PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 126 rectifié.
Mme Annie David. Nous voterons contre cet amendement visant à bloquer les recours contre le travail de nuit.
Si cet amendement est adopté, l’instauration du travail de nuit sera liée à l’existence d’un accord collectif, probablement un accord d’entreprise, eu égard à l’inversion de la hiérarchie des normes promue par ce texte. Le risque est qu’un accord défavorable aux salariés permettant le recours au travail de nuit soit conclu sans que ceux-ci puissent saisir vers la justice.
Chez Sephora, la direction avait décidé l’ouverture nocturne des magasins avec l’appui d’un syndicat, la CFDT. Heureusement, les salariés sont parvenus à obtenir en justice l’annulation de cette décision. Demain, si le dispositif de cet amendement est mis en œuvre, ils ne pourront plus saisir la justice.
M. Dominique Watrin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote sur l'amendement n° 239 rectifié ter.
M. Michel Canevet. Il s’agit là d’un amendement important, tendant à prendre en compte les évolutions marquant notre société.
Dans notre pays, la production industrielle a, hélas ! tendance à se réduire. Ainsi, la part de l’industrie dans l’emploi privé y est de cinq points inférieure à la moyenne européenne. On ne peut que déplorer cette situation, dont le corollaire est que la part des services dans l’emploi est beaucoup plus importante en France que dans les pays voisins.
En tout état de cause, nous sommes confrontés à la concurrence internationale : avec le recours aux technologies numériques, la compétition économique est devenue mondiale. Nos entreprises doivent donc pouvoir s’adapter en permanence pour répondre aux attentes des consommateurs, qu’ils soient en France ou à l’étranger.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Il s’agit là à mes yeux d’un amendement très important.
Les représentants d’une entreprise que nous avons rencontrés nous ont expliqué que cesser les prises de commandes en ligne à 21 heures pour ne les reprendre qu’à 6 heures le lendemain matin signifiait un arrêt complet de l’activité neuf heures durant. Pendant ce temps, les commandes continuent d’arriver, mais personne n’est présent pour les traiter et préparer les livraisons. À partir de 6 heures du matin, il faut résorber le stock de commandes accumulées durant la nuit, tout en prenant en compte celles qui continuent d’affluer… Dès lors, il est matériellement impossible de livrer tous les clients en temps et en heure.
Voilà pourquoi les entreprises concernées sont contraintes d’ouvrir des unités de l’autre côté de nos frontières. Par exemple, elles desservent le sud de la France depuis l’Espagne, l’est depuis l’Allemagne : de ce fait, elles n’implantent pas de succursales à Bordeaux ou à Strasbourg…
Tel est l’effet des limites qu’imposent nos textes législatifs et réglementaires. Aussi cet amendement vise-t-il en quelque sorte à permettre le travail de nuit pour tous ceux qui en ont besoin. J’ai l’impression que ma proposition n’intéresse pas grand monde…
Mme Nicole Bricq. Si, mais nous sommes contre !
M. Olivier Cadic. Il est vrai qu’il s’agit seulement de favoriser l’ouverture de nouvelles usines en France… Puisque cela ne motive personne, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 239 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote sur l’amendement n° 274 rectifié ter.
M. Olivier Cadic. Au travers de cet amendement, nous proposons de faire débuter l’horaire de nuit à 22 heures au lieu de 21 heures. Je note d’ailleurs que, à la télévision, on parle de « début de soirée » pour le programme commençant à 21 heures ; la nuit, c’est plus tard… Ainsi, la nuit débute à 22 heures en Espagne et en Italie, à 23 heures en Allemagne et au Royaume-Uni.
Repousser à 22 heures l’entrée dans l’horaire de nuit et avancer à 6 heures, au lieu de 7 heures aujourd’hui, la fin de ce dernier permettrait en outre de réduire l’amplitude, qui est de neuf heures actuellement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cette question a déjà été débattue en commission.
En vertu du droit européen, la période de nuit doit être d’une amplitude minimale de sept heures et comprendre obligatoirement le créneau s’étendant de minuit à 5 heures du matin.
En France, effectivement, son amplitude est de neuf heures et elle s’étend soit de 21 heures à 6 heures, soit de 22 heures à 7 heures.
Plutôt que de chercher à déplacer tel ou tel curseur, ne pourrions-nous pas, dans une logique de dialogue social, considérer que cette question relève des branches ? Selon les filières et les activités, les besoins peuvent varier. Le verrou de l’accord – je reprends les termes employés par Mme la ministre – garantirait que les horaires choisis correspondent a priori à la fois à ces besoins et aux souhaits des parties. Tel serait à mon sens le modèle idéal.
Pour l’heure, la commission demande le retrait de cet amendement, mais la réflexion pourra bien sûr être poursuivie.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il s’agit là d’un sujet important, et cet amendement est tout à fait légitime.
Les besoins variant selon les secteurs d’activité et les entreprises, la négociation est préférable à l’adoption d’une règle uniforme. Aujourd’hui, il est déjà possible de fixer, par accord de branche, la période de nuit entre 21 heures et 6 heures ou entre 22 heures et 7 heures. C’est pourquoi j’ai émis un avis défavorable sur cet amendement, mais je suis sensible à la question soulevée.
M. Jean Desessard. Bref, la nuit n’est pas la même partout…
M. le président. Monsieur Cadic, l’amendement n° 274 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Mon objectif était de réduire l’amplitude de la période de nuit. Cela étant, je retire l’amendement, à la suite des explications que vient d’apporter M. le rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 274 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 203 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l'amendement n° 522.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les alinéas 263 et 287, relatifs au travail de nuit, nous inspirent beaucoup d’inquiétude.
En matière de travail de nuit, la durée hebdomadaire de travail est calculée sur une période de douze semaines consécutives. Une fois de plus, la commission a durci le dispositif, en portant cette durée à seize semaines.
J’insiste sur les incidences néfastes du travail de nuit sur les conditions de vie et sur la santé des travailleurs concernés !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 522.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une de la commission, l'autre du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 279 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 521.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 280 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 311 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 529.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 88 rectifié et 867.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ces amendements tendent à récrire l’alinéa 267, qui, dans sa rédaction actuelle, remet en cause la régularité de la surveillance médicale des salariés travaillant la nuit.
Il convient sur ce sujet de maintenir la législation existante, pour garantir un suivi médical sérieux et effectif des salariés concernés. Je le redis, travailler la nuit n’est pas anodin !
M. Robert del Picchia. À qui le dites-vous !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 88 rectifié et 867.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l’amendement n° 524.
M. Dominique Watrin. Mme Gonthier-Maurin vient de le rappeler : le travail de nuit met incontestablement en danger la santé des salariés. Ces derniers doivent donc bénéficier d’un suivi particulier et régulier.
Insomnie, cancers, surpoids, accidents de la route : voilà, parmi tant d’autres, quelques dangers auxquels les personnes soumises au travail de nuit se trouvent exposées.
À nos yeux, il est donc essentiel non pas de négocier, mais bien de rendre impératif ce suivi médical régulier.
Je sais que la majorité sénatoriale a inscrit les salariés soumis au service de nuit dans la catégorie des travailleurs pouvant bénéficier d’un suivi renforcé. Toutefois, le régime actuellement fixé par le code du travail est plus précis : il prescrit un suivi tous les six mois. Pour notre part, nous préférons que cette obligation demeure inscrite explicitement dans le code du travail.
En outre, le présent amendement tend à supprimer le caractère impérieux des obligations familiales pouvant justifier qu’un salarié refuse de travailler la nuit sans que cela constitue une faute ou un motif de licenciement. En effet, ce qualificatif est particulièrement restrictif et laisse une trop grande place à l’interprétation.
Derrière la question du travail de nuit, c’est celle de la vie familiale qui est posée. On dénonce volontiers une démission supposée des parents, mais, bien souvent, les conditions de travail sont telles que les parents ne passent pas autant de temps avec leurs enfants qu’il le faudrait. Dès lors, on ne devrait pas s’étonner des difficultés qui se font jour dans les quartiers !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 524.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 281 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 311 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote sur l'amendement n° 530.
M. Jean-Pierre Bosino. Il s’agit là aussi de la nécessaire surveillance médicale des salariés soumis au travail de nuit.
Beaucoup trop de salariés sont obligés de travailler la nuit. Or, je tiens à le répéter, le travail de nuit n’est tout de même pas quelque chose de naturel.
M. Gérard Longuet. Qu’est-ce qui est naturel ?
M. Jean-Pierre Bosino. Tout à l’heure, M. Cadic proposait d’allonger les horaires de travail au motif que, avec internet, les commandes peuvent être reçues en permanence. Cela pourrait conduire à une situation où il faudrait travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept et douze mois sur douze, et étendre le travail de nuit à des secteurs non concernés aujourd'hui. Ce ne serait pas acceptable.
Il faut au moins garantir aux salariés qui sont obligés de travailler la nuit une surveillance médicale renforcée. Or chacun connaît la triste situation de la médecine du travail, qui est attaquée de toutes parts alors qu’il faudrait au contraire la soutenir davantage.
Cet amendement vise à maintenir une visite médicale obligatoire tous les six mois pour les salariés travaillant la nuit.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 296 et 523.
Mme Dominique Gillot. Ces amendements ont recueilli un avis favorable. J’espère donc qu’ils seront adoptés.
Ils visent à attribuer la qualité de personne aidante aux salariés qui s’occupent d’une personne en situation de handicap. Ceux-ci doivent pouvoir refuser de travailler la nuit sans que cela constitue une faute ou un motif de licenciement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission avait demandé à connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements. Cet avis étant favorable, celui de la commission l’est également.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 296 et 523.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 111 rectifié, 157 rectifié ter, 272 et 526.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'amendement n° 533.
Mme Laurence Cohen. À plusieurs reprises, nous avons dénoncé dans le travail à temps partiel un facteur d’inégalités au sein du monde du travail. Comme le notait l’Observatoire des inégalités en 2013, 27 % des salariés à temps partiel déclarent vouloir travailler davantage, et sont donc victimes du temps partiel subi. Ce pourcentage masque des réalités plus inquiétantes encore : il atteint 35,1 % chez les ouvrières, contre 13,7 % chez les femmes cadres supérieures.
Concernant les jeunes, l’intégration dans l’emploi via le travail à temps partiel est très souvent un pis-aller. Ainsi, plus de 40 % des 15-29 ans employés à temps partiel souhaiteraient travailler davantage. Du reste, comme le précise l’Observatoire des inégalités, ces données chiffrées minimisent la réalité de la situation. En effet, une partie des salariés ne déclarent pas souhaiter travailler plus, parce qu’ils intègrent le fait que la probabilité d’y parvenir est très faible ou parce qu’ils et surtout elles ne disposent pas de solution pour faire garder leurs jeunes enfants à un coût abordable. Dans un contexte plus favorable, rien ne dit que ces salariés ne souhaiteraient pas accroître leur temps de travail.
Enfin, qui dit temps partiel dit salaire et pension de retraite partiels.
Notre amendement vise donc à faire reculer le travail à temps partiel non choisi.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 533.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 282 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 311 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 888 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 283 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 135 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 347.
Mme Nicole Bricq. En commission, la droite sénatoriale est revenue sur la réforme majeure qui avait fixé à 24 heures le plancher de la durée hebdomadaire de travail à temps partiel. Je rappelle que cette disposition, introduite dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi de 2013, traduisait fidèlement l’accord national interprofessionnel du 11 janvier de la même année. Mme Parisot, alors présidente du MEDEF, avait compris l’importance de lutter contre le travail à temps partiel subi, qui concerne essentiellement des femmes, mais aussi beaucoup de jeunes.
En supprimant ce plancher, vous allez multiplier les petits jobs. Vous n’avez peut-être pas conscience de la gravité d’une telle décision, que pour notre part nous ne pouvons absolument pas accepter. Je sais que, pour vous, les 35 heures sont un totem que vous voulez abattre, dans une démarche purement idéologique. Soit, mais je vous enjoins de ne pas revenir sur un point de la législation du travail traduisant très fidèlement un accord national interprofessionnel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Vous m’avez adressé tout à l'heure une amabilité, madame Bricq, en déclarant que, au bal des hypocrites, je ne ferais pas tapisserie…
Mme Nicole Bricq. C’est l’un de nos anciens collègues qui utilisait souvent cette expression !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La règle du plancher de 24 heures a été fixée en 2013.
Mme Nicole Bricq. Elle a été votée !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Mais cette règle prévoyait que les branches pouvaient y déroger. Aujourd’hui, les dérogations sont si nombreuses que, de fait, la règle n’en est plus une.
Mme Catherine Deroche. C’est la réalité !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est bien de se montrer généreux en paroles, de se présenter comme le défenseur de la veuve et de l’orphelin (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.), mais il faut aussi voir la réalité telle qu’elle est !
La logique de l’article 2 est celle de la négociation.
Mme Nicole Bricq. À trois étages !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Faisons donc en sorte que les branches puissent elles-mêmes déterminer leurs propres équilibres : telle branche fixera le plancher à 17 heures, telle autre à un autre niveau. D’ailleurs, sur toutes les travées, des collègues m’ont déclaré qu’un plancher de 24 heures était peut-être un peu trop élevé. Certaines personnes peuvent souhaiter cumuler deux mi-temps. La vie est extrêmement diverse ; aucune vie ne ressemble à une autre !
Certes, il faut lutter contre le travail à temps partiel subi, mais il n’y a pas les gentils d’un côté, les méchants de l’autre. Reconnaissez que la règle actuelle est assortie de trop nombreuses dérogations. La rédaction proposée par la commission est en définitive très fidèle à la réalité d’aujourd'hui.
La commission maintient son avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas pour nous de défendre la veuve et l’orphelin. Simplement, vivre d’un travail à temps partiel, souvent assorti d’horaires irréguliers et parfois peu compatibles, c’est d’abord l’apanage des femmes.
Le temps partiel subi est en réalité au cœur de la majorité des inégalités entre les hommes et les femmes. Il s’agit donc non pas, je le répète, de défendre la veuve et l’orphelin, mais de lutter efficacement contre ces inégalités.
Des études le montrent, si les femmes pouvaient participer au même niveau que les hommes à l’activité économique, nous gagnerions 0,4 point de PIB. La réduction du temps partiel subi est donc une question non seulement d’égalité, mais aussi d’efficacité économique.
À la question de savoir si la règle est utile, je réponds par l’affirmative.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Elle est vidée de son sens !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous sommes de ceux qui s’étaient élevés contre les possibilités de dérogations ouvertes dans le cadre de la transposition de l’ANI. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage ! J’appelle instamment à ne pas supprimer le plancher de 24 heures, qui constitue un rempart utile pour les femmes confrontées au temps partiel subi.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Aux dires de M. le rapporteur, il faut adapter le droit à la réalité, qui est marquée par l’existence d’une multitude de dérogations actuelles. Mais le rôle du législateur est d’essayer de transformer la réalité, de l’améliorer !
Comme nous le disons depuis l’époque de la négociation de l’ANI, le plancher de 24 heures constitue une sécurité minimale pour des milliers de salariés, notamment des femmes. Au travers de la loi Travail, il aurait fallu interdire toutes les dérogations. C’eût été faire œuvre utile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. Je voudrais simplement conseiller à nos collègues de lire, s’ils ne l’ont déjà fait, le livre dans lequel Florence Aubenas raconte son expérience des petits boulots de ménage et apporte son témoignage sur une vie difficile.
Certes, des personnes peuvent choisir de travailler à temps partiel pour diverses raisons, monsieur le rapporteur, et on ne saurait leur imposer quoi que ce soit. Mais si le plancher de 24 heures est supprimé, la porte sera ouverte à un certain nombre de dérives : on imposera à certains salariés de travailler moins de 24 heures par semaine.
Personne ne vit à temps partiel ; tout le monde vit à plein temps. Il faut maintenir ce plancher.
C’est toujours la même chose : toutes les lois prévoient des dérogations. On devrait adopter des textes qui n’offrent pas de possibilités d’y déroger !
Mme Nicole Bricq. On ne peut pas !
M. Jean-Pierre Bosino. Mais on nous objecterait alors que la loi est trop rigide. Certes, mais on voit ce que cela donne quand les dérogations sont trop nombreuses !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Depuis le début de ce débat, j’entends s’exprimer la volonté de fixer des règles dans absolument tous les domaines ! Certes, des règles, il en faut, mais, pour autant, il ne faut pas tout encadrer.
J’estime que les salariés doivent, dans toute la mesure du possible, pouvoir choisir leur durée de travail, et en particulier pouvoir travailler plus pour gagner plus s’ils le souhaitent.
Dans le même esprit, fixer une règle a minima constitue à mon sens une contrainte qui va à l’encontre de l’intérêt des salariés, ainsi que de l’évolution de l’économie.
Dans Le Figaro daté d’hier, on peut lire l’interview d’un chef d’entreprise intitulée : « Vers de plus en plus de travailleurs multi-employeurs ». En effet, demain, de plus en plus de travailleurs auront plusieurs employeurs. Aussi ne faut-il pas établir un cadre trop rigide !
À fixer des règles comme vous voulez le faire, on finit par empêcher une évolution de la société qui est pourtant absolument nécessaire. Il faut laisser de la liberté aux travailleurs. Nos entreprises doivent pouvoir travailler dans de bonnes conditions, afin que l’économie française parvienne demain à créer des emplois. Or ce n’est pas en l’enfermant dans un carcan extrêmement contraignant qu’elle le pourra !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je voudrais apporter quelques éléments d’information sur les dérogations au plancher de 24 heures.
Cette durée de travail plancher est extrêmement importante. Soixante-dix branches y ont dérogé, certes, mais des contreparties sont alors fixées. En moyenne, la durée de travail dans ces branches est d’environ 17 heures.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amplitude est très large !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Les contreparties portent sur des éléments déterminants pour la vie des personnes concernées, qui sont souvent des femmes. À cet égard, vous avez eu raison de citer le livre de Florence Aubenas, monsieur Bosino.
La coupure ne doit pas durer plus de deux heures.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien sûr !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Voilà un élément déterminant ! Il en est de même des regroupements d’horaires, autre élément essentiel.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout à fait !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Les dérogations ne vont donc pas sans des contreparties d’une importance capitale pour la vie des travailleurs.
En l’absence de contreparties, la Direction générale du travail, la DGT, refuse d’étendre l’accord de branche ; celui-ci ne peut donc entrer en vigueur. Les partenaires sociaux ont décidé, dans le cadre de l’ANI, de prévoir des possibilités de dérogations par accord de branche étendu, et la DGT n’accepte d’étendre cet accord que si des contreparties sont fixées.
Il est primordial de maintenir une disposition, fruit du dialogue social, qui répond aux problématiques que rencontrent aujourd'hui les femmes.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.