M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Une partie de cette assemblée va forcément se retrouver autour de l’utilité d’un tel rapport. Celle-ci a d’ailleurs été démontrée, car nous avons besoin des informations demandées. Je note qu’aucun délai n’est prévu pour la remise du rapport. Si le Gouvernement possède déjà les informations souhaitées, le plus vite sera le mieux. Nous en tirerons tous un bénéfice ; il s’agit de questions importantes, sur le plan quantitatif comme qualitatif.
Cela étant, je ne tire pas du tout les mêmes conclusions que notre collègue Daudigny. Selon lui, nos débats prouvent que l’article 2, en posant une nouvelle architecture, que nous contestons pour notre part, est dans le vrai. Il affirme que nous aurions suffisamment de garanties au sujet des vingt-quatre heures en raison des dispositions d’ordre public. Par ailleurs, la branche aurait son mot à dire sur la mise en place de la durée minimale. Puis, des dispositions supplétives reprendraient a minima ce que dit la loi.
Toutefois, notre collègue Daudigny oublie que, sauf erreur de ma part, la majorité sénatoriale a modifié l’article et introduit l’idée qu’un accord d’entreprise pourra descendre au-dessous des vingt-quatre heures !
Par conséquent, à l’inverse de ce qu’il affirme, non seulement on est en train de reculer sur la question des vingt-quatre heures, mais, en plus, c’est l’architecture de l’article 2 qui crée cette situation où, par surenchère, la majorité sénatoriale permet la généralisation au niveau de l’entreprise des dérogations inférieures à vingt-quatre heures pour les temps partiels.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 527.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 303 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 141 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'article.
M. Dominique Watrin. Le groupe CRC votera bien évidemment contre cet article 2, qui constitue l’un des volets les plus régressifs de ce projet de loi.
Il ne s’agit pas, nous l’avons explicité à plusieurs reprises, de refuser les accords d’entreprise. Nous savons tous ici que quelque 35 000 accords de ce type sont signés chaque année.
Néanmoins, ce projet contribue, en réalité, au recul du principe de faveur, voire à sa remise en cause. Sur des sujets non négligeables, comme la majoration des heures supplémentaires, les durées maximales de travail, le travail à temps partiel, les congés et autres, une entreprise pourra négocier des conditions moins favorables que celles prévues par la convention collective de branche.
Cette logique risque d’encourager, en réalité, le dumping social. C’est une inquiétude pour les salariés, en termes de protection sociale, mais aussi pour les petites et moyennes entreprises, qui disposaient, avec l’accord de branche, d’un instrument de régulation dans un secteur économique donné.
Est-ce un progrès ? Je citerai l’exemple américain de l’enseigne Wal-Mart, qui joue sur les règles sociales pour faire baisser les prix, obligeant ainsi ses concurrents à s’aligner. En France, nous avons réussi jusqu’à présent à empêcher ces pratiques, grâce aux règles fixées au niveau de la branche et de la loi. Nous souhaitons voir perdurer ce dispositif et défendre ce système. C’est pourquoi nous nous opposons à ce projet de loi.
Depuis trente ans, toutes les recettes libérales censées améliorer la situation échouent. Nous refusons, pour notre part, de continuer à encourager cette fuite en avant vers le triomphe de la seule logique du marché, au détriment des hommes et des femmes, du progrès social et écologique.
Nous voterons donc contre l’article 2.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Toutes celles et tous ceux qui s’intéressent au droit du travail savent que l’inversion des normes est une commande de la Commission européenne, qui souhaite décentraliser le dialogue social au niveau des entreprises. C’est une manière d’affaiblir les syndicats, de fissurer les protections juridiques des salariés et d’accroître la sacro-sainte « compétitivité » par un dumping social acharné.
La Commission l’avait fait dès 2011 en Belgique, en Italie et en Espagne ; c’est désormais au tour de la France.
Votre projet consiste à réduire le coût du travail en élargissant la négociation collective au niveau de l’entreprise à des champs tels que les salaires, le temps de travail, les conditions de travail et les emplois, en accordant la primauté aux accords d’entreprise sur toutes les dispositions contenues dans le contrat de travail et en définissant dans le code du travail les standards minima impératifs et les éléments complémentaires qui peuvent faire l’objet d’exemptions.
Dans tous ses documents de travail et ses recommandations spécifiques pour la France depuis 2014, la Commission européenne déplore le « peu de possibilités de déroger » aux dispositions légales ou conventionnelles « par des accords au niveau de l’entreprise ».
En février 2015, constatant que « les réductions du coût global des salaires ont surtout été obtenues en dérogeant aux accords de branche en ce qui concerne le temps de travail », elle regrettait explicitement que « le principe de faveur continue de s’appliquer pour tout ce qui concerne les salaires minima. »
Dans ses recommandations adoptées par le Conseil européen le 14 juillet 2015, la Commission se lamentait que les accords dits « de maintien de l’emploi », permettant de baisser les salaires et d’augmenter le temps de travail dans les entreprises en difficulté, n’aient « pas produit les résultats escomptés ».
« Ce dispositif devrait être revu afin de donner plus de latitude aux entreprises pour adapter les salaires et le temps de travail à leur situation économique », préconisaient en chœur le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne.
« Il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens », ânonnait le président de la Commission européenne, l’année dernière, lors du référendum grec sur l’austérité.
En France, François Hollande devance, hélas, tous les souhaits de la Commission avec son projet de loi. Nous ne pouvons l’accepter. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous nous opposons, de façon globale, à ce texte, particulièrement à son article 2.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Si l’on en croit les défenseurs de ce projet de loi, le contenu du texte ne concernerait que l’organisation et le temps de travail.
Ainsi, le texte dont nous débattons ne traiterait pas des salaires, du SMIC ou de la sécurité au travail… Seulement, n’oublions pas que, avant l’article 2, il y a l’article 1er créant une commission destinée à étendre les modalités de la négociation collective aux autres aspects du droit du travail. Il est faux de prétendre, par conséquent, que rien ne va changer avec ce texte, notamment en matière de salaire.
De plus, quand on décide d’allonger la période de référence pour le calcul des horaires moyens de travail, on transforme des heures supplémentaires en heures normales, et on évite donc de les payer comme telles.
Quand on offre la possibilité de calculer le temps de travail sur sept jours, et non plus sur six, on banalise le travail du dimanche et on le paie comme le travail d’un lundi ou d’un jeudi.
Quand on modifie les critères de calcul pour le travail de nuit, on met en cause la juste rémunération de cette sujétion tout à fait particulière.
Bref, on peut envisager le sujet sous tous les angles, la logique des accords d’entreprise, par principe dérogatoire, qui sous-tend l’ensemble de l’article 2, est d’abord et avant tout une logique de compression du coût du travail, ou plutôt des salaires, que l’on oppose de plus en plus, de manière insidieuse, au maintien même de l’emploi.
C’est aussi pour ces raisons, madame la ministre, mes chers collègues, que notre groupe votera contre l’article 2.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. C’est une rafale ! (Sourires.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je souhaite insister de nouveau sur les conséquences négatives pour les femmes salariées d’un certain nombre de dispositions de ce projet de loi, notamment de l’article 2.
Pourtant, un rapport de l’OCDE de 2012 indiquait que « l’investissement en faveur de l’égalité femmes-hommes est de tous les investissements en faveur du développement celui qui affiche le plus haut rendement ».
La version 2015 de la brochure éditée par le Gouvernement reprenant les « chiffres clefs » de l’égalité rappelle d’ailleurs « que l’emploi des femmes est bénéfique à la croissance économique, soulignant que « si la parité entre les sexes dans la participation au marché du travail était réalisée d’ici 20 ans, cela conduirait à une augmentation annuelle de 0,4 point de pourcentage du taux de croissance du PIB par habitant ».
Il est dommageable que ce projet de loi ignore ces données et fasse l’impasse sur la démarche transversale en faveur de l’égalité.
C’est justement l’absence de démarche transversale – incarnée par une étude d’impact faisant totalement l’impasse sur une approche genrée, malgré des engagements pris en ce sens en 2012 pour chaque projet de loi – qui prévaut. En conséquence, la prise en compte de la dimension de l’égalité entre les femmes et les hommes sera probablement l’une des grandes absentes de ce projet de loi.
Pourtant, sur bien des points, comme la durée du travail déclinée dans cet article 2, les femmes seront tout particulièrement pénalisées.
Je souhaite redire que le temps de travail est le premier facteur discriminant entre les hommes et les femmes. Les femmes assument toujours 80 % des tâches ménagères et elles ont un temps beaucoup plus contraint que les hommes. Pour certaines salariées, notamment les cadres, il est très élevé – en moyenne, 44 heures et 30 minutes par semaine –, et le présentéisme est la première cause du plafond de verre.
Pour d’autres, notamment les femmes enfermées dans des temps partiels, le temps de travail est trop faible, avec des amplitudes très élevées, une flexibilité importante, et du travail de nuit et/ou de week-end, ce qui se traduit par des salaires, une pension de retraite et des droits sociaux inférieurs.
L’article va donc contribuer à aggraver les conditions du travail à temps partiel. Celui-ci va demeurer, notamment du fait de la suppression par la droite du plancher des 24 heures, un grand carrefour des inégalités entre les hommes et les femmes.
Il n’y aura aucune amélioration en termes d’articulation de la vie familiale avec la vie professionnelle et de plafond de verre, et les femmes seront toujours assignées à un nombre restreint de familles de métiers. Et que dire de leur santé au travail ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. L’article 2, qui est la colonne vertébrale de ce projet de loi, a suscité beaucoup de tensions entre nous cet après-midi. J’ai été particulièrement heurtée par l’agressivité dont certains de nos collègues ont fait preuve à l’égard de Christian Favier. Peut-être les dispositions de cet article sont-elles de nature à provoquer de tels comportements ? Ceux-ci sont, en tout cas, difficiles à admettre.
L’article 2 a pour objet le développement de la précarité et de la flexibilité pour l’ensemble de nos concitoyens. Sous le prétexte de sécuriser l’entreprise, on va plonger les salariés dans l’insécurité. Les jeunes et les femmes sont tout particulièrement dans l’œil du cyclone.
Je reviendrai, afin de compléter les propos de mes collègues du groupe CRC, sur deux points importants relatifs au travail de nuit.
Si le principe de travail de nuit comme exception reste affiché, à l’instar d’autres thématiques, l’inversion de la hiérarchie des normes et la fin du principe de faveur auront un impact sur les dispositions relatives au travail de nuit. En effet, ce qui devait être l’exception va devenir monnaie courante.
Cet impact s’en fera sentir sur la santé et la sécurité des salariés. Je rappelle que, en France, près d’un salarié sur cinq travaille régulièrement la nuit. C’est la continuité d’une logique contenue dans la loi Macron et que nous avons combattue en son temps.
Le projet de loi ne garantit plus de surveillance médicale tous les six mois en cas de travail de nuit. Vous avez d’ailleurs refusé nos amendements sur la majoration des heures de nuit, et celui qui visait à limiter la durée quotidienne du travail à huit heures pour les travailleurs de nuit. La droite sénatoriale a fait passer, quant à elle, la durée hebdomadaire de travail de nuit de douze semaines consécutives à seize semaines consécutives. Ce projet de loi aggrave donc les conditions de travail des salariés soumis à des horaires atypiques.
La même logique est à l’œuvre pour le travail du dimanche, lequel va devenir courant. Nous ne pouvons pas soutenir cette logique. C’est pourquoi je m’élève, à mon tour, contre l’article 2.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il est vingt-trois heures trente. Cela fait donc exactement quarante-huit heures que nous avons commencé à débattre de l’article 2. (Exclamations.)
Cet article, dont tous se sont saisis, soit dans la rue, soit dans les médias, le valait bien. Nous avons donc bien fait de ne pas le supprimer, car nous nous serions privés d’un débat, même chaotique et fastidieux, que le Sénat aura été la seule chambre à mener d’un bout à l’autre. Nous avons certes traversé un très long tunnel d’amendements, mais je crois que c’était important pour éclairer l’opinion sur nos positionnements respectifs.
Nos collègues communistes ont très souvent cité des entreprises. Je les invite, ainsi que tous ceux qui seraient intéressés par le sujet, à regarder en toute honnêteté intellectuelle ce qui s’est passé dans une grande entreprise française, Michelin, sur ses sites de Roanne, dans la Loire, et de La Roche-sur-Yon, en Vendée, où des accords de compétitivité ont été signés.
Mme Éliane Assassi. On en parlera !
Mme Nicole Bricq. Le fait de signer des accords localement, sur des sites, est intéressant et précurseur, et c’est ce qui a motivé ces salariés. Ils ont mené la démarche à son terme, en respectant les règles du droit du travail en vigueur et sans rencontrer d’opposition syndicale, même si tous les syndicats n’ont pas signé – ceux qui l’ont fait ne sont d’ailleurs pas ceux auxquels on pense traditionnellement.
La direction a fait un effort de transparence très important, alors que ce n’était pas vraiment l’habitude dans cette entreprise, ainsi qu’un effort d’investissement et de renouveau de l’appareil productif, du matériel.
En contrepartie du maintien de ces sites et de leur modernisation en vue de la compétition industrielle, un certain nombre de modifications sont intervenues dans les conditions de travail. Sans y insister, je veux dire que nous tentons d’atteindre cet objectif au travers de l’organisation des trois ordres juridiques rappelée au début de la discussion.
Cependant, ce qui s’est passé au Sénat nous conduit à voter contre l’article 2, lequel a été dénaturé par la commission et la droite sénatoriale ; nous le regrettons. Nous ne pouvons en effet pas accepter la rupture du droit que constitue la remise en cause des 35 heures, et ce qui s’ensuit, et bien sûr celle des 24 heures par semaine pour le travail à temps partiel. Ces deux dispositions justifient, à elles seules, que nous votions contre !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Nous voterons contre l’article 2, à la fois, parce que la majorité sénatoriale a fortement influé sur le texte qui nous est proposé et parce que nous étions opposés au texte, tel qu’il nous est arrivé à l’issue du recours au 49.3 par le Gouvernement.
Nous ne sommes pas complètement opposés au fait de confier des responsabilités aux salariés, au niveau de l’entreprise, pour passer des accords d’entreprise ; nous trouvons cette proposition intéressante. Mais, comme vous l’avez dit, madame Bricq, c’est déjà possible aujourd’hui, y compris avec des syndicats qualifiés de « durs ».
Madame la ministre, avec l’article 2, vous introduisez dans le droit du travail la flexibilité, mais sans la sécurité.
Ce que vous appelez la sécurité, ce sont en fait des garde-fous pour éviter d’aller trop loin. La sécurité, ce n’est pas cela : cela signifie que l’État ou l’entreprise donnent des avantages en contrepartie de la flexibilité. Or, dans ce texte, on ne voit pas où est la contrepartie !
On pourrait considérer que ce n’est pas grave et que ce sera mis en place par l’accord d’entreprise. Mais il y a un problème : la période que nous connaissons n’est pas favorable aux salariés. Le contexte de compétitivité internationale incite, au contraire, les employeurs à être toujours plus compétitifs, et donc soit à réduire les salaires – ce n’est pas encore le cas, mais nous y viendrons –, soit à dégrader les conditions de travail, soit à diminuer les avantages sociaux acquis durant de longues années.
Certes, des patrons joueront le jeu de l’accord d’entreprise, mais il suffit de quelques patrons qui ne le fassent pas pour introduire la concurrence dans le moins-disant social, lequel finira par s’imposer en raison d’une situation économique tendue.
De fait, même si cette proposition favorisant la flexibilité part d’une bonne intention, non seulement vous n’assurez pas la sécurité, mais vous imposez à chacun de s’adapter à la dynamique toujours plus forte de la compétitivité internationale. Cela se traduira, à terme, par une baisse des droits sociaux. On met ainsi le doigt dans un engrenage que nous ne pourrons pas maîtriser. La droite sénatoriale a lancé ce débat pour préparer cette situation !
M. Christian Cambon. Il vaut mieux laisser les gens au chômage, n’est-ce pas ?
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je salue le travail effectué par la commission, tout particulièrement par les rapporteurs, pour améliorer le texte qui nous avait été transmis.
Je me réjouis que nous puissions voter cet article 2, ainsi modifié, car il est important pour les relations sociales et l’emploi dans notre pays. Ces relations vont enfin pouvoir se nouer au niveau de l’entreprise !
Je ne suis pas d’accord avec Jean Desessard : il n’y a pas, d’un côté, les méchants patrons et, de l’autre, les gentils salariés ! Notre démocratie doit parvenir à maturité, ce qui suppose que les salariés soient impliqués dans la vie et l’action de l’entreprise.
Cette nouvelle façon d’aborder les relations sociales, chacun y gagnera : les entreprises affronteront dans de meilleures conditions la compétition économique à laquelle elles sont confrontées et les salariés gagneront en pouvoir d’achat. Les conditions de travail s’amélioreront, dès lors qu’elles seront négociées par les salariés et leur employeur au plus près de l’entreprise.
Par ailleurs, par nos votes d’aujourd’hui, nous avons ouvert aux salariés des perspectives en termes de rémunération – leur pouvoir d’achat s’en trouvera augmenté – et de qualité de vie. Tout cela est contenu dans ce texte, contrairement à ce que j’ai pu entendre bien souvent dans cet hémicycle. Certains se sont reposés sur la notion d’avantage acquis, alors que l’on sait que le progrès permettra à chacun de mieux vivre et à nous d’agir pour réduire ce fléau qu’est le chômage dans notre pays.
On ne peut se satisfaire qu’il y ait plus de cinq millions d’inscrits à Pôle emploi. Il faut donc faire tout ce que l’on peut pour l’emploi : le cadre que nous proposons ici devrait le permettre.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je pense, comme tout le monde, que l’article 2 est très important. J’y vois un grand « plus ». J’avais d’ailleurs émis le souhait ici, l’an dernier, que l’on engage cette inversion de la hiérarchie des normes.
Cet article était très contesté. Je dois dire, madame la ministre, que je vous ai trouvée, depuis le début, très courageuse. Je n’ai pas du tout apprécié le ton irrespectueux utilisé par nombre de nos collègues à votre égard. J’y ai vu une façon d’abîmer le ministère du travail. Ce n’est pas de cette façon, me semble-t-il, que doit s’exprimer la démocratie. On peut ne pas être d’accord – aujourd’hui est un jour très particulier pour moi –, mais, même si c’est le cas, on doit respecter l’autre. Je tenais donc à rendre hommage à votre courage.
Je voudrais remercier notre commission et nos collègues pour les avancées obtenues. Je comprends que l’on puisse ne pas être d’accord sur tout, madame Bricq, mais c'est un pas important pour nous. C'est le sens que nous voulons donner au travail. Selon moi, on ne va pas aussi loin que je l’aurais souhaité en ce qui concerne le temps de travail et le travail de nuit, alors que cela aurait pu permettre de développer l’emploi.
En Scandinavie, au Royaume-Uni et en Irlande, où je me suis rendu encore récemment, les entreprises sont libres d’adhérer à une branche si elles le souhaitent. Certaines se mettent d’accord pour travailler au sein d’une branche à l’élaboration de règles communes. C’est cette forme de liberté que j’aimerais voir se développer dans notre pays, car c’est ainsi que nous pourrons proposer davantage d’emplois et faire reculer le chômage.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Puisque nous achevons l’examen de l’article 2, qui est l’article phare de ce texte, j’en profite pour saluer le travail de nos rapporteurs et de la commission.
Je voudrais également remercier Mme la ministre de la qualité de son écoute. Nous ne sommes pas d’accord sur de nombreux points, mais je tiens à saluer le respect avec lequel elle s’est adressée aux sénateurs, quelle que soit leur place dans l’hémicycle.
Nous arrivons à un moment important. Je veux souligner la constance de notre groupe depuis plusieurs années : sur chaque texte ayant trait au droit du travail – comme l’an passé, avec la loi Macron et la loi Rebsamen –, nous avons toujours développé deux points importants.
Le premier, c’est la confiance que nous accordons aux salariés et aux employeurs pour trouver, au sein de leur entreprise, à laquelle ils sont les uns et les autres très attachés, la solution la plus adaptée en matière de temps de travail, afin de permettre la création d’emplois, ainsi que la poursuite et le développement de l’activité. J’y insiste, cette confiance, nous la faisons aussi bien aux employeurs qu’aux salariés : il n’y a pas d’opposition entre les deux.
Le second, c'est la liberté. Toutes les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites, mais surtout les PME, réclament depuis longtemps d’être libérées des carcans dans lesquelles on les a enfermées depuis de nombreuses années. C’est ce que nous avons fait, c'est ce qui guide notre action et c’est ce que traduit l’article 2. C’est pourquoi notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Notre groupe est convaincu, je pense que nous l’avons montré ici depuis longtemps, que le dialogue social est à promouvoir dans l’entreprise. Nous croyons à un principe simple, qui est celui de la subsidiarité.
Pour tenir compte de la complexité du monde économique aujourd’hui – qui contestera que l’entreprise est multiple et le monde du travail diversifié ? –, il n’est pas envisageable de réguler partout de la même manière. Cela me paraît une réflexion de bon sens. En effet, qu’y a-t-il de commun – nous l’avons déjà dit – entre une start-up, une entreprise manufacturière et une association d’aide à domicile ?
Il faut donc introduire de la flexibilité. L’article 2 illustre parfaitement ce constat, qui est partagé, en consacrant notamment les trois niveaux de décision : ce qui relève de la loi, ce qui relève de la branche et ce qui relève de l’entreprise. Toutefois, en plaçant prioritairement la négociation au cœur de l’entreprise, on a pensé aussi à la sécurité. On ne peut que s’en féliciter.
Nous sommes tous d’accord aussi sur la nécessité de prévoir une butée. Nous avons, pour notre part, défini à l’alinéa 125 une fourchette pour la durée de référence du travail. Nous avons complété ce point en précisant, à l’alinéa 745, qu’il ne pourrait pas y avoir de perte de salaire s’il y avait un changement de durée de référence du travail.
Ce sont deux points très importants. On peut constater que nous sommes parvenus, grâce au travail de notre commission et de notre rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne, à un texte qui renforce, madame la ministre, l’inspiration du Gouvernement, ainsi que l’excellent travail que vous aviez vous-même fait et que vous avez poursuivi ici au Sénat.
Certes, nous aurions préféré travailler dans de meilleures conditions. On peut regretter que l’examen de cet article n’ait guère motivé nos collègues – il suffit d’observer l’hémicycle ce soir… J’espère que, pour les autres articles du texte, il en ira autrement.
Pour notre part, nous voterons l’article 2 en espérant qu’il contribuera à améliorer la compétitivité des entreprises et à favoriser l’emploi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la ministre, je ne doute pas que vous appréciiez à leur juste valeur les louanges de nos collègues de la droite : je partage les compliments, tout à fait mérités, qu’ils vous ont faits sur vos qualités personnelles, mais j’y vois aussi des louanges sur les orientations proposées par le Gouvernement, ce qui m’inquiète davantage…
Nous connaissons bien l’argumentaire que nos collègues de droite nous ont à nouveau servi sur la confiance aux entreprises et dans le dialogue local, dont on sait qu’elle recouvre d’autres intentions. D’ailleurs, madame la ministre, vous avez pu observer que lorsqu’on ouvre la boîte de Pandore, elle s’ouvre de plus en plus largement ; on peut le redouter ici.
Beaucoup d’arguments ont déjà été invoqués. Il n’est pas temps de les reprendre. Notre collègue Olivier Cadic évoquait le modèle scandinave. J’avais justement donné l’exemple de la Finlande, où les syndicats ont signé un accord de compétitivité dans lequel ils ont souhaité mettre un verrou : celui de la hiérarchie des normes. Il n’y a donc pas de primauté des accords d’entreprise. Le gouvernement finlandais, l’ensemble des syndicats et les sociaux-démocrates faisaient de cette condition une question centrale.
J’insiste sur ce point, car, oui, il faut négocier dans les entreprises. Toutefois, en démocratie, il y a du pouvoir ! Dans les modèles sociaux-démocrates, les salariés ont du pouvoir – c'est d’ailleurs un sujet qui fait culturellement débat dans notre pays. Quand ils prennent des responsabilités, ils peuvent exiger, une fois les efforts fournis, des contreparties en termes d’investissements ou de retours sur bénéfices.
Dans notre pays, les salariés n’ont pas ce pouvoir. Comme on veut de la négociation d’entreprise, j’avais proposé que l’on négocie sur le CICE. En contrepartie de cette aide publique, on pourrait, selon les entreprises, exiger une robotisation de l’investissement, une amélioration des salaires, une réduction de la précarité ou bien encore de la formation.
Que se passera-t-il si on ne prévoit aucun verrou de pouvoir et que l’on fait primer le local sans mettre de puissants garde-fous ? Alors, bien sûr, madame la ministre, vous ne faites pas comme la droite, vous ne remettez pas en cause les 35 heures, vous garantissez la durée légale du travail.
Le débat est le même pour la sécurité sociale. On nous dit toujours que le plus important, c'est de garantir, par la répartition, le socle minimal et que le reste vient en surcroît. Mais, justement, on ne peut pas accepter un droit social réduit au minimum ! C'est tout l’équilibre entre le capital et le travail, entre l’immédiateté et la pérennité, entre le niveau local de l’entreprise, la branche et l’intérêt général du pays, un équilibre que nous avions construit non sans difficulté, après tant de luttes, et qui, d’une certaine façon, se détricote peu à peu.
Pour ma part, avec mon groupe et contre la droite, je voterai contre cet article, mais je veux aussi attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de le réécrire et de négocier. (M. Jean Desessard applaudit.)