Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils, déposée le 25 mars 2016 par nos excellents collègues Xavier Pintat et Jacques Gautier. Je vous rappelle qu’elle tire les conséquences d’un rapport réalisé par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, à la demande du Parlement, publié le 20 octobre 2015, sur les risques et menaces liés à l’essor des drones aériens civils en France.
Ce texte avait été examiné en première lecture par le Sénat dans des délais rapides : le 11 mai en commission et le 17 mai en séance publique. Il avait globalement fait l’objet d’un travail de réécriture, dans l’esprit des auteurs et en veillant à entraver le moins possible le développement de cette filière prometteuse.
L’Assemblée nationale a ensuite examiné cette proposition de loi le 20 septembre dernier en commission et le 27 septembre en séance publique. Les députés ont apporté quelques compléments sans remettre en cause la philosophie générale du dispositif.
Nous pouvons de nouveau nous féliciter de la réactivité de notre assemblée, car nous avons examiné ce texte en commission le 5 octobre, soit huit jours après les députés, et nous sommes aujourd’hui réunis pour son examen en séance publique, à peine plus de deux semaines après les députés.
Il s’agit en effet d’un sujet sur lequel nous devons légiférer rapidement. L’engouement de nos concitoyens pour les drones ne tarit pas, comme en témoigne le succès du Paris Drone Festival, qui s’est déroulé le 4 septembre dernier sur les Champs-Élysées. Je me plais à imaginer que cet événement pourra devenir un rendez-vous majeur de la communauté droniste mondiale ; il contribuera au rayonnement de Paris, en tant que capitale du drone, et de la France, un pays qui invente l’avenir.
Toujours est-il que le besoin d’une réglementation et d’une information claires est exprimé par le grand public, qui peine à s’y retrouver dans les textes actuels.
En même temps, la concurrence entre les fabricants ne cesse de s’intensifier. Parrot, notre champion national, a publié, le 23 septembre dernier, un avertissement sur ses revenus 2016. Le marché est en pleine mutation : certains acteurs comme DJI avec le Mavic Pro ou GoPro avec le Karma commencent à s’implanter sur le même segment que Parrot, à savoir les drones de moyenne gamme. Ces industriels ont besoin de connaître rapidement les nouvelles normes qui vont s’imposer, afin d’anticiper d’ores et déjà les évolutions de leurs prochains modèles.
Enfin, la menace sécuritaire ne diminue pas, dans un contexte où le risque terroriste reste malheureusement élevé. La probabilité d’un accident grave croît également à mesure que l’usage des drones civils se répand. Or le moindre incident, outre ses conséquences potentiellement dramatiques, risque de porter un coup d’arrêt au développement de la filière.
Dans ce contexte, je me félicite du fait que nos collègues députés aient conservé les principaux marqueurs de cette proposition de loi sénatoriale, qui repose sur quatre piliers : l’information, la formation, l’enregistrement-immatriculation et le signalement. L’Assemblée nationale a d’ailleurs apporté des précisions utiles, en prenant en compte les contraintes particulières de l’aéromodélisme, une pratique ancienne qui diffère du « dronisme » grand public à plusieurs niveaux, et en prévoyant les mesures transitoires nécessaires pour le parc de drones déjà existant, nos collègues députés étant conscients qu’un retour en usine généralisé serait parfaitement irréalisable.
En commission, j’ai en revanche exprimé deux principales réserves.
Ma première réserve porte sur le niveau arbitrairement retenu pour plafonner à 800 grammes les seuils réglementaires liés au poids des drones. Lors de la première lecture, j’avais délibérément souhaité que ces seuils d’application ne soient pas définis dans la loi, car il s’agit d’une compétence manifestement réglementaire. Pour la rapporteur de l’Assemblée nationale, Marie Le Vern, ce plafonnement permet de pallier d’éventuelles carences du pouvoir réglementaire et contribue à la sécurité juridique. Ce n’est pas faux, mais rien ne garantit qu’il sera conforme à la future réglementation européenne.
Certes, cette réglementation ne devrait probablement pas voir le jour avant 2018. Le Parlement européen examinera en première lecture un projet de règlement vers la fin de l’année. Il sera ensuite complété par des règles de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, qui fixeront des seuils en fonction de plusieurs paramètres : poids, altitude, utilisation, vitesse. Si ces règles sont contradictoires avec les nôtres, elles pourraient entraîner un réexamen de notre législation, qu’un renvoi au décret aurait permis d’éviter.
Au-delà de ces considérations juridiques, les débats à l’Assemblée nationale ont montré toute la difficulté de retenir un niveau arbitraire sans réel fondement scientifique. De fait, la rapporteur Marie Le Vern présente ce plafonnement comme celui qui permet de cibler a minima les 10 % d’appareils les plus dangereux : d’après elle, un plafonnement à 1 kilogramme ne permettrait de cibler que 6 % des appareils, et priverait la loi de toute portée utile. Elle suggère également que ce plafonnement correspond à une rupture de gamme, et donc de prix, entre les drones très grand public et les autres. Je n’approuve pas ce raisonnement, dans la mesure où le Parrot Disco – 750 grammes pour un prix de 1 299 euros – est sensiblement au même prix que le DJI Phantom 4 – 1 380 grammes pour 1 399 euros –, par exemple.
Surtout, bien que j’aie à cœur de soutenir l’industrie française, en particulier lorsqu’elle est en pointe dans des secteurs innovants, je m’inquiète du fait que ce plafonnement arbitraire à 800 grammes puisse être trop facilement qualifié de protectionniste.
En effet, les modèles phares de Parrot, notre champion national, sont systématiquement en dessous du seuil : le quadricoptère Bebop 2 pèse 500 grammes et la nouvelle aile Disco, 750 grammes. A contrario, les produits grand public du chinois DJI sont systématiquement au-dessus : le Phantom 3 pèse 1 280 grammes et le Phantom 4 pèse 1 380 grammes. Certes, DJI vient de sortir un nouveau modèle Mavic qui pèse 743 grammes, mais il n’est pas certain que cela suffise à convaincre de la neutralité du choix de 800 grammes.
Enfin, un plafonnement uniforme à 800 grammes laisse entendre que le seuil réglementaire pourrait être le même pour les différentes obligations d’enregistrement – article 1er –, de formation – article 2 – et de signalement-limitation de capacités – article 4. Cela est contraire à l’esprit initial de la proposition de loi, qui vise à mettre en place une série d’obligations croissantes en fonction de la dangerosité potentielle du drone utilisé, en général corrélée à son poids. Il ne serait pas aberrant que l’obligation d’enregistrement s’impose à tous les drones capables de voler en extérieur, soit au-dessus de 250 grammes, et que le signalement électronique ne concerne que les plus lourds, au-dessus de 800 grammes par exemple. Est-ce bien ce que vous envisagez dans les décrets d’application, monsieur le secrétaire d’État ?
Ma seconde réserve porte sur l’utilité réelle du dispositif de signalement sonore en cas de perte de contrôle, qui risque au contraire d’accroître les risques par d’éventuels déclenchements intempestifs susceptibles de perturber le télépilote. Comment distinguer une perte de contrôle d’une figure de voltige par exemple ?
De plus, les drones réellement silencieux sont rares, on entend en général le bourdonnement des rotors ou le sifflement du déplacement dans l’air, ce qui, dans les faits, suffit généralement à attirer l’attention des personnes à proximité. Surtout, il faudrait prévoir un type de système sonore qui serait encore capable de fonctionner si tous les systèmes électriques sont en panne sur le drone en train de tomber.
Néanmoins, il apparaît que sa mise en œuvre ne constitue pas une contrainte insurmontable pour les industriels du secteur, d’autant plus qu’il n’y aura pas d’obligation rétroactive d’équipement pour les drones déjà enregistrés au 1er juillet 2018.
Au final, ma conviction, à laquelle adhère la commission tout entière, est que l’intérêt d’une entrée en vigueur rapide du texte l’emporte sur ces quelques réserves et justifie des concessions.
Nous sommes au terme d’une année d’échanges depuis la publication du rapport du SGDSN, et je considère désormais que cette proposition de loi est suffisamment aboutie pour être adoptée sans délai supplémentaire. (M. Xavier Pintat opine.) Le marché du drone civil connaît une expansion fulgurante et chaque mois écoulé rend sa régulation d’autant plus difficile que nécessaire. Le législateur se doit d’être réactif : il est à l’honneur du Sénat d’être en mesure de proposer, d’examiner et de faire aboutir, en un temps record et sans procédure accélérée, un texte sur un domaine innovant, dans lequel la France excelle.
Par conséquent, nous avons estimé que cette proposition de loi apporte une réponse attendue aux préoccupations exprimées par l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse des fabricants, des utilisateurs, des tiers, ou de l’administration. Elle prévoit une réglementation équilibrée, permettant de conjuguer les exigences de sécurité et l’essor du marché.
Pour cette raison, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est, à l’unanimité, favorable à son adoption conforme par le Sénat, en dépit des quelques réserves soulevées. Il ne reste qu’à espérer que notre travail puisse désormais inspirer les réflexions en cours au niveau européen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Leila Aïchi et M. Jean-François Longeot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les auteurs de la proposition de loi, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, selon toute vraisemblance, nous en arrivons au terme des discussions sur ce texte.
En effet, comme l’a très bien expliqué notre rapporteur, mon collègue haut-savoyard Cyril Pellevat – et je salue la qualité du travail qu’il a effectué sur ce texte –, l’Assemblée nationale a repris l’essentiel de nos travaux de première lecture.
Elle a tout de même apporté au texte un certain nombre de modifications. Les deux principales sont, d’une part, l’inscription dans la loi du seuil défini pour les obligations d’enregistrement, de formation et de signalement-limitation de capacités et sa fixation au poids de 800 grammes et, d’autre part, la mise en place d’un dispositif de signalement sonore permettant d’alerter les personnes qui se trouvent sur la trajectoire d’un drone en cas de perte de contrôle du télépilote.
Ces innovations ne vont pas sans poser quelques difficultés de mise en œuvre, difficultés qui ont été très bien exposées par notre rapporteur à l’instant. Mais, avec lui, nous concluons que ces difficultés ne méritent pas de prolonger inutilement nos débats. Nous souscrivons à la proposition faite par notre commission d’adopter conforme le présent texte, d’autant qu’il y a en réalité urgence à légiférer.
On le sait, le développement considérable du secteur des drones s’est déjà accompagné de nombreux incidents. Comme je l’avais également signalé en première lecture, en 2014 et 2015, une vingtaine de sites sensibles français, abritant des activités nucléaires ou militaires, ont été survolés illégalement par des drones.
Notons aussi que l’utilisation croissante de drones militaires, commerciaux et de loisirs pourrait également entraîner des collisions entre ces appareils sans pilote et des avions de ligne, avec des conséquences catastrophiques. Je rappelle qu’un avion de la compagnie British Airways a d’ailleurs été concerné à l’aéroport international de Genève, voilà quelques jours.
De plus, en cette période où la menace terroriste est à son paroxysme, ces vols représentent un risque réel et croissant. L’État se doit d’agir rapidement. La technique de miniaturisation, notamment des charges explosives, et des drones pouvant porter ces charges est de nature à nous inquiéter. Il est important qu’au cours des débats parlementaires, dans le contexte actuel, nous puissions évoquer cette question.
La population découvre l’important potentiel des applications, autrefois réservées à l’armée, des aéronefs sans passager à bord, qui sont très performants, extrêmement légers et vendus à des prix abordables. J’ai pu moi-même en faire l’expérience récemment, ayant offert à mon père un drone de ce type.
Les drones de loisirs et civils étant à la fois relativement nouveaux et leurs usages en plein développement, la réglementation dans ce domaine comporte certaines zones d’ombre. C’est la raison pour laquelle le Parlement doit s’adapter en encadrant davantage cette filière et en réprimant l’usage malveillant et illicite des drones pour mieux contrôler leurs utilisateurs.
Il faut légiférer intelligemment. La France doit mieux réglementer l’usage de ces aéronefs circulant sans personne à bord, non seulement pour ne pas mettre en danger l’aviation civile, mais également pour profiter de l’accès du grand public à cette technologie en vue d’inciter des entrepreneurs et des investisseurs à s’implanter durablement en France.
Il existe déjà 1 200 sociétés, essentiellement des PME et des TPE, qui travaillent dans la fabrication de ce type d’aéronefs, dont l’entreprise française Parrot, qui est l’un des leaders mondiaux dans ce domaine.
À l’horizon 2020, le marché potentiel pourrait atteindre 180 millions d’euros par an pour notre pays.
En dehors de l’usage militaire et civil, les drones sont essentiellement portés par la filière de l’audiovisuel et de la photographie, premier secteur d’activité ayant entraîné la création d’environ 50 % de petites sociétés d’experts ou d’auto-entrepreneurs.
À l’avenir, des perspectives de croissance importantes se dessinent dans les domaines de la surveillance, de la sécurité et de l’agriculture.
Élu, comme notre rapporteur, d’un département de montagne, la Haute-Savoie, j’estime que l’État devrait davantage utiliser les drones dans les milieux naturels difficiles d’accès. Cette technologie est l’occasion pour l’homme de limiter les prises de risques et l’empreinte environnementale.
Les drones pourraient ainsi être employés à titre préventif, en déclenchant, par exemple, des avalanches et en détectant les départs d’incendies ou la présence de pollutions. Les pompiers auraient, eux aussi, la possibilité de s’en servir pour évaluer des sinistres, pour la recherche et le sauvetage de personnes en difficulté en montagne et pour procéder à des largages de vivres, de médicaments et d’équipements dans le cadre de secours d’urgence.
Devant cet avenir économiquement prometteur pour la France, les acteurs de la filière ont toutefois conscience qu’un grave accident risquerait de lui porter un coup d’arrêt fatal et d’obérer son développement. Les professionnels du secteur paraissent, aujourd’hui, majoritairement favorables à la mise en place d’une réglementation équilibrée afin d’accompagner l’essor du marché.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, les membres du groupe de l’UDI-UC que je représente voteront, une fois de plus, cette proposition de loi qui vise à la fois à prévenir les risques et à identifier rapidement les drones coopératifs non menaçants, pour que la filière puisse poursuivre son développement sereinement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, la proposition de loi de nos collègues Jacques Gautier et Xavier Pintat visant à encadrer l’usage des drones civils professionnels et de loisirs.
Nous souscrivons à l’approche qui a été celle des auteurs, à savoir le besoin d’accompagner l’évolution technologique rapide et constante dans le domaine des drones en privilégiant une approche préventive et la nécessité d’informer les usagers.
Il s’agit là d’une réponse équilibrée et aujourd’hui nécessaire à la suite des différents incidents rapportés, tels que le survol répété de sites sensibles ou encore les collisions évitées de justesse aux abords des aéroports.
En effet, la multiplication des possibilités technologiques pose nécessairement la question d’une démocratisation sereine de ces nouveaux potentiels. L’enjeu est d’autant plus important lorsqu’il s’agit d’un domaine comme celui des drones, qui connaît une expansion fulgurante avec près de 4 200 drones professionnels aujourd’hui comptabilisés en France et environ 200 000 drones de loisirs.
Face à ce phénomène, des questions juridiques, technologiques, sécuritaires, mais surtout éthiques se posent. Il est aujourd’hui impératif de parvenir à limiter les accidents, mais surtout l’utilisation de drones à des fins délictuelles ou encore la captation indue d’information. Dans la mesure où l’usage des drones civils est appelé à croître dans les prochaines années, le respect de la vie privée doit être un impératif inébranlable.
Ainsi, au-delà de l’aspect répressif visant l’usage illicite et malveillant des drones, nous estimons que les outils préventifs proposés au travers de ce texte sont une première réponse appropriée : l’enregistrement en ligne ou l’immatriculation, l’obligation de formation et d’information des usagers, le signalement lumineux et sonore, ou encore la mise en place d’un dispositif de limitation de capacités.
L’unanimité qu’a suscitée ce texte en commission prouve que nous nous accordons tous sur l’utilité de tels dispositifs.
L’Assemblée nationale a confirmé l’équilibre de ce texte en y apportant quelques modifications : renforcement du dispositif de signalement, prise en compte des aéromodélistes, adaptation au parc des drones existants, mais surtout introduction des seuils réglementaires dans la loi. C’est sur ce dernier point que je souhaiterais revenir.
En effet, la fixation des seuils à partir desquels les différents dispositifs ont vocation à s’appliquer était, dans la version adoptée par le Sénat en première lecture, renvoyée à des décrets. J’avais d’ailleurs sur ce point appelé à la vigilance afin que le Parlement prenne toute sa part dans l’évolution de la législation en ce domaine.
Il s’avère que l’examen à l’Assemblée nationale a permis d’encadrer dans la loi ces différents seuils de masse, à savoir un premier seuil variable, mais qui ne peut pas excéder 800 grammes, et un second seuil à 25 kilogrammes.
J’ai toutefois bien noté vos réserves, monsieur le rapporteur, sur le choix « arbitraire », selon vous, d’un premier seuil à 800 grammes, qui pourrait constituer un frein.
Cependant, il ne s’agit là que d’un plafond, comme vous l’avez vous-même rappelé, et qui pourra justement être modifié par décret pour tenir compte notamment des évolutions technologiques dans ce domaine, évolutions qui se caractérisent par une miniaturisation croissante des drones.
Ainsi, les modifications apportées par l’Assemblée nationale sur ce point nous apparaissent souhaitables dans la mesure où elles contribuent à la fois à la sécurité juridique en fixant une référence directement dans la loi tout en permettant, dans le même temps, une évolution dans le futur par voie réglementaire.
La nécessité de souplesse de la réglementation ne doit pas être synonyme de contournement du Parlement : la rapidité de la navette parlementaire sur ce texte en est la preuve.
Le groupe écologiste est, en effet, conscient de l’importance de légiférer rapidement afin de répondre aux préoccupations des fabricants, des utilisateurs et des tiers. Et si, bien évidemment, nous nous réjouissons que la France soit pionnière dans ce domaine depuis 2012, nous considérons qu’il est toutefois nécessaire d’impulser un réel élan européen sur ce sujet. Nous ne pouvons pas nous borner au seul niveau national. En effet, il est important d’encourager une harmonisation de la réglementation à l’échelon européen, encore trop peu développée.
Plus encore, si le rapport du Gouvernement publié en octobre 2015 sur l’essor des drones aériens civils et les moyens d’y faire face appelle à une adaptation du corpus juridique, il préconise également un accroissement des travaux de recherche et de développement, y compris dans le cadre de coopérations internationales. Ce texte ne constitue donc qu’une partie de la réponse et il importe de renforcer les moyens capacitaires afin d’offrir une réponse globale et multidimensionnelle.
Le groupe écologiste soutient donc les améliorations apportées au texte initial et reconnaît l’utilité de cette proposition de loi dans sa dimension préventive, d’information et d’accompagnement. C’est pourquoi, comme en première lecture, nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le rapporteur, je tiens tout d’abord à saluer votre excellent état d’esprit sur ce texte et le travail que vous avez réalisé.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils. L’essor rapide de ce marché soulève de nombreux problèmes de sécurité, notamment parce que les drones sont utilisés dans l’espace aérien.
Le rapport du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale remis au Parlement en octobre 2015 a clairement fait apparaître l’inadaptation et le caractère lacunaire du droit applicable en matière d’usage des drones civils. Il souligne également l’insuffisante information des utilisateurs et suggère, en conséquence, d’adapter et de compléter le corpus juridique existant : instaurer de nouvelles obligations dans les domaines de l’information, de la formation, de l’immatriculation et de l’identification.
Face aux évolutions technologiques et à la démocratisation de la pratique des drones, il est urgent de fixer un cadre législatif adapté à l’essor des drones aériens civils, sans pour autant entraver ce secteur à fort potentiel de développement, au sein duquel la France a une place prépondérante et un véritable avenir industriel.
Depuis 2012, des règles existent. Elles ont été précisées par deux arrêtés de décembre 2015 : les vols des drones civils – loisirs, aéromodélisme et activités professionnelles – ne sont autorisés dans l’espace aérien qu’en dessous de 150 mètres, mais sont interdits le vol de nuit, le vol au-dessus des agglomérations et des personnes, sauf autorisation du préfet, le vol dans les zones situées dans un rayon de 5 kilomètres autour des aérodromes – la distance est portée à 15 kilomètres si leurs pistes dépassent 1 200 mètres – et la circulation « hors vue » de leurs utilisateurs.
La proposition de loi qui nous revient de l’Assemblée nationale prévoit une obligation d’enregistrement des drones de plus de 800 grammes. Ce seuil est susceptible d’être abaissé par le pouvoir réglementaire afin de prendre en compte les évolutions techniques à venir, notamment la réduction des formats de drones. Ceux qui excèdent le poids de 25 kilogrammes doivent, quant à eux, être immatriculés. Bien entendu, nous sommes en accord avec ces deux précisions de seuil.
La proposition de loi définit la notion de télépilote en distinguant le vol manuel, le vol automatique et le vol autonome et prévoit une formation des télépilotes de drones de plus de 800 grammes.
Par ailleurs, le texte impose aux fabricants et importateurs de drones de loisirs la fourniture d’une notice d’information relative à leur usage. Cette obligation s’applique à l’ensemble des drones, et non pas seulement aux drones de loisirs.
Les drones à usage professionnel et de loisirs de plus de 800 grammes devront comporter un dispositif de signalement lumineux et électronique ou numérique, ainsi qu’un dispositif de limitation des performances. Nos collègues députés ont fait le choix d’imposer un dispositif de signalement sonore permettant, en cas de perte de contrôle du drone, d’alerter les personnes situées sur sa trajectoire, sauf si le drone évolue « dans un cadre agréé et dans des zones identifiées à cet effet ».
Enfin, la proposition de loi étend aux télépilotes les dispositions déjà prévues pour les pilotes, à savoir le délit de survol par maladresse ou négligence d’une zone du territoire français en violation d’une interdiction prononcée.
Le drone est bel et bien devenu un loisir de masse. D’après l’institut GFK, les ventes ont triplé en France en 2015. Une croissance de 30 % est prévue en 2016. Il est vrai que les drones trouvent de nombreuses applications dans le secteur des loisirs, comme dans le domaine professionnel.
La capacité du drone à embarquer une charge utile, telle que caméra, capteurs ou instrument de mesure, lui permet de réaliser des missions variées. La capture de données permet une multitude d’applications dans des domaines allant de l’agriculture aux ouvrages d’art – ponts, viaducs, barrages, éoliennes… –, en passant par le BTP, la police, l’industrie ou l’audiovisuel. Elle permet également de réaliser des missions d’observation, de surveillance et d’inspection – dans le cadre d’études scientifiques, de gestion de situations d’urgence, de détection des pollutions… –, des opérations de transport, de livraisons, de cartographie, ou de lutte contre les incendies.
L’avenir des drones dans le domaine de l’agriculture et de la sylviculture apparaît particulièrement prometteur au regard de leur capacité à apporter des éléments d’aide à la décision, à l’heure où le monde agricole cherche à produire plus et mieux, tout en préservant l’environnement et en offrant aux agriculteurs de meilleures conditions de travail.
Même les Champs-Élysées – comme l’a rappelé notre rapporteur – ont vu, au début de septembre, une première course de drones, organisée par la Mairie de Paris, avec succès, nous a-t-on dit.
Certains de nos collègues ont été sollicités par des présidents de clubs d’aéromodélisme. Cette pratique est ancienne ; elle concerne des passionnés d’aéronautique qui font voler des appareils qu’ils construisent souvent eux-mêmes. Cette activité passionnante se pratique en clubs, sur des sites agréés par la DGAC. Ils sont pilotés à vue, ce qui les distingue souvent des drones. Notre rapporteur a souligné que l’article 2 a été modifié par les députés pour garantir que les aéromodélistes ne soient pas soumis à une double obligation de formation, dans la mesure où ceux-ci sont déjà formés dans le cadre de leur club.
Dans le même esprit, à l’article 4, les aéromodélistes sont exonérés de l’obligation de s’équiper d’un dispositif de signalement et de capacité quand ils pratiquent dans un cadre agréé et dans des zones identifiées.
Cette proposition de loi marque une nouvelle étape dans l’encadrement juridique de l’usage des drones civils. Toutefois, face à cette technologie très évolutive, il est vraisemblable que l’arsenal législatif devra évoluer au même rythme dans les prochaines années.
Malheureusement, nos craintes en matière de sécurité ont été validées par un incident grave révélé récemment : une attaque réalisée le 2 octobre dernier à l’aide d’un drone piégé a gravement blessé deux commandos français en Irak et coûté la vie à deux combattants kurdes. Sous réserve de plus d’informations, cet acte criminel aurait été commis à l’aide d’un banal appareil grand public transportant une charge explosive déclenchée sur une courte distance.
Ce texte vient donc à point pour encadrer la pratique des drones et leur régulation dans l’espace aérien. C’est un texte consensuel qui doit être rapidement mis en application, au regard de toutes les raisons évoquées précédemment. Le groupe socialiste et républicain votera donc en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)