M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis des années, le cinéma et la télévision nous ont fait découvrir les capacités ISR, « information, surveillance, renseignement », que présentent les drones militaires. Ces équipements sont devenus indispensables sur les théâtres d’opérations. Ils offrent aux décideurs et aux commandements une vision instantanée, précise et surtout permanente d’une zone d’intervention ou d’un objectif.
Parallèlement, les professionnels civils, pour le film, la photographie, des missions d’épandage ou de surveillance de réseaux, ont de plus en plus recours à des drones civils de taille plus réduite. Ces derniers sont soumis à une procédure complexe d’immatriculation par la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, ce qui est tout à fait naturel.
Le chiffre a été rappelé, près de 2 300 opérateurs sont déclarés en France. Ils utilisent des drones dans le cadre d’une réglementation pionnière, mise en place en 2012 et modifiée en 2015. Toutefois, cette réglementation est devenue insuffisante face à l’explosion du marché des drones de loisir.
Il faut souligner que le marché mondial est dominé par deux entreprises, l’une chinoise, la firme DJI, l’autre française, la société Parrot. De plus, en France, une quarantaine de PME fabriquent des drones. Je rappelle à mon tour que près de 200 000 drones de loisir ont été vendus dans notre pays.
Cet essor exceptionnel s’est accompagné, malheureusement, d’utilisations inadaptées ou dangereuses de ces drones de loisir. Plusieurs de ces engins ont perturbé des phases d’atterrissage ou de décollage d’avions de ligne. D’autres ont failli entrer en collision avec des avions de tourisme. D’autres enfin, de jour comme de nuit, ont survolé des zones sensibles ou interdites.
Il fallait donc réagir pour limiter les risques liés à une utilisation mal contrôlée des drones de loisir, et cela, bien sûr, sans pénaliser cette filière d’excellence française. Destinée à totaliser des milliers d’emplois, elle représente d’importantes perspectives de développement et, disons-le, l’accès à un loisir qui concerne aussi bien les petits que les grands, les jeunes que les moins jeunes.
L’objet de la proposition de loi déposée par notre collègue et ami Xavier Pintat, que j’ai eu le plaisir d’accompagner dans son travail et dont je salue l’engagement sur ce dossier, est simple : premièrement, mieux informer et former les télépilotes de loisir, puisque tel est désormais le terme consacré ; deuxièmement, mieux les connaître, grâce à une déclaration simplifiée ; troisièmement, rendre les drones de loisir repérables à partir de 2018 grâce à un signal électronique – une puce – et à un signal lumineux, ce à des coûts très limités.
Ce texte, sur lequel nous avons travaillé en lien étroit avec le SGDSN, les fabricants et l’aviation civile, a un but : permettre à des dizaines de milliers de télépilotes amateurs de profiter pleinement des capacités de leurs drones, sans risque pour leur environnement et dans le respect des textes législatifs et réglementaires.
Ce cadre législatif, que nous avons voulu le plus simple possible, renvoie à des dispositions réglementaires pour fixer les seuils visés et à des décrets en Conseil d’État pour définir l’information, la formation et les sanctions. Ainsi, il ne sera pas nécessaire de revenir devant le Parlement au fur et à mesure de l’évolution particulièrement rapide des technologies et des capacités des drones.
La présente proposition de loi a surtout l’avantage de permettre aux pouvoirs publics de séparer l’immense majorité des utilisateurs, qui sont de bonne foi, et les quelques utilisateurs que l’on a appelés « malveillants ».
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Tout à fait !
M. Jacques Gautier. Ne nous leurrons pas : ces derniers utilisateurs vont tenter de contourner le texte et la réglementation. Mais ils s’exposeront à des sanctions pénales, à la confiscation de l’appareil et, le cas échéant, à sa neutralisation par les services de l’État. Ces derniers disposent déjà de diverses techniques pour intervenir dans ce sens.
Je tiens à noter le travail important accompli par M. le rapporteur, Cyril Pellevat, qui a utilement réécrit certaines parties de cette proposition de loi grâce à des amendements de qualité. Je pense au dispositif de limitation de performances qu’il faudra appliquer aux drones au-delà d’un certain poids. Je pense également à la généralisation de l’obligation d’information pour tous les drones. Ces mesures vont dans le bon sens.
En outre, je note que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté ce texte à l’unanimité : merci, chers collègues, merci, monsieur le président de la commission !
Enfin, je souligne que les pouvoirs publics doivent mettre à profit la période qui nous sépare du 1er janvier 2018 pour avancer, en la matière, vers une réglementation européenne.
Bien sûr, le groupe Les Républicains, qui nous a soutenus dans sa présentation, votera cette proposition de loi ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes à l’aube de l’ère des drones. Depuis deux ou trois ans, tout s’accélère. Les performances de ces appareils ne cessent de s’améliorer et leur prix de se démocratiser.
Beaucoup de jeunes enfants et de moins jeunes rêvent de posséder un drone ou ont déjà franchi le pas. Les drones connaissent un essor extraordinaire, et, je le répète, ils n’en sont qu’à leur début.
Si les drones de loisir représentent la majorité du marché, les drones civils à usage professionnel ne sont pas en reste. Le secteur audiovisuel est probablement celui qui intègre le mieux les drones aujourd’hui. Ces appareils permettent des prises de vue spectaculaires et jusqu’alors impossibles. Ils sont en mesure de voler dans des endroits où un hélicoptère ne pourrait pas passer ou ne serait pas autorisé à voler. Il est par exemple possible de réaliser un plan continu d’un sujet en extérieur, jusqu’à son entrée dans un bâtiment où le drone peut le suivre sans difficulté. Cette technique a été utilisée dans un reportage réalisé au Sénat.
Le champ de possibilités ouvert est immense. La télévision a d’ailleurs compris l’intérêt des drones, notamment pour la captation de compétitions sportives.
Le drone a également trouvé sa place dans l’agriculture. Pour la surveillance des parcelles, il se révèle beaucoup plus précis que le satellite, plus souple et moins onéreux qu’un vol d’avion ou d’hélicoptère. Équipé d’une caméra multispectrale, un drone est en mesure de déterminer l’état de santé des cultures. Il permet ainsi de doser précisément la quantité d’eau, de nutriments ou de pesticides dont une plante a besoin. Les agriculteurs réalisent des économies tout en préservant l’environnement.
Pour la culture du maïs, par exemple, des drones sont équipés pour lâcher des capsules contenant près de 2 000 œufs de trichogramme, petite guêpe et prédateur naturel de la pyrale du maïs, un parasite qui s’attaque aux récoltes. En un vol d’une dizaine de minutes, un drone peut larguer 1 250 capsules, ce qui lui permet de couvrir cinq hectares.
En outre, les drones font leur entrée dans le monde du spectacle. Ainsi, après deux années de développement et la mobilisation d’une cinquantaine de personnes, le Puy du Fou, en Vendée, s’est doté d’une flotte de drones autonomes. Ces derniers sont capables d’effectuer une chorégraphie aérienne en se synchronisant sur une musique grâce à une intelligence artificielle. En l’espèce, leur usage fait l’objet d’autorisations spéciales de la préfecture et de la Direction générale de l’aviation civile.
Un grand quotidien régional l’indique aujourd’hui même : dans le secteur de l’humanitaire, le Rwanda, pays d’une superficie comparable à celle de la Bretagne, est en train de se doter d’un programme de drones pour livrer vaccins et poches de sang sur tout son territoire, ce vingt fois plus rapidement que par la route.
Avant le Rwanda, Médecins sans frontières a commencé dès 2014 à utiliser des drones en Papouasie-Nouvelle Guinée pour lutter contre la tuberculose.
L’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, s’intéresse de près aux drones elle aussi. Elle en teste actuellement au Bhoutan pour pallier le manque de médecins sur place.
Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, les drones connaissent de nombreuses applications. Ils permettent l’inspection de zones dangereuses ou complexes d’accès : pylônes électriques, soudure en hauteur, toitures, etc. En assurant une cartographie en trois dimensions, ils permettent de visualiser les moindres détails d’un bâtiment depuis un ordinateur ou encore de surveiller l’avancée de travaux.
Les drones servent à traquer les déperditions énergétiques des bâtiments avec des caméras infrarouges.
Ils apparaissent chez les agents immobiliers pour favoriser la promotion de leurs biens.
Récemment, des vulcanologues ont utilisé des drones pour aller sans risque au plus près d’une éruption.
On découvre de nouveaux usages des drones presque tous les jours.
Certaines sociétés s’intéressent de près aux drones pour le transport de colis. Des drones pourraient également servir pour acheminer au plus vite des appareils médicaux, par exemple des défibrillateurs cardiaques.
Comme l’automobile depuis ses débuts, les drones exigent d’adapter les règles au fil du temps et de l’évolution des technologies.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Didier Mandelli. Le présent texte prévoit d’ailleurs de nombreux renvois à des décrets, afin de tirer parti de la souplesse réglementaire.
La présente proposition de loi prévoit un dispositif souple et équilibré, qui repose tout d’abord sur l’immatriculation, via l’enregistrement des appareils au-delà de certains seuils prévus à l’article 1er. Ainsi, on pourra retrouver plus facilement les auteurs de survols interdits.
Ensuite, ce texte impose l’information et la formation des télépilotes, prévues aux articles 2 et 3, lesquelles permettront d’éviter les survols liés à une méconnaissance des réglementations en vigueur.
Enfin, ce texte procède à l’encadrement technique des drones – limitation des performances, installation de dispositif de signalement et de dispositif lumineux, prévus à l’article 4 –, ce qui évitera les collisions d’avion avec des drones à des altitudes auxquelles ces derniers ne devraient pas se trouver.
En cas d’usage inadapté, ces mesures sont assorties de sanctions pouvant conduire à la confiscation du drone, en vertu de l’article 5.
Ce texte devrait donc permettre de résoudre une bonne partie des problèmes que les drones ont pu poser ces dernières années. On pense notamment aux survols d’agglomérations, de centrales nucléaires ou de bases militaires à caractère confidentiel ou protégées.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Didier Mandelli. Le présent texte devrait également limiter les risques de collision avec des avions, contre lesquels les syndicats de pilotes lancent l’alerte depuis plusieurs mois maintenant.
Je remercie Cyril Pellevat de son travail de rapporteur et MM. Xavier Pintat et Jacques Gautier du dépôt de cette proposition de loi. Celle-ci n’a pas vocation à interdire ou à brider sans raison l’évolution technologique, mais bien à l’accompagner tout en garantissant la sécurité de tous ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi en préambule d’exprimer quelques considérations.
Premièrement, l’évolution du cadre juridique relatif aux drones aériens paraît indispensable. Avec l’évolution technologique et commerciale des drones, la législation en vigueur, on le sait, est devenue totalement inadaptée. Les drones se sont miniaturisés, leur accessibilité financière s’est accrue et leur usage de loisir s’est développé.
Deuxièmement, il est nécessaire de faire face à la menace que constitue l’usage malveillant des drones.
En cela, la proposition de loi de nos collègues Jacques Gautier et Xavier Pintat offre un cadre équilibré. Elle ouvre la voie à une réglementation plus contraignante pour les utilisateurs et les fabricants de drones, sans toutefois brider leur développement. Parallèlement, elle ménage la pratique et l’usage de loisir.
Ce cadre législatif et réglementaire doit être souple, pour ne pas freiner le développement d’un secteur économique où la France compte plusieurs entreprises leaders. Il doit également être réactif pour tenir compte des évolutions rapides de ces technologies nouvelles comme des transformations des usages professionnels et de loisir.
Voilà pourquoi il me semble pertinent de renforcer la sécurité de l’usage des drones par l’information, la formation des télépilotes, l’enregistrement des appareils et leur identification par un signalement électronique et lumineux permettant de distinguer les drones coopératifs des drones hostiles.
De même, je salue le dispositif de limitation des performances à l’horizon 2018, introduit par M. le rapporteur et destiné à assurer la sécurité des vols.
En tant que rapporteur du budget de l’aviation civile, je suis sensible à ces propositions.
Néanmoins, les pouvoirs publics doivent également disposer de moyens efficaces de détection, d’identification et de neutralisation des drones de petites dimensions. Détournés de leur usage, les drones peuvent devenir une arme par destination. Ils peuvent être employés comme des armes par impact direct. Ils peuvent également transporter des charges explosives, radiologiques, bactériologiques ou chimiques. Sans doute faudra-t-il demain tenir compte de ces évolutions.
Dans le domaine du transport aérien, l’usage malveillant des drones présente un risque réel. De nombreux responsables de l’aviation civile nous ont alertés sur ce point.
Plusieurs incidents ont mis au jour des lacunes dans la police du ciel. En matière de détection, les micro-drones et les mini-drones ont souvent été mal détectés par des systèmes actuellement en service, voire n’ont pas été détectés du tout, en raison de leur petite taille, de leur faible vitesse et de leur signature radar réduite.
On le sait, la détection visuelle de ces drones est difficile, tout particulièrement la nuit, où ils présentent un risque de confusion avec d’autres aéronefs.
En matière de neutralisation, les armes à disposition de la défense aérienne sont elles aussi inadaptées aux drones de faible dimension.
Ce constat soulève la question de l’adaptation des moyens de détection, d’identification et de neutralisation des drones. Des expérimentations sont en cours pour développer des outils technologiques permettant de détecter, d’identifier, de localiser et de neutraliser les drones malveillants.
Le SGDSN a engagé, avec l’Agence nationale de recherche, l’ANR, un programme de recherche de systèmes performants pour la protection des sites sensibles. Mais ces dispositifs ne seront pas opérationnels avant plusieurs années.
Cette piste technologique, complémentaire du renforcement de l’arsenal juridique qu’assure cette proposition de loi, nous paraît essentielle pour demain. Avec elle, nous disposerons de systèmes intégrés capables à la fois de détecter, d’identifier et, le cas échéant, de neutraliser des drones malveillants.
Les membres du groupe UDI-UC soutiennent donc cette proposition de loi tout en appelant à poursuivre l’effort de recherche afin que nous nous adaptions aux évolutions technologiques et que nous puissions ainsi faire face aux dangers que représentent les drones malveillants. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis des crédits concernant les transports aériens, je dressais ce constat à l’occasion du débat budgétaire de l’automne dernier : les perspectives d’évolution du marché des drones sont conditionnées par la capacité de la réglementation à s’adapter à l’évolution rapide du secteur, dans le cadre de normes internationales émergentes, à la difficile adéquation de l’insertion dans le trafic aérien traditionnel et à la nécessité d’apporter une réponse équilibrée aux survols illicites.
Cette proposition de loi pertinente et équilibrée répond à cette nécessité d’accroître les moyens réglementaires et législatifs dont disposent les pouvoirs publics pour contrôler l’usage des drones et assurer un niveau de sécurité suffisant dans le contexte grave que nous connaissons. Parallèlement, elle s’attache à ne pas freiner le développement économique d’un secteur en pleine expansion, au sein duquel la France est très compétitive.
Figurant parmi les premiers pays à mettre en place une réglementation relative aux drones civils, la France a contribué au développement de ce marché. Elle a créé un écosystème dynamique essentiellement composé de TPE et de PME. Ces entreprises ont permis à notre pays de prendre une réelle avance à l’échelle mondiale. Elles s’intègrent dans un paysage français de la construction aéronautique riche d’une histoire et d’une culture de l’ingénierie fortes qui a vu l’installation de leaders dans tous les domaines.
En avril 2012, lors de la publication de la réglementation spécifique aux drones, cinquante opérateurs étaient recensés. Trois ans plus tard, plus de 1 800 opérateurs étaient déclarés. On estime qu’environ 5 000 emplois au total ont été créés et la perspective de 20 000 emplois à l’horizon 2020 est envisagée. Le secteur du drone de loisir connaît, notamment, un véritable essor. On estimait à 100 000 le nombre d’appareils vendus en 2014. Depuis, le marché a continué de croître très rapidement.
La réglementation devait viser à assurer la sécurité des personnes et des biens au sol, ainsi que celle des autres aéronefs dans l’espace aérien. Son objectif était également de définir un environnement réglementaire favorisant le développement de l’activité tout en garantissant un accès équitable, pour l’ensemble des usagers, aux ressources communes que constituent les aérodromes et les espaces aériens.
En conséquence, l’approche adoptée devait éviter d’être trop prescriptive pour ne pas anticiper les développements technologiques à venir. Elle devait également être proportionnée, fondée sur une approche par les risques avec des règles simples et légères lorsque les caractéristiques du drone limitent, par construction, les risques pour les tiers, et avec des règles plus contraignantes pour des machines plus lourdes ou des missions plus complexes.
La présente proposition de loi reprend les préconisations législatives énoncées en octobre 2015 par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, dans son rapport intitulé L’Essor des drones aériens civils en France : enjeux et réponses possibles de l’État. Ce faisant, elle poursuit intelligemment la démarche entreprise en la mettant à jour. Nous saluons sa qualité et la soutiendrons par notre vote favorable. (Applaudissements.)
M. Daniel Reiner. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en février 2015, après la multiplication des survols de sites dits « sensibles » et étant soucieux de la protection de ceux-ci contre ces actes de malveillance, j’ai interrogé M. le ministre de l’intérieur quant à l’usage des drones et son encadrement. En réponse, M. Cazeneuve a évoqué les travaux confiés au SGDSN et menés dans trois directions : d’abord, l’évaluation des risques et des menaces ; ensuite, la réponse capacitaire à apporter ; enfin, le champ juridique.
Depuis, avec l’explosion des activités de loisir et l’expansion d’une filière professionnelle en cours de consolidation, le secteur du drone a continué de se développer rapidement. Le succès du drone à des fins de loisir ne fait plus aucun doute. Le marché du drone professionnel est également en plein essor.
Les potentialités économiques sont donc très fortes et souvent fort intéressantes, quand on sait que le marché du drone professionnel est appelé à s’orienter vers des domaines plus techniques, notamment pour les pratiques agricoles ou encore au titre de la transition énergétique.
Les drones civils constituent un nouvel outil dans un nombre croissant de secteurs, par exemple pour optimiser notre agriculture en établissant des cartes de sol ou des masses foliaires, ou pour calculer au plus juste les intrants. Ce sont là des applications nouvelles qu’il nous faut encourager.
À l’horizon 2020, cette nouvelle filière pourrait représenter environ 20 000 emplois, si l’on en croit la fédération professionnelle du drone civil.
Dès lors, cette activité nouvelle appelle nécessairement un encadrement réglementaire. Dans le même temps, il faut conforter la place de leader européen qu’occupe la France dans ce secteur.
Pour accompagner le développement du drone dans notre pays, plusieurs modifications ont été apportées aux arrêtés dits « aéronefs » et « espace » d’avril 2012. Il était nécessaire de clarifier les textes jusqu’alors en vigueur et d’alléger les procédures administratives. Les définitions des activités ont été précisées et un travail de restructuration des textes réglementaires a été accompli.
Ainsi, deux arrêtés en date du 17 décembre 2015 ont précisé la réglementation en vigueur depuis 2012 concernant l’utilisation des drones civils, de loisir ou professionnels. Ces deux textes font désormais la distinction entre, d’une part, les aéromodèles, c’est-à-dire les drones destinés à un usage de loisir ou de compétition, et, d’autre part, les équipements professionnels.
Les aéromodèles sont divisés en deux catégories : A si leur masse est inférieure à vingt-cinq kilogrammes, B au-delà.
De son côté, la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, a défini les règles d’utilisation des aéromodèles de catégorie A : interdiction de voler au-dessus des zones peuplées ; interdiction de voler à plus de 150 mètres d’altitude ; interdiction de voler à proximité des aérodromes ou de survoler les no-fly zones, telles que les bases militaires, les centrales nucléaires ou les maisons d’arrêt ; obligation de voler à vue ; interdiction de voler la nuit. Quant à la prise de photos ou de vidéos, elle est autorisée dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’une exploitation commerciale.
Le non-respect de ces dispositions est sanctionné d’une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Manifestement, ce nouvel arsenal réglementaire est insuffisant. Chacun de nous peut constater une augmentation constante des infractions. Sur ce plan, les témoignages sont nombreux. On peut ainsi citer un risque de collision survenu, en février dernier, entre un Airbus en phase d’approche et un aérodrone volant à haute altitude.
Les précédents intervenants l’ont rappelé, les signalements se multiplient. Certes, plus de 90 % des incidents constatés sont non volontaires et liés à une méconnaissance des règles d’usage.
En conséquence, les articles 2 et 3 du présent texte posent un double principe : d’une part, l’information des utilisateurs quant aux règles de bonne conduite, de l’autre la formation des télépilotes de drones dépassant un certain seuil de masse. De telles dispositions me semblent de nature à réduire ce phénomène.
De même, l’enregistrement et le signalement lumineux des drones les plus gros permettront de faciliter le repérage et l’identification des appareils malveillants.
Saluons également le fait que cette proposition de loi renvoie à des textes réglementaires le soin de fixer les seuils à partir desquels cette réglementation s’appliquera. Voilà bien une approche pragmatique, traduisant la volonté des pouvoirs publics de travailler en bonne intelligence avec les représentants de la filière.
Pour autant, ce cadre législatif et réglementaire national en pleine construction devra très vite prendre en compte les initiatives européennes ou internationales naissantes dans ce domaine.
L’Union européenne voudrait voir sa compétence étendue à tous les drones, et non plus limitée aux engins de plus de 150 kilogrammes, comme c’est le cas actuellement.
L’Agence européenne de la sécurité aérienne réfléchit en outre à l’élaboration d’une réglementation fondée sur le niveau de risque auquel expose une opération.
Dès lors, une première catégorie de risque faible serait assortie d’importantes contraintes opérationnelles, comme des interdictions de survol de certaines zones et le recours à des technologies d’identification, tel le géorepérage, lesquelles sont déjà en vigueur aux États-Unis.
Le niveau de risque le plus élevé reprendrait les principes réglementaires de l’aviation habitée, en particulier avec un système de certification européenne.
Enfin, pour la catégorie de risque moyen, l’attribution d’autorisations spécifiques aux opérateurs sur la base d’une analyse du risque serait nécessaire.
Il est sans doute inévitable de poser la question de l’intégration des drones dans l’espace aérien. Plusieurs pays européens y travaillent, dont la France, avec notamment pour objectif d’éviter toute situation entraînant un risque de collision. (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils
Article 1er
L'article L. 6111-1 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, en raison de leurs caractéristiques particulières, certains aéronefs sont exemptés de l’obligation d’immatriculation ou sont soumis à un régime d’enregistrement par voie électronique. La liste de ces aéronefs et les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret en Conseil d'État. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le titre Ier du livre II de la sixième partie du code des transports est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Règles relatives à la circulation des aéronefs opérés sans personne à bord
« Art. L. 6214-1. – Le télépilote est la personne qui contrôle les évolutions d'un aéronef circulant sans personne à bord ou, dans le cas d'un vol autonome, la personne qui détermine directement ou indirectement la trajectoire ou les points de passage de cet aéronef.
« Art. L. 6214-2. – Le télépilote doit avoir suivi une formation visant à permettre le contrôle de l’évolution des aéronefs circulant sans personne à bord, en sécurité et dans le respect des règles et conditions d’emploi relatives à la navigation aérienne. Cette obligation ne s'applique pas à l’utilisation de loisir d’aéronefs circulant sans personne à bord, lorsque leur masse est inférieure à un seuil fixé par voie réglementaire.
« Les objectifs et les modalités de la formation, ainsi que les modalités de vérification de son assimilation, sont précisés par voie réglementaire.
« Art. L. 6214-3. – Pour certaines opérations professionnelles effectuées hors vue du télépilote, le télépilote doit être détenteur d’un titre dont les modalités de délivrance, de retrait et de suspension sont fixées par décret en Conseil d’État. »