique. Comme la dette italienne, la dette espagnole ou la dette grecque, la dette publique française est une affaire européenne et internationale.
La dette publique est constituée à hauteur de 80 % par la dette de l’État. Cependant, la part de la dette sociale est celle qui a le plus augmenté. Quant à la dette des collectivités territoriales, elle est en réalité la moins importante. Avec la baisse des dotations, les collectivités ont beaucoup contribué ces dernières années au redressement des finances publiques.
Face à ces déséquilibres profonds, une partie de la solution passe peut-être par un retour modéré à l’inflation. En érodant les créances libellées en euros, celle-ci permettrait d’alléger progressivement le poids de la dette et de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour innover et investir.
Mes chers collègues, je voulais dire un mot sur le budget de l’agriculture, que nous aurions souhaité examiner dans le contexte de la crise toujours prégnante de la filière de l’élevage.
À l’occasion du débat sur l’élevage organisé la semaine dernière à la demande du RDSE, mes collègues ont rappelé que la situation du secteur du lait s’améliorait sous l’impulsion des mesures de régulation européennes et de la reprise du marché chinois. En revanche, la filière « viande » demeure fragile. C’est pourquoi le renforcement des politiques publiques d’aide à l’export et au développement du segment de la valorisation par la qualité doit être encouragé.
D’une façon plus générale, le constat d’une diminution de 10 % du nombre d’exploitations depuis 2010 suffit à montrer l’absolue nécessité d’un soutien public fort à l’agriculture. On peut d’ailleurs apprécier la volonté affichée en ce sens par le Gouvernement avec les différents plans de soutien activés depuis 2015, qui ont notamment permis la reconsolidation des exploitations les plus fragiles.
Cet effort se concrétise au sein du projet de loi de finances pour 2017 avec une mission dont les crédits passent de 2,8 milliards d’euros à 3,4 milliards d’euros, ainsi qu’avec des mesures fiscales, dont des allégements de charges à hauteur de 4,8 milliards d’euros, en augmentation par rapport à 2016. C’est bien évidemment une bonne réponse au problème du déficit de compétitivité dont souffre l’agriculture française.
En revanche, je regrette que les crédits concernant la gestion des crises ne soient pas suffisamment abondés, ce qui oblige à redéployer des crédits, alors que l’on sait, hélas, que ces crises sont malheureusement récurrentes.
Au sein de la mission, j’observe avec satisfaction une hausse des crédits consacrés à la sécurité et à la qualité sanitaires, les productions étant régulièrement menacées par ce type d’aléas. Je pense notamment à l’influenza aviaire, dont on a détecté quelques cas ces dernières semaines. Même si celle-ci est cantonnée aux canards sauvages, espérons qu’un nouvel épisode ne remette pas en cause le statut indemne que la France doit recouvrer cette semaine, la filière « gras » ayant été particulièrement affectée.
Mes chers collègues, comme il est très probable que l’occasion ne m’en sera pas donnée plus tard, je souhaiterais également évoquer cet après-midi les crédits de la mission « Aide publique au développement », dont je suis le rapporteur spécial pour la commission des finances.
J’exprimerai tout d’abord un motif de satisfaction sur le plan international, monsieur le secrétaire d’État : le montant total de l’aide publique au développement des pays du comité d’aide au développement de l’OCDE a atteint en 2015 son plus haut niveau historique, soit 131,6 milliards de dollars.
Je soulignerai néanmoins que cette évolution découle d’un effort particulier pour traiter l’afflux des réfugiés, un effort notamment porté par l’Allemagne, Angela Merkel ayant de surcroît souhaité renforcer sa politique d’aide au développement, avec, en arrière-plan, l’idée d’en tirer un bénéfice pour son industrie. Nos voisins d’outre-Rhin ne sont donc pas exempts d’arrière-pensées.
S’agissant de la France, malgré une légère hausse de 2,8 % en 2015 de l’aide publique au développement, l’APD, nous restons éloignés de l’objectif de 0,7 % du revenu national brut. En effet, nous sommes seulement à 0,37 % du RNB, alors que, en 2010, nous étions à 0,5 %. Bien évidemment, je le déplore, mais je tiens à souligner les efforts du Gouvernent pour engager l’APD dans une trajectoire ascendante.
Les crédits sont en croissance pour 2017 : à la hausse initiale de 133 millions d’euros proposée par le Gouvernement, nos collègues députés avaient ajouté 270 millions d’euros, auxquels il a fallu, hélas, retrancher 36 millions d’euros rabotés en seconde délibération, ce que je ne peux que regretter.
L’Assemblée nationale a prélevé cette somme du produit de la taxe sur les transactions financières pour l’affecter à l’Agence française de développement. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, j’espère que ce dernier abondement ne subira pas le même sort que l’année dernière, quand les crédits avaient été in fine fléchés vers le Fonds de solidarité pour le développement.
Mme Fabienne Keller. Absolument !
M. Yvon Collin. Non pas que ce fonds ne retienne pas mon attention, mais je suis particulièrement attaché au développement de l’aide bilatérale, que personnellement je préfère.
Dans ce cadre, les crédits budgétaires de l’Agence française de développement, l’AFD, progressent de 80 millions d’euros pour les prêts et de 30 millions d’euros pour les dons, ce dont je me félicite.
J’approuve également le renforcement des fonds propres de l’Agence, qui sera proposé dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Je constate que les traitements de dettes sont en nette diminution, ce qui correspond à la tendance internationale. Cependant, je souhaite souligner que la situation financière de certains pays, africains notamment, est inquiétante, et le risque de surendettement n’est pas écarté.
Je terminerai sur ces crédits en espérant que le rapprochement entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations, décidé par le Président de la République en 2015 et introduit dans le projet de loi Sapin II sur l’initiative de ma collègue Fabienne Keller et de moi-même, se finalise rapidement. Ce projet, je le rappelle, vise à créer des synergies entre les deux réseaux, pour, d’une part, renforcer les moyens, donc les engagements de l’Agence, et, d’autre part, faire de la CDC l’une des plus importantes institutions financières publiques européennes.
Madame la présidente, je vous remercie de m’avoir fait grâce de 45 secondes pour achever mon intervention. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La grâce ne vaudra pas jusqu’à la fin de la séance… (Sourires.) Les orateurs doivent respecter le temps qui leur est imparti.
La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Michel Canevet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord, au nom du groupe UDI-UC, déplorer l’absence de nos collègues socialistes.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oh, ça va !
M. Michel Canevet. Nous pouvions tout à fait poursuivre aujourd’hui et demain le débat qu’ils appellent de leurs vœux. C’est leur refus du débat à eux que nous devons déplorer, car c’est un mauvais signal envoyé.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Par vous !
M. Michel Canevet. La semaine dernière, nous avons commencé le débat sur ce projet de budget pour 2017. La plupart des orateurs ont estimé que ses recettes étaient surestimées, tout simplement parce que la prévision de croissance du Gouvernement de 1,5 % était trop optimiste. Le budget de cette année était déjà bâti sur cette hypothèse. Or l’acquis est actuellement de 1,1 % : il y a eu une croissance de 0,6 % au premier trimestre et un recul de 0,1 % au deuxième trimestre, ce qui montre que les choses ne vont pas aussi bien que le Gouvernement le prétend.
Tous les économistes sont d’accord pour dire que la prévision pour 2017 est surestimée, le FMI tablant sur 1,25 %, l’OCDE sur 1,3 % et la Commission européenne sur 1,4 %. Très clairement, les perspectives de recettes sont trop optimistes.
Pourtant, nous bénéficions d’un certain nombre de circonstances assez favorables : le prix du pétrole permet d’être plus compétitif, tandis que le niveau actuel des taux intérêt permet, à l’État, de financer la dette à moindre coût, même s’ils remontent très légèrement. Il nous faudra faire très attention dans un avenir proche, car une hausse plus soutenue serait un facteur de déséquilibre extrêmement important pour notre budget.
Parmi les autres éléments qui nous permettent d’apprécier la situation, il y a la balance du commerce extérieur. En l’occurrence, nous connaissons un déficit de 4 à 5 milliards d’euros par mois, et la tendance ne s’est guère améliorée depuis plusieurs années.
Sur le front de l’emploi, entre mai 2012 et octobre 2017, dernier mois où les chiffres sont connus, nous sommes hélas passés de 4,6 millions à 5,76 millions de demandeurs d’emploi. Parmi eux, il faut déplorer la présence de 732 000 demandeurs d’emploi de longue durée.
Malgré les annonces faites par le Gouvernement, aucune amélioration n’a été ressentie en la matière, alors qu’il s’agit d’une question absolument essentielle pour nos déficits. En août dernier, nous avons observé une hausse de 50 000 inscrits ; la diminution a ensuite été de 66 000 en septembre et de 11 000 en octobre dernier. Nous voyons bien qu’il n’y a pas de tendance constante à la baisse, ce qui ne peut que nous inquiéter.
Pour remédier au chômage, le Gouvernement a notamment proposé de développer la formation, en mettant en avant un objectif de 500 000 personnes en formation. Si l’on ne peut que se réjouir que tels programmes soient engagés pour permettre aux personnes en recherche d’emploi de s’adapter aux demandes du marché du travail, force est de constater que cette politique a été engagée beaucoup trop tardivement pour produire des résultats.
Il en est de même de la question de l’alternance, qui, pour nous, élus centristes, est extrêmement importante. Ainsi, nous souhaitons que les formations en alternance puissent être développées. Pourtant, alors que le Président de la République avait affiché un objectif de 500 000 contrats en alternance en 2017, le niveau d’entrée dans le dispositif était de 280 000 en 2015, ce qui montre que nous n’atteindrons pas, et de loin, l’objectif précité.
Monsieur le secrétaire d’État, la politique menée par le Gouvernement tout au long de ce quinquennat a connu bien des errements, ce qui ne nous permet pas d’obtenir les résultats annoncés.
Nous déplorons également la baisse continue des moyens des organismes consulaires, en une période où toutes les forces vives auraient dû être mobilisées pour le développement de l’emploi. Les chambres de commerce, en particulier, subiront encore une diminution de 60 millions d’euros de leurs recettes fiscales en 2017. Toutes ces mesures sont bien évidemment préjudiciables à la mobilisation des acteurs économiques dans la lutte contre le chômage et pour l’emploi dans notre pays.
En particulier, la pression fiscale continue à croître, ce que nous ne pouvons que dénoncer. À lire l’excellent travail de M. le rapporteur général de la commission des finances, on apprend, par exemple, que la charge de l’impôt sur le revenu a beaucoup augmenté, passant en peu de temps de 59 milliards d’euros à 78,3 milliards d’euros en 2017. Très concrètement, cela signifie que l’on va continuer à ponctionner les contribuables, toujours les mêmes, qui auront à supporter les cadeaux fiscaux faits par le Gouvernement au bénéfice de certaines catégories, à hauteur de 1 milliard d’euros l’an prochain.
Pour notre part, nous pensons qu’il faudrait élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu à l’ensemble des contribuables, même pour une part modeste. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Monsieur le secrétaire d’État, la réforme du prélèvement à la source que vous avez proposée permettra peut-être d’y aboutir, mais nous avons de grosses réserves sur ce point. Nous nous demandons notamment pourquoi vous voulez le supprimer pour les élus locaux au moment même où vous voulez l’instituer pour tout le monde…
Cette réforme subira-t-elle le même sort que celle de la dotation globale de fonctionnement, que vous aviez entreprise l’an passé et qui a finalement été abandonnée après que les commissions parlementaires eurent beaucoup travaillé dessus tout au long de l’année ? On peut raisonnablement le penser, car les moyens ne sont pas réunis pour qu’elle soit une réussite, en particulier en ce qui concerne le développement de la déclaration sociale nominative. Par ailleurs, cette réforme ne recueille pas d’adhésion unanime.
Sans doute faudrait-il adopter la solution la plus simple et la plus adaptée aux besoins d’aujourd’hui, à savoir l’imposition contemporaine des revenus, comme l’a proposé M. le rapporteur général de la commission des finances.
Après ce tableau des recettes, que constate-t-on sur les dépenses ?
S’agissant du logement, on relève encore un hiatus. Alors que le Président de la République avait fixé un objectif de 500 000 nouveaux logements par an, nous étions en 2015 à 394 000, malgré des dépenses considérables. On constate notamment une inadaptation des aides au logement.
Nous relevons également une sous-budgétisation de la défense nationale, notamment en ce qui concerne les opérations extérieures, même si un effort important est fait pour cette mission.
Nous avons aussi noté une augmentation des dépenses de l’ordre de 4 % pour la culture, malgré des débudgétisations. Je pense en particulier à la rénovation du Grand Palais, réalisée pour partie sur le programme des investissements d’avenir. Mais quel est le rapport entre les deux ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y en a aucun !
M. Michel Canevet. Franchement, on peut se poser des questions, et, à l’heure où la rigueur doit être de mise, cette augmentation tout à fait significative ne laisse pas d’interroger.
Que dire de l’action de l’éducation nationale, qui, malgré des moyens absolument considérables, place notre pays au vingt-cinquième rang du classement PISA ?
Tout à l’heure, sur une célèbre radio, se tenait un débat lors duquel j'ai appris que les élèves français sont les plus mauvais de l’Union européenne en mathématiques à la sortie du primaire.
Mme Françoise Férat. C’est vrai !
M. Michel Canevet. Ce constat doit nous interpeller sur l’utilisation des moyens attribués.
Ces missions, entre autres, nécessiteraient d’être réexaminées, dans une double perspective de diminution des dépenses et d’efficience de l’action publique.
Aux yeux des membres du groupe UDI-UC, c’est la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui doit être revue, afin qu’elle soit un véritable outil de contrôle parlementaire. En effet, aujourd’hui, elle ne nous permet pas de proposer un budget de substitution. C’est pourquoi nous avons dû nous résoudre à la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, la majorité sénatoriale l’a décidé, le projet de loi de finances sera rejeté sans même avoir été discuté.
Comme l’ensemble du groupe écologiste, je considère cette décision comme tout à fait inacceptable, car elle revient à refuser tout débat politique sur le sujet capital qu’est le budget de notre pays. Il s’agit d’un déni de démocratie ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Néanmoins, nous serons tout de même réunis quelques heures dans cet hémicycle, et je consacrerai pour ma part quelques minutes à vous parler d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur : les crédits consacrés par le projet de loi de finances à l’exercice du droit d’asile dans notre pays.
Après une année pleine d’application de la réforme du droit d’asile issue de la loi du 29 juillet 2015, le PLF pour 2017 s’efforce de réaliser l’objectif de réduction du délai de traitement de la demande d’asile dans un contexte de forte hausse de cette dernière. Il s’inscrit donc dans le prolongement des précédents budgets, avec la poursuite de l’accroissement des moyens effectifs de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.
En 2017, les crédits consacrés à l’exercice du droit d’asile augmenteront ainsi significativement, passant de 597,4 millions d’euros en 2016 à 687,4 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 15 %. Parallèlement, les crédits alloués à la CNDA augmenteront de 9,3 %, passant de 23,72 millions d’euros à 25,92 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Cette année encore, étant donné le contexte de forte contrainte budgétaire, l’effort consenti en faveur de la garantie de l’exercice du droit d’asile mérite donc d’être salué. Comme les années passées, il s’agit avant tout de poursuivre la réduction du délai de traitement de la demande d’asile et à améliorer la prise en charge des demandeurs d’asile.
De cette réduction, il est attendu une diminution mécanique du coût de l’accueil des demandeurs d’asile. Selon un rapport des inspections générales sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile, le coût moyen d’un mois de délai de traitement de la demande est estimé entre 10 et 15 millions d’euros. Il convient toutefois de garder à l’esprit que la réduction des délais de traitement est largement tributaire de l’évolution de la demande d’asile. Je rappelle à cet égard que l’exercice du droit d’asile est garanti par la Constitution, aussi bien que par les engagements internationaux souscrits par la France.
Or, après avoir enregistré une légère baisse de 2,2 % en 2014, l’OFPRA est, depuis 2015, confronté à une hausse importante des demandes enregistrées, leur nombre total s’établissant pour 2015 à 80 075, dont 59 335 premières demandes, soit une hausse de 23,6 % par rapport à 2014.
Cette hausse devrait se confirmer en 2016. Aussi le PLF pour 2017 a-t-il été construit sur une hypothèse de progression spontanée de la demande de 15 % à 20 % entre 2016 et en 2017, soit un nombre total de demandes enregistrées en 2017 compris entre 121 100 et 130 500.
Dans cette perspective, je le répète, les moyens alloués aux différents acteurs sont en augmentation cette année encore. Il ne fait aucun doute que la question des réfugiés sera au cœur de la campagne électorale qui s’annonce. Il ne fait non plus aucun doute que la situation en Syrie, en Irak ou en Érythrée ne sera pas réglée d’ici au mois de mai prochain.
Malheureusement, la majorité sénatoriale a préféré ne pas débattre de ce budget, prouvant ainsi qu’elle préfère adopter des postures purement électoralistes,…
M. Philippe Dallier. Comme ce projet de budget !
Mme Esther Benbassa. … ce que nous déplorons.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, au nom du groupe Les Républicains, je voudrais tout d’abord dire que j’ai trouvé particulièrement déplacés les propos du président du groupe socialiste et républicain, qui s’en est pris au président du Sénat.
Le recours aux motions de procédure est un droit, pour la majorité comme pour l’opposition. Chacun des groupes de cette assemblée s’en est servi, parfois même contre des lois de finances. Ce fut le cas naguère du groupe socialiste, lorsque la gauche était majoritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’était sur un projet de loi de finances rectificative !
M. Philippe Dallier. Le groupe Les Républicains et le groupe UDI-UC ont de bonnes raisons d’avoir choisi la question préalable, que nous débattrons demain. Nous l’avons déjà dit et nous allons le redire aujourd’hui.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je regrette que M. Didier Guillaume ait cru bon de s’en prendre au président du Sénat.
Le projet de loi de finances qui nous est soumis est le dernier de ce quinquennat. L’heure du bilan a donc sonné. Pour établir celui-ci, quoi de plus normal que de comparer les résultats obtenus aux objectifs initiaux que le Gouvernement s’était lui-même assignés en 2012 ?
J’ai donc consulté les comptes rendus des séances de l’automne 2012, relatifs à la discussion du PLF pour 2013. Voici ce que déclarait Pierre Moscovici, alors ministre de l’économie et des finances : « Nous avons choisi de faire porter l’essentiel de l’effort sur l’année 2013, qui sera une année clé, compliquée, mais décisive, afin d’inverser dès 2014 la courbe de la dette. […] Le projet de loi de finances pour 2013 est placé sous le même signe du redressement. » Il ajoutait : « La seconde étape sera celle du retour à l’équilibre structurel des comptes publics. Notre déficit public sera ramené sous la barre de 0,5 % du PIB dès 2015, puis à l’équilibre structurel en 2016 et en 2017. »
Mes chers collègues, je pourrais m’arrêter là pour ce bilan, tant l’échec est patent. La dette publique aurait dû décroître : elle a progressé de 500 milliards d’euros. L’équilibre budgétaire aurait dû être atteint en 2016 : nous sommes toujours au-dessus des 3 %.
Quant au chômage, il faut rappeler l’engagement du Président de la République, pris le 9 septembre 2012, au journal de 20 heures : « J’inverserai la courbe du chômage d’ici à un an ».
M. Ladislas Poniatowski. Il a dit cela ?… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Chacun connaît la suite. À la fin de 2013, devant la dégradation de la situation économique et budgétaire, le Président de la République annonçait le prétendu tournant social libéral du Gouvernement.
Pourquoi en êtes-vous arrivé là ? Je m’adresse à vous, monsieur le secrétaire d’État, puisque je n’ai plus de collègues socialistes à portée de voix.
Avions-nous connu une nouvelle crise financière majeure ? (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Le cours de l’euro avait-il flambé face au dollar, pénalisant ainsi nos exportations ? (Non ! sur les mêmes travées.) Les taux d’intérêt s’étaient-ils envolés ? (Non ! sur les mêmes travées.)
Non, rien de tout cela. C’est donc bien votre politique et elle seule, celle de l’assommoir fiscal pour réduire le déficit, qui a provoqué le trou d’air de croissance dont nous ne sommes toujours pas sortis. (C’est vrai ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
En 2012, vous avez bel et bien écrasé d’impôts les entreprises et les particuliers et vous vous étonnez encore que la croissance ne soit pas revenue. Dans un premier temps, vous avez même été jusqu’à nier l’évidence. Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, déclarait, le 27 septembre 2012, que neuf Français sur dix ne seraient pas concernés par les hausses d’impôt !
Or vous aviez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires, qui concernait un million et demi de Français, parmi les plus modestes. Il faut y ajouter la hausse du forfait social, la baisse du plafond du quotient familial, la hausse des prélèvements sociaux, le gel du barème de l’impôt sur le revenu, pour ne citer que quelques exemples. Vous avez donc commencé par un choc de 16 milliards d’euros, auquel s’est ajoutée par la suite la hausse de la fiscalité locale, conséquence de la baisse des dotations de l’État, qui étrangle nos collectivités locales.
Surtout, vous avez encore concentré l’impôt sur le revenu, faisant peser l’essentiel du fardeau sur les classes moyennes et les familles. Aujourd’hui, il n’y a plus que 44 % des Français qui paient cet impôt. C’est votre choix, un choix politique aux lourdes conséquences, qui fait dire au géographe Christophe Guilluy, dans son dernier ouvrage, que la classe moyenne est en train de disparaître en France.
Quid de nos entreprises ? Alors que nous avions voté, certes tardivement, en janvier 2012, la TVA compétitivité, qui aurait permis d’abaisser leurs charges de 13,5 milliards d’euros, vous leur avez au contraire imposé une hausse de 12,5 milliards d’euros.
Voilà ce qu’a été votre politique. Le 20 août 2013, Pierre Moscovici, toujours lui, se disait « très sensible au “ras-le-bol fiscal” ressenti par les citoyens, qu’ils soient des ménages, des consommateurs ou des entreprises ». En fait, vous avez mis dix-huit mois pour comprendre que les Français n’en pouvaient plus, et près d’un an de plus encore pour inverser timidement la tendance, si tant est qu’elle ait réellement été inversée.
Ce choc fiscal a été fortement récessif. Selon l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, la politique budgétaire du quinquennat a ainsi amputé la croissance de 0,8 point par an en moyenne entre 2012 et 2017. Voilà votre bilan !
À la fin de 2013, l’heure des comptes avait sonné. Le Président de la République, dans ses vœux aux Français, chacun s’en souvient, annonçait le virage sur l’aile droite du Gouvernement. Le CICE devait redonner de l’air à nos entreprises, et un plan d’économies de 50 milliards d’euros devait permettre de réduire le déficit budgétaire. Quant au code du travail, il n’était pas encore question d’y toucher. Pour vous, cela n’était pas un sujet.
Mais voilà, le CICE était mal ciblé, compliqué – un rapport sénatorial l’avait démontré – et, surtout, il ne compensait pas les hausses d’impôts et de charges de 2012. Il ne produira donc que peu d’effets.
En 2014 et 2015, la croissance n’était toujours pas de retour en France, alors que nos partenaires faisaient bien mieux. C’est bien là le plus grave !
Au printemps de 2016, vous avez enfin pris conscience qu’il faudrait également assouplir les règles du code du travail, mais la loi El Khomri fut malheureusement vidée de sa substance par votre majorité à l’Assemblée nationale.
Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, vous aurez connu cinq années de tranquillité, en comparaison de la tempête qui a soufflé entre 2008 et 2011. Le retour de la croissance, vous nous l’annoncez depuis cinq ans, et, depuis cinq ans, nous ne voyons rien venir, ou si peu …
Aussi, le Président de la République a trouvé une formule : « Pas de bol ! ».
« Pas de bol », comme si la croissance devait revenir toute seule, indépendamment des décisions que nous prenons, parce que la conjoncture serait meilleure ailleurs en Europe et dans le monde. Voilà bien le péché originel de 2012, dont la France ne s’est pas encore remise.
Ce dernier budget du quinquennat aurait dû, eu égard à la situation du pays, respecter deux principes et se fixer deux objectifs prioritaires. Le premier principe, qui figure d’ailleurs dans la loi, c’est celui de sincérité budgétaire, qui ne saurait être détaché du second principe, celui de prudence.
Avec la sincérité, on pense bien sûr aux dépenses. Or beaucoup sont sous-estimées, comme notre rapporteur général de la commission des finances en a fait la démonstration.
Avec la prudence, on pense surtout aux recettes, qui ne devraient jamais être surestimées. Or, malheureusement, tel est bien le cas.
Quant aux deux objectifs prioritaires, qui répondent aux deux défis majeurs auxquels notre pays devrait résolument faire face, il s’agit du retour de la croissance et de la réduction du déficit budgétaire. Vous les affichez, certes, mais sans vous donner véritablement les moyens de les atteindre.
Pourtant, sans croissance, nous n’avons aucune chance de faire reculer durablement le chômage, ou alors à coup d’emplois publics, de contrats aidés ou de formations parfois peu qualifiantes, qui ne font que ruiner un peu plus les finances de l’État.
Sans croissance, nous ne pouvons financer et préserver notre modèle social et nos services publics autrement qu’en en reportant la charge sur les générations futures, ce que nous n’avons pas le courage d’assumer.
Toutefois, la croissance ne se décrète pas ; elle ne peut résulter que d’un environnement économique favorable et de la compétitivité de nos entreprises. Nous avons le premier, personne ne peut le nier. Alors, qu’attendez-vous, monsieur le secrétaire d'État, pour libérer véritablement nos entreprises et leur redonner plus de compétitivité et plus de flexibilité ?
La France fait toujours moins bien que ses principaux partenaires européens. Nous sommes à la traîne et bientôt, si rien ne change, nous finirons à la remorque d’une Allemagne qui a su, sous un gouvernement social-démocrate et dès le milieu des années 2000, prendre ses responsabilités. Souvent critiquées de ce côté-ci du Rhin, les lois Hartz ont été, je le rappelle, adoptées par un gouvernement social-démocrate. Et ce que l’Allemagne a fait dans les années 2000, avant la crise, elle en a tiré les bénéfices à la sortie de la crise, laquelle s’est produite, pour elle, en 2010-2011, alors que nous sommes toujours dans une situation extrêmement difficile.
En 2016, nous n’atteindrons toujours pas les 1,5 % de croissance sur lesquels vous comptiez. Et pour 2017, personne – pas même vous, monsieur le secrétaire d'État, j’en suis certain ! – ne croit que nous pourrons atteindre les objectifs que vous affichez.
Toutefois, l’optimisme que vous affichez vous permet – c’est certainement le but – d’inscrire en recettes de ce projet de loi de finances des sommes qui ne seront pas au rendez-vous en matière d’impôts économiques, pas plus qu’en matière de TVA sur laquelle vous espérez cinq milliards d’euros de plus qu’en 2016. Cinq milliards d’euros, rien que cela !
Par ailleurs – autre stratagème –, vous allez augmenter les acomptes de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, dus par les entreprises, afin de gonfler artificiellement les recettes de 2017 au détriment de celles de 2018. Tout cela vous permet d’afficher un déficit moins important que ce qu’il sera en réalité. Ce n’est vraiment pas sérieux !
Côté dépenses, le tableau est tout aussi inquiétant. Ce budget est un budget électoral, visant à amadouer différentes catégories de Français.
Les fonctionnaires, tout d’abord, avec la hausse du point d’indice de la fonction publique et la nouvelle réforme des carrières. Ainsi, l’année prochaine, la masse salariale de l’État progressera au total de 4 %.
Je le rappelle, le discours du Gouvernement à l’intention des fonctionnaires consiste à prétendre que leur pouvoir d’achat a été rogné par l’inflation, ce qu’infirment les études réalisées à ce sujet, notamment en raison du glissement vieillesse-technicité, le GVT.
Cela n’empêche pas le même Gouvernement d’invoquer auprès des retraités la quasi-nullité de l’inflation pour leur refuser toute revalorisation ! Il y a tout de même là une drôle de manière de traiter les Français, mais c’est ainsi : les fonctionnaires sont censés voter majoritairement à gauche, les retraités sont censés voter majoritairement à droite. On soigne ses électeurs comme on peut !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Faites attention, monsieur le sénateur, vos propos sont conservés ! Nous les ressortirons !
M. Philippe Dallier. Il y en a aussi, monsieur le secrétaire d'État, pour les jeunes, pour les associations et pour un certain nombre d’autres.
Pour masquer l’impact de ces nouvelles dépenses, vous utilisez tous les artifices : par exemple, la débudgétisation, grâce au programme d’investissements d’avenir, le PIA, pour financer des dépenses qui devraient relever du budget général de l’État.
Vous faites également – c’est tout de même assez symptomatique ! – tous les fonds de tiroirs, revenant encore une fois sur la parole de l’État, vis-à-vis d’Action logement, auquel on a retiré à peu près 130 millions d'euros pour aller financer autre chose. Monsieur le secrétaire d'État, la parole de l’État doit être respectée, sinon il n’y a plus de confiance possible entre partenaires.
M. Philippe Dallier. Oublié aussi le plan d’économies de 50 milliards d’euros, dont plus personne ne parle ! La réduction du déficit et de la dette publique attendra. Vos successeurs paieront la note de tous ces cadeaux électoraux. Elle se chiffre à 12 milliards d’euros en dépenses et à 5,5 milliards d’euros en baisses de recettes.
M. Philippe Dallier. À l’évidence, le déficit public, monsieur le secrétaire d'État, ne repassera pas sous les 3 % et la dette publique continuera de progresser, pour atteindre 2 200 milliards d’euros.
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d'État, en matière de prévision, je me souviens des affirmations martelées en 2012, sinon par vous, en tout cas par vos prédécesseurs, sur ce qui devait se passer en 2013, de sorte que je doute beaucoup de ce que vous avancez aujourd'hui. Et je ne suis pas le seul à ne pas être d’accord avec vos prévisions : le Haut Conseil des finances publiques et les prévisionnistes ne le sont pas davantage. C’est ainsi, monsieur le secrétaire d'État : nous ne sommes pas d’accord.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Elle a dit que nous serions à moins de 3 % !
M. Philippe Dallier. Une dette de 2 200 milliards d'euros ! Le chiffre est tellement énorme qu’il ne signifie rien pour beaucoup de nos concitoyens.
M. Éric Doligé. Nous ne sommes pas à l’Assemblée nationale ! Un peu de retenue, monsieur le secrétaire d'État !
M. Philippe Dallier. Pourtant, nous avons là une véritable bombe à retardement, qui peut, d’un jour à l’autre, et je crains que ce jour ne se rapproche, nous entraîner vers l’abîme en cas de nouvelles tensions sur les marchés financiers.
Pour boucler la boucle de votre quinquennat sur ce point, j’ai retrouvé une citation de Jérôme Cahuzac, ici même au Sénat, en septembre 2012. (Exclamations.)
M. Alain Bertrand. Qui est-ce ? Un poète ? Un peintre ? (Sourires sur les travées du RDSE.)
M. Philippe Dallier. Écoutez ce qu’il disait : « Nous endetter à ce point, dépendre autant des marchés et, le cas échéant, des agences de notation, c’est, que l’on le veuille ou non, abandonner une part de notre souveraineté nationale à des institutions ou à des individus qui, elles et eux, n’ont aucun compte à rendre au peuple, alors que vous-mêmes – il s’adressait aux sénatrices et aux sénateurs –, le Gouvernement et l’ensemble des élus ont d’abord le devoir de rendre des comptes à ceux qui nous donnent mandat de diriger ce pays.
« C’est aussi dangereux à l’égard des générations futures, puisque, moralement, il ne me semble pas que nous avons réellement le droit de leur faire supporter le remboursement d’une dette correspondant à des dépenses qui, en vérité, ne leur profitent nullement, dans la mesure où il s’agit, pour beaucoup, de dépenses de fonctionnement. » Qui pourrait affirmer ici ne pas partager cet avis ?
Mes chers collègues, ce quinquennat a commencé par une monumentale erreur d’appréciation de la situation économique et de la compétitivité de nos entreprises. Il s’est poursuivi par une inflexion sociale libérale et un semblant de rigueur budgétaire. Il se termine en roue libre, rouvrant les vannes de la dépense publique et reportant sur les budgets à venir près de 20 milliards d’euros.
Comment pourrions-nous accepter de voter ce budget et même de le discuter ? Nous ne le ferons donc pas, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Vincent Capo-Canellas et Jean-Marie Bockel applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, M. le ministre de l’aménagement des territoires, de la ruralité et des collectivités territoriales soulignait dernièrement avec beaucoup d’insistance « l’importance de l’effort des collectivités qui ont contribué significativement au redressement des comptes publics ».
Au regard de la baisse continue de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et des annonces concernant les compensations d’exonérations d’impôt, tout semble indiquer que l’effort drastique demandé aux collectivités territoriales sera, en effet, prolongé cette année.
Certes, on nous vante une diminution de la baisse de la dotation globale de fonctionnement pour ce qui concerne le bloc communal, mais toujours est-il que la baisse de la DGF représente un manque à gagner de 10 milliards d’euros sur trois ans. Ce dernier budget de la législature entre donc dans la lignée de cinq années de réduction continue des moyens des collectivités territoriales et de leur capacité à répondre aux besoins des citoyens sur les territoires.
On le sait, cette cure d’austérité, totalement contre-productive, pénalise tout particulièrement les départements. Avec 1,1 milliard d’euros en moins, ceux-ci doivent se préparer à une nouvelle diminution de 11 % de la DGF.
À nos yeux, ce coup de massue supplémentaire, au moment où la précarité explose, est injustifiable. Le Gouvernement ne peut ignorer la quasi-impossibilité pour quarante départements de financer, par exemple, le RSA. Comme si le cri d’alarme lancé par l’Association des départements de France en septembre dernier n’avait pas été entendu !
Il est d’autant plus incompréhensible d’affaiblir la collectivité en charge des politiques sociales que le dernier rapport du Secours catholique sur la pauvreté en France rappelle qu’il est plus que jamais nécessaire de renforcer les solidarités.
Alors même que le législateur a confirmé, au travers de différentes lois, la nécessité de maintenir et de conforter l’échelon départemental, on tue à petit feu, par l’étranglement financier, un maillon indispensable de la République et de sa cohésion sociale.
En ce qui concerne le bloc communal, si la baisse de la dotation diminue effectivement de 1 milliard d’euros par rapport à l’année dernière, le fait le plus marquant est le développement des différents dispositifs de péréquation horizontale. Au premier regard, et face à l’urgence, on ne peut que saluer l’augmentation de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, de la dotation de solidarité rurale, la DSR, ou de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.
Toutefois, si l’ensemble de ces dispositifs constitue une véritable usine à gaz, un fatras de mesures technocratiques de moins en moins lisibles pour les élus locaux comme pour nos concitoyens, une tendance de long terme ressort très clairement : l’État tente aujourd’hui de modifier les règles de la péréquation, pour se défausser de ses responsabilités.
La péréquation verticale, fondement du fonctionnement républicain indispensable à l’égalité des territoires, est chaque année affaiblie. On amplifie la péréquation horizontale pour, si je puis dire, prendre aux uns et donner aux autres, au lieu de tirer l’ensemble des collectivités vers le haut.
Au-delà, je souhaite m’attarder sur la décision de l’État de transférer aux collectivités locales la totalité de la prise en charge des allégements fiscaux qu’il a pourtant lui-même mis en place. Cette nouvelle ponction va peser près de 500 millions d’euros.
Je rappelle que les associations nationales d’élus locaux s’opposent de manière unanime à cette mesure. Celle-ci pénalisera tout d’abord les communes les plus volontaires dans la construction de logements sociaux, celles dont les habitants ont les revenus les plus modestes et bénéficient donc de ces exonérations. Une nouvelle fois, les maires hors-la-loi, ceux qui ne font aucun effort, seront favorisés au détriment des maires bâtisseurs !
Toutefois, à quel prix tous ces efforts ? Au prix d’une baisse de l’investissement public local, qui a encore chuté de 10 % cette année, selon le dernier rapport de la Cour des comptes. Mesurez-vous bien les conséquences pour l’emploi local, pour un secteur comme le bâtiment et les travaux publics, le BTP ? Comment s’étonner de l’explosion du coût du revenu de solidarité active, ou RSA, quand les gens n’ont plus d’emploi ?
L’éternel argument gouvernemental de réduction des déficits publics n’est pourtant pas très crédible, quand, on le sait, l’endettement des collectivités ne représente toujours que 10 % de la dette publique.
Quel gâchis, quand on sait que le coût du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, s’élèvera à 1 % du PIB d’ici à 2020 – il va peser, en 2017, près de 20 milliards d'euros –, sans aucune création d’emploi ! Quel gâchis quand on sait que ces milliards d’euros pourraient justement être alloués à l’investissement public, qui, selon une dernière étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, pourrait constituer la clef de la reprise économique et des créations d’emplois en France.
Je voudrais, enfin, évoquer la fiscalité locale.
Nous nous trouvons face à un projet de loi de finances pour 2017 qui est, aujourd’hui, dominé par les impôts payés par les ménages, avec plus de 30 milliards d’euros de taxes foncières et plus de 20 milliards d’euros de taxe d’habitation. Et le produit des taxes sur les consommations énergétiques qui est dévolu aux collectivités représente aujourd'hui le double de la contribution foncière des entreprises, elle-même quasiment rattrapée par l’augmentation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères !
Enfin, mes chers collègues, s’agissant du financement des nouvelles compétences régionales en matière économique par une fraction de la TVA, visant, à terme, une suppression totale de la DGF des régions, permettez-moi de rappeler à quel point cet impôt est injuste. Quand les ménages dont les revenus sont inférieurs à 20 000 euros par an consacrent 10 % de leur budget à la TVA, ce taux descend à 6 % pour les ménages les plus riches.
M. Christian Favier. On demande donc aux personnes les plus modestes, à celles et ceux qui ont du mal à terminer les fins de mois, de payer les renoncements de l’État à une véritable réforme de la fiscalité locale.
Nous ne pouvons donc que regretter cinq ans de renoncements, cinq ans d’affaiblissement des collectivités et du pouvoir des élus locaux. Cinq ans d’une République qui ne répond que de moins en moins aux besoins quotidiens des Français. Comme ils l’avaient exprimé ici au Sénat en 2012, lors des États généraux de la démocratie locale, c’est une tout autre politique que les élus locaux revendiquent pour la mandature à venir.
Loin de la destruction programmée de la fonction publique soutenue par M. Fillon et de la dérive libérale du Gouvernement actuel, il est temps de construire une majorité alternative, qui redonne du sens à l’action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, comme ce débat est bizarre ! J’ai entendu dire que les socialistes n’étaient pas présents. C’est pourtant le cas, car, si je suis membre du groupe du RDSE, je suis plus que socialiste, puisque je suis frêchiste ! (Exclamations amusées.)
M. François Bonhomme. Cela existe encore ?
M. Alain Bertrand. Oui, il en reste. En tout cas, j’en suis toujours !
M. Joël Labbé. S’il n’en reste qu’un… (Sourires.)
M. Alain Bertrand. Je paie mes cotisations au parti socialiste. Et j’en ai vu d’autres !
La campagne électorale nous prive de débat. Soit ! Il est vrai que, pour certains candidats, le vent souffle dans le bon sens. François Fillon sera certainement candidat à l’élection présidentielle. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique de Legge. Bravo !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On confirme !
M. Éric Doligé. De même que Mme Pinel !
M. Alain Bertrand. D’autres encore seront candidats, en effet. Nous verrons ce qui se passera. Rien n’est joué !
J’ai bien écouté l’excellent président Larcher. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est un rural, un rond. Comment pourrait-il donc ne pas m’être agréable ? (Sourires.)
Il a bien dit, lors de son investiture, qu’il était attaché au rôle du Sénat dans la République et qu’il voulait porter la voix du Sénat dans les territoires. Il a raison. Quand le Sénat est dans l’opposition, ce qui est actuellement le cas, il souhaite que cette opposition soit constructive, qu’elle soit une boussole qui indique l’intérêt du pays. Il a souligné l’utilité du bicamérisme et de l’autonomie du Sénat. Autant de souhaits que je partage à 100 % !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Ah oui !
M. Alain Bertrand. Si, aujourd'hui, le Sénat n’examine pas le budget de l’État, c’est en raison de la primaire de la droite.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Elle a bien eu lieu !
M. Alain Bertrand. Chacun savait que, au lendemain de la primaire, il apparaîtrait des divergences entre les politiques que la droite républicaine doit défendre. Vous saviez aussi, chers collègues, qu’interviendrait la gauche, dont une partie est absente aujourd’hui.
M. Éric Doligé. Une petite partie ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. Une toute petite partie !
M. Alain Bertrand. Vous saviez donc que la gauche pourrait, à cette occasion, rappeler ce que ce gouvernement a fait de bien. Car il se trouve que ce gouvernement a fait beaucoup de bonnes choses ! (Exclamations.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Tout à fait !
M. Jean-François Husson. Lesquelles ?
M. Michel Canevet. Allez-y ! On vous écoute !
M. Alain Bertrand. Je citerai très rapidement la réplique aux attentats, les opérations extérieures, les opérations contre Daesh, la sécurité, l’éducation, avec la création de 60 000 postes. Je mentionnerai aussi l’emploi (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui, tout de même, redémarre, le rétablissement des comptes, avec un déficit inférieur à 3 % du budget, alors que, je vous le rappelle, chers collègues, sous votre majorité, il était monté jusqu’à 6 % ou 7 % ! (Mêmes mouvements, sur les mêmes travées.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Voilà !
M. Alain Bertrand. Le budget de la santé est aujourd'hui en équilibre, les entreprises redémarrent, le modèle social est maintenu, nous avons créé 9 000 postes de policiers.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Bref, les Français sont ravis !
M. Alain Bertrand. Sans oublier les contrats de ruralité, la parité dans les élections départementales, le mariage pour tous, le plan Prisons de Manuel Valls,…
M. Éric Doligé. Les cars Macron ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Bertrand. … le regroupement et la rationalisation des intercommunalités ou la baisse de la dette.
M. Michel Bouvard. La dette ne baisse pas !
M. Alain Bertrand. Je constate donc, en tant que socialiste, membre du groupe RDSE et frêchiste,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Que les choses vont mieux !
M. Alain Bertrand. … que vous n’avez pas voulu vous livrer à cet exercice de démocratie aux yeux du peuple. Car si vous avez des forces, vous avez aussi des faiblesses. Quant à nous, si nous avons des faiblesses, nous avons aussi des forces.
J’ajouterai un mot sur ce qui m’intéresse, à savoir la ruralité. La politique, je la laisse à de grands savants comme vous. Moi, je ne m’y hasarde pas !
M. Michel Bouvard. Quelle modestie !
M. Alain Bertrand. J’aurais voulu, à l’occasion de l’examen de ce budget, que l’on reparle des zones de revitalisation rurale, qui sont beaucoup trop étendues.
M. Jean-François Husson. Elles sont abandonnées !
M. Alain Bertrand. Il faudrait cibler celles qui doivent devenir des zones de revitalisation rurale prioritaires et ne concerneraient que treize ou quatorze départements. Il y aurait à la clef une réduction d’impôt sur les bénéfices pour les entreprises, qui serait de 50 %, par exemple. En fixant le plafond de densité de population à 35 habitants au kilomètre carré, cette mesure aurait concerné quatorze départements. Au lieu de cela, elle est complètement diluée.
Je m’adresse à vous, monsieur le secrétaire d'État, qui êtes un fin gestionnaire (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), pour vous dire que j’aurais souhaité augmenter la dotation de solidarité rurale. Je suis l’ami des urbains, bien sûr ! Je constate néanmoins que, aujourd’hui, le montant moyen par habitant de la dotation de solidarité urbaine est de 57 euros, alors que celui de la dotation de solidarité rurale par habitant est de 27 euros. C’est inacceptable, monsieur le secrétaire d'État !
En 2016, vous avez augmenté la dotation de solidarité urbaine de 180 millions d’euros et la dotation de solidarité rurale de 117 millions d’euros. Cette année, je vous demande de reconduire ces hausses au même niveau, c’est-à-dire 180 millions d’euros pour chacune, afin de rattraper le retard pris par la ruralité, dans laquelle se trouve une part importante des clefs et des solutions du pays.
Je voulais aussi présenter des amendements visant à revenir sur la définition, issue de la loi de 2004, des fameuses zones blanches en couverture mobile, qui ne sont pas représentatives de la réalité. En effet, selon cette définition, nombre de communes sont considérées comme couvertes alors qu’il faut monter sur le toit de l’église avec quatre portables à la main pour voir un point ou une barre s’afficher sur son écran ! Je propose qu’une zone soit considérée comme « grise » si 90 % du territoire de la commune ne sont pas couverts. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Enfin, je regrette, monsieur le secrétaire d'État, que vous ne teniez que très peu compte du rapport que j’ai signé sur l’hyper-ruralité,…
M. Éric Doligé. Excellent rapport !
M. Alain Bertrand. … qui permettrait de placer les ruralités en position de rebond.
Tout cela, je tenais à le dire ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances est toujours un moment important pour nos forces armées, bien que le financement de notre défense soit de plus en plus engagé dans le cadre pluriannuel des lois de programmation militaire.
Avant toute chose, en dépit du format de nos débats de cette année, je souhaiterais, avec une certaine mesure, rappeler que le Sénat avait rejeté, il y a deux ans, le budget de la mission « Défense », au motif de l’insincérité de sa présentation. Il y manquait, en effet, près de 10 % de ses crédits. Nous nous souvenons notamment du débat sur les sociétés de projet, qui s’était prolongé lors de l’examen de la loi Macron.
Je ne puis que noter les efforts du ministre de la défense pour améliorer l’existant et faire en sorte que « l’intendance suive », selon l’expression consacrée.
À première vue, les crédits de la défense connaissent une progression significative. La Nation consent un effort supplémentaire de 600 millions d’euros pour sa défense, ce qui se traduit par une hausse du plafond d’emplois d’un peu plus de 1 780 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, dont 464 créations de postes.
En dépit de ces indicateurs encourageants, les mêmes maux persistent invariablement et conduisent aux mêmes effets. Les opérations de sécurité extérieure, les OPEX, demeurent sous-évaluées ; pourtant, il n’y en a jamais eu autant, et elles sont au cœur de la mission « Défense ».
Cette sous-évaluation chronique est presque critique à l’heure où nous parlons de continuité entre les OPEX et les OPINT, ces dernières étant les opérations de sécurité intérieure, et où nos forces sont maintenant fortement sollicitées pour assurer notre sécurité intérieure, tandis que les OPEX se poursuivent. Cela pose clairement une question de lisibilité de notre budget au regard de celui qui est, par exemple, dévolu au ministère de l’intérieur.
Le financement de notre défense est arrivé à un tel point de tension que le moindre choc exogène conduit à une révision en profondeur de la trajectoire budgétaire de l’ensemble. Il a fallu un conseil de défense, puis une actualisation de la loi de programmation militaire, la LPM, de 2013 pour sortir de l’ornière du budget 2014.
Au passage, je peux d'ailleurs témoigner qu’à plusieurs reprises, ici au Sénat, nombre de nos collègues des différentes commissions, notamment celle des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, se sont à plusieurs reprises fortement mobilisés pour faire en sorte que les besoins de nos armées soient satisfaits. Ils sont même allés parfois jusqu’à soutenir le ministre dans le cadre d’arbitrages extrêmement difficiles, relevant du plus haut niveau. Tout cela créait un climat d’insécurité et de stress, y compris chez des responsables militaires au demeurant très engagés et très loyaux. Nous n’avons pas besoin de cela dans le contexte actuel.
Aujourd’hui, les décisions, bienvenues, prises à la suite des attentats de novembre 2015, rendent le schéma de la LPM obsolète. Nous avons pu le constater au sein de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lorsque notre collègue Yves Pozzo Di Borgo, rapporteur pour avis, n’a pas souhaité adopter les crédits dédiés aux capacités opérationnelles, allant ainsi à l’encontre de notre attitude traditionnelle de soutien au ministre. Il a voulu ainsi marquer le coup et, soit dit entre nous, il a eu raison de le faire.
Deux points méritent enfin une attention spécifique.
Le projet de loi de finances pose les jalons de la montée en puissance de notre réserve, dans un format dit « garde nationale ». Ce travail important, que nous avons esquissé au sein de cette commission avec notre collègue Gisèle Jourda, aurait pu gagner en clarté opérationnelle. Nous en sommes restés au label « garde nationale ». Franchement, aujourd'hui, alors que le soufflet est un peu retombé, il ne reste qu’une montée en puissance de la réserve militaire. Et comme celle-ci est confondue avec d’autres réserves, cela provoque des difficultés de lisibilité opérationnelle. Le sujet reste donc pendant.
On ne peut qu’être satisfait de constater que le décret du 13 octobre dernier vise une cible supérieure à 40 000 réservistes pour 2019, permettant ainsi de déployer au moins 4 000 engagés par jour. L’objectif est ambitieux, mais cette ambition est une exigence pour l’avenir et pour l’exécution de ce projet. Le prochain gouvernement devra donc prendre toute sa part dans la mise en œuvre de cette proposition bienvenue pour soulager nos forces d’actives dans le cadre de la continuité OPEX-OPINT. Pour dire les choses simplement, l’essentiel est encore devant nous, en vue de réussir cette montée en puissance de la réserve, même si le mouvement a été enclenché, je le reconnais.
Dans un autre registre, je salue évidemment la montée en puissance de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, au titre de notre travail sur la mission « Coordination du travail gouvernemental ».
La cybersécurité est devenue, il est vrai, un enjeu incontournable pour les pays européens et pour la France. Je salue, au fil des années, la montée en puissance des budgets de l’Agence. Elle était nécessaire pour rattraper le retard accumulé.
En revanche, je veux tirer un signal d’alarme concernant les impératifs de recrutement. Comme nous l’avons déjà souligné il y a quelques années dans notre rapport sur la cyberdéfense, nous manquons de formations adéquates, afin de satisfaire l’urgence de personnels utiles à assurer notre sécurité cybernétique, que ce soit au niveau militaire ou civil, au sein de ANSSI et même dans les entreprises qui s’organisent de plus en plus à cet effet.
Nous avons donc besoin de renforcer nos relations avec l’université et les écoles d’ingénieurs, dans un cadre interministériel qui dépasse, bien sûr, le format de ce seul projet de loi de finances.
En conclusion, il apparaît que, en dépit de réels efforts, trop d’incertitudes demeurent, y compris dans le domaine spécifique de la défense que j’évoquais. Le cadre général de ce projet de loi de finances est trop fragile pour assurer le Sénat et nos concitoyens que les présentes lignes budgétaires ne sont pas, sinon vides de sens, du moins décalées par rapport à la réalité. Je viens d’en apporter quelques exemples.
Avec les autres membres du groupe UDI-UC, je m’associerai donc à l’adoption de la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si les écologistes sont encore présents dans l’hémicycle aujourd'hui, ils regrettent, eux aussi, d’être privés des débats qui auraient permis d’enrichir le projet de loi de finances.
Pour ma part, je veux parler du volet agricole de ce texte, qui est en nette augmentation – de 15 % par rapport à 2016 – et qui s’établit aujourd'hui à 5,12 milliards d’euros. Cette hausse est due en grande partie au financement de la baisse de 7 points des cotisations, pour un montant de 480 millions d’euros, sur les 700 millions d’euros d’augmentation.
Selon la mutualité sociale agricole, la MSA, plus de 30 % des exploitants ont déclaré des revenus inférieurs à 350 euros par mois en 2015. Le ministère de l’agriculture a signé, le 18 novembre dernier, un accord-cadre entre le ministère, le fonds d’assurance formation Vivea et Pôle emploi, afin d’aider les agriculteurs à se reconvertir.
En soi, ce plan est bien entendu nécessaire, au vu de la détresse de nombreux exploitants, qui ne voient pas le bout du tunnel et pour qui la reconversion semble la seule solution. Néanmoins, il ne faut pas oublier comment nous en sommes arrivés à une telle situation. Il s’agit, aujourd'hui, de faire un plan social silencieux, en aidant 15 % de la profession à s’arrêter, pour que les autres puissent s’agrandir et rester compétitifs via un surcroît d’endettement. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous, écologistes, préférons la conversion à la reconversion.
Mes inquiétudes – nos inquiétudes – sur le budget de l’agriculture concernent plusieurs points. Tout d’abord, les crédits d’aide à la conversion et au maintien en agriculture biologique, ainsi que les crédits d’animation afférents, qui permettent d’accompagner dans leur conversion les agriculteurs parfois très éloignés des pratiques bio.
Le ministre de l’agriculture a annoncé le renforcement du plan Ambition Bio, dont le budget atteindra 180 millions d'euros, alors qu’il n’était que de 90 millions d'euros en 2012. Toutefois, au regard de la dynamique actuelle des conversions, on peut légitimement se demander si ce sera suffisant.
Cette situation trouve un éclairage nouveau à la lumière du dernier rapport conjoint de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et de l’Institut technique de l’agriculture biologique, l’ITAB, rendu public la semaine dernière, qui vise à chiffrer les aménités environnementales et économiques de l’agriculture biologique. J’ai sollicité l’élaboration de ce document auprès du ministre de l’agriculture au mois de juin 2015, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement ; le ministre s’y est engagé et a tenu parole.
Les études ont pris du temps, mais elles méritent d’être encore approfondies. En effet, si la conversion vers l’agriculture biologique peut être considérée comme une dépense au sein du budget de l’État, il est important de voir les économies qu’elle suscite. Je citerai quelques exemples tirés du rapport.
Ainsi, la dépollution de l’eau permettrait d’économiser entre 260 et 360 millions d'euros par an pour la pollution aux pesticides et entre 120 et 360 millions d'euros pour la pollution aux nitrates. Dans le domaine de la santé, l’agriculture biologique fait économiser entre 62 et 141 euros par hectare grâce aux décès par cancers liés aux pesticides qui seraient ainsi évités.
On peut multiplier les évaluations dans un grand nombre de domaines, même si tous ne sont pas facilement chiffrables économiquement, comme le stockage naturel du carbone dans les sols, qui est, en moyenne, supérieur de dix tonnes à l’hectare par rapport à l’agriculture conventionnelle.
Les bienfaits se mesurent aussi en termes de biodiversité, qu’il s’agisse des services écosystémiques comme la pollinisation ou le maintien d’une fertilité naturelle à travers la richesse microbienne des sols ou la diminution de l’érosion.
En termes d’emplois, le coût du chômage évité pour la collectivité peut être estimé entre 19 et 37 euros par hectare et par an en grandes cultures, l’agriculture biologique étant plus intensive en emploi. En moyenne, une exploitation biologique représente 2,4 unités de travail annuel, contre 1,5 en agriculture conventionnelle.
On le voit bien, financer la transition vers l’agriculture biologique entraîne un effet de levier économique très fort en permettant des économies et en renforçant les mécanismes naturels essentiels pour la productivité et la compétitivité de notre agriculture. Cette étude montre l’importance de la recherche en agroécologie et la possibilité d’aller vers une rémunération des aménités environnementales, économiques et sociales suscitées par ceux qui font le choix de cette transition.
C’est la position que défend le ministère de l’agriculture dans les réflexions qui nous mèneront vers la PAC post-2020. Toutefois, il ne faut pas attendre cette date. Il serait en effet salutaire de se poser cette question en amont et, pourquoi pas, d’expérimenter en France la rémunération des aménités de l’agriculture biologique et des différentes techniques agroécologiques. Ce serait certainement plus rentable à terme que l’accumulation d’innombrables plans de sauvetage, dont l’efficacité n’est que provisoire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Baroin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Baroin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2017 que nous avons la responsabilité d’examiner aujourd’hui a ceci de particulier qu’il porte sur une année civile durant laquelle les Françaises et les Français seront appelés à désigner leur futur Président de la République, puis à élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. Un tel texte doit donc en théorie être l’occasion d’achever un programme politique déroulé durant cinq années.
Il doit aussi faire œuvre de responsabilité et anticiper les exercices budgétaires ultérieurs, en dressant un portrait sincère de la situation de nos finances publiques, afin que l’équipe gouvernementale qui arrivera aux responsabilités en 2017, quelle qu’elle soit, puisse se mettre au travail dès le premier jour.
Or, je regrette d’avoir à le dire devant vous aujourd’hui, monsieur le secrétaire d'État, ce projet de loi de finances pour 2017 est l’inverse de ce qui est attendu en de telles circonstances.
C’est une fuite en avant désespérée du gouvernement socialiste, que vous représentez ici, qui se rend compte que, à trop vouloir multiplier les promesses faites aux Français, il n’a pas été en mesure d’en tenir la plupart.
C’est une tentative désespérée de travestir la réalité de la situation économique et financière de notre pays, afin de la rendre plus acceptable aux yeux des Français. Vous le savez d’ailleurs, cette tentative a été vertement critiquée par le Haut Conseil des finances publiques ; j’y reviendrai.
C’est pour finir un geste désespéré du gouvernement socialiste pour tenter une nouvelle fois de jouer aux apprentis sorciers avec notre politique fiscale, dans un contexte préélectoral, alors que le plus grand service à rendre aux contribuables français aujourd’hui – aux ménages et aux dirigeants d’entreprises qui croulent sous les charges administratives – serait au contraire de leur proposer une fiscalité plus claire, plus juste et, surtout, plus stable dans le temps.
Si l’on doit dresser le bilan des promesses non tenues de ce gouvernement, il faut bien évidemment commencer par la douloureuse problématique du chômage. C’était une promesse de campagne de François Hollande, personne ne l’a oublié. L’inversion de la courbe du chômage devait se produire dès 2012. Or nous sommes bientôt en 2017, et les sursauts saisonniers ne parviennent pas à masquer l’échec abyssal de la politique socialiste en matière d’emploi.
Certains ont voulu se battre sur les chiffres ou recourir à des artifices statistiques. La vérité, c’est que, toutes catégories confondues, le chômage a tendanciellement progressé durant l’ensemble de cette mandature, avec le résultat désastreux sur notre économie que l’on connaît. Un niveau historique de chômage a été atteint cette année : 10,5 % de la population active en recherche d’emploi au mois d’août 2016 ! C’est inédit.
À ces centaines de milliers de chômeurs supplémentaires, François Hollande n’a su proposer que des contrats aidés, ces vieilles lunes socialistes qui, depuis Jospin, ont mille fois fait preuve de leur inefficacité. Ce ne sont que cautères sur une jambe de bois ou rustines sur un dispositif qui ne fait que nous mener à l’impasse. Et ce n’est pas fini : quelque 298 000 emplois aidés étaient prévus par la loi de finances pour 2016, auxquels il faut ajouter 150 000 nouveaux contrats aidés prévus par un décret d’avance pris au mois de septembre dernier.
Le Président de la République s’était également engagé devant les Français à agir sur les déficits et à faire diminuer notre niveau d’endettement, en principe dès l’année 2014.
La promesse de retour à un déficit public de 3 % n’a pas été remplie en 2013, alors que c’était un engagement de campagne. Elle ne l’a pas non plus été en 2014. Elle ne l’a pas plus été en 2015. Elle ne l’est toujours pas en 2016. Vous savez, monsieur Eckert, car je vous sais sincère, que malgré les postures du Gouvernement, elle ne le sera pas en 2017.
M. François Baroin. Cette hypothèse est estimée « improbable » et plus qu’« incertaine » par le Haut Conseil des finances publiques.
M. François Baroin. Si l’on peut vous considérer comme subjectif et moi comme partial, au moins le Haut Conseil des finances publiques donne la ligne : nous ne serons pas au rendez-vous de l’engagement pris par la France vis-à-vis de ses partenaires européens de respecter le traité budgétaire que notre pays a ratifié.
M. François Baroin. Le pic d’endettement était annoncé par François Hollande pour 2013 à 91,3 % du PIB. Il devait en principe être suivi d’une décrue. La réalité a été tout autre. Notre endettement n’a cessé de progresser, malgré des taux d’intérêt historiquement bas. Il dépasse aujourd’hui les 98 % du PIB. Le moindre relèvement des taux, et une telle tendance nous guette, risque mécaniquement de précipiter nos comptes publics dans une situation très difficile.
M. François Baroin. L’observation des marchés, notamment du marché américain, laisse penser qu’un tel renchérissement du crédit est pour bientôt.
Parole de connaisseur, dites-vous, monsieur Eckert. Lorsque nous étions aux responsabilités, nous avons eu à affronter la plus grande crise financière depuis 1929.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. François Grosdidier. Eh oui !
M. François Baroin. Toutes les économies ont pratiqué de la relance budgétaire pour soutenir l’activité économique en préservant les minima sociaux et l’ensemble de notre dispositif de soutien à l’investissement privé et public.
La dette française a augmenté au cours de la période 2007-2012, c’est vrai.
M. François Baroin. Mais quid de la dette britannique, de la dette allemande, de la dette américaine ? Toutes les économies se sont retrouvées dans cette situation ! Nous nous sommes engagés à revenir, grâce au traité budgétaire, à un cadre de gestion rigoureuse et vertueuse de nos finances publiques.
Vous avez accentué cette tendance, vous l’avez amplifiée, après l’avoir contestée.
M. François Grosdidier. Oui !
M. François Baroin. Au fond, au travers de ce budget, c’est ce dernier mensonge qui est révélé aujourd'hui, ce mensonge qui a créé les conditions permettant à François Hollande d’accéder à l’Élysée.
Vous voilà aujourd'hui au pied du mur après ces quatre années. Ce texte présenté par le Gouvernement est le dernier artifice de cette gestion, et nous serons bien obligés de corriger cette dette.
M. François Baroin. Je cesse ici la litanie des promesses que François Hollande n’a pas tenues. Annoncé, le plan d’économies de 50 milliards d'euros n’a jamais eu lieu. Le Président socialiste l’avait promis en 2014, mais l’objectif n’a eu ensuite de cesse de se décaler dans le temps. Deux années ont passé, et son objectif a été consciencieusement raboté d’une dizaine de milliards d'euros.
En revanche, le niveau de la dépense publique, lui, n’a pas été raboté sous la présidence Hollande.
M. François Baroin. En quatre années, elle a progressé trois fois plus rapidement en France que dans le reste des pays de l’OCDE.
M. François Baroin. En particulier, la masse salariale de l’État doit augmenter de 4 % pour la seule année 2017. Au total, nous avons aujourd’hui une dépense publique qui avoisine les 57 % du PIB, alors que la moyenne des pays de l’Union européenne se situe à 47,4 % et que celle de l’Allemagne atteint 44 %.
M. François Baroin. Hors dette et pensions, naturellement.
Est-ce là le fruit d’une politique responsable ? Le projet de loi de finances pour 2017 présente une vision édulcorée de la situation budgétaire de notre pays. Cela se manifeste tout d’abord en matière de prévision de croissance. Ce projet de loi de finances retient une hypothèse de 1,5 % pour 2017, avec un acquis de croissance pour 2016 estimé à 1,5 %. Rien de tout cela n’est plausible.
Le matin, en vous rasant ou en vous regardant, monsieur le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, cher Christian Eckert, vous devez savoir que vous êtes très loin de cet objectif. Je puis comprendre le recours à la méthode Coué – du nom d’un remarquable pharmacien né à Troyes (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) – pour conforter votre doctrine budgétaire,…
M. Jean-Claude Lenoir. Il faut plutôt un remède de cheval !
M. François Baroin. … mais les chiffres sont là, et il n’est qu’à constater le consensus des économistes en la matière : pour 2016, la croissance sera sans doute plus proche de 1,3 % ; pour 2017, le FMI comme l’OCDE tablent sur des taux compris entre 1,2 % et 1,3 %. À cause de vos choix, qui ont aussi contribué à altérer profondément la confiance, il faut s’attendre à un reflux et, finalement, l’acquis de croissance sera uniquement concentré sur l’exercice du premier trimestre.
La surévaluation de la croissance entraîne mécaniquement une surestimation des recettes annoncées dans ce projet de loi de finances pour 2017, de l’ordre de 3,5 à 6 milliards d'euros, selon la commission des finances du Sénat. De ce point de vue, le rapporteur général de cette dernière a éclairé de façon remarquable les travaux de la Haute Assemblée, et je partage pleinement son analyse.
À cela s’ajoutent les recettes de 2018 avancées sur 2017, grâce à des artifices budgétaires que je ne détaillerai pas ici : acompte d’impôt sur les sociétés, acompte sur la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, etc. En tout, quelque 1,2 milliard d'euros sont imputés fictivement au budget 2017 sur des recettes prévues en 2018.
M. François Baroin. Il y a une forme d’insincérité – je lâche le mot – en la matière.
Les mêmes penchants créatifs se manifestent côté dépenses, avec des postes que l’on sous-estime grossièrement. Ainsi, les dépenses de santé sont sous-évaluées de 500 millions d’euros.
M. François Baroin. Plus de 10 milliards d’euros de dépenses prévues pour 2017 sont reportées comptablement à 2018.
M. François Baroin. Je pense à la montée en charge de la baisse d’impôt sur les sociétés – 1,12 milliard d'euros –, à la hausse du CICE – 1,6 milliard d'euros – ou au crédit d’impôt pour la transition énergétique – 1,6 milliard d'euros également.
Je sais que vous ne le direz pas, monsieur le secrétaire d'État, mais reconnaissez que vous laisserez une situation plus que difficile, plus qu’exigeante et plus que complexe à redresser, lorsque nous arriverons aux responsabilités.
M. François Baroin. Cette addition d’estimations biaisées et d’artifices comptables, en recettes comme en dépenses, va bien au-delà de l’insincérité budgétaire. C’est indigne. C’est irresponsable. C’est le gouvernement socialiste qui tente de quitter le restaurant par la porte de derrière, en laissant son ardoise. Et tant pis pour le contribuable français qui devra au bout du compte régler l’addition ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Qui va faire la vaisselle ? (Sourires sur les mêmes travées.)
M. François Baroin. Voilà, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les éléments qui me conduisent naturellement à critiquer avec une sévérité juste et lucide la réalité de ce projet de budget. Et que dire des « petits cadeaux », véritables écrans de fumée, qu’il s’agisse de l’augmentation du crédit impôt compétitivité sur la moyenne européenne concernant l’impôt sur les sociétés ou du crédit d’impôt de 20 % destiné aux « classes moyennes ».
Cependant, le véritable écran de fumée, c’est le projet de prélèvement à la source,…
M. Alain Bertrand. Et les deux points de TVA ?
M. François Baroin. … une réforme mal ficelée, mal organisée, alors que le taux de recouvrement de l’impôt est très élevé, de l’ordre de 99 %. Ce que le Gouvernement propose n’est pas acceptable, puisqu’il demande aux entreprises de faire le travail à la place de l’administration, sans que celle-ci en profite pour se réformer. Il n’y a là ni efficacité ni modernité.
C’est donc un projet de budget insincère, qui ne va pas dans la bonne direction et qui ne pourra être exécuté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous invite à respecter avec la plus grande rigueur les temps de parole impartis, pour éviter tout dérapage. (Exclamations.)
M. Éric Doligé. Le groupe socialiste et républicain nous a offert son temps de parole !
Mme Évelyne Didier. C’est curieux de le rappeler au moment où un sénateur CRC va s’exprimer !
Mme la présidente. Madame Didier, tous les groupes politiques ont dépassé leur temps de parole – à l’exception bien sûr du groupe écologiste, qui a toujours à cœur de maîtriser ses énergies. (Sourires.)
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, le service public, c’est le capital de ceux qui, justement, n’en ont pas. Le dogme libéral de la réduction de la dépense publique s’attaque donc au bien de tous ! C’est à partir de cette formule éclairante que nous souhaitons réhabiliter aujourd'hui encore le concept même de dépense publique.
Ceux qui critiquent l’investissement dans l’éducation ou dans les hôpitaux publics sont beaucoup moins regardants quand il s’agit de s’interroger sur l’opportunité et l’efficacité de certains crédits d’impôt. Inévitable au mieux ou nuisible au pire, la dépense publique est parée de tous les défauts par certains observateurs orientés par un libéralisme aveugle, qui, depuis le « dégraissage du mammouth », ne supportent plus que l’impôt serve l’intérêt général.
En parfaite contradiction, ces contempteurs de la dépense n’hésitent évidemment pas à proposer un outillage complet en matière de déductions fiscales au profit des plus riches. Pour eux, la dépense publique, c’est mal, mais la déduction fiscale, c’est bien !
En obéissant aux dogmes libéraux du traité de Lisbonne, il faudrait donc, pour que cela aille mieux, réduire drastiquement la dépense publique, en commençant par le plus dur, la rémunération et les postes des fonctionnaires. On nous a rabâché pendant des années qu’il fallait réduire les déficits et parvenir aux 3 %, mais que fera-t-on une fois cet objectif atteint ? Ce sera bientôt le cas, et on tient toujours le même discours, on chante toujours la même sérénade : la dépense publique est trop forte, il faut aider les plus riches, notamment les grosses entreprises.
M. Fillon aujourd’hui, comme la majorité sénatoriale hier, prône la suppression de rien de moins que 500 000 postes d’agents publics. Il faut dire la vérité aux Françaises et aux Français : vous voulez casser le service public qui protège les plus faibles, notamment face à la violence de la crise !
Cette mesure est présentée, chiffres à l’appui, comme devant permettre d’assurer, à terme, une économie annuelle de 15 milliards d'euros. Le chiffrage de la fondation iFRAP du MEDEF, base de calcul du programme de François Fillon, a-t-il ou non intégré les pertes de recettes fiscales liées à la suppression de quelques-uns des emplois objectivement contributeurs à l’impôt sur le revenu, aux impositions locales ou encore à la TVA ?
Vous le savez bien, mes chers collègues, plus de chômage, c’est moins de recettes pour la sécurité sociale et pour les retraites !
M. Alain Bertrand. Ils vont supprimer la sécurité sociale et les retraites !
M. Éric Doligé. Nous allons diminuer le chômage !
M. Thierry Foucaud. On peut imaginer la suite… En menant une telle politique, nous irons de mal en pis, nous aurons de plus en plus de chômeurs et la situation de la France ne sera pas celle que nous souhaitons.
Ce chiffrage a-t-il pris en compte que les emplois publics, ce sont les « couches moyennes » qui, par leurs impôts, leurs habitudes culturelles, leur consommation, sont à l’origine de l’activité de bien des secteurs et de l’encaissement de bien des recettes fiscales ? Ce projet casse la croissance, casse l’économie. Ce thatchérisme après l’heure mettrait définitivement la France à genoux. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hubert Falco. N’importe quoi !
M. Thierry Foucaud. Dans le même esprit – Marie-France Beaufils l’a indiqué –, la réduction des dépenses des collectivités locales, imposée au forceps, aura entre autres conséquences celle de dégrader la situation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, donc de remettre en cause la solidarité entre régimes de retraite et, par ricochet, de poser la question de l’équilibre du régime social des indépendants ou celui du régime agricole. (M. Hubert Falco s’exclame.)
La vision réductrice de la dépense publique qui sous-tend ce projet de budget d’austérité et qui mobilise maintenant la droite dans une surenchère destructrice pour notre pays n’est décidément pas d’actualité. Elle ne s’inscrit ni dans l’avenir ni dans l’appel à la modernité que souhaitent les Français. Elle ne répond pas aux exigences de développement.
Il faut par exemple inverser la tendance à la forte baisse de l’investissement public ces dernières années, clef du développement de notre pays. Oui, il faut le rappeler, le TGV, Airbus, l’énergie – des barrages à l’éolien, en passant par le nucléaire –, c’est de la dépense publique. L’effort considérable des collectivités locales s’inscrit également dans cette tendance.
La dépense publique doit être dédiabolisée. Certains qui la critiquent sans mesure l’apprécient bien. Je pense aux concessionnaires d’autoroutes, qui ont profité plein pot de l’énorme investissement public.
Nous n’acceptons donc pas, en toute logique, que des sommes considérables soient mobilisées pour des crédits d’impôt dont la seule fonction est de restaurer les marges des entreprises. Non, l’argent public n’a pas cette vocation. Cela doit plutôt découler de la capacité desdites entreprises à améliorer leurs processus de production, la qualité de l’emploi et le niveau de qualification de leur personnel ou encore à développer leurs efforts de recherche pour produire mieux à moindre coût.
Mes chers collègues, il y a mieux à faire avec les 20 milliards d'euros du CICE, les 30 milliards d'euros d’exonérations de cotisations sociales et les 6 milliards d'euros du crédit d'impôt recherche !
Oui, nous sommes pour un soutien de la dépense publique au secteur privé de l’économie, mais, s’il vous plaît, cessez ces cadeaux indécents à des grands groupes qui privilégient la spéculation financière, la rémunération des actionnaires ou les salaires de leurs dirigeants, au détriment d’une politique de création d’emplois.
Nous venons ainsi d’apprendre que la SEITA à Riom allait licencier, alors qu’elle a bénéficié du CICE. Je pourrais multiplier les exemples.
M. Jean-Claude Lenoir. Le Gouvernement est devant vous !
M. Thierry Foucaud. Tout au contraire, la dépense publique doit être renforcée dans bien des domaines. Je pense en particulier au développement durable et à l’écologie. Il faut dans ce domaine refuser que les politiques en matière de transport et d’infrastructures continuent d’accorder la priorité au développement des réseaux routiers, un an après la COP 21 ! La dépense publique doit accompagner avec une tout autre force la transition énergétique. L’austérité de ce budget tourne le dos à cette option.
Oui, il faut une dépense publique renforcée au service du logement. Une dépense au service des mal-logés, du logement social et certainement pas des investisseurs immobiliers, les « requins » du système.
Il est temps de réhabiliter la dépense publique à l’aune de son utilité sociale, de sa capacité à répondre aux besoins des populations. Notre projet, c’est le renouveau du service public, par une promotion d’une dépense publique tournée vers l’intérêt général,…
M. René-Paul Savary. Avec quel argent ?
M. Thierry Foucaud. … certainement pas vers la poursuite des exonérations massives ou la protection des privilèges. Cette voie, c’est là celle du progrès, de la nouvelle croissance et de l’avenir, celle que nos concitoyennes et concitoyens attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel. (M. Alain Bertrand applaudit.)
M. Michel Amiel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, mon intervention peut paraître bien dérisoire face à ce non-débat, à ce refus de débattre. Agir ainsi, c’est remettre en question le rôle du Sénat, donc le bicamérisme, ce que je regrette profondément.
Je concentrerai mon propos sur la mission « Santé ». Pour 2016, les crédits de cette mission s’élèvent à 1,27 milliard d’euros, répartis en deux programmes : le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », et le programme 183, « Protection maladie », quasi stables par rapport à l’année dernière.
L’architecture de ces crédits a été profondément marquée par la mise en place d’une des mesures de la loi Santé, à savoir la création d’une grande agence de santé publique, réunissant l’Institut de veille sanitaire, l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Ce regroupement des compétences, de la coordination des politiques de prévention jusqu’à la planification des interventions d’urgence, ne peut être que bénéfique pour la santé publique. Cela s’inscrit dans la lignée des efforts de rationalisation que toutes les agences sanitaires doivent continuer à mettre en place.
Le programme 204 a pour objet de contribuer à la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Il accompagne les mesures de modernisation de l’offre de soins, développées notamment par la loi Santé de l’an dernier au travers de l’action n° 19. Le problème de la démographie médicale doit nous conduire, par le biais de mécanismes techniques, tels que la télémédecine et de mesures incitatives locales, à repenser en profondeur l’organisation de l’offre de soins.
L’action n° 12, Santé des populations, est essentielle. Toutefois, je déplore l’abandon de l’intitulé « Éducation à la santé ». Je l’ai souvent dit, mais, de manière générale, la prévention et l’éducation à la santé restent les parents pauvres de la médecine dans notre pays. Or la santé des jeunes passe par la prévention du tabagisme et de l’alcoolisation aiguë et par une meilleure alimentation. La bonne santé d’un adulte se prépare dès le plus jeune âge.
La prise en compte d’indicateurs précis de la politique de prévention est donc encourageante, qu’il s’agisse du taux de couverture vaccinale ou de la participation au dépistage organisé du cancer colorectal.
Notre société doit faire face à de nouveaux risques, notamment face aux maladies vectorielles. Mes chers collègues, je vous invite à prendre connaissance du récent rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, sur ce sujet. Les maladies infectieuses restent aussi un enjeu de santé publique, même au XXIe siècle.
Que dire des crédits sur les maladies chroniques, prévus à l’action n° 14, incluant la santé mentale et la lutte contre les addictions ? Ils sont en légère augmentation, car, hélas, de plus en plus de Français sont concernés.
En matière de santé mentale, la précarité sociale fait bien souvent le lit des troubles psychiatriques. Notre société doit prendre à bras-le-corps ce sujet, qui suppose, encore une fois, de s’appuyer sur la prévention et le dépistage. Une politique spécifique pour les mineurs devrait émerger clairement.
Le programme 183, avec ses 823 millions d’euros, représente plus de 60 % du budget de la mission « Santé ». Il est au cœur de notre devoir de solidarité et permet de financer l’aide médicale de l’État, l’AME, et le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.
Si la prévision de dépenses pour l’AME est en augmentation, cela répond non seulement au problème récurrent de sous-budgétisation, mais aussi à l’augmentation du nombre de bénéficiaires. Toutefois, afin de couper court à toute polémique, cette croissance du budget est inférieure à l’augmentation du nombre de bénéficiaires. Je le rappelle, le principe de l’AME est essentiel. Il répond à une rationalité humanitaire et au besoin de soigner les gens en première nécessité.
M. Michel Amiel. Pour le médecin, soigner sera toujours un devoir. Il s’agit également d’une préoccupation de santé publique, en particulier la lutte contre les maladies infectieuses et les maladies de la précarité, comme la tuberculose, la gale ou d’autres qui peuvent toucher non seulement l’individu, mais aussi son entourage et la population générale.
Mes chers collègues, j’aurais aimé que nous puissions débattre plus longuement de ces orientations budgétaires, de manière apaisée et constructive, mais aussi, puisque l’on parle de la matière budgétaire, de manière plus sincère. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
8
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des finances a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2017, actuellement en cours d’examen.
La liste des candidats a été publiée, conformément à l’article 12, alinéa 4 du règlement, et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
9
Projet de loi de finances pour 2017
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances revêt cette année un caractère particulier. Cela a été dit et cela sera répété tout au long de cette discussion générale : le Gouvernement nous soumet un texte dont la sincérité est contestable.
En tant que rapporteur général du budget de la sécurité sociale, j’ai malheureusement déjà eu à déplorer dans le PLFSS des artifices analogues à ceux qui sont employés dans le projet de loi de finances pour 2017.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je m’exprimerai sur les missions « Régimes sociaux et de retraite », « Travail et emploi », « Solidarité » et « Santé ». Je remercie d’ailleurs mes collègues rapporteurs de la commission des affaires sociales de leurs avis éclairant sur ces thématiques qui nous sont chères et qui sont essentielles dans le quotidien de nos concitoyens.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe les onze régimes spéciaux de retraite. Les crédits, en 2017, atteindront tout de même 6,25 milliards d’euros, en baisse de 1,1 %, confirmant une tendance constatée depuis quatre ans.
L’alignement progressif de ces régimes sur le régime général se poursuit, mais trop lentement, tout particulièrement s’agissant des régimes de la RATP et de la SNCF, sur lesquels presque rien n’a été fait au cours de l’actuel quinquennat – on comprend bien pourquoi !
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire à cette tribune, même si la spécificité de certains métiers, notamment leur pénibilité, doit bien être prise en compte dans le fonctionnement du régime de retraite, il faut aller vers un régime à point pour plus de justice et d’équité entre les Français.
Au sein de la mission « Travail et emploi », j’évoquerai maintenant tout particulièrement la garantie jeunes.
Nous avons longuement débattu de cette mesure lors de l’examen de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels l’été dernier. Sa généralisation nous paraissait prématurée ; l’expérimentation aurait dû aller à son terme.
Si ce dispositif, je n’en disconviens pas, est intéressant – il est probablement l’un des plus prometteurs pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi –, sa réussite est conditionnée à la mise en place d’un suivi particulièrement attentif du bénéficiaire, d’une animation collective et d’une mobilisation, j’insiste sur ce point, des entreprises du territoire. Or je crains que les tâches administratives, de par leur ampleur – je l’ai dit à Mme la ministre –, n’entravent l’efficience du dispositif.
La prime d’activité est quant à elle au cœur de la mission « Solidarité ». Notre collègue Philippe Mouiller a en effet regretté le décalage entre la faible budgétisation de cette prime et son succès, décalage qui obligera à réaliser des corrections budgétaires relativement importantes. La prime d’activité est une innovation intéressante pour lutter contre la pauvreté, mais elle ne constitue pas encore une incitation suffisante au retour à l’emploi. La prochaine majorité devra probablement mieux cibler ce dispositif, afin d’en améliorer l’efficacité et de renforcer son financement.
Enfin, mes chers collègues, j’évoquerai brièvement la question de l’aide médicale d’État, l’AME, qui est au cœur de la mission « Santé », car elle fait selon moi l’objet de fantasmes qui empêchent de raisonner convenablement. L’aide médicale d’État est l’expression la plus fidèle de la tradition humaniste de notre pays. (M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics applaudit.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. On parle de personnes en situation illégale sur notre territoire national et dont les ressources ne dépassent pas un certain plafond, fixé à moins de 800 euros par mois pour une personne seule. Nous nous devons de leur porter assistance et de leur prodiguer les soins appropriés lorsque leur santé le nécessite ou lorsque la sécurité sanitaire est en jeu.
Néanmoins, il ne faut pas faire preuve d’angélisme sur ce sujet et occulter la charge de 700 millions d’euros par an que représente l’AME, en augmentation de plus de 40 % depuis 2012. Il existe aussi des abus – je pense au « tourisme sanitaire » –, que je ne nie pas, mais dont il faudrait véritablement déterminer l’ampleur. Je pense que l’AME doit être revue en cohérence avec la CMU-C, la couverture maladie universelle complémentaire, comme le suggérait le président de la commission des affaires sociales, Alain. Milon.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous n’aurons pas l’occasion de revenir en détail sur les missions que je viens d’évoquer brièvement. J’espère que nous pourrons le faire l’été prochain, lors de l’examen d’un projet de loi de finances rectificatif, lorsque nous aurons élu un nouveau Président de la République. Le groupe UDI-UC et moi-même souhaitons ardemment assurer la durabilité des politiques publiques qui relèvent de la solidarité nationale, au bénéfice des plus fragiles d’entre nous. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviendrai sur un point très précis, essentiel pour l’action des collectivités locales en faveur du climat et de la transition énergétique.
Depuis l’adoption de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », et de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les collectivités françaises disposent de compétences clefs leur donnant les moyens de participer de façon décisive à la lutte contre le changement climatique. Les plans climat-air-énergie territoriaux, les PCAET, sont désormais obligatoires à l’échelle intercommunale et doivent décliner des objectifs cohérents avec les objectifs internationaux de la France en matière de climat.
Aujourd'hui, toutes les intercommunalités françaises doivent avoir pour objectif de réduire de 40 % leurs émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2030.
Les régions, quant à elles, doivent élaborer des schémas prescriptifs, les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, ou SRADDET, auxquels seront intégrés les plans climat-air-énergie territoriaux.
L’atteinte de ces objectifs passera inéluctablement par une mise en mouvement généralisée, rapide et cohérente des territoires et des acteurs locaux, car ce sont les collectivités locales, en particulier les intercommunalités, qui mènent les politiques publiques ayant le plus d’impact sur le climat. Ce sont elles en effet qui gèrent les bassins de vie, c'est-à-dire les politiques de mobilité ou de réhabilitation du logement ancien.
M. Hubert Falco. Les collectivités territoriales ont surtout besoin de dotations !
M. Ronan Dantec. Autrement dit, sans la mobilisation des territoires, des intercommunalités et de leurs élus, notre pays n’atteindra pas les objectifs qu’il s’est fixés en matière de climat et de transition énergétique. Je rappelle d’ailleurs que nos résultats ne sont pas bons cette année. Si les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont plafonné, ce qui était une bonne nouvelle, c’est grâce aux États-Unis et à la Chine. Les émissions de la France, notamment dans le domaine des transports, ont augmenté de manière significative cette année, ce qui est une très mauvaise nouvelle. Je le répète, la mobilisation des territoires est nécessaire.
Toutefois, comme nous le déplorons régulièrement, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, les nouvelles responsabilités des collectivités territoriales ne s’accompagnent d’aucun financement spécifique. Or les territoires ont besoin de financements pérennes pour mettre en œuvre ces documents de planification absolument essentiels.
Depuis plusieurs mois, les réseaux de collectivités territoriales travaillent ensemble sur le projet d’une dotation additionnelle climat, qui serait attribuée aux intercommunalités et aux régions. Son attribution serait subordonnée à la mise en place des plans climat-air-énergie territoriaux et des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.
Son financement s’appuierait sur les recettes de la contribution climat-énergie, la CCE, lesquelles augmenteront de manière significative d’année en année, conformément à ce qui a été voté ici même au Sénat dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et dans la loi de finances pour 2016 : il s’agit d’atteindre 22 euros la tonne en 2016, quelque 30,5 euros la tonne en 2017 et 100 euros la tonne en 2030.
Les réseaux de collectivités territoriales ont évalué le coût de la mise en place de ces plans climat. Ils estiment ainsi que l’élaboration du plan ou du schéma coûtera environ 1 euro par habitant et que sa mise en œuvre sur le territoire coûtera entre 100 euros et 200 euros par habitant. Il s’agira d’accompagner les populations et les acteurs économiques dans la rénovation énergétique, dans la lutte contre la précarité énergétique, dans les politiques de transport ou de développement des énergies renouvelables. L’animation du plan, quant à elle, coûtera 10 euros par habitant et par an.
Nous avons rédigé un amendement en concertation avec l’ensemble des réseaux de collectivités territoriales françaises visant à doter les EPCI et les régions, respectivement en charge de l’élaboration des PCAET et des SRADDET, de 15 euros par habitant, soit 10 euros par habitant pour les intercommunalités et 5 euros par habitant pour les régions, sachant que les recettes que l’État tirera de la contribution climat-énergie augmenteront régulièrement.
La particularité du système est que l’État gagne de l’argent aujourd'hui avec le climat ! Or, alors que les recettes augmentent, que l’on a accordé des compétences nouvelles aux intercommunalités, on ne leur octroie pas de moyens. Il faut rééquilibrer la situation. Tel est le sens de notre proposition, monsieur le secrétaire d'État.
J’ajoute que la baisse de la dotation globale de fonctionnement, que l’on doit au précédent gouvernement, et que certains candidats à la présidentielle, je le crains, souhaitent pérenniser ou accroître, est une mesure récessive, comme en sont convenus ici Marylise Lebranchu et François Baroin. La baisse de la DGF a effectivement diminué la capacité des territoires à soutenir leur développement et la reprise économique. Par ailleurs, elle a eu pour conséquence une plus faible péréquation nationale en faveur des territoires les moins solides, en particulier les territoires hyper-ruraux, même si elle a été compensée pour certains par la dotation de solidarité rurale, la DSR.
La mesure sur laquelle nous travaillons avec les réseaux de collectivités territoriales, qu’il s’agisse de l’Association des maires de France, l’AMF, de l’Association des régions de France, l’ARF, de France urbaine, ou de l’Association française du Conseil des communes et régions d’Europe, l’AFCCRE, vise à inciter les intercommunalités à élaborer leur PCAET. La loi les y oblige, mais on ne leur tend pas de carotte, aucun financement n’étant prévu. Il s’agit donc de créer une dynamique vertueuse, y compris en termes d’équilibre territorial. La dotation que nous proposons sera intégrée au budget général des intercommunalités. Elle n’est donc pas fléchée. Les territoires pourront ainsi effectuer eux-mêmes les choix qu’ils jugeront les meilleurs.
J’espère, mes chers collègues, vous avoir convaincu de l’intérêt de cette mesure assez cohérente et consensuelle, à laquelle nous avons travaillé pendant plus d’un an avec les réseaux de collectivités territoriales – leurs présidents siègent sur toutes les travées, certains étant très connus ici. Elle permettra aux collectivités territoriales d’exercer les nouvelles compétences que nous leur avons octroyées et de renforcer leurs capacités d’action.
J’espère également vous avoir convaincu, monsieur le secrétaire d’État. Je sais que, pour l’instant, vous rechignez quelque peu à mettre en œuvre cette mesure et que vous avez pour l’heure alloué la recette de la CCE à l’allégement du déficit de la Contribution au service public de l’électricité, la CSPE.
J’indique que la mise en œuvre de cette mesure serait progressive. Elle s’appliquerait à compter de 2018, ce qui laisserait le temps aux intercommunalités de mettre en place leur PCAET. Sachant que toutes ne le feront pas, vous ne dépenserez pas la totalité de la dotation dès 2018. En outre, les recettes de la contribution climat-énergie augmenteront en 2019. Les réseaux de collectivités sont à votre disposition pour vous rencontrer et discuter de leur proposition avec vous.
J’espère, mes chers collègues, que vous serez nombreux à signer l’amendement que nous proposerons et que celui-ci pourra être examiné dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, afin que cette mesure puisse porter ses fruits à compter de 2018-2019, lorsque les recettes de la contribution climat-énergie seront disponibles. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que rapporteur de la mission « Engagements financiers de l’État », je suis chargé d’évaluer la situation financière de la France et ses engagements financiers à l’étranger.
M. Charles Revet. Cette situation n’est pas brillante !
M. Serge Dassault. Je vais donc vous informer des risques financiers qui pèsent actuellement sur la France en raison de l’accroissement permanent de son endettement, non maîtrisé, de ses engagements à l’étranger et du risque de plus en plus élevé d’augmentation de ses taux d’intérêt.
Je vous rappelle que nous empruntons chaque année environ 200 milliards d’euros : 70 milliards d’euros pour financer notre déficit permanent et 130 milliards d’euros pour payer les échéances de nos emprunts, ce qui est rigoureusement interdit en matière de gestion financière, dans le privé comme dans le public, sauf pour le Gouvernement… En effet, on ne doit jamais emprunter pour payer ses dettes ! Cela s’appelle de la cavalerie et c’est synonyme de faillite. Cette pratique est pourtant devenue courante en France depuis Mitterrand et a été poursuivie par tous les présidents de la République, jusqu’à M. Hollande.
Alors que notre dette était de 100 milliards d’euros en 1980, elle s’élève aujourd'hui à 2 170 milliards d’euros. La charge de la dette financée par le budget est de l’ordre de 40 milliards d’euros par an, soit 40 milliards d’euros qui partent en fumée. La charge de la dette est stabilisée grâce aux taux d’intérêt qui sont actuellement très bas, mais ces derniers, je l’ai dit, vont commencer à remonter.
Lorsque nos taux d’intérêt augmenteront, soit par décision de l’Europe, soit parce que les investisseurs auront perdu confiance, constatant que le Gouvernement ne tient pas ses promesses de réduire le déficit, la charge de la dette augmentera rapidement.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Serge Dassault. C’est alors que nos recettes fiscales diminueront. Si les taux augmentent de seulement 2 %, cela nous coûtera 4 milliards d’euros d’intérêts de plus en 2017 et 8 milliards d’euros en 2018. Nous ne pourrons pas les financer. Nous serons alors rapidement en cessation de paiement, incapables de régler nos factures, comme la Grèce. Et ce n’est pas l’Europe qui nous aidera ! En effet, il est fortement probable que nos investisseurs augmenteront alors encore plus nos taux d’intérêt ou refuseront de nous prêter de l’argent, ce qui sera catastrophique.
J’en viens à nos engagements extérieurs. Je vous rappelle que nos ministres se sont engagés à verser 40 milliards d’euros en cas de défaillance de la Grèce, afin de l’aider à faire face à ses obligations, ce qui n’arrangera rien. Je ne sais pas où on les trouvera !
Le futur Président de la République devra gérer la France avec la volonté de réduire au plus vite nos déficits budgétaires. Il devra se rappeler que les impôts ont été créés pour financer les pouvoirs publics et non l’État providence. Il faudra qu’il change la fiscalité, si possible avec une flat tax à deux niveaux, pour réduire les impôts de tous. Cette baisse des taux sur une assiette fiscale élargie permettra de favoriser l’activité et la relance. Cela augmentera rapidement le rendement de l’impôt et permettra de réduire le déficit budgétaire.
On pourra ainsi créer un cercle vertueux : on baisse les taux et on augmente les recettes fiscales grâce à la suppression des niches fiscales devenues inutiles, lesquelles représentent plus de 80 milliards d’euros par an. Le Gouvernement aurait ainsi de quoi rétablir l’équilibre budgétaire et financer les réductions d’autres impôts. Il pourrait également accroître les dotations des collectivités locales, lesquelles ont été fortement réduites.
Cette flat tax pourrait être de 8 % jusqu’à un revenu de 4 000 euros par mois, y compris la CSG. On supprimerait ainsi tous les autres impôts sur le revenu jusqu’à 4 000 euros. Un taux unique de 25 %, dont les 8 % de la CSG, serait ensuite appliqué à tous.
Mes chers collègues, nous avons une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes, nous devons tous en avoir conscience. Tous les gouvernements ont agi en pensant que les taux d’intérêt resteraient éternellement bas, ce qui est une faute très grave. La réalité est tout autre, et il faut en prendre conscience rapidement pour éviter le pire. Il faut vite prendre les mesures fiscales que je propose et réduire nos déficits budgétaires, pour que la France retrouve croissance et emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « il ne peut y avoir d’économie forte sans industrie forte ». Tel est le constat que dressait en 2012 Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, dans sa lettre de mission au Commissaire général à l’investissement, Louis Gallois.
Nous partageons toujours pleinement ce constat. Il est d’ailleurs incompréhensible, alors que nous avions souhaité au mois de septembre dernier l’organisation d’un débat sur l’avenir de l’industrie française, en lien avec le dossier Alstom, que cette demande soit restée lettre morte à ce jour !
Après avoir fait part de sa préoccupation, le Gouvernement s’est fixé comme objectif en 2012 de donner « un nouvel élan à l’industrie française. » Pour y parvenir, il a créé un nouveau dispositif fiscal : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Ce dernier a été institué par le Gouvernement par voie d’amendement en loi de finances, sans étude d’impact, ce qui constitue une incongruité.
Trois ans après sa mise en œuvre, alors que la créance publique annuelle s’élève à près de 20 milliards d’euros – 60 milliards d’euros en cumul –, les craintes que nous exprimions se confirment. Dans son rapport d’information, notre collègue Marie-France Beaufils a décrit le CICE comme étant un « outil complexe, dispersé et à l’efficacité incertaine ». Le CICE, si l’on analyse ses bénéficiaires, a manqué sa cible.
L’industrie, qui était la cible initiale du dispositif et qui a justifié la création du CICE, est minoritaire, ainsi que les secteurs soumis à la concurrence internationale, parmi les bénéficiaires. Ainsi, moins d’un cinquième seulement de la créance du CICE est destiné à sa cible, ce qui suscite des interrogations sur la pertinence même de cet outil.
À l’inverse, le secteur commercial, qui est souvent moins soumis aux impératifs de compétitivité, mais qui est souvent à l’origine de notre déficit commercial, est fortement représenté.
L’objectif de soutenir en priorité le tissu des petites et moyennes entreprises n’est pas atteint non plus. Ces entreprises représentent un tiers des dossiers pour un peu plus d’un cinquième de la créance, soit moins de la moitié de l’effort budgétaire. Les microentreprises bénéficient de moins de 15 % de la créance, quand elles représentent près de 80 % des dossiers. Ce sont les entreprises de taille intermédiaire et les grandes qui captent la majorité de la créance de CICE, alors même qu’elles représentent moins de 1 % des dossiers.
De plus, la loi prévoit pour les entreprises un devoir d’information et de transparence sur leur utilisation du CICE. Or les travaux de notre collègue Marie-France Beaufils, comme ceux de France Stratégie, montrent que les entreprises mettent régulièrement en avant le caractère illusoire de ce fléchage dans leur démarche quotidienne. Et quand information il y a, elle se révèle souvent très sommaire et peu documentée, ce qui rend le suivi difficile.
Avec un tel bilan, pourquoi proposer de porter de 6 % à 7 % le taux du CICE ? Ce dispositif a surtout amélioré les marges des entreprises, et ce, sans discernement.
Dispositif qui manque sa cible et ses objectifs ; contrôle a minima ; dispositif universel, donc aveugle, sans lien avec une stratégie nationale pour une politique industrielle : mes chers collègues, ce sont là tous les écueils que j’avais identifiés lors des travaux de la commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays.
Décréter la sanctuarisation du crédit d’impôt recherche ne peut couper court aux interrogations, au débat et à l’exigence d’évaluation, le CIR constituant une aide publique équivalente à 9 % de l’impôt sur les sociétés brut.
La réforme de 2008 du gouvernement Sarkozy-Fillon était censée faire progresser « significativement » les dépenses de recherche des entreprises privées et développer l’emploi scientifique.
Or, si la charge du CIR a considérablement augmenté – elle représentait quelque 500 millions d’euros de créance en 2000, contre 5,5 milliards d’euros aujourd’hui –, la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises, la DIRDE, elle, n’a pas connu la même croissance. Avec une telle créance, on aurait pu s’attendre à une progression de la DIRDE comprise entre 10 milliards d’euros et 14 milliards d’euros. En réalité, en 2012, la DIRDE n’était supérieure que de 5,3 milliards d’euros à son niveau de 2007, quand le nombre de brevets restait atone. Il existe donc bien un décalage entre l’avantage fiscal consenti et son effet.
Le CIR n’a par ailleurs pas permis de développer l’emploi scientifique. À cet égard, l’exemple d’Untel, qui ferme l’ensemble de ses centres de recherche en France, est édifiant.
J’ai démontré les effets d’aubaine possibles, notamment grâce à un chevauchement des assiettes du CIR et du CICE permettant de cumuler deux avantages fiscaux. J’avais proposé la suppression de cette duplication d’avantages, dont le coût se situe, selon moi, entre 360 millions d’euros et 600 millions d’euros.
Ces effets d’aubaine, inhérents au dispositif même du crédit d’impôt, se traduisent, comme le pointe l’OCDE, par un « gaspillage des fonds publics ». C’est pourquoi nous avons proposé des pistes d’évolution et de transformation des deux dispositifs, qui, depuis le début du quinquennat, représentent, cumulés, 85 milliards d’euros de créance fiscale. C’est là que ceux qui cherchent de l’argent peuvent en trouver !
Ces dispositifs manquent leur cible et leurs objectifs. Ils dissimulent en réalité une baisse du taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 20 %. Il est toujours singulier de voir la majorité sénatoriale de droite, pourtant si prompte à soumettre la dépense budgétaire directe à contrôles et évaluations, refuser l’évaluation d’une telle dépense fiscale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conséquences de la mise en œuvre du pacte de sécurité et de la création de postes supplémentaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sur l’ensemble des programmes de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances sont encore difficiles à mesurer.
Je me garderai aujourd’hui de mentionner les effets indirects du pacte de sécurité sur d’autres missions, notamment sur le budget des collectivités territoriales, malgré l’annonce du Gouvernement d’allouer 50 millions d’euros aux travaux urgents de sécurisation des écoles.
Je souhaite, de manière plus approfondie, attirer votre attention sur les déséquilibres qui pourraient résulter des arbitrages retenus entre les différentes actions du programme « Sécurité civile ».
En apparence, la mise en œuvre du pacte de sécurité a un effet positif sur l’évolution des crédits alloués à la sécurité civile, en hausse de près de 8 % par rapport aux crédits accordés lors du précédent exercice. Cependant, une fois retirés les crédits spécialement affectés à la mise en œuvre de ce pacte, la hausse annoncée masque en réalité une baisse de 1,3 % des crédits de paiement.
La ventilation des crédits au sein du programme nous amène également à nous interroger : alors que des moyens supplémentaires sont alloués à la prévention et à la gestion des crises et aux fonctions de soutien général – état-major, inspection, fonction support –, les crédits accordés au soutien aux acteurs de la société civile stagnent. Il s’agit pourtant de l’enveloppe qui finance la formation des volontaires et des officiers.
Dans le récent rapport d’information qu’il a consacré aux services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, notre collègue Pierre-Yves Collombat dresse l’inventaire des chantiers prioritaires pour la sécurité civile française, afin de permettre à cette dernière de maintenir son niveau d’excellence. La question de la crise du système de volontariat y figure, au même titre que les difficultés liées à l’élargissement du périmètre d’intervention des agents des SDIS et à la coexistence de plateformes d’alerte distinctes entre les sapeurs-pompiers et le SAMU.
Ces arbitrages semblent révéler l’occultation des défis de long terme au profit de la lutte contre le risque terroriste. Ils pourraient nuire à l’excellence de nos forces de sécurité civiles à l’avenir, sachant que l’exaspération des agents est grandissante et que l’exaspération nourrit la crise des vocations.
Pourtant, l’excellence et le dévouement de nos forces de secours sont incontestables. La qualité des secours français est également plébiscitée à l’étranger, dans le cadre du mécanisme européen de protection civile, qui permet, par exemple, à nos sapeurs-pompiers de soutenir leurs homologues grecs ou espagnols lors des grands incendies de l’été. Voilà une vérité qui ne s’arrête pas aux Pyrénées !
Face à l’urgence du risque terroriste et à l’exigence de nos concitoyens, qui attendent que toutes les dispositions soient prises pour prévenir de nouveaux attentats, il est nécessaire de repenser les dispositifs de gestion de crise et de renforcer la coopération de tous les services de sécurité entre eux.
L’appréhension des nouvelles menaces qui pèsent sur la population ne devrait pas conduire à réduire les moyens alloués à la formation des agents en charge de la sécurité civile, au risque de détériorer la qualité des interventions lors d’évènements naturels certes saisonniers, mais récurrents : inondations, incendies… Au contraire, les efforts devraient être maintenus pour restaurer l’attractivité du volontariat.
Faute de pouvoir examiner en séance les crédits de cette mission « Sécurité civile », ce que nous regrettons, nous tenions à en dire quelques mots dans le cadre de cette discussion générale allongée. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ne pouvant, en quelques minutes, commenter dans sa totalité le budget de l’action extérieure de l’État, je me limiterai à trois points saillants.
J’évoquerai, en premier lieu, le programme 185, qui recouvre la diplomatie culturelle et d’influence. Le mois dernier, la Cour des comptes publiait un rapport au sujet de l’enseignement français à l’étranger et pointait « un modèle économique fragilisé ». Nous sommes, effectivement, à la croisée des chemins.
D’une part, l’État se désengage d’année en année, et, d’autre part, la capacité contributive des familles atteint ses limites. Et que fait le Gouvernement ? Au lieu de réinventer d’urgence ce « modèle économique fragilisé », il prélève 100 millions d’euros, qu’il puise dans le fonds de roulement des établissements en gestion directe du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE.
M. Charles Revet. Incroyable !
M. Olivier Cadic. Cet argent, qui est le fruit d’une bonne gestion, est mis de côté pour dessiner l’avenir. Les parents d’élèves et les chefs d’établissements apprécieront ! Il est plus que temps de faire évoluer la structure de pilotage de l’enseignement français à l’étranger. En cinq ans, le Gouvernement a rendu le réseau exsangue.
Cela m’amène au programme 151, intitulé « Français à l’étranger et affaires consulaires », et plus précisément à l’action n° 2, qui concerne l’accès des élèves français au réseau.
Il faut souligner que le réseau AEFE n’accueille qu’un quart des enfants français vivant à l’étranger. Il ignore les autres. Cela a des conséquences : de plus en plus d’enfants français ne parlent pas français ! On évalue à 15 % les jeunes Français du Royaume-Uni qui ne parlent pas français. En Amérique latine, nous sommes aux deux tiers ! À Annaba, en Algérie, ce sont 80 % des Français qui ignorent notre langue. Le consul m’a dit qu’il était obligé de recourir à un interprète pour dialoguer avec eux.
M. Charles Revet. C’est incroyable !
M. Olivier Cadic. Au début de novembre dernier, on m’a cité le cas de ces Français de Dakar qui ne parlent que le wolof et qui, dès leur majorité, viennent chercher un passeport avant de se rendre en métropole. Quelles chances ont-ils, dans ces conditions, de trouver un emploi et de s’intégrer ? Il faudra bien, un jour, mettre cette question sur la table et transformer l’aide à la scolarité, pour qu’elle bénéficie à tous et donne les mêmes chances à chacun.
Toujours au titre du programme 151 – ce sera mon troisième point –, je souhaite évoquer maintenant l’action n° 1, au titre joliment évocateur : « Offre d’un service public de qualité aux Français de l’étranger ».
D’après les documents budgétaires, on mesure la qualité du service consulaire en fonction des délais de délivrance des passeports et des cartes nationales d’identité. Ces délais sont calculés entre la date du dépôt de la demande au poste consulaire et celle de mise à disposition des documents du demandeur. Ce que le budget n’indique pas, c’est l’augmentation du temps d’attente pour déposer une demande, ni le coût – déplacement, jours de congé… –, ni le temps perdu lorsque le dépôt du dossier est reporté du fait de matériels défectueux.
Ainsi, à cause de la fermeture de postes consulaires, les Français d’Écosse ne doivent plus se rendre à Édimbourg pour une demande de passeport, mais à Londres. Ceux du Paraguay doivent se rendre maintenant à Buenos Aires.
En vingt-six mois, j’ai fait 163 déplacements, dans 51 pays. (Murmures admiratifs sur diverses travées.) Il me paraît utile de saluer ici l’action et l’implication quotidienne des personnels de nos ambassades, de nos sections consulaires, de nos consulats généraux, autant d’équipes au service de nos compatriotes.
Saluer l’action des personnels de manière utile, c’est dire ici pour eux, avec eux, que des logiciels et matériels inadaptés pèsent parfois lourdement sur le niveau de la qualité du service. J’évoquerai, par exemple, le système TES – titres électroniques sécurisés – pour l’instruction des demandes de passeport. La procédure est très banale en apparence, mais les défaillances du système rendent parfois impossible l’instruction des demandes, bousculent toute l’organisation de rendez-vous en ligne et, par voie de conséquence, l’organisation d’autres services, dans de très nombreux postes et ce de manière récurrente.
Un service de qualité est indissociable d’outils éprouvés, surveillés, perfectionnés, nourris par la pratique. Des efforts supplémentaires en équipement sont nécessaires. Ils ne sont malheureusement pas prévus dans ce budget.
Enfin, je dirai quelques mots des consuls honoraires. Répartis en agences, nos consuls honoraires sont autorisés à délivrer des documents administratifs. Ils ont aussi pour mission d’assister des Français en difficulté, ce qui ne manque jamais.
Le Gouvernement leur adresse aujourd’hui un fort mauvais signal en rognant mesquinement leur budget de fonctionnement. Si l’on divise le budget par 512 agences consulaires, cela représente 217 euros par mois de participation. Heureusement que nos consuls honoraires sont bénévoles ! Bénévoles et surtout épris du bien commun. C’est pourquoi ils font avec les moyens du bord, autrement dit avec leurs moyens personnels, bien souvent.
Il faudrait permettre à nos compatriotes de faire leur demande de passeport auprès du consul honoraire, en nous inspirant du système allemand. Cela éviterait de longs déplacements pour nos compatriotes, éliminerait des coûts pour l’administration et participerait au financement des agences consulaires à coût zéro pour nos finances publiques.
Pour conclure, il est bien temps de faire émerger une nouvelle équipe pour s’occuper de ce budget, des gens qui pensent différemment et qui sauront créer un nouvel élan ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le déficit budgétaire est-il une fatalité ? Le chômage doit-il être en permanence deux fois plus élevé que chez nos principaux partenaires ? La dette publique doit-elle sans cesse augmenter ? La réglementation doit-elle toujours être écrasante, paralysante et exponentielle ? Notre droit doit-il être aussi instable et illisible ? La pression fiscale doit-elle être toujours plus forte ?
Le déficit, le chômage, la dette, la réglementation, l’inflation législative, la pression fiscale sont des maux endémiques que vous cultivez, monsieur le secrétaire d’État, et que nous retrouvons de nouveau dans votre projet de loi de finances pour 2017. Ces travers vous collent à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous nous condamnez à la régression.
Par quatre fois, vous avez promis que la dette passerait en dessous de 3 %.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Pas la dette, le déficit public !
M. Éric Doligé. Dès 2013, le Président de la République a pris l’engagement d’inverser la courbe du chômage.
M. Éric Doligé. Monsieur le secrétaire d'État, nous ne sommes pas à l'Assemblée nationale, et vous n’êtes plus député !
À la fin de 2016, nous constatons qu’il y a 550 000 chômeurs de plus. Le Président de la République nous dit avoir tenu son engagement d’inversion ! Un président ne devrait pas dire cela… C’est à l’évidence faux. La dette ne cesse de progresser, avec des taux à la hausse qui vont faire exploser le déficit.
Quant à la réglementation, elle n’a pas vu le choc de simplification. Les contraintes et les tracasseries ne font que progresser. Vous voulez rester dans la continuité d’une politique qui a échoué. Il nous faut une véritable politique alternative, qui engage de vrais changements.
Votre projet de loi de finances pour 2017 met fin prématurément au plan de 50 milliards d’euros d’économies annoncé par le Premier ministre en avril 2014. En effet, 2016 et 2017 sont les années du relâchement budgétaire, avec une succession d’annonces de cadeaux pour des clientèles électorales, rendant impossible la réalisation des 50 milliards d’euros d’économies.
Si nous ne contestons pas la hausse de certains effectifs, rendue nécessaire par le nouveau contexte d’état de guerre à l’extérieur et à l’intérieur de nos frontières, nous déplorons que ces dépenses ne soient pas compensées.
La création de 60 000 postes dans l’éducation nationale coûtera 1,9 milliard d’euros par an pendant quarante ans. Le protocole signé en 2015 sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations des fonctionnaires coûtera de 4,5 milliards à 5 milliards d’euros par an d’ici à 2020. La revalorisation du point d’indice coûtera aux contribuables quelque 2,4 milliards d’euros par an.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Éric Doligé. Sur ces trois postes, vous avez déjà engagé 45 milliards d’euros en cinq ans.
Si François Fillon est élu en mai prochain, nous tiendrons avec lui nos engagements et réaliserons les 100 milliards d’euros d’économies annoncés. Seule la baisse massive de la dépense publique permettra de diminuer les déficits, de réduire la dette et de financer les baisses de fiscalité nécessaires pour relancer la croissance.
Je vous entends déjà, monsieur le secrétaire d’État – je ne risque pas d’entendre nos collègues de l’opposition, puisqu’ils sont absents de cet hémicycle –…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous, nous sommes là !
M. Éric Doligé. … pousser des cris d’orfraie en prétendant que 100 milliards d’euros d’économies c’est impossible.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Dites-nous où vous entendez réaliser ces économies !
M. Éric Doligé. Avec vous aux manettes, oui, je vous le confirme, ce serait impossible ! Mais avec François Fillon, les choses vont changer. Elles doivent impérativement changer.
M. Éric Doligé. Je vais vous le dire.
Vous affirmez qu’il est impossible de faire 100 milliards d’euros d’économies en cinq ans ; pourtant, vous aviez proposé 50 milliards d’euros en trois ans, ce qui équivaut à 85 milliards d’euros en cinq ans !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Les premiers kilos sont les plus faciles à perdre ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. Avec un petit effort, vous auriez été presque aussi vertueux que nous. Notre grande différence est que vous aviez promis de faire 50 milliards d’euros d’économies et ne l’avez pas fait, alors que, nous, nous ferons ce que nous disons.
La France pourrait-elle fonctionner avec une dépense publique diminuée de 100 milliards d’euros ? Serait-ce la casse sociale annoncée ? Est-il impossible de diminuer de 500 000 le nombre de fonctionnaires ? Pour répondre à ces questions, il suffit de se comparer.
La dépense publique en France est la plus forte de l’Union européenne, la Finlande exceptée. Pour parvenir à un taux de dépenses publiques comparable à celui de la zone euro, soit 48,6 %, la France devrait diminuer ses dépenses de 280 milliards d’euros.
M. Éric Doligé. Avec 100 milliards d’euros d’économies, nous serons loin de nos voisins européens.
L’Irlande a réduit dès 2010 son budget de 10 milliards d’euros, soit 7 % du PIB. En France, cela équivaudrait à une réduction de 120 milliards d’euros… La France compte 80 fonctionnaires pour 1 000 habitants. La moyenne européenne est d’environ 60 pour 1 000, soit plus de 30 % de moins qu’en France.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Dites-nous quels sont les secteurs où vous supprimerez ces fonctionnaires !
M. Éric Doligé. On vous le dira, ne soyez pas impatient, monsieur le secrétaire d’État !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Si, nous voulons savoir !
M. Éric Doligé. Le Canada a supprimé 23 % de sa fonction publique en trois ans, entre 1992 et 1995, ce qui équivaudrait en France à une réduction de 1,2 million d’agents publics. Depuis lors, le Canada a ses comptes à l’équilibre et la dette la plus faible des pays du G7.
En France, il est possible de faire aussi bien. Le passage de 35 à 39 heures pour 5,5 millions de fonctionnaires représenterait un gain de temps de travail d’environ 10 %, soit l’équivalent de 550 000 postes.
La lutte contre l’absentéisme en réintroduisant un jour de carence permettrait également de gagner des postes : 1 % d’absentéisme en moins dans la fonction publique, c’est l’équivalent de plus de 50 000 emplois.
La journée de carence, instaurée en 2012 par le gouvernement de François Fillon, avait diminué de plus de 40 % les arrêts d’une journée dans la fonction publique. Depuis sa suppression, en 2014, l’absentéisme est reparti à la hausse.
M. François Grosdidier. Tout à fait !
M. Éric Doligé. La Cour des comptes a mis en lumière ces dérapages, notamment dans la fonction publique territoriale. Elle écrit : « L’évolution des effectifs n’a pas été assez maîtrisée. Le temps de travail est rarement conforme à la durée réglementaire et souffre d’un absentéisme important ».
M. Michel Bouvard. Absolument !
M. Éric Doligé. La Cour précise que la masse salariale de la fonction publique équivaut à près d’un quart des dépenses publiques et qu’elle représente un emploi sur cinq en France, soit la proportion la plus importante dans l’OCDE, derrière celle des pays scandinaves.
Réaliser 100 milliards d’euros d’économies passera par une réduction des effectifs de 500 000 fonctionnaires, ce qui fera économiser plus de 15 milliards d’euros.
Le levier d’économies le plus important concerne les dépenses sociales : le passage à 65 ans de l’âge de la retraite à taux plein pourrait faire économiser 20 milliards d’euros ; 20 autres milliards pourraient être économisés en mettant fin à la dérive des dépenses de santé.
M. Éric Doligé. La refonte des allocations et les effets de la baisse du taux de chômage feraient économiser 10 milliards d’euros.
La politique d’aide au logement mobilise 45 milliards d’euros par an, soit 2,2 % du PIB, faisant de la France la championne d’Europe en la matière. Une réforme est indispensable.
M. Éric Doligé. Nous pourrions également évoquer les dépenses de formation, sur lesquelles une remise en ordre permettrait de réelles économies.
M. Éric Doligé. Lisez notre programme, monsieur le secrétaire d’État ! Tout y est.
De même, une réforme de l’aide médicale d’État, dont le coût a explosé, permettrait de réaliser d’importantes économies.
Voilà quelques exemples, monsieur le secrétaire d’État, pour vous montrer que des économies très fortes sont possibles, si de vraies réformes structurelles sont engagées, ce qu’a refusé de faire François Hollande, a contrario de tous les autres pays européens.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Supprimerez-vous le dispositif Pinel, les APL, ou d’autres aides ?
M. Éric Doligé. Comme le dit François Fillon, « si vous partez de l’idée que ce n’est pas possible, alors nous sommes condamnés à la décadence et au déclin ».
Pour cette raison, je voterai contre ce projet de loi de finances, qui acte, malheureusement pour la France, un nouveau dérapage de la dépense publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. Éric Doligé. Vous êtes trop impatient : encore cinq mois et vous aurez l’alternance !
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard – et à elle seule, mes chers collègues !
Mme Valérie Létard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur deux sujets : le financement du budget de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, et les crédits de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR.
Depuis 2012, les missions de l’ANAH ont été considérablement élargies, faisant de l’agence le principal acteur de l’État dans le champ de la rénovation du logement privé. Si l’on s’en tient au seul programme « Habiter mieux », l’ANAH passera de 50 000 logements rénovés en 2015 à un objectif de 100 000 logements en 2017. Nous n’avons rien contre le volontarisme du chiffre, mais ce dernier doit s’accompagner d’un financement pérenne des actions engagées. Or celui-ci n’est pas garanti par l’ANAH.
En 2016, le produit réel de la mise aux enchères des « quotas carbone », qui constituent une des ressources essentielles de l’ANAH, soit 243 millions d’euros, sera inférieur de 100 millions d’euros au produit attendu. En conséquence, le budget de 2016 ne sera équilibré que par le versement anticipé par Action logement de 50 millions d’euros sur sa participation pour 2017 – on a déjà commencé à gager l’opération de 2017 pour abonder 2016 –…
Mme Valérie Létard. … et par une diminution des dépenses d’intervention, car il a fallu aussi réduire la voilure.
Pour 2017, l’ANAH a construit sa prévision sur un cours à 6 euros la tonne, en ligne avec la hausse du cours intervenue depuis le mois de septembre dernier. Toutefois, comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, rien ne garantit que ce cours plutôt élevé se maintiendra sur la totalité de l’année. Il suffit de voir ce qui vient de se passer.
En outre, 2017 sera la dernière année où des aides du Fonds d’aide à la rénovation thermique, le FART, financées dans le cadre du premier programme d’investissements d’avenir, le PIA, viendront compléter les aides de l’ANAH. Or ces aides ne sont pas anecdotiques, puisqu’elles se sont élevées à 140 millions d’euros en 2015 et 2016 et qu’elles devraient atteindre 185 millions d’euros en 2017, dernière année d’existence de ce fonds.
Le troisième PIA a validé une action, appelée « territoires d’innovation de grande ambition », qui pourrait développer des projets en cohérence avec ceux du programme « Habiter mieux ». Néanmoins, aucun programme chiffré n’est prévu à partir de 2018. L’incertitude règne donc aussi de ce côté-là. Or chacun sait que le programme de l’ANAH « Habiter mieux » sans le FART ne permet pas de boucler des opérations auprès de nos concitoyens propriétaires.
Sur toutes les travées de cette assemblée, nous nous mobilisons chaque année pour abonder le budget de l’ANAH en augmentant la fraction de la taxe sur les logements vacants qui lui est attribuée. Cependant, je tenais à le redire dans ce débat, il n’est plus possible de faire reposer une politique publique majeure sur des financements totalement aléatoires. Nous avons besoin d’engagements pluriannuels, qui rendent l’action publique lisible et efficace et qui optimisent les conditions de mise en œuvre du programme « Habiter mieux » au plan local.
Lors du débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte, j’avais proposé de créer un fonds de financement de l’ANAH, afin de sécuriser et de rendre fongibles les financements d’origines diverses perçus par l’agence, tout en s’efforçant de lisser les fluctuations du produit des « quotas carbone » dans le temps. Cette réforme devient, chaque année, plus urgente et nécessaire.
J’évoquerai brièvement le budget de l’Agence nationale de la recherche, en augmentation cette année de 8,6 % en crédits de paiement. Certes, on ne peut que se réjouir de cette correction après toutes les coupes sévères intervenues dans son budget depuis 2012. À l’origine, elles visaient à recentrer vers les crédits « récurrents » des grands organismes nationaux et à inciter les équipes de recherche à trouver davantage de financements européens.
Comment ne pas constater aujourd’hui l’échec patent du tournant de 2012 ? En 2015, le taux de succès des appels à projets de l’Agence nationale de la recherche est tombé à 9,67 % – il était de 25,7 % en 2005. En 2017, l’Agence nationale de la recherche disposera d’une dotation qui, en autorisations d’engagement, restera inférieure de 56,4 millions d’euros à celle qui était la sienne en 2012 et de 47,3 millions d’euros en crédits de paiement, inférieure à celle de 2013.
De plus, en ce qui concerne la participation de la France au programme « Horizon 2020 » de l’Union européenne, la performance française est en baisse par rapport au septième programme-cadre de recherche et de développement. Cela signifie en clair, monsieur le secrétaire d'État, qu’il y a un manque à gagner d’environ 100 à 600 millions d'euros de retour sur les programmes européens, parce que nous n’arrivons pas à mobiliser des porteurs de projets ni à trouver l’ingénierie nécessaire dans nos organismes pour les soutenir et, ainsi, optimiser notre capacité à récupérer l’argent de l’Europe.
Dès lors, comment juger crédible l’objectif d’un financement de 1 milliard d’euros pour l’ANR fixé par M. Thierry Mandon ? Certes, il fait beaucoup d’efforts. Toutefois, on le voit, cap fluctuant, absence de résultats, c’est malheureusement toute la recherche sur appels à projets qui sort exsangue de ce quinquennat.
Nous le déplorons, car cette dynamique est absolument essentielle dans un pays en pleine mutation économique et qui a besoin de maintenir sa valeur ajoutée au travers d’une politique de recherche ambitieuse et déterminée. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous aurions dû commencer ce jour l’examen du dernier budget de la législature. Nous ne le ferons pas, puisque la motion tendant à opposer la question préalable sera vraisemblablement adoptée, nous privant d’un débat dans l’hémicycle et de notre capacité d’amendement.
À cela s’ajoute maintenant le départ de nos collègues du groupe socialiste et républicain, à l’exception de Mme la présidente de la commission des finances, dont je me réjouis de l’attitude responsable.
Si je comprends et si je puis même partager certains points de l’analyse sur la sincérité du budget, je regrette, à titre personnel, comme je l’ai dit en commission, que nous soyons de ce fait privés de la possibilité de débattre de l’emploi des ressources de l’État sur chacune des missions.
Je regrette aussi que nous nous privions de la possibilité de revenir sur un certain nombre de dispositions du projet de loi du Gouvernement, telles les mesures dites « de variables d’ajustement » pour le financement de la péréquation des ressources des collectivités locales, marquées par une injustice caractérisée, que ce soit dans le prélèvement effectué sur la part allouée aux communes défavorisées des anciens fonds départementaux de taxe professionnelle, les FDTP, ou que ce soit dans le prélèvement sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, la DCRTP.
En effet, le prélèvement sur les FDTP diminuera les dotations de fonctionnement aux communes défavorisées, singulièrement en zone rurale et de montagne, pour réorienter cette ressource, au travers de la péréquation, principalement vers les zones urbaines. Certes, celles-ci ne sont pas toujours les plus aisées, mais, en la matière, on ne fait pas acte de justice en pénalisant les communes défavorisées. C’est la double peine avec la diminution créée par la contribution au redressement des finances publiques !
S’agissant de la DCRTP, le dispositif n’est pas plus juste, car, pour les départements notamment, il ne s’applique qu’à ceux qui perçoivent la DCRTP, c'est-à-dire ceux dont le produit fiscal a diminué avec la réforme de la taxe professionnelle.
Ainsi, la ville de Paris et le département des Hauts-de-Seine, collectivités qui sont parmi les plus riches de France, ne contribuent pas à la péréquation, quand le département du Nord, dont chacun connaît la situation, se verra prélever une partie de ses ressources.
Nous nous privons aussi de revenir sur des votes de dispositions nouvelles introduites à l’Assemblée nationale. Je pense à la suppression de l’exonération des droits de mutation pour les personnes dont la mobilité professionnelle fréquente ne leur a pas permis d’acquérir une résidence principale, mais qui, à l’occasion d’une évolution de leur carrière ou de leur départ en retraite, souhaitaient réaliser leur résidence secondaire en réinvestissant le produit de la vente dans une habitation principale. Là aussi, il s’agit d’une mesure injuste et déphasée par rapport au souhait d’encourager la mobilité professionnelle, indispensable à la dynamique économique.
Par ailleurs, la suppression du dispositif concernant l’écotaxe, qui peut être considéré comme une mise en conformité avec la renonciation à l’activation de celle-ci, prive néanmoins de support juridique les régions qui auraient voulu créer cette écotaxe. Surtout, elle est en contradiction pleine et entière avec le souhait du Gouvernement, manifesté dans la commande à l’Inspection générale des finances d’une étude de l’eurovignette, de pouvoir activer celle-ci, conformément aux besoins de financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, pour le financement des infrastructures transfrontalières.
Je pourrais y ajouter des mesures plus fantaisistes, dont on pourrait sourire s’il ne s’agissait pas de dépenses publiques, comme la niche fiscale créée par l’Assemblée nationale pour la stérilisation des animaux domestiques.
M. Michel Bouvard. Oui, la discussion de la loi de finances, quel que soit le contexte, quelle que soit la sincérité réelle ou non du budget, aurait été utile. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je ne voterai pas la question préalable, au regard de mon attachement à la fonction parlementaire et à notre rôle de législateur.
M. Alain Bertrand. Très bien !
M. Michel Bouvard. Cette position étant exprimée et puisqu’il s’agit du dernier budget de la mandature, je souhaite brièvement livrer quelques réflexions.
La première concerne la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. J’ai beaucoup entendu dire, au cours des réunions de la commission des finances, que la LOLF était une contrainte, parce qu’elle ne permettait pas les transferts de crédits entre missions. C’est vrai. On lui reproche, de ce fait, d’être un frein à la réécriture d’un budget. C’est sans doute vrai aussi.
Pour autant, mes chers collègues, utilisons-nous aujourd'hui toutes les occasions de redéploiement entre programmes d’une même mission au regard de l’efficacité de la dépense publique ? Sincèrement, je ne le crois pas. Les amendements de redéploiement sont l’exception ; ils ne sont pas toujours motivés ou argumentés au regard de l’efficacité de la dépense, alors même que nous disposons souvent des capacités d’analyse dans les travaux menés par les rapporteurs spéciaux, avec l’aide des administrateurs, et dans les notes d’exécution budgétaire délivrées par la Cour des comptes.
Si l’ambition d’une chambre se situant dans l’opposition peut être de réécrire la totalité du budget au regard d’orientations politiques différentes de celle du Gouvernement, il est aussi une ambition plus modeste, mais probablement plus opérante, car elle permet d’aboutir à des analyses partagées : rendre plus efficace la dépense existante.
Ce message s’adresse à chacun d’entre nous, mais l’analyse sur la pratique de la LOLF vise aussi le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, plus particulièrement sur trois points, pour lesquels je considère que nous nous sommes écartés progressivement de la volonté du législateur organique.
Le premier a trait à la maquette budgétaire, dont la stabilité est affectée par des changements trop fréquents, des modifications de périmètres qui sont de confort plus que de nécessité, décidées par le seul exécutif, là où, voilà encore quelques années, des discussions en amont permettaient de se mettre d’accord sur les modifications de périmètres.
Il en est de même sur les indicateurs. Plus personne ne s’intéresse vraiment au contenu des indicateurs, à leur répartition entre les différentes catégories. Certaines observations récurrentes de la Cour des comptes ne sont pas prises en compte, alors même qu’il s’agit de sujets fondamentaux. Je pense, par exemple, à l’absence d’indicateurs sur la politique pénale, pour mesurer la récidive ou l’accomplissement des peines, qui affaiblit notre capacité à mesurer l’efficacité de l’action publique.
Enfin, les mises en réserve de crédits au fil des lois de finances se sont accrues. Les taux n’ont fait qu’augmenter depuis le début de la législature : de 3,29 % en 2013, nous sommes passés à 3,79 % en 2014, à quelque 4,80 % en 2015 et à 6,40 % en 2016. Les taux maximaux sont quant à eux passés de 6 % à 7 %, puis à 8 %.
Or ces mises en réserve ne s’avèrent pas toujours nécessaires au regard des annulations qu’il convient de réaliser. Ce matin, le rapporteur général nous indiquait, à l’occasion de l’examen du décret d’avance, que 1,2 % des autorisations d’engagement et 1,6 % des crédits de paiement avaient été annulés, alors que les crédits mis en réserve s’élèvent à 8 %. Pourquoi avoir accru dans une telle proportion les mises en réserve, alors que les gestionnaires de budgets opérationnels de programme, ou BOP, ont besoin d’une lisibilité sur l’ensemble de l’année.
Pour terminer, j’évoquerai très rapidement la politique immobilière de l’État, que je ne pourrai aborder au titre de ma fonction de rapporteur spécial. Sur cette politique, que la LOLF a rendue transparente, je veux saluer, d’une part, la rénovation du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » et son recentrage, qui unifie les vecteurs budgétaires de l’État propriétaire, et, d’autre part, les progrès accomplis dans la gestion du parc au travers des schémas directeurs immobiliers en région et le meilleur suivi du renouvellement des baux. La création de la direction immobilière de l’État constitue aussi une avancée.
En dépit de ces avancées, il faut malheureusement constater que la modification du périmètre du CAS et l’affectation de redevances domaniales, estimées à 85 millions d’euros, s’accompagnent d’une diminution de 6,2 % en autorisations d’engagement et de 7 % en crédits de paiement des crédits destinés au financement des dépenses immobilières de l’État propriétaire, et donc de l’entretien du patrimoine. Cette diminution, monsieur le secrétaire d’État, contredit le discours que vous avez prononcé lors de l’ouverture de la première conférence nationale de l’immobilier public le 6 juin dernier.
De même, si le CAS voit supprimer la contribution obligatoire au désendettement de l’État pour financer les dépenses lourdes de l’État propriétaire, ce dont on peut se réjouir, il continuera néanmoins à porter des versements au profit du budget général.
La clarification de la politique immobilière de l’État n’est donc encore que partiellement mise en œuvre.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Michel Bouvard. Je m’achemine vers ma conclusion, madame la présidente.
C’est pourquoi je souscris dorénavant à l’idée émise par la Cour des comptes de la mise en place d’un programme budgétaire unique pour les dépenses immobilières, sous la responsabilité de la nouvelle direction immobilière de l’État, le CAS ne représentant que 10 % de crédits éclatés entre quarante-quatre programmes.
Les opérateurs restent encore trop souvent l’angle mort de la politique immobilière de l’État. Sept ans après la circulaire dont j’avais obtenu la publication par le Premier ministre François Fillon, cinq opérateurs n’ont toujours pas engagé la comptabilisation de leur patrimoine immobilier et trente-cinq ne l’ont pas achevée. Qui plus est, certains opérateurs, comme la Masse des douanes, n’ont pas d’existence budgétaire, malgré un parc de 3 300 logements dans les documents remis au Parlement. Il appartiendra au prochain gouvernement, quel qu’il soit, de mettre un terme aux conflits d’objectifs qui polluent la politique immobilière de l’État, de lui donner une vision de long terme sur la gestion de la valorisation du patrimoine et de mieux appréhender le parc de logements de l’État, dont la gestion est trop souvent opaque. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.
M. Jean-Jacques Lasserre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’agissant du budget réservé à l’agriculture pour 2017, c’est dans un contexte toujours aussi sombre que nous engageons cette discussion. Je pense notamment aux filières laitière, porcine, palmipède et aux grandes cultures.
Disposant d’un temps de parole limité, je souhaite mettre l’accent sur trois thématiques fondamentales autour desquelles le projet de loi de finances pour 2017 aurait dû davantage s’articuler : la gestion des risques climatiques, la modernisation des exploitations et la compensation des handicaps naturels.
En ce qui concerne le premier point, il est nécessaire de passer à la vitesse supérieure en matière de gestion des risques climatiques dans les exploitations agricoles, notamment pour répondre à des phénomènes du type de ceux que nous avons connus en 2016. Or rien n’est fait pour encourager l’assurance, et je le regrette.
Une enveloppe de 100 millions d’euros est prévue pour subventionner la souscription de contrats d’assurance par les agriculteurs en 2017. Depuis 2016, cette enveloppe est intégralement prise sur des crédits européens, et il n’y a plus de cofinancement national. Les agriculteurs ont donc deux options : au niveau individuel, la déduction pour aléas, ou DPA, est une formule qui a montré ses limites et qui ne constitue pas une solution généralisable, même si elle doit être encouragée ; au niveau collectif, le développement de l’assurance multirisque climatique nous semble être le point sur lequel nous devons faire porter nos efforts. Le taux de couverture a régressé depuis 2013 en grandes cultures. En 2016, cette baisse semble enrayée, mais la couverture assurantielle est encore très partielle : 26 % des surfaces seulement en grandes cultures.
Il y a là un véritable enjeu, sur lequel nous devons travailler, comme nous l’avons déjà souligné lors de débats précédents. Nous prendrons d’ailleurs quelques initiatives sur ce sujet, qui est entièrement de notre responsabilité. Chacun sait que l’agriculture est trop fragile pour que nous ne trouvions pas de solutions aux risques qu’elle peut encourir. Nous déplorons donc que le Gouvernement reste en retrait sur le sujet, en dépit de nos demandes.
J’en viens au deuxième point : la nécessité de moderniser les exploitations agricoles et le soutien à l’investissement, très difficile en temps de crise.
Il ne s’agit évidemment pas d’encourager les agriculteurs à investir tous azimuts, quitte à s’endetter au-delà du raisonnable, mais il est indispensable de soutenir les investissements qui permettent d’améliorer la compétitivité et la performance des exploitations.
Au-delà des lignes budgétaires que je n’ai pas le temps de détailler, j’insiste sur la nécessité de tout mettre en œuvre, dans les services de l’État et les établissements publics rattachés, pour ne pas freiner la dynamique d’investissement.
J’aborderai enfin la question de la compensation des handicaps naturels, sur laquelle une vigilance toute particulière doit s’exercer cette année, puisqu’une révision de la carte est en préparation.
Cette aide vise à maintenir l’activité agricole dans les zones défavorisées. Or l’inquiétude actuelle porte sur le projet de nouvelle carte des zones défavorisées, comme je vous l’avais déjà signalé lors d’une précédente intervention, monsieur le secrétaire d’État.
L’application stricte des critères européens conduit à écarter du bénéfice de l’ICHN de très nombreuses exploitations ; des départements entiers ne bénéficieront plus de cette indemnité.
M. François Bonhomme. Une hécatombe !
M. Jean-Jacques Lasserre. Les 10 % d’augmentation des surfaces possibles ne dissipent pas nos craintes de voir des zones entières rayées de la carte. Je sais que des améliorations ont été apportées dernièrement, mais la nouvelle carte doit être présentée au plus tard le 1er avril 2018.
Je souhaiterais que nous puissions revenir ultérieurement sur ces trois éléments que je viens de développer, qui sont étrangement absents du débat budgétaire. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. - M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapport de la Cour des comptes sur l’efficacité des dépenses fiscales relatives au développement durable dresse un bilan peu flatteur de la politique énergétique et fiscale conduite depuis 2012. Lorsqu’on se souvient que le Grenelle de l’environnement avait rassemblé largement, toutes sensibilités politiques confondues, on mesure, à l’aune des atermoiements, renoncements ou reniements de la majorité présidentielle depuis 2012, l’absence de cap et de vision, qui a finalement été la marque de fabrique des gouvernements successifs.
Si certains membres de la majorité gouvernementale considèrent mon propos comme partial, qu’ils écoutent les remarques des magistrats, qui soulignent, eux, le « manque de lisibilité, de clarté, de cohérence et l’absence d’étude d’impact ».
Que nous dit la Cour des comptes ?
S’agissant du logement, déclaré grande priorité gouvernementale, les dispositifs sont, selon les mots de la Cour des comptes, « mal articulés entre eux ». La Cour évoque un possible effet d’aubaine en ce qui concerne la TVA à 5,5 % instaurée en 2014 pour les travaux de rénovation d’un logement. Cette dépense de 1 milliard d’euros en 2015 est notamment alimentée par une assiette trop large, incluant par exemple des travaux de peinture se rattachant difficilement aux impératifs de développement durable. Le rapport conclut à des « résultats décevants ».
Une autre déception porte sur la politique menée dans le domaine de la fiscalité sur l’énergie et les transports. Il est noté la persistance de contradictions entre les différentes interventions publiques. Les dépenses fiscales considérées comme favorables au développement durable se trouvent annihilées par l’accumulation de mesurettes sectorielles se substituant à l’absence de stratégie industrielle de la part de l’exécutif.
Malheureusement, le « saupoudrage » que dénonce ce rapport se retrouve également dans les interventions en faveur des espaces naturels remarquables ou de la forêt. Dans ce domaine, l’indétermination de la politique gouvernementale se fait au détriment des communes rurales.
La Cour des comptes remarque, pour mieux en souligner l’importance, que l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti en faveur de la protection du patrimoine naturel est de moins en moins compensée par l’État. Vous conviendrez que c’est paradoxal, mes chers collègues. Une telle situation pose à ces collectivités de graves et sérieuses difficultés financières et témoigne, une fois de plus, du désengagement de l’État dans les territoires ruraux. Un désengagement coupable et dangereux, qui alimente l’exaspération, le sentiment de défiance et la colère des habitants de ces territoires.
Ce rapport de la Cour des comptes illustre en creux l’échec, sur le fond, de la politique du Gouvernement et la « légèreté insoutenable » avec laquelle vous gérez, monsieur le secrétaire d’État, les comptes publics.
Le candidat François Hollande avait déclaré vouloir faire de son mandat celui de la justice fiscale au service du développement durable. Force est de constater que les gouvernements successifs, comme les ministres, au nombre de quatre, auront grandement échoué à remplir ces objectifs.
Concernant la justice fiscale, la multiplication des dépenses fiscales relatives au développement durable est à l’image de l’inconstance de la majorité dans ce domaine. La Cour des comptes dénonce, notamment, des dispositifs complexes et trop souvent réformés. Cette complexité est avant tout la conséquence logique de l’absence de stratégie globale. Les sages de la rue Cambon notent ainsi l’absence d’évaluation de l’efficacité de ces dépenses fiscales ; pis, aucune revue d’ensemble de celles-ci n’a été effectuée depuis le fameux rapport Guillaume d’août 2011.
Permettez-moi de reprendre la question soulevée par le rapporteur général de notre commission des finances : « Ne pensez-vous pas qu’il serait plus efficace de prévoir un dispositif unique de dépenses budgétaires permettant, par exemple, d’engager de véritables programmes de rénovation thermique ? »
Finalement, qu’est devenue l’ambition de faire de la France « la nation de l’excellence environnementale », affichée lors de la conférence environnementale pour la transition écologique de l’automne 2012 ? Les résultats paraissent bien minces et manquent singulièrement de lisibilité, à l’exemple de la conduite inconséquente du dossier de l’écotaxe, dont l’abandon est définitivement confirmé par l’article 48 bis du projet de loi de finances que nous examinons. À cet égard, je veux souligner la justesse et la pertinence de l’avis de notre collègue rapporteur spécial Marie-Hélène Des Esgaulx, qui avait déploré « un désastre financier insoutenable ». Désastre financier auquel il convient d’ajouter le coût de la pollution de l’air, estimé par la commission d’enquête que j’ai eu l’honneur de présider en 2015 à près de 100 milliards d’euros par an. Nous déplorions le coût de l’inaction ; elle se poursuit !
Si l’on ajoute à cela le recul sur l’instauration unilatérale d’un prix plancher du carbone et la politique de déconstruction de notre industrie nucléaire, on en conclut avec inquiétude que le chemin nous conduisant vers une économie décarbonée n’est pas encore pour demain. Il est d’ailleurs à déplorer que ce quinquennat n’ait pas été en mesure d’insuffler une dynamique positive au service d’une réforme cohérente de notre système fiscal, tout en ayant le souci de son verdissement. En témoigne la démission, en 2014, du président du comité pour la fiscalité écologique, l’économiste Christian de Perthuis, qui s’était déclaré « découragé » par la politique du Gouvernement.
Plus encore qu’un programme de gouvernement illisible, c’est une méthode d’action qui est remise en cause. La Cour rappelle, par exemple, que, au cours de la conférence fiscale de 2013, la direction de la législation fiscale avait proposé la suppression de six dépenses fiscales pour une économie potentielle de 90 millions d’euros. Trois ans plus tard, seules deux dépenses ont été supprimées, les quatre autres ayant été augmentées.
Mes chers collègues, le bilan de la politique énergétique et fiscale du Gouvernement est donc bien un miroir aux alouettes,…
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-François Husson. … un miroir destiné à nous rappeler que ce quinquennat socialiste finissant aura été celui de la permanence dans l’idéologie et de l’inconstance dans l’action. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne saurais en cinq minutes faire l’inventaire de tous les points, de toutes les incertitudes, voire de toutes les insincérités qui justifient l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable. Je me focaliserai donc sur les sujets qui relèvent des travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des affaires européennes.
Plusieurs de nos rapporteurs se sont émus d’observer que notre politique européenne n’était plus inscrite comme objectif prioritaire de la mission « Action extérieure de l’État ». Bien que cela ait surtout une portée symbolique, je rappellerai que, depuis 2004, le Conseil constitutionnel estime que les questions européennes ne peuvent plus être considérées comme des questions internationales, mais comme des sujets d’ordre intérieur, au même titre que la sécurité, la santé ou toute autre politique publique. Dès lors, et ce n’est pas si choquant, la politique européenne pourrait, si l’on suit le raisonnement du Conseil constitutionnel, être imputée à bon droit sur la coordination de l’action du travail gouvernemental ou sur les crédits dédiés au ministère de l’intérieur.
Je partage cette idée et, à ce titre, il est manifeste que notre maquette budgétaire et notre découpage administratif ne sont plus en phase avec la réalité des questions européennes et la dynamique de l’Union. Aussi, je profite de ce débat pour proposer, parallèlement au ministère des affaires étrangères, et au même rang que lui, la création d’un véritable ministère des affaires européennes de plein exercice.
Depuis 2002 – c’est honteux pour nous –, nous avons eu douze ministres délégués et secrétaires d’État aux affaires européennes. Or l’Union est devenue à ce point incontournable qu’on ne peut plus envoyer aux réunions ministérielles un simple secrétaire d’État, qui, quelles que soient ses qualités, ne bénéficie pas de l’autorité suffisante pour se faire entendre de ses pairs étrangers. Ce ministre serait compétent pour toutes les questions de nature européenne et disposerait de la tutelle sur le réseau diplomatique français orienté vers les pays européens. Ainsi, les vingt-huit États membres de l’Union européenne seraient considérés non plus comme des puissances étrangères, mais comme des pays voisins dont les relations réciproques seraient suivies et entretenues par ce grand ministère européen.
Nous devons en effet nous préparer aux mouvements à venir dans l’Union. À titre d’exemple, le Brexit posera fatalement la question du rôle des États en matière de financement de l’Union européenne. Le Brexit rouvrira donc la question des rabais, dont la France ne bénéficie guère, et celle des modalités de compensation de l’effort que les pays entrés en 2004 dans l’Union, la Pologne notamment, ont dû consentir au moment de la renégociation du rabais britannique lors du Conseil européen de juin 2005. Une bataille diplomatique et budgétaire se dessine donc dès maintenant au sein de l’Union de l’après-Brexit, et il serait opportun d’avoir un département ministériel dédié à ce type d’enjeux.
Nous pourrions d’ailleurs symboliquement installer ce nouveau ministère sur le site de l’îlot Saint-Germain. Ce serait en effet un symbole fort que d’installer sur l’ancien site du ministère de la guerre, là où le général de Gaulle avait son bureau, ce grand ministère de la paix. Du moins, ce serait un exemple de gestion plus stratégique du patrimoine immobilier de l’État que le projet prévu pour l’heure d’une vente à bas prix de ce site à la Ville de Paris, alors que celle-ci dispose déjà d’un capital immobilier de plus de 25 milliards d’euros.
Le ministère des affaires étrangères pourrait ainsi se redéployer opportunément vers les aires extra-européennes, notamment l’Asie et l’Afrique. Cette nouvelle orientation stratégique faciliterait par ailleurs la gestion du patrimoine de ce ministère, mise en cause par le travail de notre commission. Ce redéploiement ne concernerait que marginalement notre politique d’aide au développement, qui gagnerait à être fédéralisée à l’échelon de l’Union.
Contre ceux qui pensent que le fédéralisme est une dissolution des nations, je crois au contraire, à l’instar de Robert Schuman, qu’il s’agit de construire des solidarités concrètes entre États. Après la CECA, la PAC et l’euro, nous gagnerions à fédéraliser l’APD. En effet, bien que la compétence APD soit partagée entre les Vingt-Huit et l’Union selon l’article 208 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’ensemble européen fournit environ 55 % de l’aide publique au développement et constitue ainsi le tout premier bailleur mondial, pour un montant collectif de près 55 milliards d’euros en moyenne.
Le Consensus européen pour le développement de 2005 a fait de l’élimination de la pauvreté, dans le cadre d’un développement durable, le principal objectif de l’aide, mais, en pratique, l’émiettement du financement nuit à son efficacité. Nous observons tantôt, selon les équilibres de la gouvernance européenne, que l’aide bénéficie soit à l’aire moyen-orientale et africaine, soit à l’Europe de l’Est. Ce mouvement de balancier est d’autant plus dommageable que, si nous parvenions à consolider ce levier de 55 milliards d’euros, nous pourrions effectivement conduire des projets de grande ampleur, notamment à destination de l’aire méditerranéenne, qui nous inquiète actuellement et qui souffre gravement des écarts de développement entre l’Union et de nombreux pays africains.
Avec une politique d’APD consolidée au niveau fédéral, le plan pour l’électrification de l’Afrique de Jean-Louis Borloo pourrait être intégralement financé en quelques années, sans nuire pour autant à l’accompagnement de notre partenariat oriental. Ces flux financiers soulageraient également notre politique de sécurité aux frontières, notamment au regard du sort réservé à tous ces migrants qui empruntent les routes maritimes de la Méditerranée pour rejoindre le sol européen. (MM. Vincent Capo-Canellas, Daniel Gremillet, Jackie Pierre et Charles Revet applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voici venu le dernier budget de la mandature, budget qui aurait dû traduire en actes le « redressement du pays » après cinq années d’exercice.
Dans un même mouvement, les hypothèses macroéconomiques et les prévisions de recettes se veulent toujours plus « volontaristes », tandis que les dépenses se relâchent.
Ce budget, le dernier du quinquennat de François Hollande, relève de la tartufferie : il faut, coûte que coûte, passer le déficit sous les 3 %, objectif que le Président de la République avait affirmé atteindre en 2013, du temps où il était adepte des anaphores et des serments électoraux. Nous n’avons donc que quatre ans de retard…
Mais, voilà, les reports de dépenses et les avances de recettes atteignent des proportions inédites. Simulation des recettes, dissimulation des dépenses… Ce travers est pratiqué avec méthode dans ce budget. C’est même sa marque de fabrique. Ainsi, plus d’une dizaine de milliards d’euros de dépenses, budgétaires ou fiscales, ont été repoussés de 2017 à 2018, en transformant notamment des baisses de charges en crédits d’impôt.
M. François Bonhomme. De même, le Gouvernement n’a pas hésité, pour atteindre ses objectifs, à effectuer des prélèvements sur recettes et à avancer en 2017 le paiement d’impôts dus en 2018.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ça, c’est vrai !
M. François Bonhomme. Autrement dit, le tour de passe-passe habituel, quand on ne sait plus quoi faire…
Rendez-vous est pris à l’été 2017, monsieur le secrétaire d’État, au moment de l’autopsie budgétaire, qui mettra au jour la vérité sur ce budget. Le prochain gouvernement se fera médecin légiste.
M. Alain Bertrand. Vous n’avez pas encore gagné ! Attendez le résultat de l’élection !
M. François Bonhomme. Il risque de découvrir la confirmation de cette tromperie et la nécessité d’une correction inévitable durant l’été prochain, c’est-à-dire au moment où la réalité budgétaire, qu’on occulte aujourd’hui, sera incontournable. J’ajoute que Bercy fait fi du principe d’annualité posé par la loi organique. Sa créativité et son inventivité au service de la dissimulation s’expriment à plein !
À rebours d’un affichage électoral où le Gouvernement a beau vanter la diminution du poids de la dépense publique, qui selon lui reculerait à 55,9 % du PIB en 2017, soit près d’un point de moins qu’en 2012, l’année 2017 sera marquée par une accélération des dépenses cumulées de l’État, des collectivités territoriales et des régimes sociaux, à hauteur de 1,6 % par rapport à l’exercice précédent. Ainsi, l’État devrait dépenser près de 10 milliards d’euros nets de plus qu’en 2016 en raison des mesures destinées à financer les nouvelles priorités.
Autres affichages : l’éducation nationale, avec la création de plus de 11 000 postes, et le ministère de l’emploi, qui bénéficiera d’une rallonge supplémentaire de 2 milliards d’euros.
La progression très rapide de la masse salariale – 4 % –, due non seulement à la hausse programmée des effectifs, mais aussi à la revalorisation du point d’indice et à la réforme des carrières, fait peser de fortes tensions sur le budget.
Par ailleurs, concernant les comptes sociaux, à la sous-estimation des dépenses de santé s’ajoute la prévision totalement irréaliste des économies prévues sur l’UNEDIC, alors que la hausse du chômage en 2017 pourrait engendrer une dépense supplémentaire de l’ordre de 1,2 milliard d’euros.
Enfin, je note l’absence de toute mesure significative d’économies clairement documentée et la sous-budgétisation récurrente de certaines missions, qui pourrait atteindre plus de 5 milliards d’euros selon notre commission des finances.
Tout cela rend illusoire le respect des objectifs de dépenses énoncés par Bercy. Il faut rappeler ici que le Gouvernement a admis que l’objectif d’économiser 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017 ne serait pas tenu ; le projet de loi de finances pour 2017 ne s’engage en effet que sur la réalisation de 41,8 milliards d’euros.
D’ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques ne devrait pas tarder à être taxé d’être un repaire d’ultraréacs ou de moyenâgeux, comme tout ce qui résiste à l’incantation et ne se laisse pas aller à l’autopersuasion devant une réalité contraire qui s’obstine. Il estime en effet que les risques pesant sur les dépenses sont plus importants en 2017 que les années précédentes et que, en raison des hypothèses économiques optimistes retenues dans le projet de loi de finances sur les prévisions de recettes, la réduction du déficit prévue dans le budget est « hautement improbable ». Quand on connaît la prudence langagière de ce genre d’institution, on peut s’inquiéter !
Notre commission des finances a calculé qu’une estimation des dépenses, qui serait sincère et sans artifices liés à des reports à 2018 de certaines d’entre elles, devrait majorer les prévisions de dépenses de 15,1 milliards à 16,1 milliards d’euros pour 2017. Ce dérapage des finances publiques et ce report de charges sur 2018 et au-delà constituent une véritable bombe à retardement pour le prochain gouvernement. On le voit bien, la réalité des comptes publics est devenue un enjeu de la campagne présidentielle qui s’annonce, et le projet de budget qui nous est soumis n’engage, de ce fait, personne.
Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez croire, comme le docteur Coué, à l’efficacité de l’autosuggestion et au rôle déterminant de l’imagination. Le docteur Coué disait de cette méthode, érigée ici en système : « Vous allez voir, ça va vous faire beaucoup de bien, et ce n’est qu’un début ! » Mais le budget du Gouvernement n’a même pas de principe actif…
Dans ce contexte, il est possible que l’histoire retienne de l’époque qui s’achève une constante : le quinquennat de François Hollande, malgré l’alignement des planètes qui ne lui est pas imputable, aura été celui de l’anti-alchimiste, celui à qui on donne de l’or et qui en fait du plomb ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la solennité d’une motion tendant à opposer question préalable a l’immense mérite d’indiquer très clairement à l’opinion publique que l’opposition n’a pas du tout l’intention d’accompagner un pouvoir en place depuis quatre ans et demi dans tous ses abandons.
Abandon de l’excellente idée d’une meilleure compétitivité pour l’industrie de notre pays ! Souvenez-vous, il y a quatre ans, nous discutions du plan Gallois. Sur trente mesures, une seule a été retenue, celle du CICE, dont tout le monde reconnaît aujourd’hui qu’elle a été mal ciblée, plutôt coûteuse et qu’elle a surtout profité à la grande distribution. Alors que M. Gallois entendait privilégier la production industrielle nationale, vous avez privilégié la consommation, alors que beaucoup de produits sont importés.
Abandon du plan d’économies de 50 milliards d’euros promis aux autorités européennes, qui portait le très beau nom de « pacte de responsabilité » ! Vous tentez de le masquer grâce à quelques acrobaties budgétaires, mais c’est un abandon pur et simple.
Pour illustrer l’irresponsabilité du moment, il faut savoir que chaque déplacement ministériel coûte à peu près 1 milliard d’euros et que des crédits d’impôt ont été reportés sur les exercices ultérieurs. Vous faites un geste pour les entreprises, en passant le CICE de 6 % à 7 %, mais le paiement de cette créance, qui sera bien inscrite en 2017 dans les comptes des entreprises, n’interviendra en fait qu’en 2018. Vous faites de même pour les emplois à domicile : il en résultera une « petite » facture de 4,3 milliards d’euros pour vos successeurs.
Abandon du choc de simplification administrative ! Je pense en particulier au magnifique chef-d’œuvre qu’est la loi Égalité et citoyenneté.
M. Antoine Lefèvre. Quel choc, en effet !
M. Francis Delattre. Elle porte en réalité une recentralisation rampante du code de l’urbanisme, qui va conduire directement à la prochaine crise dans la construction de logements et au chômage qui va avec. Bis repetita de la loi Duflot, dont de nombreux décrets d’application ne sont heureusement pas sortis.
M. Henri de Raincourt. La ministre, elle, est sortie !
M. Francis Delattre. Espérons qu’il en sera de même pour cette nouvelle loi, merveilleuse invention de dernière minute, dont les intentions sont uniquement politiques et qui ne pourra que renforcer encore plus la bureaucratie.
Abandon massif – c’est plus grave encore – des crédits affectés à la recherche, donc à l’avenir ! Vous avez pris deux décrets d’avance particulièrement nocifs, puisqu’ils ont modifié en profondeur l’affichage de la loi de finances et les moyens réels affectés à des programmes engagés et aux grandes institutions de recherche. Sept prix Nobel ont dénoncé un naufrage et l’opposition une manipulation, puisque ces crédits ont été détournés vers le financement impromptu de 500 000 stages, qui ont surtout le mérite de dégonfler les statistiques du chômage.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Francis Delattre. Abandon de la protection des données personnelles des salariés dans le projet de loi de finances ! Avec la mensualisation de l’impôt sur le revenu, les entreprises, qui ne le demandaient surtout pas, disposeront de toutes les informations nécessaires au calcul de l’impôt. Ainsi, le citoyen déclarant ses impôts redeviendra un sujet fiscal pour nos belles administrations. Cette gauche devrait relire Marx et les conditions de l’aliénation des travailleurs, seuls concernés par cette réforme avec les retraités.
Abandon de la modernisation du marché du travail ! De concessions en concessions et au fil des manifestations, le projet initial a été dénaturé, malgré l’utilisation du 49.3, laissant la CFDT conspuée par les hystériques de la lutte des classes. Nous avons donc assisté à l’accouchement d’une loi touffue, qui ne responsabilise personne.
Abandon de toute éthique, voire de toute pudeur dans la communication budgétaire ! Aucun observateur sérieux ne peut constater une baisse de plus de 40 milliards d’euros des prélèvements sur les entreprises depuis 2012, ce qu’affirme pourtant solennellement le Président de la République. En outre, le projet de loi de finances pour 2017 ne prévoit toujours pas la suppression de la C3S, comme cela était pourtant annoncé, alors que le CICE, malgré tous les avantages qu’on lui prête, n’a finalement donné son plein effet que sur deux exercices.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous allez donc le supprimer ?
M. Francis Delattre. Nouvelle astuce budgétaire : la dépense du CICE sera reportée sur les années qui viennent pour un coût de 3,5 milliards d’euros.
Les entreprises françaises qui figurent dans le club des cent premières mondiales – Total, LVMH, L’Oréal, Sanofi – existaient déjà avant-guerre et aucune ne porte les couleurs des nouvelles technologies, alors que les quatre premières entreprises américaines – Apple, Alphabet, Microsoft, Facebook – ont vingt ans ou moins et portent ces nouvelles technologies. Pourtant, dans les comparatifs mondiaux, la France demeure compétitive en matière de brevets, de start-up, d’entreprises innovantes, mais qu’avez-vous fait pour qu’elles puissent se développer en France ? Qu’avez-vous fait pour soutenir un véritable renouvellement du tissu industriel ? Qu’avez-vous fait pour un meilleur accès au capital de ces pépites qui partent en Amérique du Nord ou ailleurs, la Chine par exemple si on pense à la dernière entreprise concernée, eDevice ?
Comme réponse, vous n’avez que la BPI, qui est certes nécessaire et utile, mais qui n’induit environ que 40 milliards d’euros d’investissements pour les entreprises, contre 900 milliards d’euros pour le système bancaire. Il eût fallu améliorer le système et assouplir les règles au profit des nouvelles entreprises, afin qu’elles puissent se développer.
La farce sur l’imposition des actions distribuées gratuitement, mécanisme que la loi Macron avait mis en place au profit des start-up, est particulièrement édifiante quant aux marqueurs idéologiques qui vous entravent pour entrer dans une modernité qui recherche plus la réussite d’un projet qu’une rente.
Enfin, je souhaite dire quelques mots sur la réduction continue des crédits des chambres de commerce et d’industrie, qui constituent pourtant le meilleur partenaire qui soit pour les formations en alternance. Dans un pays qui bat des records de chômage – 25 % chez les jeunes, contre 7 % en Allemagne, où ce type de formations est très important –, comment avez-vous pu vous obstiner pendant cinq ans à diminuer les crédits de ceux qui sont nos meilleurs alliés en la matière ?
Sur tous ces dossiers stratégiques, vous n’avez rien fait de sérieux. M. Hollande attendait un retournement de cycle pour améliorer un bilan détestable…
L’économie n’est pas une science exacte, mais une matière vivante qui intègre beaucoup de psychologie et encore plus de confiance. Avec des impositions à 75 % affichées dans un programme électoral comme des futurs trophées, l’hypothèque de ce quinquennat était malheureusement déjà enregistrée.
Le niveau des prélèvements obligatoires et confiscatoires à 46 % démoralise les ménages, paralyse l’initiative privée et accélère la fuite des patrimoines. La surfiscalisation, que vous avez aggravée, est devenue un obstacle majeur au redressement du pays. Refuser de l’admettre est une faute !
Quand un gouvernement réussit le double exploit d’atteindre des sommets en matière de prélèvements obligatoires et de porter à 2 170 milliards d’euros le montant de la dette, ainsi proche de 100 % du PIB, le Haut Conseil des finances publiques, présidé par le plus haut magistrat de la Cour des comptes, n’est pas une machine à générer de l’anxiété, comme cela a été dit à l’Assemblée nationale, mais le garde-fou de tous vos dérapages.
Pour toutes ces raisons, la motion de censure déguisée que nous présenterons est une bonne chose, et je suis heureux de pouvoir, avec nombre de collègues, la porter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les plus optimistes d’entre nous avaient pu se laisser aller à penser que le projet de loi de finances pour 2017 se présentait sous les meilleurs auspices pour les collectivités locales. En effet, le Président de la République avait annoncé, en mai, que la contribution au redressement des finances publiques serait réduite de moitié pour le bloc communal. En outre, le Gouvernement disposait, pour travailler, de ce que je qualifierais de l’excellent rapport transpartisan des deux assemblées, qui l’invitait à différer d’un an la nécessaire réforme, tout en lui suggérant les points urgents à réformer, le tout corroboré par les recommandations du Comité des finances locales. Bref, les conditions étaient idéales pour réaliser un consensus sans faille. Or tout laisse à penser que nous n’avons pas été entendus et que nous ne le serons pas plus aujourd’hui…
Le premier différend porte sur l’extension des variables d’ajustement, qui constituent, comme leur nom l’indique, le réservoir permettant de moduler les variations des dotations à l’intérieur de l’enveloppe normée. Pour faire face aux 790 millions d’euros de besoins, montant jamais égalé, le Gouvernement – ce n’est pas sa première tentative – veut élargir le périmètre à la DCRTP ainsi qu’aux fonds départementaux de la taxe professionnelle et au panier des anciennes compensations fiscales.
M. Michel Bouvard. C’est scandaleux !
M. Charles Guené. De cette manière, il peut financer, pour une très large part – environ 300 millions d’euros –, les conséquences de l’exonération de la demi-part des veuves, qui lui incombe, au détriment des collectivités locales.
Le Gouvernement préempte également les variables d’ajustement pour abonder une partie de la péréquation verticale, notamment les 180 millions d’euros supplémentaires de la DSR destinés à la porter au niveau de la DSU. Les bénéficiaires pourraient s’en réjouir, si les variables réintégrées ne concernaient pas les départements et les régions les plus pauvres, ceux qui disposaient naguère de taux de taxe professionnelle élevés, en général ruraux ou à fort potentiel industriel, c’est-à-dire ceux qui ont pâti de la réforme de cette taxe. La péréquation verticale progresse donc, mais au détriment de la péréquation horizontale…
En ce qui concerne le FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – aussi dénommé fonds de péréquation horizontale –, le rapport parlementaire comme vos rapporteurs spéciaux avaient requis la prudence et préconisé au Gouvernement un statu quo dans le montant comme dans la répartition, recommandant de faire la somme des dotations de 2016 au sein des futures intercommunalités, afin de ne pas ajouter au séisme de la nouvelle carte, en garantissant ainsi les chiffres dès maintenant.
Dans ces conditions, nous aurions pu, en juin 2017, examiner utilement les situations à la lumière de la nouvelle répartition et ainsi corriger le texte au regard de cette architecture.
Là aussi, le Gouvernement, qui avait prévu de remettre au Comité des finances locales, dès septembre, un rapport sur les projections pour l’année prochaine, a choisi de reporter « la surprise » à juin 2017 – date que je n’ai pas choisie… –, tout en imposant de nouveaux chiffres.
Si le correctif d’une garantie de sortie en trois ans – 90 %, 75 % et 50 % – est le bienvenu, il ne protégera toutefois pas des très fortes variations, qui ne seront connues qu’en milieu d’exercice.
Les rapporteurs spéciaux proposent au Gouvernement, s’il veut bien s’en inspirer en temps utile, de proroger définitivement ce système de sortie en sifflet, au-delà de 2017, et d’en profiter pour établir le calcul au 1er janvier de chaque année à partir des variables connues à cette date, pour que les collectivités en disposent lors du vote de leurs taux d’imposition. C’est, là aussi, une demande de tous les élus.
De la même manière, nous nous étonnons que le Gouvernement ait accepté, alors que le FPIC reste figé, que le FSRIF fasse l’objet d’une hausse de 20 millions d’euros. Si nous notons, à cet égard, que le taux de plafonnement des prélèvements est porté de 13 % à 14 %, nous ne voyons pas en quoi la situation de l’Île-de-France appelait un traitement particulier.
M. Francis Delattre. Très bien !
M. Charles Guené. Avant de poursuivre, je voudrais revenir sur certaines préconisations qu’avait suggérées le groupe de réflexion parlementaire.
La mesure la plus originale consistait, sans doute, en un rebasage de la DGF, qui avait, en dépit de son côté savant, l’immense avantage de régler le problème des dotations « négatives », eu égard à la contribution au redressement des finances publiques, en faisant participer les collectivités les plus riches et en les soumettant aussi à la contribution à la péréquation verticale, alors que le système actuel de plafond, qui est abscons, en reporte la charge sur les autres collectivités.
Au prétexte de sa complexité – dont je vous laisse juge au regard de l’état actuel de la fiscalité locale… –, le Gouvernement refuse notre proposition de rebasage et fait le choix de satisfaire le premier mécanisme, tout en prorogeant la seconde iniquité, en la limitant seulement, pour partie, par une référence aux recettes réelles, qui est certes plus logique et évolutive. Quel dommage !
Nous notons toutefois que le Gouvernement a bien voulu retenir, pour partie, nos propositions de toilettage de la DSU et de correction de la DGF pour les communautés d’agglomération. Il consent aussi à attribuer une part de l’impôt national qu’est la TVA aux régions, dans le cadre du financement de leurs nouvelles compétences ; ce point va sans aucun doute dans le sens d’une bonne gouvernance systémique et pourrait constituer une base intéressante pour les réformes à venir.
J’évoquerai enfin deux sujets, qui sont symptomatiques d’une défiance à l’égard des collectivités locales et qui nous motivent dans notre détermination à choisir la voie de la question préalable.
Le premier concerne l’indexation des valeurs locatives, fixée lors de chaque débat budgétaire : elle vient d’être arrêtée par l’Assemblée nationale à 0,4 % et sera désormais indexée sur la seule inflation.
Je n’en conteste pas le bien-fondé, alors que j’appelle périodiquement à une bonne gouvernance. Avouez toutefois, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est paradoxal de constater qu’après avoir proposé régulièrement, durant ce quinquennat, une évolution sans aucune mesure avec l’inflation pour masquer les hausses de fiscalité locale dues à une politique ravageuse à l’égard des collectivités, vous imposiez à vos successeurs, pour demain, cette rigueur inédite.
J’en viens maintenant au second point, qui relève purement et simplement du coup de Jarnac ! Je veux évoquer la modification du régime d’imposition des indemnités des élus locaux, au prétexte d’adapter leur régime à une réforme du prélèvement à la source qui ne verra probablement jamais le jour en l’état.
Lorsque les élus locaux, notamment ceux des petites communes, constateront que leur indemnité sera, par le biais de la suppression du prélèvement libératoire, réduite d’un montant de l’ordre d’une à trois mensualités par an, je crains que nous n’assistions, dans nos campagnes, à une véritable insurrection. En effet, comme je le dénonce dans un amendement à l’article 5 du projet de loi de finances, dont vous n’avez pas souhaité retenir l’argumentation, c’est le résultat qu’on obtient quand on soumet à l’impôt sur le revenu l’indemnisation des élus des communes de 500 à 1 000 habitants, qui était considérée jusqu’alors comme équivalente à un remboursement de frais. Rien de tel pour exposer les élus locaux à la merci de l’électeur consommateur et décourager les vocations des bénévoles de la République !
Vous comprendrez qu’avec de telles conditions proposées aux collectivités locales et dans un contexte de réforme avortée de la DGF, dont vous ne reprenez même pas la perspective, nous retenions la question préalable.
Ajoutées au climat de désespérance des élus locaux, qui sont englués dans des réformes inadaptées des collectivités locales, les dispositions, qui ont été adoptées et qui ne tiennent pratiquement pas compte de nos travaux antérieurs, laissent augurer de ce qu’il serait advenu de nos propositions si nous les avions réitérées. Ainsi, le projet de loi de finances vient totalement obérer la respiration que vous avez pourtant consentie, en reportant, pour moitié, la baisse du prélèvement au bloc communal.
Dans ces conditions, avec la France des territoires et celle d’une ruralité que vous avez contribué un peu plus à désespérer, et malgré ma frustration en tant que membre de la commission des finances, je voterai sans état d’âme la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite évoquer la question des finances des départements.
Plusieurs articles – 14, 20 ou encore 50 – concernent ces collectivités, qu’il était, à un moment, question de supprimer, mais qui ont été conservées, en confirmant leurs compétences liées à la solidarité. Après cet épisode, on tente maintenant de les asphyxier financièrement à petit feu, de façon insidieuse, mais aussi chronique à chaque projet de loi de finances. Le présent texte est encore un bel exemple d’acharnement !
Pourquoi les départements sont-ils si mal aimés, alors qu’ils financent, bien plus que l’État, les allocations individuelles de solidarité ? Je relève que l’État voulait recentraliser le RSA, mais en utilisant l’argent des départements !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Une escroquerie !
M. René-Paul Savary. Pourquoi les départements sont-ils si mal aimés, alors que l’État est décideur et le département payeur ? Preuve en est la décision unilatérale d’augmenter le RSA de 2 %, sur le compte des départements.
Vous ne trouverez pas plus beau pigeon, monsieur le secrétaire d’État, que les départements ou plutôt, en cette période de Noël, plus belle dinde !
Comble de l’ironie, le projet de loi de finances rectificative de fin d’année proposera généreusement de doter un fonds de secours de 200 millions d’euros pour les départements en difficulté, alors que, dans l’article 14 du présent projet de loi de finances, vous ponctionnez ces collectivités de 227 millions d’euros au titre de la péréquation. Tout cela, alors que les besoins des départements en difficulté s’élèvent à plusieurs milliards d’euros. On donne d’une main ce qu’on reprend de l’autre, mais toujours au détriment des départements ! Les 200 millions d’euros en question ne sont donc pas suffisants pour ces collectivités, qui fournissent tant d’efforts et qui n’en peuvent plus.
La magie des chiffres ne s’arrête pas là. Autre tour de passe-passe auquel nous assistons : l’art de faire deux dépenses avec une seule recette ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Gilles. Ça, c’est socialiste !
M. René-Paul Savary. Je veux insister sur l’habileté de l’article 50 du projet de loi de finances. Le Gouvernement propose de créer un fonds d’appui aux politiques d’insertion des départements à hauteur de 50 millions d’euros. Comment est-il financé ?
M. François Bonhomme. Par un autre fonds !
M. René-Paul Savary. Par les fonds de réserve de la CNSA,…
M. François Bonhomme. Et voilà !
M. René-Paul Savary. … ce tiroir-caisse multi-usages, dont la vocation première est la compensation de la dépendance pour nos personnes âgées ou handicapées !
Faire ainsi de l’insertion a été justifié, lors du conseil d’administration de la CNSA du 22 novembre, comme une action solidaire des personnes âgées ou handicapées vis-à-vis du public en difficulté. Bref, il s’agit de faire appel à la solidarité des plus dépendants au bénéfice des plus démunis. Plus solidaire que solidaire, donc !
Je dénonce cette méthode, qui me paraît hasardeuse à double titre.
M. Jean-François Husson. Nous la dénonçons aussi !
M. René-Paul Savary. Elle traduit d’abord une manœuvre grossière : on gèle des crédits prévisionnels en début d’année, on fait même un surgel prudentiel en cours d’année et on constate, en fin d’exercice, des réserves. Puis, ces crédits non consommés servent à financer une nouvelle action, largement médiatisée avec tambours et trompettes.
Deuxième incongruité : ce fonds d’insertion constitue une atteinte à nos institutions, puisqu’il représente la tutelle de l’État sur nos départements, alors que les actions d’insertion sont leur cœur de métier. Cela traduit un manque de confiance envers les acteurs de terrain, malgré leur savoir-faire largement reconnu.
Un dernier point m’interpelle dans ce projet de loi de finances : il s’agit de l’article 20, consacré au financement des MDPH et à la compensation financière des postes mis à disposition, mais non pourvus. Cette compensation, pourtant inscrite dans la loi de 2005, ne sera plus garantie. Elle pourra être remise en cause. Les départements devront parfois payer à la place de l’État : ce n’est plus possible !
Pour conclure, je voudrais dire que ces articles 14, 20 et 50 montrent la perversité du système budgétaire. Sa complexité est telle qu’elle permet des annonces électorales, de véritables cadeaux de Noël.
M. Antoine Lefèvre. Joyeux Noël !
M. René-Paul Savary. En outre, il apparaît que le financement du budget n’est pas pérenne, quand il n’est pas, tout simplement, assuré à crédit.
Toutes ces raisons prouvent bien, s’il le fallait, que le travail sénatorial justifie la question préalable, puisque nos contre-propositions ne seraient pas reprises.
Il est temps de cesser de vivre au-dessus de nos moyens. Il est temps de prendre des mesures radicales et de dire la vérité à nos concitoyens. Ces mesures non financées conduisent à un comble dans ce projet de loi de finances : ce sont les enfants qui payent les cadeaux de Noël que se font les parents !
M. François Bonhomme. C’est du joli !
M. René-Paul Savary. Cette situation ne peut plus durer. Nos concitoyens ne croient plus au père Noël, et ils l’ont bien montré dimanche dernier. Preuve en est la réussite de la primaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Benoît Huré.
M. Benoît Huré. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voici la fin de l’année 2016 et, avec elle, l’examen de l’ultime projet de loi de finances de la mandature 2012-2017. C’est en quelque sorte la synthèse de ces dernières années, qui ont été trop souvent marquées par la démagogie et par l’insincérité. En somme, ce budget est l’aveu d’un échec.
Insincère, car jamais l’avis du Haut Conseil des finances publiques n’a été aussi durement critique. Il faut dire que le présent texte comporte des prévisions de croissance, de recettes, de dépenses et de déficit totalement illusoires.
Démagogique, tant le clientélisme politicien semble être sa véritable source d’inspiration.
Le projet de budget traduit également une grave perte de confiance dans la relation de l’État avec les collectivités territoriales. Je me fais l’écho de mon collègue Philippe Bas quand il déclare : « Le contrat républicain entre l’État et les collectivités territoriales a ainsi subi, au cours des dernières années, des coups de canif sans précédent. »
Le Gouvernement aura réussi le rare exploit d’allier la brutalité dans la méthode et la confusion sur le fond. À ce titre, je pense à la succession de textes approximatifs qui ont, à ce jour, davantage brouillé le schéma territorial qu’ils ne l’ont clarifié : loi MAPTAM, redécoupage cantonal, loi NOTRe… Ces textes ont fait de la France un champ de ruines institutionnelles, économiques, psychologiques et quelquefois sociétales. Voilà le fruit des élucubrations de think tanks autant parisiens que hors sol !
René-Paul Savary vient de le rappeler : parmi tous les échelons de collectivités territoriales, les départements sont ceux qui ont eu le plus à subir les errements du Gouvernement. Certains de ses ministres, il est vrai, restent à la fois frustrés de n’avoir pu nous supprimer et vexés d’avoir été contraints de reconnaître notre caractère incontournable, ne serait-ce que pour prendre en charge, en particulier via le RSA, les dégâts sociaux d’une économie et de comptes publics sinistrés, ainsi que les conséquences d’un chômage toujours aussi massif.
Toutefois, si notre suppression n’a pu être obtenue par la loi, elle est en train de se produire par l’asphyxie budgétaire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, à commencer par la baisse de 32 %, soit 3,5 milliards d’euros, qu’a connue en quatre ans notre DGF. Or, dans le même temps, les obligations de solidarité des départements ont explosé. Ces derniers doivent assumer nombre de nouvelles charges.
La réalité est aujourd’hui évidente pour tout le monde : le Gouvernement a fait le choix délibéré de laisser les départements seuls face à l’inflation exponentielle du financement des trois allocations individuelles de solidarité, les AIS. Il a décidé de leur faire assumer la charge croissante du financement de la solidarité nationale.
Mes chers collègues, je vous en laisse juges : en 2012, pour l’ensemble des trois AIS, le reste à charge des départements, à savoir les sommes non remboursées par le Gouvernement au titre des politiques qu’il prescrit, s’élevait à 5,4 milliards d’euros. Parallèlement, la participation de l’État s’élevait à 8,2 milliards d’euros. En 2017, le reste à charge des départements sera de 9,9 milliards d’euros. Ce montant aura donc presque doublé en cinq ans, et il excédera la participation de l’État, qui, elle, s’établira à hauteur de 9,7 milliards d’euros.
M. Michel Bouvard. Eh oui !
M. Benoît Huré. Vous connaissez tous les facteurs qui expliquent cette inflation en valeur du montant des AIS.
S’y ajoute le problème de la prise en charge par les départements des mineurs non accompagnés, anciennement appelés mineurs isolés étrangers.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !
M. Benoît Huré. Directement corrélé aux phénomènes migratoires, le nombre de ces jeunes explose lui aussi. La population dont il s’agit représente désormais 10 000 personnes. Elle implique un effort financier avoisinant les 500 millions d’euros, lequel est supporté par les seuls départements.
Je n’oublie pas le dernier exemple en date : la revalorisation du point d’indice. Cette mesure est une bonne nouvelle pour nos fonctionnaires, me direz-vous, mais elle est douloureuse pour les finances des départements.
L’année dernière, neuf départements étaient dans la zone rouge. Désormais, avec l’explosion des obligations de dépenses, ils sont plus de quarante, et ils s’interrogent sur leur capacité à mettre en œuvre jusqu’aux compétences obligatoires qui leur sont dévolues par la loi.
Les conséquences sont connues. Elles affectent directement la capacité des départements à investir, c’est-à-dire à préparer l’avenir et à soutenir les territoires les plus fragiles, qui sont si souvent oubliés.
Que l’on ne s’y trompe pas : face à cette situation de non-remboursement par l’État des allocations de solidarité, le levier fiscal n’est plus une option pour ces départements. D’une part, nos concitoyens sont déjà suffisamment prélevés. D’autre part, compte tenu des sommes en jeu, ce levier se révélerait dérisoire.
Pour le conseil départemental des Ardennes – mon département – accroître la fiscalité de 1 % ne permettrait de dégager que 500 000 euros supplémentaires. Or la baisse de dotations que nous subissons s’établit à 12,9 millions d’euros. De plus, cumulés sur les années 2013, 2014 et 2015, les non-remboursements de l’État au titre des allocations de solidarité atteignent désormais 139 millions d’euros !
À travers le présent projet de loi de finances, l’acharnement contre les départements se manifeste une nouvelle fois. M. Savary l’a rappelé. Un nouveau coup de rabot rogne leurs finances de 200 millions d’euros au titre de la DCRTP. Or, 200 millions d’euros, c’est précisément le montant du fonds d’urgence, qui, d’ailleurs, avait initialement été annoncé à hauteur de 300 millions d’euros.
En tant qu’élus départementaux, bénéficiant de la confiance ô combien exigeante de nos concitoyens, nous n’avons pas à tendre la sébile chaque année, en comptant sur la mauvaise générosité du Gouvernement. La Constitution garantit la libre administration des collectivités territoriales. Or c’est une relation de quasi-subordination budgétaire que le Gouvernement a tenté d’imposer aux départements. M. le secrétaire d’État le sait bien.
Mes chers collègues, qu’est devenu l’engagement n° 54 du programme présidentiel de François Hollande ?
M. Jean-François Husson. Zéro !
M. François Bonhomme. Il est bien oublié !
M. Benoît Huré. « Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités, garantissant les dotations à leur niveau actuel. » Nous étions alors en 2011.
La nouvelle mandature devra refonder non seulement la relation entre l’État et les départements, mais aussi notre système de solidarité.
M. Benoît Huré. La position que je défends, au nom de tous mes collègues de l’Assemblée des départements de France, n’est pas seulement de circonstance. À la faveur de l’examen de ce projet de loi de finances, elle a vocation à conforter le rôle des départements, dans l’intérêt même de tous nos compatriotes.
Dans le combat décisif qu’il nous faudra livrer, toutes les énergies et toutes les initiatives devront pouvoir être mobilisées sur l’ensemble du territoire national. Il y va de la construction de l’avenir dans chacun des territoires qui font notre beau pays de France. Il y va des générations futures et de notre avenir commun. Nous devons tous en avoir conscience, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Benoît Huré. Pardonnez-moi, madame la présidente, d’avoir quelque peu dépassé mon temps de parole, mais on parle si peu des départements.
M. André Gattolin. On aurait pu en parler réellement, en examinant le budget !
M. Benoît Huré. J’ai même l’impression que l’on n’en parlera bientôt plus du tout ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je saisis l’occasion de cette discussion générale pour commenter pour partie les crédits de la mission « Justice », dont la commission des finances m’a nommé rapporteur spécial. Cette mission a pour objet les moyens de la justice judiciaire, de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.
Le nouveau garde des sceaux a, semble-t-il, pris la mesure du désarroi, notamment matériel, dans lequel se trouvent les juridictions. En la matière, le volontarisme dont il a fait preuve mérite d’être salué.
M. le garde des sceaux propose de renforcer les moyens dévolus aux juridictions et de créer plus de 2 000 postes, dont des postes de magistrats ou de greffiers.
M. Antoine Lefèvre. En octobre, il a également annoncé un ambitieux plan de construction d’établissements pénitentiaires. Mais, malgré des crédits de paiement de 8,6 milliards d’euros, affichant une hausse de l’ordre de 5 % par rapport à 2016, je ne peux pas souscrire à ce projet de budget. En effet, cette augmentation significative des moyens doit être replacée dans son contexte.
Depuis 2012, alors que le Parlement adopte des budgets ambitieux, les dépenses effectives demeurent en deçà des crédits votés. Il s’agit moins d’une maîtrise réelle des coûts que de tentatives pour respecter la norme de dépenses, comme le montre l’augmentation continue des charges à payer. Ainsi, en 2016, si les charges à payer sont de la même ampleur qu’en 2015, leur résorption absorberait la quasi-totalité de l’augmentation des crédits prévue en 2017.
Par ailleurs, la hausse des crédits de paiement de la mission « Justice » correspond à l’évolution tendancielle des dépenses, en particulier au coût de l’augmentation des effectifs en 2016 et en 2017, ce qui est normal. Ce qui l’est moins, c’est qu’en conséquence les mesures nouvelles, les « annonces », ne sont pas financées. Je pense notamment à la construction de places de prison. Le Gouvernement nous propose de construire plus de 6 000 nouvelles places de prison sans dégrader le déficit public, grâce à un tour de passe-passe : il ouvre 1,2 milliard d’euros d’autorisations d’engagement, permettant à l’administration pénitentiaire de commencer les recherches de terrains et d’engager les dépenses y afférentes ; charge au prochain gouvernement de trouver les moyens de les financer ! (M. Jean-François Husson applaudit.)
Que l’on me comprenne bien : étant donné l’état de nos prisons et la situation de surpopulation carcérale, une action volontariste paraît indispensable, même s’il ne faut pas oublier de s’interroger sur l’efficacité de la réponse pénale. Néanmoins, est-ce bien raisonnable, à six mois des élections, d’engager de tels chantiers et de laisser la facture à la majorité suivante ? En définitive, ce projet de budget arrive un peu tard.
À ce stade, je tiens à formuler une remarque au sujet des moyens dont dispose la justice en France.
Pour savoir si un budget est prioritaire, nous étudions souvent son évolution par rapport à celle des autres postes de dépense. Mais les ordres de grandeur sont également significatifs. En 2017, les moyens de la justice judiciaire sont inférieurs aux dépenses publiques en faveur de l’audiovisuel public. Voilà qui peut nous interpeller. Ce constat doit nous faire réfléchir sur ce qui est réellement essentiel pour nos concitoyens.
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
M. Antoine Lefèvre. Le Gouvernement propose d’augmenter les effectifs dans les juridictions, notamment en créant des postes de magistrats et de greffiers. La pyramide des âges rend ces recrutements nécessaires.
Ce travail de recrutement est d’autant plus important qu’il faut anticiper ses effets, en raison de la durée de formation de ces personnels. Pour les magistrats, le temps de formation s’élève, ainsi, à trente et un mois.
Malgré des recrutements en hausse, notamment depuis 2015, le taux de vacance des magistrats affectés en juridictions atteint 6 %. C’est là un niveau préoccupant.
Parallèlement, j’éprouve des doutes quant à la budgétisation des frais de justice.
À la rentrée, M. le rapporteur général nous a présenté un projet de décret d’avance ouvrant des crédits en faveur des frais de justice. Le Gouvernement avait indiqué que ce « dérapage » résultait des attentats. Toutefois, selon le ministère de la justice, les économies prévues dans la précédente loi de finances n’ont pas pu être réalisées, en raison notamment du décalage du déploiement de la plateforme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ. C’est désormais cette plateforme que doivent utiliser les enquêteurs pour réaliser les écoutes ordonnées par le juge. En conséquence, les économies prévues sur les frais de justice grâce au déploiement de la PNIJ, qui doivent être de l’ordre de 35 millions d’euros, me paraissent assez peu crédibles. Les reports de crédits risquent de repartir à la hausse.
La création d’une telle plateforme a été décidée en 2005. Onze ans plus tard, ce dispositif n’est pas encore pleinement opérationnel.
Les bénéfices en termes de rapidité et l’automatisation des réquisitions auprès des opérateurs de téléphonie sont indéniables. Le problème, aujourd’hui, porte sur les écoutes elles-mêmes.
Il me semble que ce projet, dont le coût total s’élève à 121 millions d’euros, ne doit pas être abandonné, étant donné les économies significatives qu’il devrait être à même d’entraîner. À titre de comparaison, les frais de justice en matière d’interceptions judiciaires ont coûté plus de 110 millions d’euros en 2015. Toutefois, il paraît indispensable de renforcer la coordination interministérielle. En outre, il convient de mieux piloter le projet avec Thales, entreprise sélectionnée pour réaliser la PNIJ. Enfin, il faut continuer à travailler avec les prestataires privés loueurs de matériel, qui proposent des fonctionnalités différentes.
Aujourd’hui même, des policiers et des magistrats ont fait paraître, dans la presse, un courrier destiné à Thales, par lequel ils relèvent les nombreux dysfonctionnements qu’a subis ce projet. Cette lettre dénonce un véritable fiasco.
Avant de conclure, j’aborderai le volet pénitentiaire du budget. Il porte principalement sur le plan de construction de nouvelles places de prison, mais il a également pour objet le recrutement de 1 255 surveillants pénitentiaires.
L’attractivité du recrutement est un enjeu majeur, alors que les conditions d’exercice du métier sont difficiles, notamment du fait de la surpopulation carcérale. À ce titre je formulerai deux remarques.
Premièrement, j’appelle l’attention sur un aspect spécifique de la situation des prisons.
J’ai visité plusieurs établissements pénitentiaires cette année. Alors que l’on demande aux visiteurs, et même aux équipes médicales, de laisser leur téléphone à l’entrée, plus de 30 000 téléphones portables ont été saisis dans les prisons françaises depuis le début de l’année. La semaine dernière, j’ai rappelé ce fait très préoccupant à M. le garde des sceaux, lors de son audition devant la commission des lois.
Les brouilleurs dont disposent certains établissements n’ont pas évolué avec la technologie. Autrement dit, ils brouillent la 2G, mais non la 4G. Dès lors, comme on me l’a rapporté à Fresnes ou à Osny, certains détenus utilisent des téléphones portables pour continuer à gérer des trafics, pour contacter leurs proches, voire leurs victimes, pour prendre en photo les surveillants ou leur véhicule, les localiser et les menacer de se livrer à des représailles sur leur famille.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Dominique de Legge. C’est incroyable !
M. Antoine Lefèvre. De telles situations sont inacceptables. Il nous faut agir.
Il semble qu’en Allemagne le groupe Siemens ait mis en œuvre un dispositif de brouillage performant, mais bien sûr onéreux. Aux dernières nouvelles, l’administration pénitentiaire française aurait enfin engagé des négociations pour trouver un moyen technique efficient permettant de brouiller effectivement les communications. Même si ces investissements coûtent cher, ils me paraissent constituer aujourd’hui une priorité absolue pour la sécurité de tous.
Deuxièmement, je tiens à mentionner les extractions judiciaires. Depuis 2012, ces dernières ne relèvent plus des forces de sécurité intérieure. Elles sont de la responsabilité de l’administration pénitentiaire. Or, au 31 juillet 2016, le taux d’impossibilité de faire était de l’ordre de 20 % : ainsi, lorsqu’un magistrat demandait à voir un détenu, l’administration pénitentiaire indiquait dans 20 % des cas qu’elle n’en était pas capable.
Enfin, le recours à la visioconférence doit être facilité.
Mes chers collègues, compte tenu de ces diverses remarques, particulièrement pour ce qui concerne le financement du programme immobilier pénitentiaire, j’ai proposé à la commission des finances d’émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice ». Cet avis a été suivi. Les mêmes motifs me conduisent, à présent, à voter la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, pour ma part, je vais vous entretenir du budget du ministère de la défense. Ses crédits s’élèvent à 32,7 milliards d’euros, soit 400 millions d’euros de plus que l’inscription figurant dans la loi de programmation militaire actualisée.
L’incertitude majeure qui pesait sur la sincérité du budget pour 2017, liée à la fin de gestion de l’année 2016, pourrait sembler levée au regard de deux éléments.
Tout d’abord, le décret d’avance de fin d’année prévoit l’ouverture de 830 millions d’euros au titre des OPEX comme des OPINT. Ces crédits supplémentaires, qui étaient en partie gagés sur les crédits du programme 146, « Équipement des forces », font l’objet d’une compensation au titre du projet de loi de finances rectificative.
Ensuite, sont restitués au ministère de la défense 1,9 milliard d’euros de crédits ayant fait l’objet d’un gel ou d’un surgel au titre de 2015 ou de 2016.
M. le secrétaire d’État recueillera à cet égard un semblant de satisfecit, si toutefois il m’écoute…
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous écoute ! Si je consulte mes documents, c’est pour comparer vos chiffres aux miens !
M. Dominique de Legge. Mais nous n’allons pas en rester là, car, sur le fond comme sur la forme, plusieurs incertitudes demeurent et certaines pratiques budgétaires se révèlent contestables.
Sur les 400 millions d’euros de recettes supplémentaires du budget pour 2017, 100 millions d’euros proviennent d’une inscription de recettes exceptionnelles, en sus des 150 millions d’euros déjà prévus à ce jour à travers la loi de programmation militaire actualisée.
Lorsque nous avons examiné la précédente loi de programmation militaire, nous avons dénoncé, ici, au Sénat, le chiffre totalement irréaliste de 2 milliards d’euros.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est parce que vous avez oublié 500 millions d’euros dans vos calculs !
M. Dominique de Legge. La position que j’ai alors eu l’honneur de défendre a contribué à ce que le Gouvernement remplace, sous la contrainte, des crédits improbables par de véritables crédits budgétaires. Monsieur le secrétaire d’État, il serait fâcheux de retourner à ces errements !
Par ailleurs, je ne peux que le répéter, le choix de maintenir une provision OPEX à un niveau de 450 millions d’euros, alors que nous savons que le surcoût réel lié aux opérations extérieures sera certainement proche du milliard d’euros, nous fait douter de la sincérité du budget de la défense et, au-delà, du budget de l’État dans son ensemble. Ce matin même, en commission des finances, nous avons pu observer diverses manipulations de fin de gestion.
De plus, la perspective de la prolongation de l’état d’urgence, qui suppose le maintien de l’opération Sentinelle à son niveau actuel, continue de soulever trois problèmes.
Le premier est de garantir le maintien en condition opérationnelle des hommes pour assumer les missions traditionnelles.
Le deuxième problème est de maintenir dans la durée, par le biais de réquisitions prononcées par le ministre de l’intérieur, la participation de militaires à des tâches de maintien de l’ordre. Soyons clairs : le fait que des militaires participent à des opérations sur le territoire national ne pose pas problème en soi. La question est celle du mandat et du statut sous lesquels ces forces interviennent. On ne peut, d’un côté, affirmer que la lutte contre l’islam intégral va être longue et, de l’autre, continuer à fonctionner sans autre perspective que la reconduction d’un état d’urgence qui, d’exceptionnel, deviendrait permanent.
Le troisième problème est celui des conditions matérielles dans lesquelles nos militaires interviennent. Le présent projet de loi de finances permet de parer au plus urgent, en logeant dans des conditions à peu près décentes les troupes déployées dans le cadre de l’opération Sentinelle. Mais les crédits prévus ne permettront pas d’assurer de manière satisfaisante l’entretien quotidien des bâtiments concernés.
Je souligne au passage que les primes allouées aux militaires de l’opération Sentinelle n’ont toujours pas été versées.
De surcroît, les travaux de contrôle que j’ai consacrés au surcoût des OPEX et des OPINT mettent au jour ce constat : la forte activité opérationnelle de nos armées se traduit par des phénomènes de suractivité et de surintensité.
Dans ce contexte, il paraît évident que les crédits dédiés au maintien en condition opérationnelle sont significativement insuffisants. Ils ne permettent pas d’assurer la régénération ou le renouvellement des matériels. Dès lors, le risque d’une perte de capacité est réel.
Au total, j’estime que ce budget et, plus généralement, la politique de défense du gouvernement laissent sans réponse trois questions fondamentales.
Tout d’abord, je pense à l’inscription dans la durée des OPINT, en lien avec la reconduction de l’état d’urgence. Dans ce cadre, la répartition des responsabilités entre la défense, la police et la justice n’est pas encore clarifiée.
Ensuite, je songe à l’inadéquation avérée entre la loi de programmation militaire et les besoins des armées.
Chers collègues, on peut se réjouir que les crédits de la loi de finances soient supérieurs aux montants anticipés au titre de la LPM. On pourrait en conclure que les objectifs fixés par ce dernier texte sont respectés et même dépassés. Mais on peut aussi, comme je vous y invite, considérer une autre réalité : nos forces sont mobilisées bien au-delà du contrat opérationnel prévu en LMP, et elles ne disposent pas pour autant de moyens en conséquence.
Enfin, j’ai à l’esprit les importants besoins qui se font jour quant à la régénération des matériels et qui ne sont pas satisfaits. Cette situation donne cruellement le sentiment que le ministère vit à crédit.
M. Dominique de Legge. En conclusion, le budget de la défense pour 2017 ne fait pas exception. Le Gouvernement renvoie à plus tard, non seulement le financement de ces actions, mais aussi la réponse aux questions de fond qui sont posées. Dès lors, l’effort de 2 % du PIB consacré à la défense n’apparaît plus comme un objectif, mais comme un impératif si la France entend conserver la place qu’elle s’est assignée sur la scène internationale.
Monsieur le secrétaire d’État, le budget que vous nous proposez pour 2017 ne va pas du tout dans ce sens. Il ne prépare pas cet effort. Voilà des raisons suffisantes pour que nous adoptions la question préalable qui nous sera proposée demain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite évoquer devant vous le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », dont j’ai examiné les crédits en tant que rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
L’adoption de ces crédits en commission n’est pas un satisfecit donné au Gouvernement. Elle signifie simplement que les financements en question sont indispensables au fonctionnement de notre réseau culturel, diplomatique et consulaire, de notre réseau d’écoles, ainsi qu’à notre attractivité universitaire et scientifique.
Comme les années précédentes, et même plus nettement encore, les financements restent insuffisants : moins 4 % l’année dernière, moins 1,2 % cette année… Si l’on considère l’évolution du budget sur la totalité du quinquennat, on constate que les fonds alloués au programme 185 reculent de 10 %, ce qui est considérable.
Certes, il convient de contribuer à la réduction du déficit public, mais cette dernière contraint les postes diplomatiques à une gestion de la pénurie qui rencontre aujourd’hui ses limites. Aussi, je m’inquiète de l’insouciance avec laquelle le présent gouvernement laisse s’appauvrir plusieurs postes importants, tout en remettant à plus tard les réformes structurelles qui permettraient de dégager des ressources extérieures.
J’évoquerai tout d’abord les difficultés de l’enseignement français à l’étranger.
M. Charles Revet. C’est très important !
M. Louis Duvernois. En la matière, notre réseau est l’un des plus étendus du monde. Il s’étend à 137 pays d’accueil et compte 495 établissements scolaires homologués par l’éducation nationale. De plus, il rencontre un vif succès. Cette année, les lycées français à l’étranger ont affiché un taux de réussite au baccalauréat de 97 %.
Monsieur le secrétaire d’État, vous me direz que la subvention versée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, laquelle représente plus de la moitié des crédits du programme, augmente de 1,7 million d’euros en 2017. Cependant, il serait erroné de croire que cette augmentation répond à la hausse constante des effectifs scolaires – ces derniers ont encore crû de 1,8 % en 2016. Non, l’amélioration en trompe-l’œil des financements publics est due à une enveloppe de plus de 14 millions d’euros ! Ces crédits, versés cette année à titre exceptionnel, viennent assurer la sécurisation des établissements dans les zones géographiques les plus sensibles et non renforcer l’offre éducative stricto sensu. Ainsi, hors sécurité, la dotation est réduite de 13 millions d’euros en 2017 par rapport à 2016. Les chiffres ne mentent pas. Arrêtons de les manipuler pour faire croire que tout va bien !
La Cour des comptes ne concluait-elle pas, il y a un mois, qu’il était nécessaire de maintenir, dans ce domaine, le niveau des crédits publics ? Elle estimait dans le même temps que « l’absence de décisions ambitieuses condamnerait notre réseau d’enseignement français à l’étranger à l’incertitude, voire à un lent déclin ».
Ce qui manque le plus aujourd’hui dans la gestion des finances publiques, c’est la capacité managériale, c’est le courage de voir les choses en face, c’est la volonté de réformer. En cette fin de quinquennat, nous attendons toujours la réforme du modèle de gouvernance économique de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et la diversification de ses sources de financement. Je rappelle que l’État ne couvre plus que 38 % des coûts de fonctionnement de cette instance. Le restant doit être pris en charge par les familles via la hausse régulière des frais de scolarité, lesquels peuvent atteindre 25 000 euros par élève et par année.
Ce modèle de gouvernance économique est déjà contesté par les premiers contributeurs financiers au sein des établissements scolaires homologués à l’étranger, à savoir les parents d’élèves. En outre, seuls 104 millions d’euros ont été consacrés aux bourses scolaires cette année, au lieu des 125 millions d’euros que le Gouvernement s’était engagé à maintenir à la suite de la réforme du barème des bourses. On nous avait promis que cette réforme, menée en 2013, serait équilibrée et généreuse. Or, trois ans plus tard, l’enveloppe boursière a fondu de plus de 20 millions d’euros et l’augmentation du nombre de boursiers a réduit d’autant les quotités attribuées, excluant encore davantage les familles à revenus moyens.
Par ailleurs, pour ce qui concerne le ministère de l’éducation nationale, je peux attester que les fameuses créations de postes d’enseignants mises en avant par le Gouvernement ne bénéficient pas aux Français de l’étranger, alors que les écoles du réseau homologué comptent un tiers de Français parmi les élèves scolarisés. En vertu de la priorité fixée à l’échelle nationale, ces élèves devraient bénéficier de 600 enseignants supplémentaires, ce qui n’est pas le cas. Les Français de l’étranger ont l’habitude d’être considérés comme une variable d’ajustement au titre des comptes publics. Désormais, ils sont devenus des oubliés au sein de la maison France.
Un autre secteur subit une contrainte budgétaire forte : le réseau culturel français. Je songe tout particulièrement à l’Institut français, dont les crédits sont en baisse de 3 % pour 2017 et dont les capacités d’autofinancement atteignent leurs limites.
Les coupes budgétaires successives mettent en péril la capacité de l’Institut français à exercer ses missions : du fait des coûts fixes que cette instance doit assumer, la variable d’ajustement ne peut plus porter que sur les projets mis en œuvre. Il sera nécessaire de garantir tôt ou tard, et plutôt tôt que tard, une complémentarité d’action entre l’Institut français et d’autres réseaux, tel celui les alliances françaises locales. En outre, il faudra rechercher des synergies au sein de réseaux autonomes.
Enfin, j’évoquerai l’attractivité universitaire française.
Notre pays se situe entre la troisième et la cinquième position pour l’accueil d’étudiants étrangers. Il doit aujourd’hui renforcer ses positions dans un contexte où le nombre d’étudiants dans le monde explose – il doublera d’ici à 2020 – et où la concurrence pour attirer les meilleurs s’intensifie.
On compte 236 espaces et antennes Campus France dans 120 pays, mais la subvention pour charges de service public ne cesse de baisser.
De même, l’octroi de bourses d’études et de stage, qui fait partie de la politique d’attractivité de notre pays, subit pour 2017 une baisse des crédits gouvernementaux de 4,3 %.
Ce mouvement ne saurait se prolonger sans finir par porter atteinte à la capacité d’attractivité du réseau universitaire et scientifique français, à un moment où une récente étude démontre que la reconnaissance de l’enseignement supérieur français progresse auprès des grands décideurs économiques mondiaux.
Cette situation traduit bien l’échec du Gouvernement en matière d’action extérieure : une action insincère et démagogique, car il sait qu’il n’aura pas à l’appliquer. Elle soumet nos opérateurs à des restrictions qui finalement ne viennent pas régler le problème du déficit public, car les dépenses explosent en faveur d’autres cibles plus intéressantes sur le plan électoral. Je voterai donc la motion tendant à opposer la question préalable afin de rejeter le projet de loi de finances pour 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances pour 2017 revêt cette année un caractère particulier : le recours à la motion tendant à opposer la question préalable fait partie du présent débat budgétaire, engagé jeudi dernier. Je tiens toutefois à souligner le travail de fond de grande qualité réalisé non seulement par la commission des finances, mais également par les autres commissions et l’ensemble de leurs services sur les différentes missions.
Certes, gérer un pays comme la France est très difficile, quel que soit le gouvernement en place.
L’ensemble des recettes prévisionnelles brutes s’élève à 416 milliards d’euros, dont 401 milliards d’euros de recettes fiscales. Parmi celles-ci, la TVA constitue la première recette pour un montant de 203 milliards d’euros, suivie de l’impôt sur le revenu pour un montant de 78 milliards d’euros et de l’impôt sur les sociétés pour un montant de 60 milliards d’euros.
À l’ensemble de ces recettes, il convient d’ôter 63 milliards d’euros de prélèvements sur les recettes de l’État, dont 44 milliards d’euros au profit des collectivités locales et 19 milliards d’euros au profit de l’Union européenne.
Dans l’analyse objective du Haut Conseil des finances publiques relative aux grands équilibres du projet de loi de finances, il est constaté une surestimation des recettes publiques attendues pour 2017. D’un côté, on assiste à une surestimation des recettes et, de l’autre, à une sous-évaluation des dépenses. C’est pourquoi ce projet de loi est soupçonné d’insincérité.
Les dépenses représentent plus de 427 milliards d’euros répartis inégalement entre les différentes missions. Parmi les postes de dépenses les plus importants, 108 milliards d’euros sont prévus pour les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État et locaux, 70 milliards d’euros pour l’enseignement scolaire, 40 milliards d’euros pour la défense et 19 milliards d’euros pour les sécurités.
Dans le cadre de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », que je rapporte au sein de la commission des finances, les crédits de paiement s’élèvent à 2,55 milliards d’euros. Cette mission comporte trois programmes.
Le programme 167 concerne essentiellement les crédits de la journée défense et citoyenneté et les opérations commémoratives promues par le secrétariat d’État.
Le programme 169, qui est le plus important, représente 2,4 milliards d’euros de crédits destinés à honorer un certain nombre de droits, dont la dette viagère à hauteur de 1,9 milliard d’euros. Il s’agit de la retraite du combattant et des pensions militaires d’invalidité.
Le programme 158 implique les services du Premier ministre et réunit les moyens nécessaires à la réparation des spoliations et des actes de nature antisémite et de barbarie commis pendant le second conflit mondial.
Globalement, le projet de budget fait ressortir une baisse des crédits à hauteur de 2,6 % en crédits de paiement liée malheureusement à la réduction du nombre de bénéficiaires. Cet effort financier en faveur du monde combattant et des associations patriotiques et de mémoire est aussi une action de respect et de solidarité. S’y ajoutent les 750 millions d’euros estimés concernant les dépenses fiscales.
S’agissant de la revalorisation de la carte du combattant, ce coup de pouce ne suffira pas à effacer les pertes de pouvoir d’achat subies par les titulaires des droits liés à la valeur du point PMI, qui sert de base de calcul de leur paiement.
Cette mission a été adoptée à l’unanimité au sein de notre commission des finances bien que des efforts restent à faire en faveur du monde combattant.
Un autre point que je souhaite évoquer concerne les avis de la commission des finances pour les décrets portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance, comme c’était le cas ce matin en commission pour 1,7 milliard d’euros de crédits de paiement.
Des annulations diverses concernent beaucoup de missions. J’en donnerai trois exemples : moins 14,7 millions d’euros pour la mission « Anciens combattants », moins 147 millions d’euros pour le concours aux collectivités locales, moins 2,9 millions d’euros pour l’égalité entre les femmes et les hommes, dont la délégation aux droits des femmes regrette l’infime budget.
Enfin, le devenir des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, qui soutiennent les communes et intercommunalités défavorisées, semble particulièrement menacé. Pour compléter les propos de mon collègue Benoît Huré, j’ajouterai que cette aide représente 12 millions d’euros dans le département des Ardennes. Notre collègue M. Michel Bouvard a également rappelé avec beaucoup d’insistance l’importance de ces fonds.
Compte tenu des incertitudes qui ont été évoquées par de nombreux collègues, j’adopterai la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, je voudrais vous faire part de mes réflexions en qualité de rapporteur spécial de la commission des finances sur les infrastructures de transport terrestre.
En premier lieu, je voudrais dire combien je regrette que le budget des infrastructures et services de transports ne bénéficie pas d’une mission à part entière, alors qu’il s’agit d’un enjeu financier et socio-économique considérable pour notre pays. J’ajoute que, d’un point de vue tant administratif que parlementaire, la politique publique des transports est bien distincte de la politique publique en faveur de l’écologie.
Plus profondément, je crains que cette faible visibilité budgétaire de la politique des transports et le rang de secrétaire d’État attribué au membre du Gouvernement qui en a la charge ne traduisent l’affaiblissement d’une politique dont notre pays s’est pourtant longtemps enorgueilli et qui reste stratégique pour notre avenir.
En second lieu, je voudrais resituer le rôle majeur joué par l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, l’AFITF, dans le financement des grandes infrastructures.
Établissement public administratif de l’État créé en 2004 et placé sous la tutelle de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, l’AFITF est financée par des taxes qui lui sont affectées par l’État : redevance domaniale des sociétés d’autoroutes, taxe d’aménagement du territoire, une partie des amendes des radars automatiques et une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. L’AFITF reverse ensuite une partie de son budget sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement fléché les sommes ainsi reversées vers des projets précis : routes, projets ferroviaires ou de transport fluvial, etc.
Ainsi qu’elle le reconnaît elle-même, l’AFITF est un opérateur transparent, dont les décisions engagent l’État. Or, contrairement aux crédits budgétaires du programme 203, les fonds de concours ne sont qu’évaluatifs et le Parlement ne dispose pas du budget initial de l’AFITF au moment où il examine le projet de loi de finances.
M. Michel Bouvard. Eh oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si je ne plaide pas pour une suppression de l’AFITF, qui est un lieu utile de débats et de sanctuarisation des crédits, je réclame une nouvelle fois que le budget prévisionnel de l’AFITF soit systématiquement transmis au Parlement avant l’examen du projet de loi de finances.
M. Michel Bouvard. Très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est la condition sine qua non pour que le Parlement puisse se prononcer de façon éclairée sur le montant effectivement consacré par l’État au financement des infrastructures de transport et éviter que ce budget ne se retrouve comme simple variable d’ajustement du budget de l’État.
J’en viens à présent à l’analyse de la situation financière de l’AFITF.
Depuis sa création, l’AFITF a engagé 33 milliards d’euros. À la fin de l’année 2015, il lui restait à mandater une somme d’environ 11,3 milliards d’euros, soit un montant correspondant à un peu moins de six exercices au regard de son budget actuel. Son équilibre financier apparaît pour le moins instable.
Selon les premiers éléments fournis par le Gouvernement, l’AFITF pourrait disposer, en crédits de paiement, de 2,2 milliards d’euros en 2017, contre 1,9 milliard d’euros en 2016, soit une augmentation de 16 % de ses moyens. Une telle hausse demeure en réalité très insuffisante pour couvrir l’ensemble des besoins en crédits de paiement de l’AFITF en 2017, qui sont évalués par l’Agence elle-même à 2,8 milliards d’euros, soit 600 millions d’euros supplémentaires, d’autant que la hausse des besoins se poursuivra dans les années à venir pour atteindre 3,2 milliards d’euros en 2018 et 3,1 milliards d’euros en 2019.
Plus problématique encore, l’évaluation faite par le Gouvernement pour les ressources de l’AFITF en 2017 est pour le moins optimiste et, plus probablement, surévaluée d’environ 100 millions d’euros.
S’il « suffit » d’affecter 20 millions d’euros supplémentaires pour atteindre un volume de 735 millions d’euros de TICPE attribués à l’AFITF, comme le Gouvernement s’y engage dans le projet annuel de performances pour 2017, et si l’augmentation de 0,9 % des recettes de taxe d’aménagement du territoire paraît envisageable, les prévisions de recettes pour la taxe domaniale et sur les amendes radars, en forte hausse par rapport aux exercices précédents, paraissent totalement manquer de sincérité. C’est pourquoi j’estime qu’il sera nécessaire d’affecter à l’AFITF en 2017 une part plus importante du rehaussement de la TICPE qui avait été décidé en 2015 pour compenser l’abandon – malheureusement – de l’écotaxe poids lourds.
S’agissant du programme 203 proprement dit, les crédits sont en légère diminution de 1,3 %. Cependant, sur les 3,2 milliards d’euros du programme, l’essentiel de la dépense est constitué par la subvention versée à SNCF Réseau d’un montant de 2,5 milliards d’euros. L’entretien routier et la subvention à VNF resteront stables par rapport à 2016.
Pour les différentes raisons que j’ai mentionnées précédemment – absence de mission propre aux transports, illisibilité du budget qui leur est consacré, insuffisante couverture des besoins en crédits de paiement de l’AFITF et insincérité de ses prévisions de taxes affectées –, il n’est pas possible d’adopter les crédits de la mission « Écologie ».
Au-delà de cette situation, je veux rappeler un récent référé de la Cour des comptes montrant que l’État doit dégager entre 2017 et 2019 entre 1,6 milliard et 4,7 milliards d’euros en plus des ressources actuellement prévues pour permettre à l’AFITF d’honorer ses engagements.
Augmenter les ressources de l’AFITF est indispensable pour qu’elle fasse face à ses engagements, en particulier avec la montée en charge de la ligne Lyon-Turin et du canal Seine-Nord Europe.
M. Michel Bouvard. Très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Enfin, l’État devra s’attaquer un jour ou l’autre au problème du cantonnement et/ou de la reprise, même partielle, de la dette de SNCF Réseau, qui atteint maintenant 44 milliards d’euros et dont les intérêts viennent grever son budget à hauteur de 1,2 milliard d’euros par an.
Mme Fabienne Keller. Absolument !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut noter que la loi ferroviaire de 2015 a instauré une règle d’or selon laquelle SNCF Réseau ne peut financer de nouveaux projets d’investissement qu’à la condition de respecter un certain ratio d’endettement. C’était une très bonne chose ! Malheureusement, le décret d’application de ce ratio se fait toujours attendre. Il est ainsi beaucoup plus commode d’appliquer le texte…
Après l’abandon de l’écotaxe poids lourds, qui restera dans les annales des finances publiques comme le plus grand scandale jamais vérifié, le Gouvernement ayant annulé sans raison une recette de plus de 1 milliard d’euros par an, de nouvelles ressources doivent absolument être dégagées.
Les grandes infrastructures de transport constituent un enjeu décisif pour notre pays en matière économique, sociale et environnementale. Leur financement est un sujet épineux. Il n’a pas été pris en compte convenablement dans le projet de loi de finances pour 2017. Les conditions n’étant pas réunies pour l’adoption de cette loi de finances, je voterai la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’aborderai deux points.
Premièrement, je décrirai quelques-uns des motifs, parmi ceux qui ont déjà été présentés ou qui le seront demain, qui justifient l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.
Deuxièmement, je partagerai quelques éléments d’analyse de la mission « Aide publique au développement », dont j’ai la charge avec Yvon Collin. En résumé, je dirai que ses crédits ne sont pas du tout à la hauteur de la mission de la France dans le monde.
Pourquoi adopter la motion tendant à opposer la question préalable ? Je donnerai trois explications simples, parmi tant d’autres.
Tout d’abord, la sincérité des hypothèses de recettes et de dépenses est douteuse. La commission des finances a établi que l’écart en termes de déficit supplémentaire se situait entre 8 milliards et 12 milliards d’euros – je m’exprime ici sous le contrôle du rapporteur général, qui a effectué un travail très précis. En effet, le chiffre de croissance est trop optimiste, un certain nombre de dépenses obligatoires sont oubliées, comme la recapitalisation d’Areva, et il y a bien d’autres surévaluations ou sous-évaluations. Vous me rétorquerez, monsieur le secrétaire d'État, « rien de nouveau ». Ce n’est pas faux, mais les montants cette année ont atteint des sommets.
Ensuite, vous abandonnez les efforts de maîtrise des dépenses de l’État, notamment en laissant filer la masse salariale par le dégel du point d’indice, mais vous continuez à baisser les dotations des collectivités locales, certes un peu moins que l’année précédente, mais tout de même de 2,6 milliards d’euros.
Enfin, le gouvernement auquel vous appartenez a été généreux en promesses – toutes électorales ! –, dont la charge sera reportée sur les années suivantes. Celle-ci est évaluée à 7,7 milliards d’euros en 2018 et à 25 milliards d’euros d’ici à 2021. Il s’agit bien, selon les termes consacrés, de promesses électorales à crédit. Il faut encore y ajouter le coût reporté du CICE, du fait de sa mécanique même. Un rapport l’a évalué à environ 20 milliards d’euros.
Toutes ces analyses seront détaillées demain dans le cadre de la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable que défendront les groupes de la majorité sénatoriale.
J’en viens au budget de l’APD. Cette politique me tient particulièrement à cœur, comme à mon collègue Yvon Collin, qui en a parlé précédemment.
Entre 2008 et 2012, les dépenses consacrées par la France à l’APD se sont élevées à 16,8 milliards d’euros si l’on additionne les deux programmes qui sont le cœur de la mission. Au cours du quinquennat qui se termine, ces dépenses atteindraient entre 15,6 milliards et 15,8 milliards d’euros selon l’hypothèse que l’on retient pour le budget pour 2017. En d’autres termes, le quinquennat qui s’achève se solde par un triste bilan : 1 milliard d’euros en moins pour les pays en développement ! Certes, les crédits sont en hausse cette année, et nos collègues députés ont réussi à vous imposer une augmentation supplémentaire qui permettrait peut-être de dépasser légèrement leur niveau de 2012, mais il n’y a pas lieu de se réjouir de revenir au point de départ.
Par ailleurs, j’attends de voir ce que donnera cette hausse en exécution, car je rappelle que la volonté du Parlement, l’année dernière, d’affecter 270 millions d’euros à l’Agence française de développement pour augmenter nos dons bilatéraux a été très largement contournée, puisque 90 % de ce montant s’est substitué à des crédits budgétaires.
Pendant que la France diminuait son aide, nos voisins européens augmentaient la leur. Le Royaume-Uni respecte l’objectif de 0,7 % de son revenu national brut ou RNB pour l’aide publique au développement depuis plusieurs années, tandis que l’Allemagne nous distancie, avec une aide de 0,52 %, contre 0,37 % pour la France.
La tournée diplomatique d’Angela Merkel au Mali, au Niger et en Éthiopie il y a quelques semaines ainsi que ses entretiens avec les présidents tchadien et nigérian montrent que l’Allemagne croit au développement et qu’elle y voit la réponse de long terme à la crise migratoire, de même qu’un outil pouvant bénéficier au rayonnement et au dynamisme de son industrie.
Nous sommes confrontés à des défis considérables en matière de sécurité, de changement climatique, de flux migratoires, qu’il s’agisse de réfugiés, de migrants économiques ou de réfugiés climatiques. Chers collègues, nous le savons bien, l’aide publique au développement est le bon investissement et la solution à chacun de ces problèmes sur le long terme. Il est donc indispensable que la France s’inspire des exemples allemand et britannique et accorde de nouveau à cette politique toute la place qu’elle mérite, afin de se rapprocher de l’objectif de 0,7 % de son RNB, sur lequel je rappelle qu’elle s’est engagée.
Voilà, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, les réflexions que je voulais partager avec vous tant sur la motion tendant à opposer la question préalable que sur la priorité qui aurait dû être donnée à l’investissement dans le développement et l’aide Nord-Sud. Pour ces raisons, je voterai avec mon groupe la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Je veux remercier les orateurs, au nombre de trente-cinq si j’ai bien compté, ainsi que les sénatrices et les sénateurs qui ont pris la peine de rester avec nous tout l’après-midi. Certains autres – ils se reconnaîtront –, adeptes de la technique de Lourdes, font des apparitions, le temps de monter à la tribune…
Je voudrais juste faire quelques remarques – nous en avons déjà parlé jeudi et nous aurons l’occasion d’y revenir demain – au sujet de la prétendue insincérité du budget. Vous parlez de majoration des recettes et de minoration des dépenses. Vous commencez en avoir l’habitude : tous les ans, j’ai droit au même scénario et, tous les ans, on vous fait les mêmes réponses.
Cela fait deux ans, et j’espère bientôt trois, que nous faisons le même constat. L’année dernière, j’ai entendu qu’il allait manquer 10 milliards d’euros de recettes, parce que la croissance ne serait pas au rendez-vous. Or rien n’a manqué, au contraire : nous avons eu 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires, même s’il est vrai que nos prévisions de croissance étaient peut-être un peu optimistes. Nous avons revu la croissance dans le projet de loi de finances rectificative en l’abaissant de 1,5 % à 1,4 %. Le Haut Conseil des finances publiques, dans un avis paru vendredi dernier – peut-être ne l’avez-vous pas lu –, a d’ailleurs qualifié cette hypothèse d’« atteignable » et par deux fois de « réaliste ».
Tout nous conduit à penser que nous pourrons vérifier ensemble au mois de février ou de mars, lorsque nous aurons les comptes définitifs de l’État et de l’ensemble des collectivités territoriales, que l’objectif de 3,3 % sera tenu en 2016.
M. Francis Delattre. Vous l’avez reporté deux fois !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il y a un an, les mêmes doutes avaient pourtant été émis depuis cette même tribune quant à l’atteinte de cet objectif de déficit.
Nous prévoyons une croissance de 1,5 % pour l’année prochaine. On nous dit qu’on n’y arrivera jamais et qu’on sera bien en dessous. Outre le fait que la loi nous oblige à inscrire une prévision de croissance, ce qui est très bien ainsi, j’observe que la prévision du consensus des économistes est à peine inférieure. En effet, la plupart des conjoncturistes, qui devraient d’ailleurs faire preuve d’un peu plus d’humilité, prévoient 1,3 % de croissance. L’impact d’une différence de 0,2 point de croissance sur les finances publiques est-il immédiat et massif ? Cela dépend. On a l’habitude de dire que 0,1 point de croissance représente environ 1 milliard d’euros de recettes ; 0,2 point représenterait 2 milliards d’euros.
M. Francis Delattre. Cela représente tout de même une somme importante !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, cela dépasse certes l’épaisseur du trait, mais, pour importante que soit cette somme – admettons que la croissance soit de 1,3 % –, le déficit ne sera pas de 2,7 %, mais de 2,8 %.
Alors que tout le monde s’érige en juge de paix – le Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes, les agences de notation, les rapporteurs généraux des deux assemblées –, que dit la Commission européenne ? J’entendais tout à l’heure que l’avis de la Commission européenne ne serait pas objectif du fait de la présence de M. Moscovici. C’est mal connaître le fonctionnement de la Commission ! D’abord, M. Moscovici n’est pas seul. Ensuite, les avis rendus par la Commission européenne sont rarement complaisants, beaucoup de pays l’ont mesuré, quand bien même ils avaient des représentants en son sein.
La Commission nous dit que, toutes choses égales par ailleurs, à politique inchangée, notre déficit serait de 2,9 %. Or je lis ici ou là qu’il sera à 4,7 %, qu’il représentera 10 milliards d’euros, 20 milliards d’euros…
C’est la troisième année que je fais cet exercice devant vous et, avec Michel Sapin, nous assumons : en 2015, nous avions prévu un déficit de 4 %, et il a finalement été de 3,5 % ; cette année, nous avions prévu 3,3 %, et nous ferons 3,3 %, c’est quasi certain aujourd'hui.
Concernant la dépense publique, j’observe que, durant ce quinquennat, elle a augmenté de 1,3 % en moyenne tous les ans, alors qu’elle avait augmenté de 3,5 % au cours du quinquennat précédent. Ces chiffres sont incontestables : les lois de règlement montrent que la dépense publique a augmenté environ trois fois moins en moyenne pendant ce quinquennat par rapport au quinquennat précédent. Pour être tout à fait objectif, l’inflation a probablement été inférieure durant notre quinquennat, ce qui relativise un peu ce chiffre. La dépense publique, vous aurez beau retourner les chiffres dans tous les sens, n’a pas augmenté plus que sous le quinquennat précédent ; elle a même augmenté beaucoup moins.
Certains m’ont reproché de les écouter plus ou moins attentivement. Il se trouve que j’ai la chance de pouvoir faire deux choses en même temps : écouter tout en traitant un ou deux dossiers. Je peux vous dire que j’ai noté que vous demandiez plus de crédits pour la défense – j’y reviendrai –, plus de crédits pour l’enseignement français à l’étranger, plus de crédits pour l’AFITF, plus de crédits pour l’entretien des bâtiments publics, plus de crédits pour les collectivités territoriales, plus de crédits pour l’ANAH, plus de crédits pour la justice, plus de crédits pour l’aide au développement, et j’en oublie probablement.
Or j’entends dire qu’il faudra faire 100 milliards d’euros d’économies durant le prochain quinquennat. J’ai demandé sans doute un peu sèchement tout à l’heure à l’un de vos collègues la liste des économies qu’il comptait réaliser. Il m’a répondu que la politique d’aide au logement mobilise 45 milliards d’euros. Entre les aides à la pierre, les allocations logement et les différentes dépenses fiscales, ce chiffre doit en effet être assez proche de la réalité. Mais lesquelles allez-vous supprimer ? Allez-vous diminuer les allocations logement ? Allez-vous proposer de diminuer les aides à la pierre ou les dispositifs de défiscalisation – Pinel, outre-mer, pour les logements sociaux ? Allez-vous revenir sur l’exonération d’impôts sur les sociétés sur les offices d’HLM ? Dites-le clairement !
Réaliser 100 milliards d’euros d’économies tout en allouant plus de crédits à tous les secteurs que je viens de mentionner s’apparente un peu à la quadrature du cercle.
Mme Des Esgaulx revient régulièrement sur la question de l’AFITF, et cette constance mérite d’être saluée. Ses analyses le méritent d’ailleurs aussi, et certaines des remarques qu’elle a formulées peuvent être approuvées. Seulement, madame la sénatrice, il faut le dire clairement : êtes-vous pour le retour de l’écotaxe ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Au Sénat, j’ai souvent entendu qu’on y était favorable, mais, à l’Assemblée nationale, je me souviens de M. Le Fur, bonnet rouge sur la tête, combattant l’écotaxe comme si c’était le diable en personne… Quelle est donc la position de l’actuelle opposition, et des candidats qui se sont déclarés en son sein, sur le financement des infrastructures de transport ? Dira-t-on aux Français que l’on veut mettre en place une écotaxe ?
Dans la catastrophe financière que vous avez décrite, madame la sénatrice, vous savez comme moi que les responsabilités sont assez largement partagées. Ce n’est pas à vous, qui avez présidé une commission d’enquête sur le sujet, que j’apprendrai que le marché pour la mise en œuvre de l’écotaxe a été conclu avant 2012.
Augmenter les moyens de l’AFITF peut, en effet, correspondre à un choix politique ; mais il faut dire comment on s’y prendra ! Majorera-t-on la contribution des sociétés d’autoroutes ? Passera-t-on celle qui est acquittée par les transporteurs sur le gazole de deux à trois, quatre, voire cinq centimes ? Il faut le dire !
De la même façon, je ne suis pas sourd aux observations qui ont été présentées sur les départements, mais je vois que, sur les 100 milliards d’euros d’économies prévues dans le programme de celui qui est maintenant le candidat de la droite à l’élection présidentielle, 20 % devraient être réalisées par les collectivités territoriales.
M. Francis Delattre. Vous avez bien fait de même !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Sans doute, monsieur le sénateur, mais nous l’avons assumé !
La Cour des comptes a constaté que la réduction des dotations aux collectivités territoriales avait eu cette vertu d’entraîner une diminution de la dépense locale ; elle a décrit quelles collectivités ont été concernées et comment les mécanismes de péréquation, que j’ai toujours soutenus, ont permis que cette diminution s’opère dans des conditions peut-être plus intelligentes ou moins dures.
J’entends dire qu’il faudrait supprimer 500 000 emplois de fonctionnaires, mais je reçois chaque semaine une douzaine de courriers de parlementaires qui me demandent de ne pas réduire les effectifs de telle trésorerie de leur circonscription ou d’augmenter ceux de tel bureau de douane de leur département, en annonçant à chaque fois une catastrophe s’ils ne sont pas exaucés…
M. Francis Delattre. On veut bien vous croire !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Où donc trouvera-t-on 500 000 postes de fonctionnaires à supprimer ? Augmenter le temps de travail des fonctionnaires permettra-t-il d’en réduire le nombre ? Prétend-on vraiment ne remplacer aucun départ à la retraite pendant cinq ans ?
Pour ce qui est des collectivités territoriales, sur quel principe constitutionnel se fonderait-on pour écrire dans la loi de notre République qu’elles n’auraient plus le droit de remplacer les départs à la retraite ? Au demeurant, cette règle pourrait-elle s’appliquer de la même façon dans un secteur rural où la population est stable, dans le meilleur des cas, et dans un secteur périurbain, où elle augmente ? Imposer aux collectivités territoriales de ne pas remplacer les départs à la retraite est irréalisable sur le plan constitutionnel et irréaliste sur le plan technique !
Pour ma part, j’assume le fait que la baisse des dotations aux collectivités territoriales les a souvent conduites, dans certaines conditions, à agir sur leur masse salariale, même si certaines ont fait d’autres choix, en augmentant leur fiscalité ou en réduisant voire en supprimant certains services. Elles ont, en tout cas, réduit leurs dépenses, notamment de fonctionnement, mais aussi, personne ne le nie, d’investissement. Cela, nous l’assumons.
La majorité sénatoriale a fait, très majoritairement, le choix de ne pas étudier le budget ; je crois qu’un seul de ses membres a pris, à titre personnel, une position différente. Je regrette cette attitude, parce qu’il eût été utile de pouvoir inscrire noir sur blanc vos propositions et en faire le bilan.
Il faut plus de crédits pour la justice ? D’accord, mais dites combien, et on inscrit le chiffre dans la colonne « dépenses ». Il faut plus de crédits pour la défense, à hauteur de 2 % du PIB ? D’accord, mais inscrivons-le aussi. Ajoutons toutes les autres dépenses que vous réclamez, et, dans la colonne « recettes », inscrivons les allégements fiscaux pour lesquels des engagements ont été pris ; je pense en particulier à la suppression de l’ISF, mesure qui parle le plus, même si elle n’est peut-être pas la plus importante en termes financiers, et à la réduction de l’impôt sur le revenu. Ensuite, faisons les totaux et voyons le résultat. Voilà qui serait un exercice de transparence et de vérité !
Nous saurions ainsi quels postes il faudrait selon vous supprimer et sur quels leviers vous voudriez que l’on agisse. Non pas certes dans le détail, mais au moins dans les grandes lignes. Michel Bouvard – ce n’est pas en raison de la position qu’il a prise que je le cite – a rappelé que les parlementaires ont le pouvoir de redéployer des crédits entre les programmes d’une même mission budgétaire.
M. Michel Bouvard. En effet !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Les parlementaires ont bien des moyens de faire valoir leurs propositions sans contrevenir à l’article 40 de la Constitution.
M. Michel Bouvard. C’est vrai !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Prenons l’exemple du budget de la défense, sur lequel s’est exprimé notamment M. de Legge, mais aussi M. Bockel, et, plus précisément, parlons de la vente des fréquences.
M. Dominique de Legge. Vous n’allez pas nous faire le coup de 2015 !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il est de notoriété publique qu’il y a parfois une forme de compétition entre le secrétaire d’État au budget et le ministère de la défense : j’essaie de contenir les dépenses, tandis que le ministère de la défense, comme tous les autres – peut-être un peu plus qu’eux, peut-être aussi avec un peu plus de raisons –, essaie d’obtenir des crédits.
Nous avions proposé d’inscrire les recettes de la vente des fréquences dans le budget de l’année 2015, à hauteur, comme vous l’avez rappelé, monsieur de Legge, de 2 milliards d’euros. On a commencé par nous dire : impossible, les fréquences ne seront jamais vendues avant la fin de l’année ! Elles l’ont été.
M. Dominique de Legge. Sauf qu’elles n’ont toujours pas été payées !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous connaissez les règles comptables : dès lors que l’acte est signé, la recette est connue et les crédits peuvent être utilisés.
Mais ce n’est pas tout. On nous a dit aussi : jamais les fréquences ne seront vendues pour 2 milliards d’euros ! Elles l’ont été pour 2,7 milliards d’euros.
Ainsi donc, n’en déplaise à ceux qui étaient sceptiques, la conversion de ces recettes exceptionnelles en crédits budgétaires a profité au budget général de l’État, qui a gagné 700 millions d’euros.
En ce qui concerne le budget de la défense, j’ajoute que, pour la première fois sans doute dans l’histoire de notre République, une loi de programmation militaire est non seulement respectée, mais révisée à la hausse en cours de mandat, puisque, comme M. de Legge l’a signalé, les lois de finances ouvrent des crédits supérieurs à ceux qui sont prévus par la programmation.
Bien entendu, les circonstances nous y obligent ; je ne le conteste pas.
M. Charles Revet. C’est évident !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais il serait faux de prétendre que nous ne dégagerions pas les moyens nécessaires pour faire face à un certain nombre de décisions sur l’intervention de nos forces armées, à l’étranger comme sur notre territoire.
Je fais aussi remarquer, puisque l’on parle souvent de la conjonction des planètes, que le prix de l’énergie, en particulier du pétrole et du kérosène, et le faible niveau de l’inflation placent aujourd’hui le budget de nos armées dans une situation plutôt avantageuse, ce que le ministère de la défense admet d’ailleurs tout à fait, même s’il y a parfois certains désaccords sur le niveau des économies réalisées. Notez que celles-ci se chiffrent en centaines de millions d’euros, compte tenu de la consommation massive que fait la défense de produits pétroliers pour ses avions, ses bateaux et tous ses véhicules. La défense, qui gère très bien ses achats de produits énergétiques, profite donc de prix qui restent bas, malgré une légère remontée récente, et c’est tant mieux.
Nous nous sommes souvent opposés, mais, dans une discussion construite, vous auriez peut-être pu obtenir certains aménagements. Ainsi, l’Assemblée nationale, qui a adopté la nuit dernière en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, a conservé certaines mesures introduites au Sénat par voie d’amendement.
Nous aurions pu discuter, par exemple, du prélèvement à la source. Enfin quoi ! Vous n’avez presque pas abordé le prélèvement à la source, sinon pour dire, d’une phrase, que ce n’est pas bien. Ne croyez-vous pas qu’une réforme de cette importance, qui concerne aussi directement les Français, aurait mérité un débat ? Nous aurions pu peut-être corriger un certain nombre de choses, en tout cas dissiper un certain nombre de doutes, et vous auriez pu mettre en garde sur tel ou tel aspect.
Cette réforme a été difficile à construire, parce que l’impôt sur le revenu en France est complexe. Nous avons mis au point un dispositif et nous l’assumons. Balayer cette réforme d’un revers de la main en disant que ce n’est pas bien n’est pas, de mon point de vue, du bon travail parlementaire.
M. Francis Delattre. Ce n’était pas d’un revers de la main !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas du tout, même !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur général, j’ai pris connaissance de vos réflexions sur le sujet, mais vous n’êtes pas le seul représentant de la Haute Assemblée ; tous les sénateurs peuvent poser des questions et déposer des amendements.
Vous m’avez interpellé, au demeurant sans agressivité, sur l’imposition des indemnités des élus locaux. Encore une question qui aurait mérité une discussion ! Indépendamment même de ses aspects éthiques et moraux, il fallait résoudre des problèmes d’égalité de traitement entre les élus, qu’ils aient ou non opté pour la retenue à la source de leurs indemnités. La nécessité d’assurer l’égalité devant l’impôt de tous les élus, alors que certains peuvent choisir a posteriori d’être imposés au barème, parce qu’ils y trouvent avantage, ce qui est parfaitement respectable, nous a conduits à prendre la mesure que vous savez.
Il en résultera d’ailleurs que, pendant une année de leur mandat, les élus locaux ayant opté pour le prélèvement à la source ne paieront pas du tout d’impôt sur leurs indemnités, puisque celles qu’ils auront perçues en 2017 ne seront jamais dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Sur six années de mandat, ils ne paieront donc que cinq années d’impôt.
Certains élus seront peut-être dans une situation un peu moins favorable du fait du prélèvement à la source de leurs indemnités ; d’autres, au contraire, seront dans une situation plus favorable. Nous maintenons par ailleurs l’abattement existant.
Des sénatrices et des sénateurs, au demeurant de tous les bords, peuvent bien dire aux élus locaux : voyez ces affreux qui veulent imposer vos indemnités ! Pour ma part, je préfère que les revenus soient imposés, quitte à ce qu’ils soient majorés pour en tenir compte, plutôt que d’avoir des systèmes d’exonération ; on peut ne pas être d’accord avec ce principe, mais je l’assume.
La même question se pose en ce qui concerne l’indemnité journalière d’absence temporaire, l’IJAT, perçue par les forces de sécurité quand elles sont amenées à se déplacer. L’Assemblée nationale a décidé que cette indemnité, qui n’a jamais été imposée, resterait non imposable. Après que la Cour des comptes eut constaté dans un référé que l’exemption ne reposait sur aucun fondement légal, deux solutions étaient possibles : inscrire dans la loi que l’IJAT n’est pas imposable…
M. Charles Guené. Ou la majorer !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … ou la rendre imposable en la majorant à due concurrence. La seconde option n’était certes pas la plus simple, puisque le taux d’imposition n’est pas le même pour tous les agents ; mais, en faisant une « cote mal taillée », nous aurions pu obtenir un résultat plutôt juste. Vous avez compris que c’est à mon corps défendant que la première a été retenue. J’aurais préféré que cette indemnité soit majorée pour qu’il n’y ait pas de perdant, mais qu’elle soit rendue imposable.
Je suis favorable au même principe pour ce qui est de l’indemnité de fonction des parlementaires et des ministres, que vos collègues députés ont décidé de rendre imposable. Je considère qu’il s’agit d’une bonne décision. Il est plus normal que les revenus soient tous imposés, afin de prévenir toute suspicion sur d’éventuels traitements de faveur.
Songez en effet que, dans ce domaine, le risque de contamination est très élevé. Quand nous avons traité le cas de l’IJAT perçue par les forces de police et de gendarmerie, certains parlementaires ont immédiatement soulevé la question des fonctionnaires relevant du ministère de la défense, concernés eux aussi par certaines majorations de revenus lorsqu’ils sont en mission sinon à l’étranger, du moins loin de leur domicile. De proche en proche, d’autres agents pourraient être concernés, à commencer par les pompiers, et on n’en sortirait plus.
Voilà pourquoi je trouverais préférable, par souci de simplicité, que les revenus soient tous imposables, quitte à opérer un ajustement lorsque certains le deviennent ; s’agissant de fonctionnaires, l’État n’y perd de toute façon rien, puisqu’il récupère d’une main ce qu’il donne de l’autre.
Telles sont quelques-unes des questions dont nous aurions pu débattre. Je pense tout spécialement au prélèvement à la source : si je puis comprendre certaines objections qui lui sont faites, j’entends souvent tout et n’importe quoi au sujet de ses effets. Nous n’aurons pas ce débat, au demeurant complètement esquivé dans la discussion générale, puisque je crois que deux orateurs seulement sur trente-cinq l’ont abordé – et encore, très peu. C’est d’autant plus regrettable qu’un consensus aurait pu être trouvé sur cette réforme plutôt bien accueillie par nos concitoyens et qui avait fait l’objet d’annonces, et même de pré-décisions, de la part d’un certain nombre de nos prédécesseurs.
Malheureusement, nous ne pourrons pas débattre de cette question dans le détail. On n’aura entendu que le secrétaire d’État au budget dire « c’est merveilleux » et la majorité sénatoriale dire « c’est n’importe quoi ». Je pense que la réalité n’est pas aussi binaire… Que ce débat soit éludé est donc dommage, surtout au Sénat.
Sans volonté de provocation, je me permets de vous signaler que le rôle du Parlement est de procéder à des examens approfondis : il ne doit pas se contenter d’être contemplatif, mais entrer dans le détail des missions.
Pour finir, je tiens à remercier les deux orateurs qui sont intervenus de manière très sereine sur la question de l’aide médicale de l’État, qui donne lieu à tant de caricatures. M. Vanlerenberghe et l’un de ses collègues ont souligné à juste titre que ce dispositif répondait à une vocation. On ne peut pas en même temps plaider pour l’aide publique au développement et juger scandaleuse l’aide médicale de l’État !
Qu’il y ait un certain tourisme médical, cela n’est pas complètement faux, et je ne trouve pas l’expression méprisante. Il faut regarder cela de près. En revanche, proposer la suppression de l’aide médicale de l’État en prétendant qu’elle mettrait fin au déficit de l’État, comme on le fait trop souvent, notamment sur certains réseaux sociaux, est contraire à nos valeurs humanistes, pour ne pas dire humanitaires.
Telles sont les réflexions que je souhaitais vous présenter au terme de cette discussion générale. Je ne sais si je pourrai être parmi vous demain, car plusieurs textes financiers cheminent actuellement devant les deux assemblées, mais vous aurez en tout cas un membre du Gouvernement pour vous répondre. C’est toujours avec plaisir, courtoisie et respect que j’écouterai les membres de la Haute Assemblée.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Bravo, monsieur le secrétaire d’État !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2017, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : Mme Michèle André, MM. Albéric de Montgolfier, Philippe Dallier, Francis Delattre, Vincent Delahaye, Maurice Vincent et Éric Bocquet ;
Suppléants : MM. Vincent Capo-Canellas, Serge Dassault, Philippe Dominati, Roger Karoutchi, François Marc, Jean Claude Requier et Richard Yung.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
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Nomination d'un membre d'une commission
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée, et je proclame Mme Frédérique Gerbaud membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de Louis Pinton, décédé.
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Retrait d’une question orale
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la question orale n° 1504 de M. Philippe Mouiller est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
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Dépôt de documents
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2016-819 du 21 juin 2016 réformant le système de répression des abus de marché ;
- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ;
- la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet « Hôpital universitaire Grand Paris-Nord », accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis aux commissions permanentes compétentes.
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Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 25 novembre 2016, deux décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (n° 2016-597 QPC) ;
- le taux de la retenue à la source de l’impôt sur les revenus appliquée aux produits distribués dans un État ou territoire non coopératif (n° 2016-598 QPC).
Acte est donné de ces communications.
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Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 30 novembre 2016, à quinze heures :
Explications de vote des groupes sur la motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale (n° 139, 2016-2017) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 140, 2016-2017) ;
Avis fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 141, 2016-2017), tomes I à IX ;
Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 142, 2016-2017), tomes I à XI ;
Avis fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 143, 2016-2017), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 144, 2016-2017), tomes I à VI ;
Avis fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 145, 2016-2017), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission des lois (n° 146, 2016-2017), tomes I à XVI.
Scrutin public solennel à la tribune sur la motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale. Ce scrutin sera organisé à la tribune, avec la possibilité d’une seule délégation de vote par sénateur.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD