Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le code de la sécurité intérieure précise déjà que la mise en œuvre de techniques de recueil de renseignements concernant un journaliste, au titre de sa profession, est interdite.
Ce n’est donc pas le journaliste, en tant que professionnel, qui pourrait être visé par ces écoutes, mais l’individu au titre d’autres activités privées.
Insérer cette procédure d’avis préalable dans la loi du 29 juillet 1881 ne nous semble pas adapté. Dans la mesure où les sources d’un journaliste sont au cœur de son activité professionnelle, et non de sa vie privée, elles ne sauraient être concernées.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Abate, l'amendement n° 7 est-il maintenu ?
M. Patrick Abate. Compte tenu des explications qui viennent d’être fournies, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Compléter cet alinéa par les mots :
après avis motivé de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Je retire également cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 8 est retiré.
L'amendement n° 86, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 28
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Aux 1° et 2° de l’article 226-3, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 87, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Alinéa 45
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er ter, modifié.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er ter (précédemment réservé)
Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 801-1 du code de la sécurité intérieure, les mots : « est garanti » sont remplacés par les mots : « le droit à l’information et le respect du secret des sources sont garantis ».
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Cet amendement vise à intégrer le secret des sources dans le code de la sécurité intérieure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
Mieux vaut laisser ces dispositions dans la loi sur la presse et ne pas les inscrire dans le code de la sécurité intérieure.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, nous reprenons le cours normal de la discussion des articles.
Titre Ier (suite)
LIBERTÉ, INDÉPENDANCE ET PLURALISME DES MÉDIAS AUDIOVISUELS
Mme la présidente. Nous poursuivons, au sein du titre Ier, l’examen des amendements portant articles additionnels après l’article 7.
Articles additionnels après l'article 7 (suite)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 39 de la même loi, il est inséré un article 39-1 ainsi rédigé :
« Art. 39-1. – Une même personne physique ou morale ne peut être titulaire d’une ou plusieurs autorisations relatives chacune à un service de télévision, si une acquisition ou une prise de contrôle lui permet d’atteindre un plafond de part d’audience réelle de 37,5 % de l’audience totale réelle de l’ensemble des services nationaux de télévision, quel que soit son mode de diffusion ou de distribution. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement d’appel, de la même veine que celui dont nous avons discuté ce matin, prévoit un dispositif anti-concentration, issu d’une préconisation du rapport Lancelot de 2006.
Nous souhaitons garantir le pluralisme en encadrant l’influence que peut acquérir un opérateur dans la formation de l’opinion en s’appuyant sur le critère de la part d’audience réelle.
Techniquement, il s’agirait d’apprécier ce seuil d’audience sur la moyenne glissante des douze derniers mois. Toute acquisition externe ayant pour effet de porter la part d’un même groupe au-delà du seuil de 37,5 % serait interdite et s’opposerait à la délivrance par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, ou CSA, d’autorisations supplémentaires relatives à des services de télévision nationaux en l’absence de cessions.
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de mettre en place un dispositif visant à limiter la concentration dans les médias et étudie la possibilité d’interdire à une même personne physique ou morale d’être titulaire d’une ou plusieurs autorisations relatives chacune à un service de télévision, si une acquisition ou une prise de contrôle lui permet d’atteindre un plafond de part d’audience réelle de 37,5 % de l’audience totale réelle de l’ensemble des services nationaux de télévision, quel que soit son mode de diffusion ou de distribution.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Je m’inscris complètement dans la démarche de Mme Blandin. Nous sommes au cœur d’un véritable problème.
Notre pays n’a jamais connu un tel niveau de concentration dans les médias. Ce qui est remarquable aujourd’hui, c’est que nous avons affaire à des sortes de conglomérats multimédias détenus par des capitaux, des personnes physiques et même parfois une seule personne, dont les activités et les centres d’intérêt sont bien éloignés de la presse. Ce ne sont même plus les patrons de presse puissants, voire omniprésents et un peu lourds, de notre « vieille » presse.
Dans le classement de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, la France a perdu sept places et se retrouve en quarante-cinquième position. Cette situation est tout de même inquiétante.
Le groupe Bolloré, par exemple, est un empire multimédia : Canal+, Vivendi, Havas, l’institut de sondages CSA, Dailymotion… De même, que penser du cas Drahi ? Voilà un financier à la tête d’un important groupe de presse multimédia qui s’offre les tuyaux en rachetant SFR ! Il s’agit d’une atteinte extraordinaire à la neutralité d’internet.
C’est un peu comme si les fameux relais H ne mettaient à disposition du public que les magazines ou les livres édités par le groupe Hachette, comme si l’on ne trouvait dans les kiosques tenus par Jean-Claude Decaux que des journaux liés, d’une manière ou d’une autre, à ce dernier. Pour le coup, c’est absolument inadmissible !
Et tout cela sans oublier la petite gymnastique fiscale de M. Drahi, qui réussira à faire appliquer un taux de TVA de 2,1 % sur des produits en principe assujettis au taux de 20 %.
Il nous semble donc important d’intégrer à ce texte des dispositifs anti-concentration.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La concentration du secteur des médias peut, certes, poser question.
S’il est légitime de s’en préoccuper, je voudrais quelque peu nuancer les propos de M. Abate. En France, ce phénomène de concentration est inférieur à celui de nombreux pays européens, notamment l’Allemagne ou l’Italie.
Cette concentration est nécessaire pour constituer de grands groupes de presse, aux capitaux importants, capables de faire face à la mutation numérique et à la concurrence non européenne.
Remettre en cause les restructurations à l’œuvre dans le secteur pourrait favoriser les rachats par des groupes étrangers, non européens, ce qui ne pourrait que fragiliser notre exception culturelle. Nous devons également être conscients de ce risque.
Cela étant, je suis favorable à ce que l’on réfléchisse à ces questions. Mais je ne pense pas qu’il soit utile de demander un rapport au Gouvernement. La commission de la culture peut tout à fait se saisir du sujet et rédiger son propre rapport.
Monsieur Abate, j’émets un avis défavorable sur votre amendement n° 21, mais je ne m’oppose pas à l’idée de réfléchir et de rédiger un rapport. Nous pourrons y travailler au sein de la commission.
J’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 67 de Mme Blandin. Je pense qu’il s’agit d’une bataille d’un autre temps.
Cet amendement vise à fixer un plafond de 37,5 % d’audience à tout groupe de télévision. Or cette disposition me paraît tout à fait inutile eu égard à l’évolution du marché de la télévision, caractérisé par une grande dispersion des audiences. Si notre audiovisuel public atteignait de tels pourcentages, nous serions fort contents !
Par ailleurs, votre amendement ne vise pas la vidéo à la demande par abonnement, alors qu’un seul acteur américain détient probablement plus des deux tiers des parts du marché français, ce qui constitue une véritable menace pour notre exception culturelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Ces deux amendements concernent la concentration dans les médias.
En protégeant l’indépendance des rédactions et le pluralisme, la proposition de loi répond d’une certaine manière aux craintes ainsi soulevées. La réflexion peut d’ailleurs se poursuivre, comme le suggérait à l’instant Mme la rapporteur.
Les mesures envisagées par les auteurs de ces amendements, à savoir la publication d’un rapport d’évaluation et l’instauration d’une mesure d’interdiction pour les groupes dont l’audience cumulée dépasserait 37,5 % de l’audience réelle, avaient déjà été préconisées voilà un peu plus d’une dizaine d’années dans le rapport de la commission Lancelot.
Or le contexte qui prévalait en 2005, lors du lancement de la TNT, a profondément évolué, avec la baisse de l’audience des principales chaînes, l’arrivée de nouveaux acteurs, le développement de nouveaux usages et du non-linéaire et le fait qu’il n’y ait aujourd’hui plus de fréquences disponibles. Par ailleurs, un autre critère joue sur le plafond du nombre d’autorisations.
En l’état, je ne vois pas comment le seuil de 37,5 % trouverait aujourd’hui à s’appliquer. Toutefois, je comprends le sens de ces amendements d’appel, qui nous incitent à creuser encore davantage notre réflexion sur le sujet.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Nous ne faisons aucunement le procès du Gouvernement. La concentration du secteur des médias n’est pas directement de son fait.
J’entends bien que personne sur ces travées ne se satisfait, du moins je l’espère, d’une telle concentration.
Je ne suis pas aussi optimiste que certains. Si la concentration de la presse permet de sauver des journaux, elle pose aussi de gros problèmes.
Les niveaux de concentration et le type de concentration que nous rencontrons aujourd’hui sont inédits. J’ai parlé de Bolloré ; j’aurais pu tout aussi bien évoquer le groupe Ebra.
On ne dit pas assez combien cette atteinte extraordinaire à la neutralité d’internet est porteuse de dangers.
On nous parle d’un rapport du Gouvernement ou du Parlement. Pourquoi pas ? Mais nous maintenons notre amendement, par principe et sans mauvais procès.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ces amendements concernent la concentration des médias. Le sujet a évidemment un lien avec celui de leur indépendance et de leur liberté.
Voilà quelques années, j’avais déposé une proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias. Elle se voulait précise et portait sur la concentration au regard de l’audience – je ne sais pas pourquoi il est fait mention, dans ces amendements, d’un plafond de part d’audience réelle de 37,5 % –, mais aussi des détenteurs de capitaux.
Vous avez raison, il existe une anomalie en France. Je ne parle pas de nos grands groupes concurrentiels au niveau international, qui, s’ils n’existaient pas, seraient remplacés, sur notre territoire, par de grands groupes étrangers. L’anomalie, c’est que nos grands groupes sont entre les mains d’actionnaires dont le métier n’est pas l’information ou les médias et qui vivent principalement de la commande publique. C’est un vrai sujet. Cela concerne la télévision comme de la presse écrite.
Certes, de tels phénomènes existaient déjà, mais ils se sont intensifiés. Ainsi, la presse quotidienne régionale, qui constituait une richesse incroyable, depuis la Libération, en termes de diversité et de maillage du territoire, s’est concentrée. Même si les titres diffèrent encore, le contenu, les éditoriaux et les équipes rédactionnelles sont identiques. On leurre simplement le chaland en lui faisant croire qu’il existe encore plusieurs titres. Le pluralisme est atteint.
Ce sujet très important nécessite peut-être qu’on légifère, mais pas en mettant des « coucous » ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Nous sommes conscients de ce que vous dites. Toutefois, dans la mesure où on ne peut pas faire une loi sur la concentration dans les médias, essayons de donner certains droits aux médias et aux journalistes, pour qu’ils puissent conserver leur indépendance, face, justement, à l’ingérence d’actionnaires qui viendraient leur dire qu’ils n’ont pas le droit de traiter telle information s’ils ne veulent pas être virés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. J’entends bien que le pourcentage proposé, 37,5 %, peut troubler par sa précision. Je comprends aussi que mon collègue David Assouline soit gêné de ne pas soutenir une idée qu’il avait défendue dans une proposition de loi voilà quelques années. Effectivement, cela n’est pas confortable !
Toutefois, après avoir entendu les arguments des uns et des autres, je retire mon amendement, qui est trop brutal et ne prévoit pas d’étude d’impact. Mais je soutiens l’amendement n° 21.
Mme la présidente. L’amendement n° 67 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 21.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 79, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le huitième alinéa de l’article 45-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette convention détermine également les modalités de fonctionnement du comité de déontologie créé au sein de chaque société de programme, l’indépendance de ce comité étant, par dérogation à l’article 30-8, assurée par le bureau de l’assemblée à laquelle elle se rattache. »
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir les dispositions particulières applicables en matière de déontologie à la chaîne parlementaire.
Les deux sociétés de programme, LCP et Public Sénat, auraient également l'obligation de créer des comités de déontologie, mais c'est le bureau de chaque assemblée, en lieu et place du CSA, qui aurait la mission, d'une part, de déterminer leurs modalités de fonctionnement dans le cadre des conventions qui sont déjà adoptées chaque année et, d'autre part, de veiller à l'indépendance de ces comités, conformément à l'esprit de l'article 45-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Sur un amendement relatif aux chaînes parlementaires, je ne puis évidemment que m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Article 8
Après le troisième alinéa de l’article 18 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport rend également compte du respect par les éditeurs de services des dispositions du troisième alinéa de l’article 3-1. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 55, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, des mesures prises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour mettre fin aux manquements constatés ainsi que des raisons pour lesquelles il n’a, le cas échéant, pas pris de telles mesures.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement tend à compléter le dispositif de l’article 8, aux termes duquel le CSA fera état dans son rapport annuel du respect, par les éditeurs de services, de leurs obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de leurs antennes.
Nous souhaitons réintégrer la précision, supprimée par la commission, en vertu de laquelle le CSA devra également préciser les dispositions qu’il a, le cas échéant, adoptées pour mettre fin aux manquements des éditeurs ou préciser les raisons pour lesquelles il n’a pas jugé bon d’agir contre un éditeur contrevenant à ses obligations en matière d’indépendance et de pluralisme.
Alors que l’on reproche ici et là au CSA son manque de transparence dans ses prises de décision, il serait paradoxal de ne pas lui imposer de communiquer davantage.
Si la loi ne précise pas les détails que doit fournir le CSA pour faire état de sa mission de régulation, on ouvre la porte aux pressions multiples pour qu’il ne mentionne pas ce qui pourrait porter tort à des éditeurs.
Mme la présidente. L'amendement n° 31 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Barbier, Collombat et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il rend également compte des mesures prises par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour mettre fin aux manquements constatés ainsi que des raisons pour lesquelles il n'a, le cas échéant pas pris de telles mesures.
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Nous souhaitons que le rapport public du CSA rende compte des actions concrètes mises en œuvre pour faire respecter les principes d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme. Une telle disposition semble parfaitement cohérente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Bien que leurs rédactions diffèrent, ces deux amendements ont le même objet.
La commission y est défavorable, parce que le dispositif qu’ils visent à rétablir n’est pas conforme au principe de la séparation des pouvoirs. C’est d’ailleurs ce qu’a expliqué le président du CSA quand nous l’avons questionné sur le sujet lors de son audition par la commission la semaine dernière. On ne peut pas obliger une autorité indépendante à se justifier sur des décisions qu’elle ne prend pas.
En revanche, en tant que commission de la culture, nous devons jouer pleinement notre rôle, comme nous le faisons, en auditionnant régulièrement l’autorité de régulation, pour qu’elle rende compte de son bilan, et en lui posant toutes les questions que nous jugeons utiles.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Il nous semble au contraire qu’il s’agit d’une mesure de transparence et de bonne information. Cela permettra de mieux faire fonctionner toute la procédure mise en place par la proposition de loi.
Le Gouvernement est favorable au rétablissement d’une telle disposition, donc à ces deux amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article additionnel après l'article 8
Mme la présidente. L'amendement n° 58, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du I de l’article 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les services de télévision numérique de terre, lorsque l’autorisation prévue à l’article 30-1 est délivrée pour une durée supérieure à deux ans et demi, l’autorisation est abrogée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel à l’expiration de ce délai si l’opérateur n’a manifestement pas exploité le service conformément aux engagements qu’il a souscrits lors de l’appel à candidatures. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement tend à répondre au problème posé par la récente décision du Conseil d’État, qui est revenu sur celle du CSA d’interdire la revente de la chaîne Numéro 23.
Cette pratique de revente constitue un dévoiement de la loi, en vertu de laquelle les fréquences hertziennes attribuées gratuitement à des sociétés représentent un bien rare. Certaines personnes peu scrupuleuses utilisent, ou peuvent utiliser leur autorisation d’usage comme un outil de spéculation financière et revendre le canal, pour 90 millions d’euros ou plus, quelques années après son octroi.
Récemment, le législateur a modifié la législation pour tenter d’éviter des reventes de chaînes de la TNT. La revente a d’abord été taxée à 5 %, à la suite de l’adoption, malgré de nombreux désaccords, d’un amendement que j’avais défendu au nom des sénateurs socialistes. Aujourd’hui, cette taxation est de 20 %, notamment grâce au travail effectué par Mme Catherine Morin-Desailly.
Par ailleurs, le délai à respecter avant la revente, qui était de deux et demi, vient d’être porté à cinq ans, à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi.
Nous avons donc un arsenal complet, qui commence à ressembler à quelque chose de dissuasif.
Il convient néanmoins d’aller plus loin, afin que le Conseil d’État ne soit plus en mesure de contester les décisions du CSA visant à interdire des reventes spéculatives de fréquences. Chacun le sait, Numéro 23, chaîne de la diversité, a peu respecté ses engagements contractuels, sur la base desquels son autorisation d’usage de fréquence avait pourtant été attribuée.
Le Conseil d’État a désavoué le CSA. Il a estimé qu’il n’y avait pas eu fraude à la loi de la part de l’actionnaire de la société titulaire de l’autorisation, celui-ci ayant attendu le délai légal pour sortir du capital, rien ne prouvant par ailleurs que l’intéressé aurait eu pour seul objectif de réaliser une plus-value lorsqu’il a présenté sa candidature pour obtenir une fréquence.
Par conséquent, le Conseil d’État a fait fi des engagements souscrits par le titulaire de l’autorisation. Il s’est aventuré sur un autre chemin, celui de l’audience, considérant que la chaîne avait obtenu certains résultats d’audimat.
Il convient donc de donner au CSA les moyens effectifs d’agir, pas seulement si l'on constatait une volonté manifeste de revente dès l’achat, mais aussi, tout simplement, en cas de non-respect des engagements pris pour obtenir une fréquence, qu’il s’agisse des programmes ou de la contractualisation.
J’ai donc imaginé, avec le groupe socialiste, un mécanisme permettant de compléter le dispositif, pour répondre à de telles situations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Nous partageons évidemment la préoccupation de M. Assouline. Nous devons effectivement réfléchir aux meilleurs moyens de lutter contre la spéculation sur les fréquences.
Cet amendement vise à tirer les conclusions de l’affaire de la chaîne Numéro 23. Je note que les dispositions prévues ne seraient pas applicables aux fautifs, la chaîne ayant respecté le délai des deux ans et demi d’activité.
Je ne suis pas très favorable à un tel dispositif, les mesures prévues étant susceptibles de créer une nouvelle insécurité juridique pour les investisseurs, cet amendement visant un champ plus large que la spéculation sur les reventes de fréquence.
Monsieur Assouline, je voudrais vous renvoyer aux dispositions que nous avons introduites ici à l’article 7 de la loi du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique. Elles permettent déjà au CSA de tenir compte du respect, par un éditeur qui demanderait un agrément de cession, de ses obligations conventionnelles. Cette disposition aurait, peut-être, pu permettre de sanctionner le fautif. Je note toutefois que cette voie de droit n’a pas été privilégiée par le CSA.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, bien que je partage complètement la préoccupation de son auteur. Nous menons le même combat sur ce sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je partage également la préoccupation d’éviter que les fréquences audiovisuelles relevant du domaine public de l’État et délivrées gratuitement aux opérateurs ne fassent l’objet de spéculations.
C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai proposé à l’Assemblée nationale d’adopter, ce qu’elle a fait, un nouvel article visant à interdire la vente d’une chaîne dans un délai de cinq ans après la délivrance de l’autorisation par le CSA.
D’autres mesures ont été prises récemment. La loi relative au deuxième dividende numérique a permis de renforcer le dispositif fiscal lié à un changement de contrôle en cours d’autorisation. Elle a aussi augmenté les moyens juridiques du CSA au moment de l’agrément de cession pour vérifier le respect des obligations et, éventuellement, sanctionner leur non-respect. Par ailleurs, une nouvelle disposition, adoptée en loi de finances pour 2016, est venue compléter l’article 219 du code général des impôts en matière de taxation des plus-values réalisées lors de ces cessions.
Ainsi, non seulement le CSA a désormais les moyens de contrôler annuellement et de sanctionner le non-respect des obligations, mais l’encadrement a également été renforcé en cas de cession, qui ne peut pas intervenir avant cinq ans.
Il me semble donc que nous avons désormais un dispositif très complet s’agissant des cessions. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.