M. Jean Desessard. Moi aussi, j’ai lu le texte de la commission, madame la ministre ! Et je parle de la possibilité laissée à l’employeur de refuser ce congé…
Mme Myriam El Khomri, ministre. Non, nous maintenons le droit actuel ! Ne faites pas croire que ce congé aurait un caractère aléatoire et que la décision de l’accorder ou non serait prise au niveau de l’entreprise. Telle n’est pas la réalité. Je le répète, nous maintenons le droit actuel et avons pris le soin d’inscrire dans l’ordre public ce genre de congé, qui est en effet essentiel.
Ne nous faites pas de faux procès ! Vous pouvez avoir un désaccord sur le fait que les modalités soient négociées à l’échelle de l’entreprise, mais ne faites pas croire que ce droit à congé pour catastrophe naturelle n’est pas une disposition d’ordre public.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
Mme Évelyne Didier. Il a parlé des modalités !
M. Jean Desessard. Un bien triste sort !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 589, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 204 à 228
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à supprimer les dispositions relatives aux congés de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse. En effet, l’article L. 3142-43 de l’actuel code du travail prévoit que tout salarié âgé de moins de 25 ans souhaitant participer aux activités des organisations de jeunesse et d’éducation populaire, des fédérations et des associations sportives agréées par l’autorité administrative, destinées à favoriser la préparation et la formation ou le perfectionnement de cadres et animateurs, a droit, sur sa demande, à un congé non rémunéré de six jours ouvrables par an pouvant être pris en une ou deux fois.
Dans l’état actuel des choses, l’employeur peut très bien refuser le congé s’il estime que l’absence du salarié est préjudiciable à la production et à la bonne marche de l’entreprise après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, le refus de l’employeur devant être motivé et notifié à l’intéressé dans les huit jours à compter de la réception de sa demande.
En dehors des deux cas suivants – refus pour dépassement du nombre de salariés absents et raisons tenant à la production et à la bonne marche de l’entreprise – l’employeur est tenu d’accepter la demande de congé. Or, une convention ou un accord d’entreprise va pouvoir déterminer les dispositions prévues aux articles L. 2145-5 à L. 2145-13.
Dans les faits, nous pourrions nous retrouver avec un animateur désireux d’accroître ses compétences professionnelles qui verra sa requête refusée de façon discrétionnaire, puisque l’employeur n’a plus l’obligation de consulter le comité d’entreprise ou les délégués du personnel.
Il est impensable de retirer de façon détournée ce droit aux salariés. Tel est le sens de notre amendement de suppression.
On voit là, madame la ministre, en examinant des cas précis, que cette inversion de la hiérarchie des normes va être une catastrophe. Vous laissez en effet aux employeurs le libre choix, affichant votre attachement à la possibilité d’expression de la solidarité, mais sans la garantir. Dans les faits et les modalités, les choses sont susceptibles de se passer autrement. Et là, vous ouvrez une porte – le terme est faible, je ferais mieux de parler de brèche !
M. le président. L'amendement n° 588, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 218
Remplacer les mots :
une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, un accord de branche
par les mots :
un accord de branche ou, à défaut, une convention ou un accord collectif d’entreprise
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit ici d’un amendement de repli, dont les dispositions font suite à notre amendement précédent, afin de faire primer l’accord de branche sur l’accord d’entreprise en matière de congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse. Nous souhaitons ainsi, dans un souci de cohérence, revenir à la hiérarchie des normes telle qu’elle existe dans notre droit du travail.
Ce congé non rémunéré permet aux salariés et apprentis âgés de moins de 25 ans de suivre des stages de formation à l’animation sportive, culturelle ou sociale auprès d’organismes agréés par le ministère de la jeunesse et des sports. Leur but est de favoriser la préparation et la formation ou le perfectionnement de cadres et animateurs.
Ce congé est également prévu dans la fonction publique – agents de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics hospitaliers, agents non titulaires… Il est à mon sens indispensable de conserver le droit en vigueur en la matière, tant ce congé est porteur d’espoir pour la jeunesse qui sera, à terme, touchée de plein fouet par ce projet de loi.
Mes chers collègues, nous devons nous garder de porter, au travers de dispositions issues de nos débats qui réduiraient les droits des salariés, un message négatif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. En ce qui concerne les congés, qui font l’objet de l’article 3, je n’imagine pas une énorme créativité des accords d’entreprise et des accords de branche, qui seront les cas les plus fréquents. En effet, les TPE et les PME se référeront naturellement aux accords de branche, un degré qui, on le voit, conserve un rôle dans un certain nombre de domaines. Je pense, à dire vrai, que les convergences seront assez fortes pour que l’on s’en tienne plus ou moins à ce qui relève du supplétif.
À ce stade, j’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur ces deux amendements, en réaffirmant notre grande confiance dans les acteurs de la négociation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je formulerai trois remarques.
Tout d’abord, depuis lundi, j’entends dire, au fil du dialogue, que nous laissons aux employeurs le libre choix. Or, je suis désolée, l’entreprise ne se réduit pas à l’employeur ! L’entreprise, c’est l’employeur, plus les salariés et les organisations syndicales. Lorsque nous renvoyons à la négociation collective dans les entreprises, cela ne signifie pas que nous abandonnons les salariés au « libre choix de l’employeur ». Non, renvoyer à la négociation collective, cela signifie faire appel aux acteurs de terrain ! Cet aspect reviendra lors de la discussion de tous les amendements relatifs aux congés.
Ensuite, je tiens à rappeler ici que nous avons prévu une architecture du droit du travail en trois étages et que l’ordre public se situe au sommet. Les droits à congé font partie de l’ordre public social. C’est seulement pour les mettre en œuvre que nous faisons appel à la négociation collective.
Enfin, je veux revenir sur les congés de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse. Nous y avons travaillé, Patrick Kanner et moi-même, et nous allons créer, dans le cadre du projet de loi Égalité et Citoyenneté, un congé d’engagement citoyen. Les conditions seront les mêmes que pour les congés de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse. Elles seront les mêmes que pour tous les bénévoles élus dans les organes de direction et d’association. Avec ces deux projets de loi, nous élargissons donc le champ des bénéficiaires de ce type de congé !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je comprends la volonté des membres du groupe CRC d’arriver à leur fin, même si cela les a conduits à multiplier les amendements. Chers collègues, vous voulez absolument faire la démonstration que le texte est défavorable aux salariés, à tout le monde – je ne sais pas pour qui, du reste, ni pour quoi.
Mme Éliane Assassi. Pour les 64 % de Français qui sont contre ce texte !
Mme Nicole Bricq. Cela, je le comprends, c’est votre posture.
Mme Éliane Assassi. Non, c’est notre combat !
Mme Nicole Bricq. Tout de même, vous ne pouvez pas découper ce texte en tranches. Vous ne pouvez pas procéder ainsi, même si je peux comprendre certains problèmes. En effet, avec cet amendement, vous faites comme si, dans ce texte, on ne s’occupait pas de la jeunesse et de l’engagement associatif. J’espère bien, au demeurant, que nous allons nous retrouver quand il s’agira de rétablir, à l’article 21, qui traite du compte personnel d’activité, le compte engagement citoyen, qui a été supprimé par la commission !
S’agissant des jeunes et de la formation, ce texte augmente substantiellement les droits à la formation, qu’il s’agisse des droits aux congés ou du temps consacré à la formation, et il comporte des mesures essentielles pour les jeunes et surtout pour ceux qui n’ont rien.
Vous n’arriverez donc pas à démontrer que ce texte est mauvais pour tous ceux que je viens de citer.
Mme Éliane Assassi. Si ! Nous y arrivons, mais vous n’êtes pas d’accord.
Mme Nicole Bricq. Vous avez le droit de défendre vos amendements, mais nous avons le droit de dire que nous soutenons et le Gouvernement et le texte !
Par ailleurs, vous faites comme si l’on démolissait le droit du travail actuel. Il y a une chose que vous ne voulez pas admettre, c’est justement la prégnance de l’ordre public à chaque article. On n’arrête pas de vous le dire, la ministre ne cesse d’en faire la démonstration, mais vous ne voulez pas écouter. Vous êtes dans votre raisonnement, et aucun autre argument ne trouve grâce à vos yeux !
Il s'agit tout de même d’une démarche, excusez-moi de vous le dire, que l’on pourrait qualifier de totalitaire. Vous n’entendez pas les arguments que l’on vous oppose. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr !
Mme Éliane Assassi. Ben voyons !
Mme Nicole Bricq. Oui, une démarche totalitaire !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout d’abord, je ne m’associe pas, pour ma part, à l’idée qu’il y aurait là une démarche totalitaire. J’ai pu découvrir que le Gouvernement n’avait manifestement pas du tout, quoi qu’il arrive, l’intention de bouger.
« On ne bougera pas ! » Ce discours, aussi, on peut le trouver totalitaire. Je ne crois pas que ce soit la bonne approche. Les positions des uns et des autres ont une certaine raideur. À certains moments, je les réprouve et, à d’autres, je les approuve.
Ensuite, je ne comprends pas pourquoi on remet en cause ce qui fonctionnait dans le domaine de la formation des jeunes. Pourquoi cette remise en cause ? Cet aspect est-il vital pour la compétitivité de l’entreprise ? Le nombre de congés ne doit manifestement pas poser de grands problèmes dans la survie de nos entreprises. Le plus souvent, c’est dans le domaine de l’économie sociale et solidaire que de jeunes salariés les demandent. Or les entreprises de l’économie sociale et solidaire n’ont pas rien demandé du tout.
Enfin, on nous dit que l’ordre public est déterminant, ce qui constitue une garantie des droits des salariés, mais que la manière de le mettre en œuvre sera négociée. Or, on sait tout de même que la manière de mettre en œuvre un droit conditionne l’accès réel à ce dernier. Et plus fondamentalement, je pense que le signe que nous devons donner à la jeunesse, c’est que l’on a besoin d’une éducation populaire forte dans ce pays. On a besoin de gens qui se forment pour ces compétences et qui s’y impliquent, notamment dans la vie associative avec les BAFA, par exemple.
Je ne comprends absolument pas pourquoi on modifie un dispositif, alors que ni les associations dans le domaine de l’éducation populaire ni les entreprises de l’économie sociale et solidaire n’ont demandé une quelconque remise en cause du droit existant. À mon avis, en le modifiant, on va complexifier l’accès à des formations qui, dans leur majorité, ne semblaient pas poser de problème.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis étonnée de l’intervention de Mme Bricq, qui parle de comportement ou de démarche « totalitaire ».
Mme Nicole Bricq. Il faut écouter les autres !
Mme Laurence Cohen. Je ne sais pas comment elle qualifie l’emploi du 49.3 à l’Assemblée nationale ! Hier, en expliquant son vote sur l’article 2, elle s’est réjouie qu’un débat ait lieu au Sénat et elle a déploré qu’il n’y en ait pas eu à l’Assemblée nationale. On voit bien qu’elle n’est pas à quelques contradictions près… C’était ma première remarque.
Deuxième remarque, elle s’est demandée « pour qui, pour quoi ? » les communistes s’acharnent à démonter les articles et les alinéas un par un. Je suis désolée, ce n’est pas nous qui avons rédigé ce projet de loi. Mme la ministre est bien placée pour le dire, elle qui le soutient à 200 % ! Elle le revendique, sa porte est ouverte, mais elle ne bouge pas d’un iota pour modifier quelque mesure que ce soit…
Ce n’est pas nous qui avons rédigé, par exemple l’article 3, qui comprend 417 alinéas. Je suis désolée, nous accomplissons notre mission de parlementaire…
Mme Nicole Bricq. Je ne l’ai pas contesté !
Mme Laurence Cohen. Or notre mission de parlementaire, ce n’est pas seulement de déconstruire un projet de loi qui est mauvais, qui est négatif, qui, sous le prétexte de sécuriser l’entreprise, va apporter de l’insécurité aux salariés.
Notre mission, c’est aussi de prouver que des mesures de rechange existent. C'est pourquoi, dans chaque domaine, que ce soit sur les questions de formation, de jeunesse ou de hiérarchie des normes, nous démontrons qu’un autre chemin est possible. Cette voie, c’est la voie progressiste, celle d’un autre code du travail, qui sécurise à la fois les entreprises et les salariés.
Quand les salariés d’une entreprise vont mal, l’entreprise va mal elle aussi. Il y a beaucoup de PME et de TPE qui meurent tous les jours ! Ici, on ne parle pas des grands groupes ! Ce que nous démontrons, c’est qu’il existe une autre voie, celle du progrès, celle du XXIe siècle, dans laquelle chacun s’épanouit. Et, malheureusement, telle n’est pas la voie choisie par ce gouvernement.
Telles sont les raisons pour lesquelles, jusqu’au bout, nous défendrons nos arguments. « Pour qui, pour quoi ? » Pour toutes celles et tous ceux qui défilent dans la rue et pour toutes celles et tous ceux qui manifestent par leur intermédiaire !
Nous allons continuer jusqu’au bout ce combat, que nous trouvons juste et que nous croyons être celui d’une vraie gauche ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame Bricq, vous avez dit aux membres du groupe CRC qu’ils découpaient ce texte en tranches. Selon vous, on ne peut pas découper ce texte par tranches, on ne peut pas le saucissonner.
J’aurai une question à vous poser, madame Bricq : peut-on découper le droit du travail en tranches ? Peut-on le saucissonner ? Non ! C’est en effet un ensemble, qui garantit les rapports sociaux. Or ce texte, que vous le vouliez ou non, et même s’il a une cohérence, comme vous le dites, madame la ministre, porte tout de même l’idée d’adapter le droit du travail en fonction des accords d’entreprise.
Comme vous l’avez dit, tout à l’heure, madame la ministre – c’est notre débat depuis lundi –, vous êtes persuadée que, dans les accords d’entreprise, il y a les chefs d’entreprise, les salariés et les organisations syndicales.
Vous dites que tout cela fera un équilibre, lequel serait plutôt positif, puisqu’il défend la proximité. Ce que nous disons, nous, depuis lundi, et ce n’est pas une posture, madame Bricq, mais une analyse politique globale, partagée aussi bien sur les travées du groupe CRC – à ce propos, peut-être le terme de « totalitaire » était-il un peu exagéré –, que sur quelques travées socialistes et par nous, les écologistes. Ce que nous disons, c’est que, aujourd'hui, le rapport de forces entre le patronat et les salariés n’est pas à l’avantage des salariés. Et il l’est et le sera encore moins lorsque s’y ajoutera le rapport hiérarchique entre les salariés et le patronat, qui est estompé au niveau des branches.
On nous dit vouloir ramener aujourd'hui, sous couvert de bonnes intentions, le rapport de forces social au niveau de l’entreprise. Nous, nous disons que cela se fera, à l’exception de certaines branches, au détriment des salariés. Voilà ce qui nous guide.
Aussi, madame Bricq, il s'agit non pas d’une posture, mais d’une analyse politique, qui consiste à se demander où est aujourd'hui le rapport de forces entre les salariés et le patronat. Ce qui ne va pas dans votre sens, c’est que la droite est toute prête à se dire d’accord avec vous et à estimer qu’il vaut effectivement mieux que cela se passe au niveau de l’entreprise.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Nous, nous nous contentons de regarder !
M. Jean Desessard. Vous regardez ? Non ! Vous approuvez la démarche et vous l’accentuez, sur le thème de la nécessaire compétitivité. D'ailleurs, pour améliorer cette dernière, vous n’avez jamais pensé à diminuer la rémunération des patrons. Vous qui siégez à droite, vous vous en prenez toujours à la rémunération des travailleurs ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la ministre, à votre place, je serais inquiet de constater que la droite est d’accord avec la philosophie de ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. On l’a vu depuis lundi, il y a des divergences de vues et des désaccords. Il y a aussi des nuances. Certains auraient sans doute souhaité un assouplissement, qu’ils auraient préféré voit intervenir au cours de la première année du mandat présidentiel plutôt que lors de l’avant-dernière.
Peut-être certains considèrent-ils que des endroits du code du travail comportent des rigidités excessives. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des discussions parlementaires, même si elles sont un peu longues et jalonnées de nombre d’amendements, que de zoomer sur le panel des lissages que vous êtes en train d’effectuer. Ceux-ci ont leur logique et leur cohérence.
Toutefois, on ne peut pas s’empêcher de penser que, sur certains points, le droit de lissage va très loin. Il va dans un sens qui, dans le climat social actuel, n’apparaît pas forcément à l’avantage des salariés même si l’on peut faire confiance aux syndicats pour les défendre dans l’entreprise.
Quant au mot « totalitaire », dont l’emploi dans cette discussion m’a semblé plutôt malheureux,…
Mme Nicole Bricq. Il n’est pas malheureux !
Mme Corinne Bouchoux. … les lecteurs d’Hannah Arendt s’accorderont à le trouver excessif ici.
Je n’ai pour ma part jamais été communiste, et beaucoup des idées communistes ne reçoivent pas mon adhésion. Néanmoins, même nos collègues libéraux et républicains n’auraient pas été jusqu’à affirmer que les interventions de nos collègues communistes témoignent d’une vision totalitaire ! Du moins, ils ne l’auraient pas dit à haute voix.
M. Philippe Dallier. Nous n’aurions pas osé ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. C’est vrai. Nous nous combattons, mais nous nous respectons !
Mme Corinne Bouchoux. Selon moi, l’ampleur des contradictions entre nos positions ne mérite pas que l’on cède à des facilités sémantiques excessives, en particulier à un moment où notre Haute Assemblée se voit attaquée sur d’autres plans. On peut certes juger certaines positions monomaniaques ou répétitives ; en revanche, les taxer de « totalitaires » est pour le moins excessif.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. L’esprit de ce projet de loi est bien de répondre au besoin de flexibilité et de faire en sorte que les gens puissent discuter et se mettre d’accord à l’échelle de l’entreprise.
Je crois comprendre ce qu’a voulu exprimer Mme Bricq et je ressens parfois le même sentiment. En effet, on constate bien chez nos collègues communistes une volonté constante d’imposer leur point de vue à tous les autres, sans tenir compte des avis respectifs.
Mme Laurence Cohen. Et ce projet de loi, il tient compte de ce que pensent les autres ?
Mme Éliane Assassi. Au moins 64 % des Français ne sont pas d’accord avec ce texte !
M. Olivier Cadic. Cette volonté peut être perçue comme une démarche totalitaire ou, du moins, outrancière. Chers collègues, je ne fais que vous exprimer mon sentiment.
Pardonnez-moi, monsieur Desessard, mais la rémunération des patrons est de leur propre compétence : ce sont bien eux qui dirigent leur entreprise et qui déterminent leur propre rémunération. (Exclamations sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ben voyons !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il est intéressant que Mme Bricq et M. Cadic se retrouvent !
M. Olivier Cadic. Quand les affaires d’une entreprise vont mal, le chef d’entreprise cesse de verser son propre salaire en premier lieu.
M. Jean Desessard. Pas dans les grosses entreprises !
M. Olivier Cadic. Certes, monsieur Desessard, mais plus de 95 % des entreprises sont des PME. Les lois s’appliquent à tout le monde, y compris aux petites entreprises : ne l’oubliez jamais ! On a l’impression de ne parler que des patrons du CAC 40, alors que ceux-ci ne sont que quarante et que l’activité de leurs entreprises s’effectue pour les deux tiers en dehors de notre pays.
Madame Lienemann, vous évoquiez hier la Finlande, qui serait revenue sur la primauté des accords d’entreprise. Il faudrait tout de même rappeler aussi les efforts accomplis par ce pays, comme l’augmentation de la durée annuelle du travail, y compris par des jours de travail non payés, l’augmentation des cotisations retraite et chômage des salariés, ainsi que la baisse des cotisations sociales des entreprises.
Les Finlandais ont changé de politique après un an. Vous constaterez néanmoins que votre vision de ce revirement est fausse : de véritables compensations ont été acceptées en retour. Par ailleurs, les problèmes rencontrés par la Finlande sont réels. Nous verrons dans un an si cette politique a eu les effets escomptés.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je rassure d’emblée nos collègues communistes : je n’emploierai pas le mot de « totalitaire » et je ne leur reprocherai pas de défendre leur point de vue.
Mme Éliane Assassi. Merci !
M. Philippe Dallier. Cela dit, je vais peut-être mettre la gauche d’accord avec ce que je vais dire (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.), ou plutôt contre ce que je vais dire. En effet, chers collègues de l’opposition, vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord pour soutenir quoi que ce soit ; peut-être parviendrai-je en revanche à vous unir contre moi !
L’examen de cet article a cela d’intéressant qu’il balaye la totalité des congés possibles. Cette liste est assez impressionnante, d’une manière positive ou négative, mais elle ne saurait étonner après la lecture de l’enquête parue hier dans Le Monde.
Mme Nicole Bricq. On en a parlé hier !
M. Philippe Dallier. Je le sais bien, chère collègue, mais je fais le lien, parce qu’il existe une corrélation directe avec ce qui nous occupe ce matin. Cette enquête montre en effet que la France est le pays de l’OCDE où l’on travaille le moins.
M. Dominique Watrin. C’est faux !
M. Jean-Louis Tourenne. Pas du tout !
M. Philippe Dallier. Mais si ! Il faut bien, à un moment, regarder la réalité en face et avoir le courage de le dire : nous sommes le pays où, à l’année et tout compris, on travaille le moins !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, uniquement en CDI !
M. Philippe Dallier. Il faut d’autant plus le dire que nous nous trouvons dans une situation difficile, tant pour les entreprises que pour les 3,5 millions de chômeurs en catégorie A. À cet égard – sur ce point, je ne vais pas réconcilier la gauche –, je tiens à saluer le courage de ce gouvernement socialiste, qui a su annoncer, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, que l’on négocierait ces questions à l’échelle de l’entreprise et en fonction de la situation de cette dernière.
Nous sommes certes en train de négocier le dosage exact de ce changement. Néanmoins, l’histoire retiendra de ce texte cette simple chose. Oui, il est peut-être temps dans notre pays de résoudre les problèmes au plus près de l’entreprise, pour essayer de nous adapter. En effet, comme je le disais déjà lors de la discussion générale, si nous ne nous adaptons pas, nous n’avons aucune chance d’améliorer la situation des entreprises de ce pays.
Ayons tous en tête d’abord la situation des chômeurs, de tous ceux qui sont privés d’emploi : si nous ne bougeons pas, nous n’avons aucune chance de nous en sortir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Ce n’est pas parce que l’on répète une contre-vérité qu’elle devient vérité au bout d’un certain temps ! Je vous prie, monsieur Dallier, de lire jusqu’au bout l’article du Monde auquel vous avez fait référence et de ne pas vous contenter de ses premiers graphiques.
Selon cet article, en Allemagne, au Royaume-Uni, ainsi qu’aux Pays-Bas, le temps partiel est largement plus répandu qu’ailleurs, et notamment qu’en France. Par conséquent, le temps de travail hebdomadaire moyen des Français, si l’on inclut les salariés à temps partiel, s’élève à environ 37,5 heures, alors qu’il est de 35,2 heures en Allemagne et de 36,8 heures au Royaume-Uni ! Admettez donc ces vérités !
M. Philippe Dallier. Je parle du temps de travail annuel !
M. Jean-Louis Tourenne. Sur l’année aussi, les Français travaillent plus que les Allemands, de même que sur l’ensemble d’une vie.
M. Philippe Dallier. Non !
M. Jean-Louis Tourenne. Lisez donc l’article jusqu’au bout, monsieur Dallier ! Cela demande peut-être de faire un effort important, mais qui est nécessaire si l’on veut tenir ce genre de discours.
M. Philippe Dallier. Je l’ai fait !
M. Jean-Louis Tourenne. Par ailleurs, vous n’avez pas le monopole de l’intérêt porté à nos concitoyens qui se trouvent privés d’emploi. Ne revendiquez donc pas un tel monopole !
Tout le travail effectué autour de ce texte découle justement d’une volonté de faire en sorte qu’il y ait moins de chômeurs et que les jeunes ne se trouvent pas demain dans la même situation qu’aujourd’hui, à enchaîner des CDD de moins d’un mois sinon d’une semaine seulement.
Il y a là tout un travail à faire ; c’est tout le mérite du Gouvernement de l’avoir entrepris : vous l’avez d’ailleurs relevé vous-même. Je me demande parfois à ce propos s’il n’est pas quelque peu compromettant pour Mme la ministre de recevoir autant de louanges de votre part…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ça l’est franchement !