M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ma chère collègue, je vous sais gré d’avoir retravaillé votre amendement pour trouver une voie de compromis. Toutefois, le maintien de la condition liée à l’âge des membres de l’instance dirigeante de l’association, même réduite à la moitié de ses membres, ne me semble ni légitime ni utile, et je crains que son application ne soit difficile. En effet, le renouvellement des instances dirigeantes d’une association peut être annuel – il l’est très souvent –, alors que les mandats des représentants nommés pour siéger au CESER durent six ans.
Compte tenu de cette précision et de la complexité qui entourerait la mise en œuvre de votre amendement, je vous prie de bien vouloir le retirer. À défaut, je serai contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement présenté par Mme Gillot, car il vise à rétablir partiellement une disposition que les députés avaient adoptée afin de s’assurer que les représentants d’associations de jeunesse et d’éducation populaire soient des jeunes de moins de trente ans.
Je constate que la participation au CESER des associations de jeunesse et d’ « éduc pop », comme l’on dit, ne fait pas débat, et je m’en réjouis. La question de les adjoindre aux associations agissant dans le domaine de l’environnement et du développement durable peut se poser.
En revanche, et en cohérence avec ce qui a toujours été la position du Gouvernement, nous sommes attachés à ce que des jeunes investissent effectivement les CESER. Nous souhaitons ouvrir aux jeunes toutes les portes qu’il leur sera possible de pousser. Celle des CESER, pour l’instant – chacun peut le constater –, n’est qu’entrouverte par la rédaction retenue par la commission spéciale du Sénat. Je suis donc favorable à ce que nous allions plus loin pour reconnaître ce poids des jeunes. Cela répond d’ailleurs aussi en partie à la préoccupation de M. Kaltenbach, qui proposait d’utiliser les CESER comme un bon moyen de mobilisation de la jeunesse française.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Tout en remerciant M. le ministre pour l’avis favorable qu’il a émis, je voudrais m’adresser à Mme la rapporteur.
Ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas tâcher d’y parvenir ! Nous sommes bien placées pour le savoir, nous qui sommes des femmes élues : si aucun objectif de parité, d’égalité de représentation, n’était fixé par la loi, je pense que nous serions toujours, à l’heure qu’il est, réduites à la portion congrue. C’est compliqué, parfois, y compris dans une assemblée comme le Sénat, dont les sièges sont renouvelables par moitié ! Mais je pense que des objectifs ambitieux doivent être défendus.
Celui que je défends, soutenue par l’avis favorable de M. le ministre, me semble tout à fait raisonnable et accessible, propre à faire avancer la bonne représentation des jeunes – nous fixons la limite à trente ans – qui s’investissent dans les instances chargées de débattre des sujets qui les concernent.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Dans le droit fil des observations qui ont été faites, je ferai remarquer que si nous commençons à assurer une représentation par strate d’âge et par catégorie socioprofessionnelle de l’ensemble de la population, franchement, nous n’y arriverons pas !
J’ajoute qu’aujourd’hui les CESER sont installés au centre des nouvelles régions : il faut parcourir un grand nombre de kilomètres pour participer à leurs réunions. Je ne suis pas certain que la population concernée par cet amendement soit en mesure d’assumer de telles responsabilités, qui représentent un coût en temps extrêmement important.
Il s’agit une nouvelle fois d’une proposition dont les limites sont patentes au premier coup d’œil et qui ne pourra absolument pas être appliquée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 ter, modifié.
(L'article 16 ter est adopté.)
Article 16 quater
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 249, présenté par Mme Prunaud, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux tend à refléter la population du territoire régional, telle qu’issue du dernier recensement, dans ses différentes classes d’âge. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Nous ne pouvons que nous interroger sur la suppression de cet article. Dans un temps où chacune et chacun d’entre nous approuvent un renouvellement, notamment générationnel, des élus et représentants politiques – nous en avons déjà parlé longuement –, la commission spéciale a choisi de supprimer une mesure allant pourtant en ce sens.
Certes, les CESER ne sont pas des structures délibérantes ; elles ont toutefois vocation à être représentatives de la population. Or c’est là que le bât blesse ! Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 15 % des membres des CESER – je rejoins ce qu’a dit Mme Gillot –, la moyenne d’âge étant de soixante-deux ans ; autant dire que nous sommes très loin d’une représentation équilibrée de la population.
La mesure que nous proposons, qui consiste à réintroduire l’article dans le projet de loi, loin de suffire, constituerait un premier pas. Notre préférence irait à une véritable prise de conscience du besoin de représentativité ; mais, en complément d’une telle prise de conscience, le fait d’imposer une représentativité stricte devrait permettre à la fois de pallier l’urgence de la situation et de démontrer l’efficacité d’une telle ambition.
En un temps sociétal où certaines et certains, toujours plus nombreux, remettent en cause notre modèle représentatif, tous les dispositifs permettant de le renforcer et d’y inclure toutes les catégories de la population sont bons à prendre. Tel est le sens de cet amendement : remettre au cœur du système le principe de représentativité de la population dans les instances. Les CESER, par leur expertise et l’écoute qu’on leur apporte au quotidien, sont des outils essentiels de notre démocratie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il me semble impossible que nous exigions des CESER qu’ils constituent une photographie des résultats du recensement. Une telle exigence serait difficile à mettre en œuvre et reviendrait à instaurer des quotas fondés sur l’âge, dont l’intérêt et la constitutionnalité me paraissent discutables.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement suivant, l’amendement n° 487.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement partage l’avis selon lequel les CESER doivent représenter la diversité de la population de la région concernée. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons été favorables à l’amendement n° 423 visant à introduire un critère d’âge et qui, à ma grande satisfaction, a été adopté par la Haute Assemblée.
Néanmoins, imposer des critères relatifs à la distribution de la population par catégorie socioprofessionnelle ou par lieu de résidence me paraît très contraignant. Je comprends la philosophie qui sous-tend votre démarche, madame la sénatrice, mais je suis très perplexe, en pratique, quant à son applicabilité. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Madame Prunaud, l'amendement n° 249 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 249 est retiré.
L'amendement n° 487, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux tend à refléter la population du territoire régional, telle qu’issue du dernier recensement, dans ses différentes classes d’âge, dans sa diversité de catégories socioprofessionnelles et de lieux de résidence. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. J’ai entendu les arguments en faveur de la mesure que nous proposons. J’ai également entendu les contre-arguments. Pour notre part, nous allons encore plus loin : nous demandons qu’on tienne compte des catégories socioprofessionnelles et des lieux de résidence. Il ne s’agit peut-être que d’un amendement d’appel, mais c’est un appel qui vise à limiter les effets de toutes les fractures qui existent dans notre société et qui continuent de se creuser.
Dans beaucoup d’assemblées, nous constatons que la pensée est de plus en plus tournée vers les zones urbaines. Les ruraux se sentent de moins en moins bien représentés. Certes, au Sénat, ils le sont particulièrement bien. Nous n’allons pas nous en plaindre… Mais tout ça est une question d’équilibre !
Nos collègues du groupe CRC ayant retiré leur amendement et, dans la mesure où nous allons encore plus loin, nous retirons également le nôtre.
M. le président. L’amendement n° 487 est retiré.
En conséquence, l’article 16 quater demeure supprimé.
Article 16 quinquies
Le premier alinéa du II de l’article L. 5211-10-1 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « , de telle sorte que l’écart entre le nombre des hommes et des femmes ne soit pas supérieur à un. »
M. le président. L'amendement n° 488, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
et afin de refléter la population du territoire concerné, telle qu’issue du dernier recensement, dans ses différentes classes d’âge, dans sa diversité de catégories socioprofessionnelles et de lieux de résidence.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Dans la même logique que les deux amendements que j’ai précédemment défendus, nous voulons rétablir l’exigence que les conseils de développement représentent la diversité générationnelle du territoire, ce qui a été supprimé par la commission spéciale du Sénat. Nous voulons également ajouter, là encore, l’exigence de diversité en matière de catégories socioprofessionnelles et de lieux de résidence.
Dans la continuité de ce que nous avons proposé au sujet du CESER, cet amendement vise à garantir la recherche d’une réelle diversité, fondée sur les critères déjà évoqués, dans la nomination des représentants des différents domaines visés par la loi, sans pour autant remettre en cause l’économie générale de la désignation de l’instance.
Ici aussi, les sujets sur lesquels ces conseils ont vocation à s’exprimer justifient que leur composition reflète dans toute sa diversité la population de l’établissement public à fiscalité propre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission spéciale. Je me permets de rappeler – puisqu’il est question dans cet amendement d’un reflet de la population telle qu’issue du dernier recensement – que le recensement ne fonctionne plus comme autrefois : une année précise, on avait une photographie de l’ensemble de la population française. Le recensement est désormais glissant. Il est donc effectué en permanence.
Ma remarque est destinée aux auteurs éventuels de toute initiative qui viserait le « dernier recensement » : jamais vous ne disposerez d’une photographie figée de la population sur l’ensemble du territoire.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 quinquies.
(L'article 16 quinquies est adopté.)
Article 16 sexies
(Supprimé)
Article 16 septies
(Supprimé)
Article 16 octies A
(Supprimé)
5
Nomination des membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame Mme Marie-France Beaufils, MM. Vincent Capo-Canellas, Pierre Charon, Éric Doligé, André Gattolin, Charles Guené, Bernard Lalande, Gérard Miquel, Claude Raynal, Jean-Claude Requier et Michel Vaspart membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.
6
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé, déposé ce jour sur le bureau du Sénat.
7
Dépôt d’un document
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre l’avenant n° 1 à la convention du 23 juin 2014 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « IDEX/I-SITE ».
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à celles des affaires économiques et de la culture.
8
Décisions du Conseil constitutionnel sur quatre questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 5 octobre 2016, quatre décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- L’extinction des créances pour défaut de déclaration dans les délais en cas d’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net (n° 2016-574/575/576/577/578 QPC) ;
- Le renvoi à un accord collectif pour la détermination des critères de représentation syndicale (n° 2016-579 QPC) ;
- L’expulsion en urgence absolue (n° 2016-580 QPC) ;
- L’obligation de relogement des occupants d’immeubles affectés par une opération d’aménagement (n° 2016-581 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Candidatures à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil supérieur de l’éducation routière.
La commission des lois a proposé les candidatures de M. Yves Détraigne, en tant que titulaire, et de Mme Cécile Cukierman, en tant que suppléante.
Ces candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
10
Organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la mutualité.
La commission des affaires sociales a été invitée à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
11
Égalité et citoyenneté
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Article 16 octies
L’article 12 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « national de la jeunesse » sont remplacés par les mots : « d’orientation pour les politiques de jeunesse, chargé de proposer les politiques à mettre en œuvre pour l’ensemble des jeunes » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il est consulté sur les projets de loi concernant, à titre principal, la jeunesse. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce conseil peut décider de la création de formations spécialisées en son sein. » ;
4° Le troisième alinéa est complété par les mots : « , du Conseil économique, social et environnemental, de conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux ainsi que des organismes intéressés par les politiques en faveur de la jeunesse ».
M. le président. L'amendement n° 713, présenté par Mme Gatel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
de conseils
par les mots :
des conseils
La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 16 octies, modifié.
(L'article 16 octies est adopté.)
Article 16 nonies
L’article 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine est complété par un V ainsi rédigé :
« V. – Les contrats de ville conclus à partir du 1er janvier 2017 définissent des actions stratégiques dans le domaine de la jeunesse. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 16 nonies
M. le président. L'amendement n° 315, présenté par Mme Bouchoux et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Après l’article 16 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans toutes les dispositions législatives où l’exercice d’un droit civil est subordonné à une condition d’âge de dix-huit ans, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize ».
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Le projet de loi Égalité et citoyenneté vise, comme son nom l’indique, à faire en sorte que chaque individu puisse trouver ou retrouver sa place de citoyen ou de citoyenne.
Le présent amendement s’adresse aux plus jeunes. La notion de citoyenneté ne doit pas être abstraite ; il faut qu’elle soit bien réelle, et ce dès seize ans. Pour nous, à partir de seize ans, les jeunes sont tout à fait aptes à exercer les droits civils aujourd’hui accordés à partir de dix-huit ans.
Une telle mesure s’inscrit également dans la volonté d’autonomisation des jeunes, de plus en plus prégnante. La société évolue à grands pas, et la jeunesse avec. De plus en plus matures, les jeunes se sont adaptés au rôle plus important qui leur est conféré, aux choix qu’ils doivent formuler, aux responsabilités qui leur reviennent. Une partie d’entre eux revendique ainsi l’exercice de droits aujourd’hui réduits par la nécessité de l’accord des parents. Si l’autorisation parentale n’est qu’une formalité pour certains, elle bloque l’action pour d’autres.
Accorder les droits civils à partir de seize ans permettrait aux jeunes de seize ans et de dix-sept ans de se positionner en acteurs plutôt qu’en observateurs d’une situation pouvant parfois leur paraître abstraite et hors d’atteinte. Cela leur permettra de devenir pleinement citoyens, et ce dès le lycée ou l’apprentissage pour ceux qui sont concernés.
Cette mesure va dans le même sens que l’amendement tendant à abaisser le droit de vote à seize ans. Selon nous, les jeunes sont aujourd’hui en mesure d’agir et de faire. Nous proposons de les laisser prendre des initiatives en leur ouvrant le champ des possibles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, je vous félicite de votre franchise. Plusieurs amendements tendant à établir la majorité à seize ans ont été déposés sur ce projet de loi, mais par petites touches, et non de la manière dont vous le faites. Toutefois, vous comprendrez que je fasse preuve de cohérence. L’adoption de cet amendement modifierait en effet considérablement notre droit civil. Or tel n’est pas l’objet de ce texte. L’avis de la commission est donc défavorable.
Vous avez aussi soulevé la question de la majorité pénale. C’est un vrai sujet. Des protections spécifiques doivent être prévues pour les jeunes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner, ministre. J’ai un avis très proche de celui de Mme la rapporteur.
L’adoption de cet amendement, qui a déjà été rejeté en commission, poserait un problème juridique. Certes, M. Labbé a démontré ce soir l’esprit de progrès qui l’anime, et je l’en félicite.
Il me paraît très délicat de modifier toutes les dispositions législatives relatives à la majorité civile en une seule phrase. Vous en conviendrez, monsieur le sénateur, la coordination des majorités civile, pénale, électorale, successorale, ainsi que les questions relatives au droit des étrangers, au droit des conflits armés, à l’articulation avec les conventions internationales, nécessite une étude préalable et, surtout, un débat approfondi au Parlement, sur un sujet sans doute plus large que l’objet du présent projet de loi. Bien entendu, la Haute Assemblée a toute légitimité pour débattre d’un tel sujet.
Pour ma part, j’ai une autre approche, plus pragmatique. Comme vous l’avez vu, je suis favorable à l’ouverture d’une série de droits aux mineurs de seize ans et plus. Je pense notamment aux questions liées à l’émancipation ou au droit à la publication, même si le Gouvernement et ses soutiens ont été mis en minorité au sein de cet hémicycle.
Je terminerai sur un argument auquel vous serez peut-être sensible. En cas d’adoption de votre amendement, il deviendrait difficile de s’opposer à l’abaissement de la majorité pénale à seize ans. Or je suis certain que vous êtes, comme moi, très attaché à la spécificité de la justice des mineurs, à laquelle Mme la rapporteur a fait référence.
Pour toutes ces raisons, je souhaiterais le retrait de cet amendement ; faute de quoi, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 315 est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir salué l’esprit progressiste qui anime nos propositions.
J’ai bien entendu votre argument sur la justice des mineurs. J’y suis sensible, comme vous toutes et tous ici. Néanmoins, nous devons réfléchir pour avancer.
Permettez-moi de vous faire part d’une anecdote. À la pause, je suis allé au bistrot du coin. (Exclamations amusées sur diverses travées.) J’aime bien les bistrots ; les gens y parlent facilement. Je discutais des vacances avec une personne derrière le bar. À un moment, il me dit : « La France, c’est quand même un beau pays, mais elle est en train de tomber en ruines ! » Interloqué, je lui ai demandé pourquoi. Il m’a répondu : « Tout le monde déprime ! » Je lui ai rétorqué : « Mais si tout le monde continue à déprimer, c’est sûr que notre pays va tomber en ruines ! »
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Joël Labbé. Il est temps d’être lucide et de regarder les choses en face. La France est un beau pays. Nous avons beaucoup de richesses, non seulement des richesses palpables, mais aussi des richesses en matière culturelle, voire spirituelle ! C’est important de le souligner.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Joël Labbé. Monsieur Kanner, vous qui êtes ministre de la jeunesse et des sports, vous le savez, notre pays doit regarder différemment sa jeunesse. La France s’honorera de reconnaître – je vous fais confiance pour cela – que nos jeunes ont une parole et qu’il faut l’entendre !
Nos jeunes ont besoin que le monde des adultes regarde vers l’avenir et arrête de se prendre la tête dans des querelles politiciennes de bas étage. Affirmons que, si la situation de la planète est grave, nous avons un projet magnifique pour eux, qui ont besoin de se projeter dans l’avenir : faire en sorte que les choses aillent dans le bon sens ! Quand on leur tient ce discours, les jeunes ne s’en désintéressent pas. On entend souvent dire que les jeunes s’en foutent. Au contraire ! Ces sujets sont au cœur de leurs préoccupations ! Simplement, ils ont besoin de se projeter dans l’avenir. Notre devoir, c’est de leur permettre de le faire.
Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 315 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 87 est présenté par M. Courteau.
L'amendement n° 314 est présenté par Mme Bouchoux et MM. Gattolin et Labbé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 16 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 2 du code électoral, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « seize ».
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 87.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à abaisser l’âge du droit de vote de dix-huit à seize ans. Chacun l’aura compris, il s’agit d’un amendement d’appel, pour susciter le débat. Une telle proposition est défendue par des élus, mais aussi par un certain nombre de jeunes.
Les expériences de nos voisins européens ont montré que le fait d’accorder le droit de vote à seize ans faisait diminuer l’abstention. À cet âge, les jeunes sont encore dans un cadre stable, et ils se sentent valorisés par une telle reconnaissance de leur opinion.
Les jeunes Français de seize ou dix-sept ans ont une plus grande probabilité d’aller voter que ceux de dix-huit ans. En effet, vivant chez leurs parents, ils baignent dans un environnement où le vote est, en principe, connoté positivement.
Le droit de vote à seize ans ou dix-sept ans a été mis en place avec succès en Autriche, au Brésil, en Argentine et dans plusieurs länder allemands. Les jeunes de cet âge ont aussi été invités à participer au référendum sur l’indépendance de l’Écosse de 2014, et avec succès, puisque 80 % des jeunes de seize à dix-huit ans ont voté à cette occasion.
Au demeurant, alors que les responsabilités pénales sont de plus en plus pesantes sur les épaules des jeunes de seize à dix-huit ans, il semble légitime de favoriser leur engagement et de remettre l’acte citoyen du vote au cœur de leur participation dans notre société.
Les obligations pénales des jeunes de seize à dix-huit ans sont de plus en plus proches de celles des majeurs ; ils sont susceptibles de passer aux assises et peuvent aller en prison. Si l’on juge ces jeunes suffisamment solides pour affronter de telles réalités, on ne peut pas estimer qu’ils ne sont pas assez matures pour s’exprimer lors des élections.
Dès lors, pourquoi ne pas souhaiter que la responsabilisation pénale s’accompagne d’une responsabilisation citoyenne ? Cette question interpelle de plus en plus de jeunes et d’élus. Je crois qu’elle mérite un véritable débat. C’est l’objet du présent amendement.