Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il ne peut être porté atteinte au secret des sources, directement ou indirectement, qu'à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes ou si un impératif prépondérant d’intérêt général le justifie, et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d'aucune autre manière.
II. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Les possibilités de dérogation à la protection du secret des sources, telles que définies dans la version actuelle du texte, nous semblent problématiques.
Nous estimons en effet que la dérogation empêche le juge de se positionner sur un conflit de droits et qu’elle risque donc de restreindre la protection. En outre, à notre sens, elle méconnaît l’imposante jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui se base sur le motif d’ « impératif prépondérant d’intérêt public ».
Mme la présidente. L'amendement n° 62, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer le mot :
que
par les mots :
qu’à titre exceptionnel et seulement
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Inspiré, lui aussi, par le souci de renforcer la protection du secret des sources des journalistes, cet amendement vise à préciser que l’atteinte à ce secret doit absolument rester exceptionnelle.
Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 10 et 21
Remplacer les mots :
par la prévention ou la répression, soit d’un crime, soit d’un délit
par les mots :
, soit par la prévention ou la répression d’un crime, soit par la prévention d’un délit
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Le projet de loi de 2013 prévoyait que l’atteinte au secret des sources puisse être justifiée par la prévention ou la répression des crimes, mais par la seule prévention des délits, sauf en cas de risque de réitération.
Suivant cette logique, le présent amendement vise à restreindre le plus possible les cas d’atteinte au secret des sources.
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« V. – La détention, par une personne mentionnée au I du présent article, de documents, d'images ou d'enregistrements sonores ou audiovisuels, quel qu'en soit le support, provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret des affaires ou du secret de l'enquête ou de l'instruction ou du délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée ne peut constituer le délit de recel prévu à l'article 321-1 du code pénal ou le délit prévu à l'article 226-2 du même code lorsque ces documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime dans une société démocratique. »
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Soyons clairs : nous considérons qu’il y a des avancées incontestables dans la rédaction proposée. Cependant, elles peuvent être encore renforcées.
Le délit de recel, tel que prévu à l’article 321-1 du code pénal, et le délit prévu à l’article 226-2 du même code constituent aujourd’hui une atteinte grave au secret des sources, puisqu’on fait de l’information et de son recueil un acte illégal.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 35 rectifié est présenté par Mme Jouve et MM. Amiel, Barbier, Bertrand, Collombat et Vall.
L'amendement n° 48 est présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« V. – La détention, par une personne mentionnée au I du présent article, de documents, d'images ou d'enregistrements sonores ou audiovisuels, quel qu'en soit le support, provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l'enquête ou de l'instruction ou du délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée ne peut constituer le délit de recel prévu à l'article 321-1 du code pénal ou le délit prévu à l'article 226-2 du même code lorsque ces documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime dans une société démocratique. »
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Là encore, il s’agit de rétablir une disposition sur laquelle la commission des lois a voulu revenir : celle qui permet d’introduire un nouveau fait justificatif pour lequel le journaliste ne pourrait pas être condamné pour recel du secret de l’enquête.
L’objet de cet amendement a d'ores et déjà été largement défendu par nos collègues et, surtout, par vous, madame la ministre. En effet, nous retrouvons le dispositif de nos amendements nos 29 rectifié et 35 rectifié dans l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Ma chère collègue, comme vous n’êtes pas signataire de cet amendement, je considère que c’est Mme Jouve, assise à vos côtés, qui l’a présenté. (Mme Mireille Jouve et Françoise Laborde sourient.)
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 48.
M. David Assouline. Notre amendement vise à réintroduire une disposition votée à l’Assemblée nationale, qui permet à un journaliste de bénéficier de la protection du secret de ses sources lorsqu’il a porté atteinte au secret de l’instruction à des fins d’information du public dans « un but légitime dans une société démocratique ». Pourquoi ces termes ?
La pratique parfois appelée « recel du secret de l’instruction » peut se révéler nécessaire dans des buts que la Cour européenne des droits de l’homme a communément admis comme légitimes dans une société démocratique. Comme nous l’a rappelé M. le rapporteur pour avis, la CEDH, dans l’arrêt qu’elle a rendu, le 7 juin 2007, dans l’affaire Dupuis, a censuré la décision de la juridiction française qui avait condamné des journalistes détenteurs de copies de pièces issues du dossier de l’instruction.
Le journaliste accomplit un devoir envers le citoyen, qui bénéficie d’un droit à l’information. À ce titre, il doit bénéficier d’une protection en cas de violation du secret de l’instruction dans « un but légitime dans une société démocratique », et bien évidemment dans ce seul cas.
Je sais que cette expression a pu choquer certaines personnes. Mais, j’y insiste, elle ne vient pas de nulle part : elle se réfère à un arrêt de la Cour européenne.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Aucun acte d’enquête ne peut avoir pour objet de porter atteinte au secret des sources sauf s’il est justifié par la prévention de la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi.
La parole est à M. Patrick Abate.
Mme la présidente. L'amendement n° 49, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert, M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 23 et 24
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« À peine de nullité, l’acte doit être préalablement autorisé par ordonnance spécialement motivée au regard des conditions prévues au présent article, prise par le juge des libertés et de la détention saisi, selon les cas, par requête motivée du procureur de la République ou par ordonnance motivée du juge d’instruction.
« Art. 706-186. – Lorsqu’elles ont pour objet de porter atteinte au secret des sources, les perquisitions prévues à l’article 56-2 doivent être préalablement autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention motivée par référence aux dispositions de l’article 706-185.
« En cas d’opposition à la saisie conformément au sixième alinéa de l’article 56-2, les attributions confiées au juge des libertés et de la détention en application de ce même alinéa et des septième à dixième alinéas du même article sont exercées par le président de la chambre de l’instruction.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement tend à réintroduire le dispositif, adopté par l’Assemblée nationale, qui donne compétence au juge des libertés et de la détention pour autoriser les enquêtes et les perquisitions dans le cadre des atteintes au secret des sources.
De plus en plus fréquemment, il n’y a plus d’instruction : le juge d’instruction n’intervient désormais que dans 10 % des cas, notamment dans les grosses affaires. Dans tous les autres cas, le procureur se saisit de l’affaire et le juge des libertés et de la détention est ainsi le mieux placé pour mener l’enquête.
Le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, en cours d’examen devant le Parlement, renforce les garanties du juge des libertés et de la détention et en fait une fonction à part entière. Le mode de nomination de ce juge est, en outre, amélioré.
Il ne me semble donc pas y avoir d’obstacle à confier les enquêtes et perquisitions pour atteinte au secret des sources au juge des libertés et de la détention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis. La commission est défavorable à tous ces amendements.
Je reviendrai plus particulièrement sur l’amendement du Gouvernement. Mais ce que je dirai à son sujet vaudra bien évidemment pour les autres amendements, que, d’une certaine manière, il résume, à l’exception de l’amendement de Mme Jouve, qui concerne un point bien particulier.
En fait, le Gouvernement veut rétablir le texte que la commission a modifié.
Premièrement, je vous le rappelle, dans le droit en vigueur, qui résulte de la loi du 29 juillet 1881, la notion de « journaliste » n’a pas une définition étroite. Tous ceux qui collaborent à la fonction journalistique, y compris, en vertu d’une jurisprudence constante, les photographes, sont concernés. Votre amendement est donc déjà satisfait, madame Jouve.
Le texte du Gouvernement pose un problème. Vous permettrez que je parle de « texte du Gouvernement ». En effet, le projet de loi de 2013, qui avait disparu dans les profondeurs des tiroirs, nous revient aujourd'hui sous forme d’amendement, dans sa version « enrichie », si je puis dire, par l’Assemblée nationale.
La commission s’en tient à la définition juridique actuelle de la notion de « journaliste ». Nous ne sommes pas favorables à une acception élargie à tous les collaborateurs, y compris ceux dont l’activité n’a pas grand-chose à voir avec le journalisme. Sur ce point, le droit écrit et la jurisprudence sont suffisamment clairs.
J’ajoute que, si l’on étend la notion de « journaliste » à l’infini, les services enquêteurs – je reviendrai sur l’enquête tout à l'heure – n’auront plus les moyens de travailler, puisqu’ils ne pourront plus mener leurs investigations.
J’en viens à la question de l’atteinte indirecte aux sources. Je le rappelle, dans le projet de loi de 2013, qui renaît aujourd'hui de ses cendres, cette notion n’existait pas. Elle a été ajoutée à l’Assemblée nationale. Puisqu’elle ne figurait pas dans le texte du Gouvernement, le Conseil d'État n’a pu exprimer d’avis à son sujet. Le flou artistique est donc double.
Pour notre part, nous nous en tenons à la notion d’« atteinte aux sources ».
Par ailleurs, le dispositif que vous proposez fait référence à la notion d’« enquête ». Or, en droit, l’enquête, c’est celle qui est menée par les enquêteurs, dans le cadre d’une procédure pénale, et non l’enquête que mène le journaliste.
Or la rédaction de l’amendement ne permet pas de déterminer si l’enquête dont il est question est celle du journaliste, celle du juge enquêteur ou celle des forces de police. Il vaut donc mieux ne pas employer ce terme dépourvu de précision juridique.
Je veux également évoquer le juge des libertés et de la détention, le JLD. Vous avez dit tout à l'heure que vous vouliez défendre ce juge contre le parquet, madame la ministre. Cela tombe bien : nous aussi !
En effet, dans le texte adopté en commission, nous proposons que le JLD se prononce dans les cas où l’intervention de parquet était prévue. En revanche, dans les autres hypothèses, c’est le juge d’instruction qui interviendra, parce que celui-ci est un vrai juge instructeur, contrairement au juge des libertés et de la détention. En outre, ses décisions sont susceptibles d’appel devant la chambre d’instruction. Enfin, le juge d’instruction est indépendant – il est nommé par décret –, alors que l’indépendance du JLD, nommé par le président du tribunal de grande instance, est égale à zéro.
Nous faisons confiance au juge d’instruction lorsque c’est lui qui est compétent. Dans les autres cas, nous proposons, tout comme vous, de nous en remettre au JLD. Le texte de la commission nous semble plus protecteur des droits que les dispositifs envisagés par les auteurs de ces amendements.
J’en viens à la question de la hiérarchie entre droit à l’instruction, droit à la liberté d’expression…
Madame la ministre, puisque vous aimez beaucoup la CEDH, je vous signale – vous pourrez le préciser à M. le garde des sceaux – qu’il y a une chambre de trois juges en première instance et que la Cour se constitue en grande chambre pour rendre un arrêt définitif en appel.
La plupart des arrêts sur lesquels vous vous fondez sont des arrêts de chambre, et non des arrêts de grande chambre. Or, le 13 mars dernier, dans l’arrêt de grande chambre Bédat contre Suisse, la Cour a déclaré que le secret de l’instruction primait la liberté d’expression d’un journaliste ayant divulgué des informations couvertes par le secret dans le cadre d’une affaire pénale en cours. Cette interprétation de la hiérarchie des principes fondamentaux nous convient tout à fait. Elle va dans le sens du texte adopté par la commission des lois.
Le Secrétariat général du Gouvernement, c’est-à-dire le conseil juridique du Gouvernement, saisi par le Premier ministre au mois de janvier 2014, avait déclaré que le fait de substituer à la notion d’intérêts fondamentaux de la nation une liste limitative d’infractions pénales encourrait la censure du Conseil constitutionnel.
Il s’agit d’un document envoyé par le directeur de cabinet du Premier ministre le 6 janvier 2014, c’est-à-dire au lendemain du dépôt du projet de loi ayant inspiré le dispositif que vous proposez.
M. David Assouline. Et là, il n’y a plus de protection des sources ?
M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis. C’est public, monsieur Assouline ! Tout le monde peut y avoir accès.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois est défavorable à l’amendement du Gouvernement, ainsi qu’à tous ses démembrements, c’est-à-dire aux autres amendements qui s’en inspirent.
L’amendement de Mme Jouve, certes plus original, est déjà satisfait par le droit en vigueur. J’en sollicite donc le retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements, à l’exception de celui qu’il a lui-même déposé ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je tiens tout d’abord à apporter une précision : le texte que nous examinons aujourd’hui n’est pas celui de 2013. Il s’est passé bien des choses depuis.
Le texte a fait l’objet d’une concertation interministérielle et d’un dialogue avec les professionnels. Il s’appuie également sur le travail parlementaire réalisé à l’Assemblée nationale. Je ne doute pas que l’apport du Sénat sera également majeur.
Il ne s’agit pas non plus du même problème. Nous n’avions pas su régler cette question à l’époque ; nous nous y attelons aujourd’hui, ce dont je vous remercie.
Bien évidemment, l’objectif reste le même : mieux garantir le secret des sources des journalistes, qui sont aujourd’hui insuffisamment protégées. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République s’était engagé à traiter le sujet lors de la campagne présidentielle de 2012.
Vous évoquez différents arguments, le premier étant qu’il faut s’en tenir à la fonction de journaliste et ne pas aller au-delà. Je crois qu’il faut avoir une vision pragmatique : un journaliste ne travaille pas seul ; il s’appuie sur des collaborateurs de rédaction, qui peuvent avoir à manipuler des documents. Il est donc important de protéger également ces collaborateurs au titre du secret des sources, car ils peuvent faire partie de la chaîne de l’information.
Il faut aussi envisager les atteintes indirectes au secret des sources, par exemple lorsque l’on écoute le conjoint ou un proche d’un journaliste.
Ce dernier apport, qui me semble très utile, résulte de cette concertation interministérielle, du dialogue avec les professionnels et du travail parlementaire que j‘ai évoqué. Le texte de 2016 n’est pas celui de 2013, monsieur Portelli.
Le risque de confusion entre enquête policière et enquête journalistique que vous évoquez me semble assez faible. Le rôle du juge des libertés et de la détention constitue pour nous une garantie procédurale supplémentaire, déjà utilisée à bon escient dans d’autres cas. Ce dispositif nous semble plus à même de garantir les libertés que le recours au juge d’instruction dans ce type d’enquête.
Si notre amendement n’était pas adopté, le Gouvernement serait favorable aux amendements nos 45 et 70 qui visent au rétablissement de la protection des sources étendue aux collaborateurs de rédaction.
Le Gouvernement serait également favorable aux amendements identiques nos 35 rectifié et 48, qui tendent à apporter aux journalistes les garanties nécessaires à l’accomplissement de leur mission d’information, en ne permettant pas qu’ils puissent être poursuivis pour recel de documents, d’images ou d’enregistrements sonores et audiovisuels.
L’avis est également favorable sur l’amendement n° 49, relatif à l’intervention préalable du juge des libertés et de la détention.
Le Gouvernement approuve aussi l’amendement n° 46, qui vise à protéger les journalistes des atteintes indirectes au secret des sources, à l’instar du dispositif adopté à l’Assemblée nationale. Je précise simplement que les dispositions de cet amendement font référence aux documents conservés par le journaliste ou réunis par lui à l’occasion de son travail. Or ces documents sont déjà protégés au titre des atteintes directes au secret des sources.
En revanche, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 29 rectifié, 47, 5, 62, 63, 9 et 6.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 78.
M. David Assouline. Nous avons présenté des amendements de précision, alors que l’amendement du Gouvernement embrasse l’ensemble du sujet de manière très cohérente et logique.
Nous ne parviendrons sans doute pas à un accord. Il existe une grande divergence de vues entre la position du rapporteur pour avis, c’est-à-dire celle de la droite, et la nôtre. Nous retrouvons les mêmes clivages que lors de l’examen du texte présenté par Mme Dati.
Le secret des sources a été remis en question à différentes reprises et les journalistes s’en sont émus. Avec le recul, je pensais que nos divergences auraient pu tomber pour nous permettre de mieux légiférer.
Mais, encore une fois, il y a deux conceptions de la presse. Comment peut-on imaginer, dans le monde d’aujourd’hui, une liberté d’expression sans liberté de la presse et une liberté de la presse sans protection des sources des journalistes ?
La protection des sources est au cœur de la liberté de la presse. Les journalistes ne peuvent travailler qu’en s’appuyant sur leurs sources. Ce sont elles qui l’alimentent pour faire éclater une vérité ou informer les citoyens. Sans sécurité des sources, plus de liberté réelle de l’information !
Nous parlons de choses concrètes. Le Gouvernement, après de multiples discussions, de multiples va-et-vient interministériels avec les professionnels et toutes les personnes concernées, a élaboré un dispositif, qui est certes en retrait par rapport à celui de certains pays européens, mais qui a le mérite de prendre en compte l’ensemble des questions.
Mme la présidente. Madame Jouve, l'amendement n° 29 rectifié est-il maintenu ?
Mme Mireille Jouve. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 29 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 45.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 rectifié et 48.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
agences de presse
insérer les mots :
ou d’un ou plusieurs éditeurs d’ouvrages
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. La définition donnée à l’alinéa 4 des personnes pouvant bénéficier de la protection du secret des sources au titre de leur qualité de journaliste semble méconnaître le cas de certains journalistes indépendants ne travaillant pas régulièrement avec des rédactions, mais participant à des enquêtes publiées.
C'est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, de protéger plus efficacement ces auteurs, qui font bien du journalisme et sont même souvent journalistes de profession.
Il s’agit ici d’une mesure de bon sens, visant à assurer une protection efficace des sources de tous les journalistes, y compris lorsqu’ils ne travaillent pas pour une agence de presse ou une rédaction, mais écrivent des livres d’enquête, qui, nous en conviendrons tous, sont devenus des sources d’information.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis. Pour des raisons que j’ai déjà indiquées, la commission des lois est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le code du travail définit les journalistes professionnels comme des salariés employés, rémunérés à titre régulier et principal par des entreprises de presse et de communication audiovisuelle ou des agences de presse.
Par souci de cohérence, il ne nous semble pas souhaitable d’introduire une définition différente dans la loi du 29 juillet 1881 en vue d’une extension aux auteurs d’ouvrages.
Je suis défavorable à cet amendement pour cette seule raison juridique, qui n’empêche pas les journalistes d’investigation publier leurs enquêtes sous forme de livre.
Mme la présidente. L'amendement n° 61, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
1° Après le mot :
compte
insérer les mots :
d’un éditeur d’ouvrage ou
2° Remplacer le mot :
mentionnées
par le mot :
mentionnés
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement est proche de celui de mes collègues du groupe CRC, à la différence près qu’il porte sur l’alinéa 5, et non sur l’alinéa 4.
Il s’agit de protéger ceux qui font de l’investigation par le livre, et non par la presse.
Ce sujet n’est pas si éloigné des débats que nous avons eus voilà quelques heures : la concentration des médias et le poids des grands groupes nuisent à la liberté de certains titres. Les journalistes d’investigation n’ayant plus le loisir d’écrire ce qu’ils veulent, ils le font dans des livres. Ils n’en méritent pas moins protection.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis. La notion de directeur d’ouvrage ne signifie pas forcément que les ouvrages concernés ont pour objet de diffuser des informations.
Mieux vaut s’en tenir à la définition retenue et ne pas ajouter une notion qui ne paraît pas conforme à l’objet du texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
et conformément à l’article L. 821-7 du code de la sécurité intérieure s’agissant des opérations de renseignement
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Cet amendement vise à renforcer la protection des sources, en instaurant un avis préalable des opérations de renseignement auprès de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis. La commission est évidemment défavorable à cet amendement quelque peu « bizarre ».
En effet, le juge judiciaire étant seul compétent pour autoriser ce genre d’enquête, on voit mal comment une autorité administrative comme cette commission, dont les missions sont très différentes, pourrait rendre des avis s’imposant au juge.