M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 314.
M. Joël Labbé. M. Courteau a très bien défendu cet amendement. Je vais toutefois en rajouter une petite couche. (Sourires.)
En leur ouvrant des droits nouveaux au fil des années, nous considérons de plus en plus les jeunes concernés comme des citoyens plus précoces que l’on nous considérait au même âge ; je parle pour notre génération, celle de leurs grands-parents…
La participation de ces jeunes au débat citoyen prouve qu’ils ne se désintéressent nullement des débats qui animent le pays et que leur conscience politique est réelle, dès lors qu’on leur permet de s’exprimer.
Parmi les jeunes eux-mêmes, certains pourraient douter de leur capacité à choisir. Mais je crois qu’il faut leur faire confiance et leur permettre de s’exprimer quand ils en sont capables. Nous ne pouvons pas nier leur droit d’avoir une opinion, de la faire valoir et, le cas échéant, de manifester une opposition.
L’autonomisation des jeunes va crescendo. La question de la remise en cause de l’âge du droit de vote mérite donc d’être posée. L’abaissement à seize ans pour certaines élections a été expérimenté et approuvé en Suisse ou en Allemagne, pour ne citer que des pays voisins. L’Autriche, pionnière en la matière, permet aux jeunes de voter dès seize ans à toutes les élections. À ma connaissance, l’Autriche n’est pas un pays sinistré !
L’octroi du droit de vote aux jeunes de seize et dix-sept ans permettra également de lutter contre l’abstentionnisme – cela a été évoqué tout à l’heure –, en mobilisant une nouvelle force vive, d’avenir, plus encline à voter aux prochaines élections, mais également aux suivantes. Face au désenchantement de leurs aînés du fait de la situation économique, sécuritaire et politique, les jeunes constitueront, nous l’espérons, le vivier du renouveau démocratique.
Bien évidemment, une telle mesure doit être assortie d’une réelle volonté d’éduquer les plus jeunes à la citoyenneté, au débat d’idées et au bien commun. N’oublions pas de les accompagner, afin qu’ils puissent construire et développer leur intérêt pour la chose publique, leur esprit critique et leur capacité d’analyse.
Je propose donc a minima qu’une étude de faisabilité et une expérimentation soient mises en place pour examiner les possibilités ouvertes par l’élargissement du droit de vote aux jeunes de seize et dix-sept ans.
Je souhaite répondre à ceux qui craignent que les jeunes votent comme leurs parents, voire ne votent pas. Jadis, on craignait bien que les femmes votent comme leur mari ; au regard de l’Histoire, ce n’est pas si vieux !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Joël Labbé. Le candidat ou la candidate à l’élection présidentielle qui, à condition d’être crédible et de ne pas tomber dans le populisme ou le jeunisme, intégrerait cette idée dans son programme et s’engagerait à la mettre en œuvre avant la fin de son mandat aurait ma voix !
M. Bruno Retailleau. Je le note ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur Labbé, je ne suis pas candidate à l’élection présidentielle… (Sourires.)
J’ai apprécié votre propos et la cohérence de vos convictions. Mais je voudrais vous rassurer. Ici, il n’y a aucune déprime ! Je l’ai indiqué lors de la discussion générale. Nous l’avons démontré en adoptant les dispositions du titre Ier sur la réserve civique ou le service civique. Nous avons considéré qu’il était de notre devoir d’intégrer les jeunes dans la société, mais aussi de les protéger.
Les amendements identiques nos 87 et 314, qui visent à abaisser le droit de vote de dix-huit à seize ans, sont contraires à l’article 3 de la Constitution, qui réserve le droit de suffrage aux « nationaux français majeurs des deux sexes ». La loi ne peut pas accorder le droit de vote à des personnes qui resteraient mineures en matière civile et pénale.
Enfin, l’âge de dix-huit ans fait, me semble-t-il, consensus dans les démocraties européennes. C’est l’âge de la majorité électorale dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, à la seule exception de l’Autriche, que vous avez évoquée.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Je salue également MM. Courteau et Labbé, dont les interventions ont fait apparaître la grande sincérité des convictions.
Mon analyse complétera celle de Mme la rapporteur. Je ne vous le cache pas, le sujet m’interpelle. L’article 3 réserve effectivement le droit de vote aux Français des deux sexes ayant atteint l’âge de la majorité civile. C’est ainsi que l’âge de la majorité civile, donc celui de la capacité électorale, a été ramené de vingt et un ans à dix-huit ans par une loi de 1974.
Certes, il est possible de séparer majorité civile et majorité électorale. Mais chacun comprend bien qu’une telle réforme exigerait une révision préalable de la Constitution.
Par conséquent, au-delà de l’opinion que l’on peut avoir sur le fond – j’ai entendu les arguments sur la mobilisation de la jeunesse de notre pays et la conviction que l’ouverture de nouveaux droits contribuerait à la réalisation de la promesse républicaine rappelée par les auteurs des deux amendements –, les conditions nécessaires à la mise en œuvre d’une telle réforme ne me semblent pas réunies aujourd'hui. Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements identiques ; faute de quoi, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, j’entends votre argument sur la nécessité d’une révision constitutionnelle. Quoi qu’il en soit, le débat est lancé ; je sais que vous n’y êtes pas indifférent.
Madame la rapporteur, je suis d'accord avec vous lorsque vous indiquez que nous sommes également là pour protéger nos jeunes. Mais, justement, tout est lié ! Protéger nos jeunes, c’est aussi préserver l’intérêt des générations futures. Dans tous les textes que nous avons examinés, comme celui sur la biodiversité ou celui sur la transition énergétique, nous avons toujours visé l’intérêt des générations futures et le bien commun ! Nous avons eu beaucoup de discussions à ce propos.
Je retire mon amendement, heureux que le débat soit lancé.
M. le président. L'amendement n° 314 est retiré.
Monsieur Courteau, l’amendement n° 87 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Mon amendement était également une invitation au débat. Je n’envisage pas à ce stade de proposer une révision de la Constitution.
Au demeurant, je n’ignore pas que certains jeunes de seize et dix-sept ans sont pour, mais que d’autres sont contre. Selon une mini-enquête réalisée au lycée Jacques-Ruffié de Limoux, dans l’Aude, 20 % des jeunes entre seize et dix-sept ans sont pour le vote à seize ans, tandis que 42 % sont contre et que 38 % ne se prononcent pas.
Certains des partisans de cette idée mettent en avant le fait que, à partir de seize ans, beaucoup de jeunes s’émancipent des idées de leurs parents et voient la politique sous un jour nouveau. D’autres affirment que le droit de vote à seize ans rendrait les jeunes « plus autonomes et responsables », en les incitant à s’engager et à s’impliquer dans la société. D’autres encore indiquent que cela permettrait à la jeunesse de se faire entendre et que cette liberté supplémentaire ouvrirait l’esprit des jeunes à la politique, un domaine qu’ils croient réservé aux anciens.
À l’inverse, les opposants aux droits de vote à seize ans évoquent le « manque de maturité, de réflexion ou de recul » de certains jeunes ou considèrent que les connaissances politiques sont « peu affirmées » à cet âge. Certains ajoutent être trop influençables ou facilement manipulables, avec des opinions « plus influencées que fondées ». En résumé, ils regrettent de n’avoir que trop peu de contacts avec l’extérieur, d’être « incultes politiquement », d’avoir une mauvaise compréhension des enjeux ou encore de manquer de repères et de sens critique.
Ceux qui ne se prononcent pas – ils sont près de 40 % – s’interrogent ; ils demandent à réfléchir, à s’informer. Enfin, et cela rejoint les propos de Joël Labbé, certains prônent une « expérimentation grandeur nature » sur une élection avant de décider de quoi que ce soit.
Le sujet n’est évidemment pas des plus faciles. Raison de plus pour en débattre ! Le temps qui passe nous incitera, je le crois, à y revenir. En attendant, je retire bien volontiers mon amendement.
M. Joël Guerriau. Nous venons d’assister à un débat formidable : deux de nos collègues, faisant eux-mêmes les questions et les réponses, viennent de nous apporter les éléments qui justifient le retrait de leurs propres amendements… (Sourires sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Roland Courteau. Je vous ai fait part des résultats d’une enquête ! Il fallait écouter !
M. Joël Guerriau. Chaque fois qu’il y a eu des évolutions relatives au droit de vote, c’est parce qu’il y avait eu des revendications en ce sens. Or, et vous le reconnaissez vous-même, mon cher collègue, il n’y a pas de revendication en faveur du droit de vote à seize ans de la part des concernés. D’ailleurs, pourquoi seize ans, et pas dix-sept ans, ou même quatorze ans ou quinze ans ?
Pour voter, il faut au moins s’intéresser aux sujets qui font l’objet de votes. Or ce ne sont pas nécessairement ces sujets qui intéressent les jeunes de seize ans aujourd'hui. Je le vois bien : les préoccupations de mes deux plus jeunes enfants, qui ont dix-sept ans – ce sont des jumeaux –, en sont très éloignées.
M. Roland Courteau. Ce n’est pas le cas de tous les jeunes !
M. Joël Guerriau. Laissons donc les jeunes eux-mêmes s’exprimer, par exemple dans les conseils de jeunes. J’en rencontre beaucoup dans ce cadre, et je les écoute. Honnêtement, je n’ai pas le sentiment que le droit de vote à seize ans soit pour eux une attente forte.
Je trouve donc un peu curieux de la part de certains d’entre nous de vouloir parler à leur place, d’autant que, selon vos propres chiffres, les premiers concernés sont loin d’être convaincus de l’utilité d’une telle mesure.
En revanche, il me semblerait utile de s’interroger sur l’abstention chez les jeunes de dix-huit ans. Le droit de vote permet de s’exprimer, mais encore faut-il l’utiliser !
M. Joël Labbé. Il faut que ces jeunes en aient envie !
Article 16 decies
(Supprimé)
Article 17
Toute personne, âgée de seize ans, lors de sa sortie du statut d’ayant droit à l’assurance maladie puis à l’âge de vingt-trois ans, bénéficie d’une information individualisée, délivrée par les organismes gestionnaires des régimes obligatoires d’assurance maladie, sur ses droits en matière de couverture du risque maladie ainsi que sur les dispositifs et programmes de prévention dont elle peut bénéficier.
Un décret précise le contenu de cette information ainsi que les modalités de sa diffusion.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. L’article 17 prévoit une information individualisée pour aider les jeunes de seize ans, dix-huit ans et vingt-trois ans à connaître leurs droits, ainsi que les dispositifs de prévention et examens de santé auxquels ils peuvent prétendre gratuitement.
L’accès aux droits en matière de santé étant un sujet important, le fait de cibler l’ensemble d’une classe d’âge constitue véritablement un progrès. Cet article représente donc une grande avancée.
Toutefois, je regrette que la rédaction de l’Assemblée nationale, en vertu de laquelle l’information délivrée aux jeunes devait comprendre un relais à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse, ait été supprimée par la commission spéciale du Sénat. En effet, ce volet me semble essentiel. Si l’âge des jeunes au premier rapport sexuel reste relativement stable depuis les années 2000, il subsiste de fortes inégalités chez les jeunes en termes de connaissance de leurs droits et d’information sur la sexualité. Plusieurs rapports, dont récemment celui de l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, pointent le besoin d’information des jeunes filles sur leurs droits, les méthodes de contraception et les lieux pour y avoir accès.
Par ailleurs, les pratiques et représentations sexuelles des jeunes restent très marquées par des stéréotypes de sexe, parfois en lien avec des violences sexistes et sexuelles : forte méconnaissance de leur corps par les jeunes filles, violences sexuelles, cyberharcèlement, homophobie…
Si la loi du 4 juillet 2001 a rendu obligatoire une information à l’éducation à la sexualité à l’école, avec trois séances annuelles de la maternelle à la terminale, cette disposition est mise en œuvre de manière très inégale selon les territoires et, globalement, de manière très parcellaire.
De même, la disposition que j’avais fait introduire dans la loi du 9 juillet 2010, à savoir qu’une information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple soit dispensée à tous les stades de la scolarité, n’est pas forcément appliquée partout.
Un temps d’information obligatoire serait donc le bienvenu pour garantir l’accès de tous les jeunes à une information complète et de qualité. Ce sera l’objet d’un sous-amendement que je présenterai au nom du groupe socialiste et républicain.
M. le président. L'amendement n° 725, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Chaque jeune bénéficie d’une information individualisée, délivrée par les organismes gestionnaires des régimes obligatoires d’assurance maladie, sur les droits en matière de couverture du risque maladie, sur les dispositifs et programmes de prévention, sur les consultations accessibles aux jeunes consommateurs proposées par les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie mentionnés au 9° de l’article L. 312-1 du code l’action sociale et des familles ainsi que sur les examens de santé gratuits, notamment celui prévu à l’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale, dont il peut bénéficier. Elle est délivrée à seize ans, lors de la sortie du statut d’ayant droit à l’assurance maladie puis à vingt-trois ans, selon les modalités prévues par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Kanner, ministre. La commission spéciale a modifié la rédaction de l’article 17, rendant sa compréhension plus difficile pour les jeunes concernés par l’information qui a été évoquée avec justesse par M. le sénateur Courteau. Elle a également supprimé diverses précisions quant au contenu de cette information.
Le Gouvernement propose donc de rétablir le texte de l’Assemblée nationale. Ce dernier me semble plus lisible et plus complet. Il prévoit explicitement que l'information est délivrée à trois moments : à seize ans, puis au moment de la sortie du statut d'ayant droit, dans la plupart des cas à dix-huit ans, et à vingt-trois ans. La commission spéciale a aussi supprimé la mention de l'examen de santé gratuit, qui nous semble nécessaire.
La rédaction retenue par l’Assemblée nationale nous paraît donc plus conforme à l’esprit de l’article 17.
M. le président. Le sous-amendement n° 424 rectifié, présenté par MM. Courteau, Magner et Guillaume, Mmes Blondin, Cartron, Conway-Mouret et Lienemann, MM. Lozach, Richard, Rome, Sueur, Vandierendonck et Vaugrenard, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Amendement 725
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre VI du livre II du code de la sécurité sociale est complété par un article L. 262-1-… ainsi rédigé :
II. – Alinéa 2
1° Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 262-1-… – Chaque jeune…
2° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette information comporte un volet relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Ce sous-amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, les bras m’en tombent !
Mme Françoise Laborde. Chacun son tour !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Certes, il était temps que cela m’arrivât. (Sourires.)
Vous proposez de rétablir le texte de l’Assemblée nationale. L’article 17 concerne bien – nous en sommes tout à fait d'accord – l’information qui doit être donnée à des jeunes entre seize et vingt-trois ans à trois moments. Or, pas plus tard qu’hier, vous avez supprimé la phrase selon laquelle l’information qui va être donnée aux jeunes à trois reprises comporte un volet relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse. C’est pourtant sur cette phrase que le Gouvernement avait souhaité prendre appui pour déposer son amendement sur l’extension du délit d’entrave à l’IVG. De là – pardonnez mon audace – à y voir une validation rétroactive de notre sage décision de déclarer irrecevable cet amendement, il n’y a qu’un pas, que j’ose franchir !
Sur le fond, je considère sincèrement que notre rédaction est meilleure. D’abord, je ne sais pas ce qu’est un « jeune » ; on a du mal à situer la limite.
M. Yannick Vaugrenard. De sept à soixante-dix-sept ans ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ce terme ne me paraît donc pas suffisamment précis pour figurer dans la loi.
Ensuite, il est toujours aventureux d’introduire des énumérations dans la loi ; on risque fort d’oublier des éléments. En plus, lorsqu’on est amené par la suite à faire des modifications, on est obligé de revenir à la loi. En l’occurrence, le mécanisme du décret permettrait de lister de manière précise le contenu de l’information.
Vous le voyez, je ne nie pas l’utilité du volet relatif à l’information. J’offre simplement plus de marges de manœuvre pour permettre un ajustement au fur et à mesure, en fonction des besoins.
Enfin, vous évoquez le fait que la suppression des dispositions relatives aux examens de santé gratuits pose problème. Or, encore une fois, avec une lecture attentive, vous verrez sûrement que notre rédaction prévoit que l’information porte également sur les programmes de prévention, qui comprennent les examens de santé gratuits.
Avec beaucoup de regrets et de respect, j’émets un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le ministre.
M. le président. J’imagine que l’avis est également défavorable sur le sous-amendement…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oui, tout en indiquant que vous pouvez remercier votre majorité, qui essaie de vous sauver en reprécisant les choses. Toutefois, par cohérence, je suis également défavorable au sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 424 rectifié ?
M. Patrick Kanner, ministre. Manifestement, nous n’avons pas la même lecture du texte. Vous parlez d’examen gratuit, madame la rapporteur, mais permettez-moi de vous lire l’article 17 tel qu’il est issu de vos travaux : « Toute personne, âgée de seize ans, lors de sa sortie du statut d'ayant droit à l'assurance maladie puis à l'âge de vingt-trois ans, bénéficie d'une information individualisée, délivrée par les organismes gestionnaires des régimes obligatoires d'assurance maladie, sur ses droits en matière de couverture du risque maladie ainsi que sur les dispositifs et programmes de prévention dont elle peut bénéficier. » Je suis désolé, la gratuité n’est pas mentionnée, mais peut-être avez-vous une lecture sélective des articles issus de la commission spéciale.
Pour ma part, je préfère mon amendement, qui précise les dates exactes auxquelles le droit à ces contrôles de santé, extrêmement utiles, pourront être mises en œuvre au profit de la jeunesse.
Vous avez essayé de me convaincre, mais c’est loupé, si vous me permettez cette expression.
M. Bruno Retailleau. C’est dommage !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ne désespère pas ! (Sourires.)
M. Patrick Kanner, ministre. J’espère bien ! Ce débat nous en donne l’occasion rêvée…
Monsieur Courteau, votre sous-amendement vise à rétablir le volet « information » relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse, qui prévoit une information individualisée délivrée à tous les jeunes pas les organismes gestionnaires de régimes obligatoires d’assurance maladie.
J’entends ceux qui soulignent qu’il n’est pas indispensable en droit d’apporter cette précision, mais en ces temps où même ce qui paraissait le plus inébranlable recule – je vais vous donner un exemple concret dans quelques instants –, il n’est pas inutile de graver dans le marbre que l’éducation à la sexualité et l’information sur le droit à l’IVG sont indispensables pour que chacun puisse maîtriser sa vie, faire ses choix, disposer de son corps. Il n’est pas anodin de l’indiquer dans la loi pour le conforter ; il n’est pas anodin de dire que l’IVG est un droit pour toutes les femmes ; il n’est pas anodin non plus de poser des actes forts dans la loi de la République.
Je voudrais rappeler ce qu’il s’est passé hier soir lors d’une émission de télévision.
Mme Élisabeth Doineau. On n’a pas le temps de regarder la télé ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Patrick Kanner, ministre. J’étais ici avec vous, je le sais, mais je peux vous apprendre comment fonctionne le replay. (Sourires.)
L’émission en question s’appelle Touche pas à mon poste ! Un groupe anti-IVG a envahi le plateau, avec la complaisance d’un animateur bien connu, Cyril Hanouna.
Je veux redire ici avec force que l’on a le droit d’être moralement, intellectuellement, religieusement opposé à l’IVG, mais cela ne change rien au fait qu’il s’agit avant tout d’un droit ouvert aujourd’hui à toutes les femmes dans la République française.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Patrick Kanner, ministre. Nous devons garantir une information spécifique, ambitieuse et dédiée sur ce droit.
Madame la rapporteur, j’espère que vous vous rallierez à mes arguments en appelant finalement à voter le sous-amendement et l’amendement. Au nom de la cause des femmes, nous ferons front dans cette période où certains veulent tout remettre en cause.
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Patrick Kanner, ministre. Nous avons là l’occasion de faire en sorte que tous les jeunes reçoivent cette information sur l’IVG, qui résistera, parce qu’elle est dans la loi, aux circonstances politiques malheureuses qui peuvent survenir, aujourd’hui et demain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. Le groupe CRC est plus que satisfait de votre volonté, monsieur le ministre, de transmettre aux jeunes ces informations et de conserver tous ces acquis que sont l’égalité, la contraception ou l’IVG, qui ont été obtenus de haute lutte et qui sont maintenant consacrés par la loi. C’est un plaisir d’entendre de tels mots dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 424 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 714, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le début de cet article :
Le chapitre II du titre VI du livre II du code de la sécurité sociale est complété par un article L. 262-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 262-1-… – Toute personne…
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Au préalable, je conseillerais à M. le ministre, dont nous avons évoqué hier les goûts musicaux, de regarder davantage Arte… Je pense aussi que certains s’ingénient à créer un buzz autour de ce sujet délicat. Or on récolte ce que l’on sème.
J’en viens à l’amendement n° 714, qui vise à inscrire dans le code de la sécurité sociale cette obligation, sur laquelle nous sommes d’accord, monsieur le ministre, de délivrer une information à trois reprises aux jeunes assurés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Rassurez-vous, madame la rapporteur, il m’arrive aussi de regarder Arte,…
Mme Sophie Primas. Vous en avez du temps ! (Sourires.)
M. Patrick Kanner, ministre. … en particulier le soir, quand je rentre tard, après avoir exercé mes fonctions ministérielles. Vous le voyez, ma culture se forme aussi en regardant la chaîne franco-allemande ou d’autres émissions culturelles, mais il faut aussi savoir suivre, de temps en temps, les émissions que regardent les jeunes.
Mme Sophie Primas. Sympa pour Arte ! (Rires.)
M. Patrick Kanner, ministre. Pour en revenir à votre amendement, cette inscription du dispositif d’information, qui figure dans le code de la santé publique, ne me semble pas indispensable, mais je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée, ce qui devrait vous faire plaisir.
M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article additionnel après l'article 17
M. le président. L'amendement n° 96 rectifié, présenté par Mme Jourda, M. D. Bailly et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, est mise en place dans des académies sélectionnées une expérimentation visant à mettre en place des modules de formation aux droits du travail pour les élèves lycéens de l’ensemble des filières. Cette formation a lieu dans le cadre de l’enseignement moral et civique mentionné à l’article L. 312-15 du code de l’éducation.
Un arrêté ministériel précise la liste des académies sélectionnées ainsi que les conditions dans lesquelles cette formation sera dispensée.
Un rapport est remis par le Gouvernement au Parlement à la fin de cette expérimentation.
La parole est à Mme Gisèle Jourda.