M. le président. L'amendement n° 557, présenté par M. Dantec, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1133-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1133-5-… ainsi rédigé :
« Art. 1133-5-… – Le fait pour une offre d’emploi de réclamer la connaissance d’une langue régionale ou étrangère ne saurait être interprété comme une mesure de discrimination. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement tend à ajouter aux motifs de refus fondés sur une inégalité de traitement autorisée par le code du travail la demande d’une connaissance d’une langue régionale ou étrangère.
En effet, de nombreuses offres d’emploi réclament une certaine maîtrise d’une langue régionale ou étrangère, afin que le candidat corresponde le plus possible à son futur environnement de travail, dont tout ou partie s’effectue dans une langue différente que le français.
Il convient donc de sécuriser juridiquement des pratiques qui pourraient être amenées à être contestées sur le fondement de l’article 2 de la Constitution, lequel institue le français comme langue de la République, en permettant la demande de maîtrise d’une langue régionale ou étrangère, lorsque les missions affectées au poste de travail peuvent le requérir.
À l’échelon international, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies a demandé à la France, le 24 juin 2016, de respecter les droits individuels et collectifs des locuteurs de langue régionale dans la vie publique et privée. Permettez-moi, mes chers collègues, de citer un extrait des observations qu’il a rendues ce jour-là, l’« État partie » mentionné étant, donc, la France : « Tout en prenant note que l’État partie considère que la reconnaissance des groupes minoritaires ou de droits collectifs est incompatible avec sa Constitution, le Comité réaffirme que le principe d’égalité des individus devant la loi et l’interdiction de la discrimination ne suffisent pas toujours à assurer l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels par des membres de groupes minoritaires. De plus, le Comité considère qu’une reconnaissance adéquate des minorités ethniques ou culturelles n’érode pas la cohésion ou l’unité nationale mais au contraire les renforce. […] Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de revoir sa position à l’égard des minorités et de reconnaître officiellement la nécessité de protéger les droits culturels de tous les groupes minoritaires. »
Le groupe écologiste considère que nos sociétés s’enrichissent de leur diversité, à l’opposé de celles et de ceux qui considèrent la diversité comme une menace pour la cohésion sociale.
Cet amendement vise ainsi simplement à conférer un droit aux locuteurs de langue régionale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’article L. 1133-1 du code du travail dispose que le principe de non-discrimination dans les entreprises « ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée. »
Si un emploi requiert la connaissance d’une langue régionale ou étrangère, il s’agit bien d’une exigence professionnelle essentielle concernée par cet article. Il semble donc inutile de préciser que la maîtrise d’une langue peut justifier une différence de traitement.
La commission est par conséquent défavorable à votre amendement, cher collègue. Votre demande est déjà satisfaite !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur Desessard, par cet amendement, vous souhaitez préciser dans le code du travail que le fait de réclamer la connaissance d’une langue étrangère ou régionale dans une offre d’emploi ne constitue pas en elle-même une discrimination.
Si c’est bien cela qui est visé, cet ajout est inutile, comme vient de le rappeler Mme la rapporteur.
Toutefois, la rédaction que vous proposez va plus loin, car elle laisse entendre que cette exigence ne pourrait jamais constituer une discrimination. Or si une telle exigence n’est pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, elle peut être discriminatoire, surtout si elle constitue un moyen d’écarter des candidats qui ne correspondent pas à une origine particulière.
Je pense que, comme moi, vous ne souhaitez pas permettre de telles pratiques !
J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.
M. Jean Desessard. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 557 est retiré.
Articles 60 bis et 61
(Supprimés)
Articles additionnels après l’article 61
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 310, présenté par Mme Khiari, M. Anziani, Mme Lienemann, MM. Cabanel, Masseret, Courteau et Yung et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1221-7 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1221-7. – Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, les informations mentionnées à l’article L. 1221-6 et communiquées par écrit par le candidat à un emploi ne peuvent être examinées que dans des conditions préservant son anonymat. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises.
Avec cet amendement, dont ma collègue Bariza Khiari est la première signataire, nous avons souhaité insister sur le fait que la mise en œuvre du CV anonyme dans les entreprises de plus de cinquante salariés nous paraît de nature à lutter contre la discrimination à l’embauche.
Je vous rappelle qu’il y avait jusqu’à présent une volonté unanime de mieux intégrer les populations susceptibles d’être discriminées via l’anonymisation des curriculum vitae, mise en œuvre par la loi du 31 mars 2006.
Or le caractère obligatoire de cette disposition a été abrogé cette année. Nous voulons le restaurer, d'autant plus que nous ne voyons pas de stratégie alternative, de la part du Gouvernement, pour éviter la discrimination à l’embauche et que bon nombre d’entreprises qui ont persévéré dans la pratique du CV anonyme, qui ont formé leurs agents et mis en œuvre des méthodes en ce sens, en sont satisfaites et ont considérablement amélioré la diversité au sein de leur personnel.
M. le président. L'amendement n° 106, présenté par M. Favier, Mmes Prunaud, Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 1221-7 du code du travail est ainsi modifié :
1° Les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Le respect de l’anonymat est un devoir assuré par les personnes qui bénéficient de la candidature, sous peine de sanctions. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Le Défenseur des droits a dressé, le 19 septembre dernier, un « panorama particulièrement inquiétant » des discriminations à l’embauche liées à l’origine. Il y a « urgence à mener des politiques publiques fortes pour lutter contre ces discriminations », a-t-il alerté. Son rapport fait état du parcours d’obstacles que constitue le marché du travail pour les personnes d’origine étrangère.
Parmi les personnes ayant répondu à l’étude, 60 % déclarent avoir été « souvent » ou « très souvent » victimes de discrimination dans l’accès à l’emploi ou à un stage du fait de leurs origines. Ce sont souvent les mêmes motifs qui reviennent dans les témoignages : d’abord l’origine, pour 62 % d’entre elles, puis le nom de famille, pour 53 %, la couleur de peau, pour 32 %, et la religion, pour 26 %.
Ces réactions illustrent une « perte de confiance à l’égard des institutions de la République et en la capacité des politiques publiques à lutter contre cette situation » selon le Défenseur des droits, qui, j’y insiste, conclut en appelant à des « politiques publiques fortes ».
Avec cet amendement, nous proposons une piste pour lutter contre les discriminations. Il s’agit d’établir une obligation de CV anonyme dans les recrutements. La généralisation d’un tel CV, qui vise à enlever des éléments d’identification personnelle, tels que le nom ou le prénom, ne permettrait ainsi aux employeurs que de s’appuyer sur des éléments objectifs pour recruter. Les critères illégaux de sélection, comme le sexe ou l’origine, seront nécessairement écartés, en raison de leur absence sur le curriculum vitae.
Si le CV anonyme ne peut constituer la seule mesure de lutte contre les discriminations, il constitue un outil pour lutter contre les préjugés et les présélections de curriculum vitae qui écartent en premier lieu les candidatures pour des motifs discriminants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous avons déjà débattu, en commission, des CV anonymes.
Ces amendements visent à restaurer, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, une disposition qui a été modifiée par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, dite « loi Rebsamen » : l’obligation du recours au CV anonyme dans les procédures de recrutement.
Cette mesure avait été introduite sur l’initiative de notre ancien collègue Nicolas About, alors président de la commission des affaires sociales du Sénat, dans la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.
En 2014, le Gouvernement a été enjoint par le Conseil d’État d’adopter le décret d’application de cette mesure, lequel n’avait jamais été pris. Il a cependant fait le choix inverse, faisant adopter un amendement à la loi Rebsamen tendant à supprimer l’obligation du recours au CV anonyme.
Avec sagesse, me semble-t-il, le Gouvernement s’est en effet rangé au constat dressé par tous les spécialistes de la question, en particulier par ceux qui ont été réunis dans le groupe de dialogue inter-partenaires sur la lutte contre les discriminations en entreprise, lesquels ont estimé que la généralisation du CV anonyme n’était pas souhaitable, en raison de la lourdeur de cette méthode et des effets pervers qu’elle peut introduire dans le processus de recrutement.
Comme vous le savez, mes chers collègues, une expérimentation du CV anonyme a été lancée par Pôle emploi dans huit départements en 2009 et 2010. L’analyse de cette expérimentation n’a pas permis de démontrer l’effet positif de celle-ci. Il est même apparu que le CV anonyme réduisait les chances des candidats issus de l’immigration. J’attire votre vigilance sur cet effet très pervers !
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Nous arrivons, à cette étape de la discussion du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, à la question importante de la lutte contre les discriminations dans le recrutement.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi du 31 mars 2006, qui a été évoquée tout à l'heure, prévoyait la mise en place obligatoire du CV anonyme. Il est vrai que nous avons fait évoluer cette obligation, qui n’avait jamais fait l’objet, ainsi que Mme la rapporteur l’indiquait voilà un instant, d’un décret d’application, pourtant prévu dans le texte.
Le CV anonyme peut être efficace dans certains cas. D'ailleurs, des entreprises maintiennent cette pratique. Toutefois, il ne constitue pas une solution permanente idoine pour lutter contre les discriminations. Ce n’est pas moi qui l’affirme ; c’est la conclusion à laquelle est parvenu le groupe de travail présidé par Jean-Christophe Sciberras que j’avais mis en place avec François Rebsamen, au mois d’octobre 2014.
D'ailleurs, les membres de ce groupe rejoignent sur ce point le Défenseur des droits, qui, dans un rapport remis en mai 2015, estimait que le CV anonyme ne pouvait être ni une réponse générale ni une réponse unique.
D’autres modes de recrutement non discriminants existent, tels que le CV vidéo, qui est promu par la Fondation Agir contre l’exclusion – la fondation FACE –, que préside Gérard Mestrallet, « grand patron » que vous connaissez toutes et tous, mesdames, messieurs les sénateurs, mais aussi les recrutements par simulation qui se montrent efficaces et méritent d’être développés.
Le Gouvernement en a tiré les conséquences dans la loi Rebsamen, parue au mois d’août 2015, en supprimant non pas le CV anonyme, mais l’obligation de celui-ci. Je tiens à dissiper la confusion qui peut parfois exister sur la réalité de cette loi : il ne s’agit en aucun cas de renoncer à la lutte contre les discriminations, dans laquelle nous sommes engagés et devons être aussi efficaces que possible. Nous avons notamment lancé une campagne de testing auprès d’un échantillon d’entreprises de plus de 1 000 salariés, afin de détecter certaines pratiques de discrimination à l’emploi et d’en tirer les conséquences.
Cette campagne est arrivée à son terme voilà quelques semaines. Nous allons bientôt en recevoir les résultats, comme je l’ai indiqué lors de la conférence de presse de présentation du rapport intitulé Le coût économique des discriminations, qui a été remis par France Stratégie à Myriam El Khomri le 20 septembre dernier. Ces résultats vont nous permettre d’appréhender encore plus précisément les mécanismes de discrimination – il en existe, naturellement – et d’envisager des mesures adaptées pour lutter contre ce qui apparaît comme une très grande injustice pour les jeunes, notamment ceux des quartiers.
Enfin, dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, nous allons créer une action de groupe, qui permettra aux syndicats et aux associations d’ester collectivement en justice au nom des candidats lésés, pour obtenir de l’entreprise qu’elle cesse ces discriminations. J’insiste sur ce point, car l’action de groupe, en particulier dans le droit du travail, marquera une forme de révolution dans notre ordre juridique.
Nous luttons donc contre les discriminations !
Cela dit, je veux vous donner mon sentiment très personnel – c’est presque une considération philosophique – sur ce sujet : pourquoi un jeune des quartiers serait-il obligé de passer par le CV anonyme pour justifier de ses compétences ? (Absolument ! au banc des commissions. – Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste.) Je considère que, quels que soient ses origines, son adresse, sa couleur de peau ou son sexe, un jeune n’a pas besoin de « se cacher » derrière un CV anonyme. D’ailleurs, quoi qu’il arrive, il devra toujours se présenter à un entretien final, au cours duquel il devra défendre ses qualités !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Je souscris complètement à ce que vient de dire M. le ministre.
J’ai tout récemment accompagné le président du Sénat, M. Gérard Larcher, au cours d’une visite des quartiers de Mantes-la-Jolie. Nous avons tous les deux été très frappés par la fierté des jeunes qui avaient réussi à s’en sortir. Certains s’étaient même fait tatouer le nom de la ville sur le bras… Quel beau message adressé à la République ! L’endroit où l’on habite n’a donc pas toujours une connotation négative.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Beaucoup de jeunes peuvent être fiers d’habiter dans leur quartier. D’ailleurs, souvent, ces jeunes réussissent bien à l’école. Pourtant, on le sait, dans ces quartiers, le taux de chômage des diplômés est considérable.
Toutes les études prouvent que la discrimination à l’embauche est un véritable obstacle à la crédibilité des valeurs républicaines dans notre pays.
Certes, le CV anonyme ne peut pas tout régler. Toutefois, je veux faire trois remarques.
Premièrement, l’exécutif joue la montre en ne voulant pas prendre le décret qu’a prévu une loi votée par le Parlement… De mon point de vue, cela pose un problème démocratique. Je le dis d'autant plus volontiers que c’est M. About, qui n’était pas particulièrement de ma sensibilité politique, qui avait fait voter le principe du CV anonyme. Cela doit faire réfléchir sur la crédibilité de l’action politique et sur le rôle du Parlement. C’est une question de principe !
Deuxièmement, je rappelle que le bilan réalisé par le groupe de travail sur l’évaluation du CV anonyme est fortement contesté, notamment par les associations antiracistes ou celles qui représentent les habitants des quartiers. Il me semble que cette étude aurait dû donner lieu à un débat beaucoup plus large.
Troisièmement, je considère que le bilan du Gouvernement est positif, mais, en la matière, c’est notre société qui a bien du mal à modifier structurellement ses comportements. Il faut parfois pousser les évolutions !
Je comprends bien l’argument sur la fierté des jeunes qui y arrivent sans passer par le CV anonyme. De même, à l’époque, on nous disait qu’il n’y avait pas besoin d’instituer la parité, puisque les femmes savent représenter les citoyens aussi bien que les hommes… Sauf que des tas de raisons que l’on n’évoquait pas faisaient obstacle à l’arrivée des femmes en politique.
Certes, il est des femmes qui n’ont pas eu besoin des règles de la parité pour être reconnues et qui en sont fières.
Mme Catherine Di Folco. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour autant, le problème d’ensemble n’était pas réglé.
En tout état de cause, pour ma part, je forme le vœu, monsieur le ministre, que vos mesures aient une vraie efficacité. Permettez-moi de vous dire que, pour l’heure, j’en doute un peu et que l’artillerie du CV anonyme serait bien nécessaire pour aller plus vite et plus loin.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 103 rectifié, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa de l’article L. 1221-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour chaque poste ouvert au recrutement, les candidatures reçues sont inscrites dans une partie spécifique du registre unique du personnel avec les mentions suivantes : nom, prénom, sexe, lieu de résidence, date et lieux de naissance des candidats à l’embauche. Les curriculum vitae doivent être conservés pendant cinq ans. » ;
2° L’article L. 1221-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur remet à chaque candidat lors de l’entretien d’embauche une notification de ses droits reprenant les dispositions prévues à l’article L. 1132-1 ainsi que la liste des personnes à saisir en cas de non-respect de ses droits. Un décret détermine la forme et le contenu de la notification des droits. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Le présent amendement reprend une proposition soutenue syndicalement, visant à mettre en place un véritable plan de lutte contre les discriminations à l’embauche, avec l’instauration d’un registre d’embauche et d’une notification des droits.
Concrètement, il s’agit de mettre en œuvre, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, un registre d’embauche contenant un recueil sexué des candidatures, ce qui permettrait l’établissement de comparaisons entre nombre de femmes candidates et nombre de femmes recrutées.
L’expérimentation de ce registre à la SNCF, pour les conducteurs de train, a démontré que, malgré des candidatures féminines à hauteur de 5 % – je reconnais qu’elles ne sont pas nombreuses –, aucune femme n’avait été recrutée. Le registre a donc été un outil qui a aidé à féminiser le métier.
En complément de ce registre d’embauche, nous proposons qu’une notification de leurs droits soit remise aux candidates et aux candidats à l’embauche lors de leur entretien, laquelle rappellerait l’interdiction, pour le recruteur, de leur demander, par exemple, s’ils fument ou s’ils ont des enfants et comporterait les numéros à contacter en cas de non-respect de ces droits.
Le vote de cet amendement pourrait donc constituer un point d’appui.
M. le président. L'amendement n° 311, présenté par Mmes Khiari et Génisson, MM. Kaltenbach et Anziani, Mme Lienemann, MM. Cabanel, Masseret et Courteau et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1221-9-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1221–9–… – Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, est établi un registre des candidatures pour tout poste vacant. Ce registre comporte outre les informations mentionnées à l’article L. 1221-6, la date d’arrivée de ces dernières. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
M. le président. L'amendement n° 537, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1221-9 du code du travail, il est inséré un article L. 1221-9-… ainsi rédigé :
« Art. 1221-9-… – Un registre des candidatures est tenu dans tout établissement où sont employés au moins cinquante salariés. Le curriculum vitae de chaque candidat au recrutement est conservé dans l’ordre de sa réception. Le registre mentionne le sort réservé à chaque candidature.
« Les indications complémentaires à mentionner sur ce registre sont définies par voie réglementaire.
« Le registre des candidatures est tenu à la disposition des délégués du personnel, des fonctionnaires et agents chargés de veiller à l’application du présent code, et de l’autorité judiciaire. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le présent amendement vise à généraliser aux entreprises d’au moins cinquante salariés l’obligation de tenir un registre des candidatures qui leur ont été adressées dans le cadre de procédures de recrutement.
Cette formalité, simple à mettre en œuvre, ne génère aucun coût, puisqu’elle se limite, en pratique, à demander aux entreprises de conserver les CV et de préciser le sort qui a été réservé à chaque candidat.
Il est prévu que ce registre soit accessible aux délégués du personnel, aux agents de l’inspection du travail et à l’autorité judiciaire, afin que ceux-ci puissent disposer de données pour apprécier d’éventuelles pratiques discriminatoires à l’embauche. Ils pourront en effet s’assurer que les compétences et l’expérience ont été les seuls critères guidant une convocation puis une embauche. Dans le cadre d’une action en justice, le juge pourra notamment, au titre des mesures d’instruction, ordonner que lui soit communiqué ce registre, afin de former sa conviction.
L’application des dispositions pertinentes de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations s’en verra donc facilitée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Dans des termes différents, ces amendements visent à rendre obligatoire la tenue d’un registre pour toutes les candidatures reçues par une entreprise.
On estime habituellement que, pour un poste ouvert à candidature, un employeur reçoit, au minimum, près d’une centaine de réponses. Pour une entreprise de taille moyenne qui procéderait à trois ou quatre recrutements par an, cette nouvelle obligation entraînerait une nette surcharge de travail et des frais de conservation des données – CV et lettres de motivation – assez importants.
L’amendement n° 537 tend à ce que ce registre, à l’instar du registre unique du personnel, soit consultable par les délégués du personnel et l’autorité judiciaire. Je vous avoue, non sans euphémisme, que cette contrainte me semble excessive et insuffisamment encadrée ! Contrôler les candidatures et les recrutements ne me paraît pas relever de la compétence des organisations syndicales. On imagine bien les dérives qu’une telle mesure pourrait entraîner…
L’amendement du groupe CRC, d’une part, vise à ce que les informations soient consignées précisément dans le registre unique du personnel, qui est consultable par les organisations syndicales – je rappelle que les candidats ne deviennent pas forcément le personnel de l’entreprise ! – et, d’autre part, tend à ce que les CV soient conservés pendant une durée de cinq ans. J’ai déjà donné mon avis sur ce point.
S’agissant de l’obligation pour l’employeur de remettre à chaque candidat, lors de l’entretien d’embauche, une notification de ses droits en matière de non-discrimination, il me semble que cette obligation arrive trop tard, puisque la discrimination intervient principalement au moment de la sélection des CV, et non de l’entretien d’embauche.
Je trouve donc que ces amendements reviennent véritablement à faire un procès d’intention aux entreprises. Leurs dispositifs relèvent plus de l’inquisition que du droit du travail !
J’émets, par conséquent, au nom de la commission, un avis défavorable à leur sujet, mais peut-être M. le ministre pourra-t-il m’éclairer sur leur pertinence, qui, à ce stade, m’échappe totalement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Madame la rapporteur, je ne sais pas si je vais vous éclairer ! Toujours est-il que la traçabilité, la transparence et le traitement équitable dans les procédures de recrutement sont des questions importantes, qui, d'ailleurs, sont actuellement évoquées au sein du groupe de dialogue sur les discriminations présidé par M. Sciberras. J’ai demandé à celui-ci une expertise complémentaire, afin que nous puissions réellement aboutir à la création d’un outil opérationnel qui tient compte des contraintes des uns et des autres.
Ce deuxième rapport me sera remis dans quelques semaines. J’estime qu’il serait prématuré d’adopter un amendement avant de disposer de ces conclusions.
Je demande donc à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces trois amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 103 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.