Mme la présidente. L’amendement n° 82, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
l’élaboration
par les mots :
la décision publique, notamment sur le contenu
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Face à la montée en puissance des lobbies, à l’échelon tant national qu’européen, il convient de définir leur action de la manière la plus précise possible, afin de pouvoir faire appliquer de réels principes de transparence.
C’est pourquoi nous défendons la réintroduction, dans la définition du représentant d’intérêts, des termes « influer sur la décision publique ». Cette réinsertion permet d’appréhender les actions des représentants d’intérêts dans leur globalité, la décision publique n’étant pas limitée à l’élaboration d’une loi ou d’un acte réglementaire. Pour reprendre les mots de notre collègue rapporteur Denaja à l’Assemblée nationale, la décision publique « vise l’ensemble des prises de position générales et impersonnelles, mais également, conformément aux préconisations du Conseil d’État, les décisions individuelles ».
Cette définition nous semble moins limitative et encadre plus précisément l’action des représentants d’intérêts, ce qui, me semble-t-il, était l’objectif annoncé du présent article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à modifier la définition des activités au titre desquelles un représentant d’intérêts entre dans le champ d’application du répertoire en cause.
Le Sénat a souhaité une définition qui ne soulève pas de difficulté d’interprétation : sont ainsi concernées les activités consistant à « influer sur l’élaboration d’une loi ou d’un acte réglementaire ».
L’Assemblée nationale a préféré l’expression « influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire » qui est plus ambiguë. Par exemple, les actes individuels sont-ils concernés ? Une décision, même non formalisée, est-elle incluse dans le champ de la loi ?
En outre, s’agissant notamment des autorités indépendantes qui ont des fonctions juridictionnelles, cette définition aurait pour effet de viser des décisions relatives à des procédures quasi juridictionnelles. Comment, en ce cas, s’articuleraient les obligations déclaratives imposées aux représentants d’intérêts et les protections dont bénéficient les conseils des personnes mises en cause pour l’exercice des droits de la défense ?
Pour ces raisons, la définition sénatoriale me paraît plus rigoureuse. Si la rédaction de l’Assemblée nationale était maintenue en lecture définitive, le Conseil constitutionnel aurait alors à se prononcer sur ce point pour savoir si le législateur n’a pas commis une « incompétence négative ».
L’avis de la commission est défavorable.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est favorable à la rédaction de l’article 13 qui a été adoptée par l’Assemblée nationale. Nous verrons ensuite si cette rédaction donne matière à des débats constitutionnels passionnants. J’ai moins de crainte pour cet article que pour la version de l’article 10 que les députés avaient retenue.
Madame la présidente, le Gouvernement sera favorable aux amendements qui s’inscrivent dans l’esprit du texte adopté par l’Assemblée nationale, même s’ils ne le reprennent pas mot pour mot.
En l’espèce, j’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 82.
Mme la présidente. L’amendement n° 83, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
« 2° Un député, un sénateur, un collaborateur du Président de l’Assemblée nationale ou du Président du Sénat, d’un député, d’un sénateur ou d’un groupe parlementaire, ainsi qu’avec les agents des services des assemblées parlementaires ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Selon nous, la création d’un répertoire des représentants d’intérêts va dans le bon sens, même si nous regrettons que la commission ait supprimé son caractère commun à la Haute Autorité pour la transparence pour la vie publique et aux deux assemblées. Ce point est pour nous fondamental, car nous sommes ici en train de débattre de la transparence de la vie publique : quoi de plus légitime qu’un représentant d’intérêts reconnu comme tel auprès du pouvoir exécutif national, voire local, le soit aussi pour ce qui nous concerne, nous législateurs ?
Définir l’activité parlementaire comme étant susceptible d’être concernée par les relations avec les représentants d’intérêts, justifiant ainsi l’inscription de ceux-ci dans le répertoire, ne constitue pas pour nous une atteinte à l’autonomie des assemblées, dans la mesure où rien ne les empêche d’établir leurs propres règles déontologiques en matière de lobbying. Ce retrait nous étonne, d’autant plus que, en première lecture, monsieur le rapporteur, vous aviez maintenu dans la liste des responsables publics les parlementaires, leurs collaborateurs et les fonctionnaires parlementaires. Il s’agit d’une mesure de bon sens qui, selon nous, contribue à la transparence de la vie publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Même si le pouvoir du bureau de chaque assemblée est partiellement préservé par la rédaction de l’Assemblée nationale, il existe tout de même une atteinte à l’autonomie des assemblées.
Un exemple peut parfaitement nous en convaincre : si un collaborateur parlementaire estimait qu’un représentant d’intérêts a méconnu ses obligations dans sa relation avec un parlementaire, il pourrait, selon le texte adopté par les députés, saisir d’une part, l’organe chargé de la déontologie parlementaire, d’autre part et sans doute parallèlement, la Haute Autorité, afin de statuer sur le fait que le représentant d’intérêts peut bien être qualifié de représentant d’intérêts. On constate à quel point l’appréciation des organes de chaque assemblée serait liée par la décision d’une autorité extérieure, alors que le Conseil constitutionnel a justement écarté, en 2013, une telle possibilité au regard de la séparation des pouvoirs.
L’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bizet, Bouchet, Calvet, Charon, Chasseing, Danesi, de Raincourt et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Longuet, A. Marc et Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 16 de l’article 13, lequel amène à considérer comme représentant d’intérêts toute personne entrant en communication avec « le directeur général, le secrétaire général, ou leur adjoint, ou un membre du collège ou d’une commission investie d’un pouvoir de sanction d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante mentionnée au 6° du I de l’article 11 de la présente loi ».
L’alinéa 11 obligerait de fait les avocats exerçant un recours devant l’une de ces autorités, ou même assurant simplement la défense d’un de leur client poursuivi par elle, à dévoiler l’identité de ces mandants à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, conformément à l’alinéa 31 de l’article 13 qui précise : « Toute personne exerçant, pour le compte de tiers, une activité de représentation d’intérêts au sens du même article 18-2 communique en outre à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique l’identité de ces tiers. »
Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bizet, Bouchet, Calvet, Charon, Chasseing, Danesi, de Raincourt et Houpert, Mmes Hummel et Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Longuet, A. Marc et Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exception des avocats dans l’exercice de leurs missions de représentation et d’assistance des justiciables pour les recours administratifs préalables et les recours juridictionnels ;
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il s’agit d’un amendement de repli. Je considère qu’il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Les amendements nos 13 rectifié ter et 11 rectifié ter visent à apporter des garanties en matière de relations avec les autorités administratives, notamment indépendantes, pour l’exercice de fonctions quasi juridictionnelles. En effet, dans ce cas, les obligations de transparence pourraient se heurter à des impératifs contraires, comme la garantie des droits de la défense.
Cette difficulté peut exister avec le texte de l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel sera appelé à se prononcer. Cependant, comme je l’indiquais précédemment, ce problème a été réglé par la rédaction adoptée par la commission qui n’évoque que l’élaboration des lois et règlements et non toutes les décisions publiques prises par ces autorités.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, les amendements nos 13 rectifié ter et 11 rectifié ter sont-ils maintenus ?
M. Alain Vasselle. Non, je les retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 13 rectifié ter et 11 rectifié ter sont retirés.
L’amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Un membre du Conseil constitutionnel ;
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous considérons qu’un membre du Conseil constitutionnel fait partie des personnages extrêmement importants qui participent à l’élaboration de la décision publique, pour reprendre les termes employés par notre collègue Éliane Assassi. C’est de plus en plus vrai, et cette intervention entre d’ailleurs de plus en plus dans les détails… On ne me fera pas croire que la tentation de contacter ces personnes influentes n’existe pas. Je ne vois donc pas pourquoi les membres du Conseil constitutionnel bénéficieraient d’une exception – à moins que leur statut soit sacré !
Mme Françoise Laborde. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’amendement n° 140 rectifié vise à intégrer les membres du Conseil constitutionnel dans le périmètre du répertoire des représentants d’intérêts.
Sur le principe, il n’y a pas d’objection et le Sénat avait pris soin de le faire en première lecture, en permettant au Conseil constitutionnel de fixer, sur le modèle de chaque assemblée parlementaire, les règles qui lui seraient applicables. Toutefois, dans un souci de cohérence intellectuelle, pour les mêmes raisons que j’ai exposées au sujet du Parlement, il n’est pas possible d’appliquer le tronc commun législatif à cette institution au risque de méconnaître la séparation des pouvoirs. En effet, le Conseil constitutionnel est un pouvoir public constitutionnel qui bénéficie de ce principe au même titre que le Président de la République, le Gouvernement et les assemblées parlementaires.
Le Conseil constitutionnel suivant avec attention les travaux parlementaires, je me permets de souligner, sans qu’il faille y voir malice, que, en suivant le raisonnement de l’Assemblée nationale qui veut imposer par la voie législative une solution unique pour le Gouvernement et le Parlement, on pourrait alors en déduire que le législateur organique aurait le droit de procéder de même en imposant ce dispositif au Conseil constitutionnel.
Par conséquent la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis convaincu par l’argumentation de M. le rapporteur. Je retire donc mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 140 rectifié est retiré.
L’amendement n° 84, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rétablir les 5° et 6° dans la rédaction suivante :
« 5° Une personne titulaire d’un emploi ou d’une fonction mentionné au 7° du même I ;
« 6° Une personne titulaire d’une fonction ou d’un mandat mentionné aux 2°, 3° ou 8° dudit I ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous proposons de rétablir la version du texte de l’Assemblée nationale, afin que les règles applicables aux représentants d’intérêts s’étendent à toute personne nommée en conseil des ministres à un emploi ou à des fonctions à la décision du Gouvernement, ainsi qu’aux présidents, conseillers et adjoints, directeurs adjoints et chefs de cabinet des collectivités territoriales importantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir les élus locaux, leurs collaborateurs et les hauts fonctionnaires dans le périmètre du répertoire des représentants d’intérêts.
Cette solution rendrait pratiquement impossible la tenue de ce répertoire. Le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique l’a indiqué devant notre commission : un tel périmètre serait sans équivalent dans les autres pays étrangers et il conduirait à une forme d’embolie de la Haute Autorité. En clair, étendre à l’excès le répertoire est la meilleure manière de le rendre absolument inutile en pratique !
En outre – le Conseil constitutionnel risque d’avoir du travail ! –, il existe une rupture d’égalité devant la loi entre les collectivités territoriales, puisque certaines sont exemptées de cette inscription, en fonction d’un seuil démographique notamment. Mieux, les collectivités territoriales qui adoptent de simples actes réglementaires seraient concernées, alors que les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie qui peuvent adopter, en vertu de la Constitution, des actes relevant du domaine de la loi ne seraient pas couvertes par ce dispositif, car il relève de la loi organique : la situation est tellement paradoxale qu’aucun motif d’intérêt général ni aucune différence de situation ne peuvent justifier cette disparité de traitement.
Le Conseil constitutionnel sera également appelé à statuer sur ce point si l’Assemblée nationale confirmait son texte lors de la lecture définitive.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 79, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« c) Les organisations syndicales de fonctionnaires, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le nombre important d’articles de presse, d’émissions de télévision, de documentaires qui évoquent le poids des lobbies montre que cette question occupe maintenant une place importante dans la société non seulement française, mais aussi européenne. C’est pourquoi elle doit être envisagée sous l’angle d’une nécessaire régulation du lobbying et de son incidence sur les décisions démocratiques.
De même, les incessantes affaires de conflits d’intérêts au sujet de politiques, hauts fonctionnaires ou experts scientifiques jettent un doute sur l’impartialité des décisions prises. En cela, nous approuvons pleinement les objectifs affichés du texte, tout en en soulignant les limites.
Toutefois, nous pensons que les organisations syndicales et professionnelles d’employeurs doivent être exclues de la définition des représentants d’intérêts au sens de l’article 13.
En effet, comme le souligne le rapport, l’Assemblée nationale a exempté, en nouvelle lecture, les organisations syndicales de fonctionnaires, ainsi que les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs, mais uniquement « dans le cadre de la négociation prévue à l’article L. 1 du code du travail ».
Nous souhaitons, au contraire, que les organisations syndicales bénéficient d’une exemption sans limitation, car leur objectif premier est de défendre les intérêts de leurs adhérents dans le cadre de l’entreprise ou dans les rapports de force dans un secteur donné. Elles ont une activité de représentation d’intérêts auprès des pouvoirs publics le plus souvent à titre accessoire. Le respect du parallélisme des formes nous amène à inclure les organisations professionnelles d’employeurs dans le dispositif.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Bizet et B. Fournier, Mmes Cayeux et Micouleau, MM. Lefèvre, Dufaut, Huré, Chaize, D. Robert et G. Bailly, Mme Deromedi, MM. Trillard, Cornu, Cardoux et Béchu, Mme Hummel et M. Masclet, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Compléter cet alinéa par les mots :
, et les organisations syndicales agricoles
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet devant la commission des lois. Je n’ai pas été entendu et M. le rapporteur, pour justifier son avis défavorable, a fait référence à l’article L. 1 du code du travail. Je me suis donc trouvé placé devant l’alternative suivante : déposer soit un amendement de suppression de l’alinéa 22 de l’article 13, soit un amendement tendant à ajouter les organisations syndicales agricoles. J’ai préféré retenir cette seconde solution.
Je considère en effet que les dispositions de l’article L. 1 du code du travail peuvent parfaitement s’appliquer aux syndicats agricoles. Ces derniers agissent, je le rappelle, au sein des organisations interprofessionnelles prévues par le règlement n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et les articles L. 632-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, dans le but notamment de conclure des accords interprofessionnels et d’élaborer des contrats types. Ces accords interprofessionnels sont, pour les agriculteurs, l’équivalent des conventions et accords collectifs de travail pour les salariés. Les syndicats professionnels agricoles défendent les intérêts des agriculteurs et ne vivent que des cotisations de ces derniers.
Or, selon le premier alinéa de l’article L. 1 du code précité, « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation. »
Dans les deux cas, on est dans la négociation ! J’aurais donc du mal à comprendre que le rapporteur et la commission n’acceptent pas cet amendement. Si l’avis défavorable était maintenu, il faudrait que la commission des lois propose la suppression de l’alinéa 22 de l’article 13.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Les amendements nos 79 et 3 rectifié visent à étendre à d’autres organisations syndicales l’exemption des obligations liées au répertoire dont bénéficient les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs.
Je rappelle que cette exemption n’a été accordée à ces organisations que dans le cadre de la négociation prévue à l’article L. 1 du code du travail : il serait en effet paradoxal de soumettre celles-ci à des obligations déclaratives, alors que c’est la loi elle-même qui les oblige à une concertation avec les pouvoirs publics. En revanche, étendre cette exemption à d’autres catégories de syndicats qui ne participent pas à cette concertation, car ils ne sont pas interprofessionnels, provoque une rupture d’égalité. En effet, pourquoi réserver ce traitement aux syndicats agricoles ou de fonctionnaires et ne pas l’étendre à ceux du bâtiment – comme la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB –, du textile ou des professions libérales – comme l’Union nationale des professions libérales, l’UNAPL ? C’est un point sur lequel j’ai appelé l’attention du Conseil constitutionnel dans mon rapport.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. J’émets le même avis défavorable pour les mêmes raisons.
J’indique à Mme Assassi qu’elle ne tient pas compte de l’exception accordée au titre de la négociation prévue à l’article L. 1 du code du travail. Le Gouvernement, comme le Sénat, souhaite que, dans ce cadre, les organisations syndicales de salariés ou d’employeurs ne soient pas considérées comme des lobbies, puisqu’elles agissent dans le cadre de dispositions prévues par la loi.
En revanche, pour tout autre type d’intervention, par exemple dans le cadre d’un débat à caractère fiscal sur le niveau de l’impôt sur le revenu ou sur la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, ces organisations syndicales interviendraient comme lobbyistes, au bon sens du terme, en faisant valoir leurs arguments dans un domaine qui n’est pas celui que la loi leur réserve.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l’amendement n° 3 rectifié.
M. Alain Vasselle. J’ai entendu les explications de M. le rapporteur sur le caractère inconstitutionnel d’une telle mesure. Même si cet amendement était adopté, il serait certainement censuré par le Conseil constitutionnel.
J’appelle tout de même le Sénat à réfléchir sur la pertinence du maintien d’une disposition légale qui contraint les syndicats à une négociation. C’est une sorte de privilège qui est accordé aux organisations syndicales de salariés et d’employeurs et qui n’est pas offert aux autres organisations syndicales qui négocient dans le cadre d’accords interprofessionnels. Comme la loi ne leur fait pas obligation de participer à ces négociations, elles ne peuvent pas figurer à l’alinéa 22 de l’article 13, contrairement aux organisations syndicales de salariés et d’employeurs. Il y a donc deux catégories d’organisations syndicales en France : celles qui ont droit à des négociations avec le Gouvernement en vertu de dispositions particulières et les autres ! Cela mérite que l’on y réfléchisse à deux fois.
Cela dit, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
L’amendement n° 10 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bizet, Calvet, Charon, Chasseing, Danesi, de Raincourt et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Longuet, A. Marc et Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 24
Insérer un alinéa rédigé :
« …) Les avocats, dans le cadre de leurs missions de conseil, d’assistance et de représentation des justiciables devant les juridictions de l’ordre judiciaire, les juridictions administratives et les instances disciplinaires.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement est de la même nature que ceux qui viennent d’être présentés. Je le considère comme défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à apporter des garanties aux avocats dans le cadre des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale. Cependant, comme je l’ai expliqué précédemment, la commission des lois a résolu ce problème en restreignant le champ d’application du répertoire des représentants d’intérêts à l’élaboration des lois et des règlements et en excluant les autres décisions publiques, notamment celles qui ont une nature quasi juridictionnelle.
Cet amendement n’a donc plus d’objet, car l’exemption qu’il tend à instaurer vaudrait pour les missions des avocats devant les juridictions de l’ordre judiciaire, les juridictions administratives et les instances disciplinaires qui ne sont plus comprises dans le champ d’application retenu par la commission.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, mon cher collègue.
M. Alain Vasselle. Dans ces conditions, je le retire !
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 25 à 34
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéas 46 à 57
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Le rapporteur faisait valoir, à juste titre, qu’il serait contre-productif de submerger la Haute Autorité avec des tâches qu’elle ne pourrait pas remplir. Ce serait d’ailleurs un bon moyen de la neutraliser !
Je propose donc de limiter la quantité de papier qu’elle va recevoir, sinon elle risque de devoir soit répondre dans des délais déraisonnables, soit embaucher du personnel incompétent – on commence à le voir ! –, soit renoncer à remplir sa mission. Il s’agit donc d’un amendement de simplification !