Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.
2. Égalité et citoyenneté. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 716 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 38
Amendement n° 560 de Mme Esther Benbassa. – Rectification.
Amendement n° 560 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 747 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 253 rectifié nonies de M. Hervé Marseille. – Retrait.
Articles additionnels après l’article 38 quater
Amendement n° 1 rectifié quinquies de Mme Anne Chain-Larché. – Rejet.
Amendement n° 457 de M. Didier Guillaume. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 659 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Amendement n° 436 de Mme Dominique Gillot. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 41
Amendement n° 458 rectifié bis de Mme Michelle Meunier. – Non soutenu.
Amendement n° 300 rectifié de M. Maurice Antiste. – Non soutenu.
Amendement n° 562 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 717 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 82 de M. Didier Guillaume. – Rejet par scrutin public.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 44 B
Amendement n° 393 de M. André Gattolin. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
4. Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
Suspension et reprise de la séance
5. Dépôt d'un avis de l'Assemblée de la Polynésie française
6. Égalité et citoyenneté. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles 47 ter et 47 quater – Adoption.
Articles 47 quinquies, 47 sexies et 47 septies (supprimés)
Articles 48 à 50 (précédemment examinés)
Adoption de l’article.
Amendement n° 388 de M. David Rachline. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Amendement n° 389 de M. David Rachline. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Amendement n° 333 de M. Christian Favier. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 538 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 334 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 539 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels avant l’article 55
Amendement n° 466 rectifié bis de Mme Chantal Jouanno. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 467 rectifié bis de Mme Chantal Jouanno. – Retrait.
Amendement n° 468 rectifié bis de Mme Chantal Jouanno. – Retrait.
Amendement n° 469 rectifié bis de Mme Chantal Jouanno. – Retrait.
Amendement n° 470 rectifié bis de Mme Chantal Jouanno. – Retrait.
Article additionnel après l'article 55
Amendement n° 273 de Mme Patricia Schillinger. – Non soutenu.
Amendement n° 51 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 335 de M. Christian Favier. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 56 ter
Amendement n° 483 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Rejet.
Amendement n° 336 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 337 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 338 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 528 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 662 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 460 de M. Didier Guillaume. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 681 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 59
Amendement n° 340 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 312 de Mme Bariza Khiari. – Non soutenu.
Amendement n° 86 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann
Amendement n° 561 de Mme Esther Benbassa
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 86 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann (suite). – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 561 de Mme Esther Benbassa (suite). – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 52 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 60
Amendement n° 557 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Articles 60 bis et 61 (supprimés)
Articles additionnels après l’article 61
Amendement n° 310 de Mme Bariza Khiari. – Rejet.
Amendement n° 106 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 103 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 311 de Mme Bariza Khiari. – Rejet.
Amendement n° 537 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 107 de M. Christian Favier. – Rejet.
Amendement n° 99 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 547 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 61 bis
Amendement n° 98 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 100 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Articles 61 ter et 62 (supprimés)
Article additionnel après l'article 62
Amendement n° 640 rectifié de M. Jacques Mézard repris par la commission sous le n° 750. – Rejet.
Amendement n° 548 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 292 rectifié de M. Richard Yung. – Rejet.
Amendement n° 301 de M. André Gattolin. – Non soutenu.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 63 bis
Amendement n° 380 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Non soutenu.
Articles additionnels après l'article 65
Amendement n° 542 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 496 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 545 rectifié bis de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 544 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 541 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 559 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 558 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 527 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 67
Articles additionnels après l’article 70
Amendement n° 532 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 533 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Amendement n° 551 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.
Amendement n° 718 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac,
M. Bruno Gilles.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Égalité et citoyenneté
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté (projet n° 773 [2015-2016], texte de la commission n° 828 [2015-2016], rapport n° 827 [2015-2016]).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la section 1 du chapitre IV du titre III, à l’article 38.
TITRE III (suite)
POUR L’ÉGALITÉ RÉELLE
Chapitre IV (suite)
Dispositions améliorant la lutte contre le racisme et les discriminations
Section 1 (Suite)
Dispositions modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et le code pénal
Article 38
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du sous-titre II du titre Ier du livre II est complété par un article 215-5 ainsi rédigé :
« Art. 215-5. – Lorsqu’ils sont commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, les crimes prévus au présent sous-titre sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité. » ;
2° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II est complétée par un article 221-5-6 ainsi rédigé :
« Art. 221-5-6. – Lorsque les infractions prévues aux articles 221-5 et 221-5-1 sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :
« 1° Il est porté à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque l’infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle ;
« 2° Il est porté à quinze ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de dix ans d’emprisonnement. » ;
3° Le paragraphe 2 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre II est complété par un article 222-16-4 ainsi rédigé :
« Art. 222-16-4. – Lorsque les délits prévus aux articles 222-14-2 et 222-14-4 à 222-16 sont commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :
« 1° Il est porté à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;
« 2° Il est porté à six ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;
« 3° Il est porté à deux ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement. » ;
4° Le 9° de l’article 222-24 est ainsi rédigé :
« 9° Lorsqu’il a été commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle ; »
5° Après le premier alinéa de l’article 222-25, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il a été commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le crime est puni de la réclusion criminelle à perpétuité. » ;
6° L’article 222-28 est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Lorsqu’elle est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
7° (nouveau) Le 6° de l’article 222-30 est ainsi rédigé :
« 6° Lorsqu’elle a été commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle ; »
8° (nouveau) Le III de l’article 222-33 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Sur une personne à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
9° (nouveau) L’article 222-33-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’infraction a été commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, la peine est portée à quatre ans d’emprisonnement. » ;
10° (nouveau) Après le 4° de l’article 222-33-2-2, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Lorsqu’ils ont été commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
11° (nouveau) La section 7 du chapitre III du titre II du livre II est complétée par un article 223-21 ainsi rédigé :
« Art. 223-21. – Lorsque les infractions prévues au présent chapitre sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :
« 1° Il est porté à trente ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle ;
« 2° Il est porté à vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de quinze ans de réclusion criminelle ;
« 3° Il est porté à dix ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;
« 4° Il est porté à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;
« 5° Il est porté à six ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;
« 6° Il est porté à quatre ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement ;
« 7° Il est porté à deux ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement. » ;
12° (nouveau) Après le 5° de l’article 224-1 C, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Lorsque le crime est commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
13° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 224-5-2, après le mot : « organisée », sont insérés les mots : « ou à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle » ;
14° (nouveau) Le I de l’article 225-4-2 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Lorsque l’infraction est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
15° (nouveau) L’article 225-12-6 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° À raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
16° (nouveau) Le premier alinéa de l’article 225-15 est complété par les mots : « ou à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle » ;
17° (nouveau) L’article 225-16-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
18° (nouveau) À l’article 225-18, les mots : « ou une religion déterminée » sont remplacés par les mots : « , une religion déterminée ou à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle » ;
19° (nouveau) La section 7 du chapitre VI du titre II du livre II est complétée par un article 226-33 ainsi rédigé :
« Art. 226-33. – Lorsque les infractions prévues au présent chapitre sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :
« 1° Il est porté à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;
« 2° Il est porté à six ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;
« 3° Il est porté à quatre ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement ;
« 4° Il est porté à deux ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement. » ;
20° (nouveau) La section 6 du chapitre VII du titre II du livre II est complétée par un article 227-32-1 ainsi rédigé :
« Art. 227-32-1. – Lorsque les infractions prévues aux articles 227-18 à 227-25 sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :
« 1° Il est porté à quinze ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est punie de dix ans d’emprisonnement ;
« 2° Il est porté à dix ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;
« 3° Il est porté à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;
« 4° Il est porté à six ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;
« 5° Il est porté à quatre ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement ;
« 6° Il est porté à deux ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement. » ;
21° (nouveau) Le 9° de l’article 311-4 est ainsi rédigé :
« 9° Lorsqu’il est commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle ; »
22° (nouveau) Le 3° de l’article 312-2 est ainsi rédigé :
« 3° Lorsqu’elle est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle ; »
23° (nouveau) La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III est complétée par un article 312-16 ainsi rédigé :
« Art. 312-16. – Lorsque les infractions prévues aux articles 312-10 à 312-12-1 sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :
« 1° Il est porté à dix ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;
« 2° Il est porté à sept ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;
« 3° Il est porté à un an d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de six mois d’emprisonnement. » ;
24° (nouveau) Après le 5° de l’article 313-2, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° À raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
25° (nouveau) L’article 314-2 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Au préjudice d’une personne à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
26° (nouveau) Après le 8° de l’article 322-3, il est inséré un 9° ainsi rédigé :
« 9° Lorsqu’elle est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
27° (nouveau) Le 3° de l’article 322-8 est ainsi rédigé :
« 3° Lorsqu’elle est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle. » ;
28° (nouveau) La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre IV est complétée par un article 431-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 431-2-1. – Lorsque les infractions prévues à l’article 431-1 sont commises à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :
« 1° Il est porté à six ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;
« 2° Il est porté à deux ans d’emprisonnement lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement. » ;
29° (nouveau) Le dernier alinéa de l’article 322 est ainsi rédigé :
« Lorsque l’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1 est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée ou à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, les peines encourues sont également portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende. »
II. – (Supprimé)
III. – L’article L. 114-2 du code du patrimoine est ainsi rédigé :
« Art. L. 114-2. – Les infractions relatives aux destructions, dégradations et détériorations du patrimoine sont sanctionnées par les peines prévues aux articles 322-1 et 322-2 du code pénal. »
IV. – (Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 716, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 82
Remplacer la référence :
322
par la référence :
322-2
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Cet amendement tend à corriger une erreur de référence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 38, modifié.
(L'article 38 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 38
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 254 est présenté par Mmes Conway-Mouret, Meunier, Blondin et Monier.
L'amendement n° 316 rectifié bis est présenté par M. Longeot, Mme Férat, MM. Détraigne, Canevet, Kern et Luche, Mmes Loisier et Doineau, MM. Médevielle, Guerriau et Gabouty et Mmes Billon et Jouanno.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 222-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1° du présent article, la peine complémentaire d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 et à l’article 131-26-1 du présent code est prononcée de plein droit à l’encontre de toute personne investie d’un mandat électif public coupable de l’une des infractions définies aux sections 1 et 3 du présent chapitre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine. »
L’amendement n° 254 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l'amendement n° 316 rectifié bis.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à rendre obligatoire la peine complémentaire d'inéligibilité en cas de condamnation pour atteinte volontaire à l'intégrité de la personne ou agression sexuelle.
Il s’agit bien, pour nous, de faire de l'inéligibilité une peine complémentaire obligatoire, que le juge est en principe tenu de prononcer. Toutefois, celui-ci demeure libre d'en fixer le quantum et peut, en motivant spécialement sa décision, décider de ne pas prononcer l'inéligibilité.
Serait concerné par cette peine, qui, n’ayant pas de caractère automatique, ne serait pas inconstitutionnelle, l'ensemble des condamnations pour violence.
À l’heure actuelle, l'inéligibilité sanctionnant des infractions pénales est une peine complémentaire facultative et, de fait, elle n'est que très peu prononcée. Il serait important de réaffirmer le devoir d'exemplarité des personnes représentant la population.
M. le président. L'amendement n° 560, présenté par Mmes Benbassa et Archimbaud, M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 222-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1°, la peine complémentaire d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 et à l’article 131-26-1 est prononcée de plein droit à l’encontre de toute personne coupable de l’une des infractions définies aux sections 1 et 3 du présent chapitre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement, dans le même esprit que celui qui vient d’être présenté, vise à généraliser les peines d’inéligibilité pour tout individu condamné pour atteinte volontaire à l’intégrité physique ou morale d’une personne.
Actuellement, un individu condamné pour violence volontaire ou violence sexuelle peut déjà être déclaré inéligible pour une durée maximale de cinq ans, en cas de délit, et de dix ans, en cas de crime. Toutefois, cette peine est dite « complémentaire » et, de la sorte, est rarement prononcée. Il en découle un certain nombre de situations très problématiques. Ainsi, il arrive que certains élus, condamnés pour violence envers leur compagne, continuent à officier et à célébrer des mariages.
L’adoption de cet amendement ferait de l’inéligibilité une peine complémentaire obligatoire. J’y insiste, cette peine n’aurait pas un caractère automatique : le juge pourrait toujours décider de ne pas l’imposer et n’aurait, pour cela, qu’à motiver son choix. De ce fait, la disposition respecte le principe d’individualisation des peines ; elle est donc conforme à la Constitution.
Par cet amendement, nous cherchons à faciliter le prononcé de l’inéligibilité, afin de le rendre plus régulier ou plus systématique. Vous en conviendrez, mes chers collègues, il est difficile d’envisager que des personnes condamnées pour de tels faits puissent continuer à exercer ou prétendre exercer leur mandat. Il y va du rôle des élus en tant que référents sociaux et de leur devoir d’exemplarité ! Je vous appelle donc à le voter.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président !
M. le président. Vous demandez la parole, madame Gonthier-Maurin ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, parce que, même si je sais que notre temps est contraint, j’aurais apprécié que vous vous intéressiez à cette partie de l’hémicycle. Je voulais reprendre l’amendement n° 254 présenté par certains de nos collègues socialistes, mais vous ne m’avez pas vue et je n’ai pas pu le faire. Je profite donc de la présentation de ces deux amendements pour indiquer que nous les soutiendrons.
M. le président. Je tâcherai d’être plus attentif, mais, de toute façon, vous ne pouviez pas reprendre l’amendement n° 254. Quoi qu’il en soit, l’amendement n° 316 rectifié bis est identique…
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. À titre personnel, je suis très sensible au thème évoqué dans ces amendements, à savoir l’exemplarité des élus, à laquelle nous ne pouvons que souscrire les uns et les autres. Toutefois, je m’en tiendrai à l’extrême rigueur dont nous avons été conduits à faire preuve dans l’examen de ce texte.
Ces amendements visent à créer une peine complémentaire systématique d’inéligibilité pour les personnes coupables de violence. Une disposition identique a déjà été rejetée par la commission spéciale et par l’Assemblée nationale.
Comme cela a été rappelé, en l’état actuel du droit, les juges peuvent d’ores et déjà prononcer une telle peine complémentaire. Les auteurs des amendements demandent à rendre ce prononcé automatique, ce qui pose un réel souci. En effet, le juge doit toujours avoir la possibilité de ne pas prononcer la peine et d’en moduler l’ampleur – il a un pouvoir d’appréciation –, les faits doivent être graves et il doit exister un lien entre la nature des faits réprimés et la nature de la sanction.
En outre, la mesure doit avoir un intérêt au regard de l’objectif de bonne administration de la justice, notamment en permettant de prévenir une réitération de l’infraction. Ainsi, pour prendre un exemple dans un domaine complètement différent, une peine systématique de confiscation du véhicule est permise pour certains délits routiers, car il existe vraiment un lien de cause à effet.
Enfin, le Conseil constitutionnel analyse également la proportionnalité de la mesure au regard de la nature de la sanction. Or l’inéligibilité est une sanction très grave, touchant aux fondements de la citoyenneté.
À mon avis, nous pourrions rencontrer quelques difficultés d’interprétation si nous adoptions une telle disposition. Cette peine systématique pourrait uniquement être constitutionnelle si les infractions visées avaient été commises dans le cadre de l’exercice d’un mandat électif public.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement s’associe à l’objectif que les auteurs de ces amendements cherchent à atteindre, mais leur proposition soulève quelques interrogations, d’ailleurs très largement évoquées par Mme la rapporteur.
La mesure proposée ne présente pas de risque constitutionnel dès lors que la peine obligatoire n’est pas automatique, c’est-à-dire qu’il existe une possibilité de déroger à son prononcé. Pour autant, nous estimons que la rédaction pourrait être améliorée. Les amendements font état d’une peine prononcée « de plein droit », expression qui ne figure pas dans le code pénal : une peine est encourue, mais non prononcée de plein droit. Il serait donc préférable d’indiquer que le prononcé de la peine est obligatoire.
Cela étant, si l’un de ces amendements était adopté, nous aurons certainement l’occasion de revenir sur ce point dans la suite du parcours législatif du projet de loi.
Messieurs les sénateurs, si je comprends parfaitement votre intention, je ne peux m’empêcher de noter que cette peine complémentaire obligatoire contrevient au principe d’individualisation des peines, auquel le Gouvernement est attaché. Pour déroger à cette peine complémentaire obligatoire, le juge devra motiver sa décision, alors qu’il n’a besoin d’aucune motivation spéciale pour prononcer la peine. Or il est évident que le juge tient compte de la personnalité de l’auteur de telles atteintes, en particulier si la fonction exercée a pu servir à commettre ces actes abjects, voire a été détournée à cet effet.
Par conséquent, j’y insiste, si le Gouvernement comprend votre intention, il ne peut totalement souscrire à une telle disposition, pour les raisons d’ordre juridique que j’ai exposées.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. J’ai bien pris note de la formulation proposée par M. le ministre. Je souhaite donc rectifier mon amendement, en supprimant l’expression « de plein droit ».
Cela étant, je maintiens mon amendement, car il y a le droit et il y a l’usage. En effet, le nombre de condamnations est très faible. Or il faut être cohérent : ceux qui, en vertu de la loi, prononcent des mariages – c’est un acte juridique – ne peuvent pas être en situation irrégulière.
M. le président. Pour le moment, nous en sommes aux explications de vote sur l’amendement n° 316 rectifié bis. Si cet amendement venait à être adopté, monsieur Gattolin, le vôtre n’aurait plus d’objet. Je reviendrai donc vers vous ultérieurement.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. L’inéligibilité est une question qui a déjà été soulevée dans d’autres affaires. Partant d’une impression que les magistrats n’y prêteraient pas attention et ne prononceraient pas cette peine, on entend la rendre systématique. Les magistrats auraient la possibilité de ne pas la prononcer, mais en motivant leur décision.
J’ai le souvenir que, en d’autres circonstances, le groupe auquel j’appartiens avait considéré que les peines plancher n’étaient pas souhaitables, même si les magistrats pouvaient, en motivant leur décision, y déroger…
Soit on considère qu’il existe l’individualisation des peines, et il n’y a aucune raison pour que les peines complémentaires ne soient pas, elles aussi, individualisées ; soit on considère que l’inéligibilité doit être systématique, indépendamment de la nature de l’infraction, de la peine prononcée et des mentions portées au casier judiciaire, et l’on se retrouve avec des conditions d’éligibilité différentes.
Si nous commençons à rajouter, dans tel ou tel texte, des inéligibilités obligatoires, sauf décision motivée du magistrat, nous modifions complètement la structure du droit pénal, ce que d’autres ont voulu faire, en d’autres temps, avec les peines plancher.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 316 rectifié bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 30 :
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Pour l’adoption | 50 |
Contre | 264 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur Gattolin, vous nous aviez indiqué que vous souhaitiez rectifier l'amendement n° 560…
M. André Gattolin. Je souhaite en effet rectifier mon amendement dans le sens suggéré par M. le ministre, en supprimant l’expression « de plein droit ». Ainsi la formulation sera-t-elle plus correcte, sans modification de l’amendement sur le fond.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 560 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Archimbaud, M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :
Après l'article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 222-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1°, la peine complémentaire d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 et à l’article 131-26-1 est prononcée à l’encontre de toute personne coupable de l’une des infractions définies aux sections 1 et 3 du présent chapitre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cette rectification n’allant pas dans le sens que nous souhaitons, je maintiens mon avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 560 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 38 bis
Le code pénal local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est ainsi modifié :
1° L’article 166 est abrogé ;
2° L’article 167 est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 747, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2° L’article 167 est ainsi rédigé :
« Art. 167. – Les articles 31 et 32 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État sont applicables. »
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement tend à réparer une erreur, que je qualifierai de « technique », commise à l’Assemblée nationale.
Nos collègues députés ont souhaité aligner la répression du délit d’atteinte à l’exercice d’un culte, prévu par le droit pénal local, sur le droit commun résultant de la loi du 9 décembre 1905. Nous partageons leur analyse : une peine d’emprisonnement de trois ans apparaît effectivement excessive. Toutefois, la rédaction retenue pose problème, car elle ne rapproche pas le droit pénal local applicable en Alsace-Moselle du droit commun. Or cela est contraire à la décision du 5 août 2011 du Conseil constitutionnel, qui a jugé que les différences de traitement résultant du droit local alsacien-mosellan ne devaient pas s’accroître.
La commission spéciale a donc supprimé l’article 167 du code pénal local, pour permettre l’application du seul droit commun sur toute la France, avec les mêmes peines, et pour éviter toute confusion née de l’absence de mise à jour opérée par Legifrance.
Sans mention expresse, la loi de 1905 ne s’applique pas en Alsace-Moselle. Le présent amendement tend à réparer cette omission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le régime concordataire, qui s’applique toujours en Alsace et en Moselle, comprend effectivement un certain nombre de dispositions dérogatoires en matière de séparation des Églises et de l’État, comme Mme la rapporteur vient de le rappeler, mais pas de régime pénal dérogatoire.
En conséquence, dès lors que le présent amendement ne tend pas à rétablir le délit de blasphème, ni à instaurer un droit pénal applicable uniquement en Alsace et en Moselle, il recueille un avis favorable de la part du Gouvernement. Cette proposition de la commission spéciale fait d’ailleurs écho au travail législatif du sénateur Bigot.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. En tant que sénateur bas-rhinois et président de la commission du droit local, je tiens à remercier Mme la rapporteur d’avoir déposé cet amendement, qui, me semble-t-il, réglera définitivement le problème.
Le code pénal local n’a rien à voir avec le Concordat. C’est un texte de droit allemand, et en allemand, qui n’est pas du tout appliqué. D’ailleurs, des discussions ont déjà lieu pour savoir si, en l’absence d’une véritable traduction – tout juste a-t-il été traduit par une circulaire –, il s’appliquait.
Il était utile de supprimer le délit de blasphème. Des propositions de loi ont été déposées en ce sens par un certain nombre de parlementaires, dont moi-même, et ce sur toutes les travées. Mais, de ce fait, il manquait dans notre droit la possibilité, prévue aux articles 31 et 32 de la loi de 1905, de sanctionner l’atteinte à l’exercice d’un culte.
Cette mesure me semble donc positive et son application ne posera aucun problème. La commission du droit local et les représentants des cultes y sont d’ailleurs favorables. J’ai interrogé à ce sujet les procureurs généraux des cours d’appel de Metz et de Colmar : de mémoire d’homme, aucune poursuite n’a jamais été engagée sur le fondement des articles du code pénal local que nous supprimons.
Je rassure ceux qui sont attachés au Concordat : le fait d’appliquer deux articles de la loi de 1905 n’implique pas que cette loi soit applicable dans son ensemble.
M. le président. Je mets aux voix l'article 38 bis, modifié.
(L'article 38 bis est adopté.)
Article 38 ter
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 330 est présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 455 rectifié ter est présenté par MM. Guillaume et Magner, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Kaltenbach, Carvounas, Rome et Vaugrenard, Mmes Yonnet, E. Giraud et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
1° Le cinquième alinéa de l’article 24 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « humanité », sont insérés les mots : « , des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , y compris si ces crimes n’ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs » ;
2° Après le premier alinéa de l’article 24 bis, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Seront punis des mêmes peines ceux qui auront nié, minoré ou banalisé de façon outrancière, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un crime de génocide autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, d’un autre crime contre l’humanité, d’un crime de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou d’un crime de guerre défini aux articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 et aux articles 211-1 à 212-3, 224-1 A à 224-1 C et 461-1 à 461-31 du code pénal, lorsque :
« 1° Ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ;
« 2° Ou la négation, la minoration ou la banalisation de ce crime constitue une incitation à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe défini par référence à la prétendue race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale. » ;
3° Après l’article 48-1, il est inséré un article 48-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 48-1-1. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans se proposant, par ses statuts, de lutter contre l’esclavage ou de défendre la mémoire des esclaves et l’honneur de leurs descendants peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions d’apologie, de négation, de minoration ou de banalisation des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage prévues aux articles 24 et 24 bis.
« Toutefois, quand l’infraction a été commise envers des personnes considérées individuellement, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes ou si elle justifie que ces personnes ne s’opposent pas aux poursuites. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 330.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur la suppression opérée par la commission spéciale de l’article 38 ter, pourtant adopté à l’unanimité, et dans une unité solennelle, à l’Assemblée nationale.
Cet article tend à sanctionner la contestation des crimes contre l’humanité, comme l’esclavage ou les génocides, alors qu’aujourd'hui seule la contestation de la Shoah est sanctionnée. Son adoption permettrait d’étendre la pénalisation à l’ensemble des crimes de guerre ou contre l’humanité, dès lors qu’ils auront été reconnus par une juridiction ou, pour les cas trop anciens, qu’ils disposeront d’une reconnaissance historique – c’est notamment le cas du génocide des Arméniens de 1915, ayant fait l’objet d’une loi votée en 2001 par le Parlement français. Dans ce cas, une sanction sera prise si leur contestation ou leur banalisation est commise dans des conditions incitant à la haine ou à la violence.
Il s’agit, par cette écriture, de revenir sur la censure du Conseil constitutionnel de février 2012. La rédaction retenue ici permettrait, nous semble-t-il, d’échapper à une nouvelle censure, car le Conseil, dans sa décision de 2012, avait estimé qu’une loi pouvait réprimer les abus de l’exercice de la liberté d’expression en cas d’incitation à la haine ou à la violence, reprenant le principe de la loi Gayssot de 1990 contre l’antisémitisme et la négation de la Shoah.
Cet article – un article d’apaisement d’une société trop souvent morcelée – est donc bienvenu. Il nous faut continuellement apprendre de nos erreurs, pour ne pas les réitérer !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, de rétablir l’article 38 ter.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 455 rectifié ter.
Mme Evelyne Yonnet. Introduit en commission à l’Assemblée nationale, l’article 38 ter visait à renforcer notre arsenal législatif, en élargissant le champ de la répression de la contestation ou de la banalisation des crimes contre l’humanité à l’ensemble de ces crimes, notamment à la traite et à l’esclavage.
En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté un amendement de rédaction globale du Gouvernement visant à compléter l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 dans ses dispositions relatives à l’apologie des crimes contre l’humanité, en y ajoutant les crimes de réduction en esclavage, « y compris si ces crimes n’ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs ». Cet amendement a également complété l’article 24 bis de ladite loi en créant un délit de négation, de minoration ou de banalisation de tout autre crime contre l’humanité, crime de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou crime de guerre tel que défini par les articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale créée à Rome le 17 juillet 1998 et par les articles 211-1 à 212-3, 224-1 A à 224-1 C et 461-1 à 461-31 du code pénal.
Ce nouveau délit est subordonné à deux conditions alternatives : le crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ; la négation, la minoration ou la banalisation de ce crime constitue une incitation à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe défini par référence à la prétendue race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale.
Cette nouvelle rédaction avait pour objectif de mettre le texte en conformité avec les exigences conventionnelles ou constitutionnelles rappelées par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2012.
La commission spéciale a supprimé l’article 38 ter, que nous proposons de réintroduire.
Notre amendement tend à reprendre le texte de l’Assemblée nationale, permettant de mieux distinguer l’apologie des crimes contre l’humanité, relevant de l’article 24 de la loi sur la presse, de leur négation, visée à l’article 24 bis de cette même loi. Il convient également de compléter ces articles pour y mentionner l’esclavage. Il vise également à mieux définir le délit de négation ou de banalisation de ces crimes en respectant à la fois les exigences constitutionnelles et la décision-cadre du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal.
Ce texte permettra de sanctionner la contestation ou la banalisation de l’ensemble des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre, de manière non limitative, dès lors qu’ils auront été reconnus par une juridiction internationale ou par une juridiction française, alors que seule la négation de la Shoah est aujourd’hui réprimée.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Evelyne Yonnet. Il sera par exemple possible de sanctionner la négation du génocide au Rwanda, de l’esclavage, du génocide arménien, de celui des Assyro-Chaldéens, qui furent, eux aussi, victimes du génocide de 1915, et de tous les crimes contre l’humanité et tous les crimes de guerre.
Par cet amendement, nous achevons le travail collectif de mémoire, de reconnaissance et respectons nos engagements à l’égard de nos amis arméniens.
M. le président. L'amendement n° 253 rectifié nonies, présenté par M. Marseille, Mme Jouanno, MM. J.C. Gaudin et Gilles, Mme Hummel, M. Dallier, Mmes Loisier et Férat, MM. Cadic, Guerriau, Amiel, Karoutchi, Falco et Guérini, Mme Joissains et M. Forissier, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le premier alinéa de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Seront punis des mêmes peines ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un crime de génocide autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, d’un autre crime contre l’humanité, d’un crime de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou d’un crime de guerre défini aux articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 et aux articles 211-1 à 212-3, 224-1 A à 224-1 C et 461-1 à 461-31 du code pénal, lorsque :
« 1° Ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ;
« 2° Ou la contestation de ce crime constitue une incitation à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe défini par référence à la prétendue race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale. »
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. L’Assemblée nationale a adopté en séance publique un article 38 ter créant un délit de négation, de minoration ou de banalisation de tout autre crime contre l’humanité, crime de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou d’un crime de guerre.
Cet article visait également à habiliter les associations luttant contre l’esclavage à mettre en mouvement l’action publique contre les délits d’apologie de crime de réduction en esclavage.
Notre rapporteur a supprimé cet article au motif que la commission spéciale refuse d’approuver des dispositions qui semblent incantatoires et sans portée juridique nouvelle. Si l’on devait systématiquement retenir cet argument, bien des textes passeraient à la trappe…
Mon amendement diffère des deux amendements précédents qui visent à rétablir dans son intégralité l’article 38 ter en ce qu’il évite les problèmes juridiques soulignés par la commission. Ainsi, il ne reprend pas les premiers alinéas de cet article, déjà satisfaits par le droit en vigueur, portant sur les crimes contre l’humanité visés à l’article 212-1 du code pénal, ni ses derniers, satisfaits par l’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881.
En ayant fait l’économie de ces alinéas, mon amendement conserve l’apport essentiel du dispositif, en remplaçant cependant les termes initiaux « la négation, la minoration ou la banalisation de ce crime » par le mot « contestation ». En effet, le rapport de notre commission spéciale n’a pas manqué de souligner que les magistrats spécialisés en droit de la presse relèvent qu’il aurait été préférable de maintenir le terme « contestation ». Sur ce point, madame la rapporteur, les attentes de la commission sont également satisfaites.
Je refuse d’analyser l’ensemble de ces dispositions supprimées comme étant incantatoires et sans portée juridique ; le délit de contestation d’un génocide ne constitue pas aujourd’hui une qualification juridique existante.
Monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, si cette rédaction prend en compte les problèmes juridiques visés par la commission spéciale, j’espère que notre débat va permettre de trouver le meilleur libellé possible afin de lever l’ensemble des doutes juridiques qui seraient susceptibles d’apparaître et de permettre enfin que l’égalité de droit soit garantie en France pour toutes les personnes ayant subi le même type de préjudice. Ont été cités nos amis arméniens, mais nous aurions pu également parler des Assyro-Chaldéens ou du Rwanda. Toutes ces communautés méritent qu’on pense à elles, victimes de tant de génocides, malheureusement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les amendements identiques nos 330 et 455 rectifié ter visent à rétablir à l’identique l’article 38 ter, qui a été supprimé par la commission.
En premier lieu, ces amendements tendent à « compléter » le délit d’apologie des crimes contre l’humanité, en y ajoutant les crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage. Cet ajout ne nous semble pas pertinent, car il apparaît que l’article 212-1 du code pénal qualifie déjà la réduction en esclavage de crime contre l’humanité.
En deuxième lieu, ces amendements précisent que le délit d’apologie est constitué, « y compris si ces crimes n’ont pas donné lieu à condamnation de leurs auteurs », alors même que la condamnation des auteurs n’a jamais constitué un élément constitutif de l’apologie pour la jurisprudence. Ainsi, de nombreuses apologies de l’attaque contre Charlie Hebdo ont été condamnées en France, alors même qu’un procès n’a pas encore eu lieu. Cette précision est donc superflue et risquerait même de créer un risque d’a contrario pour les juridictions.
En troisième lieu, ces amendements tendent à habiliter les associations luttant contre l’esclavage ou de défense de la mémoire des esclaves et de l’honneur de leurs descendants à mettre en mouvement l’action publique contre les délits d’apologie de crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage. Or, comme évoqué précédemment, la réduction en esclavage est d’ores et déjà un crime contre l’humanité. Cette habilitation est donc couverte par la rédaction de l’article 48-2 de la loi de 1881 proposée par l’article 39 bis du présent projet de loi. De plus, il semble difficile de matérialiser une justification de « non-opposition » des victimes, telle que proposée que dans les amendements : soit les victimes ou leurs ayants droit acceptent que l’association enclenche l’action publique, soit elles ne le souhaitent pas.
En quatrième lieu, ces amendements ont principalement pour objet de créer un nouveau délit de « négation, minoration ou banalisation » des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, de réduction en esclavage ou des crimes de guerre. Outre qu’il n’appartient ni au législateur ni aux magistrats de s’ériger en juges de l’Histoire, ce délit soulève plusieurs difficultés d’ordre constitutionnel. En effet, ces amendements prévoient deux conditions alternatives pour constituer le délit de négationnisme.
La première exige que la contestation constitue déjà une incitation à la haine raciale. C’est un délit d’ores et déjà puni des mêmes peines. Cette disposition est donc redondante, ne changera rien au droit existant et ne vise qu’à répondre, de manière symbolique, mais non normative, à une revendication. Or le symbole n’est pas sans conséquence. Cela sera même plus compliqué pour les victimes. Alors que, actuellement, il suffit de prouver l’incitation à la haine ou à la violence en raison d’un motif prohibé, il faudrait désormais prouver en sus la contestation d’un dit crime contre l’humanité.
Quant au second critère alternatif, il nous paraît inconstitutionnel. Dans sa décision du 8 janvier 2016 sur la loi Gayssot, le Conseil constitutionnel n’a pas censuré le délit de négationnisme, en relevant que l’incrimination concernait exclusivement la contestation de l’existence de faits qualifiés de crimes contre l’humanité, à la fois sanctionnés comme tels par une juridiction française ou internationale et, seconde condition, participant de l’antisémitisme et de la haine raciale. Ainsi, ce n’est qu’à cette double condition que le Conseil constitutionnel a validé le délit de négationnisme.
Il apparaît donc que la seule condamnation par une juridiction française ou internationale, sans constituer en soi une incitation à la haine ou à la violence raciale, constituerait une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d’expression. Au surplus, les magistrats spécialisés dans le droit de la presse relèvent qu’il aurait été préférable de maintenir le terme « contestation », que la jurisprudence sait largement interpréter, notamment comme tout acte de négation ou de minoration. Je relève également que le Conseil constitutionnel n’a mentionné que les termes « négation implicite ou explicite » ou « minoration outrancière ».
Enfin, ce délit s’appuierait sur des critères nouveaux de discrimination : cet article ajoute les critères de la couleur ou de l’ascendance, en contradiction flagrante, pardonnez-moi de vous le dire, mes chers collègues, avec l’article 41 du projet de loi, qui vise à harmoniser ces critères. De même, je ne suis pas certaine qu’ils répondent aux exigences du principe constitutionnel de légalité de la loi pénale.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Les arguments que je viens d’invoquer valent également pour l’amendement n° 253 rectifié nonies, sur lequel la commission émet également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je remercie les auteurs de ces trois amendements, qui rejoignent l’intention du Gouvernement et de nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des différences partisanes.
Sur ce sujet extrêmement sensible, le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises et pourra de nouveau se prononcer dans l’hypothèse probable où de nouveaux recours seront engagés auprès de lui. Quoi qu’il en soit, pour le moment, nous en sommes au stade du débat législatif.
Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale était effectivement important dans la mesure où il proposait d’étendre l’infraction de négationnisme à tous les crimes contre l’humanité, ce que le droit positif ne permet pas à ce jour.
Les amendements en discussion visent à réprimer le négationnisme en limitant, de manière équilibrée selon nous, le risque de voir le juge pénal dire l’Histoire. Leurs auteurs proposent soit que le crime contre l’humanité ait donné lieu à une condamnation pénale, soit que la négation, la minoration ou la banalisation constitue une incitation à la violence ou à la haine envers une personne ou un groupe de personnes.
Cette dernière expression, qui manifestement fait l’objet du débat, crée une condition de caractérisation de l’infraction qui se cumule avec la banalisation. Le champ d’application de l’infraction est donc différent de celui du délit d’incitation à la haine ou à la violence, qui peut être constitué même en l’absence de banalisation d’un crime contre l’humanité. L’expression « la négation, la minoration ou la banalisation » reprend d’ailleurs, cela a été rappelé, les termes d’une décision-cadre de l’Union européenne du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’abord, tout en respectant la liberté d’expression, de réprimer les propos outranciers, qui sont une menace pour la cohésion nationale, parce qu’ils appellent à la violence ou au meurtre ou les banalisent.
Je me tourne maintenant vers M. Marseille, Mme Jouanno et M. Gaudin, qui savent combien la négation des crimes contre l’humanité peut porter atteinte à la cohésion sociale, et je salue leur engagement.
L’amendement que vous avez présenté, monsieur Marseille, vise les mêmes objectifs que celui notamment de M. Guillaume. Simplement, votre amendement me paraît incomplet, parce qu’il exclut les dispositions sur l’apologie de crime contre l’humanité, qui me paraissent indissociables du négationnisme. Puisque nous voulons étendre le champ de l’application des infractions de presse réprimant l’expression d’une parole qui porte atteinte à la dignité des personnes ayant subi des tueries de masse, il n’est pas satisfaisant, selon nous, de limiter cette extension au seul négationnisme : louer quelque chose ou nier son existence sont finalement les deux faces de la même haine que nous voulons réprimer.
L’objet de votre amendement mentionne que les dispositions du texte adopté par l’Assemblée nationale relatives à l’apologie ne prévoient pas l’exigence d’une condamnation préalable. Il est pourtant compréhensible de vouloir punir tous les propos qui louent un crime contre l’humanité, quels qu’ils soient, qu’ils aient fait l’objet d’une condamnation ou pas. En revanche, il est important de limiter le champ d’application de l’infraction de négationnisme. En effet, il ne s’agit pas de réprimer l’expression d’un simple doute sur l’existence d’une tuerie dans le cadre, selon la formule de la CEDH, d’un débat d’intérêt général dans le cas où l’expression de ce doute n’incite pas à la haine ou à la violence.
Le Gouvernement est donc très favorable aux deux amendements identiques visant à rétablir l’article dans sa rédaction issue des travaux l’Assemblée nationale, au profit desquels je vous invite à retirer le vôtre, monsieur Marseille.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je ne suis pas, tant s’en faut, un partisan effréné de la repentance. Du fait de ma formation d’historien, je sais trop bien qu’il est très difficile de juger aujourd’hui des faits qui remontent à plusieurs décennies ou à plusieurs siècles et d’apprécier les événements avec les mêmes critères de jugement.
J’entends bien les objections d’ordre juridique et constitutionnel formulées par Mme la rapporteur. Je rappelle simplement que, lorsque le Président de la République Jacques Chirac a reconnu, en 1995, la responsabilité de l’État français, de Vichy, le Parlement, les juristes, les constitutionnalistes avaient estimé qu’il ne leur appartenait pas de juger l’Histoire. Pourtant, cette reconnaissance a été un acte fort de la République.
Ici, nous sommes au Parlement ; nous ne sommes pas au Conseil d’État ni au Conseil constitutionnel. Nous avons une responsabilité, tout en restant dans le cadre de la Constitution, c’est d’être l’expression de la République et de l’unité de la nation.
On nous dit qu’on ne pourrait pas voter ces amendements pour des raisons de droit et constitutionnelles – même si la rédaction proposée pour cet article ne me semble plus poser de problème en la matière. Je veux simplement dire qu’il y a des moments dans l’Histoire où il faut envoyer des signes, poser des actes, dire au peuple français qu’il est un. Et pour être un, il faut être reconnu dans sa plénitude. C’est pour cette raison que j’ai cosigné l’amendement de mon collègue Hervé Marseille.
Je ne nourris aucune opposition particulière à l’encontre de l’État turc, mais la franchise m’oblige à dire que j’ai regretté que les importants travaux réalisés par un groupe d’historiens réunis à Istanbul voilà une dizaine d’années sur la reconnaissance du génocide arménien aient été mis de côté et n’aient pas abouti.
Aujourd’hui, le Parlement français s’honorerait à reconnaître un certain nombre de choses. Il y a l’Histoire, il y a le droit, il y a la Constitution, et puis il y a la République et le peuple français !
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Ce n’est pas la première fois que nous avons un débat sur la négation des génocides. À chaque fois, nous avons des échanges de juristes très pointus pour nous demander si la liberté d’expression est préservée, s’il appartient au Parlement d’écrire l’Histoire, si le Conseil constitutionnel ne va pas censurer notre texte.
Après dix années de débats sur ce sujet, nous sommes parvenus à un équilibre avec l’amendement introduisant l’article 38 ter, qui a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Ce texte est solide, il apporte toutes les garanties juridiques et, comme l’a rappelé le ministre, il a été travaillé.
Nous devons nous interroger sur notre rôle en tant que parlementaires. Nous avons des devoirs, au premier rang desquels celui de justice, notamment vis-à-vis des victimes de crimes contre l’humanité. J’ai toujours en tête cette très belle formule d’Elie Wiesel, qui écrivait ceci : « Tolérer le négationnisme, c’est tuer une seconde fois les victimes. »
Mes chers collègues, nous devons avoir cette phrase en mémoire. En 2016, en France, continuer à tolérer des propos négationnistes sur les crimes contre l’humanité et les génocides, c’est inacceptable !
Nous avons également un devoir de protection de certains de nos concitoyens. Pourquoi ? Parce que lorsque les négationnistes bafouent la mémoire des victimes, en définitive, ils offensent aussi gravement leurs descendants. Cela aussi est inacceptable ! Il faut permettre à tous nos concitoyens, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur histoire, quel que soit leur parcours, de vivre sereinement en France sans être sous la pression de propos ou d’actions négationnistes des crimes contre l’humanité.
Enfin, nous avons un troisième devoir, essentiel, qu’a rappelé notre collègue Karoutchi : favoriser le vivre ensemble. Pour favoriser le vivre ensemble, il faut faire de la prévention contre toutes les incitations à la haine qui sont induites par le négationnisme.
Depuis 2006, différents projets de loi ou différentes propositions de loi, soutenues parfois par le gouvernement, et émanant alternativement de parlementaires de l’opposition et de la majorité, ont été examinés et des leaders politiques de gauche comme de droite ont pris des engagements forts. Le Président de la République, quant à lui, a rappelé à plusieurs reprises qu’il souhaitait que nous puissions faire aboutir ce dossier. Nous avons l’occasion aujourd’hui de clore ce chapitre, de sanctionner le négationnisme et de répondre à une forte attente de nos concitoyens sur ce sujet.
M. le président. Il faut conclure !
M. Philippe Kaltenbach. Il y aura toujours des débats juridiques. Pour ma part, je considère que les dispositions introduites par ces amendements ne devraient pas être censurées par le Conseil constitutionnel. À tout le moins, nous ne pouvons pas nous autocensurer en anticipant une éventuelle censure. Je suis confiant, je sais que ces amendements sont attendus, et j’espère qu’ils seront adoptés.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je suis gêné par ce débat tel qu’il est organisé. Autant l’amendement présenté par notre collègue Hervé Marseille me paraît être l’expression de convictions fortes telles que les a relayées avec beaucoup d’autorité Roger Karoutchi, autant les deux amendements identiques précédents me posent problème : il y est question de « minoration » – sans autre adjectif – et de « banalisation » des crimes visés. Or le devoir de connaissance est essentiel, et je ne voudrais pas qu’à un moment ou à un autre nous puissions ouvrir des procès en sorcellerie à l’égard de tel ou tel universitaire qui s’efforcerait de connaître tel ou tel sujet dans sa profondeur et sa complexité.
Comprendre les siècles précédents n’est pas fondamentalement inutile, ne serait-ce que pour éviter de reproduire les mêmes erreurs. Dans l’article de son Encyclopédie consacré à l’esclavage, Diderot, qui condamne évidemment celui-ci, rappelle que pour certains, à cette époque, cette pratique représentait un avantage par rapport à la situation antérieure, à savoir l’extermination des combattants vaincus. Il est donc toujours intéressant de comprendre le contexte.
À tout moment, nous avons un devoir de compréhension. Je ne voudrais donc pas que la référence à la « minoration » et à la « banalisation » devienne un butoir qui interdirait d’approfondir tel ou tel sujet.
Nous savons qu’il y a eu un esclavage transatlantique et nous savons qu’il y a eu un esclavage Nord-Sud. On peut considérer qu’évoquer l’esclavage Nord-Sud a pour objet de minorer l’esclavage transatlantique... Les deux sont condamnables, mais, chers collègues du groupe socialiste et républicain, chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, on peut condamner, mais au moins faut-il connaître et comprendre. C’est la raison pour laquelle je suivrai la commission, dont le jugement me paraît plus raisonnable. Surtout, j’aimerais pouvoir voter l’amendement de M. Marseille, qui tombera si nous adoptons les deux amendements identiques précédents.
Chacun prendra sa part de responsabilité, mais savoir et connaître, comprendre pour éviter me paraissent une obligation absolue.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Le but de ces amendements, qui ont l’accord du Gouvernement, est de montrer sa sollicitude – totalement désintéressée, évidemment – envers la communauté arménienne en créant un délit de « négation, minoration ou banalisation » de crimes de génocide et d’autres crimes contre l’humanité étendu à toutes les victimes de notre histoire sanglante, pour contourner les décisions du Conseil constitutionnel de 2012 et de 2016.
Ce débat, cela a été rappelé, nous l’avons déjà eu plusieurs fois au Sénat. Le premier auquel j’ai participé, c’était en mai 2011, portait sur une proposition de loi mémorielle tendant à réprimer la contestation de l’existence du génocide arménien. Robert Badinter était alors intervenu, au nom du groupe socialiste, dans le cadre de la discussion générale.
Après avoir rappelé toutes les raisons, intellectuelles, humaines et personnelles, qu’il aurait de soutenir le texte de la proposition de loi, toute l’horreur que lui inspiraient les génocides et les crimes contre l’humanité, véritables flétrissures de celle-ci, Robert Badinter n’en déclarait pas moins qu’il voterait la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, parce que, disait-il, ce texte était non conforme à la Constitution – ce qui fut confirmé par la suite. Il indiquait en outre : « Il n’est pas bon, il n’est pas conforme à notre vocation nationale que nous ayons des lois qui disent l’histoire et, pis encore, sous peine de prison… Cet apanage, nous devons le refuser ! Cela ne saurait relever de notre convenance ni, moins encore, de notre compétence. » Il poursuivait : « Des actions sont possibles au pénal, sur le fondement de la loi de 1881, de la non-discrimination, de l’appel à la haine, etc. »
Robert Badinter rappelait que, ayant été confronté à des révisionnistes, il avait obtenu leur condamnation, « parce qu’ils avaient manqué aux devoirs de l’historien, c’est-à-dire la bonne foi, l’étude approfondie des sources, la confrontation des documents, bref, la démarche d’un esprit libre et d’une science qui avance ! ».
Mes chers collègues, de telles lois ne sont pas seulement une atteinte disproportionnée au principe fondamental de la liberté d’expression ; elles sont devenues de précieux atouts dans la « concurrence des victimes » – je reprends là l’expression de notre collègue Esther Benbassa – et un puissant stimulant du communautarisme, que, par ailleurs, le Gouvernement prétend vouloir combattre sans relâche.
Je ne suis pas certain que ceux qui soutiennent ce texte aient bien mesuré ses conséquences. On nous présente cela comme une initiative devant renforcer la paix sociale ; je crains que ce ne soit exactement l’inverse et que vous n’ayez ouvert une sacrée boîte de Pandore. C’est pour cette raison que, dans sa grande majorité, le groupe du RDSE ne votera pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Ces amendements ont été soutenus avec cœur et passion par leurs auteurs. Nous sommes face à un dilemme qui n’est pas simple à trancher dans nos consciences respectives. Je rejoins les propos de Gérard Longuet et j’aurais volontiers voté l’amendement de notre collègue Hervé Marseille. Mais je suis sensible à l’avis défavorable de la commission, exposée avec pédagogie par Mme le rapporteur, même si le Gouvernement a, quant à lui, émis un avis favorable.
En tant que législateur, nous essayons de nous poser les bonnes questions. Nous ne devons pas oublier l’Histoire et tous les drames vécus. Je suivrai l’avis de la commission spéciale.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. J’ai écouté les interventions des uns et des autres, j’ai entendu les arguments de la commission exposés par Mme Gatel. Je fais miennes les conclusions de Roger Karoutchi, je n’ai pas un mot à retirer à ses propos. Je remercie également Gérard Longuet de son intervention.
Le sujet est récurrent et très sensible. Chaque fois se pose la question de savoir s’il appartient ou non au Parlement de s’exprimer sur l’Histoire. Comme l’a indiqué Roger Karoutchi, il appartient à la représentation nationale de poser des marqueurs.
L’Histoire, nous l’avons déjà traitée ici quand nous avons parlé du 19 mars 1962. Même si nos avis ont divergé, ce qui est tout à fait normal, il y a eu un vote, et le Parlement s’est prononcé.
Sur des sujets aussi sensibles que ceux que nous abordons, après tant d’années et quand tant de propos de haine s’expriment, il nous appartient à nous, parlementaires, de dire ce que nous ressentons, même si j’ai conscience des problèmes juridiques extrêmement complexes que cela pose. Reste que je ne vais pas relancer le débat sur la position que pourrait adopter le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’État.
Pour ce qui me concerne, après avoir entendu Mme la rapporteur et de M. le ministre, que je remercie de ses propos, je vais retirer mon amendement ; je tiens néanmoins à remercier ceux qui l’ont soutenu. Chacun pourra ainsi s’exprimer en conscience sur les deux amendements identiques.
Mon amendement me semblait meilleur sur le plan juridique, puisqu’il tenait compte des observations de la commission spéciale et des décisions qui étaient déjà intervenues en la matière. Néanmoins, je le retire dans un souci d’apaisement et pour ne pas compliquer le débat sur un sujet de conscience, un sujet d’histoire qui concerne beaucoup de monde dans notre pays.
M. Philippe Kaltenbach. Cette décision vous honore !
M. Patrick Kanner, ministre. Je me réjouis de la qualité et de la sérénité des débats, qui nous permettent d’avancer de façon positive.
Le rapport entre le législateur et l’Histoire est un débat ancien qui suscite des craintes légitimes. Il ne s’agit évidemment pas dans l’esprit du législateur de réprimer la négation d’un crime contre l’humanité qui n’aurait pas été historiquement constaté. Nul historien sérieux ne conteste, par exemple, la traite négrière. Chaque fois que le législateur a souhaité intervenir, il s’est fondé sur des travaux historiques largement partagés et qui ne souffraient d’aucune contestation solide.
Comme l’ont dit plusieurs d’entre vous, le législateur est légitime pour évoquer ces questions. Il appartient aux historiens de dire l’Histoire – nul ne le conteste –, mais il appartient au législateur de veiller à la cohésion nationale, à la paix sociale, à garantir les conditions de la vie commune. Lorsque l’on conteste, lorsque l’on banalise l’existence de la Shoah, par exemple, on met en péril la paix sociale. Il en est de même chaque fois que l’on conteste l’esclavage.
Votre légitimité est là, mesdames, messieurs les sénateurs. Il ne s’agit pas de qualifier de crimes contre l’humanité des faits qui n’auraient pas été scientifiquement constatés par les historiens. Il s’agit, en tant que garants de l’avenir de notre société, d’affirmer que les faits de banalisation, de négation sont répréhensibles en ce qu’ils constituent une incitation à la haine et à la violence raciales.
Le débat historique reste libre, mais vous assumez votre responsabilité en tant que telle. C’est pour cela que le Gouvernement a décidé de soutenir ces amendements. Je tiens ainsi à saluer la décision que vient de prendre M. Marseille pour nous permettre d’avancer en ce sens.
À l’heure où certains voudraient écrire un roman national qui exclut plus qu’il ne rassemble (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Philippe Dallier. Était-ce bien nécessaire ?
M. Patrick Kanner, ministre. … le législateur fait œuvre utile, tout en laissant l’historien libre de ses appréciations.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 330 et 455 rectifié ter.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 31 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 146 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
En conséquence, l'article 38 ter est rétabli dans cette rédaction.
Article 38 quater
(Supprimé)
Articles additionnels après l’article 38 quater
M. le président. L'amendement n° 672 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 38 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :
1° Les mots : « , en matière criminelle et correctionnelle, ainsi qu’une transaction prévue à l’article 529-3 du code de procédure pénale » sont remplacés par les mots : « , des amendes forfaitaires, des amendes de composition pénale ou des sommes dues au titre des transactions prévues par le code de procédure pénale ou par l'article 28 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait d’annoncer publiquement la prise en charge financière des amendes, frais, dommages-intérêts et autres sommes mentionnés à l’alinéa précédent est sanctionné des mêmes peines. »
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Je résumerai l’esprit de cet amendement par une phrase forte : la loi ne s’achète pas ! Le droit doit être plus fort que l’argent.
Jusqu’en mars 2016, seul le fait d’ouvrir ou d’annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes prononcées en matière correctionnelle et criminelle était réprimé par l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
La loi du 22 mars 2016 a étendu les dispositions de l’article 40 aux sommes versées dans le cadre de transactions conclues pour éteindre l’action publique lors de la commission de contraventions à la police des services publics de transports ferroviaires et des services de transports publics de personnes.
Cette rédaction n’est pas suffisante, car elle ne réprime pas les annonces publiques de souscriptions pour toutes les autres formes de contraventions. En particulier, il existe des sites internet ayant pour objet de collecter des fonds en vue de prendre en charge le paiement d’amendes contraventionnelles.
Le présent amendement a pour objet de compléter l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881, afin de sanctionner l’ouverture ou l’annonce publique de souscriptions ayant pour objet d’indemniser les amendes, frais, dommages et intérêts et toute autre somme prononcée par des condamnations judiciaires en matière contraventionnelle, comme tel est déjà le cas en matière criminelle et correctionnelle. Nous étendons ainsi les dispositions aux contraventions faisant l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire, comme tel est également le cas pour le mécanisme de transaction existant pour certaines infractions en matière de services de transports depuis la loi du 22 mars 2016.
L’amendement vient aussi compléter l’article 40 en prévoyant de sanctionner le fait d’annoncer publiquement la prise en charge des amendes, frais, dommages et intérêts, et autres sommes.
Chacun aura bien compris dans quel cadre se situe cette proposition du Gouvernement. Je le répète, la loi ne s’achète pas ; nous devons être plus forts que certaines forces d’argent qui veulent mettre en péril l’équilibre sociétal de notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Comme l’a dit M. le ministre, cet amendement tend à compléter l’article 40 de la loi de 1881, en prévoyant de sanctionner le fait d’annoncer publiquement la prise en charge des amendes, frais, dommages et intérêts et autres sommes.
L’absence de précision de la loi rend possible ce type de dévoiement inacceptable. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, qui répond à un amendement similaire de Mme Chain-Larché visant à soulever le même problème.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38 quater.
L'amendement n° 1 rectifié quinquies, présenté par Mme Chain-Larché, MM. Bouchet, Carle, de Legge, Doligé et Dufaut, Mme Hummel, MM. Joyandet et Kennel, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Primas et Procaccia, MM. Reichardt, Retailleau, Vaspart et Chaize, Mme Deroche et MM. Vasselle, Houel et Poniatowski, est ainsi libellé :
Après l’article 38 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre IV du titre III du livre IV du code pénal est complétée par un article 434-23-… ainsi rédigé :
« Art. 434-23-... – Le fait pour une personne physique ou morale d’entraver l’application de la loi en mettant en place des stratégies visant à vider de leur contenu les sanctions prononcées par la justice est puni de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. »
La parole est à Mme Anne Chain-Larché.
Mme Anne Chain-Larché. Face aux problèmes posés pour l’ordre public par le port de tenues destinées à dissimuler le visage, et donc l’identité des personnes, et au regard des principes fondamentaux de la République, le Parlement a décidé de légiférer.
Aux termes de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010, la dissimulation du visage dans l’espace public est punie d’une amende correspondant à une contravention de deuxième classe d’un montant maximum de 150 euros, amende qui peut être assortie de l’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté. Or nous déplorons le fait que les dispositions de cette loi soient sciemment détournées par certains individus dans le but revendiqué de défier les institutions de la République en vidant la loi de son contenu. C’est en particulier le cas de l’association Touche Pas à Ma Constitution, créée par M. Rachid Nekkaz, dont l’objet est de payer les amendes des femmes verbalisées pour le port du niqab dans l’espace public.
Compte tenu du caractère revendicatif autoproclamé de cette action ainsi que du nombre et du montant des amendes ainsi acquittées, on se trouve ici clairement dans une situation d’entrave manifeste et volontaire à la loi. Le législateur ne peut pas laisser ainsi bafouer aussi ouvertement une loi de la République validée par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme.
L’amendement que je propose a pour objet de créer dans le code pénal un nouveau délit d’entrave à l’application de la loi, afin que les personnes qui mettent volontairement en place des stratégies visant à vider les sanctions prévues par la loi de leur effet soient punies de trois ans d’emprisonnement et d’une amende dont le montant doit être élevé pour être dissuasif, raison pour laquelle il a été fixé à 100 000 euros.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié quater, présenté par Mme Chain-Larché, MM. Bouchet, Carle, Chaize, de Legge, Doligé et Dufaut, Mme Hummel, MM. Joyandet et Kennel, Mme Lopez, M. Mandelli, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Primas et Procaccia, MM. Reichardt et Retailleau, Mme Deroche et MM. Vasselle, Vaspart, Houel et Poniatowski, et ainsi libellé :
Après l’article 38 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article 3 de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public est ainsi modifié :
1° Les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’intégralité du coût inhérent au stage est entièrement à la charge de la personne verbalisée. »
La parole est à Mme Anne Chain-Larché.
Mme Anne Chain-Larché. Cet amendement vise à ce que les personnes verbalisées s’acquittent effectivement du coût du stage de citoyenneté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je comprends bien votre intention, ma chère collègue. Néanmoins, l’infraction que vous proposez d’établir n’est ni suffisamment précise ni définie en des termes objectifs et non subjectifs. De plus, l’infraction ferait référence à une intention de la personne fautive de « vider de leur contenu les sanctions prononcées », ce qui est assez difficile à prouver. L’amendement n° 672 rectifié bis du Gouvernement, que nous venons d’adopter, répond à votre préoccupation. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement n° 1 rectifié quinquies ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 2 rectifié quater vise à rendre obligatoire le prononcé du stage de citoyenneté. Je comprends, là aussi, l’intention qui vous anime. Toutefois, cette disposition pose une réelle difficulté d’ordre constitutionnel, car aucune peine complémentaire ne peut être prononcée de manière automatique, sans possibilité pour le juge d’en moduler la sanction ou même de ne pas la prononcer.
Par ailleurs, le stage peut d’ores et déjà être financé par la personne responsable. Aux termes de l’article 131-5-1 du code pénal, « la juridiction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la 3e classe, doit être effectué aux frais du condamné ».
Par conséquent, je vous demande également de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de ces amendements, pour les mêmes raisons que la commission ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Chain-Larché, les amendements nos 1 rectifié quinquies et 2 rectifié quater sont-ils maintenus ?
Mme Anne Chain-Larché. Oui, je les maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voterai pas ces amendements, même si, moi aussi, je comprends parfaitement l’intention. Franchement, à quoi ça ressemble de faire une loi ou de transformer celles qui existent déjà à chaque fois qu’on découvre un problème ? En plus, l’amendement du Gouvernement que l’on vient d’adopter permet de répondre assez largement au cas d’espèce.
On se plaint des lois bavardes, du fait que le Parlement légifère en permanence, mais, si on alimente la mécanique, jusqu’où ira-t-on ? Peut-être faudrait-il – je sais que c’est un vœu pieux – élaborer des lois d’une généralité telle qu’elles puissent continuer à s’appliquer dans le temps. Je rêve de lois comme celles de 1901, de 1905…. Je sais que je radote et que je suis totalement archaïque, mais elles avaient au moins dû être pensées, puisqu’elles continuent à exister.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Bien sûr que nous ne devons pas faire des lois trop bavardes ou qui changent tout le temps ! Simplement, mon cher collègue, nous sommes face à des situations inédites et à de nouveaux dangers. Nous sommes donc bien obligés – finalement, c’est notre travail – de faire évoluer la loi.
Pour ma part, j’apporte mon soutien plein et entier à ces deux amendements, même si j’ai bien entendu les réserves de Mme la rapporteur, car nous sommes en train d’être débordés. Dans mon territoire, c’est une situation que nous rencontrons très fréquemment. Il nous faut réagir et envoyer un signal à ces associations qui cherchent à dévoyer la loi.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je partage l’avis de M. Collombat : on fait trop de lois. Mais, de temps en temps, il faut faire la loi, la vraie.
Quand, d’une manière ou d’une autre, certaines personnes trouvent le moyen de détourner ou de contourner la loi et que les magistrats nous disent n’être ni armés ni équipés pour faire appliquer la loi, de deux choses l’une : soit on ne fait rien, mais, dans ce cas, il ne sert pas à grand-chose de voter des lois ; soit on les écoute. C’est dans ce sens que vont les deux amendements d’Anne Chain-Larché, qui reprennent d’ailleurs une proposition de Valérie Pécresse remontant à cinq ou six ans. Franchement, je ne vois pas en quoi adopter ces dispositions reviendrait à se mettre en difficulté.
Oui, monsieur Collombat, on est trop bavard, on fait trop de lois, il y a trop d’articles et trop d’amendements. Je pense à ces projets de loi qui ont vingt articles au départ et 110 à l’arrivée. Cependant, je le répète, si le législateur laisse détourner et contourner la loi sans rien faire et sans donner aux magistrats les armes pour faire appliquer la loi, à quoi cela sert-il de voter des lois ?
Par conséquent, je soutiens pleinement ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. L’amendement n° 1 rectifié quinquies a un objet à peu près similaire à celui qui vient d’être adopté. Quant à l’amendement n° 2 rectifié quater, il fait écho à des débats médiatiques que nous avons depuis longtemps.
Je ne pense pas que nous puissions par la contrainte donner le goût de la République, de la liberté et de l’égalité, à des gens qui en doutent. Cette conviction me conduit à ne pas voter ces dispositions. Je m’interroge d’ailleurs sur l’efficacité des mesures qui figurent déjà dans la loi à ce sujet. Il suffit de voir le résultat des récentes études sur l’islam en France et les Français musulmans, notamment concernant les plus jeunes et qui s’avère particulièrement préoccupant, pour constater que les effets de ce qui a déjà été voté…
Mme Sophie Primas. Et qui n’est pas appliqué !
M. Jean-Yves Leconte. … sont contre-productifs.
Finalement, à ceux qui doutent de la société, à ceux qui doutent de la République, on leur donne le mode d’emploi pour s’y opposer. Je ne crois pas que nous défendrons la République de cette façon. La République, ce n’est pas la contrainte qui l’imposera, c’est la conviction !
Mme Sophie Primas. Ce sont des organisations terroristes !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié quinquies.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 38 quater.
Article 39
L’article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Art. 48-2. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, de défendre les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés, d’assister les victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ou de défendre leur mémoire peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne :
« 1° L’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi mentionnée au cinquième alinéa de l’article 24, lorsque ces crimes ou délits ont donné lieu à une ou plusieurs condamnations prononcées par une juridiction française ou internationale ;
« 2° L’infraction prévue à l’article 24 bis. » – (Adopté.)
Article 39 bis
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 457, présenté par MM. Guillaume et Magner, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre V du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° Après l’article 225-1-1, il est inséré un article 225-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 225-1-2. – Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de bizutage définis à l’article 225-16-1 ou témoigné de tels faits. » ;
2° L’article 225-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « et 225-1-1 » est remplacée par les références : « , 225-1 à 225-1-2 » ;
b) À la fin des 4° et 5°, la référence : « à l’article 225-1-1 » est remplacée par les références : « aux articles 225-1-1 ou 225-1-2 » ;
3° À l’article 225-16-1, après le mot : « scolaire », il est inséré le mot : « , sportif ».
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Le présent amendement a pour objet de rétablir l’article 39 bis, introduit par l’Assemblée nationale et supprimé par la commission spéciale, qui tendait à lutter contre les discriminations liées au bizutage créées par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.
La clarification du cadre législatif ainsi que les actions de l’administration pour prévenir les dérives ont permis de faire reculer le bizutage dans la plupart des établissements d’enseignement supérieur. Toutefois, l’évolution des pratiques, d’un bizutage revendiqué au sein de l’institution vers une « intégration » organisée dans un cadre associatif, pose des difficultés nouvelles.
Les poursuites et les condamnations sur la base du délit de bizutage demeurent faibles, car les poursuites sont parfois engagées sur la base de délits connexes – violences, notamment – ou parce que persistent des pressions ou des discriminations à l’endroit des victimes ou des étudiants en faisant état. Il est fréquent que des pratiques discriminatoires se manifestent dans certains établissements à l’encontre des étudiants qui ont dénoncé, en tant que victimes, voire en qualité de témoins, des actes de bizutage réprimés par la loi. Or ces agissements ne sont pas susceptibles de recevoir une qualification pénale évidente.
Cet amendement tend donc à assimiler à une discrimination le fait de pénaliser une personne au motif qu’elle a apporté son concours à la disparition de ces pratiques interdites par la loi. Il complète ainsi le cadre législatif de prohibition du bizutage et permet une libération de la parole : les personnes qui ont subi ou qui refusent de subir le bizutage pourront désormais agir plus ouvertement.
Par ailleurs, l’amendement vise à étendre le délit de bizutage au domaine sportif. En effet, l’article 225-16-1 du code pénal ne concerne actuellement que les milieux scolaire et socio-éducatif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je comprends votre préoccupation, ma chère collègue – nous en avons discuté en commission spéciale –, mais le bizutage est déjà sanctionné par le droit existant. La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations considère comme une discrimination tout agissement à connotation sexuelle subi « par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Une telle définition explicite parfaitement ce qu’est un bizutage.
De même, cette loi protège de tout traitement défavorable quiconque ayant dénoncé de bonne foi une telle discrimination. Pourront donc être poursuivis non seulement l’auteur des faits, mais aussi un éventuel complice, y compris par omission. Cet amendement apparaît donc superfétatoire.
Enfin, en qualifiant de discrimination toute distinction opérée, sans qu’il soit recherché le bien-fondé de celle-ci ou qu’il soit rapporté la preuve d’un traitement défavorable infligé à la personne, la définition de l’infraction proposée par votre amendement apparaît large et disproportionnée, sachant que le bizutage que vous visez est déjà sanctionné par la loi.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Il me semble, madame la rapporteur, que votre argumentation se fonde sur une loi civile, et non pénale. J’ajoute qu’il existe des bizutages violents qui n’ont aucun caractère sexuel.
Le Gouvernement est favorable au rétablissement de cette disposition très utile, car le bizutage constitue une forme de discrimination, même si celle-ci est liée non à la situation de la personne, mais à la qualité très temporaire d’un nouvel arrivant dans une université ou plutôt une grande école. Cette discrimination est la même que celle qui est prévue à l’article 225-1-1 du code pénal, créé par la loi du 6 août 2012, pour les personnes qui ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel.
Cet amendement vise également à étendre l’application de l’article 225-16-1 du code pénal au domaine sportif, au sein duquel des bizutages existent sans qu’ils soient réprimés par la loi.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Cette explication de vote me permet de préciser ma pensée : je ne suis pas du tout contre le fait que le Parlement élabore la loi ; il est même là pour ça ! Je suis contre le fait qu’on établisse des listes de délits, parce que si à chaque fois que la presse fait état d’une discrimination on change la loi, on n’est pas sorti de l’auberge !
M. Philippe Dallier. C’est sûr !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Personnellement, je soutiens très fortement cet amendement.
J’ai bien entendu les arguments avancés par Mme la rapporteur, mais je souscris pleinement aux propos de M. le ministre. Le bizutage a énormément évolué au cours des dernières décennies. Il y a quarante ans, quand les étudiants entraient dans certaines facultés – je pense à la faculté de médecine, parce qu’elle était caractéristique en la matière – ou dans les grandes écoles, c’était gentillet, si je puis dire.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais oui, bien sûr…
Mme Catherine Génisson. À l’inverse, cette pratique entraîne aujourd’hui de véritables violences, des humiliations, des sévices physiques et psychologiques qui peuvent se révéler très lourds. Les dispositions de cet amendement sont donc tout à fait opportunes.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que le bizutage est déjà un délit.
En outre, mes chers collègues, une circulaire de l’éducation nationale datant de 1998 donne des instructions très claires au sujet du bizutage, dès lors qu’il revêt un caractère humiliant et dégradant. Ce texte précise que de tels agissements sont répréhensibles.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Madame la rapporteur, qu’il n’y ait aucune confusion : vous avez raison d’indiquer que le bizutage constitue déjà un délit. En revanche, tel n’est pas le cas de la discrimination liée à un bizutage. Les dispositions de cet amendement permettent ainsi de renforcer notre arsenal juridique pour protéger les jeunes qui entrent dans une nouvelle structure d’enseignement.
M. le président. En conséquence, l’article 39 bis demeure supprimé.
Article 40
(Supprimé)
Article 40 bis
Sont homologuées, en application de l’article 21 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les peines d’emprisonnement prévues en Polynésie française :
1° à l’article 5-1 de la délibération n° 84-1030 AT du 23 novembre 1984 portant approbation du drapeau et des armes de la Polynésie française, dans sa rédaction résultant de l’article LP 1ᵉʳ de la loi du pays n° 2016-14 du 11 mai 2016 relative à l’outrage public au drapeau, aux armes et à l’hymne de la Polynésie française ;
2° à l’article LP 2 de la délibération n° 93-60 AT du 10 juin 1993 portant adoption de l’hymne territorial de la Polynésie française, dans sa rédaction résultant de l’article LP 4 de la loi du pays n° 2016-14 du 11 mai 2016 relative à l’outrage public au drapeau, aux armes et à l’hymne de la Polynésie française. – (Adopté.)
Section 2
Dispositions modifiant la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 41
I. – La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 1er, les mots : « sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, son âge, sa perte d’autonomie, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence » sont remplacés par les mots : « à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée, ou à raison de son origine, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de ses mœurs, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son âge, de son état de santé, de sa perte d’autonomie, de son handicap, de sa situation de famille, de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme ou de son lieu de résidence » ;
2° et 3° (Supprimés)
I bis. – L’article 225-1 du code pénal est ainsi modifié :
1° Après les mots : « à raison de leur », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée, ou à raison de leur origine, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leurs mœurs, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leurs caractéristiques génétiques, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme ou de leur lieu de résidence. » ;
2° Après les mots : « à raison de », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée, ou à raison de l’origine, des opinions politiques, des activités syndicales, des mœurs, du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’âge, de l’état de santé, de la perte d’autonomie, du handicap, de la situation de famille, de la grossesse, des caractéristiques génétiques, de l’apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, du patronyme ou du lieu de résidence des membres ou de certains membres de ces personnes morales. ».
I ter. – (Non modifié) Après la première occurrence des mots : « en raison de », la fin de l’article L. 1132-1 du code du travail est ainsi rédigée : « l’un des motifs énoncés à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 précitée. »
II. – (Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 659, présenté par M. Dantec, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après les mots :
de ses activités syndicales
insérer les mots :
, de sa langue
II. – Alinéa 5
Après les mots :
de leurs activités syndicales
insérer les mots :
, de leur langue
III. – Alinéa 6
Après les mots :
des activités syndicales
insérer les mots :
, de la langue
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement tend à inscrire la langue sur la liste des motifs de discrimination. Il vise ainsi à combler une lacune relative à l’interdiction de discrimination à l’égard des locuteurs de différentes langues, notamment de langues régionales, qui sont parfois considérés comme des « arriérés ». Or ces langues font partie du patrimoine régional de la France, de l’Europe et du monde.
Gardons à l’esprit que, à l’échelle internationale, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies a demandé à la France, le 27 juin 2016, de respecter les droits individuels et collectifs des locuteurs de langues régionales dans la vie publique et privée. C’est là un enjeu de reconnaissance des minorités : « Tout en prenant note que l’État partie considère que la reconnaissance de groupes minoritaires ou de droits collectifs est incompatible avec sa Constitution, le Comité réaffirme que le principe d’égalité des individus devant la loi et l’interdiction de la discrimination ne suffisent pas toujours à assurer l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels par des membres de groupes minoritaires. De plus, le Comité considère qu’une reconnaissance adéquate des minorités ethniques ou culturelles n’érode pas la cohésion ou l’unité nationale, mais au contraire les renforce.
« Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de revoir sa position à l’égard des minorités et de reconnaître officiellement la nécessité de protéger les droits culturels de tous les groupes minoritaires ».
Les élus du groupe écologiste estiment que nos sociétés s’enrichissent de leur diversité, à l’opposé de celles et ceux qui considèrent cette dernière comme une menace pour la cohésion sociale. En conséquence, le présent amendement vise à conférer un droit à la non-discrimination aux locuteurs de langues régionales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’objet de votre amendement, madame Archimbaud, contient un terme auquel j’attache beaucoup d’importance, à savoir le mot « plouc ».
L’expression « plouc » est fréquemment employée en Bretagne, notamment dans le pays gallo, c’est-à-dire là où l’on ne parle pas le breton. Cette épithète n’est pas des plus flatteuses… Cela étant, je vous invite à lire l’excellent livre intitulé Fils de ploucs : cet ouvrage montre toute la dignité, la fierté et la capacité de quelqu’un à devenir, quelle que soit sa situation sociale d’origine, un éminent citoyen.
Mon propos peut vous laisser espérer que j’émette un avis favorable, mais il n’en est rien.
M. André Gattolin. Dommage !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. En tout et pour tout, la commission spéciale a retenu vingt et un critères de discrimination. Ce nombre est déjà significatif. Le présent amendement vise à en ajouter un vingt-deuxième, celui de la langue. Toutefois, il nous semble que le critère de l’origine suffit à sanctionner des discriminations pouvant se fonder sur un accent d’origine régionale.
Je sollicite donc le retrait de votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. En chti, « plouc » se dit « branque », mais chacun ses références… (Sourires.)
Nul ne peut le nier, notre système juridique présente des lacunes, notamment face aux discriminations. Le projet de loi a justement pour but de combler les lacunes existantes et d’apporter des réponses concrètes aux difficultés qui se font jour.
Pour autant, nous estimons que l’ajout d’un nouveau critère relatif à la langue serait une fausse bonne idée. Il créerait plus de problèmes qu’il n’en résoudrait. Il pourrait notamment mettre en difficulté un employeur, qui doit pouvoir exiger d’un candidat à l’embauche qu’il maîtrise une ou plusieurs langues, quelles qu’elles soient.
Aussi, madame la sénatrice, je vous demande à mon tour de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 659 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 659 est retiré.
L'amendement n° 436, présenté par Mme D. Gillot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
1° bis L’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La discrimination inclut le refus de mettre en place les aménagements raisonnables requis en faveur d’une personne handicapée. Constituent des aménagements raisonnables, les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales. »
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. En février 2010, la France a ratifié la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. En signant et en ratifiant ce texte, les États s’engagent à prendre, au niveau national, des mesures visant à garantir et à promouvoir le plein exercice de tous les droits fondamentaux des personnes en situation de handicap.
L’article 2 de la convention dispose que « la discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable ».
Mes chers collègues, je vous précise que je ne suis pas la seule à défendre cet amendement : plusieurs de mes collègues y avaient apporté leur soutien, mais, par suite d’un problème technique, leurs signatures n’ont pu être enregistrées. Il s’agit, en s’appuyant sur la définition de la discrimination inscrite à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, de transposer en droit français le principe prévu par la convention selon lequel les États membres de l’Union européenne doivent prévoir des aménagements à l’égard des personnes handicapées en faisant « les modifications et ajustements nécessaires et appropriés […] pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales ».
Un aménagement raisonnable est une mesure concrète permettant de neutraliser, autant que possible, les barrières d’un environnement inadapté à la participation d’une personne handicapée à la vie en société. En d’autres termes, chaque situation fait l’objet d’une évaluation individuelle afin de trouver une solution à un obstacle handicapant auquel est confrontée une personne dans le cadre de sa vie quotidienne.
La reconnaissance par la loi de l’obligation d’aménagement raisonnable dans tous les domaines est une condition indispensable pour garantir l’effectivité des droits et le respect du principe de non-discrimination à l’égard des personnes handicapées.
Or un défaut de transposition par la France est susceptible de faire l’objet d’une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne. Par une décision du 4 juillet 2013, cette juridiction a en effet constaté le manquement de l’Italie à son obligation de transposition, au motif qu’elle n’avait pas institué « d’obligation pour tous les employeurs de mettre en place, en fonction des besoins dans des situations concrètes, des aménagements raisonnables pour toutes les personnes handicapées ».
N’attendons pas la condamnation de la France pour nous saisir de cette question ! Les personnes avec handicap et leurs familles attendent des mesures concrètes permettant l’égalité de traitement de tous et mettant fin aux discriminations inadmissibles fondées sur le handicap.
Au-delà d’une mise en conformité de notre droit avec les engagements internationaux, européens et communautaires de la France, cet amendement tend à promouvoir, à protéger et à assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes avec handicap, ainsi que la promotion et le respect de leur dignité intrinsèque.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Chère collègue, vous évoquez à nouveau un sujet majeur, celui du handicap. J’entends vos préoccupations, et je suis persuadée que, dans cet hémicycle, chacun y souscrit. Toutefois, il faut également noter les efforts considérables entrepris aujourd’hui par les collectivités territoriales et par les entreprises pour combler les retards inadmissibles que connaît notre pays en la matière. (Mme Dominique Gillot le concède.)
Par ailleurs, votre préoccupation me semble déjà totalement prise en compte par le droit en vigueur. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont les dispositions figurent principalement dans le code de l’action sociale et des familles, garantit dès à présent le droit à toute personne handicapée d’être accompagnée et de voir son handicap compensé.
Dès lors, tout refus de service par une personne publique ou privée assujettie à ces obligations est déjà sanctionné par des articles du code pénal. Des dispositions spécifiques figurent également dans le code du travail pour que les entreprises se sentent, elles aussi, concernées. Par exemple, un article de ce code sanctionne en tant que discrimination le fait de refuser de prendre les mesures appropriées dont les charges consécutives à leur mise en œuvre ne sont pas disproportionnées, pour permettre à un travailleur handicapé de conserver un emploi ou d’y accéder.
En outre, l’article 2 de la loi du 27 mai 2008 sanctionne toute discrimination indirecte fondée sur le handicap.
Sincèrement, votre légitime préoccupation me paraît satisfaite par le droit en vigueur. Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Votre amendement, madame Gillot, reprend une proposition du Défenseur des droits,…
Mme Dominique Gillot. En effet !
M. Patrick Kanner, ministre. … lequel joue, nous le savons, un rôle crucial dans la lutte contre les discriminations, notamment contre les discriminations visant les personnes handicapées.
Votre proposition peut effectivement se réclamer de différents instruments de droit international et européen. Cependant, elle pose quelques difficultés, que Mme la rapporteur vient d’indiquer.
Conformément à la directive européenne du 27 novembre 2000, notre droit interne met déjà à la charge de l’employeur une obligation de prendre « les mesures appropriées » pour permettre une adaptation de l’emploi pour les travailleurs handicapés. À ce titre, les dispositions que vous proposez ne seraient pas utiles dans le champ de l’emploi.
Par ailleurs, les personnes handicapées ont été jusqu’à présent contraintes d’emprunter la voie pénale pour démontrer l’existence d’une discrimination. Cette procédure suppose d’apporter la preuve de l’élément intentionnel. Désormais, elles pourront bénéficier de l’aménagement de la charge de la preuve prévu par la loi de 2008, notamment grâce à la loi Justice du XXIe siècle. Les personnes handicapées qui se seront vu refuser l’accès à un bien ou à un service, ou auront été entravées dans cet accès, auront simplement à présenter les éléments laissant présumer l’existence de cette discrimination. Il reviendra alors au défendeur d’apporter la preuve que la différence de traitement alléguée est étrangère à toute discrimination à raison du handicap. Ce dispositif est donc très favorable aux personnes handicapées, et j’en suis très heureux.
Enfin, je rappelle que, dans ce domaine, un projet de directive sur l’accessibilité est en cours de discussion au niveau de l’Union européenne. Ce texte permettra de certifier les services, notamment commerciaux, comme accessibles aux personnes handicapées.
En conséquence, la préoccupation que vous exprimez me semble largement satisfaite. Elle le sera sûrement encore davantage à l’avenir, grâce aux évolutions que le droit européen va connaître au cours des mois à venir. Je vous invite ainsi à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Gillot, l’amendement n° 436 est-il maintenu ?
Mme Dominique Gillot. C’est vrai que les lois de 2005 et de 2008 ont fait avancer les choses et que de nouvelles mesures ont été adoptées dernièrement, y compris sur l’initiative de la Haute Assemblée : nous avons introduit dans des textes de portée générale des obligations, des reconnaissances, des protections et des droits relatifs aux personnes avec handicap. Ainsi, nous allons progressivement vers une société inclusive. Cet effort est prévu par la loi de 2005, garanti par la loi de 2008, mais il exige toujours une attention particulière.
Je tiens à vous rappeler que les personnes handicapées sont extrêmement sensibles au respect des engagements pris par la France dans le cadre de l’Union européenne. Le fait que notre pays ait signé, en 2010, la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées implique une transposition dans notre droit.
En dehors de tous les dispositifs techniques – contractuels, contraventionnels ou obligatoires – qui existent dans notre législation et qui sont déclinés dans le champ réglementaire, le présent projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté est un bon vecteur pour affirmer clairement ce principe : les personnes avec handicap ne doivent faire l’objet d’aucune discrimination, et notamment d’aucun refus d’aménagement raisonnable. Cette disposition serait un moyen très fort pour exprimer notre engagement en faveur de cette société inclusive, à laquelle aspirent à la fois les personnes avec handicap, leur famille, leurs amis et nous, élus, qui veillons à défendre leurs droits.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je croyais que la discrimination impliquait une certaine forme de volonté d’inférioriser quelqu’un... Ce n’est pas le cas ici. Votre revendication peut se fonder sur le principe d’égalité, sur l’objectif d’une société inclusive, mais, pour moi, on ne peut pas la défendre au nom de la lutte contre les discriminations.
Si on voulait vraiment lutter contre la principale discrimination, on commencerait par celle qu’opère l’argent. C’est ça la véritable discrimination dans notre société ! Seulement, on n’en parle jamais, parce que, justement, ça remettrait trop en cause notre société !
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Mme Gillot l’a bien expliqué : sur ce sujet, dans notre pays, les esprits sont encore marqués par de lourdes pesanteurs culturelles. Cette question renvoie à la relation à l’autre, à celui qui est différent.
Bien sûr, un certain nombre de règlements on ne peut plus clairs existent déjà. Mais, pour les personnes handicapées, la vie de tous les jours reste très difficile. Voilà pourquoi il nous semble bon d’affirmer ce principe. Nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On sait combien est long le chemin restant à parcourir pour parvenir à une société inclusive.
Il serait impensable que le présent texte, intitulé « égalité et citoyenneté », ne consacre aucune disposition au handicap. C’est une question de respect et de dignité. Il s’agit également d’envoyer un message.
Les dispositions de cet amendement peuvent paraître superfétatoires, mais elles sont, à mon sens, très importantes intellectuellement et politiquement. Je les soutiens donc avec beaucoup de conviction.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Pour les raisons que Mme Gonthier-Maurin vient d’exposer, je soutiens moi aussi cet amendement. En la matière, les valeurs d’égalité et de citoyenneté sont tout à fait fondamentales. Or on est encore loin de les observer dans la vie quotidienne des handicapés, malgré la loi de 2005, malgré tous les efforts qu’accomplit ce gouvernement depuis cinq ans et malgré tout ce qu’ont fait les collectivités territoriales.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Ce sont elles qui font le travail !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Eh oui !
Mme Catherine Génisson. Il faut effectivement souligner que les collectivités sont très présentes sur ce front. Mais il y a encore beaucoup à faire. Je dirai même que ce sujet reste à conquérir.
M. le président. Je mets aux voix l'article 41.
(L'article 41 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 41
M. le président. L'amendement n° 458 rectifié bis, présenté par Mmes Meunier et Blondin, et l'amendement n° 300 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano et J. Gillot, Mme Jourda et MM. Karam, S. Larcher et Patient, ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 562 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. Après l'article 41
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre IV du code pénal est complété par un article 432-7-… ainsi rédigé :
« Art. 432-7-... – Est puni des peines prévues à l’article 432-7 le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public d’exercer un des droits de préemption définis par le code de l’urbanisme afin d’empêcher l’acquisition par une personne physique ou morale d’un des biens ou droits énumérés aux 1° à 3° de l’article L. 213-1 du même code en raison de l’un des motifs de discrimination visés aux articles 225-1 et 225-1-1 du présent code. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Section...
Dispositions relatives aux abus du droit de préemption
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à créer un délit d’exercice abusif du droit de préemption.
Une telle disposition a déjà été présentée au Sénat lors de l’examen du projet de loi ALUR. Elle n’avait pas été adoptée. Il semble en effet disproportionné de punir de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende un exercice abusif du droit de préemption. Je rappelle que cette faculté est employée par les collectivités territoriales.
Adopter cet amendement enverrait un très mauvais signal aux maires et risquerait de fragiliser cette procédure. De plus, la préemption peut déjà être attaquée et enclencher, en cas de fondement juridique insuffisant, une action en réparation. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Avant tout, permettez-moi de revenir sur le précédent amendement, pour rassurer Mme Gillot : les dispositions de l’article 41 du présent projet de loi ont été votées, dans leur version initiale, au titre d’un autre support législatif, à savoir le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Elles y constituent les alinéas 1 à 16 de l’article 44.
Je tiens à rassurer toutes les sénatrices qui se sont exprimées sur le sujet : leurs préoccupations seront largement transcrites dans ce texte de loi. Sur le fond, nous sommes bien sûr en phase avec les préoccupations qu’elles ont exprimées.
J’en viens à l’amendement n° 562 rectifié.
L’article 432-7 du code pénal réprime déjà les discriminations commises par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, par renvoi à l’article 225-1 du même code. Ce second article définit la discrimination comme toute distinction opérée entre les personnes physiques ou morales à raison de nombreux critères, sans définir ni limiter les moyens par lesquels la distinction constitutive d’une discrimination est faite.
Le présent amendement ne tend donc qu’à prévoir un moyen spécifique pouvant entrer dans le champ d’application de l’infraction telle qu’elle est actuellement définie. Créer un tel délit serait à mon sens inopportun. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Effectivement, le Sénat a déjà repoussé cette disposition.
Le droit de préemption est, pour les maires, délicat à appliquer. Certains en usent peut-être au point d’en abuser. Cela étant, à nous, élus locaux, on demande de construire, et pour construire il faut bien préempter ! Cette faculté accordée aux maires fait déjà l’objet de nombreuses contraintes. Elle n’est jamais mise en œuvre sans de grandes difficultés. De grâce, n’en rajoutons pas !
Un jour, il faudra peut-être dresser la liste de toutes les sanctions auxquelles les élus s’exposent dans l’exercice de leurs fonctions : ce digest serait certainement effarant.
Mme Sophie Primas. Il n’y aurait plus aucun candidat !
M. Philippe Dallier. On ne s’étonnerait plus qu’il soit de plus en plus difficile de trouver des candidats aux élections municipales.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 562 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 42
(Supprimé)
Article 43
I. – Après l’article 9 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, il est inséré un article 9-1 ainsi rédigé :
« Art. 9-1. – I. – Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes est placé auprès du Premier ministre. Il a pour mission d’animer le débat public sur les grandes orientations de la politique des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
« À cette fin, le Haut Conseil :
« 1° Formule des recommandations et des avis et propose des réformes au Premier ministre ;
« 2° Contribue à l’évaluation des politiques publiques conduites en matière de droits des femmes et d’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les champs de la vie sociale au regard des objectifs fixés par la loi et des engagements internationaux de la France ;
« 3° Assure, après leur publication, l’évaluation des études d’impact des textes législatifs et, le cas échéant, des textes réglementaires et des documents d’évaluation préalable des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, en ce qui concerne les aspects relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes ;
« 4° Recueille, fait produire et diffuse les données, analyses, études et recherches sur les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes, aux niveaux national, européen et international ;
« 5° (nouveau) Remet, tous les deux ans, un rapport général au Premier ministre et au ministre chargé des droits des femmes. Ce rapport est rendu public et présenté au Parlement par le ministre chargé des droits des femmes.
« Le Haut Conseil mène librement ses travaux, formule librement ses recommandations et adresse librement ses communications.
« Le Haut Conseil peut être saisi par le Premier ministre ou le ministre chargé des droits des femmes. Il peut se saisir de toute question de nature à contribuer aux missions qui lui sont confiées.
« II. – (Supprimé)
« III. – Le fonctionnement et la composition, en nombre égal de femmes et d’hommes, du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, sont fixés par un décret en conseil des ministres.
« IV. – (Supprimé) ».
II. – (Non modifié) Les membres du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en exercice au moment de la publication de la présente loi demeurent en fonction jusqu’au terme de leur mandat.
M. le président. L'amendement n° 717, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer la dernière occurrence du mot :
des
par le mot :
les
II. – Alinéa 12
Supprimer le mot :
un
et les mots :
en conseil des ministres
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. L’examen en conseil des ministres du décret ici visé s’inscrit en cohérence avec la priorité politique que constitue l’égalité entre les femmes et les hommes.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Quelle surprise !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 373 est présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 476 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Médevielle, Cigolotti et Capo-Canellas, Mme Hummel, MM. Chaize, Mandelli et Laménie et Mme Bouchoux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Remet, tous les ans, un rapport sur l’état du sexisme en France au Premier ministre et au ministre chargé des droits des femmes.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 373.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le présent article consacre dans la loi l’existence du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, le HCE, instance créée en 2012. Il bénéficie bien sûr de notre soutien. En effet, il est absolument capital qu’une instance pérenne soit chargée, dans une approche transversale, des questions d’égalité entre les femmes et les hommes : c’est précisément la garantie qu’apporte le HCE.
Je connais bien les travaux de ce Haut Conseil, et pour cause, j’en ai été membre de droit trois années durant, lorsque je présidais la délégation sénatoriale aux droits des femmes. À ce titre, je salue l’actuelle présidente de notre délégation, Chantal Jouanno.
Un peu comme la délégation sénatoriale aux droits des femmes, le HCE produit chaque année un certain nombre de rapports thématiques. Ces documents se distinguent de son rapport général. Publié tous les trois ans, à l’issue de chaque mandature de ses membres, ce rapport général retrace la totalité de son activité.
Il nous semble important que, parmi les missions du HCE inscrites dans la loi, figure celle de dresser chaque année l’état du sexisme en France. Nous le savons bien, le sexisme alimente le terreau des violences faites aux femmes. Au demeurant, une telle disposition ne serait pas une première : la loi du 13 juillet 1990 a ainsi prévu la publication d’un rapport annuel sur le racisme.
Le travail d’information, de prise de conscience de la réalité des actes sexistes et de leur portée sur les victimes, est plus que jamais nécessaire dans notre pays. Ce combat est quotidien, et il ne faut jamais préjuger son issue. J’ai en mémoire les résultats d’une enquête consacrée à ce sujet et menée auprès de jeunes générations : les réponses obtenues témoignaient d’une banalisation des actes sexistes qui faisait froid dans le dos. Elles mettaient au jour l’ampleur du travail qu’il nous reste à accomplir. Là encore, le chemin est long !
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l'amendement n° 476 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Je tiens simplement à compléter les propos de Brigitte Gonthier-Maurin.
Je comprends parfaitement la volonté de la commission spéciale de veiller à ce que le HCE soit totalement libre de déterminer son programme de travail et les dates de publication des rapports qu’il produit. Toutefois, ces amendements tendent à satisfaire une demande du Haut Conseil lui-même.
Je précise que cette préoccupation est exprimée par tous les membres de la délégation aux droits des femmes, quel que soit leur bord politique. La liste des signataires de ces deux amendements identiques correspond en effet à celle des membres de notre délégation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’examen de ces amendements me permet de rendre hommage non seulement au travail que mène la délégation sénatoriale aux droits des femmes, mais aussi à la détermination dont ses membres font preuve. C’est avec beaucoup de respect que je salue la présidente de cette délégation.
En la matière, je ne voudrais pas que l’on me taxe de misogynie. Comme les signataires de ces amendements, je suis très attentive aux discriminations que subissent les femmes, comme à toutes les discriminations d’ailleurs. Je rappelle simplement que les avis émis par la commission spéciale résultent d’une méthode rigoureuse, que nous avons définie pour l’étude globale de ce texte.
Monsieur le ministre, c’est avec respect que j’ai qualifié ce projet de loi de cabinet de curiosités : certaines curiosités peuvent être intéressantes…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous avons pris soin de conserver les pépites. Pour le reste, nous avons évité de surenchérir et pris soin de ne pas tomber dans le symbole. En effet, la loi ne saurait être simplement symbolique, notamment quand les sujets évoqués sont déjà couverts par le droit existant, comme j’ai précédemment eu l’occasion de le rappeler.
Il ne s’agit pas de remettre en cause la légitimité du HCE : son importance est incontestable, et la qualité de ses travaux est reconnue. Cette instance est tout à fait libre de mener les études mentionnées via ces deux amendements et de formuler ses recommandations comme elle l’entend. Compte tenu de la mission qui lui est assignée et des objectifs qu’elle vise, je ne doute pas qu’elle aura à cœur d’agir ainsi. Je suis même persuadée que son devoir le lui imposera. Le HCE assumera certainement cette tâche de manière spontanée : c’est là sa finalité même.
À mon sens, l’élaboration d’un rapport consacré à l’état du sexisme en France doit être discutée par les instances du Haut Conseil lui-même. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je constate avec satisfaction que votre sentiment évolue, madame la rapporteur : vous aviez parlé de « cabinet de curiosités »,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. À propos de ce projet de loi, pas au sujet du Haut Conseil !
M. Patrick Kanner, ministre. … à présent, vous employez le mot « pépites ». Bientôt, vous parlerez de « trésors »,…
M. Philippe Dallier. Oh là !
Mme Sophie Primas. Ça, il y en a ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Kanner, ministre. Bien sûr, nul ne peut nier la qualité des travaux du Haut Conseil. Cette instance apporte une contribution d’une valeur incontestable à la réflexion politique. Elle nourrit ainsi potentiellement la réflexion législative.
Néanmoins, une modification du rythme de remise de ce rapport serait, à nos yeux, incompatible avec les moyens dont dispose le HCE : il s’agirait là d’un travail très lourd à mettre en œuvre. Au demeurant, rien n’interdit au Haut Conseil de remettre, entre deux rapports, des avis permettant de faire avancer la réflexion et d’accélérer la prise de conscience quant aux discriminations liées au sexisme.
Voilà pourquoi, comme Mme la rapporteur, je demande le retrait de ces deux amendements. À défaut, j’émettrai moi aussi un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 373 et 476 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 319 rectifié est présenté par Mmes Conway-Mouret et Meunier, M. Courteau et Mme Monier.
L’amendement n° 374 est présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 477 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Médevielle, Cigolotti et Capo-Canellas, Mme Hummel, MM. Laménie, Mandelli et Chaize et Mme Bouchoux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8, seconde phrase
Remplacer les mots :
le ministre chargé des droits des femmes
par les mots :
le président du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes
L’amendement n° 319 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 374.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les objectifs de cette proposition d’amendement sont simples et clairs. Comme cela a été souligné, le HCE a fait la preuve de son utilité et de la qualité de ses travaux depuis sa création en 2013. Il est vrai que, au regard des attaques régulières sur le droit des femmes et de la persistance des inégalités dans tous les domaines de la vie quotidienne, les sujets de réflexion ne manquent pas.
Le projet de loi tel qu’issu des travaux de l’Assemblée nationale a instauré la rédaction d’un rapport général du HCE, qui devra être remis tous les deux ans au Premier ministre – ou à la Première ministre, ne désespérons pas ! – et au ministre chargé des droits des femmes. Nous y sommes d’autant plus favorables qu’il sera rendu public et présenté au Parlement. Nous proposons toutefois qu’il le soit non par le ministre chargé des droits des femmes, mais par le président ou la présidente du Haut Conseil à l’égalité. Cela nous paraît plus approprié, s’agissant d’une instance autonome et indépendante du Gouvernement. Ce rapport ne saurait en effet être remis à un ministre qui, ensuite, le présenterait lui-même, au risque de se retrouver en position de juge et partie de l’évaluation de ses propres politiques.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 477 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement est sans doute plus important que le précédent, dans la mesure où il consacre l’indépendance ou l’autonomie du HCE par la capacité de son président, ou de sa présidente, a présenté son rapport devant le Parlement, au cours, par exemple, d’une réunion conjointe des délégations aux droits des femmes du Sénat et de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. J’avoue ressentir une certaine gêne face à ces amendements. J’en comprends l’objectif – je le partage –, mais je ne vois pas pourquoi vous parlez d’indépendance. D’un strict point de vue juridique, le HCE n’est pas une instance indépendante du Gouvernement, puisqu’il est placé auprès du Premier ministre. Il n’est ni une autorité administrative indépendante ni, bien entendu, une juridiction.
Dès lors, le Gouvernement étant responsable, il lui revient, en toute logique, d’assumer la responsabilité politique devant le Parlement des actions menées par ses services. Cela n’exclut pas que le président du Haut Conseil puisse être auditionné par les délégations aux droits des femmes de l’Assemblée nationale ou du Sénat ou par une autre commission.
Par cohérence, intellectuelle, factuelle et juridique, vous comprendrez que je ne peux qu’émettre un avis défavorable ou vous suggérez de retirer ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je vous invite, mesdames les sénatrices, à retirer vos amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable. En effet, le HCE n’est pas une autorité administrative indépendante. Pour répondre favorablement à votre demande, il faudrait modifier son statut.
Je ne peux donc que rejoindre, en me satisfaisant de sa précision juridique, l’avis de Mme la rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Ce débat doit être prolongé.
Nous assistons depuis de nombreuses années à une forme de démembrement de la puissance publique.
Mme Sophie Primas. Absolument !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Les autorités administratives indépendantes, dont nous avons débattu il y a quelques jours, ont leur rôle, mais, en les multipliant, on prive la puissance publique, et donc le pouvoir politique, de compétences et des armes dont il dispose pour les assumer.
Si nous devions ajouter à cela des organismes qui, sans être des autorités administratives indépendantes, viendraient s’exprimer à la place du Gouvernement, la question de l’utilité de ce dernier finira par se poser, alors qu’il doit être le dépositaire d’une doctrine et défendre une ligne politique. C’est à lui qu’il appartient de s’exprimer devant le Parlement.
Je profite de cet amendement pour exprimer un point de vue très largement partagé ici : ne démembrons pas le Gouvernement !
Mme Sophie Primas. Absolument !
M. le président. Madame Brigitte Gonthier-Maurin, l’amendement n° 374 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, je le retire, monsieur le président. Les arguments avancés auront au moins permis de préciser les choses.
Mme Chantal Jouanno. Je retire le mien également, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 374 et 477 rectifié sont retirés.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 375 est présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 478 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mme Hummel et MM. Laménie, Mandelli et Chaize.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10, première phrase
Après les mots :
Premier ministre
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
, le ministre chargé des droits des femmes ou tout ministre intéressé par ses avis.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 375.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Comme à plusieurs de nos collègues, il nous a semblé pertinent d’apporter quelques modifications à la rédaction actuelle du texte concernant les missions du Haut Conseil à l’égalité.
Il est indiqué que le HCE peut être saisi par le Premier ministre ou le ministre chargé des droits des femmes. Cette rédaction nous paraît restrictive, mais révélatrice, malheureusement, du traitement des questions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes. Seul le Premier ministre, dont le champ de compétence est, par essence, transversal ou le ministre chargé spécifiquement de ces questions pourrait ainsi saisir le HCE. Or, dans de nombreux domaines, comme la santé, le logement, les transports, l’emploi, l’expertise du HCE pourrait être utile aux ministres concernés.
La réalité de la situation des femmes aujourd’hui est telle que les inégalités existent dans tous les pans de la vie. Nous pouvons, hélas, décliner les inégalités, les discriminations et les stéréotypes dont sont victimes les femmes dans de nombreux domaines. Il nous semble donc important que la loi permette à tout ministre de saisir la HCE pour des avis et recommandations argumentés et spécifiques. Cette faculté devrait même devenir un réflexe, d’une part, parce que les travaux du HCE sont de bonne qualité et, d’autre part, parce que la dimension genrée de nos politiques publiques est trop rarement prise en compte.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 478 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Il a été très bien défendu.
M. le président. Les trois amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 356 rectifié bis est présenté par Mmes Conway-Mouret et Meunier, M. Courteau et Mme Monier.
L’amendement n° 531 rectifié bis est présenté par Mmes Archimbaud, Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 645 rectifié bis est présenté par Mme Laborde, MM. Amiel, Arnell et Guérini, Mme Jouve, MM. Requier, Vall, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Hue et Mme Malherbe.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10, première phrase
Après les mots :
Premier ministre
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
et les ministres intéressés par ses avis.
Les amendements nos 356 rectifié bis et 645 rectifié bis ne sont pas soutenus.
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° 531 rectifié bis.
M. André Gattolin. Créé il y a plus de trois ans, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes fournit une expertise indépendante et précieuse, tant au Gouvernement qu’au Parlement.
Pour renforcer son action, le présent amendement vise à élargir la faculté de saisine du HCE, afin de rappeler que les droits des femmes, la lutte contre les discriminations et l’égalité entre les femmes et les hommes constituent des dynamiques transversales concernant tous les domaines. Cette saisine est susceptible d’intéresser, par exemple, aussi bien le ministre de la santé que celui de la défense. Ainsi, chaque ministre sera à même d’attirer l’attention du HCE sur son propre domaine de compétence, suscitant son intérêt sur la thématique concernée. La capacité d’alerte du HCE n’en sera que renforcée.
Cet élargissement a également vocation à permettre au HCE d’être saisi plus fréquemment et, ainsi, d’agir plus globalement pour lutter contre les discriminations entre femmes et hommes.
Dans le cadre de sa mission d’animation du débat public sur les grandes orientations de la politique des droits des femmes et de l’égalité, sa capacité d’intervention dans le débat public doit être facilitée. Cette possibilité de saisine élargie va dans ce sens.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les amendements contiennent deux formulations différentes.
Les amendements nos 375 et 478 rectifié visent à élargir le pouvoir de saisine au ministre chargé des droits des femmes ou à tout ministre intéressé par ses avis. En écrivant « et les ministres intéressés par ses avis », la rédaction de l’amendement n° 531 rectifié bis me semble plus simple, plus juste et plus complète. Je vous rappelle qu’il est déjà arrivé que des ministres saisissent le Haut Conseil.
Par conséquent, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 531 rectifié bis et je demande aux auteurs des deux autres amendements restant en discussion de bien vouloir s’y rallier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je remercie la Haute Assemblée de s’intéresser aux prérogatives des ministres. Je ne prends pas cela comme une atteinte à la séparation des pouvoirs, naturellement…
La priorité de saisine du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes appartient au Premier ministre, auprès de qui ce Haut Conseil est placé, ainsi, bien sûr, qu’au ministre chargé des droits des femmes, à qui il revient d’assurer la coordination et la cohérence des travaux et leur exploitation. L’expérience a montré qu’une cosaisine du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes par un autre ministre était déjà possible, par le biais du Premier ministre, lequel assure ainsi la cohérence des interventions ministérielles.
Votre demande me semble donc déjà très largement satisfaite par l’organisation actuelle du Haut Conseil, mais vous voulez aller plus loin… Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat. Je ne saurais m’opposer à cette volonté d’apprécier plus encore le rôle et le travail des membres du Gouvernement…
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l’amendement n° 375 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, monsieur le président, je le retire pour me rallier à l’amendement n° 531 rectifié bis.
Mme Chantal Jouanno. Je retire également le mien pour les mêmes raisons, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 375 et 478 rectifié sont retirés.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 531 rectifié bis.
M. Gérard Longuet. Je suis un peu désemparé.
Si le Haut Conseil est important, alors il doit être saisi par le Premier ministre, car il n’y a pas un sujet qui ne soit interministériel. C’est bien le rôle du Premier ministre que de porter une politique interministérielle.
Pour avoir récemment géré le ministère de la défense, la condition féminine y est un sujet. Doit-on laisser au seul ministre de la défense le soin de saisir le Haut Conseil à l’égalité, alors même que certaines dimensions de cette question sont susceptibles de mobiliser d’autres ministères ?
Il revient véritablement au Premier ministre d’assurer la cohérence gouvernementale, sauf peut-être, reconnaissons-le, dans ce nouveau fonctionnement où l’on voit parfois le Premier ministre Valls s’opposer au ministre de l’environnement sur un sujet comme, par exemple, le rejet des boues rouges dans le département des Bouches-du-Rhône. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Sans parler de Notre-Dame-des-Landes !
M. Gérard Longuet. Si l’on privilégie une approche de démocratie participative au sein du Gouvernement, alors on peut voter cet amendement. L’inconvénient, c’est que les administrés risquent de ne pas y trouver leur compte, parce qu’ils attendent d’un gouvernement qu’il soit cohérent. Un gouvernement peut se tromper,…
M. André Gattolin. Vous en savez quelque chose !
M. Gérard Longuet. … mais il est préférable que tous les ministres se trompent ensemble afin que l’administré, l’électeur, mais aussi le parlementaire, sachent de quoi il s’agit.
Songez qu’il pourra se produire des saisines contradictoires, susceptibles de bloquer, par exemple, la décision d’un autre ministre qui aurait gagné un arbitrage à Matignon, lequel serait remis en cause par une saisine du HCE.
Cela étant, je ne voudrais pas vous priver d’un tel plaisir verbal, mais le souci de la cohérence l’emportant chez moi, je m’abstiendrai dans le souci de respecter l’unité de l’action gouvernementale, sans pour autant vous brimer…
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je comprends la philosophie et j’ai goûté l’humour de notre collègue Longuet. Sur le fond, mon cher collègue, vous avez certainement raison. Il ne vous aura toutefois pas échappé que nous entendions inciter chaque ministre à prendre ses responsabilités en matière d’égalité entre les hommes et les femmes. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons pousser la logique un peu plus loin.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Je voudrais vraiment remercier les parlementaires de leur sollicitude à l’égard du Gouvernement. (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ce n’est pas si fréquent ! (Nouveaux sourires.)
M. Gérard Longuet. Vous savez, le gouvernement, on en vient, on y va, bref, ça nous intéresse ! (Mêmes mouvements.)
M. Patrick Kanner, ministre. Je suis très ému de ces remarques positives, mais je vais essayer de vous rassurer quant à la cohérence gouvernementale sur la question de la parité.
Je vous rappelle simplement que, pour la première fois de son histoire, la République est dirigée par un gouvernement composé de façon totalement paritaire. Je puis vous assurer que les ministres masculins sont très largement sollicités sur les questions de parité par leurs collègues, et réciproquement.
Il s’agit à mon sens, d’une très belle réussite, et je forme le vœu que, quelle que soit la situation qui suivra l’élection présidentielle, nous restions sur cette voie tracée par le Président de la République.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 357 rectifié est présenté par Mmes Conway-Mouret et Meunier, M. Courteau et Mme Monier.
L’amendement n° 376 est présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 479 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mme Hummel, MM. Chaize, Mandelli et Laménie et Mme Bouchoux.
L’amendement n° 646 rectifié est présenté par Mme Laborde, M. Guérini, Mme Jouve, MM. Vall, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Hue, Mme Malherbe et M. Requier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
et appeler l’attention du Parlement et du Gouvernement sur les mesures qui lui paraissent de nature à renforcer les droits des femmes et l’égalité entre hommes et femmes
Les amendements nos 357 rectifié et 646 rectifié ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 376.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit d’un nouvel amendement relatif au HCE. Sans revenir sur toutes les qualités que nous sommes unanimes à lui reconnaître, nous proposons, par cet amendement, de compléter l’alinéa 10 de l’article 43 du projet de loi afin de permettre au HCE d’alerter le Parlement et le Gouvernement sur les recommandations qu’il fait.
J’en profite pour inviter chacune et chacun de mes collègues, si cela n’est pas encore fait, à prendre connaissance du rapport qui vient d’être rendu public par le Haut Conseil, en lien avec le CESE et la Fondation des femmes, notamment, intitulé Où est l’argent pour les droits des femmes ? Une sonnette d’alarme. Il sera prochainement présenté à la délégation aux droits des femmes du Sénat par la présidente du HCE.
Ce rapport inédit dresse un état des lieux implacable des financements publics et privés en faveur des initiatives pour l’égalité hommes-femmes en France. Il démontre très clairement leur sous-financement, en comparaison avec des initiatives œuvrant pour des causes d’importance équivalente et avec le financement pour l’égalité femmes-hommes dans d’autres pays au même potentiel.
Le constat est clair : si des politiques en faveur de l’égalité sont effectivement développées par l’État et par les collectivités territoriales – il faut le saluer –, les budgets consacrés aux droits des femmes demeurent restreints, au niveau national comme au niveau local, et ne suffisent pas à la mise en pratique de ces politiques par les acteurs et les actrices de l’égalité. En 2016, par exemple, le budget alloué au ministère des droits des femmes dans le cadre du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » n’est que de 27 millions d’euros, soit 0,0066 % du budget général, quand le coût estimé des violences faites aux femmes atteint 2,5 milliards d’euros par an. Nous n’occultons pas la nécessité d’intégrer dans cette évaluation certaines initiatives issues d’autres ministères, en raison de la transversalité des questions liées à l’égalité entre les femmes et les hommes, mais nous sommes tout de même loin du compte.
À quelques semaines de l’examen du projet de loi de finances, ce sous-financement mérite d’être connu, afin que les politiques en matière d’égalité entre les femmes et les hommes puissent enfin disposer des moyens d’être vraiment efficaces.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 479 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Il a été très bien défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Une fois encore, mon propos s’appuiera sur la logique que nous avons retenue pour l’examen de ce cabinet de curiosités, pour reprendre une qualification à laquelle M. le ministre semble adhérer, qualification qui n’est du reste ni positive ni négative.
Nous avons appliqué une méthode très rigoureuse, qui s’articule autour de six critères. L’un d’entre eux est la nécessité de n’inscrire dans le texte que des dispositions normatives. Cela n’enlève rien aux divers objets de préoccupation, mais le projet de loi ne peut pas en faire l’inventaire. Il ne s’agit pas, je le dis très respectueusement, d’un pense-bête de toutes nos bonnes intentions. Nous déterminons des obligations visant à servir l’objectif d’égalité et de citoyenneté.
Je partage votre propos comme votre pensée à ce sujet, mes chères collègues, mais écrire dans la loi que le Haut Conseil doit « appeler l’attention du Parlement et du Gouvernement sur les mesures » revient à introduire une disposition qui n’est pas normative et n’a donc pas sa place dans le texte. Le Haut Conseil a-t-il jamais été empêché « d’appeler l’attention » ? Il dispose pour cela de moyens très divers, y compris des rapports ou des communiqués de presse.
L’avis de la commission est donc défavorable sur ces amendements, en raison de leur absence de dimension normative. Il n’est pas nécessaire d’inscrire dans la loi cet objectif, qui peut être totalement atteint par ailleurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Nous considérons également que ces amendements sont satisfaits, dans la mesure où le Haut Conseil à l’égalité peut s’autosaisir, mener librement ses travaux, formuler librement ses recommandations et adresser librement ses communications.
En conséquence, le Gouvernement souhaite le retrait de ces deux amendements ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l’amendement n° 376 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, je le retire, monsieur le président. L’échange aura eu le mérite de revenir sur les fondements de ce Haut Conseil, dont chacun aura compris qu’il nous préoccupe beaucoup.
Mme Chantal Jouanno. Je retire moi aussi mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 376 et 479 rectifié sont retirés.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 359 rectifié est présenté par Mmes Conway-Mouret et Meunier, M. Courteau et Mme Monier.
L’amendement n° 377 est présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 480 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mme Hummel, MM. Laménie, Mandelli et Chaize et Mme Bouchoux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le mandat de membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas révocable pour autant que la personne titulaire conserve la qualité en vertu de laquelle elle a été désignée et qu’elle se conforme à l’obligation d’assiduité qui lui incombe.
L’amendement n° 359 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 377.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce dernier amendement relatif au HCE nous semble très important. Le décret du 3 janvier 2013 portant création du Haut Conseil à l’égalité ne dit rien de l’irrévocabilité de ses membres.
Le renouvellement de ses membres a eu lieu en mars dernier, pour trois ans. Il nous paraît cependant nécessaire de garantir l’effectivité de cette durée, au-delà des alternances politiques et d’éventuels changements de majorité.
Cette instance consultative composée de plusieurs personnalités expertes, d’associations et d’élus a besoin d’une certaine stabilité pour continuer à produire en toute objectivité des analyses et à recueillir des données, afin d’améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes en France. C’est pourquoi nous proposons l’irrévocabilité de ses membres, pour autant, bien évidemment, que le membre concerné conserve la qualité en vertu de laquelle il a été désigné et qu’il se conforme à l’obligation d’assiduité qui lui incombe.
Je profite de cet amendement pour souligner le fait que la présidente du HCE ainsi que la secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle exercent leurs responsabilités bénévolement. Il n’en va pas de même dans d’autres institutions intervenant dans d’autres domaines de compétences. Cette situation est fâcheuse, car elle accrédite l’idée que l’égalité entre les femmes et les hommes ne nécessite pas de fournir un travail en tant que tel et qu’il suffit, sans doute, de s’appuyer sur les « qualités naturelles » des personnalités qui exercent des responsabilités dans ces secteurs. Une telle vision n’est ni juste ni légitime. Cet état de fait est révélateur du manque de moyens accordé de façon générale à ce secteur et à cette politique.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 480 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Il a de nouveau été très bien défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je note le pouvoir de conviction des membres de la délégation aux droits des femmes. (Sourires.) Je vais répondre de façon factuelle et juridique.
Votre amendement vise à inscrire dans la loi l’irrévocabilité du mandat de membre du Haut Conseil, instance, qui, je le rappelle, relève du Gouvernement. Cette disposition n’a pas de valeur supra-législative. Par conséquent, un gouvernement qui souhaiterait, à l’avenir, supprimer le Haut Conseil devrait faire adopter une loi, mais ne pourrait pas en être empêché par cette disposition. Cela devrait être de nature à vous rassurer.
Votre proposition me paraît donc inutile. Par définition, ce qui est dans la loi n’est pas révocable jusqu’à ce qu’une autre loi vienne la contredire. Au vu de l’intérêt porté, à juste titre, au sujet dont nous débattons, vos préoccupations me semblent pouvoir être apaisées. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, vous qui semblez tendre une oreille très attentive à ces thématiques, j’en profite pour insister sur la question du bénévolat des membres du HCE. Il est urgent de cesser de faire deux poids deux mesures. Tous les organismes de même nature devraient être traités de la même façon. Pourquoi n’est-ce que lorsqu’il s’agit de porter des propositions sur l’égalité que l’on fait appel au bénévolat ?
Cela nous renvoie tristement à ce que l’on entend trop souvent : les femmes auraient des qualités tellement naturelles et une telle propension à traiter de ces questions qu’elles n’auraient pas besoin, après tout, d’être considérées comme fournissant un travail.
Nous avons entendu les arguments très bien développés par Mme la rapporteur, mais nous maintenons tout de même notre amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 377 et 480 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 43, modifié.
(L’article 43 est adopté.)
Section 3
Dispositions relatives au droit des médias
Article 44 A
(Supprimé)
Article 44 B
Après la première phrase du premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Il veille au respect de la dignité de toutes les personnes qui apparaissent dans ces émissions publicitaires. »
M. le président. L’amendement n° 82, présenté par MM. Guillaume et Magner, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il veille notamment à l’image des femmes qui apparaît dans ces émissions publicitaires. »
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement tend à rétablir dans sa rédaction initiale l’article 44 B introduit lors du débat en séance publique à l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement et qui complète l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication.
Cet article 14 donne mission au CSA d’exercer « un contrôle, par tous moyens appropriés, sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les services de communication audiovisuelle en vertu de la présente loi. » Il permet en outre au CSA de « prendre en compte les recommandations des autorités d’autorégulation mises en place dans le secteur de la publicité ».
Dans les années 2000, l’image de la femme dans la publicité est devenue un sujet sensible, source de nombreuses polémiques. Ainsi, en 2001, un sondage mené par la société IPSOS sur l’image de la femme dans la publicité faisait apparaître que 41 % des personnes interrogées s’estimaient choquées par la manière dont les femmes y étaient représentées et 58 % y relevaient une hausse des évocations à caractère sexuel.
Dix ans plus tard, en 2010, un autre sondage a donné sensiblement les mêmes résultats : 40 % des personnes étaient choquées pour 60 % qui ne l’étaient pas.
Cela démontre bien que l’image de la femme véhiculée par les publicités reste sensiblement identique. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ma chère collègue, je vous rappelle que le titre III vise notamment à éviter toute discrimination. Or la version adoptée par l’Assemblée nationale protège uniquement les femmes et ne prend pas en compte la dignité de toutes les autres personnes.
La commission a donc adopté un amendement proposé par nos collègues du groupe CRC, et rectifié à la demande de votre rapporteur, afin de ne pas établir de discrimination entre les personnes discriminées. Il vise ainsi à charger le CSA de veiller au respect de la dignité, non pas seulement des femmes mais de toutes les personnes. Le terme de « dignité » me semble à la fois plus complet et juridiquement plus solide que celui d’« image ».
La rédaction de la commission étant plus protectrice et beaucoup moins discriminante, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Les choses vont mieux en les disant. C’est pourquoi le Gouvernement soutient très fortement cet amendement, qui tend à rétablir une rédaction qui est conforme à notre volonté. Nous souhaitons en effet aller au bout de la logique. Or il me semble que le texte de la commission atténue le dispositif.
Force est de constater qu’il y a des messages publicitaires qui portent atteinte à l’image des femmes. Si le respect de la dignité de toutes les personnes est un objectif général, nous sommes confrontés à un problème spécifique de sexisme dans la publicité. Il faut regarder les choses en face !
Le CSA travaille sur cette question. Il est donc utile de modifier l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986, qui concerne le contrôle qu’il exerce en matière de publicité.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Il relève de la responsabilité du CSA de suivre l’ensemble des programmes télévisuels diffusés. En matière de publicité, ce suivi n’est pas ou que très peu effectué.
Lors de l’examen d’une proposition de loi que j’ai présentée sur la suppression de la publicité dans les émissions pour enfants – proposition de loi qui a été adoptée par le Sénat –, nous avons fait le constat qu’il n’existe pas de rapport régulier sur cette situation. Le monde publicitaire est une abstraction des programmes télévisuels. L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, l’ARPP, ex-BVP, produit certes des rapports, mais cet organisme étant une émanation pure et simple des publicitaires, ses publications ne peuvent pas être considérées comme résultant d’un contrôle objectif.
L’adoption de cet amendement permettrait de rappeler au CSA la responsabilité qui lui incombe. Le groupe écologiste le soutient donc ardemment.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Le rôle du CSA est précisément de faire ce travail. M. Gattolin, qui lui reproche de ne pas être suffisamment vigilant, plaide pour inscrire cette disposition dans la loi. Mais que le CSA fasse son travail, que le Gouvernement lui renvoie quelques lettres de mission au besoin, que les parlementaires qui siègent dans cette instance s’activent, voilà ce qui serait plus pertinent !
Par ailleurs, je m’interroge sur la rédaction proposée : « notamment à l’image des femmes qui apparaît dans ces émissions publicitaires ». Cela vise certainement les femmes nues ; mais il arrive aussi que des hommes soient habillés en lapin ou que des enfants soient placés dans des situations ridicules. Cela nuit aussi à leur image.
M. Jean Desessard. Un homme n’est jamais ridicule, voyons ! (Sourires.)
Mme Sophie Primas. Si nous voulons que les femmes soient traitées comme les hommes, commençons par ne pas les traiter différemment, y compris dans la loi. (Mme Françoise Gatel, rapporteur, opine.) Je suivrai donc l’avis de Mme le rapporteur.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Pour ma part, je ne suivrai pas l’avis de Mme la rapporteur.
Je remercie notre collègue Gattolin pour les arguments techniques qu’il vient de développer ainsi que M. le ministre de soutenir avec force cet amendement.
J’ai envie de dire que ça continue, dans la publicité, comme pour le reste ! Il y a encore des publicités qui sont extrêmement dégradantes pour les femmes et qui portent atteinte à leur dignité. C’est pourquoi il me semble important de mettre le focus sur les femmes dans ce projet de loi, qui, je le rappelle, est relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Si les femmes étaient déguisées en lapin, on ne dirait rien ! Il y a les piles Duracell pour ça…
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Chez moi, on dirait de cet amendement qu’il ne mange pas de pain. Je vais donc le soutenir.
Mme Catherine Génisson. Merci !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais, chers collègues, si cette disposition était appliquée – elle ne le sera pas ; donc, elle ne sert à rien –, il n’y aurait quasiment plus de publicité à la télévision. Pourquoi croyez-vous qu’il y ait des femmes dans les publicités ? Je ne vais pas vous faire un dessin… Le CSA veillera donc comme le chat qui dort.
Mme Sophie Primas. Quel sexisme !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est la vérité !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis d’accord avec notre rapporteur et en désaccord avec ce que l’on vient d’entendre.
C’est vrai que les publicités sont sexistes et visent particulièrement les femmes. Montrer une femme dénudée pour vendre une voiture ou un yaourt, c’est dégradant. En plus, ces images sont diffusées à longueur de journée. Toutefois, si je partage la philosophie de l’amendement, je trouve sa rédaction maladroite et contre-productive. Son adoption aurait pour effet d’amoindrir la portée de ce que nous défendons. Il me semble en effet beaucoup plus fort d’écrire « Il veille au respect de la dignité des personnes » que d’écrire « Il veille notamment à l’image des femmes qui apparaît ».
Même si nos raisons sont différentes de celles qui ont été développées sur les travées d’en face, notre groupe ne soutiendra pas cet amendement. À vouloir trop bien faire, on aboutit parfois au résultat inverse de celui qui est recherché.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Je suis un peu étonné par la position de votre groupe, madame Cohen. Il y a quand même bien un problème spécifique de l’image des femmes dans la publicité à la télévision. Certes, vous ne le niez pas, mais vous estimez que la réponse juridique proposée n’est pas adaptée à cette préoccupation.
Le CSA a effectivement une obligation générale de contrôle du respect de la dignité, mais nous voulons l’amener à être encore plus vigilant sur la situation particulière des femmes et sur l’image qu’on donne d’elles dans la publicité française. Pour ma part, je ne crois pas que les conséquences seront celles que vous redoutez. C’est pourquoi je réitère mon soutien à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 32 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l’adoption | 137 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 44 B.
(L'article 44 B est adopté.)
Article additionnel après l’article 44 B
M. le président. L'amendement n° 393, présenté par M. Gattolin, est ainsi libellé :
Après l’article 44 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 13 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel communique chaque mois au président du Parlement européen et aux responsables des différents partis politiques qui y sont représentés ainsi qu’aux personnes mentionnées au deuxième alinéa le relevé des temps d’intervention des personnalités politiques sur des sujets ayant trait à l’action de l’Union européenne dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes. »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Qu’on le veuille ou non, le destin de la France est aujourd'hui indissolublement lié à celui de l’Europe. Indissolublement, car celles et ceux qui croient que l’herbe est plus verte ailleurs feraient bien de suivre ce qui se passe au Royaume-Uni depuis quelques jours. Du fait des conséquences économiques du Brexit, des voix s’élèvent maintenant au sein même du gouvernement britannique pour renoncer à sortir de l’Union européenne dans le cas où le traité qui succéderait à la présence dans l’Union ne serait pas aussi favorable qu’espéré pour le Royaume-Uni.
Qu’on en parle en bien ou en mal, l’Europe est le fantôme de l’opéra politique et médiatique dans lequel nous baignons !
L’amendement que je propose s’inscrit dans le même esprit que la proposition de résolution européenne que nous avions adoptée en 2013 sur l’initiative de notre ex-collègue et très cher ami Pierre Bernard-Reymond, qui visait à créer une station de radio publique consacrée à l’actualité quotidienne de l’Europe et de nos partenaires de l’Union. Il vise à assurer une prise en compte réelle de la sphère publique européenne eu égard à l’équilibre et au pluralisme des courants de pensée.
Ma demande repose notamment sur l’article 16 du décret fixant le cahier des charges de France Télévisions, intitulé « L’Europe », qui dispose que « France Télévisions s’attache à intégrer la dimension européenne dans l’ensemble de ses programmes », afin d’accorder une large place à la connaissance des enjeux communautaires et à l’expression d’une identité européenne.
Ma demande s’appuie également sur le travail mené récemment par le mouvement des Jeunes Européens, qui ont comptabilisé sur le site de France Info TV tous les sujets relatifs à l’Europe pendant onze jours, du vendredi 16 septembre au mardi 27 septembre dernier. Le résultat est sans appel : huit sujets seulement ont été dédiés à l’actualité européenne, soit quinze minutes en onze jours, ou encore quatre-vingts secondes par jour. C’est peu, très peu, trop peu ! Il y avait pourtant de la matière : tenue du premier sommet à vingt-sept sans le Royaume-Uni à Bratislava, discours annuel sur l’état de l’Union de M. Juncker, président de la Commission européenne, affaire de l’ancienne commissaire européenne à la concurrence, Mme Neelie Kroes, suite du Brexit, et je ne cite là que les faits les plus saillants.
Nous devons montrer que l’espace public européen existe. Cet amendement participe de cet objectif, puisqu’il tend à confier au Conseil supérieur de l’audiovisuel la mission de relever le temps d’intervention des personnalités politiques sur des sujets européens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La centriste que je suis ne peut être que sensible à la cause européenne. Toutefois, je vous rappelle, mon cher collègue, nos principes de rigueur et la volonté de la commission de centrer le texte sur ses objectifs initiaux que sont l’égalité et la citoyenneté. Votre amendement tendant à inclure la sphère publique européenne dans la mission du Conseil supérieur de l’audiovisuel, il me semble un peu éloigné de cet objectif.
Le respect du pluralisme au niveau européen, c’est-à-dire des équilibres entre partis politiques supranationaux, nécessiterait de repenser des règles conçues au niveau national. Il convient cependant de rappeler que, en période électorale, ces règles nationales sont appliquées à l’occasion des élections européennes.
En outre, une instance purement nationale telle que le CSA n’a pas à rendre de compte au président du Parlement européen ni aux dirigeants des différents partis qui y sont représentés.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, à moins que vous n’ayez la pertinence de le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Aux arguments de fond qui viennent d’être développés par Mme la rapporteur, j’ajouterai simplement un argument technique : du fait de la multiplication des médias audiovisuels, le CSA n’aura pas les moyens d’assumer cette responsabilité. Je le dis avec tristesse mais avec réalisme, car je partage votre ambition tout en regrettant qu’elle ne puisse pas se traduire dans les faits à la hauteur de ce que vous espérez.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Durant la campagne pour le référendum sur le traité de Maastricht, M. Kouchner a eu cette phrase célèbre : « Après Maastricht, on rira beaucoup plus. » Ce que je constate, c’est qu’on rit plutôt jaune ces temps-ci.
Personnellement, je trouve qu’il y a suffisamment de propagande européiste à la télévision. Je souhaiterais plutôt qu’ait lieu un débat de fond sur les raisons pour lesquelles l’espoir mis en l’Europe, et le départ des Britanniques en est l’un des signes nombreux, est loin d’être satisfait. Je ne voterai donc pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Il me semble que Mme la rapporteur a mal lu mon amendement. Il s’agit non pas d’assurer l’équilibre, mais de communiquer le temps de parole des personnalités politiques européennes. Nous pouvons discuter de la liste de ces personnalités, qui inclura sans doute le président du Parlement européen et les responsables de partis politiques, mais nous sommes quand même dans une forme d’intégration, ou alors je n’ai pas bien compris où en est l’Europe. Il ne s’agit pas de créer une telle mesure puisque celle-ci existe déjà.
Je dirai à M. le ministre qu’il semble malheureusement bien mal connaître le CSA. En effet, ce n’est pas le CSA qui assure cette tâche, mais chacune des chaînes qui communique ces informations. Il s’agit donc simplement de distinguer, parmi les personnalités politiques qui se partagent le temps d’antenne, les eurodéputés et les personnalités politiques qui s’expriment sur l’Europe. Cela n’engendrera aucun coût, aucun travail en plus, sinon pour les médias, qui font déjà cette mesure.
Il s’agit certes d’une mesure symbolique, mais je pense que l’Europe a besoin de symboles pour avancer. En l’absence d’éléments statistiques, on nous renvoie à des réalités fantasmatiques, comme pour la question du suivi de la publicité ou de la représentation des femmes.
Monsieur Collombat, je me fiche totalement qu’on parle de l’Europe en bien ou en mal. Ce que je veux, c’est qu’on en parle.
Permettez-moi de rappeler que j’avais saisi le CSA au moment de l’élection européenne, car il m’avait alors semblé proprement scandaleux que le service public français soit le seul en Europe qui ne diffuse pas le débat des candidats à la présidence de la Commission européenne. Le CSA avait appuyé ma demande, mais France Télévisions n’y a pas satisfait, et c’est bien regrettable.
Mes chers collègues, je maintiens mon amendement et, que vous soyez un tant soit peu Européen dans l’âme ou que vous ayez envie de critiquer l’Europe, je vous demande de l’adopter.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 393.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles 44 et 45
(Supprimés)
Article 46
(Non modifié)
La quatrième phrase du deuxième alinéa de l’article 43-11 de la même loi est complétée par les mots : « ainsi qu’à assurer une meilleure représentation de la diversité de la société française, notamment d’outre-mer ». – (Adopté.)
Section 4
Dispositions relatives à l’éducation
Article 47
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 252 est présenté par Mme Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 431 rectifié bis est présenté par MM. Vaugrenard, Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur et Courteau, Mmes Yonnet, D. Gillot, Campion et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 546 est présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de l’éducation est complété par un article L. 131-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-13 – L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. »
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 252.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à rétablir cette disposition issue d’une proposition de loi de M. Schwartzenberg retranscrivant dans la loi la jurisprudence actuelle.
Les auteurs de cet amendement ont bien conscience des difficultés budgétaires que pourrait occasionner cette mesure, mais l’obligation d’égalité de traitement devant le service public doit s’imposer. En outre, on ne saurait faire peser sur des enfants déjà fragilisés socialement la baisse des dotations aux collectivités territoriales, alors même que la cantine se retrouve souvent être le seul lieu où ces enfants ont accès à une alimentation saine et équilibrée, un lieu qui constitue un espace utile de socialisation.
Par ailleurs, il s’agit ici de prendre en compte la réalité de ce qu’est une recherche d’emploi. Il s’agit bien souvent d’un travail à temps plein. De fait, une interdiction de cantine pour les enfants dont les parents sont à la recherche d’un emploi est une difficulté supplémentaire qui leur est imposée.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 431 rectifié bis.
Mme Evelyne Yonnet. Il vient d’être très bien défendu.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 546.
M. Jean Desessard. Le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale inscrivait dans la loi le principe de non-discrimination dans l’accès à la cantine scolaire. Ce sujet est loin d’être anodin. Les témoignages de parents qui ont vu leurs enfants se voir refuser l’accès à la cantine de leur école sont nombreux. Très souvent, ce refus est motivé par des règles instaurées au niveau de la commune et qui vont à l’encontre de la loi.
L’accès aux services publics est un droit qui répond au principe d’égalité. Ce principe est inscrit dans le droit administratif, qui dit bien qu’il est illégal de soumettre l’accès à un service public à des critères, quelle qu’en soit la nature. Pourtant, beaucoup de mairies continuent de refuser l’accès à la cantine, par exemple aux enfants de parents chômeurs au motif qu’ils auraient plus de temps que d’autres pour faire déjeuner leurs enfants à la maison. Outre que cette pratique est complètement illégale, elle repose sur une image erronée de l’emploi du temps d’une personne qui recherche un emploi. C’est une activité quasiment à plein temps, qui nécessite de la mobilité et de la flexibilité.
La cantine est un lieu de socialisation très important pour les enfants, où l’on apprend à vivre en groupe et où l’on découvre l’alimentation dans toute sa diversité. Il est donc aberrant de refuser la cantine aux enfants dont les parents sont chômeurs et de les renvoyer dans un milieu qui subit du stress.
La cantine n’est pas seulement un sujet d’étude pour les sociologues français. Des organisations internationales qui travaillent sur l’éducation, par exemple l’OCDE, considèrent depuis des années la cantine scolaire comme un cadre parfait pour permettre aux enfants d’adopter des habitudes de vie saines venant en complément d’autres pratiques pédagogiques.
Mes chers collègues, il me semble très important que le principe d’égalité d’accès à la cantine pour tous les enfants soit inscrit en toutes lettres dans la loi pour ne plus laisser de place à des interprétations allant contre l’intérêt des enfants et des parents.
M. André Gattolin. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je vais prendre un peu de temps pour donner l’avis de la commission, car il s’agit, là aussi, d’un sujet important.
Je ne souhaite énerver personne, mais ces amendements sont l’exemple même de dispositions qui ont déjà fait l’objet d’un examen au Sénat et qui ont été rejetées. Il s’agissait de la proposition de loi de M. Schwartzenberg visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire, qui a été rejetée par le Sénat le 9 décembre 2015. Le résultat du vote ne convenant pas, on soumet de nouveau ces dispositions à l’occasion de l’examen de ce projet de loi…
Vous voulez instaurer un droit d’inscription à la cantine dans la mesure où il y aurait une discrimination qui toucherait des enfants de demandeurs d’emploi. Je ne mets pas en doute ce que vous dites, mais personne ne m’a cité le nombre de cas qui relèveraient de cette situation, qui constitue par ailleurs une infraction. En effet, un maire ne peut pas faire de discrimination dans l’accueil des populations. Vous laissez donc entendre que des préfets ne feraient pas leur travail, en ne sanctionnant pas les maires qui auraient de tels comportements délictueux.
Par ailleurs, il me semble important de mesurer l’impact des dispositions que nous votons. Le droit que vous souhaitez instaurer dissuaderait les communes de mettre en œuvre un service de restauration lorsqu’elles en sont dépourvues. Or si, au nom de l’égalité, vous instaurez pour tous les enfants un droit de déjeuner à la cantine dans les communes proposant ce service, vous créez une nouvelle discrimination pour les enfants scolarisés dans des communes où il n’y a pas de cantine.
M. Jean Desessard. Elle est bonne, celle-là !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Pour en avoir discuté avec de nombreux maires de mon département, je peux vous affirmer que plusieurs réfléchiront à deux fois avant d’ouvrir un service de cantine qui deviendrait une forme de service « obligatoire », alors qu’il s’agit aujourd'hui d’un service facultatif pour les communes, dont, à ce titre, l’État ne compense pas du tout les frais.
En outre, je rappelle que la mise en place des nouveaux rythmes scolaires a introduit un service supplémentaire par semaine. Or le service de restauration scolaire est largement à la charge des collectivités, les familles ne payant souvent qu’un quart du prix de revient du repas.
Je vous pose également une question : l’école n’étant obligatoire qu’à partir de la primaire, qu’allez-vous faire pour l’école maternelle ? L’État est-il prêt à transformer ce service de restauration scolaire en service obligatoire et, dans ce cas, à en financer le coût ?
Enfin, j’y reviens, pourquoi ne pas élargir le débat à la question des nouveaux rythmes scolaires ?
Mme Sophie Primas. Eh oui !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ces derniers, nous a-t-on expliqué, doivent permettre à tous les enfants de bénéficier des mêmes conditions d’éveil et de découverte de nouvelles activités, mais, comme ils ne sont pas obligatoires, l’État ne les finance pas.
Je comprends votre préoccupation, mais il s’agit d’un problème non quantifié et qui pose de nombreuses difficultés. Vous ne pouvez pas imposer aux communes des charges nouvelles, à moins que M. le ministre n’annonce dans quelques instants que la cantine est devenue un service obligatoire et qu’elle sera gratuite pour les communes.
M. André Gattolin. Ce n’est pas le ministre du budget !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Chers collègues, en cohérence avec la position du Sénat sur la proposition de loi de M. Schwartzenberg, la commission a émis un avis extrêmement défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Ces trois amendements identiques ne visent pas à traiter la question du financement des cantines scolaires ou de n’importe quel autre service public. Ils posent la question de la discrimination à l’accès à des services publics existants – je dis bien : existants.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Patrick Kanner, ministre. L’argumentaire budgétaire manifeste peut-être chez vous une forme de désarroi, madame la rapporteur,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ne suis jamais dans le désarroi !
M. Patrick Kanner, ministre. … face à la qualité de ces amendements, que je soutiens naturellement. Ils font écho à l’excellent rapport de 2013 concernant l’égal accès des enfants à la cantine de l’école primaire, non pas de M. Schwartzenberg, mais du Défenseur des droits.
Intéressons-nous plutôt à la réalité de ces amendements, qui visent à améliorer l’accès au service des cantines, ce qui est extrêmement symbolique. En effet, il s’agit de permettre à des enfants de pauvres,…
Mme Sophie Primas. Oh !
Mme Évelyne Didier. Eh oui, c’est comme ça que ça s’appelle !
M. Jean Desessard. En effet !
M. Patrick Kanner, ministre. … de pouvoir manger correctement une fois par jour. Je ne verse pas dans le misérabilisme en disant cela ; il suffit de connaître la situation d’une partie de notre population. C’est à l’honneur d’un maire, dirai-je, d’avoir une cantine scolaire ouverte pour ces enfants en difficulté.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Patrick Kanner, ministre. Quoi qu’il en soit, ces trois amendements identiques visent à rétablir l’article 47 issu, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteur, d’une proposition de loi déposée par M. Schwartzenberg, qui impose aux communes dotées d’une cantine – toutes n’en sont pas dotées, je le constate –…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il y en aura de moins en moins !
M. Patrick Kanner, ministre. … d’accueillir tous les élèves scolarisés.
Le Gouvernement adhère pleinement aux objectifs, à savoir garantir l’égal accès de tous les enfants à la restauration scolaire, un principe clairement affirmé par la jurisprudence.
Ces amendements identiques ne partent pas de rien : ils sont issus, je le répète, d’une proposition de loi, qui, elle-même, s’appuie sur des travaux très sérieux – j’ai évoqué le rapport du Défenseur des droits –, lesquels démontrent que cette question n’est pas marginale. Ainsi, ce sont près de 400 dossiers qui ont été traités par les services du Défenseur des droits : la moitié d’entre eux concerne des règlements intérieurs qui donnent priorité aux enfants dont les deux parents travaillent, ce qui crée de fait une discrimination.
Tout règlement contenant une clause sur l’activité professionnelle des parents est systématiquement censuré. Pourtant, malgré une jurisprudence constante, des communes continuent de faire valoir ce type de clause, parfaitement illégale. Mais un parent chômeur n’est pas un parent inactif ;…
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
M. Patrick Kanner, ministre. … chacun voudra bien l’accepter : il cherche du travail, il effectue des démarches, il passe des heures à candidater à des postes, sans obtenir nécessairement de réponses, il s’occupe aussi de tâches ménagères.
Conférons plus de force encore à la jurisprudence, en la gravant dans le marbre, même si je sais que vous êtes soucieuse du stock des carrières, madame la rapporteur…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Vous les videz, monsieur le ministre !
M. Patrick Kanner, ministre. Nous le faisons avec entrain, parce que les victimes de telles pratiques sont toujours les mêmes enfants issus des mêmes familles. Ils sont victimes d’une forme de double peine.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Patrick Kanner, ministre. Sortir du périmètre familial constitue aussi une chance pour eux, une chance pour leur santé, je l’ai évoqué, parce que les menus sont équilibrés. En outre, vivre en commun l’expérience de la cantine – nous en sommes tous témoins – est un plus pour les enfants qui peuvent se sentir isolés.
Il convient donc de consacrer la jurisprudence et de clamer haut et fort le principe de non-discrimination. Certes, on peut attaquer les règlements intérieurs, mais ils ne sont que manifestement illégaux. Cela suppose de rassembler un faisceau d’indices. Or, madame la rapporteur, vous en serez d’accord avec moi, je pense, ce n’est pas la même chose d’aller devant le juge administratif quand on a des difficultés sociales, financières, quand on est pauvre, ou quand on est riche. La loi est, dans notre République, facteur d’égalité ; nous voulons qu’elle le soit encore plus grâce à l’adoption de ces trois amendements identiques, que je soutiens avec beaucoup de force. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne suis pas étonné que vous souteniez ces trois amendements, monsieur le ministre : la spécialité du Gouvernement, c’est de faire payer ses bonnes intentions par les communes ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Ça commence fort !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est la vérité !
M. Jean Desessard. Vous n’avez encore rien vu ! Moi, j’ai regardé hier soir le débat télévisé de la primaire de la droite, et je ne sais pas où ils vont trouver l’argent !
M. Pierre-Yves Collombat. Vous décidez de faire ceci, cela, avec plein de bons sentiments, mais qui paie ? Les communes bien sûr ! Les communes qui, en plus, lèvent des impôts ! Tout cela n’est-il pas beau ?
On a tous eu, ou presque, l’expérience d’avoir dirigé une mairie. Moi, je ne connais pas de maire qui ait refusé à une famille rencontrant tel ou tel problème de trouver une solution, ou alors on ne fréquente pas les mêmes !
De vrais problèmes peuvent se poser. Si vous êtes à saturation dans votre cantine et qu’il faut en construire une autre, comment faites-vous ? Vous essayez précisément de faire en sorte que ce soit surtout ceux qui en ont besoin qui en profitent. Vous, vous campez sur vos principes !
Mme Évelyne Didier. Mais non !
M. Pierre-Yves Collombat. Ils sont tellement beaux, ces principes !
M. Jean Desessard. C’est quand même quelque chose !
M. Pierre-Yves Collombat. Alors, payez ! Mais je ne pense pas que vous ayez ce problème à Paris, cher collègue ! Il suffit de comparer la fiscalité et les recettes de la Ville de Paris et celles de la plupart des communes de France…
J’ai aussi connu des gens qui demandaient l’accès à la cantine parce que ça les arrangeait. Parfois, il peut être absolument indispensable d’inscrire à la cantine l’enfant d’une femme seule qui ne travaille pas,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. … pour les raisons indiquées précédemment et pour lui permettre de s’aérer – même cet aspect des choses, il faut l’intégrer.
Au regard de la jurisprudence, qui permet d’éviter les mésusages, les discriminations dans un sens ou dans un autre, et eu égard aux principes édictés, en rester là serait la meilleure des choses. (Mme Françoise Gatel, rapporteur, et Mme Sophie Primas applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Notre collègue Collombat a quasiment tout dit. Moi, je vous incite à aller encore plus loin : pourquoi ne pas rendre obligatoirement accessibles à tous les centres de loisirs et les crèches ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
M. Philippe Dallier. Après tout, c’est la même chose.
Mme Sophie Primas. Effectivement !
M. Philippe Dallier. Quand les parents sont en recherche d’emploi, ils ont aussi besoin de se libérer le matin, l’après-midi, et pas seulement à l’heure du repas.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Philippe Dallier. Allez-y, rendez les centres de loisirs et les crèches obligatoires ! Franchement, jusqu’où ira-t-on ? C’est vraiment la bonne question.
Mme Evelyne Yonnet. C’est un service public !
M. Philippe Dallier. Je ne veux pas croire que, dans notre pays, une majorité de maires refusent à des gamins socialement en difficulté l’accès à la cantine ; je ne veux pas le croire !
Mme Evelyne Yonnet. Si, ça existe !
M. Philippe Dallier. Il y a peut-être quelques cas, c’est possible. Pour autant, faut-il inscrire dans la loi que l’inscription à la cantine est ouverte à tous, y compris à ceux dont l’un des deux parents ne travaille pas et qui ne sont absolument pas en difficulté financière. Se rend-on bien compte de ce qu’on est en train de faire ?
Dans ma commune, il y a deux écoles, qui proposent trois services de restauration, parce qu’on ne peut pas pousser les murs : le service commence à onze heures trente pour finir à treize heures quarante-cinq, me semble-t-il. Mais si l’inscription à la cantine est rendue obligatoire pour tous les enfants, qu’est-ce que je vais faire ? Il s’agit non pas de savoir si cela coûte plus cher de fabriquer vingt ou trente repas de plus, mais de savoir où l’on va asseoir les gamins, sauf à les faire manger en quinze minutes avec un lance-pierres.
Franchement, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Je vois bien qu’il faut régler quelques cas. Trouvons alors une disposition adaptée : si le maire refuse d’inscrire l’enfant d’une famille socialement en difficulté – je pense vraiment que ce cas est rarissime –, on lui impose de l’accepter. Mais là, vous nous proposez une mesure à caractère général. Je vous le dis, demain, seront concernés les centres de loisirs, puis les crèches ! Dans ce cas, je ne sais pas comment on fera. (M. René Danesi et Mme Sophie Primas applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Ces trois amendements identiques n’ont pas du tout l’objectif que vous avez dit, madame la rapporteur : il ne faut pas transformer le débat.
Je vois les choses venir : à l’extérieur, on va dire aux maires que les communistes, les socialistes et les écologistes veulent imposer la création d’un service de restauration scolaire dans toutes les communes.
Mme Evelyne Yonnet. Mais ce n’est pas ça !
M. Jacques Bigot. Soyons clairs : la création d’un service de restauration scolaire est et restera un choix laissé au conseil municipal. Ce choix répond aux besoins de nos administrés.
M. Pierre-Yves Collombat. Si le maire a les moyens de le faire !
M. Jacques Bigot. Mais, dès lors que ce service est créé, il doit, comme tout service, être égalitaire.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Jacques Bigot. Il ne saurait donc être question de faire des discriminations en fonction de la situation des parents.
M. Jean Desessard. Tout à fait !
M. Jacques Bigot. Oui, bien sûr, le maire que je suis sait que l’augmentation du nombre de demandes d’inscription peut poser des problèmes. D’ailleurs, cette demande sera de plus en plus forte. Mais quand on crée un service de restauration scolaire, on a aussi conscience que celui-ci peut représenter un volet éducatif, non négligeable.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas le problème !
M. Jacques Bigot. Je le répète, le choix de créer ou pas ce service appartient aux communes. Mais, dès lors qu’il existe, la discrimination n’est pas possible. Dans nos communes, nous trouverons les solutions pour ne pas tomber sous le coup de la loi, comme nous évitons aujourd'hui de tomber sous le coup de la jurisprudence administrative.
La réalité des doléances exprimées auprès du Défenseur des droits ne peut être ignorée du Parlement ; c’est le sens de nos amendements identiques et des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. On le sait, cette question n’est pas simple. Bien sûr, il ne faut laisser personne au bord du chemin et, sur le fond, on ne peut qu’être d’accord sur le rôle social des cantines. Tout responsable d’une collectivité, quel qu’il soit, est là pour essayer de trouver des solutions adaptées aux situations familiales.
Mais se pose le problème du financement des charges scolaires. Je suis maire d’une petite commune qui n’a plus d’école depuis très longtemps, mais nous participons, au titre des dépenses de fonctionnement obligatoires, à hauteur de 800 ou 900 euros par élève.
Se pose aussi le problème du fonctionnement des cantines. Philippe Dallier a rappelé des vérités : la situation est de plus en plus compliquée pour les organisateurs et les personnels des cantines scolaires. S’y ajoute la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires, qui n’est pas simple. On se retrouve donc confronté à des dilemmes permanents.
Les tarifications des cantines sont ce qu’elles sont, mais certains présidents de SIVOM ou des maires sont confrontés à des problèmes d’impayés. C’est un autre sujet, mais il existe.
Il ne faut laisser personne au bord du chemin, en particulier les enfants, je le répète. Il faut essayer de répondre à toutes les sollicitations, toutes les attentes et trouver des solutions.
Même si, sur le fond, je respecte vraiment ces amendements, je me rallierai à la position de Mme la rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je serai très brève après l’argumentation de notre collègue Bigot.
Au-delà de nos engagements partisans, nous sommes tous républicains. Mais, sur le territoire français, je considère que certains maires ne sont pas républicains. Je peux vous citer le cas d’un maire d’une commune du sud-est de la France qui ne donne plus accès à la cantine aux enfants de chômeurs. Cela existe !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est illégal !
Mme Catherine Génisson. Il est bien évidemment de la responsabilité du maire de choisir d’ouvrir une cantine ou pas. Mais quand un service de restauration est proposé, il ne peut y avoir de discrimination sociale, et cette question mérite que l’on y porte attention.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la rapporteur, vous en avez trop fait. Vous avez commencé par vous demander pourquoi le préfet n’intervenait pas si la loi n’était pas appliquée. Aussi, j’ai cru que vous étiez d’accord avec notre proposition d’accueillir tout enfant à la cantine, à égalité. Vous avez simplement souligné qu’on pointait des choses qui n’existaient pas. Mais, comme M. le ministre a rappelé que ces situations existent bel et bien et sont relevées dans un rapport du Défenseur des droits, je m’attendais à ce que vous fassiez machine arrière, prétendant que vous n’étiez pas au courant, que vous n’aviez pas assez travaillé la question.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. C’est malvenu !
M. Jean Desessard. Mais, après, vous avez tout mélangé, affirmant qu’il n’y avait pas de cantine partout.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Je me suis alors dit que c’était sur le fond que vous n’étiez pas d’accord. Vous n’êtes pas d’accord avec la loi ! (Mme François Gatel, rapporteur, proteste.) Et c’est pour cette raison que vous n’avez pas envie de l’appliquer !
Vous avez montré – cela a été relevé par nos collègues – que l’acceptation de certains enfants à la cantine devait relever de l’appréciation du maire. Mais nous, nous vous disons : non, il y a égalité devant la loi ! Le maire ne doit pas choisir en fonction de la situation des parents. Vous rendez-vous compte de ce que ça signifie pour les enfants de chômeurs de ne pas avoir le droit d’aller à la cantine ?
Mme Evelyne Yonnet. Absolument !
M. Jean Desessard. Les autres y ont droit, ceux dont les parents ont un boulot ! Et vous, vous avez l’air de trouver ça normal !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. N’allez pas trop loin ! Il ne faut pas exagérer !
M. Jean Desessard. C’est absolument scandaleux !
Je maintiens donc l’amendement, parce que, comme la loi n’est pas appliquée, il est souhaitable d’inscrire l’obligation d’accueillir tous les élèves dans les cantines scolaires. Monsieur Dallier, on verra plus tard pour les centres de loisirs et les crèches…
M. Philippe Dallier. C’est la même chose !
M. Jean Desessard. Pour aujourd'hui, nous nous en tenons aux cantines scolaires. La loi doit s’appliquer partout, y compris dans les cantines scolaires. Et le rôle du rapporteur, c’est de faire appliquer la loi !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. De rapporter l’opinion de la commission !
M. Jean Desessard. Quand c’est une bonne opinion !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. M. Desessard est toujours un peu excessif !
M. Pierre-Yves Collombat. Pas toujours !
M. Jean Desessard. Je suis excessif, parce que vous êtes en train de dire qu’il ne faut pas appliquer la loi !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Revenons à un peu de calme sur ce sujet.
Nous avons déposé notre amendement, parce que nous sommes vraiment convaincus qu’il y a un problème. Je ne peux donc pas accepter que vous nous renvoyiez dans les cordes en disant que cela dégouline de bons sentiments. Nous avons une conviction, et nous la défendons au travers de cet amendement.
Je suis d’accord avec notre collègue qui a précisé que tout n’est pas simple dans les communes et qui se demande comment faire quand les cantines manquent de place. C’est un vrai problème pour les élus ; nous l’avons tous vécu dans nos secteurs.
M. Pierre-Yves Collombat. Je l’ai connu !
Mme Évelyne Didier. Au travers de notre amendement, nous cherchons à attirer l’attention sur le fait que ce sont toujours les gosses de chômeurs qui ne sont pas pris quand il n’y a pas de place. Voilà ce qui n’est pas acceptable ! Pour les raisons que nous avons très bien développées les uns et les autres : il s’agit d’une discrimination de plus.
Mme Evelyne Yonnet. Voilà !
M. Pierre-Yves Collombat. Il ne faut pas le dire comme cela dans l’amendement !
Mme Évelyne Didier. J’attends éventuellement une proposition…
Dans le secteur où je suis, le taux de chômage est très élevé. La discrimination est réelle. Les gens ne savent plus où se mettre ; ils ont toujours l’impression qu’on les montre du doigt, parce que ce sont souvent les mêmes qui vont aux Restos du cœur. Ils vivent une espèce de discrimination permanente. Imaginez la manière dont cette situation est vécue par les gosses ! S’il vous plaît, revenons à la raison ! Ne stigmatisons pas les positions des uns et des autres ! Les problèmes sont certes à prendre en considération, mais, franchement, sur le fond, on a raison. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
Mme Evelyne Yonnet. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je regrette un peu le ton de notre débat, comme notre collègue. Mais, monsieur le ministre, vos propos caricaturaux ont peut-être lancé le débat sur de mauvaises pistes. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui sont pour une discrimination dans les cantines, ceux qui veulent empêcher les pauvres de manger et les enfermer chez eux à midi, et, de l’autre, ceux qui sont hyper-généreux.
M. Philippe Dallier. Mais non !
Mme Sophie Primas. On n’est pas dans ce schéma. Vos propos témoignent d’une grande défiance à l’égard des maires, qui font preuve de bon sens de façon générale. Il existe certes quelques cas, mais j’ai l’impression que l’on prend une enclume pour écraser une mini-mouche.
Aujourd'hui, les maires font preuve d’un grand discernement. Évidemment, quand nous sommes confrontés à un problème de places, le nombre de services dans les cantines étant pléthorique – je rencontre dans ma commune les mêmes problèmes que Philippe Dallier –, nous devons quelquefois faire des choix. Mais les maires ne font pas le choix de refuser les plus pauvres. Nous connaissons la situation sociale des familles, nous discutons avec le corps professoral ; nous avons des ATSEM, du personnel dans les écoles. Il ne faut évidemment pas discriminer des personnes qui se trouvent dans une situation sociale difficile.
Dieu me préserve, je n’ai pas eu à faire de choix à ce jour ! Mais, dans les communes alentour, les maires qui doivent faire des choix demandent aux mamans qui ne travaillent pas parce qu’elles n’en ont pas envie…
Mme Évelyne Didier. C’est différent !
Mme Sophie Primas. … si elles peuvent garder leurs enfants ces jours-là. Toutes les personnes qui ne travaillent pas ne sont pas nécessairement des chômeurs et ne sont pas non plus nécessairement pauvres.
M. Jean Desessard. Pourquoi n’êtes-vous pas pour l’amendement, alors ?
M. Philippe Dallier. Parce qu’il généralise !
Mme Sophie Primas. Et parce que je ne veux pas en faire une obligation.
Faites confiance aux élus locaux ! Certes, certains d’entre eux ne respectent pas les règles de la République, mais j’espère que ceux-là ne seront pas réélus. Les élus locaux, dans leur très large majorité, sont des Républicains, attentifs aux conditions sociales de leurs concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Très bien !
Mme Catherine Di Folco. Bravo !
M. Jean Desessard. Cela n’enlève rien au fait que vous ne votiez pas l’amendement !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Notre collègue Desessard est meilleur sénateur qu’interprète de ma pensée… Avec la franchise qui me caractérise et le calme qui me distingue dans ce débat, je lui demande de ne pas donner aux mots un sens qu’ils n’ont pas.
Je veux répondre de manière précise aux différents propos.
Monsieur le ministre, je le répète, ce texte est un cabinet de curiosités, mais il est aussi un cabinet d’accusations. Je vous le dis très calmement, mes chers amis, cette horrible majorité sénatoriale, qui serait conservatrice, analphabète – chez moi, on parlerait de « ploucs », pour reprendre un mot employé précédemment –, c'est-à-dire qui ne comprend rien à rien, aurait adopté des dispositions contre l’IVG, contre la presse…
M. Jean Desessard. Pas nous !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … – j’imagine d’ici le sujet du week-end pour les ministres et les médias ! – et, maintenant, contre la cantine ! Ces horribles sénateurs de droite empêcheraient les enfants de pauvres…
Mme Evelyne Yonnet. Pas de pauvres !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … de manger à la cantine !
Mes chers amis, je reprends votre propos, et je vais vous proposer la solution. Car j’ai la solution !
Moi, je refuse sincèrement qu’il y ait, d’un côté, des législateurs qui soient la bonne conscience de la Nation et, de l’autre, des mécréants, des sénateurs ou d’autres élus, qui empêcheraient des enfants de déjeuner à la cantine. La réalité est plus compliquée que cela.
Mon cher collègue, indignons-nous ! Quelquefois, on se demande ce que fait la police. Mais, monsieur le ministre, je vous le demande : que font les préfets ? Il n’appartient pas à une famille qui s’est vu opposer un refus d’accès à la cantine d’aller au tribunal administratif ! Le préfet a l’obligation de faire respecter la loi et, dans la loi actuellement en vigueur, il est écrit textuellement qu’il ne peut pas y avoir de discrimination à l’accès à la cantine.
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mais, alors, que font vos préfets ? Et que fait le Gouvernement ? Qu’est-ce que cela signifie ? Que vous ne savez pas vous faire obéir de vos préfets ? Ou que vous fermez les yeux ? Et vous venez ici nous taxer aujourd'hui de personnes dépourvues de tout sens social.
Pour ma part, pour être maire et présidente de l’association des maires d’Ille-et-Vilaine, je n’ai jamais entendu dans un département un maire dire à un enfant : « Toi, tu es pauvre, tu es fils de chômeur, tu ne mangeras pas. » C’est insupportable de laisser entendre cela !
Monsieur le ministre, j’ai votre solution.
M. le président. Madame la rapporteur, je vous prie de bien vouloir vous acheminer vers votre conclusion.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je vais m’acheminer vers ma conclusion, monsieur le président, mais les propos ont été suffisamment nombreux pour que je m’explique.
M. le président. Je vous ai accordé le double du temps dont vous disposiez pour donner l’avis de la commission !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, tenez vos préfets ! Déclarez donc la cantine service obligatoire, comme vous l’avez fait pour les collèges et les lycées, et financez-la, au lieu d’accabler les maires de tous les maux, car cela n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Nous pourrons saisir les préfets, comme vous le souhaitez, madame la rapporteur, quand cette possibilité sera inscrite dans la loi.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est déjà dans la loi !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est illégal !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Et la jurisprudence, c’est quoi ? Elle sanctionne !
M. Patrick Kanner, ministre. Nous voulons conforter la jurisprudence en l’inscrivant dans la loi. Cela ne se fera peut-être pas aujourd'hui au Sénat, mais peut-être demain à l'Assemblée nationale. Nous voulons donner les moyens aux préfets de pouvoir agir, en vue d’éviter ainsi des recours abusifs.
Ce sont 400 dossiers qui ont été recensés.
Mme Sophie Primas. Sur combien de milliers d’enfants ?
M. Patrick Kanner, ministre. Peut-être y en a-t-il des centaines de plus qui n’ont pas été relevés dans les 36 500 communes françaises.
En aucun cas, monsieur Dallier, nous ne voulons rendre obligatoire la création d’une cantine scolaire. Nous ne visons que les cas dans les cantines qui existent aujourd'hui. Qu’un maire, pour des raisons d’opportunité, des raisons financières ou politiques, ne veuille pas créer de service public de restauration scolaire, de garderie ou de crèche, c’est son droit le plus strict. C’est la libre administration des collectivités territoriales. Mais, lorsqu’une commune a décidé de créer une cantine, il faut en permettre le libre accès.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais s’il n’y a plus de place, il faut en créer une autre !
M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur le sénateur, je me permets de vous le rappeler avec beaucoup de respect et de manière sympathique, je ne fais que défendre une proposition de loi portée par vos amis politiques à l'Assemblée nationale.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne dépends de personne, que de moi-même !
M. Patrick Kanner, ministre. Laissez-moi m’exprimer, monsieur le sénateur ! En tout cas, je demande au président de séance de veiller à ce que je puisse parler dans de bonnes conditions…
Permettez-moi de vous donner lecture de la phrase non pas qui tue, madame la rapporteur, mais de la phrase du Défenseur des droits, qui, me semble-t-il, résume toute la philosophie de ces amendements ; je vous y rends attentive, comme vous l’êtes d’habitude, naturellement : « Si le principe de libre administration des communes donne au maire toute liberté de créer un service public à caractère facultatif, comme celui de la restauration scolaire, en revanche, il ne lui donne pas, une fois le service créé, un pouvoir souverain d’appréciation quant au droit d’y accéder. »
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Evelyne Yonnet. C’est un service public !
M. Patrick Kanner, ministre. Voilà le résumé de la philosophie qui sous-tend ces amendements identiques, que je soutiens.
M. Jean Desessard. Très bien ! C’est clair !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Permettez-moi de formuler rapidement trois observations.
Monsieur le ministre, voilà deux jours, vous nous expliquiez que la jurisprudence suffisait pour que la loi s’applique. M. Mézard vous avait répondu d’une façon qui avait été particulièrement entendue par les membres de la Haute Assemblée. Aujourd'hui, vous êtes en train de nous dire l’inverse.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Il faut savoir ! En l’occurrence, le préfet a tous les moyens de déférer de telles décisions devant la juridiction administrative.
J’en viens à ma deuxième observation. Françoise Gatel n’a pas besoin de défenseur, mais je tiens à dire que je trouve excessifs les propos tenus il y a quelques instants par l’un de nos collègues – je ne vais pas le citer, mais il siège au sein du groupe écologiste.
M. Jean Desessard. C’est donc moi !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Il s’est dénoncé lui-même.
Il a gravement mis en cause Mme Gatel, qui a rapporté l’avis de la commission.
M. Jean Desessard. Oh !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. La façon dont son opinion a été travestie…
M. Jean Desessard. Non !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. … est tout à fait inacceptable. Cela a été fait en méconnaissance des propos tenus et même, je crois l’avoir deviné, dans le but de nuire. Je veux vraiment dire ici que Françoise Gatel a défendu une position raisonnable, qui sera, j’en suis persuadé, partagée.
Ma troisième observation est un témoignage de l’élu local que je suis aussi. Nous voyons parfois inscrit, à l’ordre du jour de nos assemblées locales, « Créances irrécouvrables ». Qui sont les débiteurs visés ? Toujours des mauvais payeurs, c’est-à-dire des personnes de mauvaise foi. Je n’ai jamais vu que l’on ait cherché à enfoncer une personne en difficulté, et je suis persuadé de pouvoir affirmer qu’aucun élu de la République ne l’a jamais fait.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Les personnes visées ne sont pas celles dont nous avons parlé tout à l’heure : ce ne sont pas des chômeurs ou des mères seules, mais, je le répète, des personnes de mauvaise foi. (Mme Françoise Gatel, rapporteur, opine.) Quand des personnes ont des difficultés, elles se présentent devant les élus et ceux-ci assument leurs responsabilités. Nous n’avons donc pas besoin d’entendre des propos comme ceux qui ont été tenus.
M. Jean Desessard. Lisez donc le rapport du Défenseur des droits ! À quoi sert-il que des rapports soient faits si personne n’en tient compte ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 252, 431 rectifié bis et 546.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 47 demeure supprimé.
3
Commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
4
Décisions du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 14 octobre, deux décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
– Société Finestim SAS et autre (Saisie spéciale des biens ou droits immobiliers incorporels) (n° 2016-583/584/585/586 QPC)
– Époux F. (Exonération d’impôt sur le revenu de l’indemnité compensatrice de cessation de mandat d’un agent général d’assurances) (n° 2016-587 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, pour votre bonne information, je vous signale qu’il nous reste 72 amendements à examiner et que je suspendrai la séance à vingt heures ; si nous n’avons pas terminé la discussion du projet de loi à cette heure, nous la reprendrons donc à vingt et une heures trente.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Dépôt d'un avis de l'Assemblée de la Polynésie française
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l’Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 29 septembre 2016, un avis sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs.
Acte est donné de cette communication.
6
Égalité et citoyenneté
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Article 47 bis
(Supprimé)
Article 47 ter
(Non modifié)
Le chapitre II du titre III du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l’article L. 332-3-1, le mot : « entreprise » est remplacé par les mots : « milieu professionnel, dans une entreprise, une administration ou une association, » ;
2° Après le même article L. 332-3-1, il est inséré un article L. 332-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 332-3-2. – Les collèges et les lycées font connaître à leurs élèves la possibilité de réaliser les périodes d’observation en milieu professionnel dans une administration de l’État, une collectivité territoriale ou un établissement public, sans préjudice de leur information sur les périodes d’observation dans une entreprise ou une association.
« Tout élève qui bénéficie d’une bourse nationale de collège ou d’une bourse de lycée et tout élève d’un établissement d’éducation prioritaire peut, à sa demande, accomplir cette période d’observation dans une administration de l’État, une collectivité territoriale ou un établissement public. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 47 ter.
(L'article 47 ter est adopté.)
Article 47 quater
(Non modifié)
Au début du titre V du livre VI de la troisième partie du même code, il est ajouté un chapitre Ier A ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER A
« Dispositions communes
« Art. L. 651-1. – Pour les formations sélectives mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 612-3, des modalités particulières d’admission destinées à assurer un recrutement diversifié des étudiants peuvent être mises en œuvre par les instituts et écoles extérieurs aux universités et par les grands établissements au sens du chapitre VII du titre Ier du livre VII de la présente partie. Ces modalités sont fixées par décret après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche et, pour les formations conduisant au titre d’ingénieur, après avis de la commission des titres d’ingénieur.
« Le conseil d’administration d’un grand établissement, d’un institut ou d’une école extérieurs aux universités, ou l’organe qui en tient lieu, décide d’appliquer ces modalités particulières à ses procédures d’admission. » – (Adopté.)
Article 47 quinquies
(Supprimé)
Section 4 bis
Égal accès à une alimentation saine et de qualité pour les citoyens sur les territoires
Articles 47 sexies et 47 septies
(Supprimés)
Section 5
Dispositions relatives à l’abrogation de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe
Articles 48 à 50 (précédemment examinés)
M. le président. Je rappelle que les articles 48, 49 et 50 ont été précédemment examinés.
Section 6
Dispositions relatives aux emplois soumis à condition de nationalité
Article 51
(Non modifié)
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 3332-3 du code de la santé publique est supprimé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 387 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 649 rectifié bis est présenté par Mme Primas, MM. Bonhomme, César, Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Cornu et Danesi, Mme Deromedi, MM. Doligé et Dufaut, Mme Garriaud-Maylam, MM. Gremillet, Huré, Laménie, Laufoaulu et Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli et Mayet, Mme Morhet-Richaud et MM. Rapin, Retailleau, Savary, Savin et Béchu.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 387 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Sophie Primas, pour présenter l’amendement n° 649 rectifié bis.
Mme Sophie Primas. Je m’empresse de préciser que l’esprit dans lequel cet amendement a été déposé n’est pas forcément le même que celui qui a inspiré l’amendement identique n° 387. Il s’agit pour les auteurs de l’amendement n° 649 rectifié bis de se faire l’écho des inquiétudes d’une profession qui souffre énormément en ce moment : je veux parler du secteur de la restauration. En région parisienne – pour parler de la situation que je connais le mieux –, l’activité de ce secteur a chuté de 30 %, à la suite des événements que l’on sait.
Dans ce contexte, l’article 51 du projet de loi supprime une disposition du code de la santé interdisant à tout ressortissant d’un pays étranger d’ouvrir en France un café, un cabaret ou un débit de boissons à consommer sur place – une disposition qui ne concerne pas les débits de boisson à emporter ni les établissements titulaires d’une licence de restauration.
Il faut savoir que des accords de réciprocité ont été conclus qui permettent à des étrangers d’ouvrir ce type d’établissements dans notre pays et, réciproquement, à nos compatriotes de le faire dans les pays signataires. Ce principe de réciprocité s’applique à l’égard de l’ensemble des États de l’Union européenne et de l’Espace économique européen, ainsi qu’à l’égard de nombreux autres pays, dont l’Algérie, Andorre, le Canada, la République centrafricaine, le Congo et les États-Unis – la liste exhaustive est assez longue.
En supprimant le droit existant, l’article 51 remet en cause cette condition de réciprocité, ce qui suscite une inquiétude très vive parmi les professionnels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Pour décider de maintenir l’article 51, la commission spéciale s’est inspirée des travaux menés par le Sénat en 2009. Sa position est cohérente avec la proposition de loi visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées, adoptée par la majorité sénatoriale cette année-là.
Au surplus, je vous rappelle que le Conseil constitutionnel a jugé, récemment encore, que les restrictions de nationalité pour l’accès à certaines professions ne pouvaient être justifiées que par des motifs d’intérêt général.
Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je souscris à l’argumentation juridique de Mme la rapporteur.
Je vous rappelle en outre, madame Primas, que c’est une loi du 9 novembre 1915 qui a instauré la première réglementation de l’accès à la profession de débitant de boissons et fixé l’exigence de nationalité, toujours en vigueur. En pleine Première Guerre mondiale, ce choix manifestait une volonté de préserver la moralité, composante de l’ordre public, dans un contexte particulièrement exigeant. Dans la situation d’aujourd’hui, l’avis ne peut être que défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. J’avais déjà été sensibilisée aux arguments qui viennent d’être exposés. Mon intention était surtout d’insister sur l’inquiétude de la profession, qui est tout à fait réelle. Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 649 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 51.
(L'article 51 est adopté.)
Article 52
(Non modifié)
Au dernier alinéa de l’article L. 4111-1 du code de la santé publique, les références : « aux 1° des articles L. 4131-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5 » sont remplacées par les références : « au 1° de l’article L. 4131-1, aux 1° et 2° de l’article L. 4141-3 ou au 1° de l’article L. 4151-5 ».
M. le président. L'amendement n° 388, présenté par MM. Rachline et Ravier, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 52.
(L'article 52 est adopté.)
Article 53
(Non modifié)
Le 4° de l’article L. 2223-24 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 389, présenté par MM. Rachline et Ravier, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 53.
(L'article 53 est adopté.)
Article 54
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 333, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Avant le 31 mars 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité de lever la condition de nationalité empêchant les étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne d’accéder au statut d’agent au cadre permanent de la SNCF.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous souhaitons rétablir l’article 54 du projet de loi, supprimé en commission spéciale. Cet article incite le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport sur la possibilité de lever la condition de nationalité empêchant les étrangers non ressortissants de l’Union européenne d’accéder au statut de cadre à la SNCF.
Comment accepter que ces personnes soient cantonnées au plus bas niveau de qualification ? Comment accepter qu’elles n’aient pas accès au statut de cheminot, alors même qu’elles font vivre avec dévouement et professionnalisme notre système ferroviaire, depuis quarante ans pour certaines d’entre elles ?
Je rappelle que la SNCF a été condamnée aux prud’hommes, en septembre 2015, à payer 200 000 euros de dommages et intérêts à la quasi-totalité des 832 cheminots marocains qui avaient porté plainte contre elle.
Je rappelle également que la question a été évoquée à plusieurs reprises en conseil d’administration de la SNCF et que l’idée de rétablir dans la loi l’égalité d’accès au statut de cadre fait l’unanimité.
Mes chers collègues, l’égalité et la citoyenneté doivent exister aussi au travail !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Vous connaissez le faible penchant du Sénat pour les rapports…
Des actions judiciaires sont en cours, puisque le tribunal des prud’hommes de Paris a jugé, le 21 septembre 2015, que le fait pour la SNCF d’exclure des cadres permanents les ressortissants des pays tiers de l’Union européenne constituait une discrimination.
Dans ce contexte, le rapport proposé ne serait pas forcément utile. Je sollicite donc le retrait de l’amendement et j’y serai défavorable s’il est maintenu. Il a toutefois le mérite d’appeler l’attention sur un problème d’actualité important, au sujet duquel il sera intéressant de connaître la position du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement, madame la rapporteur, s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 333 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Mme la rapporteur a mentionné, après moi, le jugement rendu aux prud’hommes qui illustre l’actualité du problème. Je sais bien que la Haute Assemblée a aujourd’hui une tendance très forte – pour ne pas dire autre chose – à supprimer systématiquement les demandes de rapport, mais, la question que nous soulevons étant d’une importance particulière, nous maintenons notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Refuser tout rapport de manière systématique n’a pas de sens. Celui qui est proposé est légitime et sera utile au travail de la Haute Assemblée. Tous ne méritent évidemment pas d’être soutenus, mais, en l’occurrence, je pense qu’il faut voter l’amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 538 rectifié, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifiée :
1° Le début de la première phrase du premier alinéa de l’article 5 bis est ainsi rédigé :
« Les ressortissants des États membres de l’Union européenne ou des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen autres que la France, ainsi que les ressortissants des autres États résidant de manière légale et ininterrompue sur le territoire français depuis cinq ans ont accès, … (le reste sans changement). » ;
2° Le premier alinéa de l’article 5 ter est ainsi rédigé :
« Pour les ressortissants des États visés à l’article 5 bis qui accèdent aux corps, cadres d’emplois et emplois des administrations de l’État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics, la limite d’âge est reculée d’un temps égal à celui passé effectivement dans le service national actif accompli dans les formes prévues par la législation de l’État dont ils relevaient au moment où ils ont accompli le service national. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 5 quater, les mots : « la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou des autres États établis régulièrement en France, ».
II. – Le I entre en vigueur après avis du Conseil commun de la fonction publique prévu à l’article 9 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Cet avis est rendu au plus tard deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement vise à ouvrir les emplois statutaires de la fonction publique séparables de l’exercice de la souveraineté aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant sur le territoire français de manière légale et ininterrompue depuis cinq ans. L’avis du Conseil commun de la fonction publique serait recueilli avant l’entrée en vigueur de cette mesure.
Plusieurs arguments plaident en faveur de l’abandon de la condition de nationalité.
D’abord, les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ont accès à ces emplois. Or, comme l’a souligné la HALDE dans sa délibération du 30 mars 2009 : « Dès lors que des emplois sont ouverts aux ressortissants communautaires, les différentes justifications au soutien du maintien de la condition de nationalité perdent de leur force. »
Au reste, un tel abandon total de la condition de nationalité existe déjà dans notre droit. En effet, les étrangers non ressortissants de l’Union européenne peuvent, depuis deux décrets de 1983 et 1984, être recrutés et titularisés dans les corps de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il ne s’agirait donc que d’une extension de ce principe.
Enfin, comme l’a souligné le groupe d’étude et de lutte contre les discriminations dans son rapport de mars 2000, la condition de nationalité conduit au recrutement de certains étrangers non ressortissants de l’Union européenne pour des emplois non titulaires, donc précaires, alors qu’ils remplissent des tâches identiques à celles d’un fonctionnaire. L’abandon de la condition de nationalité serait donc cohérent.
À titre complémentaire, l’amendement vise à prendre en compte, pour le calcul de la limite d’âge, le service militaire éventuellement accompli dans le pays de nationalité, ainsi qu’à ouvrir les détachements aux fonctionnaires d’États non membres de l’Union européenne.
M. le président. L’amendement n° 334, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : « Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen autres que la France » sont remplacés par les mots : « Les ressortissants des États membres de l’Union européenne autres que la France, les ressortissants des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen autres que la France, ou les ressortissants des autres États établis régulièrement en France ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Le présent amendement a pour objet de mettre fin aux discriminations à l’embauche dont sont l’objet les étrangers non ressortissants de l’Union européenne. On estime que près de 7 millions d’emplois sont interdits à ces étrangers. Or 5,2 millions de ces emplois fermés se situent dans l’une des trois fonctions publiques.
Il faut savoir que, si l’accès au statut de fonctionnaire est aujourd’hui refusé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne, ceux-ci sont bien souvent recrutés pour les mêmes tâches que celles accomplies par les agents de nationalité française ou ressortissant d’un État de l’Union européenne, mais sous des statuts précaires. C’est la précarité de ces statuts que nous dénonçons, comme cela vient d’être fait.
Pensons, par exemple, aux étrangers recrutés comme maîtres auxiliaires de l’éducation nationale ou aux médecins étrangers qui viennent combler la pénurie de médecins français dans certains services des hôpitaux publics. En vérité, le rôle de ces étrangers est parfois vital pour le maintien de certains services publics à travers le territoire.
Nous proposons donc, sans remettre en cause le statut de la fonction publique, d’ouvrir les concours aux personnes régulièrement établies en France, c’est-à-dire à celles qui ont été autorisées à résider sur notre sol et – j’y insiste – à y travailler.
Dans une délibération de 2009, la HALDE recommande d’ailleurs au Gouvernement de supprimer les conditions de nationalité pour l’accès à un emploi dans la fonction publique, le secteur public en général et le secteur privé.
M. le président. L'amendement n° 539 rectifié, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa de l’article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, après le mot : « France », sont insérés les mots : « ainsi que les ressortissants non communautaires ».
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 538 rectifié, ayant pour objet d’ouvrir l’accès à la fonction publique, hors emplois de souveraineté, aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne, mais sans permettre les détachements de fonctionnaires d’États tiers à l’Union européenne ni prévoir la prise en compte du service militaire accompli pour le calcul de la limite d’âge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’ouverture de la fonction publique à des personnes étrangères sans accord de réciprocité avec les pays dont elles ont la nationalité est difficilement concevable.
Le cas est totalement différent de celui des citoyens européens, qui peuvent accéder à la fonction publique française, leur pays ayant également ouvert ses emplois publics.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je souhaite apporter quelques arguments complémentaires à ceux de Mme la rapporteur.
D’abord, il s’agirait d’une réforme de très grande ampleur. Or, sauf erreur de ma part, elle n’a fait l’objet d’aucun dialogue préalable, que ce soit avec les employeurs des trois fonctions publiques ou avec les organisations syndicales représentatives des agents concernés. Du point de vue formel, il serait très prématuré de prendre une telle décision sans concertation.
Ensuite, aucune norme de valeur supra-législative n’impose une telle ouverture, qui ne pourrait pas s’effectuer sans réciprocité. Comme cela vient d’être rappelé par Mme la rapporteur, l’ouverture aux ressortissants européens repose sur des traités permettant la réciprocité. Le dispositif d’ouverture est donc limitatif. Grâce à lui, la fonction publique française peut appliquer pleinement les principes agréés avec les pays concernés, notamment la non-discrimination en raison de la nationalité et la libre circulation des travailleurs issus de l’Union européenne.
Enfin, l’éventuelle titularisation d’agents non dotés de la nationalité française – s’ils pouvaient entrer dans la fonction publique française, ils pourraient aussi être titularisés – soulèverait des difficultés. Je pense notamment à la redoutable question des suites à donner en cas de non-renouvellement du titre de résidence, quelle qu’en soit la raison. Cela entraînerait une radiation automatique des cadres, à l’instar de ce qui est prévu pour perte de la nationalité française.
Ces différents arguments de forme et de fond m’amènent à émettre un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Les arguments avancés par Mme la rapporteur et M. le ministre ne couvrent pas un certain nombre de cas tout à fait essentiels.
Je pense notamment au fait de demander la réciprocité. La personne n’est pas redevable du pays dont elle est originaire. Dans mon département, les Hauts-de-Seine, un certain nombre de personnes ayant dix ans de résidence et un casier judiciaire vierge se voient refuser la naturalisation au prétexte que leurs revenus sont insuffisants ou trop irréguliers. Or ces personnes détiennent une promesse d’embauche et doivent nécessairement obtenir la nationalité française. Elles sont donc placées dans une situation de précarité. En plus, les conditions économiques requises sont très arbitraires ; je peux vous dire que les choses varient considérablement selon les préfectures.
Nous sommes par conséquent confrontés à une véritable difficulté. Des organismes publics font travailler des personnes en situation de précarité contre leur gré, sous le simple prétexte que ces dernières ne sont pas de nationalité française ou ressortissantes de l’Union européenne.
L’adoption de ces amendements aurait au moins le mérite de résoudre ce problème.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas incriminer la non-réciprocité. Certaines personnes de nationalité chinoise – nous savons bien qu’il n’y aura jamais de réciprocité avec la Chine – qui souhaitent acquérir à terme la nationalité française sont bloquées pour des raisons économiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Personnellement, je soutiens ces amendements, pour deux raisons.
D’une part, dès lors que la République accueille des personnes sur son territoire, elle doit leur offrir les mêmes droits et les mêmes possibilités. Sans cela, il n’y a pas d’intégration possible !
D’autre part, certaines compétences professionnelles dont nous avons besoin, notamment en manière d’enseignement, nous font défaut. Si nous trouvons des personnes étrangères qualifiées dans ces domaines, il faut, me semble-t-il, les reconnaître et les rémunérer de la même manière que des nationaux.
M. le président. En conséquence, l’article 54 bis demeure supprimé.
Section 7
Égalité entre les femmes et les hommes et dispositions renforçant la lutte contre le sexisme
Articles additionnels avant l’article 55
M. le président. L'amendement n° 466 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Capo-Canellas, Médevielle, Cigolotti et Delcros, Mmes Férat et Hummel, MM. Chaize, Laménie et Mandelli et Mme Bouchoux, est ainsi libellé :
Avant l'article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 2122-7-2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le premier candidat de chaque liste est de sexe différent de celui du maire. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 3122-5 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le premier candidat de chaque liste est de sexe différent de celui du président » ;
3° Après la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4133-5, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Le premier candidat de chaque liste est de sexe différent de celui du président. »
II. – Le I s’applique à compter du premier renouvellement général de la catégorie concernée de collectivités territoriales.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement est le premier d’une série formant un ensemble cohérent.
Il s’agit de tirer les conséquences d’un rapport extrêmement intéressant du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes intitulé Parité en politique : entre progrès et stagnations et publié au mois de février 2015. Comme l’indique un tableau très instructif à la page 9 de ce document, le taux de féminisation des instances politiques exécutives varie de 5 % à 16 % lorsqu’il n’y a pas de contrainte légale, et de 43,2 % à 45,5 % lorsqu’il y en a une.
J’en suis très attristée. J’aurais souhaité que les éminentes qualités féminines soient reconnues au même titre que les éminentes qualités masculines sans quotas. Malheureusement, il n’en est rien. Les conclusions du rapport montrent que la parité en politique ne progresse pas sans contrainte légale ; quand la loi recule, la parité recule !
Je souhaite donc donner force de loi à certaines des recommandations contenues dans le rapport précité. J’avais déposé une proposition de loi en ce sens. Je vous propose, mes chers collègues, d’en introduire les dispositions dans le présent projet de loi sous forme d’amendements.
L’amendement n° 466 rectifié bis concerne la parité au sein des exécutifs locaux, entre les maires et les premiers adjoints, ainsi qu’entre les présidents et les premiers vice-présidents des conseils départementaux et régionaux.
Depuis 2007, vous le savez, une obligation de parité existe dans les communes de plus de 1 000 habitants. Aujourd'hui, 16 % des maires sont des femmes, et sept femmes maires sur huit ont un homme comme premier adjoint. En revanche, alors que 84 % des maires sont des hommes, seuls 28,5 % des maires hommes ont une femme comme première adjointe.
Cet amendement vise donc à instaurer le principe, bien connu en politique, du « chabadabada ». Il s’agit d’imposer l’alternance entre homme et femme sur des listes bloquées pour les exécutifs municipaux, départementaux ou régionaux, afin que le premier adjoint ou le premier vice-président soient systématiquement de sexe opposé au maire ou au président.
M. le président. L'amendement n° 467 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Médevielle, Cigolotti et Delcros, Mme Férat, M. Capo-Canellas, Mme Hummel, MM. Chaize, Laménie et Mandelli et Mme Bouchoux, est ainsi libellé :
Avant l'article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « Le nombre de vice-présidents est déterminé par l’organe délibérant » sont remplacés par les mots : « Aussitôt après l’élection du président et sous sa présidence, l’organe délibérant fixe le nombre des vice-présidents et des autres membres de son bureau » ;
2° Après le quatrième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les membres du bureau autres que le président sont élus au scrutin de liste. Dans les métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes dont l’organe délibérant est composé à plus de 90 % de conseillers intercommunaux élus en application du chapitre II du titre V du livre Ier du code électoral, la liste doit être composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. Le premier candidat de chaque liste est de sexe différent de celui du président.
« Lorsque plusieurs listes ont été déposées, l’organe délibérant procède à l’élection à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les sièges sont attribués aux candidats dans l’ordre de présentation sur chaque liste. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus. Si le nombre de candidats figurant sur une liste est inférieur au nombre de sièges qui lui reviennent, le ou les sièges non pourvus sont attribués à la ou aux plus fortes moyennes suivantes.
« L’organe délibérant procède ensuite à l’élection des vice-présidents au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. Si, après deux tours de scrutin, aucune liste n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l’élection a lieu à la majorité relative. En cas d’égalité de suffrages, les candidats de la liste ayant la moyenne d’âge la plus élevée sont élus. Dans les métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes dont l’organe délibérant est composé à plus de 90 % de conseillers intercommunaux élus en application du chapitre II du titre V du livre Ier du code électoral, l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe sur chacune des listes ne peut être supérieur à un. »
II. – Le I s’applique à compter du premier renouvellement général des établissements publics de coopération intercommunale suivant la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement concerne les intercommunalités. Les femmes ne représentent que 34 % des membres, 8 % des présidents – ces dernières sont des exceptions ; n’est-ce pas, madame la rapporteur ? (Mme Françoise Gatel, rapporteur, sourit.) – et 20 % des vice-présidents des structures intercommunales.
Je propose donc d’étendre la règle posée à l’amendement précédent, celle de l’alternance des sexes, aux bureaux des intercommunalités.
M. le président. L'amendement n° 468 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Médevielle, Cigolotti et Capo-Canellas, Mme Férat, M. Delcros, Mme Hummel, MM. Chaize, Laménie et Mandelli et Mme Bouchoux, est ainsi libellé :
Avant l'article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 5-… ainsi rédigé :
« Art. 5-… – Le règlement de chaque assemblée parlementaire prévoit qu’au sein de son bureau ainsi qu’au sein de celui de chacune des commissions mentionnées aux articles 43 et 88-4 de la Constitution, l’écart entre le nombre des membres de chaque sexe ne peut être supérieur à un. »
II. – Le I s’applique, selon le cas, à compter du premier renouvellement général de l’Assemblée nationale ou du premier renouvellement par moitié du Sénat suivant la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement nous concerne directement, mes chers collègues, puisqu’il porte sur le bureau et les commissions des deux assemblées du Parlement.
Vous le savez, au Sénat, les commissions restent encore extrêmement typées. Alors que la commission des affaires sociales comprend une majorité de femmes, la commission des lois et la commission des finances comptent respectivement 82 % et 90 % d’hommes ! Par conséquent, nous avons, me semble-t-il, tout intérêt à essayer de féminiser également nos commissions et notre bureau.
Je propose donc de prévoir que l’écart entre les sexes au sein du bureau et des commissions des assemblées parlementaires ne peut pas être supérieur à un.
M. le président. L'amendement n° 469 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Médevielle, Cigolotti, Capo-Canellas, Marseille et Delcros, Mmes Férat et Hummel, MM. Chaize, Laménie et Mandelli et Mme Bouchoux, est ainsi libellé :
Avant l'article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
I. – L’article L. 270 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « candidat », sont insérés les mots : « de même sexe » ;
b) La deuxième phrase du même premier alinéa est complétée par les mots : « de même sexe » ;
c) À la dernière phrase du deuxième alinéa, après le mot : « suivant » sont insérés les mots : « de même sexe » ;
2° L’article L. 272-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « arrondissement » sont insérés les mots : « de même sexe » ;
b) À la seconde phrase du deuxième alinéa, après le mot « suivant », sont insérés les mots : « de même sexe » ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « candidat », sont insérés les mots : « de même sexe » ;
d) La seconde phrase du quatrième alinéa est complétée par les mots : « de même sexe » ;
3° Au premier alinéa et à la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 360, après le mot : « candidat », sont insérés les mots : « de même sexe ».
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement tend à éviter quelques manœuvres, certes rares, mais qui peuvent exister.
Lors d’un remplacement au sein d’une assemblée délibérante, par exemple pour cause de décès ou de démission, il arrive que l’on s’exempte du principe d’alternance entre les sexes.
La règle que je propose d’inscrire existe d’ailleurs d’ores et déjà pour les élections communautaires dans les communes de plus de 1 000 habitants.
M. le président. L'amendement n° 470 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Cigolotti et Médevielle, Mme Férat, MM. Capo-Canellas, Marseille, Delcros et Chaize, Mme Hummel, MM. Laménie et Mandelli et Mme Bouchoux, est ainsi libellé :
Avant l'article 55
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 24 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, après les mots : « le candidat », sont insérés les mots : « de même sexe ».
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement vise à étendre la règle posée à l’amendement n° 469 rectifié bis aux députés européens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je salue Chantal Jouanno, excellente avocate de la cause des femmes. (Mme Chantal Jouanno sourit.) Je disais que ce texte pouvait être un « cabinet de curiosités » ; en fait, c’est peut-être un « cabinet de contrariétés » ! (Sourires.)
La cohérence de ces amendements est effectivement totale.
L’amendement n° 466 rectifié bis a pour objet de faire en sorte que le maire et le premier adjoint soient de sexe différent. Une telle proposition avait déjà été examinée et rejetée par le Sénat lors de l’examen du texte relatif à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, pour cause d’inconstitutionnalité.
En fait, il y a deux élections différentes. À l’issue du scrutin municipal, le nouveau conseil municipal procède à l’élection du maire, ainsi qu’à celle des adjoints, deux élections étanches entre elles. On ne peut donc pas adopter le principe d’alternance de sexes à deux élections juridiquement différentes. D’ailleurs, l’Assemblée nationale et le Gouvernement s’étaient ralliés à cette réflexion juridique du Sénat en 2013.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 467 rectifié bis tend à instaurer l’obligation de parité pour la désignation des vice-présidents et des membres du bureau des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI.
Une telle proposition avait été rejetée par le Sénat en 2013 lors de l’examen du texte sur l’élection des conseillers municipaux, pour les raisons que je viens de rappeler.
Au demeurant, un tel dispositif me semble très difficile, voire impossible à mettre en œuvre, dans la mesure où des EPCI se composent de communes de plus de 1 000 habitants, où les conseillers communautaires sont désignés de manière strictement paritaire depuis 2014, et de communes de moins de 1 000 habitants, où aucune règle de parité n’est prévue.
En outre, la méthode du « fléchage », que nous avons adoptée pour le dernier scrutin de 2014, dans les communes de plus de 1 000 habitants limite les marges de manœuvre. Il est difficile de prévoir la parité du bureau de l’EPCI lorsque quinze conseillers communautaires sur vingt sont des hommes alors même que les règles de parité dans les communes de plus de 1 000 habitants ont été strictement respectées !
Là encore, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 468 rectifié bis vise à instaurer une parité du bureau et des commissions du Parlement. L’idée est peut-être à creuser, mais il semble difficile de la retenir sans une concertation préalable avec l’Assemblée nationale.
La commission demande par conséquent le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 469 rectifié bis a pour objet de faire en sorte que le suivant de liste qui remplace un élu local à un siège laissé vacant soit du même sexe que lui.
Madame Jouanno, vous reprenez en l’espèce une proposition de notre collègue Jean Louis Masson qui n’avait pas été retenue par le Sénat en 2014 lors de l’examen du texte relatif à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, en raison de la structuration de la désignation des élus.
Concrètement, avec un tel dispositif, en cas de vacance du siège d’un homme cinquième de liste, le mandat reviendrait à l’homme septième de liste, et non à la femme élue en sixième position. Voilà un contre-effet que personne ne souhaite ! (Mme Chantal Jouanno manifeste son scepticisme.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On pourrait constituer les listes en fonction de ce problème !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il est difficile de constituer des listes en fonction de la disparition de certains élus en cours de mandat, ma chère collègue ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
En outre, je pense que nous en sommes tous conscients dans cette enceinte, la logique paritaire pourrait heurter la logique politique, au sens noble du terme, ayant présidé à la composition de la liste, notamment en cas de fusion entre les deux tours. Imaginons, dans mon exemple précédent, que le septième de liste appartienne à une autre famille politique que la sixième ; cela poserait un vrai problème politique !
Pour ma part, je suis très à l’aise sur le sujet soulevé par Mme Jouanno, ayant moi-même présidé une communauté de communes strictement paritaire. Mais cette situation était liée au hasard des élections, c'est-à-dire au vote de nos concitoyens.
Enfin, la commission demande le retrait ou, à défaut, émettra un avis défavorable sur l’amendement n° 470 rectifié bis, qui a pour objet d’appliquer aux députés européens le principe posé à l’amendement précédent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Madame Jouanno, la parité est un long combat ! (Mme Chantal Jouanno s’esclaffe.) Voilà une bonne trentaine d’années qu’il est mené !
Sans vouloir faire de provocation, je rappelle que les avancées en la matière ont souvent, pour ne pas dire toujours, été le fait d’une même majorité politique ! (Mme Chantal Jouanno le conteste.)
Le dernier exemple en date est celui du fameux débat sur la parité dans les conseils départementaux. Que n’a-t-on entendu sur l’instauration des binômes homme-femme ? Certains cantons, nous disait-on, ne pourraient pas être représentés faute de femmes candidates. L’histoire a montré le contraire. Aujourd'hui, il y a 50 % de femmes dans les conseils départementaux. Certes, trop peu de femmes sont présidentes d’une telle structure. Mais j’espère que la situation évoluera progressivement. De bonne mémoire, il n’y avait auparavant que 13 % de femmes dans les conseils généraux.
Je vous rejoins sur un point, madame Jouanno ; la loi permet bien, au travers de quotas – certes, je n’aime pas beaucoup cette expression –, de faire avancer la parité.
Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 466 rectifié bis, faute de quoi il émettra un avis défavorable.
Je le rappelle, aujourd'hui, la loi prévoit que les adjoints au maire des communes de 1 000 habitants et plus sont élus au scrutin de liste paritaire, l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne pouvant pas être supérieur à un. Elle garantit également le principe de parité pour la désignation des vice-présidents des conseils départementaux et régionaux, pour lesquels les listes doivent être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe.
Le présent amendement vise à introduire une condition supplémentaire pour la composition de ces listes : le premier candidat de chaque liste ne pourrait pas être du même sexe que le maire, le président du conseil départemental ou le président du conseil régional. Je crois qu’une telle contrainte constituerait une entrave trop forte à la libre détermination des équilibres politiques au sein des collectivités territoriales.
La loi actuelle, sous réserve évidemment d’une volonté politique, permet, me semble-t-il, de satisfaire l’exigence ainsi exprimée.
J’émets le même avis sur l’amendement n° 467 rectifié bis. Je partage totalement les arguments de Mme la rapporteur à cet égard.
L’amendement n° 468 rectifié bis concerne la parité au sein du bureau et des commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Dans le cadre général de la Constitution et des lois organiques relatives à leur fonctionnement, les assemblées parlementaires sont libres de fixer leurs règles. C’est donc aux règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat de prévoir, le cas échéant, de telles évolutions. Le Gouvernement ne souhaite en aucun cas se risquer à une intrusion qui remettrait en cause la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. (Sourires.) Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
L’amendement n° 469 rectifié bis concerne le remplacement des élus municipaux, départementaux et régionaux par le suivant de liste du même sexe. Sur le principe, le Gouvernement souscrit évidemment à l’ambition de Mme Jouanno.
Néanmoins, indépendamment des arguments politiques que Mme la rapporteur a rappelés, il est extrêmement réservé sur les effets pervers d’une telle mesure, qui pourrait aussi aboutir à multiplier les élections partielles, par épuisement de la liste. (Mme Françoise Gatel, rapporteur, acquiesce.) Il sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 470 rectifié bis. Il ne serait aujourd'hui possible de prévoir le remplacement d’un représentant français au Parlement européen par un candidat de même sexe qu’en cas d’harmonisation des pratiques entre les États membres.
M. André Gattolin. Non ! Ce n’est pas obligatoire !
M. Patrick Kanner, ministre. La France ne peut pas modifier unilatéralement la pratique électorale au Parlement européen.
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Je soutiens les amendements de Chantal Jouanno.
J’ai été maire pendant treize ans. Mon premier adjoint était une femme, et tout se passait très bien.
Il me paraît effectivement important, symboliquement, que le premier adjoint ou le premier vice-président soit d’un sexe différent du maire ou du président de la collectivité territoriale concernée.
Je ne suis pas convaincu par les arguments juridiques et constitutionnels qui sont avancés. De toute façon, on peut toujours les contourner en prévoyant une alternance homme-femme dans l’ordre du tableau pour les communes, les départements et les régions. Le fait que le premier adjoint ou le premier vice-président soit de sexe différent du maire ou du président deviendrait ainsi obligatoire.
Quoi qu’il en soit, l’amendement n° 466 rectifié bis a, me semble-t-il, le mérite de donner un signal fort. Cela va dans le même sens que le binôme aux élections départementales, avec, lorsque c’est possible, une équipe composée d’un homme et d’une femme.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Les membres du groupe écologiste voteront ces différents amendements.
J’entends les arguments sur la constitutionnalité de tel ou tel dispositif.
Je vous rappelle, mes chers collègues, un débat assez épique du mois de décembre 2012 ; Mme Gonthier-Maurin s’en souviendra sans doute. Lors de l’examen du texte établissant le Haut Conseil des finances publiques, j’avais déposé un amendement visant à y instaurer la parité. Le ministre d’alors – un certain Jérôme Cahuzac ! – nous expliquait que ce n’était pas possible et que ce serait trop compliqué. Il ajoutait que les fonctions en cause devaient être attribuées selon la compétence, et non le genre. Nous avons gagné. Et cela a fait jurisprudence. Aujourd'hui, il n’y a plus un organe d’administration publique dans lequel on ne pousse pas à la parité. Je pourrais mentionner la Banque publique d’investissement ou les grandes sociétés nationales de production audiovisuelle.
Si nous voulons, nous pouvons !
J’appartiens à un parti politique, Europe-Écologie les Verts, dont toutes les instances sont paritaires. Une personne qui quitte un poste est remplacée par une autre du même genre. Cela pose parfois des difficultés ; une personne de l’autre genre pourrait être mieux élue… Mais le système fonctionne à condition d’en avoir la volonté !
Cela dit, je pourrais passer en revue plusieurs arguments de Mme la rapporteur ou de M. le ministre. Mais je me centrerai sur l’élection des eurodéputés, sujet que je connais assez bien. Je puis vous le garantir, nous pouvons instituer un tel principe en France sans déroger au cadre général. Je vous renvoie au rapport du printemps dernier de Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, sur les conditions d’élection. Certes, il y a des logiques d’harmonisation. Mais nous avons la possibilité d’agir comme nous l’entendons.
Nous pourrions discuter de la pertinence de tel ou tel dispositif. Mais il me paraît important d’adresser un signal.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour explication de vote.
Mme Catherine Di Folco. Je souhaite vous parler de la vraie vie !
Je suis maire d’une petite commune de 3 400 habitants depuis huit ans. Depuis huit ans, le premier adjoint est une femme. Dans la perspective des dernières élections, celles de 2014, il m’a fallu un an pour composer ma liste de vingt-trois conseillers municipaux, en passant des centaines de coups de téléphone ; j’ai reçu beaucoup de refus. Finalement, j’ai réussi à la constituer, en respectant la parité, avec une femme de plus qu’un homme.
Puis, lors de la constitution de l’exécutif, j’avais droit à six adjoints. Je n’ai pu faire une liste que de cinq adjoints : trois femmes et deux hommes. Je suis ravie ; cela fonctionne bien. Et si je n’ai pas pu constituer une liste de six adjoints, c’est parce que je n’ai pas trouvé le troisième homme. Ça, c’est la vraie vie !
Quand on parvient à la parité, c’est très bien ; d’ailleurs, j’y suis parvenue ! Je suis convaincue de cette nécessité. Mais, dans certains cas, pousser l’obligation au-delà, c’est irréaliste !
Je ne saurais me passer de mon premier adjoint femme. Elle a des compétences que je ne saurais trouver auprès d’autres hommes : la compétence, la bonne volonté – il en faut ! – et la disponibilité.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Nous pouvons tous témoigner de nos expériences d’élus de proximité, d’élus de base.
En tant que cosignataire des amendements déposés sur l’initiative de Chantal Jouanno, je les soutiendrai évidemment. Ces amendements ont le mérite de soulever un vrai sujet.
Pour ma part, j’ai été conseiller général jusqu’en 2015. Je me félicite qu’il y ait désormais 50 % d’hommes et 50 % de femmes dans les conseils départementaux. Nous sommes ravis de voir de nouveaux visages, notamment des visages féminins.
Dans le chef-lieu des Ardennes, le maire est un homme et la première adjointe est une femme. Il est dommage de ne pas avoir une telle configuration dans chaque ville.
Certes, il n’est pas toujours facile de trouver des volontaires. Nous pouvons aussi regretter les réactions de certains hommes invoquant l’ordre du tableau lorsqu’une femme devient première adjointe.
Faisons passer des messages. Le code général des collectivités territoriales doit évoluer.
Mais il est vraiment important d’insister sur la parité, y compris au sein de la Haute Assemblée, où les sénatrices ne sont que 25 %. Je crois que le combat est permanent et collectif.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je partage totalement la conclusion de Marc Laménie : la parité est un combat permanent et collectif ! Il est d’autant plus difficile à mener que, s’agissant du partage des pouvoirs, les réticences et les résistances peuvent être plus fortes.
Nous sommes toutes et tous dans la vraie vie. Il faut faire preuve de créativité. Comme l’ont montré les interventions de plusieurs collègues, sans une volonté politique, sans une loi comme point d’appui, la parité n’avance pas !
Regardez la composition de l’Assemblée nationale et du Sénat ! On m’exhorte souvent à faire preuve de patience. Mais je crois que nous, les femmes, avons déjà été très patientes en termes de partage des pouvoirs ! L’Assemblée nationale et le Sénat sont loin d’être paritaires. Idem pour les commissions.
Au Sénat, le seul groupe à avoir une femme comme présidente, c’est le nôtre, le groupe CRC, qui est présidé par Éliane Assassi. D’ailleurs, cela ne date pas des lois sur la parité. Nous avons toujours fait en sorte d’avoir une présidente de groupe.
Je pense qu’il faut adopter une position politique forte. Certes, on peut être plus nuancé sur la question du premier adjoint ou de la première adjointe. D’autres éléments, comme les affinités personnelles ou la capacité à travailler ensemble, doivent entrer en considération ; ce sont des réalités humaines à prendre en compte, au-delà du sexe de la personne.
Mais, sur le principe, il me semble très important de soutenir ces amendements. Ce serait un acte fort ; nous l’avons suffisamment attendu !
Faisons en sorte que la parité s’applique à tous les échelons. Cela nécessite de bousculer les schémas et de faire fortement évoluer les mentalités. Il y a encore des progrès à accomplir, y compris au sein des partis politiques.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. M. le ministre a affirmé que les avancées en matière de parité étaient plus le fait de l’actuelle majorité gouvernementale que de l’opposition. Je rappelle que la loi Zimmermann n’est pas un texte issu de la gauche ! De plus, le groupe UDI-UC est l’un des plus féminisés…
Au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, ces sujets sont défendus de manière très collective. Très souvent, nous y faisons totalement abstraction de l’appartenance politique des uns et des autres.
De surcroît, Catherine Di Folco ou Françoise Gatel ont cité des exemples de parité dans des communes appartenant à la majorité sénatoriale. Ce qui prouve que quand on veut, on peut !
Monsieur le ministre, je suis très admirative, car vous êtes cette fois très attentif aux difficultés d’ordre pratique. Or lors des discussions sur le fameux couple dans le cadre des élections départementales, vous l’étiez un peu moins !
En Île-de-France, nous avons réussi à promouvoir la parité, malgré une fusion de listes. Ce ne fut pas simple en raison de l’appartenance des candidats à plusieurs listes. La présidente de la région soutient ce projet de manière extrêmement volontariste et cela fonctionne, preuve que l’on peut y arriver. Certes, il existe des cas difficiles, notamment dans les petites communes. Des exceptions devront sans doute être prévues.
Même si je doute que mes amendements soient adoptés, je les maintiens. Nous aurons certainement l’opportunité de reparler de ce sujet. Puisque nous sommes à la veille de renouvellements électoraux, à l’Assemblée nationale, tout d’abord, puis, dans un an, au Sénat, nous aurons l’occasion de réfléchir aux règlements de ces assemblées. Mes amendements permettront aux uns et aux autres de se préparer à la réflexion !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Attention à ne pas trop introduire de complexification dans les exécutifs locaux ! Je ne suis pas, nul ne l’ignore, une passionaria de l’égalité entre les hommes et les femmes, ni une suffragette, contrairement à certains d’entre vous, mes chers collègues. Néanmoins, j’avoue que sans ce principe de parité je ne serais sans doute pas parlementaire aujourd'hui.
Quoi qu’il en soit, il est important de savoir raison garder. Il convient de tenir compte des arguments pertinents mis en avant par Mme la rapporteur : les votes sont disjoints dans une commune. La liste, lors des élections municipales, est paritaire, mais l’élection du maire est indépendante de celle des adjoints. Introduire une telle contrainte dans ce processus serait antidémocratique.
Par ailleurs, j’attire votre attention sur l’amendement n° 468 rectifié bis, relatif aux règlements du Sénat et de l’Assemblée nationale. La disposition qu’il vise ne relève pas de la loi. Attention à ce que nous faisons !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Aucun d’entre nous au Sénat n’est contre la parité. Il s’agit néanmoins d’un vaste sujet.
Mme la vice-présidente de la commission spéciale vient de le souligner, il est juridiquement impossible de lier l’élection du maire et celle des adjoints. Disant cela, il ne s’agit pas pour nous de défendre l’élection d’un adjoint homme plutôt que celle d’un adjoint femme. Nous essayons tous d’organiser dans nos collectivités les choses au mieux en tenant compte à la fois des compétences et des bonnes volontés – car encore faut-il que des personnes souhaitent s’engager. Bref, nous veillons tous à instaurer la plus grande parité possible, mais en usant plutôt de l’encouragement.
Je comprends vos remarques, ma chère collègue. Je ne suis pas du tout défavorable à l’idée d’engager une réflexion. Mais il ne me paraît pas possible de valider de telles propositions, au détour de quelques amendements, sans concertation avec les associations d’élus, concertation que nous n’avons cessé d’évoquer tout au long de nos débats, sans parler de la démocratie, y compris participative.
Ne votons pas un vendredi après-midi, à une dizaine, malgré toute notre compétence, notre sagesse, une évolution qui n’a été mesurée ni approuvée par personne. Sincèrement, il me semble que ces amendements posent un vrai problème démocratique. Ne vous méprenez pas, ma chère collègue. Je ne juge pas vos propositions antidémocratiques. Je reconnais même que vous soulevez de vraies questions. Néanmoins, nous ne pouvons pas décider pour l’Assemblée nationale ni pour les EPCI à si peu dans l’hémicycle. Je frémis d’avance devant une telle perspective.
Je demande donc le retrait de ces amendements, considérant que le sujet ne manquera pas d’être abordé de nouveau dans les prochains mois en raison des futures échéances électorales.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 466 rectifié bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 33 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 147 |
Contre | 193 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Puisque cet amendement est rejeté, les autres ne font plus sens, car ils constituaient un bloc. Par conséquent, je les retire.
M. le président. Les amendements n° 467 rectifié bis, 468 rectifié bis, 469 rectifié bis et 470 rectifié bis sont retirés.
Article 55
(Non modifié)
Au deuxième alinéa de l’article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « matière », sont insérés les mots : « de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 55
M. le président. L'amendement n° 273, présenté par Mme Schillinger, n'est pas soutenu.
Article 56
(Non modifié)
Le code du sport est ainsi modifié :
1° L’article L. 100-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’égal accès des hommes et des femmes aux activités sportives, sous toutes leurs formes, est d’intérêt général. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 100-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils veillent à assurer un égal accès aux pratiques sportives sur l’ensemble du territoire. » – (Adopté.)
Article 56 bis
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 316-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».
M. le président. L'amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Grand, Milon, Vasselle et Delattre, Mme Micouleau, MM. de Raincourt, de Legge, Reichardt, B. Fournier, Laufoaulu, Joyandet et Chasseing, Mme Giudicelli, M. Laménie et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Inséré en séance à l’Assemblée nationale, le présent article modifie les conditions d’admission au séjour des étrangers victimes de violences conjugales par la délivrance d’une carte de séjour de plein droit à l’étranger ayant déposé plainte à l’encontre de son conjoint et une fois celui-ci condamné.
En levant la capacité d’appréciation discrétionnaire de l’administration, cet article peut être détourné.
En commission, il a été rejeté au motif que le préfet garderait la possibilité de refuser le titre de séjour si la personne concernée représente une menace pour l'ordre public ou vit en état de polygamie. Il s’agit d’un nombre de cas limité.
Il convient donc de supprimer cet article et de conserver la notion actuelle de délivrance possible après examen au cas par cas par l’administration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cette proposition est contraire à la position de la commission. Je comprends vos inquiétudes, mon cher collègue. J’émets toutefois un avis défavorable, car l’article 56 bis est suffisamment « bordé ». En effet, le titre de séjour ne peut être délivré à la victime qu’après condamnation définitive de la personne mise en cause. Le préfet doit donc vérifier l’existence de violences et refuser la délivrance du titre de séjour dans le cas contraire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Laménie. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 51 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 56 bis.
(L'article 56 bis est adopté.)
Article 56 ter
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 335, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 431-2 du même code, les mots : « conjugales de la part de son conjoint » sont remplacés par les mots : « familiales ou conjugales ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous souhaitons par cet amendement rétablir l’article 56 ter.
Cet article, adopté à l’Assemblée nationale, reprenait l’un des articles de la proposition de loi de Marie-George Buffet pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères.
Il vise à interdire le retrait du titre de séjour d’une personne bénéficiaire du regroupement familial et victime de violences conjugales ou familiales.
Actuellement, les étrangers séjournant régulièrement en France depuis plus de dix-huit mois peuvent demander à être rejoints par leur conjoint et leurs enfants mineurs au titre du regroupement familial. Les conjoints et enfants reçoivent alors une carte de séjour temporaire valable un an, puis une carte de séjour pluriannuelle d’une durée de quatre ans renouvelable.
Le titre de séjour du conjoint peut être retiré ou faire l’objet d’un refus de renouvellement en cas de rupture de vie commune avec l’étranger ayant demandé le regroupement familial.
Il existe toutefois des exceptions à ce principe, notamment lorsque la communauté de vie a été rompue du fait de violences conjugales : dans cette hypothèse, le préfet ne peut retirer le titre de séjour au conjoint victime de violences et doit procéder à son renouvellement.
Cet amendement vise à ce que le préfet ne puisse pas non plus retirer le titre de séjour au conjoint victime de violences familiales. Il s’agit en fait d’aligner le régime des titres de séjour sur celui qui est applicable aux étrangers mariés à un Français. En effet, la loi du 7 mars 2016 a interdit le retrait du titre de séjour des « conjoints de Français » en cas de violences « conjugales ou familiales ».
La commission spéciale du Sénat a jugé utile de supprimer cet article en exprimant des réserves sur la notion de « violences familiales », qu’elle estimait trop imprécise. Nous ne partageons pas cette analyse. Voilà pourquoi nous proposons de réintroduire cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement concerne la délivrance d’un titre de séjour pour violences familiales.
Par cohérence avec la position prise par le Sénat lors de l’examen de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la commission a émis un avis défavorable.
L’expression « violences familiales » pose effectivement une réelle difficulté, car il n’y a aucune définition de ce qu’est la famille. François-Noël Buffet, rapporteur pour le Sénat du texte susvisé, précisait bien à l’époque que le degré de filiation pris en compte n’étant pas défini, ces termes « violences familiales » pourraient concerner les violences commises par les ascendants, les descendants, les sœurs et les cousins éloignés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.
Cet amendement vise à rétablir une disposition supprimée par la commission spéciale. Il a pour objet d’instaurer pour les conjoints entrés sur le territoire au titre du regroupement familial la même protection que celle que prévoit la loi du 7 mars 2016 pour les conjoints de Français. Il s’agit d’étendre le renouvellement de plein droit du titre de séjour en cas de violences émanant de membres de la famille et non plus du seul conjoint.
Le Gouvernement ne peut que souscrire à cette démarche, car il n’y a aucune raison de traiter en l’espèce différemment un conjoint de Français d’un conjoint d’un ressortissant étranger arrivé au titre du regroupement familial dans des conditions légales.
Votre initiative, madame la sénatrice, participe en outre de la cohérence générale des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA.
M. le président. En conséquence, l’article 56 ter demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 56 ter
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 361 rectifié est présenté par Mmes Conway-Mouret et Meunier, M. Courteau et Mme Monier.
L'amendement n° 396 rectifié ter est présenté par Mme Deseyne, MM. Cornu et Doligé, Mmes Morhet-Richaud, Micouleau et Duchêne, M. A. Marc, Mme Lamure, MM. Kennel, Vogel, Mouiller, Chaize, Lefèvre, Vaspart, Béchu et Pointereau, Mme Garriaud-Maylam, M. Masclet, Mme Lopez, M. del Picchia, Mme Deroche, MM. Gilles, Revet, Danesi, G. Bailly et Husson, Mme Deromedi et M. Laménie.
L'amendement n° 482 rectifié bis est présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mmes Férat et Hummel, M. Mandelli et Mme Bouchoux.
L'amendement n° 647 rectifié est présenté par Mme Laborde, M. Guérini, Mme Jouve, MM. Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin et Hue, Mme Malherbe et M. Requier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1142-2-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1142-2-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-2-... – Nul ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements sexistes ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, y compris lorsque l’agissement sexiste n’est pas répété. »
L’amendement n° 361 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l'amendement n° 396 rectifié ter.
M. Marc Laménie. Cet amendement tend à compléter la protection des salariés qui résulte de l’interdiction des agissements sexistes, introduite dans le code du travail par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, et renforcée par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
Il vise à étendre aux agissements sexistes la protection reconnue par les articles L. 1153-2 et L. 1153-3 du code du travail aux salariés, aux personnes en formation, et aux stagiaires ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel, ayant témoigné de tels faits ou les ayant relatés.
Le présent amendement va également dans le sens du Plan d’action et de mobilisation contre le sexisme présenté par le Gouvernement le 8 septembre dernier.
Les agissements sexistes ne doivent pas être pris à la légère comme des manifestations acceptables d’une culture aimablement grivoise. Ils doivent impérativement être prévenus et sanctionnés, non seulement parce qu’ils altèrent l’ambiance au travail et la cohésion des équipes, mais aussi parce qu’ils mettent gravement en cause la dignité des personnes.
Des attitudes insultantes telles que le refus de serrer la main des femmes parce que ce sont des femmes, de travailler avec des femmes ou sous l’autorité de femmes vont au-delà de l’humiliation des victimes. Il s’agit de comportements qui affectent nos valeurs et qui sont incompatibles avec la place des femmes dans une société démocratique.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l'amendement n° 482 rectifié bis.
Mme Chantal Jouanno. La loi du 17 août 2015 a créé une protection pour les salariés ayant refusé de subir des agissements sexistes ou qui en auraient témoigné. Cet amendement vise à étendre cette protection aux stagiaires ou aux personnes en formation.
M. le président. L'amendement n° 647 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 396 rectifié ter et 482 rectifié bis ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Une proposition similaire a déjà été discutée et rejetée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi Travail au printemps dernier. Le Gouvernement avait d’ailleurs émis un avis défavorable.
Je rappelle les termes du débat. La loi Rebsamen a introduit dans le code du travail la notion d’agissement sexiste pour l’interdire. Cette notion n’existait pas jusqu’alors ce qui bien évidemment ne signifie pas que de tels agissements étaient permis : le juge, en fonction des cas, pouvait qualifier ces actes de harcèlements lorsqu’ils étaient répétés ou lorsqu’il s’agissait de discriminations fondées sur le sexe.
Cela étant, je m’en tiendrais à la position de la commission des affaires sociales du Sénat : l’agissement sexiste est évidemment, et a minima, une discrimination fondée sur le sexe. Il est donc interdit aux termes de l’article L. 1132-3 du code du travail qui dispose qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement, sanctionnée, licenciée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de son sexe.
Ce même article couvre l’ensemble des personnes qui pourraient témoigner de tels agissements en prévoyant qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis à l’article L. 1132-1 dudit code, ou pour les avoir relatés.
Un régime juridique protégeant les personnes qui sont victimes ou qui relatent des agissements sexistes en tant qu’actes discriminatoires existe déjà.
La commission émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Qu’il me soit permis de rassurer la Haute Assemblée sur la conviction qui est la mienne qu’il est important de respecter l’égalité entre les femmes et les hommes. Cela passe par la lutte contre les agissements sexistes, qui ne peuvent et ne doivent être tolérés.
C’est la raison pour laquelle nous avons prévu l’interdiction de tout agissement sexiste dans la récente loi relative au dialogue social et à l’emploi, qui date du 17 août 2015.
C’est également la raison pour laquelle la loi Travail a aussi inclus cette interdiction dans le règlement intérieur de toutes les entreprises, et qu’elle l’a inscrite parmi les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité. En un peu plus d’un an, nous avons donc beaucoup avancé sur cette thématique de société.
Pour autant, il me semble prématuré d’étendre au cas de l’agissement sexiste la protection prévue actuellement par le code du travail pour les personnes ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel, ou ayant témoigné de ces faits. L’agissement sexiste est une notion qui a été introduite très récemment dans le code du travail grâce à la loi relative au dialogue social et à l’emploi du 17 août 2015. Il importe que la jurisprudence se crée et que ses contours soient stabilisés.
J’ajoute que si les agissements sont répétés, relèvent de la discrimination et du harcèlement, le salarié qui en est victime bénéficie alors des aménagements de preuve prévus par le code précité.
Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 396 rectifié ter et 482 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 104 est présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 360 rectifié est présenté par Mmes Conway-Mouret et Meunier, M. Courteau et Mme Monier.
L'amendement n° 481 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle et Capo-Canellas, Mmes Férat et Hummel, MM. Laménie, Mandelli et Chaize et Mme Bouchoux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 1144-1 du code du travail, les références : « L. 1142-1 et L. 1142-2 » sont remplacées par les références : « L. 1142-1, L. 1142-2 et L. 1142-2-1 ».
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 104.
Mme Laurence Cohen. En vertu de l’article 20 de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a été inséré à l’article L. 1142-2-1 du code du travail une disposition relative à l’interdiction de tout agissement sexiste : « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »
Cette disposition est une avancée pour les femmes et pour les associations féministes qui demandaient depuis de longues années la reconnaissance et la sanction des agissements sexistes au travail.
Le présent amendement vise à étendre l’inversion de la charge de la preuve aux actions en justice relatives aux agissements sexistes.
M. le président. L'amendement n° 360 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l'amendement n° 481 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement vient d’être excellemment défendu par Mme Cohen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 104 et 481 rectifié ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ces amendements visent à préciser le régime de la preuve en matière d’agissements sexistes pour le rendre identique à celui qui concerne les discriminations.
En matière de discrimination, la charge de la preuve incombe à la partie défenderesse tandis que le candidat à un emploi ou le salarié présumé victime présente les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination.
En cohérence avec la position que j’ai défendue sur les amendements précédents, je vous propose, mes chers collègues, de ne pas adopter ces amendements. Des propositions identiques avaient également été rejetées par le Sénat lors de la discussion du projet de loi Travail.
L’argumentation est la même : la notion d’agissement sexiste est récente et, comme l’a souligné M. le ministre, nous ne savons pas encore comment les juridictions vont s’en saisir.
À ce stade, dès lors que ces comportements sont bien sanctionnés, il nous paraît plus sage de ne pas aller trop loin dans la construction du régime juridique de cette notion qui s’appuie, selon les cas, sur le régime soit du harcèlement, soit des discriminations.
Je rappelle également que la loi Travail a assoupli le régime de la preuve du harcèlement pour le calquer sur celui des discriminations. Ne rouvrons pas le débat trois mois après la loi Travail. Faisons preuve de prudence et attendons de voir comment la justice évoluera sur ces sujets.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 104 et 481 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 56 ter.
L'amendement n° 483 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Longeot, Médevielle, Cigolotti et Capo-Canellas, Mmes Férat et Hummel, MM. Laménie, Mandelli et Chaize et Mme Bouchoux, est ainsi libellé :
Après l'article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 1155-2 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont punis des mêmes peines les faits de discrimination commis à la suite d’agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 du présent code. »
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Dans la logique des amendements précédents, cette proposition a été soutenue par plusieurs membres de la délégation aux droits des femmes.
Cet amendement vise à renforcer les sanctions applicables en cas d’agissements sexistes en les calquant sur celles qui sont prévues à l’égard des faits de discrimination commis à la suite d’un harcèlement moral ou sexuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. En cohérence avec ma position sur les amendements relatifs aux agissements sexistes, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Il me paraît véritablement prématuré d’étendre les sanctions prévues en cas de discriminations commises à la suite d’un harcèlement moral ou sexuel aux cas d’agissements sexistes.
Si les faits de discrimination sont commis à la suite d’agissements répétés, ils relèvent du harcèlement : les sanctions pénales sont d’ores et déjà prévues par le code du travail.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 336, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, est ainsi modifié :
1° Après le mot : « temporaire », la fin du 3° de l’article L. 311-1 est ainsi rédigée : « dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre III du présent titre. Cette carte de séjour temporaire a une durée maximale d’un an, à l’exception de la carte mentionnée à l’article L. 313-11 dont la durée est de quatre ans ; »
2° Au dernier alinéa du I de l’article L. 313-17, les mots : « mentionnée aux articles L. 313-6 et L. 313-7-1, au 2° de l’article L. 313-10 et à l’article L. 316-1 » sont supprimés.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Il est nécessaire de lever une situation de discrimination pesant sur les femmes étrangères en leur permettant de disposer de leur autonomie de vie, ce conformément à la proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères, de notre collègue Marie-George Buffet, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.
Avec cet amendement, visant à reprendre l’article 1er du texte précité, nous proposons que la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » soit délivrée pour une durée de quatre ans. Cette évolution est destinée à permettre aux femmes étrangères titulaires de la carte temporaire de séjour « vie privée et familiale » d’engager une véritable démarche d’intégration au sein de la société française, sans pour autant être menacées de perdre leur droit de séjour à brève échéance en cas de mésentente avec leur conjoint.
On sait combien sont vulnérables les épouses et les fiancées récemment arrivées dans notre pays face à la volonté d’un homme qui peut user, voire abuser, de l’argument selon lequel leur maintien sur le territoire n’est assuré que par une soumission contraire à nos valeurs.
Cet amendement répond ainsi à une préconisation du Défenseur des droits qui estime dans son document sur les droits fondamentaux des étrangers publiés le 9 mai dernier que rien ne justifie que ces catégories de personnes – celles qui sont admises au séjour en raison de leurs attaches familiales – constituent des exceptions et se voient privées de l’opportunité de bénéficier des titres pluriannuels de quatre ans, remplacés pour elles par des titres de deux ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je rappelle, une fois encore, les règles que nous avons définies pour l’examen de ce texte. L’un des six critères retenus est la cohérence avec les dispositions votées par le Sénat : il faut éviter de revenir sur des lois très récentes.
L’amendement n° 336 vise à permettre la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans aux victimes de traite des êtres humains, mais également aux touristes, aux stagiaires et aux titulaires d’un CDD.
Il revient donc frontalement – je vous le dis respectueusement, ma chère collègue – sur la loi relative au droit des étrangers en France que nous avons adoptée voilà un peu plus de six mois.
En cohérence avec le vote du Sénat, l’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Cette proposition, qui a été rejetée par la commission spéciale et par l’Assemblée nationale, est contraire à la logique du parcours d’intégration de l’étranger tel qu’il a été imaginé dans la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
Ce parcours prévoit que la durée du premier titre délivré est en principe d’un an, à l’issue duquel une carte de séjour pluriannuelle peut être délivrée.
S’agissant de la situation spécifique des victimes de la traite des êtres humains, celles-ci n’ont pas vocation à se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle puisqu’elles devraient avoir une carte de plein droit de résident dès lors que la personne mise en cause aura été définitivement condamnée. Ce système est plus favorable, vous le reconnaîtrez, que la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle dont la durée est moindre.
De plus, la sécurisation de leur parcours d’intégration est assurée dans la mesure où la première délivrance et le renouvellement de la carte de séjour temporaire se font de plein droit durant toute la procédure pénale, de sorte que ces personnes bénéficient d’un droit de séjour pérenne pendant cette procédure.
Pour ce qui concerne les autres publics visés par l’amendement qui n’ont pas accès aujourd’hui à la carte de séjour pluriannuelle – je pense, notamment, aux stagiaires et aux travailleurs temporaires –, il s’agit de personnes dont le séjour sur le territoire est par nature temporaire, de par leurs fonctions et leur statut.
Quant à la carte de visiteur, qui est délivrée sous réserve d’un montant de ressources suffisant et n’autorise pas son titulaire à exercer une activité professionnelle, il est nécessaire d’en limiter la durée à un an, afin de s’assurer que la personne continue à remplir les conditions de sa délivrance.
Au regard de ces explications d’ordre juridique, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous visons, au travers de cet amendement, des femmes victimes de violences, notamment conjugales. Il ne s’agit pas exclusivement des cas de traite, que vous mettez en avant, monsieur le ministre.
Nous concentrons notre proposition sur la situation de femmes victimes, j’y insiste, d’un mari, d’un compagnon ou d’un fiancé violent pouvant exercer une pression et des actes de violence. Il ne s’agit donc pas tout à fait des cas que vous venez d’évoquer.
Nous maintenons par conséquent notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 337, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-276 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, après le mot : « bénéficie », sont insérés les mots : « ou a bénéficié ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à répondre à un avis du Défenseur des droits, auquel il est largement fait référence, portant sur la proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères discutée et votée à l’Assemblée nationale au mois de mai dernier.
Le Défenseur des droits indique ainsi que « les personnes qui bénéficient d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 316-3 du CESEDA peuvent se retrouver dans des situations administratives extrêmement précaires après l’expiration de l’ordonnance de protection », ce que confirment de nombreuses associations.
C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à ce que le titre de séjour arrivé à expiration de l’étranger qui a bénéficié d’une ordonnance de protection – et non pas seulement de l’étranger qui en bénéfice actuellement – en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, soit renouvelé.
Cette disposition, ainsi élargie, permettrait concrètement aux femmes victimes de violences de se donner les moyens de se reconstruire sans craindre de se voir éloignées du territoire après avoir été protégées durant quatre mois par le juge.
Je rappelle que la délégation aux droits des femmes vient d’achever la rédaction d’un rapport d’information sur les violences conjugales. Nous avons pu constater, lors de ce travail, les dégâts que pouvaient occasionner ces agissements.
Notre amendement a donc aussi pour objet de protéger ces femmes victimes de violences conjugales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. En l’état du droit, un titre de séjour est délivré à une personne bénéficiant d’une ordonnance de protection. Le présent amendement vise à permettre la délivrance d’un tel titre, même après l’expiration de l’ordonnance.
Il est satisfait par le droit en vigueur, dans la mesure où les femmes victimes de violences conjugales, mais ne bénéficiant pas d’une ordonnance de protection, peuvent déjà solliciter un titre de séjour en vertu des articles L. 431-2 et L. 313-2 du CESEDA.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. La loi du 7 mars 2016 a déjà étendu le champ d’application de ces dispositions à un double titre.
D’une part, elle a étendu la délivrance et le renouvellement de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection pour des violences commises non seulement par son conjoint, partenaire de PACS ou concubin, mais aussi par un ancien conjoint – cela peut malheureusement arriver –, un ancien partenaire de PACS ou un ancien concubin.
D’autre part, cette loi a créé un nouveau cas de délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » pour l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection fondée sur la menace d’un mariage forcé ; nous savons en effet que des situations sont comptabilisables en tant que telles.
S’agissant du renouvellement de la carte de séjour temporaire, lorsque l’étranger n’est plus titulaire d’une ordonnance de protection, cette situation relève de l’admission exceptionnelle au séjour. Il est ainsi indiqué aux préfets, dans la circulaire du 28 novembre 2012, de porter la plus grande attention aux dispositions relatives à l’admission des victimes de violences conjugales, qu’elles bénéficient ou non d’une ordonnance de protection telle qu’elle figure dans l’instruction ministérielle du 9 septembre 2011 relative au droit au séjour des victimes de violences conjugales.
Quant à la possibilité d’une circulaire adressée aux préfets, j’ai interrogé le ministère de l’intérieur : de nouvelles instructions seront prises en ce sens pour appeler les préfets, de nouveau, à être particulièrement attentifs à ces étrangers qui ne bénéficient plus d’une ordonnance de protection dans le cadre d’une admission de séjour, en application des dispositions de l’article L. 313-14 du CESEDA.
Madame Cohen, notre amendement, qui ne prévoit pas de limites pour invoquer l’existence d’une ordonnance de protection expirée, est, en outre, quelque peu imprécis.
Pour ces motifs, le Gouvernement vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 337 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Je remercie Mme la rapporteur et M. le ministre de leurs explications assez complètes, qui pourraient nous conduire à retirer notre amendement. Il y a cependant un « mais ».
La dernière partie de votre intervention, monsieur le ministre, fait mention d’une circulaire. De ce fait, les personnes concernées ne sont pas sous la protection de la loi. Par ailleurs, l’égalité n’est pas assurée sur l’ensemble du territoire, puisqu’une circulaire peut être interprétée différemment selon les préfets. On en connaît des exemples dans tous les domaines !
Souhaitant insister sur cet aspect de la nécessaire protection de la loi, et même si j’ai bien conscience que notre amendement est maladroitement formulé – vous l’avez démontré dans la première partie de votre intervention, monsieur le ministre –, nous le maintenons.
M. le président. L’amendement n° 338, présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
Le chapitre VI du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 316-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 316-5. – Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger victime de violences si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement tend, également, à réintroduire une disposition de la proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères.
Cette disposition était soutenue par le Défenseur des droits, qui a déclaré partager la volonté de permettre à toute personne partie prenante à un procès pour des violences subies de pouvoir rester sur le territoire pendant le temps de la procédure.
Il s’agit précisément de la disposition relative au chapitre du CESEDA consacré aux mesures applicables aux étrangers ayant déposé plainte pour certaines infractions, témoigné dans une procédure pénale ou bénéficiant de mesures de protection. Nous proposons ainsi de compléter ces dispositions par un mécanisme général de délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à tout étranger victime de violences, dès lors que des procédures judiciaires sont en cours et qu’il ne constitue pas une menace à l’ordre public.
Afin de ne pas trop élargir le champ d’application de ces mesures, ce dispositif est limité aux violences les plus caractérisées, celles qui ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et aux violences dont est résultée une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.
Ces dispositions vont dans le sens d’une meilleure protection des femmes étrangères victimes de violences.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je me permets, monsieur le président, de saluer des visiteurs de mon département d’Ille-et-Vilaine qui sont actuellement dans les tribunes.
L’amendement n° 338 vise la délivrance d’un titre de séjour dès l’enclenchement de procédures civiles et pénales liées aux violences.
Je rappelle que le CESEDA prévoit déjà plusieurs dispositions permettant de protéger les victimes de violences, notamment lorsque celles-ci bénéficient d’une ordonnance de protection ou que le préfet constate l’existence de ces violences.
Chacun connaît dans cette enceinte les risques de dévoiement de la loi. Une telle disposition pourrait facilement être détournée par des réseaux lançant des procédures dilatoires et sans fondement pour obtenir des titres de séjour. Il semble donc préférable d’en rester au droit en vigueur.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le champ d’application de cet amendement est manifestement trop large pour constituer un motif d’admission au séjour. Les notions de « victime de violences » et de « procédures civiles et pénales en cours » que vous évoquez, madame la sénatrice, sont trop imprécises et ne permettent pas de circonscrire clairement les personnes qui pourraient être visées.
Par ailleurs, comme Mme la rapporteur vient de le dire, des risques de détournement de procédure sont à craindre.
Enfin, il existe cette circulaire dont nous devons vérifier les modalités d’application. Je me suis engagé à ce que cela soit fait, à la suite d’un échange avec le ministère de l’intérieur.
Je demande donc le retrait du présent amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 338 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 528 rectifié, présenté par Mmes Archimbaud, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu'une personne est appelée, en application d'une loi ou d'un décret, à désigner un ou plusieurs membres au sein des commissions et instances consultatives des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication dont la composition est collégiale, elle doit faire en sorte que, après cette désignation, parmi tous les membres en fonction dans le collège de cet organisme désignés par elle, l'écart entre le nombre de femmes et le nombre d'hommes se soit réduit, par rapport à ce qu'il était avant la décision de désignation, d'autant qu'il est possible en vue de ne pas être supérieur à un.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le présent amendement vise à rééquilibrer la part des femmes dans le domaine de la culture, notamment pour ce qui touche à la diffusion de la création.
L’Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication rappelle, dans son rapport de 2016, la faible participation des femmes dans les commissions et instances consultatives des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication.
Nous proposons, au travers de cet amendement, d’établir une parité stricte lors de la nomination au sein de ces instances.
M. le président. L’amendement n° 662, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 56 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour les nominations intervenant à compter du 1er janvier 2018, une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe s'applique à la désignation des membres des commissions ou instances, qui au sein des établissements publics placés sous la tutelle du ministre chargé de la culture ou placés auprès de ses services déconcentrés, sont consultées sur l’attribution de subventions ou d’aides financières, sur la sélection, l’acquisition ou la commande d’œuvres, sur l’attribution d’agréments, ou lors de sélections en vue de compétitions internationales.
Lorsque la commission ou l’instance est composée au plus de huit membres, l’écart entre le nombre de membres de chaque sexe ne peut être supérieur à deux.
Toute nomination intervenue en violation des dispositions du présent article et n'ayant pas pour effet de remédier à l'irrégularité de la composition de la commission ou de l’instance est nulle. Cette nullité n'entraîne pas celle des avis auxquels a pris part le membre de la commission ou de l’instance irrégulièrement nommé.
Un décret fixe la liste des commissions ou instances mentionnées au premier alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Cet amendement vise également à prévoir une meilleure représentativité des femmes et des hommes dans les commissions ou instances consultatives des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication ou au sein des services déconcentrés de l’État.
La question de l’inégale représentativité des femmes et des hommes dans la diffusion de la création est une préoccupation constante pour le ministère de la culture et de la communication. Il s’agit ainsi de permettre, par une meilleure représentation des femmes, d’agir dès l’origine sur une source d’inégalité forte dans le secteur culturel, lorsque la sous-représentation féminine conduit également à une présence des femmes plus diffuse s’agissant de l’octroi d’aides ou de subventions.
C’est l’objet de l’amendement du Gouvernement que de se doter d’un instrument juridique permettant de s’assurer que cet objectif est atteint.
L’amendement présenté par les membres de votre groupe, monsieur Desessard, poursuit le même objectif. Il présente néanmoins deux inconvénients par rapport à celui du Gouvernement.
D’une part, son champ est plus étroit, puisqu’il ne prévoit pas de commissions ou d’instances consultatives placées auprès des services déconcentrés du ministère de la culture – point important dans les territoires –, ce qui rend plus difficile sa mise en œuvre.
D’autre part, l’amendement gouvernemental tend à imposer, pour les nominations intervenant à compter du 1er janvier 2018 au sein de ces commissions ou instances consultatives, un pourcentage minimum de 40 % de personnes de chaque sexe.
Le Gouvernement va donc plus loin que vous, monsieur le sénateur. Aussi vous demanderai-je de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement n° 528 rectifié du groupe écologiste vise à instaurer une obligation de parité dans la nomination des membres des instances consultatives des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication.
J’avais exprimé précédemment un avis défavorable sur une proposition assez proche, car étaient en jeu des dispositifs électoraux qui ne pouvaient être balayés par voie d’amendement.
Dans ce cas, en revanche, je considère qu’une telle obligation est souhaitable, car ces établissements ne sauraient « échapper » à la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Si je suis favorable sur le fond à votre amendement, je vous demanderai, mon cher collègue, de bien vouloir le retirer au profit de l’amendement n° 662 du Gouvernement, qui me semble être très précis et servir la cause que vous défendez.
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 528 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 528 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 662.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 56 ter.
Section 8
Dispositions relatives à la procédure pénale
Article 57
(Non modifié)
Les articles 2-1, 2-2 et 2-6 du code de procédure pénale sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’atteinte volontaire à la vie, si la victime est décédée, l’association doit justifier avoir reçu l’accord de ses ayants droit. » – (Adopté.)
Article 57 bis
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 339 est présenté par M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 459 est présenté par MM. Guillaume et Magner, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa de l’article 2-6 et à l’article 807 du code de procédure pénale, chacune des occurrences des mots : « ou l’identité sexuelle » est remplacée par les mots : « sexuelle ou de l’identité de genre ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 339.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit, au travers de cet amendement, de revenir sur un débat que nous avons déjà eu en séance publique, lors de l’examen de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel. À cette occasion, la notion d’« identité sexuelle » avait une nouvelle fois été préférée à celle d’« identité de genre ».
Pourtant, si le concept d’identité de genre n’est pas présent dans le droit français, il l’est dans plusieurs textes internationaux.
L’identité de genre a été introduite en tant que définition retenue par un collège d’experts en droit international de tous les continents pour l’ONU en 2007 dans les principes de Jogjakarta. Ceux-ci sont repris dans le rapport du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme du mois de novembre 2011.
La définition donnée dans les principes de Jogjakarta est la suivante : « L’identité de genre est comprise comme faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps […] et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire. »
La notion d’identité de genre est aussi présente dans le système des droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
L’article 18 quater du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, dans la version issue de l’Assemblée nationale, revient sur la question et devrait marquer une étape importante, certes perfectible, dans le processus de changement d’état civil pour les personnes transgenres.
Il est donc temps que cette notion d’identité de genre trouve sa place dans notre droit positif, afin de protéger les 10 000 à 15 000 personnes qui sont concernées.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 459.
Mme Evelyne Yonnet. Le présent amendement a pour objet de rétablir l’article 57 bis du texte adopté par l’Assemblée nationale, qui introduit la notion d’identité de genre dans le code de procédure pénale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. En 2012, lors des débats parlementaires sur le texte relatif au harcèlement sexuel, la notion d’identité de genre avait été rejetée par le Gouvernement en raison de son imprécision juridique et d’un risque d’interprétation divergente selon les juridictions.
Dès lors, il paraît inopportun d’adopter des dispositions pénales simplement interprétatives, et non normatives. En l’espèce, l’ajout d’une nouvelle expression ne créerait aucune protection juridique supplémentaire par rapport au droit existant.
Sans nier la dimension sociologique d’une évolution du langage juridique, les termes de la loi – en particulier du droit pénal – destinée à sécuriser chaque citoyen se doivent d’être précis et de ne soulever aucune ambiguïté, la loi pénale étant d’interprétation stricte.
Or, comme le relevait le rapporteur de la commission des lois, Alain Anziani, lors de la même séance publique du 12 juillet 2012, l’introduction d’un nouveau motif est susceptible d’une interprétation a contrario par les juridictions. Cela signifie que ces amendements pourraient desservir la cause que vous défendez, mes chères collègues.
Permettez-moi de citer les propos d’Alain Anziani : « nous devons faire attention à ne pas nous trouver pris à notre propre piège, car le risque existe. Il ne faudrait pas que les juridictions considèrent a contrario que les personnes transsexuelles ne sont pas couvertes par les dispositions relatives à la protection de l’orientation sexuelle parce que nous inscrivons dans ce projet de loi relatif au harcèlement sexuel l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle ou l’identité de genre comme un motif de discrimination. »
Je dirai, pour ma part : attention danger, ces amendements pourraient être contre-productifs !
En cohérence avec le vote précédent du Sénat, l’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Cette fois-ci, ma position divergera de celle de Mme la rapporteur.
Ces amendements tendent à rétablir l’article 57 bis nouveau dans la rédaction retenue par l’Assemblée nationale. Le nouveau dispositif complétera les motifs de discrimination déjà énumérés dans le code de procédure pénale, en remplaçant l’expression « identité sexuelle » par les termes « identité de genre ». Les mots ont leur importance !
La France est pleinement mobilisée à l’échelon international dans la lutte contre la stigmatisation et les violations graves des droits de l’homme dont sont victimes ceux que l’on appelle les personnes transidentitaires.
Le Gouvernement est favorable, au titre des motifs de discrimination, à l’usage de l’expression « identité de genre », laquelle ne doit plus être confondue avec celle d’« orientation sexuelle ». Vous savez, comme moi, que certains font la confusion, de manière volontaire ou non...
Orientation sexuelle et identité de genre ne sont pas la même chose.
L’identité de genre fait référence à l’expérience intime et personnelle que chacun a de son genre, que celui-ci corresponde ou non au sexe assigné à la naissance. Cette évolution de notre droit interne n’est pas un fait franco-français. Elle est recommandée, certes, par la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Celle-ci relève qu’il s’agit d’une simple mise en cohérence de notre droit avec le droit européen et international, lequel définit l’identité de genre comme « l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun ».
J’entends la remarque de Mme la rapporteur sur le fait qu’il ne faut pas introduire l’identité de genre dans le code pénal, car on risquerait de créer des « a contrario ». Mais le juge regarde avec attention l’intention du législateur, et celle-ci est sans ambiguïté : c’est un mouvement de fond du droit qui est engagé sur ce sujet.
J’en veux pour preuve que cette définition est déjà employée à l’échelon européen en matière de lutte contre les discriminations, qu’il s’agisse des directives de l’Union européenne ou des recommandations du Conseil de l’Europe. Elle est facteur de changement social. Je pense donc qu’il faut nommer les choses par leur nom pour les faire accepter.
Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, nous employons depuis plusieurs jours le mot « cohérence ». Je veux vous faire part de mon étonnement.
En 2012, le gouvernement auquel vous appartenez avait rejeté, par la voix de Mme Vallaud-Belkacem, la notion d’identité de genre en raison de « son imprécision juridique » et, en conséquence, d’un risque d’interprétation divergente selon les juridictions.
Je maintiens donc l’avis défavorable de la commission.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Vous évoquez la loi du mois d’août 2012, madame la rapporteur. Or notre droit interne a d’ores et déjà amorcé des évolutions, notamment dans le cadre de la transposition de la directive européenne du 25 octobre 2012.
Cette directive, désormais intégrée dans notre droit, prévoit que, « en cas de violences sexuelles, de violences fondées sur le genre ou de violences domestiques, la victime est entendue par un enquêteur du même sexe si elle en fait la demande ».
J’espère vous avoir rassurée sur la cohérence de l’action du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 339 et 459.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 57 bis demeure supprimé.
Article 58
Après l’article 2-23 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-24 ainsi rédigé :
« Art. 2-24. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits ayant pour objet statutaire la défense ou l’assistance des étudiants et élèves d’établissements d’enseignement victimes de bizutage, si elle a été agréée à cette fin, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues à la section 3 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
« Toutefois, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de la victime ou, si celle-ci est un mineur ou un majeur protégé, celui de son représentant légal. »
M. le président. L’amendement n° 460, présenté par MM. Guillaume et Magner, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Supprimer les mots :
, si elle a été agréée à cette fin,
2° Supprimer les mots :
lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée
La parole est à Mme Evelyne Yonnet.
Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 58 dans le texte adopté par l’Assemblée nationale. Il fait suite à l’élargissement des dispositions répressives du code pénal aux comportements discriminatoires consécutifs à un bizutage ou à une tentative de bizutage prévues à l’article 39 bis du présent projet de loi.
Les associations de lutte contre le bizutage connaissent des difficultés persistantes pour agir. Or, au cours des dernières années, le droit de certaines associations à se constituer partie civile a été reconnu pour un nombre croissant d’infractions.
Le présent amendement vise donc la possibilité, pour les associations étudiantes, de se constituer partie civile dans les affaires de bizutage, afin de faciliter les poursuites et la répression de ce délit, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, à l’exception des associations ayant vocation à défendre ou à assister les personnes malades ou handicapées.
Cette proposition est en cohérence avec notre précédent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement revenant sur les ajouts de la commission, celle-ci ne peut qu’y être défavorable.
Il est pourtant nécessaire de préciser les conditions d’exercice des droits reconnus à la partie civile par les associations de défense des victimes de bizutage, au regard de l’ampleur des droits accordés à la partie civile et afin d’éviter toute privatisation du procès pénal.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Introduire un dispositif d’agrément spécifique au titre du bizutage serait disproportionné et serait aussi un frein à l’efficacité du dispositif.
Les associations généralistes qui accompagnent les étudiants dans l’exercice de leurs droits ont une proximité avec les étudiants qui sont susceptibles d’être victimes de ce type de pratiques, et sont plus accessibles pour eux. La condition d’ancienneté garantit également leur légitimité et leur sérieux en la matière.
Ces structures associatives ont toute légitimité pour intervenir lorsqu’elles disposent d’éléments probants en lien avec les victimes, sans que celles-ci aient engagé elles-mêmes une action en justice, ce qui est souvent difficile au regard des pratiques malheureusement constatées lors de ces « initiations ».
En revanche, la possibilité de faire usage des droits offerts à la partie civile est conditionnée à l’accord de la victime, ce qui évite que lesdites associations ne se substituent au plaignant.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 58.
(L'article 58 est adopté.)
Article 59
(Non modifié)
L’article 230-19 du même code est complété par un 17° ainsi rédigé :
« 17° Les interdictions prévues aux 1° et 2° de l’article 515-11 du code civil. »
M. le président. L’amendement n° 681, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et celles prévues par une mesure de protection en matière civile ordonnée dans un autre État membre de l'Union européenne reconnue et ayant force exécutoire en France en application du règlement (UE) n° 606/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. L’inscription au fichier des personnes recherchées, le FPR, des interdictions prévues à l’article 515-11 du code civil relatif aux ordonnances de protection rendues par les juges aux affaires familiales français est désormais prévue par l’article 59 du présent projet de loi.
Il est proposé par cet amendement d’étendre cette inscription aux interdictions prononcées à l’étranger et exécutoires en France.
En effet, le règlement n° 606/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013, relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile et entré en vigueur le 11 janvier 2015, permet à toute victime de violences conjugales qui a obtenu une mesure de protection dans son pays de voir les effets de celle-ci reconnus dans l’hypothèse d’une installation en France.
La mesure de protection en matière civile ordonnée à l’étranger devient ainsi exécutoire de plein droit sur notre territoire pour une durée de douze mois à compter de la délivrance d’un certificat par l’autorité étrangère, sans que les services de police ou de gendarmerie aient, en principe, à intervenir.
Or, afin de donner plein effet à ce règlement européen, il convient de prévoir l’inscription de ces interdictions au fichier des personnes recherchées, tout comme cela est désormais le cas pour les mesures d’interdiction prononcées par le juge français.
Nous sommes là dans une logique de cohérence et de bonne mise en application du droit européen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous approuvons l’avis, sage, du ministre sur cette question.
L’adoption de cet amendement apportera une précision utile à l’article 59 du présent projet de loi puisque cet article vise à inscrire au fichier des personnes recherchées, à côté des ordonnances de protection rendues par les juges aux affaires familiales, des mesures de protection en matière civile ordonnées dans un autre État membre de l’Union européenne et ayant force exécutoire en France.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 59, modifié.
(L’article 59 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 59
M. le président. L’amendement n° 680 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 59
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 227-4-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes peines sont applicables à la violation d’une mesure de protection en matière civile ordonnée dans un autre État membre de l’Union européenne reconnue et ayant force exécutoire en France en application d’un instrument mettant en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle. »
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. J’espère recevoir le même soutien de Mme la rapporteur sur ce sujet.
Comme je viens de l’indiquer, le règlement du 12 juin 2013 est entré en vigueur le 11 janvier 2015. Tout en étant d’application autonome, il complète la directive du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne qui permet la reconnaissance mutuelle des mesures de protection des victimes en matière pénale.
Ce règlement porte sur la reconnaissance mutuelle des mesures de protection prises en matière civile en faveur des personnes susceptibles d’être menacées dans leur intégrité physique ou psychologique. Il ne traite pas des sanctions pénales prévues par les États membres de l’Union européenne en cas de violation d’une mesure de protection, ayant laissé ouverte cette question, considérant que celle-ci relevait du droit interne des États membres.
Les mesures de protection en matière civile ordonnées dans un État membre deviennent exécutoires de plein droit sur le territoire pour une durée de douze mois à compter de la délivrance d’un certificat par l’autorité étrangère, sans que les services de police ou de gendarmerie aient à intervenir.
Or, si la violation des termes d’une ordonnance de protection rendue en France par le juge aux affaires familiales fait l’objet de sanctions pénales, prévues à l’article 227-4-2 du code pénal, ces sanctions ne sont pas applicables en l’état aux violations d’une mesure de protection étrangère exécutoire de plein droit sur notre territoire national.
Dès lors, il convient de compléter cet article du code pénal, afin d’assurer la protection des victimes bénéficiant d’une mesure de protection prononcée à l’étranger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. En cohérence avec sa position sur l’amendement précédent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 59.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 340 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Cohen et Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 59
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 78-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « raisons plausibles de soupçonner » sont remplacés par les mots : « raisons objectives et individualisées » ;
2° Les sixième à dernier alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Aucun contrôle d’identité ne peut être réalisé au motif d’une quelconque discrimination, telle que définie à l’article 225-1 du code pénal.
« Les contrôles d’identité réalisés en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l’établissement d’un document spécifiant le motif du contrôle, ainsi que les modalités de garantie de l’anonymat des personnes contrôlées.
« Cette dernière mesure fait l’objet d’une expérimentation dans quelques sites pilotes – conformément à l’article 37-1 de la Constitution -, avant sa généralisation à tout le territoire. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous avons déjà eu plusieurs fois l’occasion de débattre de ce sujet au sein de la Haute Assemblée, notamment lors de la niche réservée à mon groupe le 18 mai dernier et de l’examen de sa proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d’identité abusifs.
L’amendement que nous proposons en l’espèce – plusieurs de nos collègues socialistes et écologistes ont déposé des amendements similaires – reprend les termes de cette proposition de loi, d’une part, en visant à modifier l’article 78-2 du code de procédure pénale pour encadrer et justifier les contrôles d’identité et, d’autre part, à instaurer un récépissé lors de ces contrôles.
Cet amendement a toute sa place, me semble-t-il, dans un projet de loi intitulé « Égalité et citoyenneté », quand les études prouvent que les personnes perçues comme noires subissent des contrôles de police à une fréquence six fois plus élevée que celles qui sont perçues comme blanches. Les personnes perçues comme d’origine nord-africaine, quant à elles, sont contrôlées en moyenne huit fois plus fréquemment que celles qui le sont comme blanches.
Ces victimes de discriminations, de stigmatisations permanentes, ce sont les jeunes des quartiers, ceux qui vont au lycée, ceux qui cherchent un premier emploi et qui éprouvent le plus grand mal à se sentir des citoyens à part entière !
Mes chers collègues, il n’est plus possible de fermer les yeux sur cette réalité quotidienne, sociale, qui ne fait que renforcer les tensions entre les jeunes et les policiers.
Je vous rappelle que l’État a été condamné pour faute lourde par la cour d’appel de Paris au mois de juin 2015 pour des contrôles jugés discriminatoires, après la plainte déposée par cinq jeunes d’un groupe de treize. L’État s’est pourvu en cassation. L’audience de la Cour de cassation, à laquelle j’ai assisté, a eu lieu mardi 4 octobre. La Cour rendra son arrêt le 9 novembre prochain.
Au-delà de cette décision, qui porte essentiellement sur l’aménagement de la charge de la preuve, il est temps de mettre en place un récépissé lors de ces contrôles. Avec notre amendement, nous proposons de l’expérimenter dans des villes qui se sont portées volontaires.
Qu’on ne nous oppose pas l’inefficacité et la lourdeur du dispositif ! D’autres pays européens en ont fait l’expérience et en ont tiré des conclusions positives.
Quant à la réponse alternative, les caméras mobiles pour les policiers, elle a pour mérite de permettre de vérifier la teneur des contrôles – est-il fait usage de violence ou non ? –, mais ni leur répétition ni leur caractère discriminatoire.
Enfin, à quelques mois d’échéances électorales importantes, je me permets de rappeler, au moins à une partie de l’hémicycle, que ce récépissé constitue l’engagement n° 30… du candidat François Hollande,…
M. Philippe Dallier. Si c’était la seule !
Mme Laurence Cohen. … lequel avait fait de la jeunesse sa priorité. Cela devrait nous conduire à nous ressaisir et à voter ensemble cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 312, présenté par Mme Khiari, MM. Anziani, Cabanel, Masseret, Courteau et Yung et Mme Tocqueville, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 86 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Khiari, MM. Courteau, Labazée, Cabanel, Masseret, Leconte et Assouline et Mmes S. Robert, Meunier et Jourda, est ainsi libellé :
Après l’article 59
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de la promulgation de la présente loi, et par dérogation aux articles 78-1 et suivants du code de procédure pénale relatifs aux contrôles, vérifications et relevés d’identité, l’État peut autoriser, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, une expérimentation, d’une durée de douze mois, de la mise en place d’un récépissé de contrôle d’identité et de fouille.
Les contrôles d’identité ou les fouilles réalisés en application des articles 78-2, 78-2-2 et 78-2-4 donnent lieu, sous peine de nullité, à l’établissement d’un document mentionnant :
1° Le jour et l’heure à partir desquels le contrôle ou la fouille a été effectué ;
2° Les motifs justifiant le contrôle ainsi que la vérification d’identité ou la fouille ;
3° Le matricule de l’agent ayant procédé au contrôle ou à la fouille ;
4° Les observations de la personne ayant fait l’objet du contrôle ou de la fouille.
Ce document est signé par l’intéressé ; en cas de refus de signer, mention en est faite. Un double est remis à l’intéressé.
Un procès-verbal retraçant l’ensemble des contrôles est transmis au procureur de la République.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, je vous prie d’excuser l’absence de Bariza Khiari, qui, pour des raisons médicales, n’a pu être présente aujourd’hui pour défendre l’amendement n° 312, lequel allait dans le même sens que le mien. Je signale qu’elle a d’ailleurs cosigné mon amendement, avec d’autres collègues socialistes.
Comme vient de le dire Laurence Cohen, nous constatons que les contrôles de police continuent à être effectués de manière discriminatoire dans notre pays. Ces contrôles sont ressentis par les personnes concernées comme une humiliation de la part de la République et de ses institutions en raison de leur caractère répétitif et de leur exercice « au faciès ».
Mme Cohen l’a indiqué, la cour d’appel de Paris a condamné l’État pour des contrôles jugés discriminatoires. Le dossier est actuellement pendant devant la Cour de cassation. Il est donc temps de légiférer pour mettre fin à cette discrimination et à ces contrôles au faciès.
Le candidat François Hollande s’était engagé à mettre en œuvre ce récépissé, d’ailleurs contenu dans le projet du parti socialiste, lequel a été unanimement approuvé après de longues discussions. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement refuse d’expérimenter le dispositif.
J’entends bien l’argument qui nous est opposé : la mise en place de caméras mobiles pour les policiers. Mais qui déclenchera la caméra ? Bien sûr, le policier ! Je ne veux pas faire de procès a priori, mais la personne contrôlée doit pouvoir apporter la preuve qu’elle a subi des contrôles indus, répétitifs et discriminatoires.
Il serait sain pour notre pays et notre République que nous expérimentions la méthode du récépissé. Cela permettra de dispenser une formation renforcée à nos policiers et de concourir à créer un lien de confiance plus solide entre la jeunesse, l’ensemble de la population, notamment celle des quartiers les plus défavorisés, et les institutions de notre République.
Je souhaite donc que nous tenions notre engagement et que nous renforcions notre pacte républicain par cette décision.
M. le président. L’amendement n° 561, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 59
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un article 78-8 ainsi rédigé :
« Art. 78-8. – I. – L’État peut autoriser la mise en place d’une expérimentation d’une durée de douze mois, au plus tard un an après la promulgation de la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, afin d’étudier la mise en place d’un récépissé de contrôle d’identité et de fouille.
« Dans le cadre de cette expérimentation, les contrôles d’identité ou les fouilles réalisés en application des articles 78-2, 78-2-2 et 78-2-4 donnent lieu, sous peine de nullité, à l’établissement d’un document mentionnant :
« 1° Les motifs justifiant le contrôle ainsi que la vérification d’identité ou la fouille ;
« 2° Le jour et l’heure à partir desquels le contrôle ou la fouille a été effectué ;
« 3° Le matricule de l’agent ayant procédé au contrôle ou à la fouille ;
« 4° Les observations de la personne ayant fait l’objet du contrôle ou de la fouille.
« Ce document est signé par l’intéressé ; en cas de refus de signer, mention en est faite. Un double est remis à l’intéressé.
« Un procès-verbal retraçant l’ensemble des contrôles est transmis au procureur de la République. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigé :
Section 8 bis
Dispositions visant à lutter contre les contrôles d’identités discriminatoires
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement, comme les précédents, a simplement pour objet d’expérimenter le récépissé lors de contrôles d’identité que nous appelons de nos vœux depuis de nombreuses années.
Mme Benbassa l’a souvent dit dans cet hémicycle, il s’agit non pas et en aucun cas d’une marque de défiance envers la police, mais d’un outil de pacification des relations entre les forces de l’ordre et la population. Avec ce récépissé, chaque personne contrôlée disposera d’une preuve lui permettant, le cas échéant, de faire valoir auprès des autorités administratives indépendantes compétentes le caractère abusif des contrôles dont elle fait l’objet.
Nous avons toujours dénoncé avec force la « haine anti-flic », tout comme les actes de violence intolérables dont certains policiers ont été victimes ces derniers mois.
Mais il est également important de dénoncer avec force les contrôles d’identité abusifs et discriminatoires dont de nombreux jeunes font l’objet.
Seul le récépissé sera à même de recentrer le contrôle d’identité sur sa raison d’être et de restaurer une part de la confiance que la population doit avoir en sa police. N’attendons pas plus longtemps, mes chers collègues, la Cour de cassation pourrait bientôt nous donner raison...
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je voudrais d’abord exprimer ma solidarité toute particulière à l’égard des policiers après le tragique drame survenu récemment.
Ces trois amendements font suite à une proposition de loi présentée par Éliane Assassi que la commission des lois avait rejetée. Le Sénat avait commencé l’examen de ce texte le 18 mai dernier, mais sans le poursuivre jusqu’à son terme, le temps imparti au groupe CRC ayant été épuisé. Néanmoins, le Sénat avait rejeté l’article 1er, qui constituait l’essentiel de ce texte.
L’objet de ces amendements est donc de modifier le code de procédure pénale pour mieux lutter contre les contrôles d’identité abusifs ou discriminatoires et d’instaurer le récépissé en cas de contrôle d’identité. La notion de « raisons plausibles de soupçonner », qu’il est proposé de remplacer par celle de « raisons objectives et individualisées » dans l’amendement n° 340 rectifié bis, est parfaitement connue des services de police. À titre d’exemple, l’article 62-2 du code précité y fait explicitement référence s’agissant du placement en garde à vue.
Le ministre de l’intérieur l’a indiqué à l’Assemblée nationale, « le recours à une telle mesure doit nécessairement reposer sur des raisons objectives, individualisées et précisément circonstanciées. Les raisons plausibles de soupçonner doivent reposer sur des faits concrets, des comportements, en aucun cas sur l’apparence physique ou sur l’origine : ce serait contraire à tous les principes du droit », donc à notre ordre constitutionnel.
Je veux souligner que, pour valider ces contrôles d’identité, les juridictions exigent des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé, comme le rappellent en permanence les juges lorsqu’ils ont à connaître des conditions dans lesquelles sont appliquées ces mesures.
Je précise que, dans une décision du 17 août 2011, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel, considérant que la rédaction du premier alinéa de l’article 78-2 du code de procédure pénale, notamment les termes « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner », n’était pas contraire à l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, au droit de la liberté d’aller et venir, au droit au recours effectif et au principe d’égalité devant la loi.
S’agissant de la mise en place du récépissé de contrôle d’identité et de fouille, je rappelle que cette proposition a été rejetée à l’issue d’un large débat à l’Assemblée nationale. Il s’agit sinon d’une promesse, en tout cas d’une idée qui avait été mise en avant au cours de la campagne présidentielle de 2012 et qui a, en définitive, été abandonnée. Il ne nous appartient pas dans cette enceinte de porter un jugement sur des promesses ou des idées de campagne, quelles que soient les campagnes.
Toutefois, ce dispositif ne permettrait pas d’atteindre les objectifs que poursuivent les auteurs de ces amendements. Faisons preuve de bon sens : si un récépissé est donné à une personne contrôlée, celle-ci peut très bien être interpellée, au sens premier du terme, quelque temps après. Elle devra montrer son récépissé. On n’empêchera pas les contrôles.
Par ailleurs, l’établissement du récépissé pour prouver, le cas échéant, l’existence de contrôles abusifs nécessiterait la création d’un fichier des personnes contrôlées.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mais non !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Or, dès lors qu’une personne considère qu’elle est victime de contrôles abusifs et répétés, la preuve devra être apportée par quelqu’un. Il faudra bien un fichier des personnes contrôlées !
Il me semble donc que la mise en place de ce dispositif est irréalisable. Dans ces conditions, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. L’instauration ou l’expérimentation d’un récépissé de contrôle d’identité est une demande récurrente dont l’objectif avancé est de limiter le nombre de contrôles d’identité d’une même personne dans des temps rapprochés et, surtout, d’éviter les contrôles discriminatoires.
Je reprends l’engagement n° 30 du candidat François Hollande que Mme Lienemann a rappelé : lutter contre les contrôles au faciès « par une nouvelle procédure respectueuse des citoyens ».
M. Yves Pozzo di Borgo. Cela ne veut rien dire !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il l’a écrit dans des courriers !
M. Patrick Kanner, ministre. La question est de savoir si nous allons mettre en place une nouvelle procédure permettant de respecter les droits des citoyens. Je vais essayer de vous en convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le Gouvernement a été, y compris au regard de cet engagement, particulièrement sensible à cette question. Il veille au respect des règles de déontologie qui s’imposent aux forces de l’ordre. D’ailleurs, depuis 2012, a été instauré le port apparent du numéro de matricule, ce qui constitue une mesure visant à assurer le respect, en partie, de ces règles. Je n’oublie pas que les forces de police ont aussi signé une charte de déontologie qui les conduit à agir – je n’en doute pas – dans le sens que vous souhaitez.
L’instauration d’un récépissé a été écartée pour différentes raisons.
D’un point de vue opérationnel, elle est de nature à allonger la durée des contrôles d’identité, à l’heure où les missions des forces de l’ordre sont plus importantes que jamais et en dépit de l’augmentation des effectifs, sur laquelle je ne reviendrai pas.
Si, par ailleurs, la délivrance d’un récépissé peut conduire à limiter le nombre de contrôles auxquels une même personne est soumise dans un temps rapproché, elle n’empêche pas, sur le plan juridique, qu’il soit procédé de nouveau à de tels contrôles en fonction des situations.
Enfin, la question de la traçabilité nécessite la mise en place d’un traitement de données difficile à mettre en œuvre, comme l’a souligné Mme la rapporteur.
Cela dit, le récépissé, une fois délivré, n’évoque pas la « qualité » – permettez-moi ce terme – du contrôle.
M. Philippe Dallier. Bien sûr !
M. Patrick Kanner, ministre. Des actes discriminatoires, des propos gênants ou insultants ne seront pas retranscrits sur le récépissé, qui est un acte purement administratif. C’est un papier qui est donné à la personne contrôlée, laquelle pourra l’utiliser autant que de besoin, mais qui n’engage pas la qualité du contrôle.
Par ailleurs, l’article 241-1 du code de la sécurité intérieure créé par l’article 112 de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale prévoit dorénavant la possibilité de doter les forces de police et de gendarmerie de caméras mobiles permettant de procéder en tout lieu à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions.
Aux termes de cet article, « les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions […], le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves » ainsi que le respect par les agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie des obligations leur incombant.
Ces contrôles par caméras-piétons sont de nature à dissuader les contrôles abusifs. J’y reviendrai lors de l’examen d’un amendement qui vise à la suppression de ce dispositif.
Pour ce qui concerne les opérations de fouille de bagages, prévues par les articles 72-2-2 et 72-2-4 du code de procédure pénale, l’instauration d’un récépissé est inutile dans la mesure où ces opérations donnent lieu à la rédaction d’un procès-verbal sur la demande du propriétaire du bagage.
Par conséquent, et avant notre discussion de fond sur les caméras-piétons qui interviendra dans quelques instants, le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. J’ai longtemps travaillé avec Dominique Baudis, quand il était Défenseur des droits, sur ce sujet ; nous avions notamment organisé des colloques.
À la suite de ce travail, j’avais déposé une proposition de loi. En effet, nous nous étions rendu compte que, là où il était appliqué, le dispositif du récépissé permettait d’améliorer énormément les relations entre la police et les jeunes. Les chiffres sont terribles : une personne blanche, bien habillée, portant une cravate est bien moins souvent contrôlée qu’un jeune « black ».
J’ai déposé de nouveau la même proposition de loi cinq ans après, puisque la première était devenue caduque. Et j’ai voté le texte présenté par le groupe CRC.
Madame la rapporteur, malgré l’amitié que je vous porte, je veux vous dire que vos arguments sont spécieux. Ils ont été repris par le ministre, dont je ne suis pas sûr qu’il soit souvent sur le terrain, sinon il n’aurait pas tenu certains propos.
M. Yves Pozzo di Borgo. Cela étant, je voterai ces amendements, car le dispositif qu’ils prévoient est nécessaire pour permettre à la police, malgré le travail important auquel elle doit faire face actuellement, d’être en phase avec la jeune génération.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À l’époque où il était candidat, François Hollande avait non seulement pris l’engagement n° 30, mais il avait également adressé à de nombreuses associations des courriers qui reprenaient très précisément l’idée de récépissé, dont je vous rappelle qu’elle est inscrite dans le projet des socialistes pour la législature à venir.
Monsieur le ministre, je suis donc très étonnée de constater que vous découvrez a posteriori qu’une partie des propositions faites par votre parti, par la majorité – le pacte législatif qui est proposé aux Français – s’avérerait soudainement impraticable, voire anticonstitutionnelle !
Personnellement, quand je fais des promesses électorales, je m’attache à être certaine que je peux les mettre en œuvre, sinon, je ne les fais pas ! En l’occurrence, le récépissé peut être mis en application.
Madame la rapporteur, il est faux de dire qu’un fichier est nécessaire, le système de bordereaux suffit.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas reprocher à un autre policier de vous contrôler à 50 kilomètres de l’endroit où vous avez été contrôlé la première fois. En revanche, on peut considérer que la pratique est discriminatoire et, par ailleurs, inefficace, si vous restez dans le même quartier et qu’on vous y contrôle cinq, dix, quinze fois dans la même journée ou dans la même semaine.
Je comprends les difficultés des forces de police qui essaient de qualifier des délits supputés. Mais les expériences montrent que la répétition des contrôles ne permet pas de mieux cerner la délinquance effective et qu’elle n’est pas efficace ! D’ailleurs, le délinquant le plus malin l’a en général vite compris…
Je le redis, la répétition des contrôles est discriminatoire et inefficace, mais les propositions qui sont faites ne seraient jamais les bonnes... Quant à la caméra-piéton, qui la déclenche ? Le policier, et heureusement d’ailleurs ! Mais le problème demeure : il n’y est pas obligé ! Et ce dispositif n’a pas la même fonction.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la rapporteur, comme vous, je fais preuve de solidarité avec les policiers. Je ressens la hargne quand je vois la façon sont attaqués ceux-ci dans notre pays. Mais j’ai la même exigence, que l’éthique républicaine s’applique à tous.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je voterai l’amendement n° 86 rectifié, dont je suis cosignataire. J’ai longuement hésité, compte tenu de la situation actuelle de notre pays et de la tension à laquelle sont confrontées les forces de police.
Mais nous devons aussi faire face à des discriminations – en tout cas, telle est la perception des personnes concernées – qui ne permettent pas de développer le sentiment d’appartenance à la République dans la tête de ceux qui subissent ce type de contrôles et qui, en termes de droit, peuvent poser problème.
La CEDH l’a rappelé dans un arrêt de 2005 et la cour d’appel de Paris a condamné l’État en 2015, lequel a fait un recours en cassation. Nous attendons le jugement, mais il est fort probable que l’État soit condamné si nous ne faisons rien. Il serait préférable que le législateur propose une porte de sortie.
Je sais bien que, depuis 2012, avec le port du matricule, le code de déontologie, puis les caméras que l’on déclenche à la demande des personnes contrôlées, un certain nombre de mesures ont été mises en œuvre pour lutter contre les contrôles abusifs. Mais ce n’est pas suffisant.
Si j’ai finalement cosigné cet amendement, c’est, d’une part, parce que le récépissé permet une traçabilité – au lieu de n’avoir qu’un « ressenti » de discrimination, nous pourrons établir la réalité de celle-ci – et, d’autre part, parce qu’il s’agit d’une expérimentation. Nous ne sommes pas obligés d’appliquer le dispositif d’un seul coup sur l’ensemble du territoire. Nous l’expérimenterons sur les territoires qui le souhaitent.
Eu égard à l’impasse juridique à laquelle nous pourrions bientôt être confrontés, il me semble préférable de proposer des solutions. Cette expérimentation me semble tout à fait raisonnable. De la sorte, comme l’a rappelé Yves Pozzo di Borgo, nous nous inspirerions de certaines préconisations de Dominique Baudis lorsqu’il était Défenseur des droits. Celui-ci notait aussi qu’un certain nombre de polices, au Royaume-Uni et aux États-Unis, par exemple, utilisent ce genre de dispositif justement pour lutter contre les discriminations ressenties. Il convient de mesurer ces discriminations de fait.
L’expérimentation nous permettra d’étudier, sans fermer aucune porte, si le récépissé est une solution. Il est préférable de tester cette solution que de rester sur des dogmes, tels que le récépissé donnera davantage de travail, ou n’empêchera pas tout, ou bien conduira à la mise en place de fichiers… (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. C’est aussi notre rôle que de proposer de telles solutions.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Mme la rapporteur a expliqué que, lors de la niche réservée à mon groupe le 18 mai dernier, le Sénat n’avait pas achevé l’examen de notre proposition de loi. Je veux rectifier les choses : nous n’avons pas pu terminer la discussion, car, l’article 1er ayant été supprimé, notre texte était devenu sans objet…
Comme il l’a fait remarquer, M. Pozzo di Borgo a fait partie des sénateurs d’une autre sensibilité politique que la nôtre – ils ne sont pas nombreux ! – qui ont soutenu notre proposition de loi. Il y a quelquefois de la constance dans l’engagement, et c’est une bonne chose.
Madame la rapporteur, vous avez fait part de votre pensée émue pour les policiers blessés. C’est aussi notre cas, comme sur toutes les travées de la Haute Assemblée, ce qui est tout à fait normal. Néanmoins, ce n’est pas l’objet du débat. Ce qui est important, c’est de savoir si, à un moment donné, on fait un acte politique, on prend l’engagement de constater l’existence de contrôles abusifs et d’essayer de les encadrer, afin de protéger tant ceux qui sont contrôlés, que les policiers.
En effet, il faut disposer de données objectives pour pouvoir déterminer si effectivement des contrôles sont abusifs, ce qui transparaît de tous les témoignages que nous entendons.
Quand nous avons travaillé sur notre proposition de loi, nous avons rencontré de nombreuses personnes. J’ai participé à un colloque au Sénat avec, notamment, des représentants de syndicats de policiers, des magistrats, des avocats, et ils disent tous la même chose.
L’exemple du Royaume-Uni a été cité. Un officier de police londonien, M. Nick Glynn, a apporté son témoignage quant à l’expérience du récépissé : au total, le nombre de contrôles a diminué, sans que la délinquance augmente, ce qui a permis d’améliorer le lien entre les policiers et les jeunes des quartiers. Voilà qui me paraît intéressant !
Pour autant, le dispositif est-il idéal ? Certainement pas ! Mais pourquoi ne pas l’expérimenter, à l’instar, entre autres, de la salle de consommation à moindre risque ? De quoi a-t-on peur ? Il est extrêmement important d’instituer une police de proximité qui ne fasse pas de la répression et de la discrimination à l’égard d’une partie de la population.
Je me suis rendue, ce matin, dans une classe de première technologique du Val-de-Marne. Nous avons discuté de ces questions, auxquelles – je peux vous l’assurer ! – les jeunes sont extrêmement attentifs. Ils espèrent que le Gouvernement aura le courage de prendre cette mesure qui, finalement, ne renversera pas la table...
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Tout le monde a bien conscience, de la difficulté de la tâche de la police nationale, que ce soit dans les quartiers les plus sensibles ou, plus généralement, partout en France.
Néanmoins, en écoutant certains orateurs, j’ai parfois le sentiment qu’il y aurait d’un côté les méchants policiers qui s’acharneraient à faire des contrôles d’identité et, de l’autre, les pauvres jeunes qui en seraient les victimes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Philippe Dallier. J’ai un peu eu ce sentiment, tout de même.
Sans doute, il y a des contrôles abusifs, il faudrait d’ailleurs pouvoir en mesurer l’importance.
Cela étant, il a été dit que certains jeunes sont contrôlés tous les jours, mais comment faire autrement ? Prenons un exemple, parmi bien d’autres, tiré de ma commune ; à un certain endroit, des jeunes, du matin au soir, et même la nuit, squattent le bas des immeubles, perturbant ainsi le quartier et la tranquillité du voisinage. Que font les policiers ? Ils vont au contact, contrôlent l’identité et verbalisent quand ils le peuvent. Avec votre récépissé, qu’obtiendra-t-on dans ce cas d’espèce ? On délivrera un bout de papier vert indiquant qu’un contrôle a eu lieu tel jour, à telle heure. Et qu’est-ce que cela démontrera ? Voilà la question importante !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais est-ce qu’ils partent, ces jeunes ? Ne restent-ils pas dans vos cages d’escalier ?
M. Philippe Dallier. Selon moi, cela ne démontrera strictement rien. Un jeune pourra affirmer que la police est venue le contrôler cinq fois en une semaine, mais peut-être était-ce justifié ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il ira au tribunal !
M. Philippe Dallier. Et que prouvera le bout de papier délivré ?
Je ne crois donc pas à cette solution parce qu’elle n’éclaire pas les circonstances du contrôle.
Ce qu’il faut savoir, c’est si, d’une part, il y a des contrôles abusifs qui sont faits sans raison valable et si, d’autre part, chaque contrôle s’est bien passé, ou bien si des propos déplacés ont été tenus d’un côté ou de l’autre. Certes, la question du contrôle abusif peut être posée, mais je ne vois pas en quoi ce que vous proposez permettra d’avancer sur ce point.
Je crois donc beaucoup plus, pour ma part, à la solution de la caméra qui permettra de fournir une preuve. Qui doit la déclencher ? Le déclenchement est obligatoire ou automatique, semble-t-il, dans certains pays.
Votre récépissé est peut-être une manière pour vous de vous donner bonne conscience en respectant l’une des promesses de François Hollande, mais je doute que, concrètement, sur le terrain, cela change quoi que ce soit. (Mme Sophie Primas applaudit.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vos jeunes restent tout de même dans vos cages d’escalier !
M. Philippe Dallier. Oui, mais ce n’est pas parce qu’ils y sont toujours qu’il ne faut rien faire !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Justement !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur Dallier, vous avez raison de demander si cela va changer quelque chose, mais, justement, nous demandons une expérimentation, non une mise en place définitive. Nous voulons voir précisément si, avec ce moyen, les choses évoluent dans un sens positif ou s’il n’y a rien à faire. Il s’agit non pas de prendre une position définitive conduisant à la généralisation du dispositif, mais de pouvoir expérimenter celui-ci. Toutes les questions que vous posez justifient cette expérimentation ; il est donc dommage de ne pas s’y essayer.
Ou alors, disons carrément que les conflits avec les forces de l’ordre dans les quartiers sont tels qu’il n’y a plus rien à en attendre et que les outils de modération que l’on peut mettre en place entre jeunes et forces de l’ordre ne servent plus à rien. Dans ce cas, il faut poser le problème très clairement et cela impliquerait quasiment des réponses de type militaire dans les quartiers.
J’espère que nous n’en sommes pas là, qu’il existe encore des moyens de médiation entre les jeunes et les forces de l’ordre. J’espère que les événements qui ont eu lieu dans certains quartiers, lesquels sont évidemment condamnables et ont d’ailleurs été condamnés par toutes les forces politiques, ne représentent pas encore une généralité.
Faisons donc en sorte qu’il y ait des moyens de modération, des passerelles. Nous pensons que le récépissé peut en être un ; peut-être nous trompons-nous et que cela ne sert à rien, alors, justement, expérimentons.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Je tiens à rassurer deux intervenants.
Tout d’abord, madame Lienemann, je veux exprimer la volonté politique du Gouvernement, qui a décidé, au travers d’un amendement défendu lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, non seulement d’expérimenter et d’élargir l’expérience de la caméra-piéton, mais surtout d’en prévoir le déclenchement systématique lors des contrôles d’identité.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas le même usage !
M. Patrick Kanner, ministre. Vous me demanderez comment vérifier, techniquement, que la caméra a été déclenchée, mais, si la consigne est donnée qu’il faut la mettre en marche et qu’un policier ne le fait pas, il sera en faute à l’égard de sa hiérarchie. Encore une fois, l’immatriculation, désormais visible, du policier et le code de déontologie montrent que nous avons progressé depuis 2012.
Je suis donc très favorable à l’expérimentation de la caméra-piéton qui a d’ailleurs montré qu’elle contribuait à une très grande détente des relations entre, d’une part, les jeunes et, d’ailleurs, les moins jeunes, et, d’autre part, les policiers. Tout le monde le reconnaît, tous les rapports en témoignent ; je pourrai, si vous le souhaitez, vous montrer ceux qui ont été remis au ministère de l’intérieur.
Ensuite, monsieur Pozzo di Borgo, je souhaite vous rassurer quant à ma capacité d’aller sur le terrain. Je me déplace très régulièrement, et je vais souvent au-delà du périphérique, que vous connaissez parfaitement. Tout va bien de ce point de vue ! (MM. Yves Pozzo di Borgo, Jean Desessard et Philippe Dallier sourient.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À Paris aussi, il y a des contrôles abusifs…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 340 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 34 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 31 |
Contre | 310 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Je mets aux voix l’amendement n° 86 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 35 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 41 |
Contre | 302 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 561.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 36 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 42 |
Contre | 302 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 59 bis
(Non modifié)
I. – À titre expérimental, pour une durée d’un an et dans les conditions définies par un décret en Conseil d’État, lors de chaque contrôle d’identité réalisé en application de l’article 78-2 du code de procédure pénale, il est systématiquement procédé à l’enregistrement prévu à l’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure par les agents équipés d’une caméra mobile.
II. – Le I entre en vigueur à la date de publication du décret en Conseil d’État prévue au même I, et au plus tard le 1er mars 2017.
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Grand, Mme Procaccia, MM. Joyandet, Bouchet et Huré, Mme Micouleau, MM. Pinton, Panunzi, Mandelli, Vasselle, B. Fournier, Milon, Chaize, Reichardt, Houel, Charon, Masclet, P. Leroy, Delattre, de Raincourt, de Legge, Mayet, Laufoaulu et Chasseing, Mme Giudicelli et M. Laménie, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Le présent amendement a été déposé sur l’initiative de Jean-Pierre Grand.
L’article 59 bis prévoit pour une durée d’un an que les interventions des agents des forces de l’ordre équipés d’une caméra mobile devront être systématiquement enregistrées lors des contrôles d’identité. M. Grand fait notamment référence, à l’appui de son amendement, à la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
Il ne convient pas, à ce stade, de modifier ce dispositif par une expérimentation supplémentaire créant une nouvelle obligation pour les forces de l’ordre. Cet amendement a donc pour objet de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La commission spéciale a eu à ce sujet, lors de l’examen du texte, un véritable débat, dont nous avons encore pu apprécier la nature cet après-midi.
Elle a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression.
Néanmoins, j’exprime pour ma part une position personnelle, à la suite des discussions que nous venons d’avoir, et j’émets un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. J’apprécie beaucoup les explications de Mme la rapporteur, qui sont conformes à la réalité du débat que nous avons eu.
En effet, si le récépissé ne saurait être instauré eu égard aux votes de la Haute Assemblée, dont je me réjouis tant à titre personnel que comme ministre de la ville chargé de ces questions, je prendrais avec beaucoup de tristesse la remise en cause de l’expérimentation des caméras-piétons. Allons jusqu’au bout de cette expérimentation en intégrant tous les éléments dont je vous ai fait part, notamment le caractère systématique du déclenchement de la caméra instauré par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement émet donc, naturellement, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Par cohérence avec ce que j’ai dit précédemment, au risque de peiner certains de mes collègues, je voterai contre cet amendement. Cette expérimentation me semble en effet la meilleure manière de sortir de ce débat récurrent dans notre hémicycle et au-delà.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. À titre personnel, non comme représentante du président de la commission spéciale, je voterai, par cohérence moi aussi, contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai également contre cet amendement, car je soutiens cette expérimentation, qui mérite d’avoir lieu pour que l’on sache si le dispositif est efficace.
Je reste néanmoins convaincue que ce dernier peut présenter des fragilités et qu’une autre expérimentation permettrait de mieux ajuster l’intervention des forces de police pour ce qui concerne le contrôle au faciès.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Le groupe socialiste et républicain avait approuvé la pérennisation de ce dispositif de caméra-piéton. Nous avions d’ailleurs proposé, à l’époque, que la caméra se déclenche sur l’initiative de l’agent ou à la demande des personnes contrôlées par la police nationale ou par la gendarmerie nationale. Nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 59 bis.
(L'article 59 bis est adopté.)
Section 9
Dispositions relatives au droit du travail
Article 60
(Supprimé)
Article additionnel après l’article 60
M. le président. L'amendement n° 557, présenté par M. Dantec, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1133-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1133-5-… ainsi rédigé :
« Art. 1133-5-… – Le fait pour une offre d’emploi de réclamer la connaissance d’une langue régionale ou étrangère ne saurait être interprété comme une mesure de discrimination. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement tend à ajouter aux motifs de refus fondés sur une inégalité de traitement autorisée par le code du travail la demande d’une connaissance d’une langue régionale ou étrangère.
En effet, de nombreuses offres d’emploi réclament une certaine maîtrise d’une langue régionale ou étrangère, afin que le candidat corresponde le plus possible à son futur environnement de travail, dont tout ou partie s’effectue dans une langue différente que le français.
Il convient donc de sécuriser juridiquement des pratiques qui pourraient être amenées à être contestées sur le fondement de l’article 2 de la Constitution, lequel institue le français comme langue de la République, en permettant la demande de maîtrise d’une langue régionale ou étrangère, lorsque les missions affectées au poste de travail peuvent le requérir.
À l’échelon international, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies a demandé à la France, le 24 juin 2016, de respecter les droits individuels et collectifs des locuteurs de langue régionale dans la vie publique et privée. Permettez-moi, mes chers collègues, de citer un extrait des observations qu’il a rendues ce jour-là, l’« État partie » mentionné étant, donc, la France : « Tout en prenant note que l’État partie considère que la reconnaissance des groupes minoritaires ou de droits collectifs est incompatible avec sa Constitution, le Comité réaffirme que le principe d’égalité des individus devant la loi et l’interdiction de la discrimination ne suffisent pas toujours à assurer l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels par des membres de groupes minoritaires. De plus, le Comité considère qu’une reconnaissance adéquate des minorités ethniques ou culturelles n’érode pas la cohésion ou l’unité nationale mais au contraire les renforce. […] Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de revoir sa position à l’égard des minorités et de reconnaître officiellement la nécessité de protéger les droits culturels de tous les groupes minoritaires. »
Le groupe écologiste considère que nos sociétés s’enrichissent de leur diversité, à l’opposé de celles et de ceux qui considèrent la diversité comme une menace pour la cohésion sociale.
Cet amendement vise ainsi simplement à conférer un droit aux locuteurs de langue régionale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’article L. 1133-1 du code du travail dispose que le principe de non-discrimination dans les entreprises « ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée. »
Si un emploi requiert la connaissance d’une langue régionale ou étrangère, il s’agit bien d’une exigence professionnelle essentielle concernée par cet article. Il semble donc inutile de préciser que la maîtrise d’une langue peut justifier une différence de traitement.
La commission est par conséquent défavorable à votre amendement, cher collègue. Votre demande est déjà satisfaite !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur Desessard, par cet amendement, vous souhaitez préciser dans le code du travail que le fait de réclamer la connaissance d’une langue étrangère ou régionale dans une offre d’emploi ne constitue pas en elle-même une discrimination.
Si c’est bien cela qui est visé, cet ajout est inutile, comme vient de le rappeler Mme la rapporteur.
Toutefois, la rédaction que vous proposez va plus loin, car elle laisse entendre que cette exigence ne pourrait jamais constituer une discrimination. Or si une telle exigence n’est pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, elle peut être discriminatoire, surtout si elle constitue un moyen d’écarter des candidats qui ne correspondent pas à une origine particulière.
Je pense que, comme moi, vous ne souhaitez pas permettre de telles pratiques !
J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.
M. Jean Desessard. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 557 est retiré.
Articles 60 bis et 61
(Supprimés)
Articles additionnels après l’article 61
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 310, présenté par Mme Khiari, M. Anziani, Mme Lienemann, MM. Cabanel, Masseret, Courteau et Yung et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1221-7 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1221-7. – Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, les informations mentionnées à l’article L. 1221-6 et communiquées par écrit par le candidat à un emploi ne peuvent être examinées que dans des conditions préservant son anonymat. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises.
Avec cet amendement, dont ma collègue Bariza Khiari est la première signataire, nous avons souhaité insister sur le fait que la mise en œuvre du CV anonyme dans les entreprises de plus de cinquante salariés nous paraît de nature à lutter contre la discrimination à l’embauche.
Je vous rappelle qu’il y avait jusqu’à présent une volonté unanime de mieux intégrer les populations susceptibles d’être discriminées via l’anonymisation des curriculum vitae, mise en œuvre par la loi du 31 mars 2006.
Or le caractère obligatoire de cette disposition a été abrogé cette année. Nous voulons le restaurer, d'autant plus que nous ne voyons pas de stratégie alternative, de la part du Gouvernement, pour éviter la discrimination à l’embauche et que bon nombre d’entreprises qui ont persévéré dans la pratique du CV anonyme, qui ont formé leurs agents et mis en œuvre des méthodes en ce sens, en sont satisfaites et ont considérablement amélioré la diversité au sein de leur personnel.
M. le président. L'amendement n° 106, présenté par M. Favier, Mmes Prunaud, Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 1221-7 du code du travail est ainsi modifié :
1° Les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Le respect de l’anonymat est un devoir assuré par les personnes qui bénéficient de la candidature, sous peine de sanctions. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Le Défenseur des droits a dressé, le 19 septembre dernier, un « panorama particulièrement inquiétant » des discriminations à l’embauche liées à l’origine. Il y a « urgence à mener des politiques publiques fortes pour lutter contre ces discriminations », a-t-il alerté. Son rapport fait état du parcours d’obstacles que constitue le marché du travail pour les personnes d’origine étrangère.
Parmi les personnes ayant répondu à l’étude, 60 % déclarent avoir été « souvent » ou « très souvent » victimes de discrimination dans l’accès à l’emploi ou à un stage du fait de leurs origines. Ce sont souvent les mêmes motifs qui reviennent dans les témoignages : d’abord l’origine, pour 62 % d’entre elles, puis le nom de famille, pour 53 %, la couleur de peau, pour 32 %, et la religion, pour 26 %.
Ces réactions illustrent une « perte de confiance à l’égard des institutions de la République et en la capacité des politiques publiques à lutter contre cette situation » selon le Défenseur des droits, qui, j’y insiste, conclut en appelant à des « politiques publiques fortes ».
Avec cet amendement, nous proposons une piste pour lutter contre les discriminations. Il s’agit d’établir une obligation de CV anonyme dans les recrutements. La généralisation d’un tel CV, qui vise à enlever des éléments d’identification personnelle, tels que le nom ou le prénom, ne permettrait ainsi aux employeurs que de s’appuyer sur des éléments objectifs pour recruter. Les critères illégaux de sélection, comme le sexe ou l’origine, seront nécessairement écartés, en raison de leur absence sur le curriculum vitae.
Si le CV anonyme ne peut constituer la seule mesure de lutte contre les discriminations, il constitue un outil pour lutter contre les préjugés et les présélections de curriculum vitae qui écartent en premier lieu les candidatures pour des motifs discriminants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous avons déjà débattu, en commission, des CV anonymes.
Ces amendements visent à restaurer, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, une disposition qui a été modifiée par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, dite « loi Rebsamen » : l’obligation du recours au CV anonyme dans les procédures de recrutement.
Cette mesure avait été introduite sur l’initiative de notre ancien collègue Nicolas About, alors président de la commission des affaires sociales du Sénat, dans la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.
En 2014, le Gouvernement a été enjoint par le Conseil d’État d’adopter le décret d’application de cette mesure, lequel n’avait jamais été pris. Il a cependant fait le choix inverse, faisant adopter un amendement à la loi Rebsamen tendant à supprimer l’obligation du recours au CV anonyme.
Avec sagesse, me semble-t-il, le Gouvernement s’est en effet rangé au constat dressé par tous les spécialistes de la question, en particulier par ceux qui ont été réunis dans le groupe de dialogue inter-partenaires sur la lutte contre les discriminations en entreprise, lesquels ont estimé que la généralisation du CV anonyme n’était pas souhaitable, en raison de la lourdeur de cette méthode et des effets pervers qu’elle peut introduire dans le processus de recrutement.
Comme vous le savez, mes chers collègues, une expérimentation du CV anonyme a été lancée par Pôle emploi dans huit départements en 2009 et 2010. L’analyse de cette expérimentation n’a pas permis de démontrer l’effet positif de celle-ci. Il est même apparu que le CV anonyme réduisait les chances des candidats issus de l’immigration. J’attire votre vigilance sur cet effet très pervers !
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Nous arrivons, à cette étape de la discussion du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, à la question importante de la lutte contre les discriminations dans le recrutement.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi du 31 mars 2006, qui a été évoquée tout à l'heure, prévoyait la mise en place obligatoire du CV anonyme. Il est vrai que nous avons fait évoluer cette obligation, qui n’avait jamais fait l’objet, ainsi que Mme la rapporteur l’indiquait voilà un instant, d’un décret d’application, pourtant prévu dans le texte.
Le CV anonyme peut être efficace dans certains cas. D'ailleurs, des entreprises maintiennent cette pratique. Toutefois, il ne constitue pas une solution permanente idoine pour lutter contre les discriminations. Ce n’est pas moi qui l’affirme ; c’est la conclusion à laquelle est parvenu le groupe de travail présidé par Jean-Christophe Sciberras que j’avais mis en place avec François Rebsamen, au mois d’octobre 2014.
D'ailleurs, les membres de ce groupe rejoignent sur ce point le Défenseur des droits, qui, dans un rapport remis en mai 2015, estimait que le CV anonyme ne pouvait être ni une réponse générale ni une réponse unique.
D’autres modes de recrutement non discriminants existent, tels que le CV vidéo, qui est promu par la Fondation Agir contre l’exclusion – la fondation FACE –, que préside Gérard Mestrallet, « grand patron » que vous connaissez toutes et tous, mesdames, messieurs les sénateurs, mais aussi les recrutements par simulation qui se montrent efficaces et méritent d’être développés.
Le Gouvernement en a tiré les conséquences dans la loi Rebsamen, parue au mois d’août 2015, en supprimant non pas le CV anonyme, mais l’obligation de celui-ci. Je tiens à dissiper la confusion qui peut parfois exister sur la réalité de cette loi : il ne s’agit en aucun cas de renoncer à la lutte contre les discriminations, dans laquelle nous sommes engagés et devons être aussi efficaces que possible. Nous avons notamment lancé une campagne de testing auprès d’un échantillon d’entreprises de plus de 1 000 salariés, afin de détecter certaines pratiques de discrimination à l’emploi et d’en tirer les conséquences.
Cette campagne est arrivée à son terme voilà quelques semaines. Nous allons bientôt en recevoir les résultats, comme je l’ai indiqué lors de la conférence de presse de présentation du rapport intitulé Le coût économique des discriminations, qui a été remis par France Stratégie à Myriam El Khomri le 20 septembre dernier. Ces résultats vont nous permettre d’appréhender encore plus précisément les mécanismes de discrimination – il en existe, naturellement – et d’envisager des mesures adaptées pour lutter contre ce qui apparaît comme une très grande injustice pour les jeunes, notamment ceux des quartiers.
Enfin, dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, nous allons créer une action de groupe, qui permettra aux syndicats et aux associations d’ester collectivement en justice au nom des candidats lésés, pour obtenir de l’entreprise qu’elle cesse ces discriminations. J’insiste sur ce point, car l’action de groupe, en particulier dans le droit du travail, marquera une forme de révolution dans notre ordre juridique.
Nous luttons donc contre les discriminations !
Cela dit, je veux vous donner mon sentiment très personnel – c’est presque une considération philosophique – sur ce sujet : pourquoi un jeune des quartiers serait-il obligé de passer par le CV anonyme pour justifier de ses compétences ? (Absolument ! au banc des commissions. – Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste.) Je considère que, quels que soient ses origines, son adresse, sa couleur de peau ou son sexe, un jeune n’a pas besoin de « se cacher » derrière un CV anonyme. D’ailleurs, quoi qu’il arrive, il devra toujours se présenter à un entretien final, au cours duquel il devra défendre ses qualités !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Je souscris complètement à ce que vient de dire M. le ministre.
J’ai tout récemment accompagné le président du Sénat, M. Gérard Larcher, au cours d’une visite des quartiers de Mantes-la-Jolie. Nous avons tous les deux été très frappés par la fierté des jeunes qui avaient réussi à s’en sortir. Certains s’étaient même fait tatouer le nom de la ville sur le bras… Quel beau message adressé à la République ! L’endroit où l’on habite n’a donc pas toujours une connotation négative.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Beaucoup de jeunes peuvent être fiers d’habiter dans leur quartier. D’ailleurs, souvent, ces jeunes réussissent bien à l’école. Pourtant, on le sait, dans ces quartiers, le taux de chômage des diplômés est considérable.
Toutes les études prouvent que la discrimination à l’embauche est un véritable obstacle à la crédibilité des valeurs républicaines dans notre pays.
Certes, le CV anonyme ne peut pas tout régler. Toutefois, je veux faire trois remarques.
Premièrement, l’exécutif joue la montre en ne voulant pas prendre le décret qu’a prévu une loi votée par le Parlement… De mon point de vue, cela pose un problème démocratique. Je le dis d'autant plus volontiers que c’est M. About, qui n’était pas particulièrement de ma sensibilité politique, qui avait fait voter le principe du CV anonyme. Cela doit faire réfléchir sur la crédibilité de l’action politique et sur le rôle du Parlement. C’est une question de principe !
Deuxièmement, je rappelle que le bilan réalisé par le groupe de travail sur l’évaluation du CV anonyme est fortement contesté, notamment par les associations antiracistes ou celles qui représentent les habitants des quartiers. Il me semble que cette étude aurait dû donner lieu à un débat beaucoup plus large.
Troisièmement, je considère que le bilan du Gouvernement est positif, mais, en la matière, c’est notre société qui a bien du mal à modifier structurellement ses comportements. Il faut parfois pousser les évolutions !
Je comprends bien l’argument sur la fierté des jeunes qui y arrivent sans passer par le CV anonyme. De même, à l’époque, on nous disait qu’il n’y avait pas besoin d’instituer la parité, puisque les femmes savent représenter les citoyens aussi bien que les hommes… Sauf que des tas de raisons que l’on n’évoquait pas faisaient obstacle à l’arrivée des femmes en politique.
Certes, il est des femmes qui n’ont pas eu besoin des règles de la parité pour être reconnues et qui en sont fières.
Mme Catherine Di Folco. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour autant, le problème d’ensemble n’était pas réglé.
En tout état de cause, pour ma part, je forme le vœu, monsieur le ministre, que vos mesures aient une vraie efficacité. Permettez-moi de vous dire que, pour l’heure, j’en doute un peu et que l’artillerie du CV anonyme serait bien nécessaire pour aller plus vite et plus loin.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 103 rectifié, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa de l’article L. 1221-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour chaque poste ouvert au recrutement, les candidatures reçues sont inscrites dans une partie spécifique du registre unique du personnel avec les mentions suivantes : nom, prénom, sexe, lieu de résidence, date et lieux de naissance des candidats à l’embauche. Les curriculum vitae doivent être conservés pendant cinq ans. » ;
2° L’article L. 1221-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur remet à chaque candidat lors de l’entretien d’embauche une notification de ses droits reprenant les dispositions prévues à l’article L. 1132-1 ainsi que la liste des personnes à saisir en cas de non-respect de ses droits. Un décret détermine la forme et le contenu de la notification des droits. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Le présent amendement reprend une proposition soutenue syndicalement, visant à mettre en place un véritable plan de lutte contre les discriminations à l’embauche, avec l’instauration d’un registre d’embauche et d’une notification des droits.
Concrètement, il s’agit de mettre en œuvre, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, un registre d’embauche contenant un recueil sexué des candidatures, ce qui permettrait l’établissement de comparaisons entre nombre de femmes candidates et nombre de femmes recrutées.
L’expérimentation de ce registre à la SNCF, pour les conducteurs de train, a démontré que, malgré des candidatures féminines à hauteur de 5 % – je reconnais qu’elles ne sont pas nombreuses –, aucune femme n’avait été recrutée. Le registre a donc été un outil qui a aidé à féminiser le métier.
En complément de ce registre d’embauche, nous proposons qu’une notification de leurs droits soit remise aux candidates et aux candidats à l’embauche lors de leur entretien, laquelle rappellerait l’interdiction, pour le recruteur, de leur demander, par exemple, s’ils fument ou s’ils ont des enfants et comporterait les numéros à contacter en cas de non-respect de ces droits.
Le vote de cet amendement pourrait donc constituer un point d’appui.
M. le président. L'amendement n° 311, présenté par Mmes Khiari et Génisson, MM. Kaltenbach et Anziani, Mme Lienemann, MM. Cabanel, Masseret et Courteau et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1221-9-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1221–9–… – Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, est établi un registre des candidatures pour tout poste vacant. Ce registre comporte outre les informations mentionnées à l’article L. 1221-6, la date d’arrivée de ces dernières. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
M. le président. L'amendement n° 537, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1221-9 du code du travail, il est inséré un article L. 1221-9-… ainsi rédigé :
« Art. 1221-9-… – Un registre des candidatures est tenu dans tout établissement où sont employés au moins cinquante salariés. Le curriculum vitae de chaque candidat au recrutement est conservé dans l’ordre de sa réception. Le registre mentionne le sort réservé à chaque candidature.
« Les indications complémentaires à mentionner sur ce registre sont définies par voie réglementaire.
« Le registre des candidatures est tenu à la disposition des délégués du personnel, des fonctionnaires et agents chargés de veiller à l’application du présent code, et de l’autorité judiciaire. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le présent amendement vise à généraliser aux entreprises d’au moins cinquante salariés l’obligation de tenir un registre des candidatures qui leur ont été adressées dans le cadre de procédures de recrutement.
Cette formalité, simple à mettre en œuvre, ne génère aucun coût, puisqu’elle se limite, en pratique, à demander aux entreprises de conserver les CV et de préciser le sort qui a été réservé à chaque candidat.
Il est prévu que ce registre soit accessible aux délégués du personnel, aux agents de l’inspection du travail et à l’autorité judiciaire, afin que ceux-ci puissent disposer de données pour apprécier d’éventuelles pratiques discriminatoires à l’embauche. Ils pourront en effet s’assurer que les compétences et l’expérience ont été les seuls critères guidant une convocation puis une embauche. Dans le cadre d’une action en justice, le juge pourra notamment, au titre des mesures d’instruction, ordonner que lui soit communiqué ce registre, afin de former sa conviction.
L’application des dispositions pertinentes de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations s’en verra donc facilitée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Dans des termes différents, ces amendements visent à rendre obligatoire la tenue d’un registre pour toutes les candidatures reçues par une entreprise.
On estime habituellement que, pour un poste ouvert à candidature, un employeur reçoit, au minimum, près d’une centaine de réponses. Pour une entreprise de taille moyenne qui procéderait à trois ou quatre recrutements par an, cette nouvelle obligation entraînerait une nette surcharge de travail et des frais de conservation des données – CV et lettres de motivation – assez importants.
L’amendement n° 537 tend à ce que ce registre, à l’instar du registre unique du personnel, soit consultable par les délégués du personnel et l’autorité judiciaire. Je vous avoue, non sans euphémisme, que cette contrainte me semble excessive et insuffisamment encadrée ! Contrôler les candidatures et les recrutements ne me paraît pas relever de la compétence des organisations syndicales. On imagine bien les dérives qu’une telle mesure pourrait entraîner…
L’amendement du groupe CRC, d’une part, vise à ce que les informations soient consignées précisément dans le registre unique du personnel, qui est consultable par les organisations syndicales – je rappelle que les candidats ne deviennent pas forcément le personnel de l’entreprise ! – et, d’autre part, tend à ce que les CV soient conservés pendant une durée de cinq ans. J’ai déjà donné mon avis sur ce point.
S’agissant de l’obligation pour l’employeur de remettre à chaque candidat, lors de l’entretien d’embauche, une notification de ses droits en matière de non-discrimination, il me semble que cette obligation arrive trop tard, puisque la discrimination intervient principalement au moment de la sélection des CV, et non de l’entretien d’embauche.
Je trouve donc que ces amendements reviennent véritablement à faire un procès d’intention aux entreprises. Leurs dispositifs relèvent plus de l’inquisition que du droit du travail !
J’émets, par conséquent, au nom de la commission, un avis défavorable à leur sujet, mais peut-être M. le ministre pourra-t-il m’éclairer sur leur pertinence, qui, à ce stade, m’échappe totalement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Madame la rapporteur, je ne sais pas si je vais vous éclairer ! Toujours est-il que la traçabilité, la transparence et le traitement équitable dans les procédures de recrutement sont des questions importantes, qui, d'ailleurs, sont actuellement évoquées au sein du groupe de dialogue sur les discriminations présidé par M. Sciberras. J’ai demandé à celui-ci une expertise complémentaire, afin que nous puissions réellement aboutir à la création d’un outil opérationnel qui tient compte des contraintes des uns et des autres.
Ce deuxième rapport me sera remis dans quelques semaines. J’estime qu’il serait prématuré d’adopter un amendement avant de disposer de ces conclusions.
Je demande donc à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces trois amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 103 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Lienemann, l'amendement n° 311 est-il maintenu ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 537 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 107, présenté par M. Favier, Mmes Prunaud, Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1235-3 du code du travail, il est inséré un article L. 1235-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1235-3-… – Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1, L. 1153-2 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période écoulée entre le licenciement et la décision de justice définitive et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Lors de l’examen du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, notre collègue Michelle Meunier a proposé un amendement identique, visant à créer de nouvelles sanctions en cas de licenciement discriminatoire.
Cette mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel, parce qu’elle avait été introduite en seconde lecture au Sénat et qu’elle était sans relation directe avec une disposition restant en discussion à ce stade de la procédure.
Il est essentiel, pour lutter contre les discriminations dans l’emploi, que les indemnités pour licenciement discriminatoire soient véritablement dissuasives. On ne peut, cette fois, nous opposer l’argument de la seconde lecture !
Aujourd’hui, les condamnations produisent peu d’effet, voire n’en produisent pas du tout, les entreprises ne changeant pas leurs comportements.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, qui vise, en cas de licenciement discriminatoire, lié à un harcèlement moral ou sexuel ou intervenu malgré l’annonce de l’état de grossesse de la salariée, dans les quinze jours de la notification du licenciement, le versement par l’employeur d’une indemnité au moins égale aux douze derniers mois de salaire, contre six mois de salaire minimum aujourd’hui.
Cet amendement a par conséquent pour objet d’étendre aux licenciements jugés discriminatoires, liés à des faits de harcèlement sexuel ou à la maternité, une procédure jusqu’ici réservée aux licenciements économiques collectifs prononcés en méconnaissance de l’obligation d’obtenir leur homologation ou leur validation par les services de l’État.
Les salariés victimes de discriminations, tout particulièrement les femmes, ne bénéficient pas de règles protectrices, notamment en ce qui concerne le montant de l’indemnité qu’ils sont susceptibles de percevoir.
À l’époque, Mme Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes, avait, dans son avis sur l’amendement de Michelle Meunier, estimé : « Non seulement le Gouvernement est favorable à cet amendement, mais il estime que c’est un excellent exemple de coproduction législative réussie. En effet, au-delà de la protection concrète que cela assurera aux salariées en question, l’adoption de ces mesures contribuera à envoyer un message de fermeté en matière de lutte contre le harcèlement et de protection des intérêts de la femme enceinte. Or, nous le savons, le nombre de salariées enceintes qui subissent ce type de mésaventures est plutôt en augmentation. »
Nous n’attendons donc pas moins aujourd'hui, de la part du Gouvernement, que le soutien à cet amendement. Nous espérons d’ailleurs que l’ensemble de notre assemblée le votera.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement reprend le texte de la première version de l’article 123 de la loi Travail du 8 août 2016.
Dans la version promulguée, le plancher de l’indemnité a été abaissé à six mois. Ce montant minimal d’indemnisation est conforme à la jurisprudence constante de la Cour de cassation.
La commission des affaires sociales du Sénat s’était opposée à cet article, au motif qu’il se bornait à inscrire dans la loi une disposition déjà appliquée par le juge, tout en ne visant que certains cas de nullité, ce qui pouvait risquer de remettre en cause la jurisprudence.
Mes chers collègues, compte tenu de la récente publication de la loi El Khomri, je propose de maintenir le droit en vigueur. J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Oui, il est essentiel de lutter contre les licenciements discriminatoires et il faut les sanctionner sévèrement. C’est pourquoi nous avons prévu, dans la loi Travail, une indemnité minimale de six mois de salaire pour le salarié dont le licenciement intervenu notamment à la suite d’une grossesse ou d’un harcèlement sexuel a été reconnu comme discriminatoire par le juge.
Madame la sénatrice, j’ai bien noté votre proposition de passer à une indemnité minimale à douze mois de salaire. Toutefois, le Gouvernement ne souhaite pas non plus revenir sur une disposition dont nous avons déjà débattu et qui a été adoptée voilà à peine deux mois !
J’ajoute que le montant plancher d’indemnité équivalant à six mois de salaire correspond à celui que les juges ont fixé dans des situations analogues. C’est le montant prévu par la loi en cas de licenciement nul faisant suite à une action en justice pour non-respect de l’égalité hommes-femmes. C’est aussi le montant prévu par la loi en cas de licenciement. J’estime qu’il faut rester sur cette base.
En conséquence, je sollicite le retrait de votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 107 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 99, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1131-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1131-… – Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés et dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les employés chargés des missions de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l’embauche au moins une fois tous les cinq ans.
« Les salariés encadrant du personnel reçoivent une formation sur les violences sexistes et sexuelles et la non-discrimination dans l’emploi au moins une fois tous les cinq ans. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous proposons de rétablir l’article 61 bis, adopté par l’Assemblée nationale, qui visait à instituer, pour les entreprises de plus de cinquante salariés et dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, une obligation de formation à la non-discrimination à l’embauche pour tous les employés chargés du recrutement au moins une fois tous les cinq ans.
Actuellement, les entreprises de plus de cinquante salariés ont deux formations obligatoires : en matière de sécurité et en vue d’assurer le maintien de l’employabilité des salariés.
Je déplore que le Gouvernement et la rapporteur de la commission spéciale considèrent qu’inclure une obligation de formation à la non-discrimination serait une nouvelle contrainte trop lourde pour les employeurs.
Prenant prétexte que la fonction publique n’est pas soumise aux mêmes obligations, les entreprises pourraient continuer de discriminer.
Nous proposons donc, à travers cet amendement, de sensibiliser ceux qui sont concernés en première ligne dans les entreprises, à savoir les personnes chargées du recrutement et du management de proximité.
Nous ajoutons, à la formation initialement adoptée à l’Assemblée nationale, un volet consacré à la formation sur les violences sexistes et sexuelles à l’intention du personnel encadrant.
M. le président. L'amendement n° 547, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1131-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1131-.... – Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés et dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les employés chargés des missions de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l’embauche au moins une fois tous les cinq ans. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement, monsieur le ministre, vise à rétablir l'article 61 bis adopté par l’Assemblée nationale par une majorité socialiste et non par les seuls députés communistes et écologistes…
L’article 61 bis instaure des formations à la non-discrimination à l’embauche dans les entreprises de plus de cinquante salariés et celles qui sont spécialisées dans le recrutement. Les arguments avancés pour justifier sa suppression ne sont pas convaincants.
On nous oppose le label diversité instauré chez les directeurs des ressources humaines, ou encore les dispositions vagues de l’article 5 de l’accord national interprofessionnel relatif à la diversité dans l’entreprise du 12 octobre 2006.
Pourtant, ni l’un ni l’autre de ces textes n’ont le degré de formalisation nécessaire pour prétendre lutter efficacement contre les discriminations à l’embauche. En l’espèce, l’intervention du législateur est pleinement justifiée.
Quant à qualifier cette disposition, bien rapidement, de « contrainte supplémentaire », cela revient à balayer d’un revers de main une formation dispensée à certains employés seulement, au moins une fois tous les cinq ans, ce qui, somme toute, est fort raisonnable.
Enfin, l’argument selon lequel cette formation concernerait uniquement les employeurs privés et non les employeurs publics n’emporte pas non plus notre conviction : les employeurs publics ne sont certes pas exemplaires et il serait pertinent de leur permettre de bénéficier de ces formations, mais cette seule circonstance ne justifie pas, loin de là, une suppression du dispositif, les recrutements n’étant pas les mêmes.
Aussi, nous proposons de rétablir une mesure à la fois nécessaire et peu contraignante au regard de l’impérieuse nécessité de lutter contre les discriminations à l’embauche et susceptible de favoriser l’avènement d’une entreprise citoyenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Dans un texte dont l’objet est justement de lutter contre les discriminations, pourquoi vouloir contraindre les entreprises du secteur privé à respecter un certain nombre d’obligations qui ne sont pas imposées à la fonction publique ? Voilà une belle discrimination.
Par ailleurs, autre discrimination, seules les entreprises d’une certaine taille sont visées…
Enfin, mes chers collègues, le droit relatif à la lutte contre les discriminations est devenu, à juste titre, tellement précis et exigeant qu’il fait aujourd’hui partie intégrante du cœur de métier des DRH et des professionnels du recrutement. Adopter une telle disposition reviendrait donc, par exemple, à demander à un pompier de reprendre la base de sa profession tous les cinq ans pour pouvoir continuer de l’exercer.
Je ne vois pas en quoi il est pertinent d’imposer aux entreprises ce qu’elles vont faire d’elles-mêmes. En outre, pourquoi un délai de cinq ans ? Que se passe-t-il en cas de changement de DRH ?
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Il est bien évidemment urgent de lutter contre les discriminations, nous en sommes tous d’accord.
Toutefois, il est indispensable de prendre des précautions – expertises, avis… – nécessaires à l’élaboration puis à la mise en place d’outils efficaces pour lutter contre les discriminations dans l’entreprise.
J’ai évoqué, voilà quelques instants, le deuxième rapport de M. Sciberras, attendu dans le courant du mois de novembre. Ce document fera le point sur l’avancement des discussions, loin d’être simples, notamment avec le patronat.
Pour cette raison, ces amendements me semblent trop en amont des discussions entamées par les partenaires sociaux, lesquels, je l’espère, prendront leurs responsabilités. Toutefois, si tel n’était pas le cas, le Gouvernement, lui, prendra les siennes sur cette importante question et proposera l’introduction, dans le code du travail, de modalités d’une formation obligatoire en la matière.
Dans cette attente, il est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. En conséquence, l’article 61 bis demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 61 bis
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 61 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au 2° de l’article L. 2242-8, après les mots : « salariés à temps partiel, », sont insérés les mots : « de prévention des violences sexistes et sexuelles » ;
2° L’article L. 4612-3 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, les mots : « peut proposer notamment » sont remplacés par les mots : « procède à » ;
b) La deuxième phrase est complétée par les mots : « et plus globalement des violences faites aux femmes, commises sur le lieu de travail et le trajet entre le domicile et le travail » ;
c) La dernière phrase est supprimée.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Alors que le projet de loi concerne l’égalité et la citoyenneté, il ne comporte aucune disposition sur la lutte contre les discriminations sexistes au travail.
L’égalité entre les femmes et les hommes est pourtant un enjeu fondamental dans le combat pour l’égalité dans notre société, et donc sur le lieu de travail.
Nous proposons de remédier à cela en ajoutant, dans le domaine de la négociation obligatoire en entreprise et en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, un plan contre les violences sexistes et sexuelles au travail. Chaque année, lors des négociations obligatoires sur l’égalité professionnelle, ce plan serait ainsi discuté et négocié avec l’employeur et les représentants syndicaux.
Il s’agit d’un pas supplémentaire vers la prise en compte dans l’entreprise des discriminations et des violences subies par les femmes.
En complément de ce plan contre les violences sexistes et sexuelles au travail, les plans de prévention des comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, devront proposer de manière obligatoire des actions de prévention du harcèlement moral et du harcèlement sexuel, ainsi que de toutes les violences sexistes et sexuelles commises sur le lieu de travail et durant le trajet entre le domicile et le travail.
L’objectif est de remplacer la possibilité existante pour le CHSCT de proposer des actions de prévention par une obligation de lutter contre le harcèlement moral et sexuel.
En 2013, 8 % des femmes et 1 % des hommes déclaraient avoir été victimes de comportements sexistes sur leur lieu de travail. Malgré les récentes avancées en la matière, il est nécessaire d’aller au-delà. C'est la raison pour laquelle nous proposons de renforcer les obligations des employeurs en matière de violences sexistes et sexuelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement me semble constituer un acte de défiance à l’égard des délégués syndicaux qui ne feraient pas leur travail en ne s’interrogeant pas sur ces sujets.
Par ailleurs, ma chère collègue, il me semble déjà satisfait. Rien n’empêche les organisations syndicales d’aborder, dans le cadre de cette négociation annuelle sur l’égalité entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail, la question des violences sexistes.
La rédaction de l’article L. 2242-8 du code du travail est déjà extrêmement longue, pour ne pas dire bavarde. Or la négociation peut porter sur toutes les formes de discrimination à l’emploi.
Quant aux obligations faites aux CHSCT de procéder à des actions de prévention du harcèlement, des agissements sexistes et des violences faites aux femmes, la rédaction proposée alourdit le dispositif – il permet déjà aux CHSCT de mener ces actions – sans portée normative évidente.
Nous pouvons être certains que les organisations syndicales qui défendent les salariés, hommes ou femmes, sont extrêmement attentives à ces préoccupations.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Madame la sénatrice, vous proposez de faire des violences sexistes et sexuelles un sujet de négociation collective dans l’entreprise en l’intégrant à la négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail.
Je vois bien quelle est votre ambition et je la partage. Toutefois, le CHSCT est déjà chargé de la prévention du harcèlement moral et du harcèlement sexuel. Par ailleurs, depuis l’adoption de la loi Travail, en août dernier, il est également compétent en matière de prévention des agissements sexistes.
La loi permet d'ores et déjà aux employeurs et aux représentants du personnel de travailler ensemble dans ce domaine et je ne doute pas, fort heureusement, qu’ils le fassent.
Je voudrais aussi souligner que l’action de prévention d’un CHSCT s’étend déjà aux violences exercées sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail, et réciproquement.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 98 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Sans vouloir faire ma mauvaise tête en cette fin d’après-midi, monsieur le président, je maintiens cet amendement.
Je souhaite introduire une obligation en raison des difficultés rencontrées sur les lieux de travail, notamment au sein des CHSCT, pour aborder frontalement ces questions. Il s’agit d’une nécessité.
J’ajouterai enfin que les femmes sont censées participer à tous ces organismes. Or, croyez-moi, le milieu syndical est loin d’être épargné par la sous-représentation des femmes et les difficultés à aborder ces questions.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Vraiment, madame la sénatrice ? Vous m’étonnez… (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 100, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 61 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 4141-1 du code du travail, après les mots : « et la sécurité », sont insérés les mots : « , les violences sexistes et sexuelles, ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La question de l’égalité entre les sexes fait pleinement partie de celle de l’égalité et de la citoyenneté au sens large.
Cet amendement, complément du précédent, concerne de nouveau la lutte contre les discriminations sexistes au travail.
Le code du travail prévoit actuellement une obligation pour l’employeur d’organiser une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité. Nous proposons d’étendre cette obligation à la formation sur les violences sexistes et sexuelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Le code du travail dispose déjà que la formation obligatoire délivrée par l’employeur doit aborder la question de la santé et de la sécurité au travail. Faire mention des violences sexuelles et sexistes ouvrirait une brèche inutile : dès lors, pourquoi ne pas évoquer tous les cas de discrimination ou de harcèlement ?
La position de la commission est constante : les énumérations non exhaustives posent problème. C'est la raison pour laquelle j’émets, en son nom, un avis défavorable sur cet amendement, qui me semble déjà satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Cette loi du 8 août 2016, tant contestée par certains syndicats, a considérablement renforcé les obligations des entreprises en la matière.
Votre amendement me semble déjà très largement satisfait, madame la sénatrice. Laissons vivre les nouvelles dispositions d’un texte dont l’encre est à peine sèche.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il se verra contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 100 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, je le retire, monsieur le président. Je vois bien qu’il risque de subir le même sort que le précédent… (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 100 est retiré.
L'amendement n° 102 rectifié, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin, M. Favier, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 61 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase de l’article L. 4622-3 du code du travail, après les mots : « de leur travail » sont insérés les mots : « ou du fait de violences subies par des femmes au travail ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À l’origine, notre amendement portait sur l’intégration des violences sexuelles et sexistes dans la formation obligatoire des médecins et des inspecteurs du travail et sur les mesures d’aménagement du poste de travail pour les femmes victimes de violences pouvant être préconisées par les médecins du travail. Ces derniers doivent éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail et leur état de santé.
Nous avons proposé d’ajouter la prévention des faits de violences subies par les femmes au travail dans l’entreprise ou à l’extérieur de celle-ci.
Lors de nos travaux en commission, les débats ont démontré un désaccord sur l’intégralité de l’amendement initial. Toutefois, un consensus concernant le renforcement des missions de la médecine du travail contre les discriminations sexistes subies sur le lieu de travail a semblé se dégager.
Si nous regrettons de n’avoir pu convaincre nos collègues de la pertinence de notre amendement initial, nous prenons l’avis favorable de Mme la rapporteur comme une première avancée, dont nous nous félicitons. (Sourires.)
J’espère que cet amendement sera adopté par la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je remercie le groupe CRC d’avoir tenu compte des recommandations de la commission spéciale en cernant vraiment le domaine du travail. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Votre amendement, madame la sénatrice, tend à modifier l’article L. 4622-3 du code du travail, article fondateur de la médecine du travail.
Cet article définit de manière extrêmement succincte les missions du médecin du travail : « Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
L’ajout d’une mission relative à la protection des femmes introduit une énumération détaillée, qui n’a pas lieu d’être.
Qui plus est, en étendant le champ des compétences du médecin du travail au-delà de ses missions, vous introduisez un risque pour les travailleuses non liées au milieu ou à la relation du travail. Le texte initial et fondateur, que j’évoquais à l’instant, serait donc dépassé.
Par ailleurs, l’amendement initial tendait à modifier l’article L. 4623-1 du code du travail qui précise également de manière très concise les conditions de diplôme exigées pour l’exercice du métier de médecin du travail. Je note qu’une telle précision ne nous semble pas relever du pouvoir législatif.
En outre, les précisions apportées visaient non seulement les médecins du travail, mais aussi les inspecteurs et contrôleurs du travail qui n’ont pas lieu d’être mentionnés dans cette partie du code précité.
Enfin, la formation ainsi décrite excède très largement les limites des missions d’un médecin du travail.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, malgré l’amélioration soulignée par Mme la rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’entends bien l’argument d’un texte fondateur exhaustif.
Cependant, sur le terrain, nous éprouvons des difficultés à aborder et à traiter ces questions. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de pousser un peu les choses pour faire en sorte que ces sujets soient enfin discutés au cœur de l’entreprise.
Si le médecin du travail est bien évidemment dans un registre de prévention, c’est aussi bien souvent lui qui se retrouve en première ligne dès qu’un problème apparaît.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 61 bis.
Article 61 ter
(Supprimé)
Section 10
Dispositions diverses et finales
Article 62
(Supprimé)
Article additionnel après l'article 62
M. le président. L'amendement n° 640 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1321-2-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1321-2-1. – Le règlement intérieur peut contenir des dispositions restreignant la manifestation des convictions religieuses des salariés si ces restrictions sont justifiées par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je le reprends, au nom de la commission, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 750, présenté par Mme Françoise Gatel, rapporteur, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 640 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, madame la rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je me suis engagée à reprendre cet amendement sur lequel la commission spéciale avait émis un avis favorable et qui vise à clarifier la rédaction du nouvel article L. 1321-2-1 du code du travail, introduit dans le cadre de la loi Travail.
J’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement. Il nous manque en effet quelques éléments d’information…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je vais essayer d’être très précis sur ce sujet sensible.
Cet article issu de la loi Travail a été largement discuté et approuvé par tous les groupes lors de l’examen de ce texte, qui a donné lieu à de nombreuses contestations, et dans quelles conditions ! Dura lex, sed lex…
L’encre de la loi est à peine sèche – la publication au Journal officiel date du 6 août dernier – et des accords sont en cours de discussion dans les entreprises sur cette question délicate.
La possibilité d’imposer la neutralité lorsque certaines circonstances le justifient répond à un vrai besoin des entreprises et des DRH de plus en plus souvent confrontés à des demandes de nature religieuse.
Selon l’étude récente conjointe de l’institut Randstad et de l’Observatoire du fait religieux en entreprise, l’OFRE, 65 % des personnes interrogées en 2016 ont déclaré avoir observé des faits religieux au travail, contre 50 % en 2015 et 44 % en 2014.
Près de la moitié des faits religieux au travail a nécessité une intervention managériale en 2016, contre 38 % en 2015 et 24 % en 2014. Ces faits ne sont – heureusement ! – pas toujours conflictuels. Ils impliquent néanmoins de fixer des bornes pour éviter des débordements contraires à l’esprit républicain laïque, comme le précise la Constitution.
C’est ce qu’a fait la loi Travail en donnant un fondement clair aux employeurs, qui doivent limiter les expressions religieuses. Ce phénomène a été évoqué, abordé, traité, arbitré.
La neutralité ne sera pas la règle, l’entreprise n’étant pas le service public, mais elle pourra être imposée lorsque les circonstances l’exigent, autrement dit lorsque certaines revendications sont incompatibles avec le bon fonctionnement de l’entreprise ou avec les droits et libertés des autres salariés.
Ces deux conditions sont clairement définies par la loi. Le ministère du travail publiera prochainement un guide du fait religieux pour aider les entreprises et les DRH à appliquer ces principes dans l’esprit du texte adopté au mois d’août dernier.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. Patrick Kanner, ministre. Par ailleurs, je suis opposé à ce que la loi se restreigne, comme vous le réclamez, à la religion. Il n’y a aucune raison de distinguer l’expression religieuse d’autres formes d’expression individuelle susceptibles de perturber la communauté de travail.
L’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen met ces libertés sur le même plan en disposant : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »
Je refuse donc d’appliquer à la religion des règles spécifiques qui seraient vécues comme une forme de stigmatisation. Je pense, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement, avec l’aide du travail des parlementaires, a pris une mesure équilibrée permettant aux entreprises de lutter contre le communautarisme tout en ne stigmatisant personne. Il ne souhaite pas y revenir.
Je m’étonne que le groupe du RDSE, qui était à l’origine de la disposition initiale dans la loi Travail, souhaite revenir dessus par cet amendement qu’il a rédigé et que vous avez repris, madame la rapporteur.
Pour ces raisons, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour une raison que j’ignore – peut-être est-ce dû au caractère pléthorique de notre administration ? –, je n’étais pas signataire de cet amendement, que je soutiens.
La formulation retenue par la loi Travail mérite d’être précisée, car elle pourrait laisser entendre qu’il s’agit d’une atteinte aux droits syndicaux. Les craintes qui se sont exprimées ne correspondent toutefois aucunement à l’intention des auteurs de la proposition initiale.
Le présent amendement tend à répondre à un problème réel. La formulation, tout à fait claire, vise les cas où le bon fonctionnement de l’entreprise est perturbé.
J’ai cru comprendre que le Gouvernement était divisé sur le sujet, les uns, comme M. le ministre, ne voulant pas du tout entendre parler de cette précision ; les autres, la considérant fort utile… Quand il y a un problème, il faut le régler ! Quant aux autres difficultés, monsieur le ministre, vous les réglerez entre membres du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Je rejoins la position de M. le ministre.
Comment pourrait-on insérer un tel article dans le règlement intérieur d’une entreprise privée ? Cela me semble assez compliqué…
Je ne sais quelle religion est visée, même si je le subodore, mais je rappelle que nous sommes sous un règne catholique : les vacances de Pâques et de Noël sont imposées. Faut-il aussi que nous interdisions tous les insignes religieux ?
Nous avons déjà eu ce débat au sein de la mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte.
Nous voterons contre cet amendement, qui ne se justifie pas et dont le fondement est discriminatoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur Collombat, il n’y a qu’une seule position du Gouvernement, celle que j’exprime au banc des ministres. Je ne vous autorise pas à évoquer d’éventuelles dissensions au sein du Gouvernement sur ce point. Je vous invite à faire preuve de prudence dans vos affirmations.
Nous parlons d’une loi adoptée voilà un peu plus de deux mois. Je vous demande de bien vouloir lui permettre d’être appliquée dans des conditions raisonnables.
La formulation retenue n’emporte aucun risque d’atteinte aux droits syndicaux ou politiques. Les restrictions figurant dans le règlement intérieur d’une entreprise sont toujours appréciées en fonction de leur finalité et de leur proportionnalité au regard de l’activité professionnelle. Il n’y a donc aucun risque de débordement.
Pour cette raison, je maintiens ma demande de retrait, madame la rapporteur.
Je ne comprendrais pas que nous modifiions la loi Travail avant même qu’elle soit appliquée et qu’elle ait pu démontrer sa pertinence sur le terrain.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je suis étonné qu’un amendement déposé sur un texte relatif à l’égalité et à la citoyenneté vise à donner le droit aux entreprises de discriminer.
J’apprécie toujours l’attachement du RDSE et de son président à une loi bien écrite et à éviter tout mélange des genres. Or, en l’espèce, vous nous proposez de discuter à la sauvette d’un sujet dont nous avons largement débattu il y a moins de trois mois et qui poserait de nouveaux problèmes. Je ne vous comprends pas.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous passons notre temps à rediscuter de dispositions que nous venons de voter !
M. Jean-Yves Leconte. Habituellement, vous dénoncez ces turpitudes ! Conservez votre cohérence !
Le débat a été tranché dans la loi Travail. Ne mélangeons pas tout en profitant de ce texte relatif à l’égalité et à la citoyenneté pour donner aux entreprises privées un droit à la discrimination religieuse.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. À certains moments, je me suis sentie quelque peu étrangère à ce débat entre amis, débat que j’ai cependant suivi avec beaucoup d’attention... (Sourires.)
J’ai repris l’amendement initialement déposé par M. Mézard et un certain nombre de ses collègues, comme je l’ai fait pour d’autres amendements sur lesquels la commission spéciale avait émis un avis favorable.
Après avoir entendu les explications du Gouvernement qui apportent un éclairage complémentaire sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 750.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 63
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 548, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Il est institué un fonds de participation au financement de l’action de groupe, chargé d’apporter une aide financière dans le cadre d’une action de groupe exercée en justice et alimenté par le prélèvement d’une fraction des sommes issues de la réparation des préjudices ordonnée par le juge dans le cadre d’une action de groupe. Les règles d’organisation et de fonctionnement du fonds, les conditions d’octroi de l’aide financière et la fraction des sommes constituant ses recettes sont déterminées par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il est regrettable que la commission spéciale du Sénat soit revenue sur le fonds de participation au financement de l’action de groupe.
Comme l’a souligné M. Razzy Hammadi devant la commission spéciale de l’Assemblée nationale, ce fonds, inspiré notamment de l’exemple québécois, est soutenu par le Défenseur des droits en ce qu’il est de nature à faciliter le recours à l’action de groupe.
À cet égard, il sera d’autant plus nécessaire si la majorité de l’Assemblée nationale a confirmé de nouveau à l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle sa volonté d’ouvrir aussi l’action de groupe aux associations déclarées depuis plus de cinq ans. Sauf à vider le mécanisme d’une partie de son utilité, il importe que le coût de la procédure ne soit pas un frein à son utilisation.
Ce dispositif ne porte pas nécessairement atteinte au principe de la réparation intégrale du préjudice. Comme l’a aussi souligné M. Razzy Hammadi, les juges appliqueront bien évidemment ce principe lorsqu’ils fixeront le montant global de la réparation.
Pour ces raisons, l’instauration de ce fonds semble une avancée à la fois nécessaire et pertinente. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, de rétablir l’article 63.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il semble que cet amendement trouverait davantage sa place dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Au demeurant, il nous paraît clairement anticonstitutionnel. En effet, le taux de prélèvement qui serait créé n’est pas défini, contrairement aux exigences de l’article 34 de la Constitution.
La commission demande le retrait de cet amendement, qui est contraire à sa position. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour des raisons de méthode législative aussi bien que de fond.
Du point de vue de la méthode, il convient de rappeler que le dispositif de l’action de groupe relève du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, adopté définitivement cette semaine par l’Assemblée nationale. Le présent projet de loi n’est donc pas le vecteur approprié, monsieur le sénateur, pour examiner l’instauration d’un fonds de financement, qui, s’il était retenu dans son principe, n’aurait pas vocation à s’appliquer au seul domaine des discriminations, mais pourrait concerner aussi les autres champs où l’action de groupe sera ouverte, à savoir la consommation, la santé, l’environnement et les données personnelles.
Sur le principe, la création d’un fonds de participation au financement de l’action de groupe ne paraît pas conforme à la conception de l’action de groupe dans notre droit interne. En effet, un tel fonds n’a été institué ni pour l’action de groupe en matière de consommation ni pour l’action de groupe en matière de santé. Il n’a pas non plus été retenu dans le cadre du projet de loi précité de modernisation de la justice. À chaque fois, le législateur a fait le choix de confier la responsabilité de l’action à des associations disposant d’une certaine légitimité, dans le respect des règles communes du droit processuel.
Conformément à la règle générale de notre droit, la partie finance le procès, et le perdant est condamné aux dépens. Ce dernier supporte également, en application du droit commun, les frais d’avocat.
Le dispositif prévu par l’article 63 conduirait à la création d’une structure ad hoc, qui serait financée par un pourcentage des indemnisations obtenues, prélevées donc sur des sommes censées revenir aux victimes, ce qui, en fin de compte, porterait atteinte au principe de la réparation intégrale des préjudices qui est protégé par notre droit.
Complètement étrangère à notre culture judiciaire, une telle proposition me semble inopportune, tant sur la forme que sur le fond. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean Desessard. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 548 est retiré.
En conséquence, l’article 63 demeure supprimé.
Article 63 bis
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 292 rectifié, présenté par M. Yung, Mmes Conway-Mouret, Khiari et Lepage et M. Leconte, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 21-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, par dérogation au premier alinéa, et sous réserve que la demande soit formalisée dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté, peuvent être naturalisés les étrangers qui, n’ayant pas leur résidence en France, répondent aux conditions prévues au 8° de l’article 21-19. » ;
2° L’article 21-19 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° L’étranger qui répond aux trois conditions suivantes :
« a) Être né dans un territoire alors sous souveraineté française, de parents qui y sont eux-mêmes nés ;
« b) Ne pas avoir été saisi par la loi de nationalité de ce territoire lorsqu’il a accédé à son indépendance, ni avoir acquis sa nationalité ou toute autre nationalité ;
« c) Résider au moment de la demande de naturalisation dans un État ou un territoire dont la langue officielle ou l’une des langues officielles est le français. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Le présent amendement vise à rétablir l’article 63 bis, que la commission spéciale a malencontreusement supprimé.
Inséré par l’Assemblée nationale, sur l’initiative de plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain, cet article prévoyait la création d’une procédure dérogatoire de naturalisation au profit de ceux que l’on appelle communément les« oubliés de Madagascar ».
Lorsque la Grande île a accédé à son indépendance, ces personnes d’origine indienne nées à Madagascar avant 1960 n’ont pu obtenir ni la nationalité française ni la nationalité malgache, qui est essentiellement une nationalité de filiation. Elles n’ont pas non plus pu acquérir la nationalité indienne, la preuve d’une lointaine ascendance indienne étant difficile à apporter.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations, cette population, dite « sans nationalité », n’est même pas couverte par le statut d’apatride, dans la mesure où Madagascar a dénoncé dès 1965 la convention relative au statut des apatrides et n’a pas encore adhéré à la convention sur la réduction des cas d’apatridie.
Actuellement, les membres de cette communauté n’ont pas la possibilité d’acquérir la nationalité malgache par naturalisation. Selon le ministère de la justice malgache, les demandes de naturalisation émanant de personnes de nationalité indéterminée formulées sur le critère de résidence ou de naissance à Madagascar ne peuvent aboutir.
Ces mêmes personnes ne peuvent pas non plus acquérir la nationalité française par naturalisation, car l’article 21-16 du code civil dispose que « nul ne peut être naturalisé s’il n’a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation », et les exceptions prévues aux articles 21-21 et 21-26 du code précité ne sont pas applicables aux oubliés de Madagascar.
Soucieux de mettre un terme à la situation kafkaïenne à laquelle sont confrontées ces personnes, nous proposons de créer une dérogation à l’obligation de résider en France au moment de la signature du décret de naturalisation, accompagnée de conditions strictes, sachant que le nombre de cas se limite à 150 personnes voire 200 personnes.
Concrètement, nous souhaitons rendre possible l’attribution de la nationalité française aux personnes qui remplissent trois critères cumulatifs : premièrement, être nées dans un territoire alors sous souveraineté française de parents qui y sont eux-mêmes nés ; deuxièmement, ne pas avoir acquis la nationalité de ce territoire ni toute autre nationalité ; troisièmement, résider, au moment de la demande de naturalisation, dans un État dont l’une des langues officielles est le français.
Ce dispositif juridique s’inspire des propositions formulées dans le rapport qu’un ancien magistrat a récemment remis, sur cette question, au ministre de l’intérieur. S’il était adopté, il n’aurait pas pour effet d’ouvrir une brèche aux conséquences incalculables dans nos principes du droit de la nationalité.
En effet, il importe de préciser que le dispositif proposé serait applicable pendant une période relativement courte – six mois à compter de la publication de la loi – et aurait vocation à bénéficier à un nombre très limité de personnes, estimé à environ 200.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter le présent amendement. Il vise à corriger une erreur de l’histoire s’agissant de personnes, qui, oubliées au moment du processus de décolonisation, en appellent, depuis plus de cinquante ans, à leurs racines françaises.
M. le président. L'amendement n° 301, présenté par M. Gattolin, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 21-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, par dérogation au premier alinéa, et sous réserve que la demande soit formalisée dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté, peuvent être naturalisés les étrangers qui, n’ayant pas leur résidence en France, répondent aux conditions visées au 8° de l’article 21-19 du présent code. » ;
2° L’article 21-19 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° L’étranger qui répond aux trois conditions cumulatives suivantes :
« a) Être né dans un territoire alors sous souveraineté française, de parents qui y sont eux-mêmes nés ;
« b) Ne pas avoir été saisi par la loi de nationalité de ce territoire, lorsqu’il a accédé à son indépendance ni avoir acquis sa nationalité ou tout autre nationalité ;
« c) Résider au moment de la demande de naturalisation dans un territoire ou un État dont la langue officielle ou l’une des langues officielles est le français. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 292 rectifié ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement concerne des apatrides, appelés les « oubliés de Madagascar », qui sont dans une situation particulière extrêmement difficile. Sont concernées 164 ou 165 personnes, apatrides à la suite des différentes étapes de l’histoire de la décolonisation, intervenue à Madagascar en 1960.
Au XIX e siècle, un certain nombre de dispositions avaient été prises par la France, pour permettre à des personnes nées à Madagascar d’avoir la nationalité française. Au fil de l’histoire, les choses ont évolué. Chacun le sait, au moment d’une décolonisation, les relations entre le pays dit colonisateur et celui dit colonisé ne sont pas des plus amicales ou des plus coopératives. Madagascar a refusé de donner la nationalité malgache à ces 164 personnes, qui ne répondent pas, vous l’avez dit, mon cher collègue, aux conditions de naturalisation telles qu’elles existent dans notre pays.
Nous avons rencontré les représentants des oubliés de Madagascar, dont je respecte le combat, monsieur Leconte. Il s’agit en effet d’une question d’humanité.
À l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur n’a pas émis un avis favorable sur cette disposition, qui soulève une vraie question, celle de son élargissement – personne ne peut affirmer qu’il est impossible – à d’autres anciennes colonies françaises.
Dans le contexte actuel, les conditions de naturalisation, on n’a cessé de nous le répéter, notamment les lois de 1880 et de 1905, « ne se touchent pas », mais « se regardent ».
Le cabinet du ministère de l’intérieur, avec qui nous avons échangé sur ce sujet, nous a assuré que la situation particulière de ces personnes serait considérée avec une extrême attention au vu des conditions de naturalisation.
En l’état, considérant les risques qu’une telle disposition ferait courir, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement. Monsieur le ministre, je souhaite vraiment disposer d’informations et d’explications sur cette question extrêmement précise et difficile.
M. le président. Veuillez conclure, madame la rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le président, les oubliés de Madagascar méritaient que je dépasse un peu mon temps de parole !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Naturellement, le Gouvernement partage la préoccupation humanitaire de M. Leconte. Le problème, c’est d’y répondre dans de bonnes conditions, sans remettre en cause le totem que vous avez évoqué, madame la rapporteur. Je veux bien sûr parler de la « main tremblante » qui doit être celle du législateur avant de modifier les textes fondamentaux qui animent notre République.
J’émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement. Je confirme, monsieur le sénateur, madame la rapporteur, que le Gouvernement a entrepris d’examiner au cas par cas la situation particulière des oubliés de Madagascar, afin d’éviter des phénomènes de jurisprudence qui ouvriraient la boîte de Pandore dans tous les anciens territoires sous souveraineté française, aujourd'hui décolonisés.
Néanmoins, il m’est impossible à ce stade du processus de préciser le nombre de dossiers qui feront l’objet d’une régularisation favorable. Quoi qu’il en soit, notre volonté politique est réelle. Nous serons donc attentifs aux situations que vous voulez résoudre, monsieur le sénateur, tout en veillant à ne pas introduire dans la loi des dispositions qui pourraient soulever des difficultés par la suite.
Je vous demande par conséquent de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Leconte ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 292 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Je vous remercie, madame la rapporteur, des informations complémentaires que vous avez apportées, ainsi que de votre intérêt pour ce sujet. J’ai bien noté votre réponse, monsieur le ministre, s’agissant de l’attention particulière du Gouvernement pour les 150 à 200 cas humanitaires que sont les oubliés de Madagascar.
Par cet amendement, nous proposons non pas de modifier le code de la nationalité française, mais de gérer de manière ponctuelle, par la loi, grâce à une intervention du législateur, une situation précise par une disposition de courte durée.
Selon moi, il serait plus risqué de ne rien changer et de créer 160 dérogations au code de la nationalité. Il vaut mieux adopter une disposition chirurgicale et temporaire pour répondre à un problème donné, plutôt que d’aménager l’application du code pour 160 personnes. En termes de jurisprudence, ce serait préférable, afin d’éviter tout risque.
Quoi qu’il en soit, nous devons régler la situation. C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement, tout en remerciant mes interlocuteurs de leur attention sur cette question. Nous serons vigilants aux 160 à 200 cas dont il est question. Mon expérience me l’a montré, l’examen au cas par cas n’est pas toujours suffisant s’agissant, en matière de nationalité, de situations ressenties comme profondément injustes. Il vaut mieux laisser au législateur une pleine souveraineté.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Le groupe écologiste votera cet amendement, qui vise à rétablir l’article 63 bis, adopté, je le rappelle, par l’Assemblée nationale.
M. Philippe Dallier et Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous sommes au Sénat !
M. Jean Desessard. En l’occurrence, je m’adressais surtout à M. le ministre ! Mais peut-être les députés ont-ils suivi une autre logique…
Il s’agit de combler un vide juridique et de respecter la signature de la France. La République française a en effet signé la convention de New York relative au statut des apatrides, adoptée le 28 septembre 1954. Elle se doit de respecter ses engagements. En vertu de ce texte, la France doit conférer la nationalité française à des personnes susceptibles de l’avoir.
Je veux parler du cas spécifique des immigrants d’origine indo-pakistanaise et appartenant aux ethnies khojas, bhoras et banians, qui n’ont pu acquérir ni la nationalité malgache ni la nationalité française lors de l’indépendance de Madagascar en 1960.
Depuis plus de cinquante-six ans, cette situation perdure. Ne pensez-vous pas qu’il est temps d’y mettre un terme ? Vous avez évoqué 160 personnes concernées ; les chiffres dont je dispose sont moindres. J’ajoute que ces apatrides sont âgés de plus de 55 ans. Il s’agit donc d’un problème limité !
En adoptant cet amendement, vous permettrez, mes chers collègues, de naturaliser des étrangers nés dans un territoire alors sous souveraineté française, qui sont sans nationalité et n’ont jamais acquis ni la nationalité française ni la nationalité locale. Vous ferez œuvre de justice et permettrez à la France de respecter sa parole. Cette mesure paraît à la fois nécessaire, évidente et de bon sens. Ne serait-ce pas préférable à l’examen de 200 cas particuliers ? On est dans une totale incohérence !
M. le président. En conséquence, l’article 63 bis demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 63 bis
M. le président. L'amendement n° 380 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Sueur, n'est pas soutenu.
Article 64
(Non modifié)
L’ordonnance de Charles X du 17 avril 1825 est abrogée. – (Adopté.)
Article 65
(Non modifié)
La loi n° 285 du 30 avril 1849 relative à l’indemnité accordée aux colons par suite de l’abolition de l’esclavage est abrogée. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 65
M. le président. L'amendement n° 542, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 65
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le handicap mental ne peut être considéré comme un cas d’incapacité à exercer son droit de vote. »
2° L’article L. 5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de handicap mental, le juge reconnaît l’exercice du droit de vote personnel de la personne majeure protégée. Il peut désigner le tuteur, un membre de la famille ou une tierce personne pour exercer, le cas échéant, le droit de vote par procuration.
« Un décret en Conseil d’État précise les cas, les conditions et les modalités d’application du deuxième alinéa. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. En démocratie, la citoyenneté revêt également une dimension politique, dont l’un des avatars principaux est le droit de vote. Or, comme le déplore la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, dans son avis du 7 juillet 2016, le présent projet de loi omet cette dimension de la citoyenneté.
À cet égard, la Commission évoque la problématique de l’exercice du droit de vote des personnes atteintes d’un handicap mental. Elle souligne ainsi que la possibilité, pour le juge des tutelles, de supprimer le droit de vote d’une personne protégée, visée à l’article L. 5 du code électoral, introduit une discrimination contraire à la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.
Contrairement à ce que Mme la rapporteur Françoise Gatel a avancé, cet amendement n’est aucunement satisfait par l’article L. 5 du code précité. Bien au contraire, c’est principalement cet article qui soulève un problème en permettant au juge de prendre la décision de priver de son droit de vote une personne handicapée, lors de sa mise sous tutelle.
Certes, depuis 2009, le principe est que ce droit est conservé, sauf décision contraire du juge. Toujours est-il que cette possibilité existe bel et bien.
Une proposition de loi, déposée par le député Germinal Peiro le 15 février 2011 sur le bureau de l’Assemblée nationale, laquelle n’a malheureusement jamais été examinée, apporte une réponse concrète à cette question d’une importance majeure. C’est pourquoi, par le présent amendement, nous vous proposons, mes chers collègues, d’en reprendre les deux premiers articles.
Ainsi, il est proposé de modifier l’article L. 2 du code électoral, en reprenant les termes de l’article 1er de la proposition de loi susvisée. Il s’agit d’exclure expressément le handicap mental des cas d’incapacité à exercer son droit de vote.
En conséquence, l’introduction d’une modification de l’article L. 5 du code électoral qui reprend, avec quelques corrections, la rédaction de l’article 2 de la même proposition de loi, vise à préciser que ces personnes disposent d’un droit de vote personnel. Celui-ci peut, si nécessaire, être exercé par procuration par un tiers, que le juge désigne.
Les droits des personnes handicapées sont un sujet grave, qui touche à la conception même de l’homme et à l’égale dignité que la République reconnaît à toute personne. C’est une question à propos de laquelle les clivages politiques n’ont pas lieu d’être. J’espère donc, mes chers collègues, que vous me rejoindrez en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. M. Desessard a pressenti l’avis défavorable de la commission !
En effet, cet amendement portant sur le droit de vote des personnes atteintes d’un handicap mental me semble déjà satisfait par le droit en vigueur. L’article L. 5 du code électoral prévoit un principe général visant à maintenir le droit de vote de ces personnes. Seul le juge des tutelles peut suspendre ce droit lorsqu’il ouvre ou renouvelle la procédure de protection.
Par ailleurs, les personnes internées peuvent avoir recours aux procurations.
Monsieur Desessard, vous avez évoqué non seulement les personnes atteintes d’un handicap mental, mais aussi, plus largement, les personnes handicapées. On le sait, des adaptations matérielles, à la suite des efforts réalisés par les communes, ont été consenties, les bureaux et les techniques de vote devant être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit le handicap.
La commission vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement ne souhaite pas modifier le droit positif concernant les personnes souffrant d’un handicap mental.
En effet, si la curatelle restreint la capacité électorale concernant la détention de mandats électifs, rien ne s’oppose à l’heure actuelle à l’inscription sur les listes électorales de majeurs présentant un handicap mental.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a octroyé le droit de vote aux personnes sous tutelle, après consultation d’un juge, alors que, auparavant, les droits civiques étaient automatiquement supprimés pour les personnes bénéficiaires de ce type de protection.
Depuis 2007, un régime plus souple encore a été adopté, puisque les personnes sous tutelle disposent de leur droit de vote, sauf si le juge en décide explicitement autrement.
Considérant que ces dispositions sont suffisantes pour garantir l’effectivité des droits civiques de ce public, de mieux en mieux accueilli par les communes – vous l’avez rappelé, madame la rapporteur –, le Gouvernement émettra un avis défavorable si le présent amendement n’est pas retiré.
M. le président. L'amendement n° 496, présenté par Mmes Archimbaud, Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 65
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre I du code électoral est complétée par un article 15-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 15-2. - I. - Une liste électorale spéciale est tenue par chaque établissement pénitentiaire pour chaque élection départementale, régionale, législative, présidentielle, élection des représentants français au parlement européen et pour chaque référendum.
« II. - Est inscrit sur cette liste électorale spéciale, sous réserve de satisfaire aux conditions prévues par le chapitre Ier du titre Ier du livre premier du code électoral, toute personne détenue dans l’établissement qui en fait la demande dans les trente jours précédant le scrutin.
« Le directeur d’établissement vérifie si la demande d’inscription de l’électeur répond aux conditions fixées par le I de l’article 4. Il statue sur cette demande dans un délai de cinq jours suivant son dépôt.
« III. - Le directeur d’établissement qui, de manière frauduleuse, inscrit, radie ou maintient indûment des électeurs est passible des peines prévues à l’article L. 113 du code électoral. Il encourt également l’interdiction des droits civiques mentionnés aux 1° et 2° de l’article 131-26 du code pénal.
« IV. - Les décisions prises par le directeur d’établissement en application du II du présent article sont notifiées aux électeurs intéressés dans un délai de deux jours.
« V. - L’électeur intéressé peut contester devant le tribunal d’instance la décision du directeur d’établissement dans un délai de sept jours suivant sa notification.
« Le jugement du tribunal d’instance, qui se prononce en dernier ressort dans un délai de dix jours suivant le recours, est notifié dans un délai de trois jours à l’électeur intéressé, au directeur d’établissement et au garde des sceaux, ministre de la justice.
« Un pourvoi en cassation peut être formé contre ce jugement dans un délai de dix jours suivant sa notification. Le pourvoi n’est pas suspensif. L’arrêt rendu par la Cour de cassation est notifié à l’électeur intéressé, au directeur d’établissement et au garde des sceaux, ministre de la justice.
« VI. - La liste des électeurs de l’établissement pénitentiaire est affichée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Elle est communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice.
« VII. - Dans chaque établissement pénitentiaire, une commission de contrôle s’assure de la régularité de la liste électorale. Elle se réunit dans un délai de sept jours suivant l’affichage de la liste mentionnée au I du présent article.
« Elle peut, à la majorité de ses membres, dans un délai de sept jours suivant l’affichage de la liste électorale, décider de contester devant le tribunal d’instance les décisions d’inscription et de radiation prises par le directeur d’établissement. Elle peut, dans les mêmes conditions, réclamer l’inscription ou la radiation d’un électeur omis ou indûment inscrit.
« Le jugement du tribunal d’instance, qui se prononce en dernier ressort dans un délai de dix jours suivant le recours, est notifié dans un délai de trois jours aux parties au directeur d’établissement et au garde des sceaux, ministre de la justice.
« Un pourvoi en cassation peut être formé contre ce jugement dans un délai de dix jours suivant sa notification. Le pourvoi n’est pas suspensif. L’arrêt rendu par la Cour de cassation est notifié aux parties, au directeur d’établissement et au garde des sceaux, ministre de la justice.
« La commission avise sans délai le procureur de la République des infractions dont elle a connaissance, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale.
« VIII. - La commission est composée :
« 1° Du directeur d’établissement ;
« 2° De deux membres désignés par le garde des sceaux, ministre de la justice.
« IX. - Toute personne qui prétend avoir été omise de la liste électorale spéciale en raison d’une erreur purement matérielle, ou avoir été radiée sans observation des formalités prescrites au VII du présent article, peut saisir le tribunal d’instance, qui a compétence pour statuer jusqu’au jour du scrutin. Le jugement du tribunal d’instance est notifié à l’intéressé, au directeur d’établissement et au garde des sceaux, ministre de la justice.
« Un pourvoi en cassation peut être formé contre ce jugement dans un délai de dix jours suivant sa notification. Le pourvoi n’est pas suspensif. L’arrêt rendu par la Cour de cassation est notifié à l’électeur intéressé, au directeur d’établissement et au garde des sceaux, ministre de la justice.
« X. - Une personne qui a fait usage de son droit de vote par procuration prévue par l’article L. 71 ou qui bénéficie, le jour de l’élection, d’une permission de sortie prévue par l’article 723-3 du code de procédure pénale ne peut voter en détention.
« XI. - Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Bien que la majeure partie des détenus conservent leurs droits civiques, très peu d’entre eux exercent leur droit de vote. Le taux de participation aux élections en milieu carcéral est en effet de l’ordre de 4 %.
Le présent amendement – ma collègue Esther Benbassa avait déjà défendu un amendement similaire dans le cadre de l’examen de la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales – rejoint pleinement l’ambition de ce texte : permettre à chacun d’exercer effectivement sa citoyenneté.
Pas plus que la justice, la citoyenneté ne doit s’arrêter aux portes des prisons. C’est pourquoi nous proposons de nouveau qu’une liste électorale spéciale soit tenue par chaque établissement pénitentiaire pour chaque élection, afin que les détenus puissent exercer effectivement leur droit.
Les objections qui avaient été apportées en séance ne nous paraissent pas concluantes. Force est de le constater, les dispositifs en place, à savoir la possibilité d’être domicilié au sein de l’établissement pénitentiaire et l’exercice du droit de vote par procuration, ne sont pas suffisants.
L’argument des entrées et sorties fréquentes en milieu pénitentiaire ne nous semble pas de nature à rendre l’établissement d’une telle liste excessivement difficile. En effet, ces entrées et sorties sont, par définition, suivies et consignées par l’administration.
Quant au fait que le pouvoir de contrainte du directeur d’établissement serait peu compatible avec le pouvoir de sanction dont il dispose à l’égard des détenus, cet amendement n’y est pas sourd et comporte heureusement des garanties, notamment l’institution d’une commission de contrôle et la possibilité d’un recours devant le juge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Un amendement similaire a déjà été rejeté lors de l’examen de la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.
Je rappelle que, si un détenu n’est pas privé de ses droits civiques, il peut voter, soit à l’urne s’il a une permission de sortie, soit par procuration. Faire de chaque établissement pénitentiaire un bureau de vote possédant sa propre liste crée, me semble-t-il, des lourdeurs administratives et des risques d’insécurité, sans apporter de progrès notables.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Pour compléter l’argumentation de Mme la rapporteur, j’ajoute que les mouvements d’entrée et de sortie sont nombreux dans les établissements pénitentiaires, ce qui rend le système de liste spéciale particulièrement complexe à mettre en œuvre. Peut-être même serait-il incomplet pour faire valoir les droits des personnes en détention.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 545 rectifié bis, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 65
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 1110-3 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime peut être accompagnée ou représentée dans les procédures de conciliation, les procédures devant la juridiction pénale ou devant la juridiction ordinale par une association dont l’objet social comprend la défense des droits des patients. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le présent amendement reprend la proposition n° 29 du rapport remis par Mme Aline Archimbaud à M. le Premier ministre en 2013 sur l’accès aux soins des plus démunis. Il s’agit de permettre aux personnes qui s’estiment victimes d’un refus de soins illégitime d’être accompagnées ou représentées par une association devant les instances compétentes.
L’ambition première de cet amendement est de rendre le dispositif de lutte contre les refus de soins prévu par le code de la santé publique pleinement effectif. En effet, les patients les plus précaires renoncent souvent à entamer une procédure de notification de refus de soins, du fait de la complexité des formalités à accomplir. De plus, certaines branches départementales des ordres des professionnels de santé refusent la présence des associations lors du processus de conciliation, au motif que la loi ne le permet pas.
L’inscription dans la loi de la possibilité d’être non seulement représenté, mais aussi assisté, d’abord lors de la phase de conciliation, puis, le cas échéant, devant la juridiction ordinale, semble donc nécessaire.
Enfin, le présent amendement vise également une telle représentation ou assistance devant la juridiction pénale. Un refus de soins pouvant, dans certains cas, recevoir une qualification pénale, il est essentiel de faciliter le recours effectif à la voie pénale, afin de faciliter la sanction de ces agissements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement soulève plusieurs difficultés.
S’agissant de l’accompagnement de la personne victime de discrimination, il n’est pas utile de préciser que celle-ci peut être accompagnée par une association. De facto, elle peut l’être par qui elle souhaite, y compris dans le cadre des procédures de conciliation. Le présent amendement est donc satisfait sur ce point.
Concernant la représentation, il est prévu par le biais de cet amendement, qu’une association de défense des droits des patients pourra représenter la victime d’une discrimination. Dans l’état actuel du droit, vous le savez, mon cher collègue, seul un avocat peut jouer ce rôle. Il me semble plus sage d’en rester là.
La commission demande par conséquent le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le code de la santé publique prévoit d’ores et déjà que toute personne s’estimant victime d’un refus de soins illégitime peut saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné par les faits, cette saisine valant dépôt de plainte.
Par ailleurs, en cas d’échec de la conciliation ou de récidive, le président du conseil compétent transmet la plainte, accompagnée de son avis motivé et s’y associant le cas échéant, à la juridiction ordinale compétente. La démarche de la victime est donc susceptible d’aboutir à une procédure ordinale, voire pénale, le refus de soins étant pénalement sanctionné dans les conditions rappelées par Mme la rapporteur.
Je ne vois donc pas la valeur ajoutée qu’apporterait l’adoption de cet amendement. J’en demande par conséquent le retrait ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 545 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 544, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 65
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 111-1 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 111-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-1-… – Dans chaque administration, est désigné, parmi les agents, un référent chargé de l’accompagnement dans leurs démarches, notamment dématérialisées, des personnes en situation de handicap ou de vulnérabilité.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Une inégalité criante d’accès aux droits existe entre les personnes maîtrisant les codes de l’administration et pouvant se servir des supports et documents dématérialisés et les personnes en situation de handicap ou de vulnérabilité, qui ont besoin d’un accompagnement physique pour effectuer leurs démarches.
Actuellement, aucun interlocuteur clair n’est désigné dans les administrations pour accompagner ces publics. Aussi, ceux-ci sont fréquemment contraints de réexpliquer leur situation, leurs difficultés et leurs incompréhensions, ce qui nuit à la pleine accessibilité aux droits.
Le présent amendement tend donc à mettre en place un référent dans chaque administration. Cet interlocuteur unique et clairement identifiable serait chargé de l’accompagnement physique et du suivi des personnes en situation de handicap ou de vulnérabilité dans leurs démarches, notamment dématérialisées, puisque c’est là que se trouve l’une des sources premières de l’inégalité d’accès aux droits. Toutefois, plus largement, son intervention se justifierait pour toute démarche posant difficulté à ces personnes.
Ce référent offrirait un visage familier, renforçant ainsi le lien humain, ce qui est particulièrement bienvenu pour des publics en situation de fragilité.
Pour autant, les autres agents publics auraient toujours vocation à accueillir ces personnes : l’accès aux droits est naturellement l’affaire de chacun d’entre eux. Les personnes seraient orientées vers le référent uniquement pour des demandes qui, de manière apparente, ne seraient pas ponctuelles et nécessiteraient de véritables accompagnement et suivi personnalisés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement présente un lien quelque peu ténu avec le texte initial. Toutefois, parce qu’il est rattaché aux dispositions relatives à la fonction publique, la commission l’a examiné et son avis est défavorable.
Si cet amendement était adopté, la discrimination ou, du moins, la prise en compte d’une personne handicapée serait l’affaire d’une seule personne dans l’administration. Les autres agents n’auraient pas à se soucier du sujet. Cela ne me semble pas aller dans le bon sens.
Je rappelle que, dans de nombreuses collectivités et administrations, on assiste à des prises en compte d’évolutions comportementales assez remarquables – ainsi a-t-on vu naître, par exemple, des correspondants « informatique et libertés », mais il faut se fixer des limites. Si l’on veut lutter contre la discrimination, tout le monde doit s’emparer du sujet !
Votre proposition, monsieur Desessard, pourrait donc avoir un effet contre-productif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je souscris aux arguments de Mme la rapporteur. Par ailleurs – je voudrais le signaler à M. le sénateur Desessard –, je ne suis pas du tout certain que le secteur associatif du handicap soutienne une telle disposition. Avis défavorable.
M. Jean Desessard. Je retire mon amendement !
M. le président. L’amendement n° 544 est retiré.
L’amendement n° 541, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 65
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de deux ans à compter de la date de promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le non-recours aux prestations sociales. Ce rapport identifie les publics concernés, procède à une évaluation du montant de ce non-recours, en identifie les causes et envisage les moyens pour y remédier.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le non-recours aux droits constitue un véritable fléau, touchant des millions de personnes sur notre territoire.
Par manque d’information, par découragement après avoir été confrontés à des démarches administratives kafkaïennes, parce qu’il manque toujours une pièce différente aux dossiers, sans cesse renvoyés aux demandeurs, beaucoup abandonnent et renoncent à avoir accès à leurs droits. En 2013, 20 % des personnes légalement éligibles à la couverture maladie universelle complémentaire – la CMU-C –, soit un million de personnes, n’avaient par exemple pas demandé l’ouverture de leurs droits ! Ce n’est pas acceptable !
Des efforts ont été entrepris par le Gouvernement avec la création de la prime d’activité et la simplification de diverses procédures. Malheureusement, ces mesures de simplification ne concernent trop souvent que les entreprises et sont fondées sur la seule dématérialisation des envois de dossiers, ce qui exclut d’office tous ceux qui ne savent pas ou ne peuvent pas utiliser les techniques informatiques. Nous y reviendrons plus tard, à l’occasion de l’examen d’autres amendements.
Le non-recours aux droits est parfois perçu comme une « économie » réalisée par l’État grâce au non-versement des prestations ou des allocations. Cette conception est gravement erronée : le non-recours aux droits entraîne des dégâts sanitaires et sociaux, à l’origine de coûts très importants, beaucoup plus importants que les dépenses qu’il permettrait d’éviter.
Si l’on prend le seul exemple de la santé, une personne qui aurait pu se soigner dès le début d’une pathologie et ne le fait pas parce qu’elle n’a pas pu ouvrir ses droits à la complémentaire santé finit bien souvent aux urgences. Elle est alors hospitalisée et doit recevoir des traitements de longue durée.
Afin de pouvoir estimer l’ampleur des mesures à prendre pour résoudre les problèmes d’accès aux droits, nous proposons donc de demander un rapport sur le coût du non-recours aux droits. Des chercheurs travaillent déjà sur le sujet, notamment à l’université de Grenoble. L’État pourrait s’inspirer de leurs travaux pour réaliser les estimations.
J’ajouterai un mot à propos de l’argument avancé par Mme la rapporteur au moment de l’examen, en commission spéciale, de cet amendement.
D’après elle, celui-ci serait déjà satisfait du fait de l’existence d’une mission d’information sénatoriale sur le revenu de base, actuellement en cours. Cette mission a terminé ses travaux et je dois vous dire, madame le rapporteur, que nous n’avons procédé à aucun examen précis du sujet dans ce cadre. Donc l’argument n’est, aujourd’hui, pas recevable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous avons effectivement rappelé que la question du non-recours aux prestations sociales était évoquée dans le cadre de la mission commune d’information conduite par Jean-Marie Vanlerenberghe et Daniel Percheron. Vous en savez probablement plus que moi sur le déroulement de ses travaux, mon cher collègue, et je vous en donne bien volontiers acte. Dans l’attente de l’examen, par la commission, des travaux de cette mission, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 559, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 65
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre du droit de vote des étrangers dans la perspective du dépôt d’une proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non-ressortissants de l’Union européenne résidant en France.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous examinons aujourd’hui des dispositions visant à améliorer la lutte contre le racisme et les discriminations. Nous parlons, depuis plusieurs jours, d’égalité et de citoyenneté.
Or, privés du droit de vote, nombre de nos concitoyens, de ceux qui partagent nos cités, ne peuvent participer pleinement à la vie civique.
Si, depuis longtemps, nous appelons de nos vœux une réforme constitutionnelle, le présent amendement a seulement pour objet la remise, par le Gouvernement, d’un rapport actualisé sur la mise en œuvre du droit de vote des étrangers.
Vous en conviendrez, mes chers collègues, la remise d’un rapport ne demande ni un courage excessif ni la réunion du Congrès à Versailles. Cela reviendrait toutefois à adresser un signal fort à l’endroit de beaucoup de nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Vous savez, monsieur Desessard, que nous n’aimons pas les rapports, mais je voudrais aussi que vous preniez la mesure du temps : il faut un certain délai pour rédiger un rapport. Je ne suis pas certaine que les conclusions de celui que vous demandez soient élaborées suffisamment à temps pour permettre au Président de la République de tenir sa promesse sur le droit de vote des étrangers…
M. Philippe Dallier. Encore une promesse non tenue !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement ne souhaite pas rouvrir ce dossier. Je rappelle que, lorsque la question a pu être envisagée, en raison des équilibres politiques qui existaient à l’époque, y compris dans cette Haute Assemblée, la majorité des trois cinquièmes n’aurait pu être atteinte pour cette réforme constitutionnelle. Attendons donc la prochaine étape, monsieur Desessard, en espérant que de nouvelles majorités puissent, éventuellement, permettre une avancée en ce sens.
M. Pierre-Yves Collombat. Ça viendra !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous soutiendrons cet amendement. Un rapport, c’est tout de même peu de chose pour un dossier où l’absence d’évolution a un impact anti-démocratique qu’il ne faut pas sous-estimer. Beaucoup de personnes, dans notre pays, se sentent de moins en moins en phase avec les règles de la République. Une telle disposition, de toute évidence, contribuerait à montrer que nous entendons, enfin, certaines demandes.
M. le président. L’amendement n° 558, présenté par M. Dantec, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Le décret du 2 Thermidor An II (20 juillet 1794) et l’arrêté consulaire du 24 Prairial an XI (13 juin 1803) sont abrogés.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement tend à abroger deux textes anachroniques.
Cette abrogation est souhaitable, car l’administration se fonde parfois sur ces textes, vieux de plus de deux siècles, pour justifier des mesures d’interdiction de délivrance de documents administratifs bilingues. Ainsi, ces deux dispositions normatives d’un autre âge ont-elles été utilisées par le ministère de la justice, en 2012, afin d’interdire à une cinquantaine de communes bretonnes de délivrer des livrets de famille bilingues français-breton.
Pourtant, la traduction et l’usage d’autres langues sont possibles dès lors que sont garanties l’inscription, la prononciation et la diffusion en français des informations dont il est indispensable qu’elles soient comprises sans ambiguïté par tous. Le Conseil constitutionnel l’a lui-même précisé dans sa décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994, en indiquant que la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon, n’avait pas « pour objet de prohiber l’usage de traductions lorsque l’utilisation de la langue française est assurée ».
Ces deux textes réglementaires sont donc en contradiction avec la loi et il convient de les abroger, car ils sont sources d’insécurité juridique pour la publication volontaire de documents officiels et d’état civil en version bilingue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ce projet de loi, rappelons-le, a pour objet d’encourager à la citoyenneté. La langue est un élément important de la constitution d’une Nation, ce qui n’empêche pas de respecter les langues régionales et de permettre qu’elles soient utilisées – encore une fois, je le dis avec d’autant plus de conviction que je suis originaire d’une province extrêmement concernée par la question.
En 1999, le Conseil constitutionnel a précisé les points suivants : « L’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public », c’est-à-dire aux administrations de la France ; « les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage » ; enfin « l’article 2 de la Constitution n’interdit pas l’utilisation de traductions ». Ainsi, certaines des communes que vous avez évoquées ont délivré, en plus du livret de famille officiel, une traduction en langue régionale, dépourvue d’effets juridiques, mais permettant bien la reconnaissance d’une langue dite régionale.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le décret du 2 thermidor an II dispose que les actes publics doivent être écrits en langue française sur le territoire de la République et l’arrêté du 24 prairial an XI précise que l’emploi de la langue française est obligatoire. Mais, depuis cette époque, nous avons tout de même évolué dans le sens des préoccupations exprimées par les auteurs de l’amendement.
Si l’article 2 de la Constitution dispose que « la langue de la République est le français », ce principe ne saurait toutefois remettre en cause la liberté de tout citoyen de parler, écrire et imprimer librement, garanti par l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ni occulter l’apport culturel de langues régionales, dans le respect des conditions générales que je vais maintenant rappeler.
En particulier, en l’état du droit, les mairies peuvent proposer de délivrer, de façon distincte, en sus du document officiel ou d’état civil, une traduction en langue locale de celui-ci, aucun effet juridique n’étant attaché au document ainsi délivré.
Aucune disposition ne s’opposerait à une telle délivrance, pour autant qu’elle ait lieu à la demande des intéressés et que sa charge ne soit pas supportée par l’État.
C’est pourquoi le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 558.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 66
(Supprimé)
Article 67
(Non modifié)
Le livre IV du code de l’action sociale et des familles est complété par un titre VIII ainsi rédigé :
« TITRE VIII
« MÉDIATEURS SOCIAUX
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 481-1. – La médiation sociale est un processus de création et de réparation du lien social et de règlement des conflits de la vie quotidienne, dans lequel un tiers impartial et indépendant tente, par l’organisation d’échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider à améliorer une relation ou de régler un conflit qui les oppose. Elle a vocation à s’articuler avec l’action des travailleurs sociaux.
« Les référentiels métiers et les référentiels de compétences relatifs à l’exercice des activités de médiation sociale s’articulent avec ceux du travail social.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »
M. le président. L’amendement n° 527, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
de la vie quotidienne
par les mots :
pouvant survenir dans tous les aspects de la vie quotidienne, y compris en milieu professionnel ou scolaire
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de préciser, dans l’article 67 du projet de loi, l’importance de la médiation sociale dans tous les aspects de la vie quotidienne, y compris à l’école et dans le monde du travail.
Nous nous réjouissons que cet article 67 soit présent dans le texte. Les médiateurs sociaux sont, comme leur nom l’indique, des interlocuteurs privilégiés pour anticiper les situations de conflit et aider à régler les différends lorsqu’ils apparaissent. Ils sont également le lien entre les personnes et les institutions, en particulier dans les zones où l’accès aux services publics n’est pas forcément facile, où les liens avec les administrations sont parfois compliqués.
La préservation et la réparation des liens sociaux sont fondamentales dans notre société, à l’heure où beaucoup cherchent à diviser, cliver, opposer les uns aux autres.
L’inscription du métier de médiateur social dans la loi est un début. Nous espérons que les personnes intéressées pourront obtenir un véritable statut et, surtout, que les postes de médiateur pourront être financés autrement qu’avec des bouts de chandelle, comme c’est encore trop souvent le cas aujourd’hui.
Nous voulons préciser, par cet amendement, que la médiation sociale peut également être très utile en milieu scolaire et professionnel.
Des expérimentations ont été menées dans des établissements scolaires avec des associations nationales et elles ont eu des résultats très satisfaisants. Nous appelons de nos vœux le développement de telles initiatives, et souhaitions l’indiquer en présentant cette proposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Comme vous l’avez souligné, monsieur Desessard, l’article 67 tend à consacrer dans la loi le métier de médiateur social. Mais celui-ci recouvre des réalités extrêmement diverses : il existe des correspondants de nuit, des agents d’ambiance, voire des stewards urbains dans le domaine de la tranquillité publique ou des médiateurs de santé en hôpital.
Cette profession, qui regroupe environ 20 000 personnes, ne reposait sur aucun cadre normatif. Vous avez raison de vous réjouir, ce sera désormais chose faite, non seulement avec l’adoption de ce projet de loi, mais aussi avec la publication, à la fin de l’année, d’une norme professionnelle sous l’égide de l’Association française de normalisation, l’AFNOR.
Il serait contraire à l’esprit du texte de privilégier une forme de médiation par rapport à une autre. Cet article a précisément pour objet de donner une définition à tous ces métiers, dans leur différence.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 527 est retiré.
Je mets aux voix l’article 67.
(L’article 67 est adopté.)
Article additionnel après l’article 67
M. le président. L’amendement n° 719 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 67
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l’article L. 143-1 du code de la sécurité sociale, après le 5°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Aux décisions du président du conseil départemental mentionnées à l’article L 241-3 du code de l’action sociale et des familles relatives aux mentions “invalidités” et “priorité”. »
II. – Après le V de l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … pour une République numérique, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Les décisions prises par le président du conseil départemental, sur le fondement du présent article, peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire, lorsque la demande concerne la mention “invalidité” ou “priorité” de la carte.
« Les décisions prises par le président du conseil départemental, sur le fondement du présent article, peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, lorsque la demande concerne la mention “stationnement” de la carte. »
III. – Après le 5° de l’article L. 142-1-B du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de modernisation de la justice du XXIème siècle, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aux décisions du président du conseil départemental mentionnées à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles relatives aux mentions “invalidité” et “priorité”. »
IV. – Les I et II entrent en vigueur le 1er janvier 2017.
Le III entre en vigueur à la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du I de l’article [54] de la loi n° … du … de modernisation de la justice du XXIème siècle, et au plus tard le 1er janvier 2019.
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. Cet amendement concerne la carte mobilité inclusion. Il s’agit précisément d’une mesure de coordination avec l’article 44 bis du projet de loi pour une République numérique, qui instaure la carte mobilité inclusion à compter du 1er janvier 2017.
Pour cette carte, délivrée par le président du conseil départemental, le contentieux éventuel relèvera de la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale, s’agissant des mentions « invalidité » et « priorité ». Il est donc proposé d’ajouter ce contentieux à l’article L. 142-1 B du code de la sécurité sociale, créé par l’article 8 du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle et devant entrer en vigueur au 1er janvier 2019.
J’espère que cet amendement gouvernemental recevra l’approbation de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement de coordination.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 67.
Articles 68 à 70
(Supprimés)
Articles additionnels après l’article 70
M. le président. L’amendement n° 532, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 70
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les administrations mentionnées à l’article L. 100-3 du code des relations entre le public et les administrations mettent en place la possibilité pour le public de choisir de manière simple et sans équivoque de recevoir les documents par voie postale ou électronique. Il peut être revenu sur ce choix à tout moment.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous souhaitons voir consacré, au niveau législatif, le droit de chaque personne à opter pour la réception des documents administratifs par voie électronique ou par voie postale. Le but est de s’assurer que cette pratique soit systématique dans toutes les administrations.
Il est précisé que la rédaction de ce choix serait simple et non équivoque. En pratique, on pourrait par exemple envisager que chaque institution propose le choix d’une case à cocher, du type « j’accepte » ou « je refuse ». Bien évidemment, ce choix ne serait pas définitif, la personne pouvant revenir dessus à tout moment.
Le caractère clair et systématique du dispositif offrirait l’assurance que les publics non familiers avec les outils numériques et les personnes en situation d’exclusion puissent effectivement recevoir par voie postale les documents administratifs nécessaires à l’ouverture, au suivi et au maintien de leurs droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement me semble satisfait par l’état du droit. J’en demande donc le retrait. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je rappelle simplement à M. Desessard que le choix du canal postal ou numérique est déjà ouvert à l’usager par les textes en vigueur. L’amendement est donc manifestement satisfait et j’en demande le retrait, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 532 est retiré.
L’amendement n° 533, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 70
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les mairies tiennent à disposition du public une liste des points d’accès gratuits à une connexion internet et à du matériel informatique public sur leur commune. Cette liste est accessible en ligne et en mairie.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à lutter contre la fracture numérique en obligeant chaque mairie à mettre à disposition du public une liste des points d’accès gratuits à une connexion internet et à du matériel informatique public sur la commune. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
La contrainte pour les communes est fort raisonnable ; elle l’est d’autant plus au regard de l’importance de l’enjeu. Compte tenu de la place croissante que prennent les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans notre société, l’accès à internet et à du matériel informatique a des incidences évidentes en matière d’égalité.
Je comprends que les maires considèrent ces mesures comme des contraintes supplémentaires, mais la possibilité pour chacun ou chacune d’avoir accès à un endroit équipé d’un outil informatique paraît de bon sens dans une société qui s’oriente de plus en plus vers le numérique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Avis défavorable, sans autre commentaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement se félicite que de nombreuses collectivités s’engagent, de manière volontariste, pour développer l’accessibilité à l’internet pour tous et réduire la fracture numérique. Cela étant, nous ne sommes pas favorables à ce que cela devienne une obligation sous la forme très précise est impérative que vous proposez. Nous préférons vraiment que les enfants puissent manger à la cantine…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre !...
M. le président. L’amendement n° 551, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 70
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l’article L. 246-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l’État dans le département garantit l’accès à la domiciliation des personnes sans domicile stable pour l’exercice des droits mentionnés à l’article L. 246-1. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le présent amendement a pour objet d’inscrire dans la loi, de manière claire et non équivoque, que le préfet est le garant de l’accès à la domiciliation sur le territoire du département.
Il s’agit de s’orienter vers un renforcement du rôle du représentant de l’État en la matière. De nombreuses associations soulignent la nécessité d’un tel renforcement au regard des nombreuses difficultés qui nuisent à l’effectivité du dispositif.
L’ambition de cet amendement est donc d’être plus explicite que les dispositions réglementaires déjà existantes, qui donnent au préfet la responsabilité de s’assurer « de la couverture des besoins sur l’ensemble du territoire et du bon fonctionnement du service en matière de domiciliation ».
D’abord, les structures de domiciliation – les centres communaux d’action sociale comme les organismes agréés – sont fréquemment saturées.
Ensuite, cette saturation est souvent aggravée par l’inégale répartition de l’offre de domiciliation sur le territoire départemental, notamment concernant les organismes agréés, concentrés dans les grandes villes et qui traitent une part importante de la demande. La répartition de l’offre est un point pour le moment insuffisamment abordé. Pour preuve, les listes des organismes domiciliataires ne sont parfois ni actualisées ni diffusées par les préfectures. Ces disparités géographiques occasionnent fréquemment des tensions entre communes. Cette situation peut donc être à l’origine de refus de domiciliation qui ne sont pas nécessairement justifiés.
Enfin, la diversité des pratiques, notamment quant à la notion de lien avec la commune, complique l’accès à la domiciliation.
Pour ces raisons, une affirmation plus claire du rôle du préfet nous semble nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Votre amendement, mon cher collègue, ne présente pas de lien très net avec le texte. Toutefois, nous n’avons pas invoqué l’irrecevabilité au titre de l’article 45 dans la mesure où nous avions conservé des dispositions relatives à la domiciliation des gens du voyage.
Toujours est-il que l’avis de la commission spéciale est défavorable, le préfet ayant déjà en charge l’agrément des centres d’action sociale, dans lesquels les personnes sans abri peuvent être domiciliées. Je ne vois pas ce qu’apporterait, concrètement, cette « garantie d’accès à la domiciliation ».
Les centres d’action sociale sont au service des personnes en difficulté et, à ma connaissance, n’ont jamais refusé de domicilier une personne.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Cette discussion me rappelle des débats anciens, ceux que j’ai connus en ma qualité de président, pendant une vingtaine d’années, de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale.
Je confirme ce qui vient d’être dit : les raisons qui peuvent être invoquées pour refuser une domiciliation sont extrêmement peu nombreuses. En particulier, le décret du 19 mai 2016 relatif à la domiciliation des personnes sans domicile stable a renforcé ce lien. Et, manifestement, les CCAS et les CIAS ne refusent pas la domiciliation.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, à moins que vous ne le retiriez, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je suis surpris d’entendre que les questions relatives à la domiciliation n’entrent pas dans le cadre de ce projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. La domiciliation fait partie intégrante de la citoyenneté puisqu’être domicilié quelque part permet d’être inscrit sur les listes électorales.
Quoique je trouve cette remarque sur l’absence de lien entre mon amendement – le dernier que je présente, en cette fin d’après-midi – et le présent projet de loi quelque peu superflue, je suis sensible à l’argumentation de M. le ministre et je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 551 est retiré.
TITRE IV
APPLICATION OUTRE-MER
(Division et intitulé nouveaux)
Article 71 (nouveau)
I. – À l’article 711-1 du code pénal et au premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale, la référence : « loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté ».
II. – Le second alinéa des articles L. 4341-1, L. 4351-1 et L. 4361-1 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Les références : « L. 4211-1, L. 4221-1, L. 4221-3, L. 4221-7 et L. 4241-1 » sont remplacées par les références : « L. 4221-1, L. 4221-3 et L. 4221-7 » ;
2° Les articles L. 4211-1, L. 4241-1 et L. 4241-2 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté.
III. – Les articles L. 445-1, L. 446-1 et L. 447-1 du code de la sécurité intérieure sont ainsi modifiés :
1° Au premier alinéa, la référence : « loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté » ;
2° Le 3° est ainsi modifié :
– au premier alinéa, les références : « L. 411-13, L. 411-14, L. 433-5 et L. 433-6 » sont remplacées par les références : « L. 411-13 et L. 411-14 » ;
– au second alinéa, les mots : « le volontaire du service volontaire citoyen de la police et de la gendarmerie nationales » sont remplacés par les mots : « le réserviste citoyen de la police nationale » et les mots : « le service volontaire citoyen de la police et de la gendarmerie nationales » sont remplacés par les mots : « la réserve citoyenne de la police nationale » ;
3° Au 4°, la référence : « L. 433-2 » est remplacée par la référence : « L. 411-19 ».
IV. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Les articles L. 261-1, L. 263-1 et L. 264-1 sont complétés par les mots : « du présent code, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté » ;
2° Aux articles L. 771-1, L. 773-1 et L. 774-1, les mots : « l’ordonnance n° 2015-24 du 14 janvier 2015 portant extension et adaptation dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche » sont remplacés par les mots : « la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté » ;
3° À l’article L. 971-1 et au premier alinéa des articles L. 973-1 et L. 974-1, après la référence : « L. 911-5, », sont insérés les mots : « L. 911-6-1, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté ».
V. – L’article L. 950-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le 1° du I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 123-16-2 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté ; »
2° Aux trois dernières lignes de la seconde colonne du tableau constituant le second alinéa du 2° du II, les mots : « l’ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes » sont remplacées par les mots : « la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté ».
VI. – L’article L. 120-34 du code du service national est ainsi modifié :
1° Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Les deuxième à septième alinéas de l’article L. 120-4 ne sont pas applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie ; »
2° Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :
« 6° Le 3° du II de l’article L. 120-1 ne s’applique pas à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna. »
VII. – À l’article 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la référence : « loi n° … du … visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté ».
VIII. – À la fin du premier alinéa de l’article 108 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la référence : « loi n° … du … visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté ».
IX. – Au premier alinéa de l’article 26 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « , dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à l’égalité et à la citoyenneté, ».
X. – A. – Les articles 12, 12 ter et 13 et le I de l’article 41 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises dans les matières que la loi organique ne réserve pas à la compétence de leurs institutions.
X. – B. – Les articles 1er à 5, 7 et le III de l’article 38 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
X. – C. – L’article 8 quater est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
X. – D. – L’article 15 bis A est applicable en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
X. – E. – L’article 56 bis est applicable à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
M. le président. L’amendement n° 718, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 12 et 13, 15 à 18 et 26
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 28
Après la référence :
7
insérer la référence :
, 15 sexies
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination. Comme nous l’avons indiqué, toutes les dispositions ayant trait à l’outre-mer ont été rassemblées en un seul article pour en simplifier la lecture et la compréhension.
Si vous me le permettez, monsieur le président, bien que ce ne soit peut-être pas tout à fait le moment, et avant de laisser M. le ministre donner l’avis du Gouvernement, je voudrais, en tant que rapporteur, remercier l’ensemble des membres de la commission, notamment ceux qui ont été présents jusqu’à ce soir, remercier tout particulièrement notre collègue Sophie Primas, qui a assuré la présidence de la commission spéciale cet après-midi, remercier les collaborateurs du Sénat, qui ont fait un travail remarquable, et vous remercier très sincèrement, monsieur le ministre, ainsi que vos collaborateurs. Même s’il nous est arrivé d’être en désaccord, chacun gardant ses convictions, nous avons su travailler dans un respect mutuel, avec parfois de belles notes d’humour, quand l’heure était avancée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement était défavorable à la suppression de l’article 8 bis et à la modification de l’article 15 sexies portant ratification de l’ordonnance de simplification pour le secteur associatif et les fondations. Néanmoins, puisque cela été fait, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
À mon tour, je veux vous remercier, monsieur le président, ainsi que les présidents de séance qui se sont succédé avant vous. Je remercie le président Jean-Claude Lenoir et vous-même, madame Primas, qui avez bien voulu suppléer à son absence ce soir.
La commission a choisi de dynamiser la jurisprudence du Sénat sur l’article 45 de la Constitution (Sourires.), mais celui-ci est resté toujours courtois et parfois bienveillant avec le Gouvernement.
Je remercie aussi Mmes les rapporteurs, vous-même madame Gatel, qui avez le sens de l’humour – l’honneur est sauf –, ainsi que Dominique Estrosi Sassone. Nous avons eu des divergences, parfois importantes, mais assumées. Cela aura été néanmoins un plaisir de pouvoir défendre nos arguments, même si nous n’avons pas pu nous convaincre les uns et les autres.
Je remercie les présidents des groupes, en particulier Didier Guillaume, et leurs orateurs : Mme Prunaud, M. Magnier, Mme Archimbaud, Mme Laborde, M. Dallier, M. Dubois, Mme Yonnet, M. Desessard, M. Collombat, Mme Cohen, M. Favier, et j’en oublie certainement. Ce débat a été extrêmement intéressant.
J’en profite aussi pour saluer les services de la séance, les huissiers, les agents et le personnel du restaurant, qui rendent les suspensions de séance particulièrement agréables, même si elles sont brèves. (Sourires.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons débattu pendant de longues heures ; le Sénat a travaillé. Je suis certain que vous verrez dans vos territoires les effets de mesures qui ont parfois été critiquées ici. Les pépites pourront prospérer, madame la rapporteur, c’est l’essence même de la démocratie parlementaire ! Et nous mesurons chaque jour à quel point elle est essentielle, en particulier dans sa dimension bicamérale.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, dans le texte de la commission, modifié.
Je m’associe bien évidemment aux remerciements formulés par Mme la rapporteur et par M. le ministre.
Je vous rappelle que les explications de vote sur l’ensemble se dérouleront mardi 18 octobre, à dix-sept heures quarante-cinq. Le vote par scrutin public aura lieu le même jour, à dix-huit heures trente, en salle des conférences.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 octobre 2016 :
À quatorze heures trente : débat sur la France et l’Europe face à la crise au Levant.
À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq : explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
De dix-huit heures trente à dix-neuf heures : vote solennel par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Ce scrutin sera organisé en salle des conférences, avec la possibilité d’une seule délégation de vote par sénateur.
À dix-neuf heures : proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
À dix-neuf heures quinze et le soir :
Question orale avec débat n° 14 de Mme Françoise Cartron à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires dans les petites communes.
Débat sur les conclusions de la mission d’information de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur l’orientation scolaire.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD