PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, nous avons procédé, tout à l’heure, à un scrutin à main levée et sans débat sur l’engagement d’une procédure contre l’auteur d’un livre qui s’est comporté de manière particulièrement désobligeante à l’égard du Sénat. J’étais présent et j’ai voté en faveur de l’engagement de cette procédure judiciaire.
Pour autant, je pense qu’il aurait été plus pertinent qu’il puisse y avoir un débat pour que chacun puisse s’exprimer. Je crois que le Sénat a aussi intérêt, au fond, à ne pas faire simplement le gros dos, quand certains journalistes, en mal de notoriété, présentent de manière complètement caricaturale le rôle que nous jouons.
Il aurait également pu être intéressant de procéder à un scrutin public. Un scrutin à main levée permet certes de compter les voix qui sont pour et celles qui sont contre, mais peut-être ne serait-il pas aberrant que l’on sache précisément dans quel sens chacun s’est exprimé.
Enfin, nous n’avons été prévenus de ce changement qu’à la dernière minute et nous n’avons pas pu disposer des documents à l’avance. Une meilleure organisation et une plus grande concertation auraient été préférables ; elles auraient permis un échange préalable entre les uns et les autres.
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Masson.
Le Sénat vient effectivement d’adopter, à l’unanimité des suffrages exprimés, un projet de délibération requérant l’engagement de poursuites pour diffamation publique à raison d’écrits contenus dans l’ouvrage intitulé Le Sénat ; un paradis fiscal pour des parlementaires fantômes.
Je tiens à vous dire que la procédure suivie par M. le président du Sénat est entièrement conforme aux conclusions de la conférence des présidents.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme la présidente. La conférence des présidents a en effet décidé l’organisation d’un vote sans débat à main levée et le bureau du Sénat, consulté, a approuvé cette démarche.
J’ajoute que le scrutin public ne peut être demandé que par les présidents de groupe, qui ne l’ont pas fait.
La décision de la conférence des présidents faisait ainsi obstacle à toute intervention qui aurait pu être interprétée comme une explication de vote. Aucune prise de parole n’était possible.
M. le président du Sénat a suspendu la séance pendant dix minutes pour que, le projet de délibération ayant été distribué, chacun d’entre nous puisse en prendre connaissance.
À l’issue de cette suspension, nous avons procédé au vote et le projet de délibération a été adopté à l’unanimité des suffrages exprimés, quatre d’entre nous seulement s’abstenant.
Une nouvelle fois, ce point de l’ordre du jour s’est déroulé selon les règles établies par l’ensemble des membres de la conférence des présidents.
J’espère, mon cher collègue, avoir répondu à votre interrogation.
M. Robert del Picchia. Très bien !
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Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein de l’article 30, l’examen de l’amendement n° 894 rectifié.
Article 30 (suite)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 894 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 373 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 145 |
Contre | 188 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 874.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 374 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 188 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 875.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l’article 30.
M. Dominique Watrin. Le débat qui nous oppose au Gouvernement et à la majorité sénatoriale a été très bien résumé par le représentant de la CFE-CGC, lors de son audition par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale : « Ce projet de loi cherche à simplifier le régime du licenciement économique en partant du principe que faciliter les licenciements facilitera l’embauche. […] Le texte devrait prévoir, au contraire, qu’avant de procéder aux licenciements économiques, il faut utiliser tous les moyens alternatifs pour éviter de devoir y recourir, […] pour préserver l’emploi dans l’entreprise ».
Eh bien, nous sommes pour cette alternative progressiste. Nous avons fait d’ailleurs des propositions que vous avez été une majorité à rejeter. Et nous voterons bien évidemment contre la facilitation et la sécurisation du licenciement collectif, qui résume cet article 30.
Oui, certains d’entre vous l’ont dit, dans les autres pays européens, le licenciement économique est beaucoup moins contrôlé, beaucoup moins régulé.
Ce sont les licenciements express, comme en Espagne ; ce mot évoque bien la situation du « salarié jetable » dans nos sociétés… Je pourrais aussi citer les Pays-Bas, le Royaume-Uni – cher à M. Cadic –, où la définition très extensive du licenciement économique permet de le motiver par de vagues « motifs non inhérents à la personne », ou encore la Suède, où il n’est besoin de formuler aucune justification !
En somme, les fonds de pension, les actionnaires font ce qu’ils veulent ou à peu près. C’est d’ailleurs pourquoi le MEDEF exprime cette exigence depuis des dizaines d’années.
Eh bien, mes chers collègues, madame la ministre, je vous dirai simplement : le MEDEF l’a voulu et c’est vous qui l’aurez fait ! Les TPE et PME ont beau dos dans cette histoire !
Pour notre part, au groupe CRC, nous ne serons jamais complices d’un tel recul, d’une telle régression, qui touche aux protections et aux droits des salariés, mais aussi aux intérêts économiques vitaux de notre pays.
Nous constatons aussi avec satisfaction que nous ne sommes pas isolés dans ce combat : les collègues écologistes et un nombre non négligeable de collègues socialistes ont défendu des positions proches des nôtres – 47 voix pour la suppression de cet article 30, il faut le souligner !
Nous pensons tous, au fond, que le licenciement doit être le dernier recours et qu’il ne peut être mis en œuvre que lorsque toutes les autres solutions l’ont été. Ce peut être le chômage partiel ou l’investissement pour moderniser ou renouveler l’outil de travail, mais en aucun cas, il ne faut faciliter, comme vous le faites aujourd’hui, les logiques financières, les délocalisations, qui ont déjà suffisamment affaibli notre outil industriel.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’article.
Mme Nicole Bricq. Je regrette que le groupe socialiste et républicain soit contraint de voter contre cet article. Peut-être aurions-nous pu trouver une voie pour avancer, si nous nous étions mieux compris !
Avec le Gouvernement, nous avons voulu reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier en ce qui concerne le périmètre du groupe, une notion que la Cour est amenée à apprécier.
Le Gouvernement a justement proposé de renforcer le contrôle, en demandant à la justice de bien regarder qu’il n’y ait pas de licenciement artificiel dans une filiale. Même si le phénomène est marginal, on sait bien que de telles choses peuvent s’organiser. Il faut donc donner les moyens au juge de vérifier tout cela.
Toutefois, nous n’avons pas réussi à tomber d’accord avec la commission sur la définition du périmètre.
En ce qui concerne les critères, la formule la plus simple me semble être celle de départ. En effet, le chiffre d’affaires est un critère transparent et un compte d’exploitation négatif est mortel pour l’entreprise. Le secteur dans lequel s’opère le licenciement doit aussi être pris en compte.
Finalement, nous n’avons pas réussi à trouver un chemin avec la majorité sénatoriale.
Pour terminer, je voudrais dire à nos collègues communistes que, si nous allons finalement voter contre un texte qui ne correspond pas à nos aspirations, nous ne partageons pas leur vision purement négative des employeurs. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Les fraudes existent, c’est certain, mais on doit légiférer pour le plus grand nombre.
Nous avons justement proposé le dispositif de l’article 30 pour protéger les salariés – quoi que vous en disiez ! – et dissiper l’appréhension de ceux qui ne savent plus où on en est.
Nous avons voulu trouver un équilibre et vous n’avez pas compris…
M. Dominique Watrin. On a très bien compris, au contraire !
Mme Nicole Bricq. … qu’il fallait donner une certaine souplesse et une sécurité.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Nicole Bricq. Mais vous ne voulez pas le comprendre !
Vous avez une vision purement négative de nos territoires. Quand j’entends la manière dont vous avez parlé de l’Isère ce matin, alors que, dans ce département, de belles entreprises innovantes sont pleinement impliquées dans la mondialisation, je trouve dommage que vous vous prêtiez à ces caricatures. (Mme Stéphanie Riocreux applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur de la commission des affaires sociales. Sans relancer le débat, qui a été suffisamment long et précis et qui a bien montré les désaccords, mais aussi les convergences, qui peuvent exister dans cet hémicycle, je rappelle que la commission des affaires sociales a trouvé un accord sur la philosophie du texte et sur l’objectif de cet article.
Nous avons, il est vrai, un désaccord de fond sur le périmètre. En ce qui nous concerne, nous souhaitons conserver un maximum d’attractivité à notre territoire.
Mme Nicole Bricq. Nous aussi !
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Nous pensons que le gain positif de l’attractivité compensera les éventuels effets pervers de la mesure.
Pour le reste, la commission a voulu rendre plus objective la notion d’entreprise en difficulté, afin de sécuriser le processus de licenciement économique, aussi bien pour l’entreprise que pour le salarié, et éviter de multiplier les contentieux.
Nous avons travaillé dans cette optique. Nous avons jugé que le texte du Gouvernement n’était pas parfait et qu’il était même inacceptable sur certains points, comme la définition d’une entreprise en difficulté qui ne reposait que sur des critères alternatifs.
Cela dit, je ne prétends pas que le texte de la commission soit lui-même parfait… Il est véritablement difficile d’écrire ce type de définition et de poser les bonnes limites.
Nous avons donc un désaccord sur les modalités, mais la commission des affaires sociales approuve, dans son principe, la disposition prévue à cet article. Nous pensons toutefois que notre rédaction est meilleure que celle qui nous a été proposée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 30.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 375 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l’article 30
Mme la présidente. L’amendement n° 450 rectifié, présenté par Mmes Billon et Lamure, MM. Bouchet, Cadic, Canevet et Danesi, Mme Morhet-Richaud, M. Adnot, Mme Deromedi, M. P. Dominati, Mme Primas et M. Vaspart, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 1231-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les motifs et conditions de rupture peuvent être préalablement définis dans le contrat de travail à durée indéterminée. Ces motifs sont liés aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise et peuvent être précisés et limités par une convention ou un accord. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Dans le cadre des travaux du rapport d’information Droit du travail : ce dont les entreprises ont besoin, qu’elle a récemment publié, la délégation aux entreprises du Sénat a consulté près de quatre cents entrepreneurs via un questionnaire en ligne.
À la question visant à identifier les réformes jugées prioritaires par les entreprises, 28 % d’entre elles ont répondu : « un contrat à durée indéterminée prédéfinissant des motifs et conditions de rupture ». C’est le premier choix et il se détache nettement des sujets arrivant ensuite, qui se situent à seulement 15 %.
Dans leur ouvrage publié en mai 2016, Un autre droit du travail est possible, les spécialistes du droit social que sont MM. Franck Morel et Bertrand Martinot ont par ailleurs identifié l’instauration d’un CDI conventionnel comme premier objectif de la feuille de route. Cette proposition doit permettre de dépasser « le terrible fossé qui sépare, en France, le monde du CDD de celui du CDI ».
Le présent amendement vise à créer une base légale pour ce type de CDI, qui répond au besoin explicité par les entreprises, afin de sécuriser et relancer l’embauche, et qui contribue à remédier à la dualité du marché du travail.
Il complète l’article L. 1231-1 du code du travail relatif à la rupture du CDI, en précisant que celle-ci peut avoir été définie préalablement dans le contrat de travail par l’employeur et le salarié. Les motifs ainsi définis doivent être liés aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise : fin d’un projet ou d’un contrat client, échec du développement géographique ou sur un nouveau marché de l’entreprise…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cet amendement vise à définir, dès la conclusion du contrat de travail ou à l’occasion d’avenants, les causes justifiant une rupture.
Je comprends bien tout l’intérêt de ce dispositif, qui peut effectivement se justifier.
Toutefois, des questions demeurent sans réponses. Que se passe-t-il si le salarié change d’avis après coup ? Existe-t-il un droit à rétractation ? Quels sont les moyens de contester la rupture ? Quelle sera la nature de cette rupture ?
Cela nécessite donc des approfondissements.
En outre, nous avons adopté, en séance, un amendement, qui est devenu l’article 2 bis du projet de loi. Il crée le CDDOD, c’est-à-dire le contrat de travail à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation d’un objet défini, d’une durée minimale de dix-huit mois et maximale de quarante-huit mois.
Ce dispositif répond, en partie, à votre préoccupation ; la demande que vous formulez peut donc être considérée comme partiellement satisfaite…
C’est pourquoi je vous demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Comme vous l’avez relevé, madame la sénatrice, beaucoup d’organisations patronales ont demandé, dans le cadre des concertations que j’ai menées autour de ce projet de loi, la mise en place d’un CDI prédéfinissant les motifs et les conditions de rupture.
Tout d’abord, je ne souhaite pas qu’employeurs et salariés décident en face à face des conditions de rupture à venir du contrat de travail.
Si j’ai pu dire à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, que je faisais confiance aux acteurs du dialogue social, aux employeurs, aux salariés, je ne suis pas non plus naïve. Pensez-vous vraiment que la négociation des conditions de rupture d’un contrat de travail au moment de sa signature se passe à armes égales ? Pour ma part, je ne le pense pas.
Ensuite, le contrat ne doit pas non plus se substituer au juge, qui dispose d’un pouvoir d’appréciation de l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Enfin, permettez-moi de vous dire, comme M. le rapporteur, que cet amendement, s’il est voté, n’atteindra pas son objectif. Penser qu’un salarié et une TPE vont définir des clauses de rupture complexes dès l’embauche et qu’elles seront juridiquement bien rédigées pour résister à un contentieux me semble vraiment illusoire. Vous créerez en fait plus de complexité pour l’employeur et plus de contentieux.
J’ajoute que, si les parties en sont d’accord, la rupture conventionnelle apporte déjà une réponse. Celle-ci est largement utilisée, même si j’en ai dénoncé les abus ce matin encore, en abordant la clarification du motif de licenciement économique.
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. Madame Billon, l’amendement n° 450 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Pour éviter des débats trop longs, je vais le retirer. Il s’agissait plus d’un amendement d’appel.
Les entreprises attendent plus de flexibilité et souhaitent qu’on leur fasse confiance. Sur ce point, elles méritent d’être entendues. Le CDI reste trop rigide pour imaginer qu’un jour il puisse être amélioré.
Mme la présidente. L’amendement n° 450 rectifié est retiré.
L’amendement n° 128 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, Commeinhes, Magras, Houel, Cambon, Vasselle, Longuet et Doligé, Mme Duranton, M. Laménie, Mmes Deromedi et Lopez et MM. Bouchet et Masclet, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 1232-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette justification n’est pas requise pour les micro-entreprises définies à l’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique économique. » ;
2° L’article L. 1233-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-1. – Les dispositions du présent chapitre sont applicables dans les entreprises et établissements privés de toute nature, à l’exception des micro-entreprises définies à l’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique économique. Elles sont également applicables, sauf dispositions particulières, dans les entreprises publiques et les établissements publics industriels et commerciaux. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement vise à instaurer une réelle nouvelle liberté et une réelle nouvelle protection pour l’entreprise.
Mes chers collègues, vous savez que le taux d’emploi est structurellement moins élevé en France que chez la quasi-totalité de nos voisins. Ces pays ont en commun d’avoir un marché du travail beaucoup plus flexible qu’en France, un système d’allocations chômage plus strict, une meilleure formation professionnelle, un contrat de travail nettement plus souple, mais, surtout, des procédures de licenciement beaucoup plus simples pour les petites entreprises.
C’est l’objet de cet amendement que de libérer, sur le modèle allemand, les petites entreprises françaises de toutes les contraintes liées à la procédure de licenciement.
En 2004, un gouvernement socialiste, en Allemagne, a proposé d’exonérer les entreprises de moins de dix salariés de toute procédure de licenciement, à une époque où le taux de chômage était pratiquement de 12 % dans ce pays. Aujourd’hui, douze ans après, ce taux avoisine les 4 % !
Ce modèle a été suivi en Europe par un certain nombre de pays : la Suisse, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, et même la Suède, connue pourtant pour ses politiques sociales très protectrices.
L’objet de cet amendement est de laisser aux entreprises françaises de moins de dix salariés exactement la même liberté, la faculté de licencier plus facilement assurant de la souplesse à l’embauche.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Contrairement à l’Allemagne, la France a ratifié la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail sur les licenciements, laquelle prévoit, dans son article 4, qu’« un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur, ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. »
Cette convention faisant obstacle à l’adoption de votre amendement, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est également défavorable. Cependant, mes raisons vont au-delà de l’argument invoqué par M. le rapporteur, qui est au demeurant tout à fait valable.
Monsieur Dominati, vous procédez à une comparaison de l’emploi au niveau européen, mais vous devez savoir qu’avec les contrats « zéro heure » au Royaume-Uni ou les « mini-jobs » allemands – le gouvernement allemand, sous l’impulsion de la ministre du travail, Andrea Nahles, est d’ailleurs en train de revenir sur ces « mini-jobs » – il suffit que la personne travaille une heure par semaine pour sortir des statistiques du chômage. Cela n’est pas comparable avec la pratique française.
La seule comparaison qui vaille est celle qui repose sur les chiffres du BIT, or, dans ce cas, notre taux de chômage est inférieur à la moyenne de la zone euro. Il faut tenir compte de cette réalité si nous voulons véritablement établir des comparaisons au plan international.
Néanmoins, je le reconnais, nous devons mieux faire. Nous avons voté hier sur les accords en faveur de l’emploi à l’article 11, et nous devons être désormais en mesure de prendre les bonnes décisions au bon moment dans le cadre du dialogue social, plutôt que de nous en remettre à la flexibilité externe, c’est-à-dire aux licenciements.
Des accords issus du dialogue social, sur la base de l’article 2 ou de l’article 11, doivent nous permettre de faire évoluer nos pratiques sociales pour éviter de revivre à l’avenir les grandes vagues de licenciements que nous avons connues dans notre pays au moment de la crise de 2008, quand l’Allemagne, avec le chômage partiel, mais aussi, parfois, avec des décisions dures, comme la modération salariale ou l’augmentation du temps de travail à titre provisoire, résistait mieux que nous à la crise. C’est une réalité !
Après, si nous regardons le nombre d’emplois créés, l’Allemagne et la France sont exactement au même niveau sur les vingt dernières années.
J’entends bien que les TPE ont plus de difficultés que les grandes entreprises pour connaître et respecter les règles de la procédure de licenciement. Pour autant, la solution ne consiste pas à les exonérer du respect de ces règles, qui constituent, bien sûr, des garanties pour les salariés, et qui sont aussi prévues par les textes internationaux.
L’option que nous avons choisie dans ce projet de loi tend à fournir un meilleur appui aux entreprises. Par exemple, vous avez voté hier la mise en place d’un service public d’accès au droit. Nous préconisons également la clarification des motifs de licenciement, mais nous ne souhaitons en aucun cas réduire les droits des salariés ni imposer la précarisation.
C’est pour ces raisons que je suis défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.