M. Dominique Watrin. Ces dernières années, beaucoup de nos concitoyens se sont légitimement engagés dans des mouvements sociaux. Ils se sont exprimés pour faire respecter leurs droits fondamentaux, protéger leurs conditions de travail ou encore préserver l’emploi, les services publics, un système de protection sociale efficace et solidaire ou leur environnement. Alors qu’ils défendaient l’intérêt général, nombre d’entre eux ont fait l’objet de sanctions pénales ou disciplinaires et de licenciements.
Trop de sanctions injustes ont été infligées, qui ne visaient qu’à éteindre toute velléité de contestation, parfois en réprimant le simple affichage ou la distribution de tracts.
On se souvient plus particulièrement du cas de Xavier Mathieu, délégué syndical CGT de l’entreprise Continental, condamné à 1 200 euros d’amende par la cour d’appel d’Amiens pour avoir refusé un prélèvement d’ADN, de celui de deux syndicalistes d’Eurodisney condamnés pour avoir fait, sur leur blog, le lien entre le suicide de deux de leurs collègues et leurs conditions de travail. Plus récemment, cinq ans de prison ferme ont été requis contre une manifestante pour avoir jeté un micro en direction de policiers lors de l’évacuation de la mairie d’Amiens occupée, le 28 avril dernier, en marge d’une manifestation contre le projet de loi Travail. D’une extrême violence, la charge des policiers avait entraîné de graves blessures.
Les citoyens qui défendent leur école, leur outil de travail, leur hôpital ou leur retraite ne sont ni des criminels ni des délinquants. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous entendons, par cet amendement, leur rendre justice, notamment en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Aussi proposons-nous d’amnistier les faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales ou revendicatives. L’amnistie concernerait également les sanctions disciplinaires.
Mme la présidente. L’amendement n° 680, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1132-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1132-… – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distributions d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de l’accomplissement d’une démarche d’information, de revendication ou de réclamation auprès de l’administration du travail, de l’inspection du travail, d’une organisation syndicale, pour avoir agi ou témoigné en justice. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Le présent amendement tend à exclure le licenciement de tout salarié ayant intenté une action en justice liée à son activité professionnelle à l’encontre de son employeur ou de tout membre de l’entreprise, société ou groupe dans lequel il exerce. Il vise également à protéger l’ensemble des salariés qui seraient susceptibles de produire des preuves ou témoignages lors de la procédure judiciaire.
D’ailleurs, un arrêt rendu le 16 mars dernier par la chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé la nullité du licenciement intervenu en raison d’une action en justice intentée par un salarié demandant aux juges la requalification de son CDD en CDI. Pour la Cour de cassation, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite par le salarié est nul, car il porte atteinte à une liberté fondamentale, celle d’agir en justice.
Un article bien connu du code du travail a été visé par la Cour de cassation : l’article L. 1121-1, selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
La jurisprudence précise qu’il appartient à l’employeur d’établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice par les salariés de leur droit d’agir en justice. Elle invite les juges du fond à contrôler le mobile de la mesure prise par l’employeur.
La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’énoncer cette règle, à propos de la rupture anticipée d’un CDD et d’un licenciement consécutif à une action en résiliation judiciaire du contrat, dans un arrêt du 3 février 2016 ; elle en fait désormais un véritable principe.
Finalement, en s’appuyant sur la jurisprudence récente, notre amendement vise à apporter aux salariés une protection permettant l’accès libre à la justice et libérant les parties demanderesses de toute entrave professionnelle uniquement motivée par la mise en œuvre de ladite procédure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Concernant l’amendement n° 679, nous avions amorcé ce débat la semaine dernière, à l’occasion de l’examen d’un autre amendement, qui visait à exempter d’inscription au fichier national des empreintes génétiques des personnes ayant commis des actes délictueux.
Le présent amendement vise, quant à lui, à amnistier des infractions passibles de moins de dix ans d’emprisonnement : dix ans d’emprisonnement, c’est énorme ! Vous évoquez, monsieur Watrin, le cas d’une personne qui aurait distribué des tracts : je doute qu’elle encoure dix ans de prison, quelles que soient les circonstances !
Mme Jacqueline Gourault. Ça se saurait !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Si nous adoptions aujourd’hui un tel amendement, quel signal enverrions-nous à nos concitoyens et aux forces de sécurité qui devront peut-être encore, jeudi prochain, encadrer des manifestations ou des rassemblements ? On a bien vu la semaine dernière ce qu’il en a été, avec les nombreux troubles qui se sont produits aux alentours des cortèges.
Mme Éliane Assassi. Il ne faut pas tout mélanger !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Madame Assassi, je ne mélange rien ! Vous savez bien que la rédaction de cet amendement permet une large application de l’amnistie : les fameux casseurs rentreraient dans son champ. Cela pose problème !
En outre, l’adoption d’un tel dispositif aboutirait à la création d’une catégorie de personnes « intouchables », qui seraient au-dessus des lois.
La commission a, par conséquent, émis un avis défavorable sur l’amendement n° 679.
Sur l’amendement n° 680, son avis est également défavorable. Comme vous l’avez précisé, monsieur Bocquet, le juge fait d’ores et déjà respecter les libertés fondamentales des salariés, sans qu’il soit nécessaire de toutes les citer dans le code du travail. La jurisprudence de la Cour de cassation est établie ; il convient de s’y tenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je reconnais qu’il existe parfois des contextes particuliers de tension et de détresse ; personne ne peut le nier. En revanche, tout ne peut pas être excusé, et certains actes commis dans des entreprises à l’occasion de conflits sociaux, tels que des séquestrations, des dégradations ou des violences physiques, ne sont tout simplement pas acceptables. C’est pourquoi je suis défavorable au principe d’une loi d’amnistie de tous les faits de cet ordre commis avant le 6 mai 2012.
Mme Éliane Assassi. Mme Taubira était d’accord avec nous ! Les temps ont changé !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je vous donne, en tant que ministre, l’avis du Gouvernement. Je suis prête à me pencher sur les cas de personnes ayant été condamnées pour avoir distribué des tracts. Dites-moi seulement où, quand et comment les choses se sont déroulées, et je vous assure que je vous apporterai des réponses très précises sur de tels cas concrets.
L’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 679 est donc défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 680, comme vous l’avez dit vous-même, monsieur Bocquet, le droit permet déjà cette protection : un licenciement fondé sur un tel motif serait sans cause réelle et sérieuse. La loi prévoit clairement la nullité d’un licenciement fondé sur une discrimination syndicale ou en raison de l’opinion. De même, les mesures de rétorsion contre des salariés qui témoignent d’un crime, d’un délit ou d’une situation de harcèlement sont frappées de nullité.
J’ajoute que le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, que vous allez bientôt examiner, renforcera encore ces protections en créant un statut de lanceur d’alerte. En conclusion, j’estime que cet amendement est satisfait.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote sur l’amendement n° 679.
M. Jean-Noël Cardoux. Pour employer un euphémisme, je dirai que, dans le climat actuel, cet amendement est pour le moins malvenu et à la limite de la provocation…
Je ne sais pas, chers collègues, si vous avez observé dans quel état sont les rues de Paris depuis un mois : les manifestations se succèdent, des vitrines sont vandalisées, des commerces sont mis à sac. Dernièrement – je m’en étais ouvert en commission –, un hôpital pour enfants a même été attaqué… (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Henri de Raincourt. C’est scandaleux !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai ! (Si ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Noël Cardoux. Arrêtez donc de pérorer sans cesse quand quelqu’un s’exprime !
Mme Éliane Assassi. Vous n’étiez pas là pendant une semaine et vous vous permettez de parler ainsi !
M. Jean-Noël Cardoux. Criez, vous ne savez faire que ça !
Mme Cécile Cukierman. Et vous, vous ne savez que donner des leçons !
M. Jean-Noël Cardoux. Dans les circonstances présentes, je trouve que déposer un tel amendement relève de la pure provocation ! L’adopter, au moment même où le ministre de l’intérieur hésite à donner son autorisation à la manifestation prévue jeudi,…
Mme Éliane Assassi. Je vous rassure, la manifestation se tiendra quand même !
M. Jean-Noël Cardoux. … serait envoyer le signal suivant aux manifestants et aux casseurs qui les accompagnent : « Allez-y, de toute façon vous serez amnistiés ! »
Pour ma part, je pense aux forces de l’ordre, aux policiers et aux gendarmes qui, depuis un mois et demi, subissent les attaques des casseurs,…
Mme Cécile Cukierman. Manifestants et casseurs, ce n’est pas la même chose !
Mme Sophie Primas. Et quand les casseurs portent un drapeau de la CGT ?
Mme Cécile Cukierman. Et quand ils portent un brassard ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Noël Cardoux. … se font tabasser sans pouvoir répliquer, sauf à être mis en cause, et sont à la limite de la rupture sur le plan physique. Va-t-on leur dire : « Voyez-vous, ces gentils messieurs qui vous ont tabassés et qui, souvent, vous ont blessés, on va les amnistier, ils ne seront pas condamnés. » Je trouve cela scandaleux !
Madame Cohen, vous nous avez dit tout à l’heure, sur le sujet de l’égalité entre hommes et femmes, qu’il fallait envoyer des signaux politiques. Je pense que, dans le contexte que nous connaissons actuellement, le groupe CRC se grandirait en retirant cet amendement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme Éliane Assassi. Certainement pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il n’est nul besoin d’invectives. Je me range bien évidemment aux avis émis par M. le rapporteur et Mme la ministre.
Je fais mienne l’argumentation sur l’inopportunité d’un tel amendement que vient de développer mon excellent collègue Jean-Noël Cardoux.
J’ajoute que l’on ne saurait voter une telle amnistie, car il n’y a pas, d’un côté, des violences qui seraient excusables, et, de l’autre, des violences qui seraient condamnables. Mes chers collègues, quand le quantum de peine est de dix ans d’emprisonnement, il s’agit non pas de petits débordements, mais d’actes de violence graves, qui ne sont pas pardonnables.
Par ailleurs, il ne peut pas non plus y avoir deux catégories de citoyens, les uns bénéficiant d’une forme d’immunité, les autres étant soumis à la loi.
Il est donc impossible de voter cet amendement, pour des raisons non pas politiciennes, mais de simple bon sens. Je pense que nous pouvons tous en convenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Bien évidemment, je me range aux arguments du président Retailleau.
Provocation pour provocation, je trouve franchement scandaleux que les héritiers d’une idéologie politique ayant inspiré des régimes dont on sait comment les opposants étaient traités par la justice et la police osent déposer un tel amendement ! (M. Jean-Paul Emorine applaudit. – Protestations sur les travées du groupe CRC.) Je me borne, mes chers collègues, à vous renvoyer à votre histoire…
Mme Éliane Assassi. Vous avez pourtant eu besoin des communistes, au cours de l’histoire ! Où seriez-vous sans le parti communiste ?
M. Alain Marc. Faire une telle proposition, ce n’est vraiment pas le signal qu’il faut envoyer aujourd’hui !
Mme Éliane Assassi. Le parti communiste est le parti des fusillés : respectez-le !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Je souhaiterais insister d’abord sur le fait que le champ des infractions susceptibles de faire l’objet de l’amnistie prévue par cet amendement est déjà extrêmement restreint par rapport à celui des lois d’amnistie passées.
N’oublions pas, en outre, que chaque loi d’amnistie est accompagnée d’une circulaire de la chancellerie à destination des parquets. La circulaire d’application de la loi d’amnistie de 2002 précisait ainsi qu’il « appartient aux parquets et aux juridictions d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, s’il existe entre le fait poursuivi et le critère de l’amnistie retenu par le législateur une relation suffisante pour permettre de constater l’amnistie ». On voit donc bien qu’il y a un garde-fou.
Ainsi, si les agissements reprochés ont été commis non pas à l’occasion de manifestations ou d’actions pour la défense de l’intérêt collectif d’une profession, mais dans le cadre d’une action ponctuelle préméditée, la loi d’amnistie ne s’applique pas. Par conséquent, contrairement à ce qu’a affirmé M. le rapporteur, les lois d’amnistie ne peuvent pas profiter aux casseurs qui saisissent l’occasion des manifestations pour s’attaquer non seulement aux forces de l’ordre, mais aussi aux cortèges syndicaux.
Par ailleurs, comme les lois d’amnistie passées, le présent amendement prévoit une amnistie des sanctions disciplinaires. L’inspection du travail serait donc chargée de veiller à ce que les mentions de ces faits soient retirées des dossiers des intéressés. Notons, à cet égard, que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 20 juillet 1988, a validé cette possibilité en indiquant que le législateur pouvait « étendre le champ d’application de la loi d’amnistie à des sanctions disciplinaires ou professionnelles dans un but d’apaisement politique ou social ».
Dès lors, il est tout à fait normal que, dans le cadre du projet de loi Travail, un groupe comme le nôtre relaie des revendications que nous avions déjà exprimées en d’autres occasions, s’agissant notamment de l’amnistie pour des faits relevant de l’action syndicale.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je voterai évidemment contre ces amendements. J’indique à nos collègues du groupe CRC que le président Chirac avait décidé, en 2002, de ne pas recourir à une loi d’amnistie. Le président Sarkozy a suivi cet exemple, et M. Hollande lui-même s’est prononcé contre les lois d’amnistie. Il n’y a aucune raison d’y revenir maintenant !
Mme Éliane Assassi. Si, justement !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. On peut créditer le groupe CRC d’une forme de constance : ses membres soulèvent ce débat très régulièrement.
Sur le fond, on peut selon moi, en démocratie, dans la France d’aujourd’hui, défendre ses convictions, exprimer des revendications sociales, participer à la lutte sociale tout en restant dans le cadre de la loi. Telle est en tout cas notre conviction ; c’est pourquoi nous voterons contre l’amendement n° 679.
Je pense en outre qu’il serait quelque peu délicat d’expliquer, dans la société d’aujourd’hui, marquée par de fortes tensions, pourquoi la loi traiterait différemment les mêmes faits selon la nature des motifs qui ont inspiré leurs auteurs. Certains actes commis dans le cadre d’une confrontation sociale telle que celle que l’on connaît aujourd’hui relèvent tout de même du champ pénal. Il faut s’en tenir au cadre républicain, qui garantit certes les libertés, mais aussi l’égalité devant la sanction.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je me réjouis que l’on puisse avoir un débat aussi serein sur une mesure d’amnistie…
Voilà quelques années, une proposition de loi d’amnistie que nous avions déposée avait largement rassemblé, à gauche, et avait même été adoptée par la Haute Assemblée. Il est donc tout à fait possible de discuter d’amnistie sans forcément tomber dans l’hystérie ou employer des arguments excessifs, comme on a pu en entendre aujourd’hui. Cela étant, je ne veux pas remettre d’huile sur le feu…
Je n’ai jamais dit que des gens avaient été arrêtés ou mis en prison pour avoir simplement distribué des tracts ou collé des affiches, mais qu’ils avaient reçu des menaces ou des assignations judiciaires. Nous devons nous écouter mutuellement et parler sereinement de cette question de l’amnistie.
Sur le fond, chers collègues, vous dites qu’un droit particulier ne doit pas s’appliquer aux syndicalistes et qu’il existe d’autres manières de se faire entendre. Je vous renvoie au cas, que j’ai déjà cité, de Xavier Mathieu. Il était délégué syndical à l’usine Continental d’Amiens, qui a d’ailleurs fermé depuis lors, ce qui a causé la disparition de plusieurs centaines d’emplois. Conformément à sa mission, il défendait l’emploi, les salariés : dès lors, est-il normal qu’on ait voulu le soumettre à un prélèvement d’ADN ? Il risquait ainsi d’être fiché pendant dix ou vingt ans, comme un délinquant !
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est le droit commun !
M. Dominique Watrin. Nous ne demandons pas un traitement particulier ou privilégié pour les syndicalistes ; nous demandons simplement que l’action syndicale ne puisse pas être réprimée d’une manière tout à fait discriminatoire.
M. Bruno Retailleau. Il ne s’agit pas d’action syndicale, mais de voies de fait !
M. Dominique Watrin. Puisque vous avez convoqué l’histoire, je le ferai à mon tour. Lors du débat sur notre proposition de loi d’amnistie, en 2013, j’avais évoqué le cas des mineurs grévistes de 1948. Mme Taubira avait alors reconnu que ces mineurs avaient été licenciés de manière discriminatoire et arbitraire, mais le processus de réhabilitation et de réparation est aujourd’hui complètement bloqué par l’actuel ministre de la justice !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 679.
J'ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 362 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 313 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 680.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 18 bis (nouveau)
L’article L. 2325-43 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’excédent du budget de fonctionnement peut être affecté au budget dédié aux activités sociales et culturelles après un vote à l’unanimité du comité d’entreprise. »
Mme la présidente. L'amendement n° 681, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous demandons la suppression de cet article introduit par la commission des affaires sociales du Sénat et le retour au texte initial.
Nous avons déjà débattu du rôle des comités d’entreprise. Selon nous, il faut laisser le budget de fonctionnement au comité d’entreprise et ne pas prévoir, par la loi, que son excédent soit affecté au budget dédié aux activités sociales et culturelles. Cela reviendrait en effet à détourner la réalité objective de ce budget.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet article est issu d’un amendement de Michel Raison, adopté par la commission. Celle-ci ne se déjuge pas et émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Il s’agit d’en finir avec une rigidité excessive et un cloisonnement strict entre le budget de fonctionnement et le budget dédié aux activités sociales et culturelles. Cette disposition ménage la possibilité d’affecter l’excédent du budget de fonctionnement au budget dédié aux activités sociales et culturelles. Je précise que, pour ce faire, il faut l’unanimité. Cette garantie nous paraît suffisante.
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, ce qui est cohérent avec la position que j’ai rappelée tout à l’heure. Depuis la loi Rebsamen, nous souhaitons que le comité d’entreprise puisse monter en compétence sur les questions de stratégie, notamment en matière économique. Il est donc essentiel de bien distinguer entre le budget de fonctionnement et le budget dédié aux activités sociales et culturelles.
C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement émettra un avis défavorable sur l’amendement n° 1023. Certes, j’ai accordé la possibilité – si le comité d’entreprise est d’accord – de consacrer l’excédent du budget de fonctionnement à la formation ; reste qu’il faut maintenir la séparation entre celui-ci et le budget dédié aux activités sociales et culturelles.
Mme la présidente. L'amendement n° 1023, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
après un vote à l’unanimité
par les mots :
par une décision prise à l’unanimité des membres élus
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision sur l’unanimité de la décision.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18 bis, modifié.
(L'article 18 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 18 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 215 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Bizet et Commeinhes, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre, César, Cambon, Cornu et Vaspart, Mme Mélot, MM. Houel, Revet, J.C. Leroy et Mouiller, Mme Cayeux, MM. Dallier, Panunzi et P. Dominati, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud et Primas et MM. Trillard, Mandelli et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 18 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2323-86 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises comportant des établissements distincts, un accord d’entreprise conclu dans les conditions du II de l’article L. 2232-12 peut déterminer librement le mode de répartition de la subvention entre les comités d’établissement. La répartition peut être opérée notamment au prorata des effectifs de chacun des établissements. »
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Cet amendement vise à rétablir un principe de solidarité entre les établissements d’une même entreprise pour la gestion des activités sociales et culturelles, en prévoyant qu'un accord collectif d'entreprise puisse organiser une répartition de la subvention selon des modalités différentes, notamment au prorata des effectifs.
En l'état actuel du texte, la répartition de la subvention entre les comités d'établissement se fait en fonction de la masse salariale, ce qui avantage les établissements avec de hauts revenus de cadres par exemple. En donnant la possibilité de procéder aussi à cette répartition en fonction des effectifs, plus d'équité est offerte aux établissements où les revenus sont moins élevés.
Il convient de prévoir cette possibilité dans la loi, car la Cour de cassation a, à plusieurs reprises, remis en cause ce principe de solidarité, en imposant que la répartition de la subvention versée par les entreprises à leurs comités d’établissement se fasse au prorata des masses salariales des établissements concernés et non à celui des effectifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission estime qu’il s’agit d’un très bon amendement, sur lequel elle émet un avis favorable.
Cette disposition permet en effet d’avoir de la souplesse dans les accords d’entreprise, de pouvoir opérer une répartition qui se fasse au prorata des effectifs et pas seulement à celui de la masse salariale. Cela peut être dans l’intérêt des établissements où les salaires sont moins élevés. La Cour de cassation a d’ailleurs rendu un arrêt faisant jurisprudence, jurisprudence à laquelle l’adoption de cet amendement pourrait répondre.