Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux commencer mon propos par une évocation du contexte, en rappelant que notre agriculture est soumise plus que jamais à de fortes pressions, ainsi qu’à des facteurs externes d’instabilité.
En premier lieu, les épisodes sanitaires récents, auxquels le Gouvernement a su répondre efficacement, ont produit un effet particulièrement négatif. La fièvre catarrhale ovine nous a fermé la porte de plusieurs pays, aggravant les difficultés de la production bovine. La grippe aviaire a affecté l’ensemble de la filière avicole, au-delà des seules régions touchées par l’influenza. La pression sociétale pèse sur la consommation après chaque épisode médiatique négatif, comme on l’a vu après les reportages récents réalisés dans un élevage de poules pondeuses et dans quelques abattoirs qui, pourtant, ne représentent que des exceptions.
Les décisions politiques internationales ne sont pas en reste. La fermeture du marché russe, déjà évoquée, a provoqué durablement la chute des cours du porc. Pour clore l’inventaire, la fin des quotas laitiers a ouvert la porte à une longue crise de surproduction.
À ce jour, nul ne peut exactement prévoir les conséquences économiques du Brexit. Le Royaume-Uni est client de nos industries agroalimentaires et la filière légumière du nord de la Bretagne trouve des débouchés dans ce pays. Une dépréciation de la livre pourrait altérer les échanges commerciaux.
Comme on peut en juger, dans la plupart des domaines, l’instabilité caractérise désormais l’environnement économique agricole.
N’en déplaise aux détracteurs, ce gouvernement a beaucoup fait en faveur de l’agriculture, comme peuvent en témoigner notamment la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, les mesures d’urgence appliquées depuis un an, la baisse substantielle des cotisations sociales des agriculteurs, ou encore les dispositions agricoles contenues dans le projet de loi Sapin II.
Lorsque le cours du porc a atteint son plus bas niveau, l’été dernier, le ministre de l’agriculture était tenu, cela va sans dire, pour être le seul responsable. Aujourd’hui, alors que ce cours atteint son point d’équilibre, on oublie la place de l’action publique pour dire que c’est surtout grâce à la Chine si les choses vont mieux.
M. Yannick Botrel. Au premier trimestre de cette année, les exportations européennes de porc vers la Chine ont crû de 67 %. Que les choses aillent mieux, on ne peut que s’en féliciter. Cela étant, j’observe que les préconisations de rapprochement des trop nombreux groupements de producteurs de porc bretons, afin de rendre la filière plus efficace, ont subitement cessé d’être une exigence.
Si je rappelle ces faits, c’est pour mieux mettre en avant la cohérence qui existe entre les mesures prises par le Gouvernement et la proposition de loi qui nous est présentée ce jour. Je tiens donc à saluer le travail de mes collègues Franck Montaugé et Henry Cabanel.
Leur proposition de loi se fonde sur une ambition à laquelle j’adhère parfaitement : les pouvoirs publics peuvent et doivent agir pour réguler des marchés mis à mal par un libéralisme exacerbé, parfois prôné à l’échelon national il n’y a pas si longtemps encore, et au plan européen aujourd’hui même.
C’est l’absence de régulation qui a permis les dérives que nous condamnons parce qu’elles détruisent l’emploi agricole, l’emploi agroalimentaire et aussi, plus largement, notre tissu rural. Dans ce contexte, la question du revenu des agriculteurs est fondamentale. C’est dans cet esprit que l’article 1er de la proposition de loi crée un fonds de stabilisation des revenus agricoles dans les régions, financé entre autres par le FEADER.
Comme le rappelle très justement l’exposé des motifs, des mécanismes existent d’ores et déjà pour gérer les risques sanitaires ou encore climatiques. Or nous assistons depuis plusieurs années à la montée en puissance et en fréquence de risques de nature économique qui déstabilisent l’équilibre financier des exploitations. Il convient dès lors d’intégrer dans les dispositifs publics les mécanismes visant à limiter les conséquences de ces évolutions erratiques, ce que fait cette proposition de loi.
L’article 1er de cette dernière résume bien, à lui seul, l’orientation générale du texte, les articles suivants visant à préciser cette logique.
Je souhaite évoquer rapidement deux points qui me semblent importants. Envisager dès aujourd’hui les évolutions de la PAC après 2020 me paraît fondamental dans la mesure où, nous le savons bien, il faut du temps pour engager le débat, pour trouver des accords et pour définir les mécanismes à mettre en œuvre à l’échelon européen.
Ce texte y contribue, et je ne rejoins donc pas l’avis de M. le rapporteur, qui le qualifie de « proposition de loi d’appel ». En effet, les dispositions qui sont soumises au vote vont indéniablement dans le bon sens. Il me semblerait donc regrettable de prendre prétexte du caractère perfectible du texte pour ne pas l’adopter, mais j’ai bien entendu la conclusion de M. le rapporteur sur ce point.
Je souhaite cependant élargir le champ du débat. Monsieur le ministre, l’éventail des dispositions en faveur de l’agriculture en crise pourrait être complété de mesures de bon sens à caractère fiscal.
Des aides publiques sont perçues par les agriculteurs au titre des minimis. Elles sont logiquement prises en compte dans les revenus imposables, ainsi que dans le calcul des cotisations sociales. Serait-il envisageable que l’incidence de ces aides exceptionnelles puisse être comptablement étalée sur sept ans au lieu d’une année, comme ce fut le cas par le passé pour les indemnisations consécutives à la crise de l’ESB ? Cela éviterait l’effet de seuil.
Pourrait-on concevoir, dans le même esprit, à titre exceptionnel, de sortir de la moyenne triennale fiscale en période de crise, et ce durant une année, pour les agriculteurs en difficulté, quitte à réintégrer ensuite le dispositif ?
Comme je viens de l’indiquer, il est toujours possible de proposer davantage, différemment. Je pense que nous pouvons dépasser cette posture et adopter cette proposition de loi, dont l’objectif peut être partagé par tous les groupes de la Haute Assemblée, tout simplement parce qu’elle constitue une avancée indéniable sur un sujet important qui nous préoccupe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’agriculture française a subi, ces dernières années, plusieurs crises d’ordres différents : sanitaire, climatique et économique. Entre l’embargo russe, l’influenza aviaire, la fièvre catarrhale ovine, la sécheresse, les intempéries, entre autres, nos exploitations agricoles sont grandement fragilisées, en particulier les exploitations familiales, notamment l’élevage.
À ces crises sanitaires et climatiques s’ajoutent les fluctuations des marchés, qui contraignent les agriculteurs à vendre trop souvent leurs produits en dessous de leur coût de revient. Les trésoreries des agriculteurs sont donc au plus bas, sans compter le retard de versement des primes qui aura lieu, cette année, au mois de septembre au lieu du mois de juin.
Pour ce qui concerne les risques climatiques et sanitaires, il existe des outils permettant soit de les indemniser, soit de s’assurer contre ceux-ci. Nous avons l’exemple des contrats d’assurance récolte et nous devons en tirer les leçons. Selon les agriculteurs et les chambres d’agriculture, ce dispositif n’est pas adapté. M. le ministre et M. le rapporteur l’ont indiqué.
Le seuil de déclenchement à 30 % de pertes et le niveau de franchise de 30 % sont trop élevés ; ces règles, imposées par l’OMC, sont trop contraignantes. Sachez que, avec plus de 12 % de pertes dans l’élevage, plus de 15 % dans le secteur du lait et de 20 % dans celui du porc, cette assurance ne pourrait être déclenchée, malgré cette crise sévère. De plus, les paiements interviendraient beaucoup plus tard.
Par ailleurs, le calcul de référence aux années antérieures – moyenne de trois ans ou moyenne de cinq ans – est jugé pénalisant dans les zones où les aléas sont fréquents.
J’ajoute que le coût est trop élevé, malgré l’aide publique. Ainsi, dans mon département, le nombre d’assurés est très faible.
Cette expérience doit néanmoins nous permettre de développer les outils existants. Il paraît effectivement opportun de réfléchir à un dispositif qui protégerait les agriculteurs contre les risques économiques et serait très différent de celui qui existe actuellement.
L’article 1er de la présente proposition de loi a pour objet la mise en place d’un fonds de stabilisation des revenus agricoles prévu par le second pilier de la PAC, mais jamais mis en place en France. Je pense que la création d’un tel fonds est positive, quoiqu’il faille bien préparer sa mise en action et bien étudier son financement. En effet, l’article 2 prévoit qu’il soit financé par le FEADER, l’État, les collectivités et une contribution volontaire des agriculteurs d’une partie de leur droit à paiement direct. L’expression « contribution volontaire » me paraît un peu vague ; il faut être vigilant à ne pas augmenter, par ce biais, les charges des exploitations.
En outre, ce fonds de stabilisation doit impérativement être d’une mise en œuvre simple, destiné à tous, d’un coût faible et facile à déclencher ; nous avons un réel besoin de simplification. Cet outil ne doit pas être une usine à gaz qui découragerait les agriculteurs ; il doit être simple et destiné à tous.
L’article 4 concerne la remise d’un rapport sur les orientations que le Gouvernement compte défendre dans le cadre des négociations de la nouvelle PAC. Il est évident qu’il faut commencer maintenant à définir les orientations et les demandes de la France en l’espèce.
La gestion des risques que vise à mettre en place cette proposition de loi est nécessaire, et doit couvrir tous les niveaux de risques : de la perte réduite à la perte exceptionnelle, du phénomène localisé au phénomène généralisé. Je souligne qu’il existe aux États-Unis le fameux Farm Bill, qui protège les agriculteurs contre les chutes des cours, alors que, en Europe, les agriculteurs perçoivent des aides à l’hectare totalement découplées de la production.
Il est donc nécessaire de faire pression pour posséder un dispositif de gestion des risques performant, surtout à l’heure des négociations du traité transatlantique.
Cela doit être complété par des dispositifs permettant d’anticiper et de gérer les crises, éventuellement avec un stockage destiné à réguler le marché, vous l’avez évoqué pour le lait, monsieur le ministre.
Il convient également de maintenir les mécanismes existants de soutien à la PAC pour assurer un revenu socle de base, l’ICHN, l’indemnité compensatoire de handicap naturel, notamment, et de retravailler avec les partenaires – centrales d’achat et grande distribution – les outils de gestion des marchés afin de limiter la volatilité des marchés agricoles. En effet, les agriculteurs demandent non pas des primes, mais des prix.
Je rappelle qu’il existe aussi des solutions à l’échelon national, avec une baisse des charges des exploitants et des salariés, un arrêt de la surtransposition des normes en France, une nécessaire simplification des démarches administratives. La proposition de loi Compétitivité de l’agriculture adoptée par le Sénat apporterait un certain nombre d’améliorations significatives sur le plan national.
Si ce soutien national est combiné à une gestion des risques efficace, au maintien de la PAC et à une volonté politique de maintenir l’agriculture familiale, nous pourrons sans doute redonner de la compétitivité à notre agriculture et ainsi encourager l’investissement et l’innovation.
Cependant, il manque à ce texte un certain nombre de précisions quant à son application, et ce d’autant plus qu’il va falloir attendre deux ans pour qu’il soit mis en œuvre. C’est pourquoi, bien que très favorable au principe de gestion des risques, mais pour tous les agriculteurs, je préfère m’abstenir pour l’instant sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la notion d’aléa, ou de risque, est inhérente au métier d’agriculteur. La production agricole est naturellement soumise aux aléas climatiques, sanitaires, et est exposée aux fluctuations des marchés, surtout depuis les réformes successives de la politique agricole commune.
Qu’il soit climatique, sanitaire ou économique, le risque peut être limité ou compensé.
La proposition de loi qui nous est présentée vise à mettre en place des outils de gestion de ces risques, mais porte davantage sur la gestion de l’aléa économique.
En effet, les agriculteurs font face à la volatilité des marchés mondiaux des matières premières agricoles et à la variation des prix. Ces facteurs sont difficilement supportables pour les exploitants. Un agriculteur vendant une tonne de blé tel jour à tel prix peut découvrir le lendemain qu’elle a augmenté de 50 %. Est-ce son rôle d’être un trader ?
Tout le monde s’accorde sur la nécessité de sécuriser les revenus des agriculteurs. C’est ce qu’encourage cette proposition de loi, en prévoyant la mise en œuvre de l’instrument de stabilisation des revenus agricoles permise par la dernière réforme de la PAC 2014-2020.
Nous devons maintenant agir dans le cadre des réflexions menées sur la future PAC, qui n’entrera en vigueur qu’en 2021, pour construire un système de mutualisation du risque économique.
Au vu de l’absence d’ambition régulatrice de la PAC, nous devons réfléchir à des substituts, notamment à travers des outils assurantiels.
Une analyse des mécanismes qui existent déjà dans d’autres pays, tel le dispositif américain de prix garantis, ou canadien, ou encore espagnol, serait nécessaire.
En raison de l’actualité européenne, permettez-moi, mes chers collègues, de mentionner un autre risque qui vient d’être mis en lumière : le risque institutionnel.
À la suite du vote du 23 juin notifiant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, il convient de s’interroger sur l’effet de cette décision sur les agriculteurs français et britanniques, ainsi que sur le budget européen, spécifiquement sur celui de la PAC.
L’incidence du Brexit sur l’agriculture française peut difficilement être évaluée et dépendra des négociations à venir, mais les fermes britanniques pourraient, elles, perdre de 17 000 à 34 000 euros, selon une étude du syndicat agricole majoritaire outre-Manche, le NFU, ce qui pourrait entraîner la faillite de 90 % des entreprises.
Concernant le budget européen, selon les chiffres de la Commission européenne, le Royaume-Uni a contribué à hauteur de 10,5 % au budget global de l’Union européenne en 2014, mais d’après le think tank Farm Europe, il ne participe qu’à hauteur de 5 % au budget de la PAC. En termes de contribution nette, l’effet du Brexit sur le budget de la PAC serait donc limité à 5 %, soit 3 milliards d’euros par an.
L’incidence politique du Brexit pourrait être importante et pourrait permettre à la France de tirer profit de la situation. Le Royaume-Uni était traditionnellement le principal avocat d’une baisse du budget de la PAC, ainsi qu’un partisan d’une vision libérale de celle-ci. Le Brexit constituerait une opportunité pour réorienter la PAC vers une logique plus régulatrice.
Poser les bases d’un réel débat sur le devenir de notre politique agricole européenne, c’est l’un des objectifs de la proposition de loi qui nous est présentée, et qui est à saluer.
Néanmoins, je tiens à rappeler que nous avions débattu dans cette assemblée, en décembre et mars derniers, de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire de notre collègue Jean-Claude Lenoir. Pourquoi ne pas avoir apporté plus d’éléments sur la gestion des risques, notamment de l’aléa économique dans ce texte ?
Concernant cet aléa, la proposition de loi précitée contenait des dispositions pertinentes puisque le Gouvernement en a repris plusieurs. Je regrette, chers collègues du groupe socialiste et républicain, que vous n’ayez pas souhaité plus y prendre part et que vous ayez préféré élaborer une proposition de résolution puis une proposition de loi.
En outre, le rapporteur de cette nouvelle proposition de loi, Jean-Jacques Lasserre, que je salue et remercie de ses travaux, pilote un groupe de travail sur la gestion des risques climatiques en agriculture. Il aurait été intéressant d’attendre la conclusion de celui-ci.
Je m’abstiendrai pour ces raisons, mais je souhaite que ces travaux parlementaires soient complémentaires et permettent l’approfondissement du débat pour qu’en sortent des solutions concrètes.
Avant de conclure, permettez-moi de rappeler quelques difficultés dont m’ont fait part des agriculteurs de mon département.
Bien que ces derniers bénéficient d’outils de prise en charge des aléas climatiques, environnementaux et sanitaires, via le Fonds national de gestion des risques en agriculture et l’outil fiscal qu’est la déduction pour aléas, certaines difficultés subsistent, notamment pour ce qui concerne les maraîchers, dont les surfaces de production sont limitées.
Il se pose un problème de coût, tout d’abord. Le coût de l’assurance étant trop élevé, certains maraîchers m’indiquent qu’ils ne peuvent pas assurer leurs parcelles.
En outre, le système d’assurance fonctionne sur une unité de base d’un hectare. Lorsqu’un hectare d’une même culture est endommagé, l’agriculteur est indemnisé. Toutefois, la situation s’avère problématique pour les maraîchers, puisqu’ils pratiquent généralement plusieurs cultures sur un même hectare. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je voudrais répondre à quelques-unes des questions qui viennent d’être soulevées.
Tout d’abord, le système américain fonctionne avec un budget fédéral voté tous les ans par le Congrès.
Le budget européen est un cadre comportant des perspectives financières votées pour cinq ans. Ce système n’autorise pas les votes contracycliques qui permettraient, une année, d’augmenter le budget de l’agriculture pour compenser les baisses de prix, l’année suivante, de le réduire de moitié pour l’augmenter de nouveau l’année d’après. C’est impossible !
Tous ceux qui se réfèrent au système américain devraient donc nous dire s’ils sont favorables à une Europe totalement fédérale, dont le budget serait voté tous les ans. Je laisse ce débat ouvert…
D'ailleurs, pour ce qui est des résultats, ce système coûte très cher et son efficacité pour les agriculteurs reste à mesurer.
Comment trouver une composante contracyclique, dans un cadre européen, avec un budget qui n’est pas déterminé annuellement ? C’est dans cette perspective que nous avons proposé, sur les aides du premier pilier de la PAC, une épargne de précaution garantie pour les agriculteurs qui leur permettrait de faire des provisions, voire, comme nous le souhaitons, d’adhérer à des systèmes de mutualisation et d’assurance au niveau de chaque exploitation.
J’en viens à la question des crises et des aléas. Le réchauffement climatique est une réalité. L’agriculture est confrontée à des aléas climatiques dont la fréquence et l’intensité s’accroissent, provoquant des dégâts de plus en plus importants. Cela doit effectivement nous amener à réfléchir à un système assurantiel. Il est donc essentiel de discuter des pistes qui nous sont offertes.
Je pense en particulier à l’article 1er de la présente proposition de loi. Un fonds de stabilisation des revenus agricoles est mis en place au niveau régional. Il mobilise les fonds des régions, les agriculteurs y contribuent à hauteur de 35 %. Sa mise en œuvre nécessite donc l’accord des régions et en partie des agriculteurs. J’ai dit tout à l’heure non pas que j’étais contre, mais que la capacité des agriculteurs à financer un système, y compris de manière collective, n’est pas évidente aujourd'hui.
Monsieur Lenoir, cherchant à trouver une petite astuce, vous me demandez si je suis d’accord ou pas. Si vous soutenez ce projet, je ne doute pas de votre capacité d’influence pour tester ce système à l’échelle de la Normandie. Cette expérience normande, qu’on appellera l’expérience Lenoir, pourrait ainsi, si elle s’avère tout à fait positive, être étendue à d’autres régions. (Sourires.)
Il est vrai que votre proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire présentait des dispositions intéressantes. Nous avons parfaitement intégré la question de la compétitivité, la baisse des cotisations. Je rappelle d'ailleurs que nous avons abaissé de 10 points les cotisations sans aucune hausse d’impôt au moment du plan de soutien à l’élevage, ce qui est supérieur à ce que vous proposiez avec une augmentation de la CSG. Votre texte allait certes dans le bon sens, mais nous avons obtenu et appliqué des dispositifs beaucoup plus efficaces.
Fondamentalement, je suis sur la même ligne que vous : cherchons des outils. En tant que ministre, je dois cependant vous indiquer que l’État a été très fortement sollicité, à hauteur de plus de 1 milliard d’euros. Le coût des inondations pourrait être également de cet ordre. Quel que soit le système, aujourd'hui, en tant que membre du Gouvernement, responsable aussi des comptes publics, ma prudence quant au financement de l’État est légitime. Mais cela n’empêche pas de chercher des pistes, de réfléchir ensemble et de formuler des propositions qui témoignent que nous sommes tous à la recherche de la bonne solution.
C'est pourquoi dans cette proposition de loi comme dans d’autres, je l’ai dit, dans le débat public, dans le débat parlementaire il y a des pistes de recherche intéressantes pour répondre à de vraies attentes des agriculteurs. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture
Article 1er
(Non modifié)
Au 1er janvier 2017, il est mis en place un fonds de stabilisation des revenus agricoles, dans chaque région, dans les conditions fixées aux articles 36 et 39 du règlement UE n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement CE no 1698/2005 du Conseil.
Ce fonds a vocation à fournir une compensation aux agriculteurs en cas de forte baisse de leurs revenus, conformément aux règles fixées dans le règlement UE n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 précité.
Une concertation est organisée par le ministre chargé de l’agriculture, associant les régions et les organisations agricoles représentatives, afin de déterminer les besoins potentiels et les modalités de mise en œuvre de ce dispositif afin d’en assurer l’efficacité sur le terrain.
Il est abondé par l’État, les collectivités territoriales et les personnes physiques ou morales exerçant à titre habituel des activités réputées agricoles au sens de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, chacun à hauteur de la contribution respective qu’il doit au titre du règlement UE n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 précité.
Le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) peut alimenter ce fonds dans les conditions prévues à l’article L. 361-4 du même code.
Un arrêté du ministère chargé de l’agriculture peut déterminer les règles régissant l’établissement, la gestion et les conditions d’application du fonds de stabilisation des revenus agricoles.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, sur l'article.
M. Franck Montaugé. Dans le temps qui m’est imparti, je voudrais réagir à certains propos qui viennent d’être tenus.
Je remercie M. le ministre d’avoir dépeint la situation extrêmement complexe de la problématique de la garantie des revenus agricoles. Les 35 % de financement font bien partie des enjeux fondamentaux de la future PAC. Il s’agit de faire en sorte que les droits à paiement de base, ou DPB, soient activés intelligemment, éventuellement de manière contracyclique, pour alimenter ces 35 % et de ne pas laisser l’agriculteur seul face au financement. Cela mérite d’être dit.
M. Franck Montaugé. Nous avons choisi un périmètre régional, monsieur Le Scouarnec, parce que, en l’état actuel du droit, les régions sont les autorités de gestion du FEADER. Cela dit, nous proposons également d’utiliser tout ou partie du FNGRA. La dimension nationale n’est donc pas absente de notre dispositif.
Toute la subtilité de notre texte, s’il en a une, monsieur Lenoir, se trouve dans l’expérimentation, dans la manière très précautionneuse avec laquelle nous formulons nos propositions. Il serait déraisonnable, voire irresponsable d’asséner des vérités sur un sujet aussi complexe. Ce point me paraît devoir être noté, notamment pour ce qui concerne les mécanismes de financement et les rapports que nous demandons au Gouvernement de produire.
Pour répondre à M. Collin, je ne sais pas si nous mettons la charrue avant les bœufs, ou qui est apparu le premier de la poule et de l’œuf, mais à un moment donné, il faut avancer. Cela relève de notre responsabilité. Nous ne créons rien de particulier puisque le dispositif législatif, européen en l’occurrence, existe. Mais il faut faire preuve de volontarisme pour répondre à l’attente forte et aux inquiétudes de nos agriculteurs. Il y va aussi de l’avenir de nos territoires ! (M. Yvon Collin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l'article.
M. Jean-Claude Lenoir. Je ne sais pas si le mot « subtilité » convient. En tout cas, j’ai été surpris de constater l’ingéniosité de mes collègues pour trouver des solutions au financement. Monsieur le ministre, vous n’avez pas vraiment répondu à ma question : comment allez-vous financer cette initiative si vous la soutenez jusqu’au bout ?
La proposition de loi prévoit un financement par la hausse des taxes sur le tabac, comme nous le faisons traditionnellement.
Elle prévoit en outre un rapport destiné à explorer d’autres solutions. Lesquelles seront retenues ? Comme vous l’avez souligné à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, tout cela se termine par des impôts. Le grand Colbert, sous le regard duquel nous siégeons, disait : « L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. » Alors, bon courage ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. Lasserre, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le millésime :
2017
par le millésime :
2018
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur. Cet amendement vise à reporter au 1er janvier 2018 la mise en place des fonds de stabilisation des revenus agricoles, prévue au 1er janvier 2017. Nous considérons que les conseils régionaux ont déjà suffisamment de grain à moudre en ce moment et qu’il convient de laisser un peu de temps à la réflexion. Il existe des risques de disparités entre territoires.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?