M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne voterai pas non plus ces deux amendements.
Cela fait plusieurs années que nous peinons à mettre en place ce statut de lanceur d’alerte. Prenons garde ce soir qu’il ne relève de la délation.
Il me semble d’autant plus indispensable de rappeler les responsabilités des lanceurs d’alerte que le temps judiciaire entre une alerte abusive et la réparation peut être extrêmement long.
Comme l’ont très bien rappelé M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois, une entreprise victime d’une alerte abusive peut mettre des années à retrouver sa position, voire être conduite à la faillite.
En raison de ce décalage du temps judiciaire, il me paraît indispensable de rappeler les limites de l’exercice, en même temps que la définition.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne voterai pas non plus ces deux amendements.
Il semble qu’une des spécialités de notre pays est de passer d’un extrême à l’autre. Il a fallu des années et des années pour faire reconnaître le scandale de l’amiante. Et maintenant, c’est l’inverse ! Tout le monde va pouvoir lancer des alertes et mettre en danger n’importe qui !
Je ne trouve donc pas complètement stupide de rappeler aux gens qu’ils engagent leur responsabilité en lançant une alerte.
M. Alain Anziani. Ce n’est pas ce que nous disons !
M. Pierre-Yves Collombat. Alors, pourquoi s’acharner contre une disposition, certes, redondante, mais bienvenue ?
Vous ne mesurez pas bien dans quoi nous nous engageons sous prétexte qu’il y a eu de grandes iniquités en sens inverse.
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 544 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 544 rectifié est retiré.
L'amendement n° 134 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Béchu et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ, de Raincourt et Doligé, Mme Duchêne, MM. Duvernois, Grand, Houel, Houpert, Huré et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Milon et Mouiller, Mme Primas et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Lorsqu’une personne est présentée publiquement, avant toute condamnation, par le lanceur d’alerte comme étant soit suspectée soit coupable de faits faisant l’objet d’un signalement alors qu’il a la connaissance au moins partielle de leur inexactitude, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser ces agissements, et ce aux frais du lanceur l’alerte responsable de cette atteinte.
La décision de condamnation peut ordonner les mêmes mesures aux frais du lanceur d’alerte condamné.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Il importe de préciser les conditions dans lesquelles la diffusion de fausses informations par un lanceur d'alerte peut être empêchée ou corrigée dans les médias.
En effet, des réputations peuvent être ruinées pour une longue période par de fausses accusations.
Si le recours aux dispositions du droit commun offre des garanties aux personnes lésées, il nous semble nécessaire, pour les cas les plus urgents, d'apporter des précisions, dans un souci de plus grande rapidité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement est satisfait par les dispositions en vigueur, qui permettent au juge des référés de prendre toutes les dispositions utiles.
L’article 9-1 du code civil relatif au référé présomption d’innocence dispose : « Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. »
Mais il existe également un référé concernant l’exercice du droit de réponse et l’atteinte à la vie privée.
Ces trois procédures me semblent à même de vous rassurer. C'est la raison pour laquelle la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le rapporteur, je comprends très bien que cette disposition ne s’intègre pas à votre dispositif sur les lanceurs d’alerte.
Toutefois, pour avoir survécu à ce genre d’épreuve, permettez-moi de vous dire qu’il y a loin de la loi à son application en matière de diffamation ou de respect de la vie privée.
Madame Deromedi, je pense qu’il faudrait probablement reprendre cet amendement dans un autre texte.
Si nous avons droit, un jour, à une deuxième lecture convenable du projet de loi sur la justice du XXIe siècle, nous pourrons en profiter pour revoir les dispositions relatives à la diffamation et à la protection de la vie privée. Je peux vous assurer que l’on ne se remet pas très facilement de telles épreuves…
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Le lanceur d’alerte est une création relativement récente. Nous manquons de recul pour apprécier la manière dont les juges appliquent le dispositif que nous sommes en train de compléter et de renforcer. Mais l’expérience et la crédibilité du rapporteur en matière de droit nous incitent plutôt à suivre ses avis.
Cela étant, je pense que Mme Goulet n’a pas complètement tort lorsqu’elle considère que les magistrats sont parfois un peu frileux s’agissant de la stricte application du droit. Il serait bon, au vu de l’expérience qui sera la nôtre après la mise en œuvre du droit relatif aux lanceurs d’alerte, de préciser la loi en tant que de besoin.
L’objet de l’amendement déposé par Mme Deromedi est simplement d’apporter certaines précisions, de manière à s’assurer que le droit commun sera effectivement appliqué. Il lui a en effet paru pertinent d’aller un peu plus loin et d’être un peu plus précise, pour que le juge soit enclin à l’appliquer strictement.
Sans doute ma collègue va-t-elle prendre la décision de retirer cet amendement. Toutefois, il était bon que nous échangions sur ce sujet.
M. le président. Madame Deromedi, l’amendement n° 134 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 134 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'article 6 A, modifié.
(L'article 6 A est adopté.)
Article 6 B
Le chapitre II du titre II du livre Ier du code pénal est complété par un article 122-9 ainsi rédigé :
« Art. 122-9. – N’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte prévus à l’article 6 A de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
« La cause d’irresponsabilité pénale définie au premier alinéa n’est pas applicable lorsque la divulgation porte atteinte au secret de la défense nationale, au secret médical et au secret des relations entre un avocat et son client. »
M. le président. L'amendement n° 313, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, qu'elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Conformément à l’esprit qui nous anime, cet amendement vise à ne pas conditionner le bénéfice de l'irresponsabilité pénale au respect des procédures de signalement.
La proposition que nous souhaitons supprimer nous paraît superfétatoire, dans la mesure où elle reprend une disposition déjà inscrite dans le projet de loi.
Votre inspiration, mes chers collègues, est toujours la même : réduire, rétrécir, revenir en arrière, faire en sorte que les lanceurs d’alerte soient les moins nombreux possible et ne fassent pas peur… Pourtant, un jour ou l’autre, ceux-ci pourront nous être très utiles !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement est bien évidemment contraire à la position de la commission concernant l’équilibre du dispositif relatif aux lanceurs d’alerte.
Il vise en effet à introduire l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte, même si ceux-ci n’ont pas suivi la procédure prévue par le texte, en adressant leur déclaration au référent, au supérieur hiérarchique ou au chef d’entreprise, la presse ne devant être contactée qu’à la toute fin, et seulement si l’alerte n’a pas eu d’effet. C’est précisément ainsi qu’on se protège des faux lanceurs d’alerte et qu’on protège le lanceur d’alerte lui-même d’une éventuelle mauvaise foi.
Si de nombreux débats en commission ont permis d’imaginer de meilleures rédactions concernant la définition du lanceur d’alerte, tel n’est pas le cas s’agissant de la procédure d’alerte, à laquelle la commission tient beaucoup.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 313.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 415 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 204 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 151 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Lalande, Mmes Claireaux, Lepage et Yonnet, MM. Labazée et Duran, Mme Schillinger, M. Courteau, Mme Monier, M. Mazuir et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute obligation de confidentialité faisant obstacle au signalement ou à la révélation d’une information définie au premier alinéa est réputée nulle.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La nullité de l’obligation de confidentialité, notamment contractuelle, doit être inscrite dans la loi. En effet, son omission laisserait selon nous l’agent public ou le salarié dans une totale incertitude quant à la hiérarchie de ses divers droits et obligations face à l’alerte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement tend à inverser la logique du lanceur d’alerte, qui a vocation à violer un secret professionnel, voire des obligations légales.
En contrepartie, lorsque cette alerte est faite dans l’intérêt général, il bénéficiera non seulement d’une protection pénale contre les éventuels délits ainsi commis, mais également d’une protection dans ses relations de travail. Dès lors, il n’est pas nécessaire de réputer nulle toute obligation de confidentialité, le lanceur d’alerte étant protégé par les éléments que je viens d’évoquer.
Par ailleurs, l’adoption de cet amendement pourrait selon moi être dangereuse pour la protection des secrets, en conduisant à une absence totale de confidentialité, même en l’absence d’un lanceur d’alerte.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je ne suivrai pas M. le rapporteur : j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous raconter une anecdote absolument véridique.
Après l’affaire du Mediator, dans les années 2012-2013, l’APFFAPS a muté en Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Alors même que nous venions de voter la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, un salarié de cette nouvelle agence m’a alertée sur le nouveau règlement en cours de rédaction. Il était en effet question de verrouiller complètement les commissions de vigilance relatives au retour d’informations sur les effets néfastes des médicaments.
Heureusement, le directeur de l’agence était à cette époque Dominique Maraninchi, avec lequel j’avais travaillé dans le cadre du Grenelle. Un coup de téléphone a été passé, et les choses se sont arrangées ; le règlement a été modifié. Vous le voyez, les mauvaises habitudes – pas forcément celles d’un président ou d’un directeur, mais celles d’un cadre zélé, avide de tout verrouiller – peuvent revenir très vite.
Cet amendement est donc très utile. Nous le soutiendrons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Je veux le répéter, la protection apportée aux lanceurs d’alerte ne nécessite pas d’inscrire dans la loi que toute obligation de confidentialité fait obstacle au signalement ou à la révélation d’une information définie à l’article 6 A. Le lanceur d’alerte pourra en effet violer un secret professionnel, tout en bénéficiant d’une immunité pénale. Parallèlement, dans la mesure où il peut être discriminé, il sera protégé au regard des préjudices qu’il pourrait subir sur son lieu de travail.
Ainsi les dispositions prévues par cet amendement n’apportent-elles rien de plus au statut de lanceur d’alerte, si ce n’est une imperfection dans la loi, en laissant supposer que les mesures dont il est question peuvent être utilisées par des personnes qui ne sont pas des lanceurs d’alerte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 416 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappels au règlement
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, vous pouvez considérer cette intervention comme un rappel à notre futur règlement, dans la mesure où une réflexion est menée actuellement sur la gouvernance et l’évolution du règlement du Sénat.
En effet, après ce que nous avons vécu la semaine dernière et ce que nous continuons de vivre ce soir, il serait important de réfléchir au nombre de scrutins publics autorisés sur un projet de loi. Ceux-ci devraient pouvoir être mis en œuvre sur les principes fondamentaux du texte, et non pas sur chaque amendement. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
La situation devient intolérable. Soit il y a une majorité dans cet hémicycle – je me demande d’ailleurs où elle se trouve ce soir –, soit tout cela ne sert à rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Catherine Troendlé. Monsieur le président, l’intervention de M. Daniel Raoul n’est pas un rappel au règlement !
Notre règlement précise en effet que nous pouvons organiser autant de scrutins publics que nous le souhaitons. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Daniel Raoul. Cela ne nous a pas échappé !
Mme Catherine Troendlé. Le règlement étant parfaitement respecté, les propos de M. Daniel Raoul ne peuvent entrer dans cette catégorie de prises de parole.
M. le président. Je vous donne acte de vos rappels au règlement, mes chers collègues.
Article 6 B (suite)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 645, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 92 rectifié est présenté par MM. Adnot, Lefèvre et Doligé.
L'amendement n° 422 est présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
au secret des relations entre un avocat et son client
par les mots :
au secret professionnel de l’avocat
L'amendement n° 92 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° 422.
M. André Gattolin. Cet amendement vise à introduire une modification rédactionnelle.
L’article 6 B se fixe pour objectif d’assurer l’articulation entre l’alerte éthique et les secrets, notamment professionnels, qui sont pénalement protégés. Il tend ainsi à exonérer de responsabilité pénale le lanceur d’alerte ayant émis un signalement répondant aux critères évoqués précédemment, notamment à celui de la bonne foi.
Aussi, lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, les députés ont souhaité que les cas relatifs au secret de la défense nationale, au secret médical et au secret des avocats soient expressément exclus de ce dispositif et continuent donc à être opposables aux lanceurs d’alerte.
Nous considérons toutefois que la rédaction actuelle du texte, qui fait référence au « secret des relations entre un avocat et son client », manque de clarté. Cette expression n’est en effet utilisée dans aucun texte de loi. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’y substituer l’expression plus générique de « secret professionnel de l’avocat ».
M. le président. Les amendements identiques no 272 rectifié quinquies, présenté par MM. Longeot, Luche, Médevielle, Cigolotti, Kern, Canevet, Guerriau, Roche et Marseille, et n° 487, présenté par M. Pellevat, ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 645 et 422 ?
M. François Pillet, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 645, présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 422 vise à étendre la protection absolue dont bénéficient les avocats. Or seul le secret des relations entre un avocat et son client est absolument protégé et non pas l’intégralité de l’activité professionnelle d’un avocat, y compris en dehors de ses relations avec un client.
La commission, estimant que le secret des relations entre l’avocat et son client est nettement et amplement indiqué dans le texte, a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 422.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 422 ?
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 422 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 6 B, modifié.
(L'article 6 B est adopté.)
Article additionnel après l'article 6 B
M. le président. L'amendement n° 595, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 323-1 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toute personne qui a tenté de commettre ou commis ce délit est exemptée de poursuites si, ayant averti immédiatement l’autorité administrative ou judiciaire ou le responsable du système de traitement automatisé de données en cause, elle a permis d’éviter toute atteinte ultérieure aux données ou au fonctionnement du système. »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Le présent amendement a pour objet de protéger les lanceurs d’alerte qui découvriraient des failles de sécurité informatique.
En effet, l’absence d’une telle disposition dans notre législation conduit à des situations ubuesques, dans lesquelles des lanceurs d’alerte sont condamnés par la justice, alors qu’ils ont non seulement fait la preuve de n’avoir aucune intention de nuire, mais également rendu un service notable aux responsables des systèmes informatiques concernés.
Le premier alinéa de l’article 323-1 du code pénal sanctionne aujourd'hui tout accès non autorisé à un système de traitement automatisé de données.
Cet amendement vise à prévoir l’immunité pénale pour l’auteur de l’infraction, lorsque celui-ci révèle immédiatement à qui de droit la faille de sécurité découverte et évite ainsi qu’il ne soit porté atteinte au système par ce biais. Bien sûr, il ne s’agit pas de dédouaner un pirate informatique ! Le lanceur d’alerte n’est pas protégé par cette immunité s’il supprime ou modifie les données du système, comme le prévoit l’alinéa 2 de l’article 323-1 du code pénal.
Si nous n’adoptons pas cet amendement, les lanceurs d’alerte qui trouveraient des failles de sécurité informatique seraient dissuadés de les signaler, ce qui serait dommageable à la sécurité nationale, en raison de l’augmentation du nombre de failles de sécurité qui ne seraient pas corrigées, car elles ne seraient pas signalées aux responsables des systèmes informatiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir une disposition introduite par l’Assemblée nationale dans le projet de loi pour une République numérique et supprimée par le Sénat.
S’il était adopté, toute personne qui accèderait frauduleusement et intentionnellement à un système de traitement automatisé de données, ou STAD, afin de supprimer des données ou d’altérer le fonctionnement du système, devrait être exemptée de peine dès lors qu’elle aurait contacté, après son forfait, le responsable du traitement en cause ou l’autorité administrative.
Ce dispositif créerait ainsi une immunité pénale pour tous les hackers, dès lors que ces derniers préviennent une autorité après leur acte. Une telle immunité ne peut qu’encourager le développement des attaques informatiques, puisqu’il suffirait d’un simple courriel pour échapper à toute peine.
Enfin, ce dispositif offrirait une immunité même à ceux qui attaquent un STAD sans succès, du fait d’une sécurité convenable.
La commission est donc radicalement défavorable, si j’ose dire, à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 595.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6 C
I. – Le signalement d’une alerte éthique est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou de l’employeur.
En cas de mise en cause des supérieurs hiérarchiques par le signalement ou en l’absence de diligences de l’entité à, dans un délai raisonnable, vérifier la recevabilité du signalement, celui-ci peut être effectué auprès d’une personne de confiance désignée par l’employeur, chargée de recueillir de manière confidentielle les alertes.
En l’absence de personne de confiance ou de diligences de sa part à, dans un délai raisonnable, vérifier la recevabilité du signalement, le signalement est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.
En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au précédent alinéa dans un délai de trois mois, en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être rendu public. La légitimité de la divulgation au public est déterminée en fonction de l’intérêt prépondérant du public à connaître de cette information, du caractère authentique de l’information, des risques de dommages causés par sa publicité et au regard de la motivation de la personne révélant l’information.
II (nouveau). – Le respect de la procédure de signalement est un des éléments constitutifs de la bonne foi, mentionnée à l’article 6 A de la présente loi.
III (nouveau). – Le recours abusif à la procédure de signalement prévue au I du présent article engage la responsabilité civile de son auteur dans les conditions de droit commun.
IV. – Des procédures appropriées de recueil des alertes émises par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels sont établies par les personnes morales de droit public d’au moins cinquante salariés, les administrations de l’État, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
V. – Toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte.