M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Afin d’éviter des complications liées à leur grossesse, les femmes enceintes doivent pouvoir, tout en continuant à travailler, bénéficier d’un aménagement de leur temps de travail qui prenne en compte leur situation.
Il est donc nécessaire de leur accorder à compter du troisième mois de grossesse une réduction de la durée journalière du temps de travail, afin qu’elles puissent bénéficier d’un temps de repos supplémentaire.
Cet aménagement, il faut le dire, est déjà proposé dans certaines conventions collectives, mais pas dans toutes les entreprises. De nombreuses femmes en sont encore exclues. L’adoption de cet amendement leur permettrait d’en bénéficier.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 485.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 346 est présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 567 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 890 rectifié est présenté par MM. Collombat, Amiel, Bertrand et Guérini et Mmes Jouve et Malherbe.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 741 à 744
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 346.
Mme Nicole Bricq. La majorité sénatoriale est revenue sur la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, qui a créé un régime sui generis de licenciement lorsqu’un salarié refuse une diminution du nombre d’heures mentionnées dans son contrat de travail, en raison d’un accord de réduction du temps de travail.
La diminution du nombre d’heures ne constitue pas en elle-même une modification du contrat de travail, tant que la rémunération n’est pas modifiée – c’est important –, et le refus d’application de l’accord par le salarié conduit à la procédure de licenciement individuel, laquelle ne repose pas sur un motif économique.
Au moment de la discussion de la loi de 2000, la question du motif du licenciement avait été longuement débattue, et nous étions finalement parvenus à cette solution.
Toutefois, la majorité sénatoriale, sous prétexte de réécriture de la loi, a procédé, de manière quelque peu rampante, à l’extension de ce dispositif à tous les accords modifiant la durée du travail, alors que la loi du 19 janvier 2000 le limitait aux seuls cas de diminution du nombre d’heures. Elle en fait un principe universel !
La modification ainsi introduite emporte évidemment des conséquences considérables pour les salariés, en termes de procédure, mais aussi d’indemnités et de reclassement. L’employeur ne serait plus tenu de rechercher un autre poste pour le salarié, ni d’accomplir les efforts de formation et d’adaptation de ce dernier. Quant à l’indemnité de licenciement, elle sera limitée au seul niveau légal.
Nous sommes donc évidemment opposés à cette généralisation introduite par amendement en commission.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 567.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à revenir sur une disposition adoptée en commission, qui prévoit, comme cela vient d’être expliqué, d’étendre l’application d’une mesure jusqu’alors propre aux accords de maintien de l’emploi à tous les accords modifiant la durée du travail. Il s’agit par conséquent d’une extension du licenciement individuel, sui generis, ne reposant pas sur un motif économique.
Tout cela est extrêmement brutal et aura des conséquences indéniables en termes d’indemnisation, de reclassement, de recours. Je confirme donc, par cet amendement, notre opposition radicale à la modification introduite par la majorité sénatoriale.
M. le président. L'amendement n° 890 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 736, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 744
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° L’article L. 1222-8 est abrogé.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement vise à abroger l’article L. 1222-8 du code du travail, codifié en 2007, qui a créé une anomalie dans notre droit en matière de licenciement. En effet, un salarié refusant la modification de son contrat de travail dans le cadre d’une réduction du temps de travail peut être licencié pour motif personnel, et non économique.
Cela veut donc dire qu’une mesure prise dans une perspective économique et qui est rejetée par un ou plusieurs salariés n’entraîne pas un licenciement économique. La logique voulant que le motif soit personnel, au motif que le contrat serait signé de gré à gré, est clairement biaisée.
En effet, cette disposition inverse la charge de la responsabilité du licenciement. Ses défenseurs considéreraient sans doute que le salarié est en définitive responsable de son licenciement. Les membres du groupe CRC pensent au contraire que c’est la décision de réduction de la durée du travail qui est à l’origine du licenciement.
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Bernard Vera. Le licenciement pour motif économique n’étant pas fondé sur une faute ou une quelconque responsabilité du salarié, il constitue la moins mauvaise solution pour ce dernier. En effet, ce licenciement pouvant apparaître comme une sanction injustifiée, l’employeur est tenu de mettre en œuvre des mesures favorables au salarié. Ainsi, il doit consulter les représentants du personnel et doit respecter l’ordre légal des licenciements lorsque la décision est collective.
En outre, et c’est probablement le plus important, l’employeur doit travailler à une solution de reclassement à rémunération équivalente, soit en interne, soit en externe.
Très concrètement, l’enjeu du débat est ici de répondre à une question simple : qui est à l’origine du licenciement ? Le salarié refusant qu’on lui impose un accord qui met en péril sa rémunération, ou l’entreprise qui impose l’accord ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Un peu plus tôt au cours du débat, la commission a substitué à la durée légale une durée de référence, qui effectivement pourra être revue à la hausse, à 36, 37, 38 ou 39 heures. Le dispositif Aubry, qui a été mis en place pour les réductions du temps de travail, devait par conséquent être toiletté…
Mme Nicole Bricq. Vous ne le toilettez pas, vous le libéralisez !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. … et adapté à l’augmentation qui est susceptible d’être décidée par accord collectif et à laquelle un salarié pourrait ne pas souscrire.
J’ai bien entendu l’argument de Mme Bricq : contrairement à ce qui se passe en cas de licenciement économique, l’employeur n’a pas d’obligation de reclassement, et les indemnités sont moindres. Néanmoins, je vous rappelle, chers collègues de l’opposition sénatoriale, que c’est un régime que vous avez vous-mêmes créé !
Mme Nicole Bricq. Le régime que nous avons créé était sui generis, pas universel !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pourquoi tant d’anathèmes aujourd’hui envers un dispositif que vous avez vous-mêmes mis en place, dans le cadre de la réduction du temps de travail ? Les besoins d’accompagnement des salariés sont pourtant exactement les mêmes, qu’il s’agisse de réduction ou d’augmentation du temps de travail !
L’esprit de cohérence ayant guidé les travaux de la commission et de la majorité sénatoriale, mon avis est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 346 et 567. Les articles en question existent depuis les lois Aubry ; ils sont bien connus et explicités par la jurisprudence. Nous ne souhaitons pas apporter de bouleversement en la matière.
En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 736.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 346 et 567.
Mme Nicole Bricq. Je ferai simplement remarquer à M. le rapporteur que, pour une toilette, il s’agit tout de même d’une toilette très importante ! Le principe que nous avions introduit s’appliquait aux réductions du temps de travail ; il s’agissait d’un licenciement sui generis. Vous en faites un principe universel : c’est sur ce point que porte notre désaccord !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 346 et 567.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 302 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 144 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 736.
M. Jean Desessard. J’ai été assez sensible aux arguments de M. Vera : si un accord d’entreprise conduit à une réduction du temps de travail pour les salariés, c’est qu’une réduction de l’activité a eu lieu, donc qu’un problème économique est en cause.
Dès lors que le salarié refuse la réduction de son temps de travail, on peut donc considérer qu’il n’accepte pas une situation dont le motif est économique. Il s’agit bien, par définition, de ce qu’on appelle un licenciement économique !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Non !
M. Jean Desessard. La situation économique est telle que l’entreprise doit être restructurée, par manque d’activité soit de l’entreprise en général, soit du secteur où exerce le salarié. Ce que dit M. Vera, c’est qu’un licenciement lié à ce genre de situation doit être qualifié comme un licenciement économique.
M. Dominique Watrin. C’est cela !
M. Jean Desessard. Or il paraît justement assez clair, à moins d’inventer n’importe quoi, qu’il s’agit bien d’un licenciement de type économique !
M. le président. L'amendement n° 1025, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 744
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L'article 45 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social n'est pas applicable aux conventions et accords conclus en application des dispositions du livre Ier de la troisième partie du code du travail qui prévoient la conclusion d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, d'une convention ou d'un accord de branche.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet amendement vise, par cohérence avec l’article 2, tel que celui-ci a été rédigé, à garantir la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche conclus avant 2004.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 188 rectifié bis, présenté par MM. Gorce, Durain, Néri et Masseret, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 189 rectifié bis, présenté par MM. Gorce, Durain, Néri, Masseret et Cabanel, n'est pas non plus soutenu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 276 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Longeot et Roche, Mmes Hummel et Deromedi, MM. Laménie et Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 527 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le Gouvernement établit un bilan détaillé, quantitatif et qualitatif, des accords de branche prévoyant des dérogations aux vingt-quatre heures minimales hebdomadaires.
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 276 rectifié bis.
M. Jean-François Longeot. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 527.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout d’abord, je partage l’objectif des auteurs de l’amendement n° 276 rectifié bis, à savoir l’établissement par le Gouvernement d’un bilan détaillé, quantitatif et qualitatif, des accords de branche prévoyant des dérogations aux 24 heures minimales hebdomadaires. Je m’étonne donc que ses signataires aient eux-mêmes participé, il y a quelques heures, à défaire le plancher minimal des 24 heures.
Dans la législation actuellement en vigueur, les accords de branche étendus ou les conventions collectives peuvent prévoir une durée de travail minimale inférieure à 24 heures hebdomadaires.
La possibilité offerte par cet article 2 que de tels accords soient pris au niveau de l’entreprise aura pour conséquence de multiplier l’application de cette dérogation au plancher minimal de 24 heures, qui constitue pourtant une importante garantie pour les salariés.
Ce plancher horaire est impératif pour tout contrat à temps partiel conclu depuis le 1er juillet 2014. En vertu de cette disposition, tout salarié doit percevoir une rémunération brute minimale de 1005 euros par mois – ce chiffre correspond à un SMIC de 2016 pour 24 heures de travail hebdomadaires.
Si le contrat a été conclu avant le 1er juillet 2014, le salarié peut demander à l’employeur de passer à une durée au moins égale à 24 heures ; il sera prioritaire pour accéder à un nouveau contrat de 24 heures hebdomadaires.
Comme Mme la ministre l’a rappelé, il est bien spécifié qu’à l’exception des cas de demande expresse du salarié lui-même, seul un accord de branche peut permettre de déroger à cette règle, en raison notamment de la spécificité de l’activité de l’entreprise.
Ainsi le seuil minimal de 24 heures constitue-t-il une garantie en matière de pouvoir d’achat, sachant, bien entendu, que la pratique du temps partiel est de toute façon trop fréquente et responsable de graves inégalités salariales, dont les premières victimes sont les femmes.
Nous soutenons donc cette demande de rapport détaillé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 276 rectifié bis et 527, par cohérence avec la décision prise précédemment.
Par ailleurs, Mme la ministre nous a transmis un certain nombre de chiffres détaillés ; je suis convaincu que si les auteurs de ces amendements en faisaient la demande écrite au ministère, ce dernier pourrait les leur transmettre. Le rapport serait ainsi quasiment disponible par simple retour de courrier !
Je demande donc le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai eu tout à l’heure l’occasion de vous communiquer quelques données sur les 70 accords de branche dérogeant à la durée minimale. Je suis à votre disposition pour vous en dire plus.
J’ai parlé tout à l’heure – nous avons déjà eu ce débat essentiel assez longuement – de la procédure d’extension de l’accord de branche : en l’absence de contreparties, portant notamment sur les regroupements d’horaires ou sur les coupures, sujets essentiels, l’administration refuse l’extension, qui permet de déroger à la durée minimale de 24 heures – dans les branches où une dérogation a été signée, la durée moyenne est de 17 heures.
Sur les 70 accords, quelque 51 ont été étendus. Les autres ne l’ont pas été – ils sont peut-être en cours de l’être –, parce que les contreparties proposées n’étaient pas assez importantes. Je parlais d’une durée minimale moyenne de 17 heures ; seules quatre branches ont négocié une durée inférieure à 10 heures. J’ai justement examiné quelques conventions de branche : beaucoup maintiennent la durée minimale de 24 heures ; le plus souvent, les dérogations ne concernent pas l’ensemble de la branche, mais seulement certains métiers à l’intérieur de la branche.
Il serait donc très intéressant d’établir un bilan détaillé, non seulement quantitatif, mais aussi qualitatif, afin de mesurer quelles professions sont spécifiquement ciblées à l’intérieur des branches.
Le Gouvernement émet donc un avis tout à fait favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Monsieur Longeot, l'amendement n° 276 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Compte tenu des explications de M. le rapporteur et de Mme la ministre, je ne pense pas qu’il y ait besoin d’un rapport. Le Gouvernement pourrait nous adresser dans les meilleurs délais les éléments dont il vient d’être fait état, ce qui constituerait un aperçu suffisant.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 276 rectifié bis est retiré.
Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 527 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement est une préconisation de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. La présidente de cette délégation au Sénat en est d’ailleurs l’une des premières signataires et l’a beaucoup soutenu.
Nul ne peut nier ici l’effet pédagogique d’une loi. Il est important d’y inscrire de telles exigences quand il s’agit d’avoir une connaissance fine des particularités qui s’expriment au travers du temps partiel.
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président, car un tel rapport paraît très utile pour mener nos combats en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur l'amendement n° 527.
Mme Catherine Génisson. Un rapport détaillé sur un sujet aussi complexe nous apporterait beaucoup de renseignements sur la façon dont se déroulent les temps partiels dans notre pays, notamment au niveau des branches. Il permettrait également de mieux mesurer l’ampleur des dérogations.
Vous avez indiqué, madame la ministre, qu’à l’intérieur d’une même branche certains métiers bénéficiaient de dérogations ou les subissaient. N’ayons pas la hantise de produire des rapports. Dans certains cas, sur des sujets importants, il est nécessaire que nous puissions bénéficier d’informations approfondies.
Nous voterons donc en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable à de telles productions de rapports. J’ai été le rapporteur de la loi Santé. Dans le cadre de ce texte, si nous avions voté l’ensemble des demandes de rapports, il aurait fallu en produire plus de cinquante !
Sur la loi Travail, madame la ministre, peu de rapports sont souhaités. Toutefois, si l’on devait satisfaire la totalité des demandes formulées sur l’ensemble des textes, comme je l’ai souligné au moment de l’examen du projet de loi Santé, il faudrait que le Président de la République nomme un ministre dédié exclusivement aux rapports ! (Sourires.)
Je rejoins les propos de Jean-François Longeot. Vous avez fait à l’instant la démonstration, madame la ministre, que vous aviez en main de quoi nous faire un rapport. Ce qui me semble important, c’est que nous disposions, nous parlementaires, d’un rapport réalisé par le Gouvernement.
Est-il utile pour autant d’inscrire une telle exigence dans la loi ? Mieux vaut faire confiance au ministre en place, quel qu’il soit, pour venir un jour devant le Parlement nous présenter un rapport complet. Nous pourrions alors lui poser des questions. Il me semble plus utile de procéder de cette façon que d’inscrire directement dans la loi la remise d’un rapport.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Le président de la commission parle d’or !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis étonnée par les propos de M. le président de la commission des affaires sociales : je pensais qu’il souscrirait à cette demande de rapport. (Sourires au banc de la commission.)
On l’a vu tout au long de notre débat, il est difficile d’instaurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Nous avons pu mesurer combien la problématique des temps partiels, notamment, était compliquée. Chaque fois que nous avons soulevé le problème, quand Najat Vallaud-Belkacem était ministre des droits des femmes ou quand nous avons discuté de l’Accord national interprofessionnel, l’ANI, nous nous sommes heurtés à des obstacles et à des résistances.
Le fait que la ministre du travail s’engage à nous donner des éléments d’information, qui sont essentiels pour nos débats, constituerait un signe politique : l’affirmation que la Haute Assemblée considère ce problème comme important, d’autant que, comme l’a souligné ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin, nous sommes privés de rapport de situation comparée.
Il est essentiel que le Sénat adresse aujourd'hui ce signal et s’empare de la problématique, car il faut trouver des solutions. Osons prendre les choses à bras-le-corps pour obtenir, enfin, l’égalité entre les femmes et les hommes et faire reculer le temps partiel qui met parfois les vies de nos concitoyens en miettes en raison des horaires atypiques.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Vu le débat que nous avons eu sur les vingt-quatre heures minimum et les problèmes que tout cela pose, et vu l’impression qu’ont certains qu’un tel dispositif permettra de résoudre la précarité et le temps partiel, il est évident qu’un rapport approfondi s’impose.
Ne sommes-nous pas en train de voter des dispositions qui, in fine, ne résoudront pas le problème ? Voilà pourquoi il convient de pouvoir juger sur pièces les demandes de dérogations et d’approfondir notre connaissance des situations rencontrées dans les différents secteurs. L’idée de départ peut paraître intéressante, mais correspond-elle à la réalité ? Seul un rapport nous permettra d’y voir plus clair et de trancher cette question.
Je soutiendrai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Après Catherine Génisson et Laurence Cohen, je souhaite ajouter un argument supplémentaire.
Le travail à temps partiel est un excellent exemple, peut-être le meilleur, de la mise en œuvre de l’architecture du code du travail. Nous abordons des points essentiels qui sont d’ordre public : la définition du travail à temps partiel, les vingt-quatre heures, la mise en œuvre de la négociation d’entreprise, qu’il s’agisse du temps partiel à l’initiative de l’employeur ou du temps partiel à la demande des salariés.
Un rôle particulier est réservé à la branche puisque seul un accord de branche étendu permet de fixer le taux de majoration de ces heures, au minimum à 10 %, et d’accorder une dérogation générale à la durée minimale de vingt-quatre heures, avec des dispositions supplétives, qui reprennent le droit actuel.
Il est d’autant plus intéressant de pouvoir bénéficier d’un rapport, c'est-à-dire d’un bilan détaillé, quantitatif et qualitatif, des accords de branche prévoyant des dérogations à la durée minimale de vingt-quatre heures. C’est un excellent exemple de la mise en pratique, demain, du texte actuellement en discussion.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne suis pas d’accord avec M. Milon lorsqu’il affirme que l’on peut se passer d’un rapport et que de telles demandes encombrent la loi.
L’intérêt d’inscrire une demande de rapport dans la loi, c’est que le Sénat peut exercer son contrôle sur l’action du Gouvernement, quel qu’il soit, et travailler pour le progrès. C’est tout le principe du contrôle de l’exécutif au travers de la loi.
Ensuite, il nous sera possible d’exploiter ces données et d’organiser un débat au Sénat ou un colloque à l’extérieur. Mme la ministre a bien précisé qu’il ne s’agira pas que de compiler des chiffres. Le rapport abordera également l’aspect qualitatif de la question.
Compte tenu de l’étendue du travail à temps partiel dans notre pays, il est temps d’y voir le plus clair possible. C’est dans l’intérêt de chacun, quel que soit le gouvernement en place.
Les auteurs de l’amendement n’ont pas fixé une date précise ; c’est une erreur. Pour que nous puissions exploiter ces données, il ne faudrait pas que le rapport soit remis trop tard. Il y va véritablement de notre travail de parlementaires. Nous n’avons pas abusé dans ce texte en matière de demandes de rapports.
Par ailleurs, monsieur le président de la commission, prévoir un rapport évite que l’on n’oublie l’engagement pris au travers de la loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Comme le disait il y a quelques années une ministre de la santé, inscrire quelque chose dans la loi ne mange pas de pain ! Certes, sauf que cela entraîne un travail supplémentaire pour les fonctionnaires du ministère du travail, d’autant que le site de ce dernier fournit déjà tous les renseignements voulus. On y trouve la quasi-totalité des informations désirées.
Par ailleurs, lors d’une question orale adressée il y a quelques semaines à Mme Ségolène Neuville sur la nécessité de remettre un rapport sur le plan « autisme », Mme la secrétaire d'État nous a répondu qu’elle se tenait à notre disposition pour nous faire elle-même ce rapport. Nous l’avons donc auditionnée, et elle nous a appris tout ce que nous souhaitions savoir. A-t-il été besoin d’exiger pour cela un rapport écrit, qui aurait été rangé sur les étagères de nos bibliothèques et qui n’aurait plus servi à rien ensuite ?
De grâce, laissons travailler les services des différents ministères ! Laissons-leur le temps de faire autre chose que de répondre de manière systématique et obligatoire, parce que la loi le prévoit, aux différentes questions des parlementaires.
De surcroît, dois-je rappeler que des séances de questions orales sont prévues dans notre assemblée un mardi matin sur deux ? Les ministres planchent pour nous apporter des réponses qui, de toute façon, ne nous satisfont jamais.
De plus, un dispositif de questions écrites a été mis en place. Selon le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, des milliers de questions sont envoyées aux différents ministères. Entre 68 % et 70 % d’entre elles reçoivent des réponses et 30 % n’en obtiennent jamais. Sachons donc rester lucides et laissons les ministères travailler. Quand nous avons besoin d’informations, allons les chercher sur le site des différents ministères ou posons directement la question au ministre concerné.