Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Après l’arrêt du Conseil d’État, le président du CSA, qui n’avait pas les moyens juridiques d’agir, a demandé au législateur d’y travailler. C’est sur cette base que j’ai imaginé mon amendement.
Certes, il n’est plus possible de revendre une fréquence avant un délai de cinq ans. Si on veut spéculer, il faut attendre ! Toutefois, le retrait de l’autorisation n’est pas dans les sanctions prévues. Il n’y a aucune possibilité réelle de retirer la fréquence, non pas seulement pour des raisons spéculatives, mais aussi, tout simplement, si on fait autre chose que ce qui était prévu, comme ce fut le cas pour Numéro 23, chaîne de la diversité. Le CSA aurait sans doute gagné la partie s’il s’était fondé sur ce critère.
Vous me dites que les dispositions prévues par cet amendement ne s’appliqueraient pas pour Numéro 23 ? Mais il ne s’agit pas de légiférer pour un cas de figure particulier ! Pour preuve, quand il s’est agi de Bolloré – il y avait beaucoup plus d’argent en jeu –, j’avais proposé une taxation de 5 %. Certains ne m’ont pas suivi, estimant sans doute qu’il ne fallait pas toucher à Bolloré ! Les mêmes ont ensuite considéré qu’il fallait agir pour Numéro 23, qui n’était peut-être pas du même bord politique… Pour ma part, que ce soit Numéro 23 ou Bolloré, j’ai toujours eu la même position. Je ne légifère pas contre quelqu’un !
Je suis d’ailleurs en train de le prouver : la chaîne Numéro 23 est considérée comme d’un bord politique proche du nôtre. Je veux tout simplement que personne ne vienne détourner la loi. Il y a des concentrations gigantesques aujourd’hui. La TNT se recompose. Le paysage audiovisuel ne sera pas le même dans trois ou cinq ans. Je ne veux pas qu’on joue avec ce qui est donné par l’État gratuitement. Il faut donner au CSA les moyens d’empêcher que certains ne fassent autre chose d’une fréquence gratuite que ce qu’ils doivent en faire.
Je maintiens donc cet amendement, bien que j’entende les arguments des uns et des autres.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 58.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9
(Non modifié)
L’article 40 de la même loi est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve des engagements internationaux de la France, l’autorisation relative à un service de radio ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française ne peut être accordée à une société dans laquelle plus de 20 % du capital social ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par des personnes de nationalité étrangère. » ;
2° Au premier alinéa, les mots : « Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France » sont remplacés par les mots : « Sous la même réserve » et les mots : « d’une autorisation relative à un service de radio ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française » sont remplacés par les mots : « d’une telle autorisation ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 9
Mme la présidente. L'amendement n° 82, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 42-3 est complété par les mots :
« , ou en cas de manquements graves et répétés d’un éditeur de service de communication audiovisuelle titulaire d’une autorisation d’émettre à ses obligations contractuelles à l’égard de la société mentionnée au I de l’article 30-2 chargée de faire assurer les opérations techniques nécessaires à la transmission et à la diffusion auprès du public de ses programmes »
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Les éditeurs de service de télévision doivent s’associer au sein d'une société collective pour gérer les multiplex de diffusion hertzienne. Or certains ne s'acquittent pas de leurs obligations contractuelles concernant les frais de diffusion, ce qui est de nature à fragiliser les sociétés en question et les opérateurs techniques de diffusion.
Cet amendement vise donc à permettre au CSA de retirer l'autorisation d'émettre à un éditeur de services qui ne respecterait pas ses obligations contractuelles à l'égard de la société gérant le multiplex.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement vise à permettre au CSA d’abroger l’autorisation qu’il a délivrée à une chaîne de télévision dans l’hypothèse où elle a manqué gravement et de manière répétée à ses obligations contractuelles à l’égard de l’opérateur de multiplex.
Si je comprends le souci qui anime son auteur, il me semble que, par cet amendement, on s’éloigne des missions naturelles de l’instance de régulation du secteur audiovisuel, à savoir veiller au respect de la liberté de communication. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit de litiges contractuels et financiers entre une chaîne et un fournisseur de diffusion.
Selon moi, les litiges d’ordre privé devraient relever non pas de l’instance de régulation audiovisuelle, mais bien plutôt du juge judiciaire, arbitre naturel des relations contractuelles.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Je partage la réflexion de Mme la ministre sur ce sujet. Malgré tout, par cet amendement d’appel, je souhaitais mettre le sujet sur la table. Cela nous invite à réfléchir à une problématique que nous devrons aborder un jour ou l’autre.
Je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 82 est retiré.
Article 9 bis
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 42-3 de la même loi est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne peut cependant agréer une modification du contrôle direct ou indirect, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, de la société titulaire d’une autorisation délivrée en application de l’article 30-1 de la présente loi intervenant dans un délai de cinq ans à compter de cette délivrance, sauf en cas de difficultés économiques menaçant la viabilité de cette société. » – (Adopté.)
Article 10
(Non modifié)
Le VI de l’article 44 de la même loi est abrogé. – (Adopté.)
Article 10 bis
(Non modifié)
La même loi est ainsi modifiée :
1° Au dernier alinéa de l’article 42, après le mot : « audiovisuelle, », sont insérés les mots : « les organisations de défense de la liberté de l’information reconnues d’utilité publique en France, » ;
2° Au dernier alinéa de l’article 48-1, après le mot : « audiovisuelle, », sont insérés les mots : « les organisations de défense de la liberté de l’information reconnues d’utilité publique en France, ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 10 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 89, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l’article 10 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 3-1 est ainsi rédigée :
« Il veille au respect de la numérotation logique s’agissant de la reprise des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre, selon les modalités prévues à l’article 34-4, et au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des autres services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 17-1 est ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut être saisi par un éditeur ou par un distributeur de services, par une des personnes mentionnées à l’article 95 ou par un prestataire auquel ces personnes recourent, de tout différend relatif à la distribution d’un service de radio, de télévision ou de médias audiovisuels à la demande, y compris aux conditions techniques et financières de mise à disposition du public de ce service, lorsque ce différend est susceptible de porter atteinte au caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, à la sauvegarde de l’ordre public, aux exigences de service public, aux missions de service public assignées aux sociétés nationales de programme mentionnées à l’article 44 ou à leurs filiales répondant à des obligations de service public, à La Chaîne parlementaire mentionnée à l’article 45-2, à la chaîne Arte et à la chaîne TV5, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes, ou lorsque ce différend porte sur le caractère transparent, objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes et de services ou de leur numérotation ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services. » ;
3° Le cinquième alinéa du I de l’article 34 est ainsi rédigé :
« Le conseil peut, par décision motivée prise dans un délai fixé par voie réglementaire, s’opposer soit à l’exploitation d’une offre de services, soit à une modification de la composition de cette offre, soit à une modification de la numérotation des services de télévision au sein de cette offre, s’il estime qu’elle ne satisfait pas aux conditions et obligations de la présente loi, notamment celles mentionnées aux articles 1er, 3-1, 15, 34-1 à 34-2 et 34-4, ou s’il estime qu’elle porte atteinte aux missions de service public assignées aux sociétés nationales de programme mentionnées à l’article 44 ou à leurs filiales répondant à des obligations de service public, à La Chaîne parlementaire mentionnée à l’article 45-2, à la chaîne Arte et à la chaîne TV5, notamment par la numérotation attribuée au service dans l’offre commerciale. » ;
4° Le second alinéa de l’article 34-4 est ainsi rédigé :
« Sur le territoire métropolitain, les distributeurs de services dont l’offre de programmes comprend des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre assurent la reprise de ces services en respectant la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ils peuvent en outre proposer au téléspectateur la possibilité d’opter, explicitement et de manière à tout instant réversible, pour une numérotation différente qui présente un caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire et dont les modalités techniques et commerciales de mise à disposition du public présentent ce même caractère. Les conditions de mise à disposition de cette offre sont fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Dans le cas prévu à la deuxième phrase du présent alinéa, ces distributeurs doivent également assurer la reprise des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en respectant l’ordre de la numérotation logique, à partir d’un nombre entier suivant immédiatement un multiple de cent. »
II. – Le présent article s’applique trois mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Le Sénat avait adopté dans la loi Macron un article clarifiant les dispositions relatives à la numérotation des chaînes, afin de prévoir l'obligation de proposer la numérotation logique, mais aussi la possibilité pour le distributeur de suggérer une numérotation alternative thématique, à condition que celle-ci présente un caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire.
Cet article, qui avait été censuré pour des raisons de forme – c’était un cavalier législatif – par le Conseil constitutionnel, a de nouveau été adopté par le Sénat, sur l'initiative de notre collègue Alain Fouché, dans le cadre de l'examen du projet de loi pour une République numérique.
Toutefois, les circonstances ont changé depuis l'année dernière du fait, en particulier, de certains mouvements de concentration qui se sont opérés. De nouvelles pratiques apparaissent. Elles conduisent des distributeurs à envisager de réserver la meilleure exposition à leurs propres chaînes, selon le seul critère capitalistique, sans aucune prise en compte du respect du critère thématique. Certains distributeurs envisageraient même de proposer des avantages commerciaux à leurs abonnés qui adopteraient leur propre numérotation, en contradiction avec le principe de neutralité à respecter entre les numérotations.
Cet amendement, qui a fait l'objet de nombreux échanges, a donc plusieurs objectifs.
D’abord, il s'inscrit dans un texte largement consacré à l'audiovisuel. Le support législatif est donc plus solide que le projet de loi pour une République numérique.
Ensuite, même si la base est commune avec l'amendement adopté dans le cadre de la loi Macron, la rédaction a été améliorée, afin, en particulier, de prévoir que les distributeurs ont bien l’obligation de reprendre la numérotation logique du CSA.
En revanche, il est important de le rappeler, l'amendement prévoit que, si une numérotation alternative est proposée par le distributeur, elle bénéficiera de la même légitimité et de la même accessibilité. Il n'y a pas dans notre esprit de hiérarchie entre les deux types de numérotation. C’est au téléspectateur de faire librement son choix, à tout moment, entre les deux.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Madame la rapporteur, je vous remercie d’avoir bien voulu traiter ce sujet, qui est à la fois complexe techniquement et important pour le public.
Vous proposez tout d’abord de reprendre le dispositif équilibré relatif à la numérotation qui est issu de précédentes discussions législatives, car il préserve les intérêts à la fois des téléspectateurs, des chaînes de TNT et des distributeurs de services.
Il me semble en effet plus approprié d’inscrire ce dispositif dans la présente proposition de loi que dans le projet de loi pour une République numérique.
Enfin, et surtout, les annonces de modification des plans de services de certains distributeurs ont pu récemment susciter des inquiétudes de la part des chaînes de télévision. Les améliorations que vous apportez au dispositif initial me semblent y répondre de manière équilibrée.
En effet, il est nécessaire de garantir que la numérotation retenue par les distributeurs de services présente un caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire. Ces mêmes garanties doivent être reprises s’agissant des modalités techniques et de promotion commerciale des plans de services éventuellement proposés. Par ces dispositions, vous ne remettez pas en cause les plans de service tels que nous les connaissons aujourd'hui, mais vous apportez des garanties nouvelles pour que la numérotation relève d’une logique éditoriale. Il est, je le crois, dans l’intérêt des spectateurs que cette logique éditoriale prévale.
Par conséquent, je vous rejoins sur le lien entre cet amendement et l’objet de la présente proposition de loi, à savoir la préservation de l’indépendance et du pluralisme des médias.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Madame la ministre, en effet, c’est bien la véritable innovation introduite par cet amendement, qui fait obligation aux distributeurs de respecter le caractère équitable, transparent, homogène et surtout non discriminatoire des modalités techniques et commerciales de mise à disposition du public de l’offre alternative proposée.
Cet amendement constitue donc le point d’aboutissement de tout le travail que nous avons mené au sein de la commission au cours des derniers mois.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je me réjouis que cet amendement ait été déposé.
Le problème de la numérotation est récurrent. Il devient de plus en plus aigu, en raison de l’évolution des métiers, du nombre de chaînes et de la mutation technologique.
Nous assistons à des phénomènes de concentration, auxquels il nous faut réfléchir, mais aussi à une fusion des métiers, qui ne sont plus verticaux. Les distributeurs deviennent propriétaires de chaînes ou en créent. Lesdites chaînes commencent à produire leurs propres programmes. Il existe bien évidemment une tendance des distributeurs à privilégier leurs programmes et leurs chaînes s’agissant de la numérotation.
La numérotation des chaînes telle que nous la connaissons se nomme la « numérotation logique ». Si on y regarde de près, elle n’est pas si logique ! Elle a une logique historique, qui s’explique par l’évolution du nombre de chaînes, notamment sur la TNT.
Bien que cet amendement soit excellent, il n’est selon moi qu’une étape vers quelque chose qu’on ne pourra pas éviter. Un jour, c’est le téléspectateur qui choisira sa propre numérotation, au moment de la mise en service de son téléviseur.
Il faut commencer à réfléchir à une telle évolution, qui me paraît inévitable. Quoi qu’il en soit, je voterai cet amendement avec enthousiasme.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Mon collègue Jean-Pierre Leleux a parfaitement exprimé ce que je voulais dire.
Au sein de la gauche, nous nous réjouissons d’une telle initiative. C’est un bon amendement. Comme Mme la ministre l’a rappelé, le sujet n’est pas sans lien avec celui de l’indépendance des médias à l’égard des grands groupes de télécommunications.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je veux également apporter mon soutien à cet amendement, qui fait effectivement écho aux évolutions actuelles.
Si les grands groupes peuvent décider d’exposer uniquement leur propre bouquet au détriment de tout le reste, cela leur donnera un avantage concurrentiel énorme. Or c’est la tendance actuelle. La droite nous accuse souvent – n’est-ce pas, monsieur Leleux ? – de vouloir trop réglementer en matière de culture.
Il faut parfois réglementer ! Les rapports de force inhérents au fonctionnement du marché font rarement triompher la logique, et plus rarement encore la culture. Je me félicite donc que l’ensemble des membres de cet hémicycle se rallie, en termes de numérotation, à la logique de la régulation.
Néanmoins, vous avez raison, monsieur Leleux : nous sommes simplement en train d’organiser la transition. À très court terme – c’est déjà en partie le cas, d’ailleurs –, c’est le téléspectateur qui décidera de sa propre numérotation. Il choisira lui-même sa première, sa deuxième, sa troisième chaîne, de la même façon que chacun est aujourd’hui en situation de choisir la page d’accueil de son smartphone.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 10 bis.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Titre II
Dispositions relatives au secteur de la presse
Article 11
L’article 6 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« L’obligation d’information portant sur les opérations décrites au 1° et au présent 2° incombe à la partie cédante ; »
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« 3° Toute modification du statut de l’entreprise éditrice ;
« 4° Tout changement dans les dirigeants ou actionnaires de l’entreprise.
« Chaque année, l’entreprise éditrice doit porter à la connaissance des lecteurs ou des internautes de la publication ou du service de presse en ligne toutes les informations relatives à la composition de son capital, en cas de détention par toute personne physique ou morale d’une fraction supérieure ou égale à 10 % de celui-ci, et de ses organes dirigeants. Elle mentionne l’identité et la part d’actions de chacun des actionnaires, qu’il soit une personne physique ou morale. »
Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié ter, présenté par MM. Bonhomme, Pellevat, César, Cigolotti, Chaize, Bouchet, Longeot, Luche, Morisset, Chasseing, Cadic et Delattre, Mmes Garriaud-Maylam, N. Goulet, Gruny, Imbert, Loisier et Micouleau, MM. Cardoux, Laménie, Mandelli et Masclet, Mme Morhet-Richaud, MM. Perrin et Raison, Mme Giudicelli et MM. Guerriau et Houel, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le quatrième alinéa de l’article 5 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant régime juridique de la presse, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une ou plusieurs fonctions mentionnées aux trois alinéas précédents sont occupées par le titulaire d’une fonction gouvernementale, d’une fonction exécutive locale ou d’un mandat parlementaire, il en est également fait mention. Il en va de même lorsqu’une personne physique ou le représentant légal d’une personne détenant au moins 10 % du capital d’une entreprise éditrice occupe une fonction gouvernementale, une fonction exécutive locale ou un mandat parlementaire. »
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. L’article 11 prévoit de renforcer les obligations d’information des entreprises éditrices vis-à-vis des lecteurs. Nous proposons d’aller un peu plus loin, afin de garantir l’indépendance et le pluralisme des médias.
Cet amendement vise donc à assurer l’information des lecteurs, via les mentions légales de chaque numéro, concernant l’exercice de fonctions exécutives nationales, locales, ou d’un mandat parlementaire, autrement dit d’une fonction politique, par le propriétaire, le dirigeant ou l’un des principaux actionnaires de l’entreprise éditrice.
Renforcer ainsi la transparence en portant de tels liens à la connaissance du public permettrait assurément de mettre en lumière des situations potentielles de conflits d’intérêts. Ces situations existent !
À l’intention de ceux qui en douteraient, je citerai l’exemple que je connais le mieux : celui du patron de presse du Sud-Ouest, Jean-Michel Baylet, qui vient d’être nommé ministre après deux défaites électorales, et qui était président-directeur général du groupe de presse La Dépêche. « Chatouillé » par les problèmes que cela pourrait poser, il a eu la bonne idée de confier les rênes du groupe à son épouse et à son fils, mais demeure actionnaire majoritaire.
Personne ne semble s’offusquer de cette situation pour le moins baroque, qui dure depuis des années, de conflit d’intérêts flagrant. Je propose donc un moyen pour, a minima, en informer le lecteur.
Pour les besoins de mon argumentation, je citerai simplement le journal La Dépêche du Midi daté du 12 février dernier, le lendemain de la nomination au Gouvernement de Jean-Michel Baylet. Le quotidien agitait évidemment l’encensoir devant le nouveau gouvernement, et en premier lieu devant celui qui venait d’y entrer. « Président jusqu’au bout », titrait le quotidien, la nouvelle équipe gouvernementale étant qualifiée de « gouvernement de combat », de « gauche du possible, qui veut avancer les yeux ouverts et tourner résolument le dos aux incantations des beaux parleurs ».
Les exemples locaux sont légion de cas où quiconque n’ayant pas le même courant de pensée que le journal et son dirigeant bien-aimé est, au choix, ignoré ou vilipendé et, le cas échéant, étrillé.
Il existe donc des situations flagrantes de conflits d’intérêts ; la Haute Assemblée s’honorerait d’y mettre un terme.
M. David Assouline. Vous parlez du Figaro ?
M. François Bonhomme. Même à Corbeil-Essonnes, vous trouvez Libération !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Avis de sagesse, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Il me paraît difficile de soutenir que les fonctions gouvernementales ne sont pas notoires. Quoi qu’il en soit du cas que vous avez cité, monsieur le sénateur – cela n’est d’ailleurs pas sans poser problème, sachant que votre rôle est d’édicter des mesures générales –, l’identité de ceux qui occupent les fonctions gouvernementales est connue.
La transparence est assurée par la publication du nom et du prénom du directeur de la publication dans chaque numéro du journal, comme le prévoit la loi. Le public me semble donc parfaitement informé, comme vous l’êtes vous-même, monsieur Bonhomme.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Madame la ministre, j’ai écouté tous vos propos : au cours de la discussion générale, vous avez fait valoir, à juste titre, les principes de transparence, d’indépendance et de pluralisme des médias, faisant écho au titre même de cette proposition de loi.
J’ai bien entendu également les différents propos tenus sur la protection des lignes éditoriales, les chartes déontologiques ou le risque de concentration. Et vous me dites que la transparence est assurée ? Mais comment l’indépendance d’un journal serait-elle garantie si l’un de ses dirigeants exerce des fonctions politiques ? Allons, une telle situation est par nature antinomique avec l’indépendance !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Si j’ai bien compris votre amendement, monsieur le sénateur, il s’agit d’une mesure d’information. Or cette information est aujourd’hui assurée. Elle existe ! L’identité de ceux qui occupent des fonctions gouvernementales est connue, et l’identité du directeur du journal l’est tout autant.
M. François Bonhomme. Connue de qui, madame la ministre ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le nom du directeur de la publication est publié chaque jour dans le quotidien. La transparence est donc parfaitement assurée.
M. David Assouline. M. Dassault aurait-il été favorable à cet amendement ? J’aurais aimé connaître son vote ! S’il était présent, vous ne seriez pas nombreux à voter pour, chers collègues de droite ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 22, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Supprimer les mots :
, en cas de détention par toute personne physique ou morale d’une fraction supérieure ou égale à 10 % de celui-ci,
La parole est à M. Patrick Abate.