M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je veux soutenir ceux qui ont rédigé cet article.
Les salariés des PME, ceux qui en dirigent une le savent, se défient parfois des syndicats, qu’ils trouvent politisés et qui ne représentent pas toujours, selon eux, leurs intérêts.
L’exercice mis en place par cet article est un exercice de démocratie participative dans l’hypothèse où il n’y a pas de délégué syndical – c’est exclusivement pour ce cas-là que cet article a été rédigé. La rédaction retenue procède d’une volonté de recherche de consensus puisque la majorité des deux tiers est requise pour ratifier les accords. Aussi, contrairement à Mme Bricq, je pense que c’est cette démarche qui va dans le sens de l’histoire.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. J’aurais voulu répondre à Mme Bricq, mais elle n’est plus là.
M. Yves Daudigny. On lui transmettra !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je suis sûr que, de toute façon, son cerveau non reptilien lui fera lire directement mes propos. (Sourires.)
Je veux aussi faire fonctionner le mien. Si je comprends bien l’ensemble de la discussion, ce qui est proposé pour les entreprises de moins de cinquante salariés par le Gouvernement et par la majorité présidentielle, c’est soit le délégué syndical élu, soit un salarié mandaté par un syndicat qui n’est pas obligatoirement représenté au sein de l’entreprise.
Nous proposons une troisième possibilité : un salarié de l’entreprise, élu par ses pairs et qui discute directement avec l’employeur. Pourquoi ne pas accepter la démocratie en son entier ? On recourt à une possibilité, à la deuxième ou à la troisième. C’est tout ce que propose l’article écrit par la commission, et je pense que cette solution respecte la pluralité.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je suis un peu choqué par cette discussion, je ne la comprends pas. J’entends bien ce qui est dit : quand il y a une représentation syndicale, c’est elle qui discute. Mais on parle là des entreprises de moins de cinquante salariés ! On en connaît dans la ruralité. J’étais médecin, je ne connaissais pas l’entreprise, mais je savais le vécu des ouvriers qui travaillaient dans ce cadre et les démarches qu’ils menaient quand un conflit survenait.
Ce qui est proposé par l’article 10 A me paraît assez logique, et je trouve les propos qui ont été tenus quelque peu discriminatoires. Discriminatoires, ils le sont vis-à-vis des patrons, qui ne sont pas tous de méchants patrons farouchement déterminés à écraser les gens ! Certains veulent que leur entreprise marche, allant même jusqu’à souhaiter en faire profiter leurs ouvriers et à avoir l’ambition de créer des emplois ! Ce que j’ai entendu me paraît très dur. Je pense que la France doit, pour se réformer, se réconcilier avec son patronat. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Sinon, on ira dans le mur !
Discriminatoires, les propos le sont aussi vis-à-vis des salariés. Y a-t-il, d’un côté, les bons salariés, ceux qui sont syndiqués, et, de l’autre, les mauvais, ceux qui ne sont pas syndiqués ? Ceux qui ne sont pas syndiqués sont dans cette situation pour des raisons de circonstances, parce qu’ils sont bien avec leur patron, parce qu’ils travaillent dans une entreprise qui marche bien et qu’ils n’ont pas, en définitive, ressenti le besoin d’adhérer à un syndicat. En revanche, s’il y a un problème, ils sont capables d’aller demander conseil auprès d’un syndicat, voire d’y adhérer, si cela leur paraît nécessaire.
La zone de clivage n’est pas aussi forte que ne le laissent entendre les propos qui ont été tenus dans cette assemblée. Voilà tout simplement ce que je voulais dire.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Nous abordons une partie importante du texte, et il est normal que les convictions s’expriment.
Nous pensons, pour notre part, que les corps intermédiaires sont importants. Les syndicats, y compris ceux avec lesquels il nous arrive de ne pas être d’accord, sont des interlocuteurs crédibles. Nous devons leur faire confiance, parce qu’ils sont la base même de notre contrat social, du dialogue social ; il ne faut pas les squeezer.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Même lorsqu’il n’y en a pas ?
M. Didier Guillaume. La proposition que vous faites, monsieur le rapporteur, au nom de la commission, est différente de celle que nous soutenons.
Le deuxième tour laisse toujours la possibilité d’élire quelqu’un de l’entreprise. Mais, ce que nous voulons, c’est garder, pour le premier tour, le droit actuel, ce qui ne signifie pas que nous voulons à tout prix préserver les gardiens du temple ou je ne sais quoi ! Si nous sommes attachés au droit actuel, ce n’est pas tant pour une question de symbole ; c’est pour une question de démocratie sociale.
Pour le premier tour, nous souhaitons que les candidats soient désignés par les syndicats présents dans l’entreprise. S’il n’y a pas de présence syndicale dans l’entreprise, nous souhaitons que les candidats soient désignés par mandatement syndical. Cette proposition nous semble relever de la bonne logique du dialogue social, ce qui explique d’ailleurs nos échanges. À cet égard, je ne pense pas que les propos de Mme Bricq – qui vient justement de nous rejoindre – aient été excessifs. Elle s’est s’exprimée sur le vif, comme on le fait au cœur d’une discussion.
La légitimité des syndicats est un aspect très important. C'est la raison pour laquelle nous souhaiterions vraiment que le Sénat supprime cet article.
J’entends qu’il faut réconcilier les patrons ou les entreprises et la politique. Or on nous a assez fait grief d’avoir montré, par les actions en direction de l’entreprise que les gouvernements ont menées durant ce quinquennat – je pense notamment au pacte de responsabilité et au CICE –, que nous aimions l’entreprise et les chefs d’entreprise. Nous souhaiterions d’ailleurs que l’inverse soit également vrai et que nous puissions nous accorder sur un pacte social. Pour y parvenir, nous pensons qu’il faut, dans un premier temps, garder la rédaction du Gouvernement s’agissant du premier tour d’une élection.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 et 965.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 333 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 639, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéa 7
Remplacer le pourcentage :
30 %
par le pourcentage :
50 %
III. – Alinéas 8 à 10
Supprimer ces alinéas.
IV. – Alinéa 11, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
V. – Alinéas 12 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit pour nous, vous l’aurez compris, d’un amendement de repli, puisque, la commission étant elle-même à l’origine de l’article 10 A, nous nous attendions fort au rejet de notre amendement de suppression en séance publique. Néanmoins, nous persistons à dire que cet article est très mauvais pour la démocratie sociale. Nous proposons donc, en guise de moindre mal, d’en revenir aux accords fixant le seuil de représentativité à 50 % des suffrages exprimés pour établir la représentativité des salariés habilités à signer les accords collectifs plutôt que de l’abaisser à 30 %.
Pour répondre à ce qui a été dit précédemment, il n’est pas question pour nous de priver les entreprises de la possibilité de négocier. Cependant, la conduite d’une négociation demande de la part des salariés concernés une « aptitude » à l’exercice.
Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, lesquelles constituent la grosse majorité de nos entreprises – elles emploient plusieurs millions de salariés –, il ne serait ni juste ni même normal que les salariés retenus pour négocier ne soient pas capables de le faire. Je le dis avec d’autant plus de force que la logique du projet de loi, qui conduit à inverser la hiérarchie des normes et à privilégier les accords d’entreprise, rend indispensable la présence de salariés capables de négocier.
Nous ne nous battons pas pour refuser la négociation dans les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles. Nous nous battons pour réserver aux organisations syndicales la possibilité de se présenter au premier tour des élections destinées à établir la représentativité des salariés. Si le quorum n’est pas atteint, parce que les électeurs ne sont pas assez nombreux, un second tour est organisé. Des personnes non mandatées par une organisation syndicale pourront toujours s’y présenter, briguer les suffrages et être élues par leurs pairs. Nous ne nous opposons pas à cette disposition, qui existe dans le droit actuel et que nous respectons. Ce que nous refusons, c’est qu’il soit mis un terme au monopole syndical pour les candidatures au premier tour.
Faut-il le rappeler, la négociation et la signature d’un accord, quel qu’il soit, requièrent quand même de la part des salariés qui représentent les leurs la possession d’un minimum de bases juridiques, notamment de connaissances en droit social et en droit du travail. Si tel n’est pas le cas, les salariés sont placés dans des conditions inacceptables pour négocier face à un patron !
Je vous invite à aller interroger les représentants des salariés aux conseils de prud’hommes sur le nombre de litiges dont ils sont saisis venant de petites entreprises. Ils vous diront que la quantité des contentieux trouve son origine dans le fait que les salariés ne sont pas suffisamment informés de leurs droits pour parvenir à se défendre eux-mêmes dans le cadre de l’entreprise.
Par cet amendement, nous essayons de limiter le champ de l’article 10 A, qui, pour nous, porte vraiment atteinte à la démocratie sociale dans les entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pour promouvoir ce nouveau canal de négociation, la commission a souhaité que les accords soient signés dans des conditions similaires à celles qui existent aujourd'hui.
Lors de l’examen de l’article 10, nous aurons un débat sur la règle majoritaire ; je ne développerai donc pas plus longuement mon propos. Je me contente d’indiquer que c’est cette logique retenue par la commission qui l’a conduite à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage évidemment votre constat, madame David, sur l’importance de la règle majoritaire. Telle est précisément la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de l’article 10 A. En revanche, je ne vous suis pas quand vous proposez de supprimer le mandatement. Au-delà de la bataille culturelle, je crois en effet aux vertus du collectif en termes d’accompagnement et de formation. Je suis tout à fait d’accord avec vous, on ne naît pas négociateur !
Être mandaté par une organisation syndicale, c’est avoir la garantie qu’elle vous formera, vous accompagnera et vous soutiendra. Telles sont les raisons pour lesquelles je favorise le mandatement.
Je crois que nous sommes tous d’accord ici pour ne pas interdire aux petites entreprises de bénéficier de souplesse. À partir de là, comment trouver des règles pour parvenir à compenser le déséquilibre inhérent à la relation entre un employeur et un salarié ? Je pense que c’est en agissant au nom du mandat délivré par une organisation syndicale qu’on parvient à rééquilibrer les choses.
Pour moi, les enjeux sont au nombre de deux.
Le premier consiste à ne pas empêcher les petites entreprises de bénéficier de la souplesse dont elles ont besoin. Pour ce faire, les accords types négociés au niveau de la branche, directement applicables, doivent être prêts à être signés dans l’entreprise. Cette notion, bien évidemment nouvelle, qui peut, à mon sens, beaucoup apporter aux petites entreprises, était l’une des préconisations du rapport de Jean-Denis Combrexelle. Imaginez une négociation sur le forfait jours, qui doit s’établir entre 215, 220 ou 222 jours. Cet accord « à trous » négocié au niveau de la branche peut être applicable directement au sein de l’entreprise. Pour moi, c’est la solution d’avenir. J’y vois une vraie forme de modernisation de dialogue social.
Le second enjeu, c’est le mandatement, qui permettra, selon moi, aux petites entreprises de bénéficier de souplesse.
Parce que je ne veux absolument pas exclure le mandatement, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10 A.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 334 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 10 A
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 144 rectifié et 145 rectifié, présentés par Mme Deromedi, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Chasseing, Dallier, de Legge, Doligé, Frassa, Gremillet, Husson et Laménie, Mme Lopez et MM. Magras, Mandelli, Masclet, Morisset, Pellevat, Pillet, Pointereau, Soilihi et Vasselle, ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 267 rectifié ter, présenté par Mme Deroche, MM. Retailleau, Allizard, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Chasseing, Cornu, Dallier, Danesi et Dassault, Mmes Debré, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, J. Gautier, Genest, Gilles, Gournac, Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houel et Houpert, Mme Hummel, MM. Huré, Husson et Joyandet, Mme Kammermann, MM. Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Longuet, Mme Lopez, MM. Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Mélot, M. Mercier, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Perrin, Pierre, Pinton, Pointereau et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Trillard, Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vial, Vogel et Baroin, est ainsi libellé :
Après l'article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 2314-24 et L. 2324-22 du code du travail sont ainsi modifiés :
1°Au premier alinéa, les mots : « deux tours » sont remplacés par les mots : « un tour » ;
2° Le deuxième alinéa est supprimé.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Le monopole syndical de désignation des candidats au premier tour des élections interdit les candidatures libres qui pourraient émerger dès ce premier tour parmi les salariés non syndiqués, mais qui, néanmoins, voudraient représenter le point de vue des salariés présents dans l’entreprise. L’amendement vise à lever cet obstacle.
Nous voulons également pallier le faible taux d’appartenance des salariés à un syndicat.
Le sujet est complexe, comme nous avons pu le voir en commission, mais nous aimerions entendre la réponse du rapporteur sur cet amendement d’appel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a eu un débat intéressant sur cet amendement, un débat qui est d’ailleurs appelé à se prolonger devant les Français.
Les règles du dialogue social ne doivent bien évidemment pas être calquées sur celles de la démocratie politique. Nous y viendrons lorsque nous aborderons, plus loin dans le texte, les notions de majorité, par exemple. Reste que s’il y avait un monopole des partis politiques pour la présentation des candidats aux élections sénatoriales, je ne serais pas devant vous, et le président Milon non plus, me dit-il !
Mme Catherine Génisson. Vous étiez sur une liste !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Non, j’étais un candidat indépendant !
Ce que je veux dire, c’est qu’il est sain de permettre à des personnes sans étiquette de pouvoir apporter leur pierre à l’édifice. Elles ne doivent pas être suspectes a priori. C’est ce que pointe cet amendement, porté par de nombreux collègues du groupe Les Républicains.
À ce stade, la commission préconise le retrait de l’amendement, considérant que le débat aura lieu dans les prochains mois et que le peuple français aura à se prononcer sur cette question, notamment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Nous tenons en effet au monopole syndical, fruit de la position commune arrêtée en 2008 par les partenaires sociaux.
L’objectif est de trouver le moyen de favoriser l’implantation syndicale plutôt que de la contourner ou de la détourner. Le projet de loi vise, en élargissant l’objet de la négociation, à permettre aux organisations syndicales de se saisir des questions les plus structurantes de la vie quotidienne des salariés. Pour renforcer leur rôle, il me paraît essentiel de faire partager la conviction que la dimension collective est garante d’un meilleur soutien et d’un accompagnement de qualité.
Refuser de remettre en cause ce monopole n’est pas une atteinte au libre choix des salariés : tous les syndicats légalement constitués depuis deux ans peuvent présenter des listes. Par ailleurs, si les salariés ne font pas confiance aux candidats présents au premier tour, ils peuvent toujours s’abstenir. Et, lors du deuxième tour, ils peuvent tout à fait voter pour un candidat de leur choix ! Dans beaucoup de PME, les instances représentatives du personnel ne sont pas syndiquées. On voit donc bien que la question du libre choix n’est pas le sujet.
L’enjeu dans notre pays aujourd’hui, c’est de faire en sorte, pour sortir de la culture de l’affrontement qui revient souvent dans nos débats, de renforcer le poids et la légitimité des organisations syndicales dans l’entreprise. Tel est l’axe que nous devons avoir dans toutes les entreprises de notre pays où seront organisées, à la fin de l’année, des élections dans le cadre des TPE. Nous travaillons actuellement sur le sujet avec les organisations syndicales et mettons au point une large communication.
On ne peut pas se contenter d’avoir une telle défiance envers les organisations syndicales ! Je ne pense vraiment pas que la bonne solution soit de trouver des voies pour les contourner. Nous avons une bataille culturelle à mener sur cette question, comme sur la question du mandatement.
Je le sais bien, et nous en avons tous conscience, il faut arriver à améliorer les choses dans les TPE, ce qui passe, pour moi, par un renforcement de l’implantation syndicale.
Mme Evelyne Yonnet. Très bien !
M. le président. Madame Deroche, l'amendement n° 267 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Catherine Deroche. Sur ce sujet, qui mérite d’être débattu, il n’y a pas une solution toute simple. Nous l’avons bien vu lors des auditions, notamment celle de Jean-Denis Combrexelle, qui est à l’origine du rapport.
Pour l’heure, je retire l’amendement. Nous aurons le débat plus tard.
M. Jean Desessard. Vous n’allez quand même pas en discuter dans le cadre de la primaire ? (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 267 rectifié ter est retiré.
Article 10
L’article L. 2232-12 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 2232-12. I. – La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée aux deux conditions cumulatives suivantes :
« 1° L’accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ;
« 2° Les organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants, n’ont pas exprimé leur opposition dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de cet accord, dans les conditions prévues à l’article L. 2231-8.
« II. – Au plus tard un mois après l’opposition, l’employeur ou une ou plusieurs des organisations signataires du projet d’accord peuvent indiquer qu’ils souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord.
« Cette consultation est organisée dans un délai maximal de deux mois.
« Elle peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et les organisations ayant souhaité la consultation.
« Participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs au sens des articles L. 2314-15 et L. 2314-17 à L. 2314-18-1.
« L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, quel que soit le nombre de votants.
« Faute d’approbation, l’accord est réputé non écrit.
« Un décret définit les conditions de la consultation des salariés dans le cadre du présent II. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suis opposée au référendum d’entreprise tel qu’il est proposé dans le projet de loi.
J’observe que ce dispositif n’est soutenu que par un très faible nombre d’organisations syndicales. Même l’UNSA, qui est plutôt favorable au texte, tout en soulignant qu’il doit être amélioré, nous a envoyé un tract très détaillé dans lequel on peut lire : « Loi El Khomri, il faut que ça bouge encore ! » et « Référendum : suppression de son utilisation dans la procédure de validation des accords d’entreprise – article 10 ! ». Pourquoi très peu d’organisations syndicales sont favorables à cette méthode ?
Je connais bien évidemment l’argument tendant à nous reprocher de ne pas faire confiance aux salariés au sein de l’entreprise. Je relève cependant que le recours à la technique du référendum est utilisé quand la majorité des syndicats représentant la majorité des salariés n’acceptent pas de signer un accord. Je relève également qu’il suffit que des organisations syndicales représentant seulement 30 % des salariés le demandent pour qu’il soit déclenché. La commission a ajouté la possibilité pour le patron de prendre la même initiative. J’ai bien noté, madame la ministre, et je m’en félicite, que vous n’avez pas retenu cette disposition, d’autant plus dangereuse qu’elle serait décidée par le patron !
Quelle légitimité peut bien avoir une majorité si la minorité peut, à tout moment, décider d’organiser un référendum pour revalider la légitimité de ceux qu’elle représente ?
Dans notre pays – je ne parle pas de la Suisse –, on peut demander l’organisation d’un référendum d’initiative populaire non pas pour poser directement une question, mais pour demander qu’une question soit posée. C’est le Parlement qui décide de soumettre ou non ladite question à référendum. Dans le champ du politique, on s’assure donc toujours que le passage par le tamis majoritaire est consolidé.
On le sait, la conjoncture dans laquelle intervient un vote en entreprise pèse. On le sait aussi, quand, au sein d’une entreprise, un accord pénalise une catégorie particulière et que la majorité n’est pas concernée – ou estime que les efforts demandés ne sont pas considérables –, cette dernière peut imposer à une minorité un alourdissement de sa charge de travail. L’accord recueille ainsi la majorité des suffrages, non parmi les catégories concernées, mais au sein de l’entreprise, prise dans sa globalité.
Je prends l’exemple de Smart, où 53 % à 56 % des personnes consultées ont été favorables à l’accord, un accord que les syndicats – la CFDT et la CGT – ont dénoncé. Chez Smart, 74 % des cadres et des agents techniques étaient favorables à l’accord, contre seulement 39 % des ouvriers. Quand on travaille comme ouvrier sur une chaîne, une augmentation de la durée du travail de dix minutes, d’un quart d’heure ou de vingt minutes n’a pas le même impact que pour un cadre ! Vous voyez bien que la composition du corps électoral peut donner des résultats injustes.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article comporte deux mesures qui, au final, affaiblissent encore la légitimité des organisations syndicales.
La première concerne la représentativité que doivent avoir les organisations syndicales pour être en position de signer un accord. Dans son texte, le Gouvernement prévoyait qu’un ou plusieurs syndicats représentant 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles puissent signer un accord. Nous ne pouvons que regretter la décision de la commission d’abaisser ce seuil à 30 %, laissant les organisations minoritaires en position de valider les accords.
La seconde mesure, c’est la possibilité pour ces mêmes organisations syndicales minoritaires de renforcer leur légitimité en recourant à l’organisation d’un référendum. Apparemment gage de démocratie – la consultation de tous les salariés sur une problématique –, cette mesure s’apparente en réalité à un court-circuitage en règle des organisations majoritaires.
Cela pose la question de votre vision du dialogue social et de la démocratie dans l’entreprise, madame la ministre. Les employeurs organisent une élection professionnelle qui donne une légitimité aux organisations syndicales majoritaires. Pourtant, apparemment, il vous semble normal de passer outre ! Et, là-dessus, vous êtes finalement d’accord avec la majorité sénatoriale et avec une partie du groupe socialiste.
Avec votre mesure, par le biais du référendum, pourraient être validées des choses contraires à l’intérêt des salariés ! Manifestement, les Français ne sont pas dupes de cette manœuvre.
Dans une lettre que j’ai reçue récemment, Sébastien, âgé de quarante ans, se montre très critique à l’égard des consultations de salariés pour ratifier des accords d’entreprise : « Les rares fois où il y a eu des référendums de ce type, c’était avec le pistolet sur la tempe : soit vous acceptez de travailler plus pour gagner moins, soit on licencie. Évidemment, dans ces conditions-là, on peut atteindre la majorité de 50 %. »
Il est tout à fait hypocrite de laisser croire qu’il n’existe pas dans les entreprises un rapport de force défavorable aux salariés, du fait notamment du poids du chômage. C’est hypocrite de nier le lien de subordination !
Où est la démocratie, madame la ministre, quand un référendum est organisé parce qu’un accord n’a pas pu être signé ? Or tout le monde sait que, quand un accord n’est pas signé, c’est parce qu’il est mauvais pour les salariés.
Enfin, quel paradoxe ! Votre loi prétend favoriser le dialogue social en valorisant les syndicats, alors qu’elle les remet en cause.
Cet article 10 est, en réalité, un outil pour faire taire toute résistance afin d’imposer des régressions sociales. Voilà la réalité ! Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne le voterons pas.