Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a deux objets.
Il vise, d’une part, à réinstaurer dans le texte les infractions dites « dissimulées », que la commission avait supprimées. À l’expertise et à la suite d’échanges avec M. le garde des sceaux, il apparaît qu’il existait des risques potentiels sur les infractions à caractère financier. Il n’était pas question de permettre une quelconque échappatoire en la matière.
Il vise, d’autre part, non pas à modifier le principe du délai butoir, mais à porter le délai de dix à douze ans.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer le mot :
judiciaires
par le mot :
judiciaire
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 133-2 est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « Sous réserve des dispositions de l’article 213-5 » sont supprimés ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa, les peines prononcées pour les crimes mentionnés aux articles 214-1 à 214-4 et 221-12 et au livre IV bis du présent code ainsi qu’aux articles 706-16, 706-26 et 706-167 du code de procédure pénale se prescrivent par trente années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive.
« Par dérogation au premier alinéa, les peines prononcées pour les crimes mentionnés aux articles 211-1 à 212-3 du présent code sont imprescriptibles. » ;
2° L’article 133-3 est ainsi modifié :
a) Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines prononcées pour les délits mentionnés au livre IV bis du présent code, aux articles 706-16 et 706-26 du code de procédure pénale et, lorsqu’ils sont punis de dix ans d’emprisonnement, à l’article 706-167 du même code se prescrivent par vingt années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive. » ;
3° (Supprimé)
4° Après le même article 133–4, il est inséré un article 133-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 133-4-1. – Le délai de prescription des peines est interrompu dans les conditions prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article 707-1 du code de procédure pénale. »
Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié quater, présenté par M. Kaltenbach, Mmes Blondin, Meunier et Tasca, M. Botrel, Mme Campion, MM. Carvounas, Courteau et Duran, Mme E. Giraud, M. Lalande, Mme Lepage, M. Masseret, Mme Perol-Dumont, M. Roux, Mme Tocqueville, MM. Vaugrenard et Tourenne, Mme Herviaux, M. Reiner, Mme Espagnac, MM. Roger et Manable, Mme Guillemot, MM. F. Marc et D. Bailly et Mmes Génisson et Monier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa de l’article 434-3, après les mots : « de mauvais traitements ou », sont insérés les mots : « de crimes ou ».
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Cet article ne vise pas expressément les crimes contre les mineurs. Il ne cite que les agressions ou atteintes sexuelles, qui sont des délits.
Le droit pénal étant d’application et d’interprétation stricte, on ne peut considérer que les termes « agressions sexuelles » s’entendent comme des termes génériques visant également le viol, qui est un crime. Si le législateur réprime le fait de ne pas dénoncer un délit, il est évident qu’il souhaite également, et à plus forte raison, réprimer le fait de ne pas dénoncer un viol ou tout autre crime sur mineur.
Je propose donc, pour des raisons de cohérence, d’ajouter à l’article 434–3 du code pénal la notion de crime au délit de non-dénonciation, qui, pour l’instant, ne vise que les délits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Les auteurs de cet amendement considèrent que les agressions sexuelles n’incluent pas le viol, alors même que ce crime est défini au sein d’une section nommée « Des agressions sexuelles » et qu’il constitue lui-même une agression sexuelle aggravée.
Pour vous en convaincre, permettez-moi de vous donner lecture de l’article 222–22 du code pénal : « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.
« Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage. »
L’amendement est donc largement satisfait par le droit positif.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Kaltenbach. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié quater est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. – (Non modifié) Le code pénal est ainsi modifié :
1° Les articles 213-5, 215-4, 221-18 et 462-10 sont abrogés ;
2° Le dernier alinéa de l’article 434-25 est supprimé.
II. – (Non modifié) Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 85 est supprimée ;
1° Les articles 706-25-1 et 706-175 sont abrogés ;
2° Les deux premiers alinéas de l’article 706-31 sont supprimés.
III. – (Non modifié) Le titre Ier du livre II du code de justice militaire est ainsi modifié :
1° À l’article L. 211-12, la référence : « 9 » est remplacée par la référence : « 9-3 » ;
2° L’article L. 212-37 est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-37. – L’action publique des crimes se prescrit selon les règles prévues aux articles 7 et 9-1 A à 9-3 du code de procédure pénale. » ;
3° Les articles L. 212-38 et L. 212-39 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 212-38. – L’action publique des délits se prescrit selon les règles prévues aux articles 8 et 9-1 A à 9-3 du code de procédure pénale.
« Art. L. 212-39. – L’action publique des contraventions se prescrit selon les règles prévues aux articles 9 à 9-3 du code de procédure pénale. »
IV (nouveau). – L’article 351 du code des douanes est ainsi rédigé :
« Art. 351. – L’action de l’administration des douanes en répression des délits douaniers se prescrit dans les mêmes délais et dans les mêmes conditions que l’action publique en matière de délits de droit commun.
« En matière de contravention, l’action publique se prescrit par trois années révolues selon les mêmes modalités. »
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer le mot :
publique
par les mots :
de l'administration des douanes
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 8 rectifié quater, présenté par MM. Pillet, Bouchet, Carle, César, Chaize, Chasseing, Cornu, Danesi et Delattre, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, M. Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand, Houel et Huré, Mmes Imbert et Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Leleux et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Magras, A. Marc et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Pinton, Reichardt et de Raincourt, Mme Troendlé, MM. Vasselle, Vaspart et Capo-Canellas, Mmes Gatel et Joissains, M. Roche et Mmes Tetuanui, Deseyne et Doineau, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le premier alinéa de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les infractions auront été commises par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, sauf en cas de reproduction du contenu d'une publication diffusée sur support papier, l'action publique et l'action civile se prescriront par une année révolue, selon les mêmes modalités. »
La parole est à M. François Pillet.
M. François Pillet. Si nous proposons de porter de trois mois à un an le délai de prescription du délit de diffamation, c’est en raison de la spécificité d’internet : dix ans après, l’infraction peut subsister.
En outre, cette disposition est cohérente avec celle qui a été adoptée hier dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, le Gouvernement ayant porté le délai de prescription en cas de contravention de diffamation ou d’injure non publique à un an. Il nous semble cohérent que le même délai s’applique à une contravention et à un délit.
Enfin, j’invite ceux qui tirent argument de la décision du Conseil constitutionnel de 2004 à la relire. Elle n’interdit absolument pas cette spécificité, qui, au contraire, me semble-t-il, rend notre droit homogène.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, d’autant qu’il a déjà été voté par notre assemblée hier soir.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement ayant déjà été adopté hier, le Gouvernement pense qu’il serait bien plus logique que l’honorable parlementaire le retire. Il paraîtrait paradoxal que le Sénat vote deux fois le même texte.
Mme la présidente. Monsieur Pillet, l'amendement n° 8 rectifié quater est-il maintenu ?
M. François Pillet. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Nous savons, mes chers collègues, que notre désaccord porte non pas sur le fond, mais sur le moment où la loi de 1881 doit être modifiée afin de prendre en compte l’évolution des techniques de communication et d’internet. Nous en avons longuement débattu hier soir, jusqu’à une heure du matin. Cet amendement a déjà été adopté dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Un accord est possible sur le présent texte avec l'Assemblée nationale. Or, si cet amendement est maintenu, et sans doute adopté, compte tenu de la composition de notre assemblée, je crains que cela n’empêche un vote conforme. Nous ne pourrons donc pas aboutir alors que nous le souhaitons très majoritairement. Il nous faudra alors revenir sur ce texte en deuxième lecture, nul ne sait quand. Le délibéré sera long. La justice est lente, mais le Parlement aussi…
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mon cher collègue, le support législatif que constitue ce texte est meilleur que celui d’hier soir. Par ailleurs, nous sommes parvenus à un accord avec nos collègues de l'Assemblée nationale et M. le garde des sceaux.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La présente loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n’était pas acquise.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Tout en consacrant la jurisprudence sur le point de départ différé de la prescription pour les infractions occultes ou dissimulées, la proposition de loi prévoit un délai butoir maximum de douze ans pour les délits et de trente ans pour les crimes, qui ne résulte actuellement pas de la jurisprudence.
Il convient dès lors de préciser dans une disposition transitoire expresse que ces dispositions ne pourront pas conduire à la prescription d’infractions pour lesquelles l’action publique a déjà été valablement mise en mouvement, dans des hypothèses où, pour des infractions occultes ou dissimulées, les poursuites auraient été engagées plus de douze ou trente ans après les faits.
Cette précision paraît nécessaire ou opportune.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 est rétabli dans cette rédaction.
Article 5 (nouveau)
I. – À l’article 711–1 du code pénal et au premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale, les mots : « de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste » sont remplacés par les mots : « de la loi n° … du … portant réforme de la prescription en matière pénale ».
II. – Après le mot : « applicable », la fin de l’article 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : « , dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … portant réforme de la prescription en matière pénale, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. »
III. – Le III et le IV de l’article 3 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Mme la présidente. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux paragraphes ainsi rédigés :
I. – Après les mots : « résultant de », la fin du premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « la loi n° … du … portant réforme de la prescription en matière pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
I. bis – Après les mots : « résultant de », la fin de l’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigée : « la loi n° … du … portant réforme de la prescription en matière pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
II. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux paragraphes ainsi rédigés :
III. – Le III de l’article 3 et l’article 4 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
IV. – Le IV de l’article 3 est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Barthélemy.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Antoine Lefèvre, pour explication de vote.
M. Antoine Lefèvre. Lors de la précédente discussion, avortée, de cette proposition de loi, j’avais évoqué dans la discussion générale la proposition de loi que j’avais moi-même déposée et qui allait dans le même sens que celle qui nous occupe aujourd'hui, et ce dès 2010.
Je ne peux donc que me réjouir de nos travaux de ce jour, enrichis des réflexions complémentaires de la commission et des documents d’évaluation versés par la Chancellerie.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale.
(La proposition de loi est adoptée.)
6
Usage des drones civils
Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils (proposition n° 851 [2015–2016], texte de la commission n° 5, rapport n° 4).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils.
Comme vous le savez, nous assistons en France et dans le monde à l’essor de l’usage, à la fois professionnel et de loisir, des drones civils. Rappelons rapidement quelques chiffres clés, qui illustrent le développement très dynamique de la filière, notamment dans les usages professionnels. À la fin de l’année 2012, elle ne comptait que 50 opérateurs. À la fin du mois d’août 2016, plus de 2 600 opérateurs de drones sont déclarés et exploitent plus de 4 200 drones ; ils représentent plus de 5 000 emplois.
L’usage des drones de loisir est également en plein essor, et les lancements récents de nouveaux modèles par les grands noms du secteur laissent entrevoir une nouvelle année de ventes record en 2016.
Depuis 2012, de nombreuses utilisations professionnelles des drones civils se sont développées dans différents domaines. Le drone peut ainsi se révéler un moyen à la fois efficace et économiquement compétitif au service de nos concitoyens, de leur sécurité et de l’environnement, tout comme de nombreuses autres activités.
Face à ces perspectives, il devenait autant nécessaire qu’urgent de prévoir les mesures permettant la régulation de l’usage des drones civils.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi, après les deux premiers arrêtés relatifs à l’usage des drones pris dès 2012, de soutenir cette proposition de loi déposée le 25 mars 2016 par vos collègues MM. Xavier Pintat, Jacques Gautier et Alain Fouché, et sur laquelle vous avez effectué, monsieur le rapporteur, un travail important et constructif que je veux saluer ici.
À l’issue des travaux de votre assemblée, nous avons souhaité inscrire un examen dès le mois de septembre à l’Assemblée nationale afin de ne pas perdre de temps, ce texte étant attendu.
Je l’ai souvent dit, le développement rapide de la filière française est le fruit d’une longue tradition aéronautique, d’un tissu de PME particulièrement dynamique, et d’utilisateurs visionnaires qui ont bénéficié d’une réglementation équilibrée et innovante. Cette filière est aujourd'hui à la croisée des chemins : entre aéronautique et numérique, entre innovation technologique et innovation par les usages, entre PME et grands groupes… Et elle nous demande de nous adapter en permanence à ces nouvelles technologies et pratiques, dont la plupart nous sont d’ailleurs à l’heure actuelle probablement toujours inconnues.
Si ces développements prometteurs nous ont conduit à définir un cadre d’usages dès 2012, l’avenir de cette filière nécessitait néanmoins de prendre en compte les nouveaux enjeux liés à la sécurité et à la sûreté qu’elle suscite. Les préoccupations de sûreté sont notamment consécutives aux signalements de survols illicites de zones sensibles.
Je profite de cette tribune pour apporter les compléments demandés par M. le sénateur Alain Fouché lors de l’examen de ce texte en mai dernier sur le cas particulier de la protection du secteur nucléaire : l’analyse des capacités actuelles des drones civils menée en 2014 ne faisait pas apparaître de menace qui ne serait pas prise en compte par la directive nationale de sécurité actuellement en vigueur. Les progrès technologiques étant très rapides, il est nécessaire d’anticiper sur les menaces futures que pourraient présenter les drones. Des réflexions ont donc été conduites, sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Elles ont porté sur plusieurs axes : les moyens techniques de détection, d’identification et de neutralisation ; l’articulation avec les missions de protection de l’espace aérien, mises en œuvre par l’armée de l’air ; la chaîne opérationnelle de commandement, allant de la détection à la neutralisation en passant par la levée de doute.
Les services de l’État travaillent ainsi actuellement à la préservation d’une chaîne opérationnelle robuste allant de la détection à la neutralisation, qui soit également adaptée aux drones. Parallèlement, nous sommes également en contact très étroit avec nos voisins européens les plus impliqués sur le sujet afin de partager ensemble les pistes prometteuses en matière de lutte contre les drones malveillants. Enfin, l’État doit également se doter des moyens de détecter et de faire cesser des survols indésirables. Des essais ont déjà eu lieu, et des travaux de recherche financés par le Gouvernement sont actuellement en cours. Ces travaux portent leurs fruits puisque des solutions techniquement viables ont pu être mises en évidence.
Le texte qui vous est proposé complétera très utilement le corpus existant ; ces règles doivent répondre à l’objectif délicat de concilier la sécurité, la sûreté, la protection de la vie privée et le soutien au développement d’une filière émergente, source de réelles opportunités de croissance économique et de création d’emplois, sans remettre en cause les pratiques historiques des aéromodélistes en club.
Je reprendrai brièvement les grandes idées déjà développées en première lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Cette proposition de loi pose les principes d’un nouvel encadrement de l’activité drone. Leur immatriculation et leur enregistrement permettront d’assurer une meilleure traçabilité des appareils, tandis que des dispositifs de signalement permettront d’améliorer la sécurité des tiers dans les espaces aériens.
La définition de la fonction de télépilote consolidera par ailleurs la création d’un statut des télépilotes, en cohérence avec les travaux en cours au sein de la filière.
Pour les obligations de formation, ce texte inclut de nouvelles dispositions relatives à l’obligation de formation pour la pratique des activités de loisir et ouvre également la voie à l’élaboration d’un titre de télépilote, notamment pour les activités les plus complexes.
En outre, le texte prévoit pour certains drones une obligation d’emport d’un dispositif de limitation des performances, que les députés ont souhaité renommer « limitation de capacités ». Ce dispositif vise notamment à assurer la sécurité des vols habités. Il est cohérent avec les réflexions en cours à l’échelon européen, notamment au sein de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Le texte qui vous est présenté permettra la prise en compte des progrès de la technologie lorsqu’ils seront devenus opérationnels.
Enfin, cette proposition de loi sécurise le régime juridique de sanctions pour les contrevenants. Ce point est indispensable. En effet, la réponse pénale est absolument essentielle à la cohérence du dispositif juridique. Elle est complémentaire des actions d’information et de pédagogie. Il importe en effet de promouvoir les règles d’usage des drones en toute sécurité et d’en informer le grand public : les notices, que ce texte rendra obligatoires, y contribuent, en complément des actions actuelles menées par l’État. L’Assemblée nationale a précisé que cette obligation s’appliquerait également à la vente des drones d’occasion.
Le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile souligne d’ailleurs, dans son récent rapport sur les incidents survenus à l’aéroport Paris–Charles-de-Gaulle les 19 février et 2 juillet derniers, que l’ensemble des différentes mesures prévues par cette proposition de loi participera à réduire le risque de collision entre un drone et un aéronef piloté.
Les travaux menés par les députés ont également permis de clarifier deux points tout à fait essentiels. Premièrement, une période transitoire a été prévue pour l’applicabilité de l’obligation d’emport des dispositifs de signalement électronique ou numérique, de signalement lumineux et de limitation de capacités. Cela permettra notamment de ne pas pénaliser les utilisateurs professionnels de drones qui auraient acheté leur outil avant que ces dispositifs soient disponibles, en prévoyant un délai de mise en conformité.
Le second point est relatif à l’applicabilité du texte dans les territoires et collectivités d’outre-mer.
Cette proposition de loi repose sur un équilibre entre les principes, qui relèvent de la loi, et leur mise en œuvre technique, qui procédera de l’adoption de dispositions réglementaires.
S’agissant des seuils de masse, en dessous des plafonds prévus maintenant par la loi, ils seront choisis de sorte que la contrainte qui pèsera sur les industriels et les utilisateurs soit correctement proportionnée aux objectifs de sûreté et de sécurité.
Le Gouvernement avait soutenu ici même une démarche renvoyant la détermination de tous les seuils aux décrets. Nous estimions en effet que cela permettait une adaptation rapide aux évolutions de ces aéronefs sans pilote. Les députés ont souhaité introduire un seuil plafond de 800 grammes. Le Gouvernement accepte cette démarche qui, par le choix d’un seuil plafond, maintient la possibilité d’adaptation rapide et souple.
Les députés ont également souhaité préciser, sur proposition de Mme la rapporteur, Marie Le Vern, qu’en matière de signalement les drones devront être équipés d’un dispositif de « signalement électronique ou numérique ». Cette précision permettra, par voie réglementaire, de définir, à un instant donné, la solution technique la mieux adaptée en fonction des technologies disponibles et de l’objectif poursuivi.
L’Assemblée nationale a, enfin, apporté des améliorations prévoyant dans le texte même un mécanisme qui permettra la reconnaissance par équivalence de certaines formations et transformant une faculté d’exemption de l’obligation d’équipement de différents dispositifs pour les vols opérés dans un cadre agréé et dans des zones identifiées, en dérogation de droit.
Ces mesures bénéficieront notamment à la pratique de l’aéromodélisme, dans le cadre d’un club membre d’une fédération agréée, et sur des sites de vols d’aéromodélisme ayant fait l’objet d’une localisation d’activité portée à la connaissance des usagers aériens par la voie de l’information aéronautique.
La possibilité de préciser les conditions d’exemption laissée au pouvoir réglementaire permettra également de prendre en compte au mieux les spécificités de cette pratique.
En conclusion, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, apporte une réponse législative aux préoccupations de sécurité publique émergentes liées au développement des activités drone.
Je tiens de nouveau à remercier M. le sénateur Cyril Pellevat, rapporteur du texte, d’avoir permis, depuis plusieurs mois, en concertation avec les professionnels, les fédérations et les administrations concernés, d’atteindre la qualité qui est aujourd’hui celle du texte qui vous est proposé. Je remercie également votre commission d’avoir entendu l’importance que revêt l’adoption rapide de ce texte et, pour cela, de s’être fixé l’objectif d’un vote conforme, que j’appelle de mes vœux.
Cette proposition de loi permettra à la France de continuer à montrer la voie dans un secteur d’activité où elle compte de nombreuses réussites économiques. Son objectif majeur est clair : conjuguer les exigences de la sécurité et l’essor économique de la filière drone. (MM. Jean-Jacques Filleul, Claude Bérit-Débat, Jacques Gautier et Xavier Pintat applaudissent.)