Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

Mme Valérie Létard, M. Philippe Nachbar.

1. Procès-verbal

2. Commission mixte paritaire

3. Retrait de l’ordre du jour d’une proposition de loi

4. Mises au point au sujet de votes

5. Usage des drones civils. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Xavier Pintat, coauteur de la proposition de loi

M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité

Mme Leila Aïchi

Mme Évelyne Didier

6. Communication relative à une commission mixte paritaire

7. Usage des drones civils. – Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)

M. Jean-Jacques Filleul

M. Loïc Hervé

M. Yvon Collin

M. Jacques Gautier

M. Didier Mandelli

M. Vincent Capo-Canellas

Mme Nicole Bonnefoy

M. François Bonhomme

Clôture de la discussion générale.

Article 1er – Adoption.

Article 2

Amendement n° 1 de M. Jean-Jacques Filleul. – Adoption.

Amendement n° 3 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 3 et 4 – Adoption.

Article 5

Amendement n° 4 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 2 de M. Jean-Jacques Filleul. – Adoption.

M. Alain Fouché

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État

Adoption de l’article modifié.

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

8. Questions d’actualité au Gouvernement

situation politique

Mme Colette Giudicelli ; M. Manuel Valls, Premier ministre ; Mme Colette Giudicelli.

partenariat transatlantique de commerce et d’investissement

M. Philippe Esnol ; M. André Vallini, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie ; M. Philippe Esnol.

action de la justice pour lutter contre l’homophobie

Mme Corinne Bouchoux ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; Mme Corinne Bouchoux.

cabinets dentaires

Mme Laurence Cohen ; Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; Mme Laurence Cohen.

violences lors des manifestations

Mme Sylvie Robert ; M. Manuel Valls, Premier ministre.

réponse judiciaire aux violences lors des manifestations

Mme Françoise Gatel ; M. Manuel Valls, Premier ministre ; Mme Françoise Gatel.

rôle des maires dans la lutte contre le terrorisme

M. Jean-Paul Fournier ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Jean-Paul Fournier.

dette grecque

M. Vincent Eblé ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

classes bi-langues

M. Michel Bouvard ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Michel Bouvard.

reconnaissance de la nationalité française aux tirailleurs sénégalais

M. Gilbert Roger ; M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

9. Mises au point au sujet de votes

10. Candidatures à une commission mixte paritaire

11. Stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs. – Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Gérard Longuet, coauteur de la proposition de loi

M. Michel Raison, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire

M. Christian Namy

M. Jean-Pierre Bosino

Mme Nelly Tocqueville

M. Ronan Dantec

M. Jean Louis Masson

M. Jacques Mézard

M. Jean-Claude Lenoir

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

M. Jean-Yves Roux

M. Bruno Sido

Clôture de la discussion générale.

Article unique

M. Jean Louis Masson

Amendement n° 3 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.

Amendement n° 2 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.

Amendement n° 4 rectifié de M. Patrick Abate. – Rectification.

Amendement n° 4 rectifié bis de M. Patrick Abate. – Adoption.

Amendement n° 1 rectifié de Mme Nelly Tocqueville. – Adoption.

Adoption de l’article unique modifié.

Article additionnel après l'article unique

Amendement n° 5 de M. Jacques Mézard. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Claude Lenoir

M. Jean Louis Masson

M. Gérard Longuet

M. Ronan Dantec

M. Patrick Abate

Mme Nelly Tocqueville

Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

12. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Valérie Létard,

M. Philippe Nachbar.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

3

Retrait de l’ordre du jour d’une proposition de loi

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, a demandé le retrait de l’ordre du jour réservé à son groupe du mercredi 18 mai 2016 de la proposition de loi visant à associer les parlementaires à la vie institutionnelle locale.

Acte est donné de cette demande.

4

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, lors des scrutins nos 221 et 222, portant respectivement sur le sous-amendement n° 317 rectifié bis et sur les amendements identiques nos 104 rectifié quater et 299 au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, mes collègues Joëlle Garriaud-Maylam et Michel Bouvard ont été inscrits comme ayant voté pour, alors qu’ils souhaitaient voter contre.

Mon collègue Christian Cambon, quant à lui, a été inscrit comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.

Lors du scrutin public n° 223, portant sur l’ensemble du projet de loi, mon collègue Jean-Pierre Raffarin a été compté comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, lors des scrutins nos 221 et 222, ma collègue Nathalie Goulet a été inscrite comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’elle souhaitait voter contre.

Toujours sur le même texte, mais lors du scrutin n° 216, portant sur les amendements identiques nos 45, 90 et 290, mon collègue Jean-Léonce Dupont a été inscrit comme s’étant abstenu, alors qu’il souhaitait voter contre.

Enfin, lors du scrutin n° 223, ma collègue Anne-Catherine Loisier a été inscrite comme ayant voté pour, alors qu’elle souhaitait voter contre.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, lors des scrutins nos 221 et 222, mon collègue Cédric Perrin a été inscrit comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait voter contre.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Discussion générale (suite)

Usage des drones civils

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils, présentée par MM. Xavier Pintat, Jacques Gautier et Alain Fouché (proposition n° 504, texte de la commission n° 593, rapport n° 592).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Xavier Pintat, coauteur de la proposition de loi.

M. Xavier Pintat, coauteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a exactement un an, le 20 mai 2015, nous examinions dans cet hémicycle le texte d’une proposition de loi, devenue depuis lors la loi du 2 juin 2015 relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires.

Cette loi, dont j’étais rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a renforcé la répression des intrusions sur les sites nucléaires.

Ne couvrant initialement que les installations civiles, le dispositif a ensuite été étendu aux installations militaires par la loi de programmation militaire actualisée. L’effet dissuasif de ce texte anti-intrusions semble à ce jour avéré, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Toutefois, comme je l’avais alors souligné, ce texte n’a traité que des intrusions terrestres. Or une soixantaine de survols de sites sensibles par des drones avaient déjà, à l’époque, été répertoriés, dont celui de la base militaire de l’Île Longue, en janvier 2015.

Le Gouvernement, qui s’était engagé à notre demande à rechercher des réponses à ce risque nouveau, a confié cette mission au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN.

Son rapport, excellent et très complet, nous a été remis en octobre dernier. Il fait le point sur les adaptations juridiques, techniques et capacitaires requises par l’usage croissant de ce type d’aéronefs télépilotés, utilisés à titre professionnel ou pour des activités de loisirs, et dont les performances sont en constante augmentation.

S’il faut prendre conscience des dangers inhérents à l’usage des drones, il ne s’agit toutefois pas d’en diaboliser l’utilisation. L’enjeu du texte que nous vous proposons aujourd’hui est d’insérer dans la législation les dispositions juridiques nécessaires, sans pour autant freiner le développement d’un secteur économique particulièrement dynamique en France.

Au cours de l’année écoulée, de multiples incidents de circulation aérienne ont confirmé la nécessité de renforcer la sécurité de l’usage des drones civils.

En 2015, huit signalements de survols illicites à proximité de l’aéroport de Roissy ont été effectués. De nouveaux incidents ont eu lieu à proximité d’avions de ligne en phase d’approche, près de Roissy, les 19 février et 20 avril derniers.

À l’étranger également, de nombreux incidents ont été recensés au cours de l’année 2015 ; en janvier à Dubaï, en avril à Manchester, en juillet à Varsovie.

Les incidents sont devenus innombrables, au point que l’Association internationale du transport aérien, ou IATA, a récemment lancé un appel à la mise en place de réglementations et de moyens adaptés.

Les États-Unis ont réagi très rapidement à cette menace nouvelle en rendant obligatoire une formalité d’enregistrement de tous les drones de masse supérieure à 250 grammes, ce qui a permis d’en recenser très rapidement environ 300 000.

La sécurité aérienne n’est pas seule en cause. Le 29 février 2016, un drone en perdition a mis en alerte deux F-16 belges et un Rafale français, avant de s’écraser dans un champ dans l’Aisne.

M. Bruno Sido. Rien que ça…

M. Xavier Pintat. On se souvient également du drone venu se poser lors d’un meeting, à quelques mètres de la Chancelière allemande, Angela Merkel, en septembre 2013. Les services de sécurité n’étaient alors pas préparés à ce type d’incident.

Aujourd’hui, la menace « drone » est prise en compte lors de l’organisation d’événements à forte affluence, tels que la COP 21 l’an dernier ou l’Euro 2016 de football, qui s’ouvrira très bientôt.

Comment répondre à cette menace nouvelle ?

La défense du territoire face à la menace aérienne s’inscrit dans un cadre bien défini, celui de la posture permanente de sûreté aérienne, renforcée depuis les événements du 11 septembre 2001. Mais ce schéma est très largement inadapté à la menace que représentent les petits engins télépilotés accessibles au grand public, volant à basse altitude et, à ce jour, difficilement détectables et neutralisables, il faut bien l’avouer.

L’État doit donc, en premier lieu, adapter ses moyens de détection, d’identification et de neutralisation des drones. Une telle adaptation est prévue par la loi de programmation militaire actualisée de juillet 2015.

Des réponses technologiques ont été testées l’an dernier, lors d’une campagne menée avec une vingtaine d’industriels. Des solutions sont en cours de mise en œuvre, avec notamment l’acquisition d’un moyen de type radar passif. L’Agence nationale de la recherche a engagé un programme en ce sens. Des coopérations internationales sont développées afin d’instaurer une approche commune et des outils qui soient autant que possible interopérables au niveau européen.

Une réflexion est également en cours sur l’organisation du cadre de la neutralisation des drones, qui se doit d’être décentralisée compte tenu de la fugacité de la menace tout en permettant de prévenir les méprises et les dommages collatéraux, et en s’inscrivant en cohérence avec la chaîne de défense aérienne du territoire.

Outre ce volet technique et capacitaire, la prise en compte de la menace « drone » nécessite des adaptations juridiques.

La France compte aujourd’hui environ 200 000 drones de loisir, ainsi que 2 300 opérateurs professionnels de services, qui utilisent 4 200 drones. Cette filière professionnelle occupe la première place en Europe.

Le développement de cette filière professionnelle française a été favorisé par la mise en place d’une réglementation pionnière en 2012, modifiée en 2015. Évolutive, centrée sur les usages, elle permet des dérogations dans un but expérimental. Une des caractéristiques de notre réglementation par rapport aux exemples étrangers est de permettre les vols hors vue.

Les drones étant de moins en moins lourds et de plus en plus performants, la frontière entre drones de loisir et drones professionnels se trouve brouillée ; on parle d’une « uberisation » du secteur, qui rend plus complexe sa réglementation. Aussi est-il aujourd’hui nécessaire d’adjoindre un volet législatif à la réglementation existante afin d’améliorer l’information et la formation des télépilotes, de faciliter la détection, voire la neutralisation de drones potentiellement dangereux.

Avec mon collègue et ami Jacques Gautier, coauteur de cette proposition de loi, nous avons entendu plusieurs représentants professionnels du secteur des drones afin de vérifier que les principaux acteurs concernés adhéraient à l’idée d’un encadrement de l’usage des drones, pour plus de sécurité. Il en ressort que les professionnels sont plutôt favorables à un renforcement de la sécurité de l’usage des drones. Ils sont conscients qu’un accident grave risquerait de porter un coup d’arrêt au développement de cette filière et approuvent donc dans son principe la mise en place d’une réglementation équilibrée, afin d’accompagner l’essor du marché.

Dans ce contexte, les objectifs du texte que nous vous proposons sont les suivants : définir les drones à travers la notion de télépilote ; assurer une formation minimale des télépilotes ; définir le champ d’application de l’immatriculation de l’enregistrement des drones ; instituer une obligation de formation de l’utilisateur à la charge des fabricants ; introduire une obligation de signalement électronique et lumineux des drones, dont l’application pourrait être reportée de quelques mois, afin de permettre aux industriels de s’adapter, cette signalisation est nécessaire à la neutralisation du drone, à la mise en évidence rapide des intentions hostiles ou non de l’appareil ; renforcer les sanctions en cas de survols illicites.

Ces dispositions de la proposition de loi sont complémentaires : l’enregistrement des drones et la formation des pilotes pourraient être réalisés conjointement de façon très simple sur internet. Les seuils à fixer, pour la réalisation de ces formalités d’enregistrement et de formation, pourraient être identiques ; le seuil pour la signalisation électronique et lumineuse du drone pourrait, lui, être plus élevé.

En tout état de cause, le texte que nous vous proposons ne vise pas à apporter une réponse fermée et intangible à une question en constante évolution sur le plan technologique, mais à lancer un processus. Les améliorations que nous propose le rapporteur, M. Cyril Pellevat, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sont toutes les bienvenues et vont dans le bon sens. Je pense par exemple à l’ajout de la mise en place d’un régime d’enregistrement en ligne couplé à un tutoriel de formation.

Quoi qu’il en soit, le cadre juridique de l’usage des drones devra comporter des mesures réglementaires évolutives en concertation avec l’ensemble des parties prenantes.

Chacun d’entre nous en a bien conscience ici : il est nécessaire aujourd’hui d’assurer la sécurité de l’usage des drones. À nous donc de trouver ensemble le bon équilibre. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi est indirectement la conséquence des premiers survols intentionnels de centrales nucléaires qui ont eu lieu à l’automne 2014. Mais nous pouvons nous réjouir de l’initiative de Xavier Pintat et Jacques Gautier, car ce texte vient en réalité apporter une réponse à un problème plus large, posé par l’expansion rapide des drones de loisir au cours des dernières années. On en dénombrait en effet entre 150 000 et 200 000 à la fin de 2015, situation qui soulève de nouveaux risques.

Le premier risque est le risque d’accident, en cas de collision avec d’autres aéronefs ou de chute du drone par exemple. Plusieurs incidents aériens impliquant des drones ont eu lieu sur des aéroports, provoquant des retards, voire des fermetures de plateformes aéroportuaires, à Paris-Charles-de-Gaulle, Heathrow ou Dubaï.

La Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, nous a appris que, récemment, un sharklet avait été arraché par un drone aux États-Unis : il s’agit de la petite partie recourbée au bout de l’aile, que l’on retrouve sur certains modèles d’avions comme l’A320.

Autre exemple dramatique : un drone s’est écrasé en plein centre de Buenos Aires, le 15 août 2015, blessant grièvement deux passantes. La cause était un incident technique, puisque l’une des six hélices s’était brisée en vol.

Au-delà de ces quelques exemples, l’accidentologie liée aux drones reste faible, mais le moindre accident grave entraînera un arrêt complet du développement de la filière.

Le deuxième risque est celui de la captation indue d’informations, qu’il s’agisse de sites sensibles ou d’atteintes à la vie privée. S’agissant de ce dernier point, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, s’est saisie du sujet et propose de faire évoluer les textes relatifs à la vidéoprotection pour mieux prendre en compte la surveillance mobile.

Le troisième risque est celui de l’utilisation du drone comme une arme. Le 26 janvier 2015, un petit drone a survolé la Maison-Blanche à Washington, avant de s’y écraser. Au Japon, en avril 2015, un drone transportant un peu de sable radioactif s’est posé sur le toit de la résidence officielle du Premier ministre japonais à Tokyo. Ces exemples ont été sans grande conséquence, mais on dénombre de plus en plus d’attaques par drones civils en Syrie, en Irak ou au Haut-Karabagh.

Le quatrième risque est celui de l’utilisation du drone à d’autres fins délictuelles ou criminelles. Par exemple, le 29 juillet 2015, un drone a largué un paquet contenant de la drogue dans la cour d’une prison de l’État de l’Ohio.

Enfin, le cinquième risque est celui de l’utilisation de drones dans le cadre d’opérations démonstratives, revendiquées ou non, visant à décrédibiliser l’action de l’État. Le 15 septembre 2013, en Allemagne, un drone téléguidé a survolé la foule lors d’un rassemblement politique présidé par Angela Merkel, avant d’atterrir à quelques mètres de la Chancelière allemande. Le 14 octobre 2014, un match de football entre la Serbie et l’Albanie a été interrompu à la suite du survol du stade de Belgrade par un drone transportant un drapeau proalbanais.

Au final, la répétition des incidents montre qu’il est temps de prendre des mesures. Le caractère anxiogène de la situation, largement relayé par les médias, nécessite de mettre en place une régulation adaptée.

De fait, la France a d’ores et déjà acquis une véritable avance dans le domaine des drones civils, notamment grâce à la mise en œuvre depuis 2012 d’une réglementation pionnière et innovante qui encadre l’usage professionnel des drones, mais il n’en va pas de même pour l’usage de loisir.

Tout l’enjeu consiste à mettre en place cette nécessaire réglementation, sans freiner pour autant le développement d’un secteur économique dynamique, dans lequel plusieurs entreprises françaises sont leaders, comme Parrot, qui est le deuxième constructeur mondial de drones de loisir, derrière le chinois DJI.

Par conséquent, je souhaiterais attirer votre attention sur trois points qu’il convient de garder à l’esprit.

Le premier point concerne le besoin de souplesse. En raison de l’évolution rapide des technologies, il est nécessaire de laisser suffisamment de marges de manœuvre en procédant au maximum par voie réglementaire. Cette souplesse impose d’éviter de segmenter le loisir et le professionnel, qui tendent de plus en plus à se confondre. La plupart des professionnels sont par exemple sous statut d’auto-entrepreneur et utilisent également leur drone pour un usage amateur.

Cette souplesse impose également de ne pas figer de seuils dans la loi. Plusieurs niveaux font office de référence. En particulier, le seuil de 250 grammes, à partir duquel un drone est capable de voler en extérieur, a été retenu par les États-Unis et le Danemark. Le seuil de 1 kilogramme, qui correspond à la capacité d’emport d’un drone équipé d’une grenade légère, a été retenu par l’Agence européenne de la sécurité aérienne, l’AESA, pour distinguer les drones jouets des autres engins.

En tout état de cause, il semble raisonnable de renvoyer la fixation des divers seuils au niveau réglementaire.

Le deuxième point concerne la nécessité de ne pas se contenter de poser des règles, mais également d’éduquer tant les usagers que les forces de l’ordre. Des démarches de communication ont déjà été engagées sur ce point à l’aide d’infographies ou de vidéos YouTube rappelant, par exemple, les Dix commandements pour l’usage d’un drone de loisir.

En parallèle, un tutoriel en ligne permettra de couvrir 90 % des besoins, sans qu’il soit nécessaire de rentrer dans un long processus de formation pratique au télépilotage, dans la mesure où un drone est beaucoup plus facile à faire voler qu’un avion radiocommandé.

Le troisième point consiste à aborder cette réglementation comme une démarche préventive nécessaire, dans la mesure où les moyens de détection, d’identification et de neutralisation des drones malveillants sont limités.

Plusieurs solutions innovantes sont en phase d’expérimentation ou de déploiement. Elles vont des radars à courte portée aux lasers et ondes à forte puissance, en passant par l’optronique, le brouillage et le leurrage du signal radiocommandé ou du GPS. Certains pays, comme les Pays-Bas, expérimentent même le dressage de faucons pour chasser les drones.

Concernant les technologies de brouillage et de leurrage, la DGAC exprime très clairement des craintes quant à leur utilisation aux abords des aéroports, car elle peut perturber l’aviation civile, avec potentiellement de graves conséquences. Il convient donc de ne pas se limiter aux solutions de neutralisation en aval, qui comportent toutes des failles, et de bien mesurer l’importance d’une réglementation préventive en amont.

Au final, je salue cette proposition de loi, qui met en place une véritable stratégie de renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils reposant sur quatre piliers : l’information, la formation, l’enregistrement-immatriculation et le signalement.

À l’article 1er, qui définit le champ d’application de l’immatriculation des drones, la commission a ajouté un régime d’enregistrement en ligne, qui semble avoir été oublié par les auteurs de la proposition de loi, puisqu’il est bien mentionné dans l’exposé des motifs.

À l’article 2, qui vise à imposer une formation aux télépilotes, nous avons proposé une nouvelle définition du télépilote, qui prend en compte l’ensemble des cas de figure : drone piloté, drone automatique et drone autonome dont la trajectoire est programmée par l’intelligence humaine ou l’intelligence artificielle.

Nous avons également généralisé l’obligation de formation, qui pourra consister en un tutoriel sur internet, en lien avec la procédure d’enregistrement.

Enfin, nous avons prévu la possibilité d’exiger la détention d’un titre de télépilote pour certaines activités professionnelles opérées hors vue, par nature plus complexes.

À l’article 3, qui crée une obligation d’information de l’utilisateur par le biais d’une notice rappelant la réglementation et insérée dans l’emballage des drones ou de leurs pièces détachées, nous avons supprimé la référence aux seuls drones de loisir : les professionnels utilisent de façon croissante des drones grand public, comme les DJI Phantom 3 et 4, qui sont utilisés pour des prises de vues, tandis que des amateurs passionnés sont tentés par des drones très performants, dont le prix décroît rapidement.

Nous avons également supprimé le seuil de déclenchement fondé sur la masse du drone, qui n’apparaît pas pertinent.

À l’article 4, qui vise à rendre obligatoire un signalement électronique et lumineux des drones pour éviter tout risque de méprise entre drones coopératifs et drones hostiles, nous avons ajouté un dispositif de limitation de performances afin d’assurer la sécurité des vols habités, à la suite de plusieurs incidents récents au cours desquels des pilotes ont indiqué avoir croisé des drones au-dessus de 150 mètres d’altitude.

Nous avons également prévu un régime d’exemption pour certains usages, notamment expérimentaux, et conservé l’entrée en vigueur différée en 2018, pour permettre aux industriels de s’adapter.

Enfin, à l’article 5, qui met en place un dispositif de sanction, nous avons tenu, sur l’initiative de notre collègue Yves Pozzo di Borgo, à rappeler qu’un drone utilisé pour des atteintes à l’intimité de la vie privée peut être confisqué, car ces infractions sont de plus en plus nombreuses.

Il s’agit globalement d’un travail de réécriture du texte qui en conserve l’esprit, tout en veillant à entraver le moins possible le développement de cette filière prometteuse. Il ne reste qu’à espérer que ces mesures consensuelles puissent être rapidement adoptées par l’Assemblée nationale. La France aura tout à gagner à élaborer cette réglementation promptement, car elle pourra inspirer les réflexions en cours à l’échelon européen. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, on assiste en France et dans le monde à un essor des usages des drones civils professionnels et de loisir. Le développement de la filière a été très dynamique. À la fin de 2012, elle ne comptait que 50 opérateurs ; à la fin de 2015, ce sont plus de 2 300 opérateurs de drones qui sont déclarés en France. Ils exploitent plus de 4 200 drones et représentent environ 6 500 emplois.

L’usage des drones de loisir est également en plein essor, avec plusieurs centaines de milliers de drones vendus pour la seule année 2015 en France.

Le développement rapide de la filière française est le fruit d’une longue tradition aéronautique, d’un tissu de PME particulièrement dynamiques et d’utilisateurs visionnaires qui ont bénéficié d’une réglementation équilibrée et innovante.

Depuis 2012, de nombreuses utilisations professionnelles des drones civils se sont développées dans différents domaines, permettant l’émergence de multiples activités qui, pour certaines d’entre elles, étaient difficilement imaginables avant l’essor des drones. Les activités les plus connues sont les prises de vue pour les médias, le cinéma et la publicité. Mais les drones sont aussi utilisés pour de nombreuses autres activités professionnelles comme les inspections de bâtiments et d’infrastructures, la supervision des cultures, le suivi de chantiers, les missions de surveillance et de sécurité civile.

À titre d’exemple, le recours aux drones au service de la surveillance des incendies de forêt tend à se généraliser. Les drones sont ainsi venus renforcer le dispositif d’une cinquantaine de caméras de vidéosurveillance mises en place dans le massif des Landes depuis 2007. C’est un moyen à la fois efficace et économiquement compétitif au service de la sécurité de nos concitoyens et de l’environnement.

Le développement de cette filière s’accompagne toutefois de nouveaux enjeux liés à la sécurité et à la sûreté. Les préoccupations de sûreté sont notamment consécutives aux signalements de survols illicites de zones sensibles. Ces dernières semaines, les signalements de drones par des pilotes de ligne ont fait émerger des inquiétudes sur la sécurité du trafic aérien.

Indépendamment des questions de réglementation, l’État doit bien entendu se doter d’un certain nombre de moyens pour être en mesure de faire cesser des survols indésirables. Cela demande le développement de technologies adaptées ainsi que l’acquisition de nouveaux équipements. Des essais ont déjà eu lieu et des travaux de recherche financés par le Gouvernement sont en cours. Nous sommes également en contact très étroit avec nos voisins européens afin de partager ensemble les pistes prometteuses en matière de lutte contre les drones malveillants.

Parallèlement, il est également nécessaire, bien sûr, qu’un corpus de règles adaptées accompagne l’essor de cette nouvelle industrie. Ces règles doivent répondre à l’objectif délicat de concilier la sécurité, la sûreté, la protection de la vie privée et le soutien au développement d’une filière émergente, source de réelles opportunités de croissance économique et de création d’emplois.

L’ensemble du Gouvernement est très impliqué dans le maintien de cet équilibre, qui est la condition pour que le secteur français du drone civil reste, comme c’est le cas aujourd’hui, le plus dynamique d’Europe, qu’il s’agisse de construction ou d’exploitation.

Le Conseil pour les drones civils, installé en 2015, rassemble, avec les services de l’État, les acteurs de la filière. Il permet, sur la base d’objectifs partagés, de progresser dans la recherche des voies réglementaires, technologiques et économiques susceptibles de contribuer à cet équilibre.

Un cadre réglementaire national existe déjà. La France a ainsi été parmi les tout premiers pays au monde à se doter, dès 2012, d’une réglementation spécifique pour les usages professionnels des drones civils. La mise en place de ce cadre juridique novateur, qui a permis d’accompagner et de promouvoir l’émergence de ces activités, a été saluée par la profession et nos voisins européens. Ce choix ambitieux nous confère une véritable avance par rapport à d’autres grands pays industriels ; il est essentiel de la conserver.

Cette réglementation se voulait délibérément évolutive. Elle a ainsi été améliorée à la fin de 2015 en tenant compte du retour d’expérience des premières années, et est désormais mieux adaptée aux usages professionnels actuels.

La France participe également activement aux réflexions sur la mise en place de règles partagées relatives aux drones civils aux niveaux européen et international, dans le cadre des travaux de la Commission européenne et de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, ainsi que de l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’OACI.

En octobre dernier, le Gouvernement a remis au Parlement un rapport intitulé L’essor des drones aériens civils en France : enjeux et réponses possibles de l’État.

Ce rapport a mis en évidence la nécessité d’adopter des règles de nature législative et a formulé certaines propositions.

Ces propositions ont constitué la base de réflexion des deux auteurs de la proposition de loi dont vous débattez aujourd’hui. Je remercie donc MM. Xavier Pintat et Jacques Gautier d’avoir inscrit leur initiative dans le prolongement de cette réflexion partagée.

La proposition de loi pose les principes d’un nouvel encadrement de l’activité drone : l’immatriculation et l’enregistrement des appareils permettront d’en assurer une meilleure traçabilité, tandis que des dispositifs de signalement permettront d’améliorer la sécurité des tiers dans les espaces aériens.

Définir la fonction de télépilote permet de consolider la création d’un statut des télépilotes, en cohérence avec les travaux en cours au sein de la filière qui ont conduit à la récente signature d’un avenant à la convention collective nationale des personnels au sol du transport aérien pour l’élargir à ces nouveaux métiers. Nous évoquerons tout à l’heure ce sujet plus précisément en examinant l’amendement déposé à propos de la définition du télépilote.

Pour les obligations de formation des télépilotes professionnels, ce texte inclut de nouvelles dispositions concernant des obligations de formation pour tous, y compris la pratique des activités de loisir. Il ouvre également la voie à l’élaboration d’un titre de télépilote, notamment pour les activités professionnelles les plus complexes, comme celles qui sont opérées hors de vue du télépilote.

En outre, à l’article 4, la commission a suivi la proposition du rapporteur et introduit un support prévoyant, pour certains drones, une obligation d’emport d’un dispositif de limitation de performance. Ce dispositif vise notamment à assurer la sécurité des vols habités et est en cohérence avec les réflexions en cours au niveau européen, notamment au sein de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Cet ajout est donc tout à fait bienvenu.

En pratique, les modalités de limitation des performances seront diverses. Elles pourront comprendre la limitation de la hauteur de survol, la limitation de la distance entre le télépilote et le drone, mais également le recours à un logiciel rendant impossible le survol de zones interdites en fixant des limites au volume d’évolution du drone. Certaines de ces technologies sont encore en cours de recherche et de développement. Les termes de la disposition qui figure dans le présent texte assurent qu’elles pourront être prises en compte lorsqu’elles seront devenues opérationnelles.

La proposition de loi sécurise le régime juridique de sanctions pour les contrevenants. Ce point est indispensable. En effet, une juste prise en compte pénale est absolument essentielle à la cohérence du dispositif juridique. Elle est complémentaire des actions d’information et de pédagogie. Il importe en effet de promouvoir les règles d’usage des drones en toute sécurité et d’en informer le grand public : les notices, que ce texte rendra obligatoires, y contribuent, en complément des actuelles actions menées par le ministère chargé des transports.

Un bon équilibre est assuré entre les principes, qui relèvent de la loi, et leur mise en œuvre, qui procédera de l’adoption de dispositions réglementaires. Cette approche pragmatique est pleinement cohérente avec la préoccupation du Gouvernement de promouvoir des normes réactives, adaptées au juste besoin. C’est une garantie de souplesse future, particulièrement nécessaire compte tenu de l’évolution rapide des technologies.

S’agissant des seuils de masse, ceux-ci devront être choisis de sorte que la contrainte qui pèsera ainsi sur les industriels et les utilisateurs soit correctement proportionnée aux objectifs de sûreté et de sécurité recherchés. Le rapport remis au Parlement à l’automne dernier préconisait de retenir 25 kilogrammes pour le seuil d’immatriculation, et 1 kilogramme pour les autres. Le travail interministériel se poursuivra également à ce sujet dans le cadre du travail réglementaire à venir.

La proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui répond, de façon efficace et équilibrée, aux préoccupations de sécurité publique émergentes liées au développement des activités drone.

Je tiens à remercier M. Cyril Pellevat, rapporteur du texte, d’avoir apporté, en concertation avec les professionnels et les administrations concernés, des améliorations à un dispositif qui permettra à la France de continuer à conjuguer dans ce secteur la réussite industrielle et la modernisation juridique. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui porte sur un thème particulièrement d’actualité : l’innovation technologique et la révolution numérique.

En effet, le secteur des drones à destination des professionnels civils, mais aussi des particuliers, connaît une expansion fulgurante. La filière professionnelle compte environ 2 300 opérateurs déclarés pour 4 200 drones, et le nombre de drones de loisir est quant à lui estimé à environ 200 000 en France : leur usage croissant et de plus en plus diversifié appelle une réglementation adaptée et préventive afin de limiter les risques d’incidents. Les auteurs de cette proposition de loi, ainsi que M. le rapporteur, ont notamment rappelé les survols récents de sites sensibles ainsi que les collisions évitées de justesse aux abords des aéroports.

L’enjeu de la multiplication des possibilités technologiques pose nécessairement la question d’une démocratisation sereine de ces nouveaux potentiels. Tel est précisément l’objet de cette proposition de loi : comment accompagner le développement des drones ? Comment les maîtriser ? Comment ne pas être dépassé ?

En ce sens, nous souscrivons à la démarche qui a été celle de la commission : mettre en avant le besoin d’informer les usagers et privilégier une approche préventive pour tous les opérateurs sans distinction, les professionnels non militaires comme les particuliers.

En effet, devant l’évolution rapide de la réglementation, avec notamment deux nouveaux décrets en décembre 2015, les dispositions en vigueur sont souvent mal connues des usagers. Selon le rapport, « depuis 2014, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a recensé 86 survols de sites sensibles […], pour la plupart liés à une mauvaise connaissance de la réglementation ».

Il apparaît donc important d’accompagner les usagers. À cet égard, nous pensons qu’il s’agit là d’une réponse équilibrée, ce qui n’était pas le cas de la loi relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires mentionnée dans l’exposé des motifs, votée en mai dernier, et dont le groupe écologiste avait largement dénoncé la surenchère répressive.

S’agissant du présent texte, l’enregistrement en ligne ou l’immatriculation des appareils, l’obligation de formation et d’information pour les usagers, le signalement lumineux ou encore la mise en place d’un dispositif de limitation de performances des drones vont, selon nous, dans la bonne direction.

La proposition de loi renvoyant largement au règlement, il sera tout de même important que le Parlement reste vigilant et prenne toute sa part dans l’évolution de la législation.

Cependant, les dispositions qu’elle prévoit nous paraissent être des remparts efficaces pour tenter de limiter les accidents, l’utilisation de drones à des fins délictuelles ou encore la captation indue d’informations.

En effet, au-delà de l’atteinte à la sécurité des sites sensibles, directement visée à l’article 5 et qui nous préoccupe bien évidemment tous, l’amendement d’Yves Pozzo di Borgo nous rappelle qu’il y va aussi du respect de la vie privée d’autrui. En cela, nous saluons l’adoption de cet amendement par la commission. À cet égard, il nous semble nécessaire de rappeler l’interdiction de divulgation et d’exploitation des enregistrements d’images ou de scènes portant atteinte à la vie privée d’autrui dès lors qu’elles sont prises sans le consentement des personnes concernées.

Dans la mesure où l’usage des drones civils va nécessairement augmenter dans les prochaines années, dans la sphère privée, mais aussi dans la sphère professionnelle, le respect de la vie privée doit être un impératif inébranlable, et ce d’autant plus que les drones seront amenés, comme le rappelle l’exposé des motifs, à remplir des usages de plus en plus diversifiés : audiovisuel, surveillance, sécurité, livraison, etc.

Les enjeux liés à l’usage de drones sont donc multiples et relèvent à la fois de considérations technologiques, juridiques, sécuritaires et surtout éthiques. Comme vous le soulignez, monsieur le rapporteur, ce texte ne constitue qu’une partie de la réponse. L’automatisation poussée à l’extrême appelle nécessairement une réponse globale et multidimensionnelle.

Au-delà de l’adaptation du corpus juridique, il est important de renforcer les moyens capacitaires de détection au travers de la recherche scientifique et du développement. Il s’agit là de l’une des recommandations du rapport du Gouvernement d’octobre 2015 sur l’essor des drones aériens civils en France.

Plus encore, si ce renforcement réglementaire et capacitaire doit être réalisé au niveau national, il doit surtout être entrepris au niveau européen. Nous devons ainsi encourager à l’échelle européenne une harmonisation encore trop peu développée. Il est donc important d’accompagner un mouvement européen.

Le besoin de souplesse en matière de législation que vous mettez en avant, monsieur le rapporteur, doit également contribuer à une meilleure adaptabilité avec les futures normes européennes dans ce domaine.

Le groupe écologiste reconnaît donc l’utilité de cette proposition de loi, notamment dans sa dimension préventive et d’accompagnement des usagers. C’est pourquoi nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis 2010, l’usage des drones se démocratise et se diversifie. Ainsi, le secteur des drones professionnels civils connaît de multiples usages dans l’audiovisuel et les médias, l’inspection du bâtiment et les infrastructures, les mines, les carrières, les chantiers ou l’agriculture. Ces usages évoluent comme en témoignent les expériences de La Poste ou d’entreprises de commerce en ligne. Le festival Drôles de Drones, qui s’installera à la Cité des sciences et de l’industrie dans un mois, dévoilera sans aucun doute encore des nouveautés.

On le voit, le marché des drones est source d’innovation, de création d’emplois, de croissance économique. Les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises françaises sont bien placées.

Face à la multiplication du nombre d’utilisateurs et des incidents, on constate une volonté, au niveau tant européen que national, de mieux contrôler les usages des drones.

La Commission européenne travaille actuellement à l’intégration prochaine, dans les textes européens, de dispositions relatives aux engins en deçà de 150 kilogrammes. Le 29 septembre dernier, la commission des transports du Parlement européen a rendu un rapport sur l’utilisation sûre des systèmes d’aéronefs télépilotés plaidant pour un cadre réglementaire harmonisé au niveau européen.

De plus, le Parlement européen a adopté le 29 octobre 2015 une proposition de résolution afin que « l’Union européenne développe le plus rapidement possible un cadre législatif portant uniquement sur l’utilisation civile de systèmes d’aéronefs télépilotés, et que le cadre législatif européen permette, d’une part, au secteur de continuer à innover et de se développer dans les meilleures conditions possible, et, d’autre part, aux citoyens d’avoir l’assurance d’une protection efficace des biens et des personnes ainsi que de leurs données personnelles et de leur vie privée ». Cette phrase résume à elle seule tout l’enjeu du débat.

En 2012, la France a passé une réglementation concernant les usages professionnels de drones. Or, aujourd’hui, le secteur du drone de loisir connaît un essor très marqué. C’est en ce sens que, faisant suite au rapport d’octobre 2015 du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale sur le sujet, le Gouvernement a pris deux arrêtés en décembre dernier qui viennent renforcer la réglementation.

La proposition de loi que nous examinons traduit utilement ces principes dans la loi.

Tout d’abord, la mise en place, par l’article 1er, d’un régime d’enregistrement par voie électronique est positive. En ce qui concerne la dispense d’immatriculation pour les petits drones, tout dépend, bien sûr, du seuil qui sera retenu par le pouvoir réglementaire.

Le rapport précité recommande l’enregistrement pour les drones entre 1 kilogramme et 25 kilogrammes : en deçà, aucune formalité ; au-delà l’immatriculation. Comme cela a été rappelé dans le rapport de la commission du développement durable, les États-Unis ont mis en place une procédure d’enregistrement en ligne des drones d’une masse supérieure à 250 grammes à la fin de l’année 2015.

En France, il y aurait environ 200 000 drones de loisir dont 98 % de micro-drones, d’une masse inférieure à 2 kilogrammes. Si nous voulons que la réglementation soit d’application large et donc plus efficace, il est important que le seuil retenu par le pouvoir réglementaire soit assez bas, d’autant plus que l’enregistrement n’est pas une modalité trop contraignante.

L’article 2 crée un nouveau chapitre IV dans le code des transports relatif aux « Règles relatives à la circulation des aéronefs opérés sans personne à bord ».

Il précise la définition du télépilote dans les différents cas : drone piloté, drone automatique, drone autonome.

Il inscrit l’obligation de formation du télépilote pour l’utilisation des drones, dont le contenu comme les modalités de vérification de son assimilation seront définis par voie réglementaire, ainsi que les peines contraventionnelles sanctionnant d’éventuels manquements. Là encore, ce renvoi au pouvoir réglementaire sur le contenu et les dérogations mériterait que l’on nous apporte des indications, à tout le moins que le Parlement soit informé.

Les articles 3 et 4, concernant la notice d’information et appelant un dispositif de signalement électronique et lumineux, ainsi que le dispositif de limitation de performances, nous semblent aller tout à fait dans le bon sens.

L’article 5 vise à réprimer l’usage illicite ou malveillant des drones. En ce qui concerne les moyens de détection, d’identification et de neutralisation, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales et l’armée de l’air avaient procédé à des expérimentations qui avaient montré que des progrès restaient à réaliser en ce domaine. Peut-être pourrions-nous connaître aujourd’hui l’état d’avancement du programme de recherche et de protection des zones sensibles conduit par l’Agence nationale de la recherche ? Ces éléments d’informations nous seraient utiles.

Enfin, l’adoption en commission de l’amendement visant le cas des atteintes à la vie privée nous ramène aux questions d’éthique, sur lesquelles je voudrais conclure.

En effet, le débat politique sur l’acceptabilité des usages des nouvelles technologies survient presque toujours, pour chacune d’entre elles, dans un second temps. Or l’essor des drones civils professionnels et de loisir pose des questions éthiques en matière notamment de protection de la vie privée. La Ligue des droits de l’homme a récemment dénoncé la possibilité, à Paris, de surveiller à l’aide de drones des manifestations ou des rassemblements, ce qui constitue, selon elle, une atteinte à la vie privée et à la liberté de circuler.

Il nous faut donc travailler ces questions et trouver des équilibres entre innovation et protection des libertés individuelles.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons cette proposition de loi (Bravo ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Évelyne Didier. Je ne vois pas pourquoi vous semblez étonnés !

M. Bruno Sido. Pas plus que ça !

M. Robert del Picchia. Vous êtes toujours aussi brillante !

M. Alain Fouché. Et toujours aussi claire !

Mme Évelyne Didier. Pour toutes ces raisons, je le redis, nous soutiendrons cette proposition de loi, tout en restant attentifs aux questions liées à l’éthique et à la démocratie. (Applaudissements.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Discussion générale (suite)

6

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché est parvenue à l’élaboration d’un texte commun. (Bravo ! sur un certain nombre de travées.)

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Discussion générale (suite)

Usage des drones civils

Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Article 1er

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la qualité du rapport de M. Pellevat.

Nous examinons aujourd’hui un texte utile, chacun s’accordant sur l’utilité qu’il y a à combler le vide juridique qui règne avec ce texte consensuel visant à encadrer l’utilisation des drones civils.

Les drones sont des aéronefs, parfois utilisés manuellement, plus souvent télécommandés à distance, ou autonomes. Ils peuvent emporter des charges à distance. Auparavant essentiellement utilisés à des fins militaires, ils ont bénéficié de progrès technologiques importants : leur développement dans le domaine civil est en plein essor.

Les drones étant désormais de taille beaucoup plus réduite, leur coût a fortement diminué. Cette évolution a permis d’imaginer un nombre important d’applications, ce qui ouvre une croissance potentielle considérable dans des secteurs variés et innovants.

La capacité du drone à embarquer une charge utile, telle que caméras, capteurs ou instruments de mesure, le rend capable de réaliser des missions variées. La capture de données permet une multitude d’applications dans des domaines allant de l’agriculture aux ouvrages d’art, en passant par le bâtiment et les travaux publics, la police, l’industrie ou l’audiovisuel. Elle permet également de réaliser des missions de surveillance et des opérations de transport. Livraisons, cartographie, aide à l’agriculture ou à la lutte contre les incendies, l’usage des drones civils s’est ainsi fortement démocratisé dans de multiples secteurs industriels ou commerciaux.

Toutefois, ces nouvelles utilisations posent également de nombreux problèmes de sécurité, notamment au regard de leur introduction dans l’espace aérien. En effet, les usages n’étant plus uniquement professionnels, les particuliers peuvent également utiliser les drones, sous certaines conditions, pour des loisirs et de la prise de vue aérienne.

C’est le développement des drones de loisir de petite taille qui a bouleversé le marché, autrefois réservé à un public expert. Souvenons-nous que, en 2014 et en 2015, des drones non identifiés ont survolé dans notre pays plusieurs sites sensibles abritant des activités nucléaires, provoquant l’inquiétude des autorités.

En tant que leader en matière de drones civils, la France a été l’un des premiers pays à réglementer dès 2012 leur activité, essentiellement professionnelle. Néanmoins, le cadre juridique en la matière étant actuellement quasi inexistant, il est devenu impératif d’accompagner ce secteur économico-industriel en pleine croissance.

En ce qui concerne la sécurité, la réglementation s’est récemment durcie après des incidents causés par les aéronefs pilotés à distance. Le risque est encore plus élevé aux alentours des aéroports, lorsque les avions se trouvent dans la délicate phase de décollage ou d’atterrissage. Plus grave, la plupart des drones sont indétectables par les radars et peuvent provoquer des interférences sur les fréquences radio.

Le secteur aérien prend donc cette situation très au sérieux, d’autant que des drones de plus en plus grands et lourds sont désormais disponibles. Le risque est encore plus fort pour les avions de loisir, plus légers, qui volent plus bas. On comprend que la probabilité de croiser la route d’un drone inquiète.

Beaucoup d’incidents impliquent des drones, et tous ne sont pas répertoriés, raison de plus pour identifier une situation que cette proposition de loi tend à réglementer.

Selon un arrêté publié en décembre 2015, les drones ont, sauf dérogation, l’interdiction de survoler certaines zones, telles que les agglomérations, ainsi que les foules et, de manière générale, toute personne n’ayant pas été prévenue de la présence d’un drone. Certains sites sont également interdits de survol : les centrales nucléaires, les terrains militaires, les monuments historiques, les réserves naturelles, les parcs nationaux et, bien évidemment, les aéroports et aérodromes.

J’apporterai tout de même une précision : pour pouvoir voler en zone urbaine, il faut avoir suivi une formation spéciale et demander une autorisation à la préfecture.

En outre, un drone ne peut pas voler la nuit, même équipé de signaux lumineux, ni dépasser une altitude de 150 mètres.

Quant au pilote, il doit toujours être capable de suivre son appareil à l’œil nu, à moins d’être accompagné par une personne pour l’y aider. Enfin, la législation est très stricte en ce qui concerne les photos et vidéos que peuvent prendre les drones – une personne ne peut être filmée sans son autorisation explicite –, y compris pour certains bâtiments et monuments.

Cette proposition de loi tend à reprendre les conclusions du rapport du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

Les drones participent assurément de la révolution numérique. Leurs usages étant multiples, il convient donc de compléter notre cadre réglementaire par des dispositions législatives définissant la notion de télépilote, imposant une formation aux pilotes de loisir et obligeant les constructeurs à installer des dispositifs de signalement électronique et lumineux.

Par ailleurs, la commission a introduit à l’article 2 un régime d’enregistrement en ligne des drones. Elle a prévu la détention d’un titre de télépilote, exigible pour certaines activités exécutées hors vue.

À l’article 3, la commission a étendu l’obligation d’inclure une notice d’information sur l’usage des drones.

Enfin, à l’article 4, elle a introduit l’obligation d’emporter un dispositif de limitation de performances sur les drones dépassant une certaine masse circulant sans personne à bord.

Avec ce texte, nous comblons un vide juridique. C’est une première étape. Néanmoins, face à une technologie encore très évolutive, la législation devra s’adapter régulièrement. Les questions de sécurité, de préservation des libertés publiques et d’assurance pousseront notre pays à renforcer l’arsenal législatif.

La France, leader pour les drones civils, peut s’enorgueillir d’avoir construit un secteur industriel d’avenir, à évolution ultrarapide. De plus en plus de pays dans le monde utilisent ces nouveaux aéronefs. Dans ces conditions, il paraît décisif que notre pays, à travers une législation nationale mieux précisée, exporte aussi une législation utile pour tous les utilisateurs des drones à travers le monde. Aussi, le groupe socialiste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, messieurs les auteurs de la proposition de loi, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 2014 et 2015, une vingtaine de sites sensibles français, abritant des activités nucléaires ou militaires, ont été survolés illégalement par des drones.

Notons aussi que l’utilisation croissante de drones militaires, commerciaux et de loisirs pourrait également entraîner des collisions entre ces appareils sans pilote et des avions de ligne, avec des conséquences catastrophiques. Un avion de la compagnie British Airways a d'ailleurs été concerné à l’aéroport international de Genève voilà à peu près un mois.

De plus, en cette période où la menace terroriste est à son paroxysme, ces vols représentent un risque réel et croissant. L’État doit agir rapidement.

La population découvre l’important potentiel des applications, autrefois réservées à la seule armée, des aéronefs sans passager à bord, qui sont très performants, extrêmement légers et vendus à des prix abordables. J’ai pu moi-même en faire l’expérience récemment.

Les drones de loisir et civils étant à la fois relativement nouveaux et leurs usages en plein développement, la réglementation dans ce domaine comporte certaines zones d’ombre. C’est la raison pour laquelle le Parlement doit s’adapter en encadrant davantage cette filière et en réprimant l’usage malveillant et illicite des drones pour mieux contrôler leurs utilisateurs.

Il faut légiférer intelligemment. La France doit mieux réglementer l’usage de ces aéronefs circulant sans personne à bord, non seulement pour ne pas mettre en danger l’aviation civile, mais également pour profiter de l’accès du grand public à cette technologie en vue d’attirer des entrepreneurs et des investisseurs à s’implanter durablement en France.

Il existe déjà 1 200 sociétés, essentiellement des PME et des TPE, qui travaillent dans la fabrication de ce type d’aéronefs, dont l’entreprise française Parrot, qui est l’un des leaders mondiaux en ce domaine. À l’horizon 2020, le marché potentiel pourrait atteindre 180 millions d’euros annuellement pour la France.

En dehors de l’usage militaire et civil, les drones sont essentiellement portés par la filière de l’audiovisuel et de la photographie, premier secteur d’activité ayant entraîné la création d’environ 50 % de petites sociétés d’experts ou d’auto-entrepreneurs.

À l’avenir, des perspectives de croissance importantes se dessinent dans les domaines de la surveillance, de la sécurité et de l’agriculture.

Élu, comme vous, monsieur le rapporteur, d’un département de montagne, la Haute-Savoie, j’estime que l’État devrait davantage utiliser les drones dans les milieux naturels difficiles d’accès. Cette technologie est l’occasion pour l’homme de limiter les prises de risques et l’empreinte environnementale.

Les drones pourraient ainsi être employés à titre préventif, en déclenchant par exemple des avalanches et en détectant les départs d’incendies ou la présence de pollutions. Les pompiers auraient, eux aussi, la possibilité de s’en servir pour évaluer des sinistres, pour la recherche et le sauvetage de personnes en difficulté en montagne et pour procéder à des largages de vivres, de médicaments et d’équipements dans le cadre de secours d’urgence.

Devant cet avenir économiquement prometteur pour la France, les acteurs de la filière ont toutefois conscience qu’un grave accident risquerait de lui porter un coup d’arrêt et d’obérer son développement. Les professionnels du secteur paraissent aujourd’hui majoritairement favorables à la mise en place d’une réglementation équilibrée, afin d’accompagner l’essor du marché.

Le texte qui nous est présenté n’est pas rigide et peut, comme la technologie, évoluer facilement, en concertation avec les professionnels. Il renvoie à des décrets pour la fixation de seuils qui ne seront pas nécessairement identiques et pourront évoluer année après année.

C’est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d’État, les membres du groupe de l’UDI-UC sont favorables à cette proposition de loi qui vise à la fois à prévenir les risques, et à identifier rapidement les drones coopératifs non menaçants, pour que la filière puisse poursuivre son développement sereinement. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 31 octobre 2014, six centrales nucléaires françaises étaient simultanément survolées illégalement par des drones. Quelques mois auparavant, un lycéen avait publié sur les réseaux sociaux des prises de vue aériennes de la ville de Nancy. Au cours de l’année 2015, un drone a survolé la Maison-Blanche tandis qu’un autre a transporté du sable radioactif sur le toit de la résidence officielle du Premier ministre japonais. Ce sont là quelques exemples d’une longue liste d’actes relevant le plus souvent de la provocation, voire de la démonstration, mais qui posent tout de même avec de plus en plus d’acuité la question des conditions d’utilisation des drones civils.

En effet, les survols illicites d’aéronefs sont de plus en plus courants. On peut aussi constater une diversification des cibles qui démontre un danger protéiforme.

Dans le contexte actuel où le risque d’attentat est particulièrement élevé, on ne peut que songer au dangereux potentiel des drones. Certes, les micro-drones et les mini-drones ne peuvent pas emporter de charges très lourdes, mais les équiper de matière radiologique, bactériologique et chimique n’est pas inconcevable aujourd’hui.

J’ajouterai à cela le recueil d’informations sensibles ou le survol des aéroports qui constituent aussi des actes malveillants particulièrement préoccupants. D’ailleurs, le groupe Air France n’a pas caché son inquiétude à ce sujet.

Si l’aéronef sans pilote ne date pas d’hier, puisque les premiers prototypes ont été réalisés au début du siècle dernier, la croissance fulgurante du marché des drones civils au cours de ces dernières années et leur perpétuelle évolution technique nous invitent à compléter une législation qui n’est pas inexistante mais se révèle assurément insuffisante.

L’objet de la proposition de loi de nos excellents collègues du groupe Les Républicains est de répondre en grande partie aux recommandations du rapport du Gouvernement remis au Parlement en octobre dernier. Aussi les dispositifs proposés vont-ils dans le bon sens.

Oui, l’immatriculation ou l’enregistrement en ligne me paraissent des obligations incontournables pour garantir une traçabilité des utilisateurs. En outre, je souscris au principe de la formation des télépilotes et à l’insertion d’une notice rappelant les règles à respecter. Ces mesures devraient conduire à une meilleure responsabilisation des propriétaires de drones. Je le rappelle à mon tour, l’ignorance de la réglementation suscite la majeure partie des survols illégaux, d’où l’importance de ce volet.

Ces dispositions sont d’autant plus nécessaires que la présente proposition de loi renforce le régime des sanctions. Désormais mieux avertis et théoriquement formés, les utilisateurs auront plus de mal à plaider la bonne foi, même si, nous le savons, il ne suffit pas de mettre un sens interdit à l’entrée d’une voie pour empêcher les contrevenants de l’emprunter. (Sourires.)

Enfin, il est prévu d’équiper les drones d’un signalement électronique et lumineux. Cette mesure est, elle aussi, tout à fait bienvenue. Toutefois, elle renvoie à une difficulté majeure relative à l’essor des drones : comment intercepter et neutraliser un drone hostile, même quand ce dernier est visible ?

M. le rapporteur l’a excellemment indiqué : la réglementation que propose le présent texte est avant tout préventive. Aussi le Gouvernement devra-t-il nous éclairer quant à l’état d’avancement des moyens de neutralisation de ces appareils.

Certes, la posture permanente de sûreté aérienne permet de déclencher des mesures actives en cas de survol irrégulier. Mais, nous le savons bien, ce dispositif est surtout adapté aux drones de grande taille. Il ne permet pas nécessairement de faire face aux mini-drones volant à faible altitude.

Madame la secrétaire d’État, où en sont les projets menés avec les industriels pour améliorer notre réponse capacitaire ? Les expérimentations seront-elles, comme prévu, possibles à la fin de l’année 2016 ?

Quoi qu’il en soit, en attendant les réponses technologiques au problème de l’interception des drones, il est à présent urgent de compléter notre législation. Les deux arrêtés du 17 décembre 2015 ont permis de rénover le cadre fixé en 2012. Mais ils ne suffisent pas à bien encadrer l’usage civil des drones.

Cette proposition de loi a le double mérite de combler des lacunes réglementaires sans pour autant brider le développement d’une pratique qui, les précédents orateurs l’ont rappelé, représente un enjeu économique.

Mes chers collègues, vous le savez, la France est, avec la Chine, leader sur le marché des drones. Il faut donc conserver un cadre intelligent et relativement souple, permettant de concilier à la fois la sécurité des zones sensibles de notre territoire et les intérêts d’une filière en croissance.

À cet égard, le présent texte garantit un très bon équilibre. Voilà pourquoi, sans surprise, les membres du RDSE le voteront, et ce à l’unanimité ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis des années, le cinéma et la télévision nous ont fait découvrir les capacités ISR, « information, surveillance, renseignement », que présentent les drones militaires. Ces équipements sont devenus indispensables sur les théâtres d’opérations. Ils offrent aux décideurs et aux commandements une vision instantanée, précise et surtout permanente d’une zone d’intervention ou d’un objectif.

Parallèlement, les professionnels civils, pour le film, la photographie, des missions d’épandage ou de surveillance de réseaux, ont de plus en plus recours à des drones civils de taille plus réduite. Ces derniers sont soumis à une procédure complexe d’immatriculation par la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, ce qui est tout à fait naturel.

Le chiffre a été rappelé, près de 2 300 opérateurs sont déclarés en France. Ils utilisent des drones dans le cadre d’une réglementation pionnière, mise en place en 2012 et modifiée en 2015. Toutefois, cette réglementation est devenue insuffisante face à l’explosion du marché des drones de loisir.

Il faut souligner que le marché mondial est dominé par deux entreprises, l’une chinoise, la firme DJI, l’autre française, la société Parrot. De plus, en France, une quarantaine de PME fabriquent des drones. Je rappelle à mon tour que près de 200 000 drones de loisir ont été vendus dans notre pays.

Cet essor exceptionnel s’est accompagné, malheureusement, d’utilisations inadaptées ou dangereuses de ces drones de loisir. Plusieurs de ces engins ont perturbé des phases d’atterrissage ou de décollage d’avions de ligne. D’autres ont failli entrer en collision avec des avions de tourisme. D’autres enfin, de jour comme de nuit, ont survolé des zones sensibles ou interdites.

Il fallait donc réagir pour limiter les risques liés à une utilisation mal contrôlée des drones de loisir, et cela, bien sûr, sans pénaliser cette filière d’excellence française. Destinée à totaliser des milliers d’emplois, elle représente d’importantes perspectives de développement et, disons-le, l’accès à un loisir qui concerne aussi bien les petits que les grands, les jeunes que les moins jeunes.

L’objet de la proposition de loi déposée par notre collègue et ami Xavier Pintat, que j’ai eu le plaisir d’accompagner dans son travail et dont je salue l’engagement sur ce dossier, est simple : premièrement, mieux informer et former les télépilotes de loisir, puisque tel est désormais le terme consacré ; deuxièmement, mieux les connaître, grâce à une déclaration simplifiée ; troisièmement, rendre les drones de loisir repérables à partir de 2018 grâce à un signal électronique – une puce – et à un signal lumineux, ce à des coûts très limités.

Ce texte, sur lequel nous avons travaillé en lien étroit avec le SGDSN, les fabricants et l’aviation civile, a un but : permettre à des dizaines de milliers de télépilotes amateurs de profiter pleinement des capacités de leurs drones, sans risque pour leur environnement et dans le respect des textes législatifs et réglementaires.

Ce cadre législatif, que nous avons voulu le plus simple possible, renvoie à des dispositions réglementaires pour fixer les seuils visés et à des décrets en Conseil d’État pour définir l’information, la formation et les sanctions. Ainsi, il ne sera pas nécessaire de revenir devant le Parlement au fur et à mesure de l’évolution particulièrement rapide des technologies et des capacités des drones.

La présente proposition de loi a surtout l’avantage de permettre aux pouvoirs publics de séparer l’immense majorité des utilisateurs, qui sont de bonne foi, et les quelques utilisateurs que l’on a appelés « malveillants ».

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Tout à fait !

M. Jacques Gautier. Ne nous leurrons pas : ces derniers utilisateurs vont tenter de contourner le texte et la réglementation. Mais ils s’exposeront à des sanctions pénales, à la confiscation de l’appareil et, le cas échéant, à sa neutralisation par les services de l’État. Ces derniers disposent déjà de diverses techniques pour intervenir dans ce sens.

Je tiens à noter le travail important accompli par M. le rapporteur, Cyril Pellevat, qui a utilement réécrit certaines parties de cette proposition de loi grâce à des amendements de qualité. Je pense au dispositif de limitation de performances qu’il faudra appliquer aux drones au-delà d’un certain poids. Je pense également à la généralisation de l’obligation d’information pour tous les drones. Ces mesures vont dans le bon sens.

En outre, je note que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté ce texte à l’unanimité : merci, chers collègues, merci, monsieur le président de la commission !

Enfin, je souligne que les pouvoirs publics doivent mettre à profit la période qui nous sépare du 1er janvier 2018 pour avancer, en la matière, vers une réglementation européenne.

Bien sûr, le groupe Les Républicains, qui nous a soutenus dans sa présentation, votera cette proposition de loi ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes à l’aube de l’ère des drones. Depuis deux ou trois ans, tout s’accélère. Les performances de ces appareils ne cessent de s’améliorer et leur prix de se démocratiser.

Beaucoup de jeunes enfants et de moins jeunes rêvent de posséder un drone ou ont déjà franchi le pas. Les drones connaissent un essor extraordinaire, et, je le répète, ils n’en sont qu’à leur début.

Si les drones de loisir représentent la majorité du marché, les drones civils à usage professionnel ne sont pas en reste. Le secteur audiovisuel est probablement celui qui intègre le mieux les drones aujourd’hui. Ces appareils permettent des prises de vue spectaculaires et jusqu’alors impossibles. Ils sont en mesure de voler dans des endroits où un hélicoptère ne pourrait pas passer ou ne serait pas autorisé à voler. Il est par exemple possible de réaliser un plan continu d’un sujet en extérieur, jusqu’à son entrée dans un bâtiment où le drone peut le suivre sans difficulté. Cette technique a été utilisée dans un reportage réalisé au Sénat.

Le champ de possibilités ouvert est immense. La télévision a d’ailleurs compris l’intérêt des drones, notamment pour la captation de compétitions sportives.

Le drone a également trouvé sa place dans l’agriculture. Pour la surveillance des parcelles, il se révèle beaucoup plus précis que le satellite, plus souple et moins onéreux qu’un vol d’avion ou d’hélicoptère. Équipé d’une caméra multispectrale, un drone est en mesure de déterminer l’état de santé des cultures. Il permet ainsi de doser précisément la quantité d’eau, de nutriments ou de pesticides dont une plante a besoin. Les agriculteurs réalisent des économies tout en préservant l’environnement.

Pour la culture du maïs, par exemple, des drones sont équipés pour lâcher des capsules contenant près de 2 000 œufs de trichogramme, petite guêpe et prédateur naturel de la pyrale du maïs, un parasite qui s’attaque aux récoltes. En un vol d’une dizaine de minutes, un drone peut larguer 1 250 capsules, ce qui lui permet de couvrir cinq hectares.

En outre, les drones font leur entrée dans le monde du spectacle. Ainsi, après deux années de développement et la mobilisation d’une cinquantaine de personnes, le Puy du Fou, en Vendée, s’est doté d’une flotte de drones autonomes. Ces derniers sont capables d’effectuer une chorégraphie aérienne en se synchronisant sur une musique grâce à une intelligence artificielle. En l’espèce, leur usage fait l’objet d’autorisations spéciales de la préfecture et de la Direction générale de l’aviation civile.

Un grand quotidien régional l’indique aujourd’hui même : dans le secteur de l’humanitaire, le Rwanda, pays d’une superficie comparable à celle de la Bretagne, est en train de se doter d’un programme de drones pour livrer vaccins et poches de sang sur tout son territoire, ce vingt fois plus rapidement que par la route.

Avant le Rwanda, Médecins sans frontières a commencé dès 2014 à utiliser des drones en Papouasie-Nouvelle Guinée pour lutter contre la tuberculose.

L’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, s’intéresse de près aux drones elle aussi. Elle en teste actuellement au Bhoutan pour pallier le manque de médecins sur place.

Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, les drones connaissent de nombreuses applications. Ils permettent l’inspection de zones dangereuses ou complexes d’accès : pylônes électriques, soudure en hauteur, toitures, etc. En assurant une cartographie en trois dimensions, ils permettent de visualiser les moindres détails d’un bâtiment depuis un ordinateur ou encore de surveiller l’avancée de travaux.

Les drones servent à traquer les déperditions énergétiques des bâtiments avec des caméras infrarouges.

Ils apparaissent chez les agents immobiliers pour favoriser la promotion de leurs biens.

Récemment, des vulcanologues ont utilisé des drones pour aller sans risque au plus près d’une éruption.

On découvre de nouveaux usages des drones presque tous les jours.

Certaines sociétés s’intéressent de près aux drones pour le transport de colis. Des drones pourraient également servir pour acheminer au plus vite des appareils médicaux, par exemple des défibrillateurs cardiaques.

Comme l’automobile depuis ses débuts, les drones exigent d’adapter les règles au fil du temps et de l’évolution des technologies.

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Didier Mandelli. Le présent texte prévoit d’ailleurs de nombreux renvois à des décrets, afin de tirer parti de la souplesse réglementaire.

La présente proposition de loi prévoit un dispositif souple et équilibré, qui repose tout d’abord sur l’immatriculation, via l’enregistrement des appareils au-delà de certains seuils prévus à l’article 1er. Ainsi, on pourra retrouver plus facilement les auteurs de survols interdits.

Ensuite, ce texte impose l’information et la formation des télépilotes, prévues aux articles 2 et 3, lesquelles permettront d’éviter les survols liés à une méconnaissance des réglementations en vigueur.

Enfin, ce texte procède à l’encadrement technique des drones – limitation des performances, installation de dispositif de signalement et de dispositif lumineux, prévus à l’article 4 –, ce qui évitera les collisions d’avion avec des drones à des altitudes auxquelles ces derniers ne devraient pas se trouver.

En cas d’usage inadapté, ces mesures sont assorties de sanctions pouvant conduire à la confiscation du drone, en vertu de l’article 5.

Ce texte devrait donc permettre de résoudre une bonne partie des problèmes que les drones ont pu poser ces dernières années. On pense notamment aux survols d’agglomérations, de centrales nucléaires ou de bases militaires à caractère confidentiel ou protégées.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Didier Mandelli. Le présent texte devrait également limiter les risques de collision avec des avions, contre lesquels les syndicats de pilotes lancent l’alerte depuis plusieurs mois maintenant.

Je remercie Cyril Pellevat de son travail de rapporteur et MM. Xavier Pintat et Jacques Gautier du dépôt de cette proposition de loi. Celle-ci n’a pas vocation à interdire ou à brider sans raison l’évolution technologique, mais bien à l’accompagner tout en garantissant la sécurité de tous ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi en préambule d’exprimer quelques considérations.

Premièrement, l’évolution du cadre juridique relatif aux drones aériens paraît indispensable. Avec l’évolution technologique et commerciale des drones, la législation en vigueur, on le sait, est devenue totalement inadaptée. Les drones se sont miniaturisés, leur accessibilité financière s’est accrue et leur usage de loisir s’est développé.

Deuxièmement, il est nécessaire de faire face à la menace que constitue l’usage malveillant des drones.

En cela, la proposition de loi de nos collègues Jacques Gautier et Xavier Pintat offre un cadre équilibré. Elle ouvre la voie à une réglementation plus contraignante pour les utilisateurs et les fabricants de drones, sans toutefois brider leur développement. Parallèlement, elle ménage la pratique et l’usage de loisir.

Ce cadre législatif et réglementaire doit être souple, pour ne pas freiner le développement d’un secteur économique où la France compte plusieurs entreprises leaders. Il doit également être réactif pour tenir compte des évolutions rapides de ces technologies nouvelles comme des transformations des usages professionnels et de loisir.

Voilà pourquoi il me semble pertinent de renforcer la sécurité de l’usage des drones par l’information, la formation des télépilotes, l’enregistrement des appareils et leur identification par un signalement électronique et lumineux permettant de distinguer les drones coopératifs des drones hostiles.

De même, je salue le dispositif de limitation des performances à l’horizon 2018, introduit par M. le rapporteur et destiné à assurer la sécurité des vols.

En tant que rapporteur du budget de l’aviation civile, je suis sensible à ces propositions.

Néanmoins, les pouvoirs publics doivent également disposer de moyens efficaces de détection, d’identification et de neutralisation des drones de petites dimensions. Détournés de leur usage, les drones peuvent devenir une arme par destination. Ils peuvent être employés comme des armes par impact direct. Ils peuvent également transporter des charges explosives, radiologiques, bactériologiques ou chimiques. Sans doute faudra-t-il demain tenir compte de ces évolutions.

Dans le domaine du transport aérien, l’usage malveillant des drones présente un risque réel. De nombreux responsables de l’aviation civile nous ont alertés sur ce point.

Plusieurs incidents ont mis au jour des lacunes dans la police du ciel. En matière de détection, les micro-drones et les mini-drones ont souvent été mal détectés par des systèmes actuellement en service, voire n’ont pas été détectés du tout, en raison de leur petite taille, de leur faible vitesse et de leur signature radar réduite.

On le sait, la détection visuelle de ces drones est difficile, tout particulièrement la nuit, où ils présentent un risque de confusion avec d’autres aéronefs.

En matière de neutralisation, les armes à disposition de la défense aérienne sont elles aussi inadaptées aux drones de faible dimension.

Ce constat soulève la question de l’adaptation des moyens de détection, d’identification et de neutralisation des drones. Des expérimentations sont en cours pour développer des outils technologiques permettant de détecter, d’identifier, de localiser et de neutraliser les drones malveillants.

Le SGDSN a engagé, avec l’Agence nationale de recherche, l’ANR, un programme de recherche de systèmes performants pour la protection des sites sensibles. Mais ces dispositifs ne seront pas opérationnels avant plusieurs années.

Cette piste technologique, complémentaire du renforcement de l’arsenal juridique qu’assure cette proposition de loi, nous paraît essentielle pour demain. Avec elle, nous disposerons de systèmes intégrés capables à la fois de détecter, d’identifier et, le cas échéant, de neutraliser des drones malveillants.

Les membres du groupe UDI-UC soutiennent donc cette proposition de loi tout en appelant à poursuivre l’effort de recherche afin que nous nous adaptions aux évolutions technologiques et que nous puissions ainsi faire face aux dangers que représentent les drones malveillants. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis des crédits concernant les transports aériens, je dressais ce constat à l’occasion du débat budgétaire de l’automne dernier : les perspectives d’évolution du marché des drones sont conditionnées par la capacité de la réglementation à s’adapter à l’évolution rapide du secteur, dans le cadre de normes internationales émergentes, à la difficile adéquation de l’insertion dans le trafic aérien traditionnel et à la nécessité d’apporter une réponse équilibrée aux survols illicites.

Cette proposition de loi pertinente et équilibrée répond à cette nécessité d’accroître les moyens réglementaires et législatifs dont disposent les pouvoirs publics pour contrôler l’usage des drones et assurer un niveau de sécurité suffisant dans le contexte grave que nous connaissons. Parallèlement, elle s’attache à ne pas freiner le développement économique d’un secteur en pleine expansion, au sein duquel la France est très compétitive.

Figurant parmi les premiers pays à mettre en place une réglementation relative aux drones civils, la France a contribué au développement de ce marché. Elle a créé un écosystème dynamique essentiellement composé de TPE et de PME. Ces entreprises ont permis à notre pays de prendre une réelle avance à l’échelle mondiale. Elles s’intègrent dans un paysage français de la construction aéronautique riche d’une histoire et d’une culture de l’ingénierie fortes qui a vu l’installation de leaders dans tous les domaines.

En avril 2012, lors de la publication de la réglementation spécifique aux drones, cinquante opérateurs étaient recensés. Trois ans plus tard, plus de 1 800 opérateurs étaient déclarés. On estime qu’environ 5 000 emplois au total ont été créés et la perspective de 20 000 emplois à l’horizon 2020 est envisagée. Le secteur du drone de loisir connaît, notamment, un véritable essor. On estimait à 100 000 le nombre d’appareils vendus en 2014. Depuis, le marché a continué de croître très rapidement.

La réglementation devait viser à assurer la sécurité des personnes et des biens au sol, ainsi que celle des autres aéronefs dans l’espace aérien. Son objectif était également de définir un environnement réglementaire favorisant le développement de l’activité tout en garantissant un accès équitable, pour l’ensemble des usagers, aux ressources communes que constituent les aérodromes et les espaces aériens.

En conséquence, l’approche adoptée devait éviter d’être trop prescriptive pour ne pas anticiper les développements technologiques à venir. Elle devait également être proportionnée, fondée sur une approche par les risques avec des règles simples et légères lorsque les caractéristiques du drone limitent, par construction, les risques pour les tiers, et avec des règles plus contraignantes pour des machines plus lourdes ou des missions plus complexes.

La présente proposition de loi reprend les préconisations législatives énoncées en octobre 2015 par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, dans son rapport intitulé L’Essor des drones aériens civils en France : enjeux et réponses possibles de l’État. Ce faisant, elle poursuit intelligemment la démarche entreprise en la mettant à jour. Nous saluons sa qualité et la soutiendrons par notre vote favorable. (Applaudissements.)

M. Daniel Reiner. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en février 2015, après la multiplication des survols de sites dits « sensibles » et étant soucieux de la protection de ceux-ci contre ces actes de malveillance, j’ai interrogé M. le ministre de l’intérieur quant à l’usage des drones et son encadrement. En réponse, M. Cazeneuve a évoqué les travaux confiés au SGDSN et menés dans trois directions : d’abord, l’évaluation des risques et des menaces ; ensuite, la réponse capacitaire à apporter ; enfin, le champ juridique.

Depuis, avec l’explosion des activités de loisir et l’expansion d’une filière professionnelle en cours de consolidation, le secteur du drone a continué de se développer rapidement. Le succès du drone à des fins de loisir ne fait plus aucun doute. Le marché du drone professionnel est également en plein essor.

Les potentialités économiques sont donc très fortes et souvent fort intéressantes, quand on sait que le marché du drone professionnel est appelé à s’orienter vers des domaines plus techniques, notamment pour les pratiques agricoles ou encore au titre de la transition énergétique.

Les drones civils constituent un nouvel outil dans un nombre croissant de secteurs, par exemple pour optimiser notre agriculture en établissant des cartes de sol ou des masses foliaires, ou pour calculer au plus juste les intrants. Ce sont là des applications nouvelles qu’il nous faut encourager.

À l’horizon 2020, cette nouvelle filière pourrait représenter environ 20 000 emplois, si l’on en croit la fédération professionnelle du drone civil.

Dès lors, cette activité nouvelle appelle nécessairement un encadrement réglementaire. Dans le même temps, il faut conforter la place de leader européen qu’occupe la France dans ce secteur.

Pour accompagner le développement du drone dans notre pays, plusieurs modifications ont été apportées aux arrêtés dits « aéronefs » et « espace » d’avril 2012. Il était nécessaire de clarifier les textes jusqu’alors en vigueur et d’alléger les procédures administratives. Les définitions des activités ont été précisées et un travail de restructuration des textes réglementaires a été accompli.

Ainsi, deux arrêtés en date du 17 décembre 2015 ont précisé la réglementation en vigueur depuis 2012 concernant l’utilisation des drones civils, de loisir ou professionnels. Ces deux textes font désormais la distinction entre, d’une part, les aéromodèles, c’est-à-dire les drones destinés à un usage de loisir ou de compétition, et, d’autre part, les équipements professionnels.

Les aéromodèles sont divisés en deux catégories : A si leur masse est inférieure à vingt-cinq kilogrammes, B au-delà.

De son côté, la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, a défini les règles d’utilisation des aéromodèles de catégorie A : interdiction de voler au-dessus des zones peuplées ; interdiction de voler à plus de 150 mètres d’altitude ; interdiction de voler à proximité des aérodromes ou de survoler les no-fly zones, telles que les bases militaires, les centrales nucléaires ou les maisons d’arrêt ; obligation de voler à vue ; interdiction de voler la nuit. Quant à la prise de photos ou de vidéos, elle est autorisée dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’une exploitation commerciale.

Le non-respect de ces dispositions est sanctionné d’une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Manifestement, ce nouvel arsenal réglementaire est insuffisant. Chacun de nous peut constater une augmentation constante des infractions. Sur ce plan, les témoignages sont nombreux. On peut ainsi citer un risque de collision survenu, en février dernier, entre un Airbus en phase d’approche et un aérodrone volant à haute altitude.

Les précédents intervenants l’ont rappelé, les signalements se multiplient. Certes, plus de 90 % des incidents constatés sont non volontaires et liés à une méconnaissance des règles d’usage.

En conséquence, les articles 2 et 3 du présent texte posent un double principe : d’une part, l’information des utilisateurs quant aux règles de bonne conduite, de l’autre la formation des télépilotes de drones dépassant un certain seuil de masse. De telles dispositions me semblent de nature à réduire ce phénomène.

De même, l’enregistrement et le signalement lumineux des drones les plus gros permettront de faciliter le repérage et l’identification des appareils malveillants.

Saluons également le fait que cette proposition de loi renvoie à des textes réglementaires le soin de fixer les seuils à partir desquels cette réglementation s’appliquera. Voilà bien une approche pragmatique, traduisant la volonté des pouvoirs publics de travailler en bonne intelligence avec les représentants de la filière.

Pour autant, ce cadre législatif et réglementaire national en pleine construction devra très vite prendre en compte les initiatives européennes ou internationales naissantes dans ce domaine.

L’Union européenne voudrait voir sa compétence étendue à tous les drones, et non plus limitée aux engins de plus de 150 kilogrammes, comme c’est le cas actuellement.

L’Agence européenne de la sécurité aérienne réfléchit en outre à l’élaboration d’une réglementation fondée sur le niveau de risque auquel expose une opération.

Dès lors, une première catégorie de risque faible serait assortie d’importantes contraintes opérationnelles, comme des interdictions de survol de certaines zones et le recours à des technologies d’identification, tel le géorepérage, lesquelles sont déjà en vigueur aux États-Unis.

Le niveau de risque le plus élevé reprendrait les principes réglementaires de l’aviation habitée, en particulier avec un système de certification européenne.

Enfin, pour la catégorie de risque moyen, l’attribution d’autorisations spécifiques aux opérateurs sur la base d’une analyse du risque serait nécessaire.

Il est sans doute inévitable de poser la question de l’intégration des drones dans l’espace aérien. Plusieurs pays européens y travaillent, dont la France, avec notamment pour objectif d’éviter toute situation entraînant un risque de collision. (Applaudissements.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Article 2

Article 1er

L'article L. 6111-1 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa, en raison de leurs caractéristiques particulières, certains aéronefs sont exemptés de l’obligation d’immatriculation ou sont soumis à un régime d’enregistrement par voie électronique. La liste de ces aéronefs et les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret en Conseil d'État. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

Le titre Ier du livre II de la sixième partie du code des transports est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Règles relatives à la circulation des aéronefs opérés sans personne à bord

« Art. L. 6214-1. – Le télépilote est la personne qui contrôle les évolutions d'un aéronef circulant sans personne à bord ou, dans le cas d'un vol autonome, la personne qui détermine directement ou indirectement la trajectoire ou les points de passage de cet aéronef.

« Art. L. 6214-2. – Le télépilote doit avoir suivi une formation visant à permettre le contrôle de l’évolution des aéronefs circulant sans personne à bord, en sécurité et dans le respect des règles et conditions d’emploi relatives à la navigation aérienne. Cette obligation ne s'applique pas à l’utilisation de loisir d’aéronefs circulant sans personne à bord, lorsque leur masse est inférieure à un seuil fixé par voie réglementaire.

« Les objectifs et les modalités de la formation, ainsi que les modalités de vérification de son assimilation, sont précisés par voie réglementaire.

« Art. L. 6214-3. – Pour certaines opérations professionnelles effectuées hors vue du télépilote, le télépilote doit être détenteur d’un titre dont les modalités de délivrance, de retrait et de suspension sont fixées par décret en Conseil d’État. »

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Filleul, Mme Bonnefoy, MM. Guillaume, Bérit-Débat, Camani et Cornano, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle, Miquel et Roux, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 6214-1. – Le télépilote est la personne qui contrôle manuellement les évolutions d’un aéronef circulant sans personne à bord ou, dans le cas d’un vol automatique, la personne qui est en mesure à tout moment d’intervenir sur sa trajectoire ou, dans le cas d’un vol autonome, la personne qui détermine directement la trajectoire ou les points de passage de cet aéronef.

La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Sur l’initiative de M. le rapporteur, la commission a complété la définition du télépilote figurant dans la proposition de loi initiale. Il s’agissait de prendre en compte les différents types d’évolution du drone, notamment en mentionnant le vol autonome.

Cet amendement vise à accroître encore la précision des termes, en distinguant clairement les trois cas de figure définis par les textes réglementaires applicables aux drones civils : le vol manuel, le vol automatique et le vol autonome.

En outre, pour ce qui concerne le vol autonome, cet amendement tend, en supprimant le mot « indirectement », à ne pas inclure dans le champ de la définition du télépilote les personnels techniciens ou les ingénieurs qui conçoivent les automatismes et les logiciels de navigation.

Seule la personne qui détermine directement la trajectoire effectuée par le drone en vol autonome aura ainsi la qualité de télépilote.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement du territoire. Monsieur Filleul, je comprends les craintes que peut susciter la référence à une détermination indirecte de la trajectoire d’un vol autonome, au regard du régime de responsabilités.

Pour autant, quels moyens proposez-vous pour prendre en compte la trajectoire déterminée par une intelligence artificielle ?

Il faut bien faire la distinction entre, d’une part, un vol programmé par une personne physique, qui va définir certains paramètres, puis laisser l’algorithme s’exécuter, et, de l’autre, un vol programmé par une intelligence artificielle, qui va elle-même définir les paramètres et laisser ensuite l’algorithme s’exécuter.

Nous sommes à l’heure d’une révolution technologique. Des programmes intelligents écrivent eux-mêmes d’autres programmes et prennent des décisions. Qui est responsable dans ce cas ? L’intelligence artificielle ?

De plus en plus de robots intelligents vont équiper nos foyers. Ils pourront eux-mêmes, de leur propre initiative, faire décoller un drone, pour inspecter le toit d’une maison, par exemple, sans qu’aucun être humain ne le leur demande.

Que va-t-il se passer alors en matière de responsabilité ? L’expression « détermination indirecte de la trajectoire » permet de rechercher la responsabilité de la personne qui utilise l’intelligence artificielle et a pris l’initiative de faire voler un drone.

Je suis ouvert à toute discussion sur ce sujet, mais il me semble que nous ne pourrons éviter de réfléchir à la responsabilité de l’intelligence artificielle de nos jours, au risque de prendre à nouveau un train de retard législatif sur les révolutions en cours.

La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui achève le travail entrepris par la commission, laquelle avait complété la définition du télépilote afin de mieux prendre en compte les différents types d’évolution du drone, en mentionnant, notamment, le vol autonome.

En adoptant cet amendement, les trois cas de figure à envisager seront bien mentionnés : le vol manuel, dans lequel le télépilote contrôle en permanence l’évolution du drone ; le vol automatique, dans lequel le télépilote peut intervenir à tout moment sur la trajectoire d’un vol programmé ; et, enfin, le vol autonome, dans lequel la trajectoire est réalisée sans surveillance humaine, le drone évoluant alors en quelque sorte comme un robot.

Dans cette nouvelle version de l’article 2, s’agissant du vol autonome, seule la personne qui détermine directement la trajectoire du drone aurait la qualité de télépilote. Cette restriction permet de ne pas inclure dans le champ de la définition du télépilote les personnels qui, au sein de l’entreprise de conception ou d’opération de drone, conçoivent et mettent au point les automatismes et les logiciels de navigation.

Cette précision nous paraît pertinente, et je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter cet amendement. Les interrogations du rapporteur pourront encore donner lieu à une évolution du texte durant la navette.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Pellevat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

le télépilote

par les mots :

ce dernier

La parole est à M. le rapporteur.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(L’article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

I. – Le titre II du livre IV du code de la consommation est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« Dispositions relatives aux aéronefs circulant sans personne à bord

« Art. L. 425-1. – Les fabricants ou importateurs d’aéronefs circulant sans personne à bord incluent dans les emballages de leurs produits ainsi que dans ceux de leurs pièces détachées une notice d’information relative à l’usage de ces aéronefs. Cette notice rappelle les principes et les règles à respecter pour utiliser ces appareils en conformité avec la législation et la réglementation applicables.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er juillet 2016. – (Adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils
Article 5 (début)

Article 4

I. – La section 5 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complétée par un article L. 34-9-2 ainsi rétabli :

« Art. L. 34-9-2. – Les aéronefs circulant sans personne à bord, d’une masse supérieure à un seuil fixé par voie réglementaire, emportent des dispositifs de signalement électronique et lumineux. Peuvent en être exemptés les aéronefs circulant sans personne à bord qui opèrent dans un cadre agréé et dans des zones identifiées à cet effet.

« Un décret en Conseil d’État précise les objectifs de ces dispositifs de signalement et les conditions dans lesquelles des aéronefs circulant sans personne à bord sont exemptés de cette obligation. »

II. – Le chapitre IV du titre Ier du livre II de la sixième partie du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la présente loi, est complété par un article L. 6214-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 6214-4. – Les aéronefs circulant sans personne à bord, d’une masse supérieure à un seuil fixé par voie réglementaire, emportent un dispositif de limitation de performances. Peuvent en être exemptés les aéronefs circulant sans personne à bord qui opèrent dans un cadre agréé et dans des zones identifiées à cet effet.

« Un décret en Conseil d’État précise les objectifs du dispositif de limitation de performances ainsi que les conditions dans lesquelles des aéronefs circulant sans personne à bord sont exemptés de cette obligation. »

III. – Les I et II du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2018. – (Adopté.)

Article 4
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Article 5 (fin)

Article 5

Le chapitre II du titre III du livre II de la sixième partie du code des transports est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Aéronefs circulant sans personne à bord

« Art. L. 6232-12. – Est puni de six mois d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait pour le télépilote de faire survoler, par maladresse ou négligence, par un aéronef circulant sans personne à bord, une zone du territoire français en violation d’une interdiction prononcée dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 6211-4.

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait pour le télépilote :

« 1° D’engager ou de maintenir un aéronef circulant sans personne à bord au-dessus d’une zone mentionnée au premier alinéa ;

« 2° De ne pas se conformer aux prescriptions du même article L. 6211-4.

« Art. L. 6232-13. – Le télépilote coupable d’une des infractions prévues à l’article L. 6232-12 ou qui s’est rendu coupable des infractions prévues aux articles 223-1 et 226-1 du code pénal encourt également la peine complémentaire de confiscation de l’aéronef circulant sans personne à bord qui a servi à commettre l’infraction. »

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. Pellevat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

du présent article

La parole est à M. le rapporteur.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Favorable !

M. le président. Quelle belle unanimité ! (Sourires.)

Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Filleul, Mme Bonnefoy, MM. Guillaume, Bérit-Débat, Camani et Cornano, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle, Miquel et Roux, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

des infractions prévues aux articles 223-1 et 226-1

par les mots :

de l’infraction prévue à l’article 223-1

La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Nous avons rappelé en commission que l’usage des drones ne doit pas conduire à porter atteinte au respect de la vie privée.

Dans cette logique, la commission a adopté un amendement de M. Pozzo di Borgo visant à sanctionner la méconnaissance de cette règle par la peine complémentaire de confiscation du drone.

Néanmoins, cette précision n’est pas nécessaire, car elle est déjà prévue par la loi pénale.

Ainsi, l’article 226-1 du code pénal incrimine le fait de porter volontairement atteinte à l’intimité de la vie d’autrui « par un moyen quelconque ». Il est complété par l’article 226-31, qui prévoit « la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ».

En conséquence, le dispositif pénal est déjà tout à fait complet et la préoccupation, évidemment légitime, dont l’amendement adopté en commission était l’expression se trouve satisfaite.

L’objet de cet amendement est donc de s’en tenir à ce qui est nécessaire et de ne pas créer de confusion par l’ajout dans le code des transports d’une disposition qui figure déjà à l’article 226-31 du code pénal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cyril Pellevat, rapporteur. Ce texte est décidément consensuel, monsieur le président : la commission est favorable à cet amendement !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Le Gouvernement se range à l’avis du rapporteur ! (Sourires.)

M. Hubert Falco. Encore une belle unanimité ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. On parle beaucoup de prévention et de peines dans ce texte… Je souhaite adresser à Mme la secrétaire d’État une question qui concerne plus précisément les drones et le secteur nucléaire.

Les centrales nucléaires sont couvertes contre des risques majeurs, notamment les risques de chute d’avions gros porteurs. Il ne s’agit pas purement de risques nucléaires, mais des risques encourus par les bâtiments, les installations électriques, de risques industriels.

Ma question est de savoir comment les protéger des survols de drone.

L’Agence nationale de recherche a lancé un appel à projets pour détecter, protéger et détruire les drones, cette dernière action étant particulièrement difficile, notamment la nuit. Des entreprises comme Thales ou Airbus ont proposé des solutions similaires à celles qui sont liées à la protection des avions contre les missiles.

Il faudrait que les opérateurs dans les centrales nucléaires puissent détecter les drones et lancer l’alerte, mais la destruction des drones n’est pas leur rôle : elle doit être prise en charge par les forces de l’État. Nous nous trouvons en effet ici dans le cadre d’une guerre électronique.

Je sais que le Gouvernement est très attentif à cette question. Je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous nous donniez plus de précisions sur ce dossier particulier du nucléaire.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, cette question est cruciale, parce que la sécurité des centrales nucléaires est un enjeu d’intérêt prioritaire pour le Gouvernement comme pour nous tous.

Il me semble plus respectueux de vous faire une réponse précise dans le cadre de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, plutôt que d’en improviser une à la va-vite maintenant.

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(L’article 5 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 5 (début)
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8

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

J’appelle chacun d’entre vous, mes chers collègues, au cours de nos échanges, à rester fidèles aux valeurs essentielles pour le Sénat, notamment le respect des uns et des autres, ainsi que celui du temps de parole. Les auteurs de question ne peuvent utiliser leur droit de réplique que s’il leur reste plus de cinq secondes.

situation politique

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cadic applaudit également.)

Mme Colette Giudicelli. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, les ministres jouent à tour de rôle une partition qui leur est propre. Ce week-end, par exemple, Mme Ségolène Royal a pris une position surprenante concernant l’EPR.

Vous avez déclaré que le pays était en état de guerre, mais nous assistons à la répétition des agressions violentes contre les forces de l’ordre, en dépit de la fermeté du ministre de l’intérieur.

L’État a sciemment laissé prospérer une zone de non-droit entre Rennes et Nantes, et s’étonne des violences qu’elle engendre.

L’Assemblée nationale n’est plus en mesure de légiférer sereinement et votre majorité n’a jamais été aussi divisée.

La résorption des déficits est l’objectif annoncé, en parfaite contradiction avec les cadeaux présidentiels. L’ambiguïté et la cacophonie donnent le sentiment que le pays n’est plus vraiment gouverné. Les Français constatent tous les jours que l’État est introuvable.

Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que ce qui manque le plus à votre gouvernement, c’est la cohérence et qu’il est urgent de rétablir l’autorité de l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cadic applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, j’aimerais tant vous rassurer sur la cohérence et la détermination de l’État, et donc du Gouvernement, à faire respecter la loi.

C’est vrai, il est difficile de gouverner nos sociétés modernes. Cela ne constitue une nouveauté pour personne. C’est difficile, parce que ces sociétés sont complexes et exigeantes et s’interrogent – c’est naturel, au fond – sur nos institutions et sur la démocratie.

Il faut, bien sûr, être à l’écoute du pays. Le destin des textes de loi est un des facteurs pour examiner le bon fonctionnement de notre démocratie. Je constate que les projets ou les propositions de loi, les projets de loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont amendés et discutées et sont adoptés par le Parlement. C’est parfois difficile et nous devons donc user de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, quand il faut montrer sa détermination à mettre en œuvre une loi. C’est le cas de celle que porte Myriam El Khomri, qui est bonne, de notre point de vue bien sûr, pour les entreprises comme pour les salariés.

Madame la sénatrice, lorsqu’il s’agit de l’État de droit – vous l’évoquiez –, de la lutte contre le terrorisme ou de la sécurité de nos concitoyens – c’est vrai pour les lois antiterroristes, pour les lois sur le renseignement ou pour la loi qui concerne la procédure pénale et la lutte contre le terrorisme et la criminalité –, nous trouvons, en revanche, de très larges majorités, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, sut toutes les travées.

Cela montre bien la capacité de la représentation nationale, quels que soient les engagements politiques, à se retrouver sur l’essentiel.

Le Président de la République le rappelait, c’est le sens d’un quinquennat : au bout de quatre ans, il reste un an (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.) pour poursuivre le travail de réformes.

M. Didier Guillaume. Voire plus !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Soyez patients, et, comme le dit avec le bon sens qui le caractérise, le président Guillaume, on ne sait jamais ! Respectez le choix que feront les Français dans un an.

M. Roger Karoutchi. Si ça se trouve, ce sera Mélenchon…

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je le rappelais tout à l’heure à l’Assemblée nationale, en général, un an avant, on se trompe toujours. Donc, il faut respecter le peuple français, ce vieux peuple, qui n’aime pas qu’on lui dicte ses positions, vous en savez quelque chose, monsieur Karoutchi (M. Roger Karoutchi s’exclame.). Je parlais de la vieille France ; vous en parlez très bien.

Quant à la volonté réformatrice et à l’application de l’État de droit, soyez-en convaincue, madame la sénatrice, c’est ce qui m’anime tous les jours ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, pour la réplique.

Mme Colette Giudicelli. La France n’a plus de Président, elle a désormais un candidat en campagne qui multiplie promesses et propos contradictoires.

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

Mme Colette Giudicelli. L’autorité de l’État ne sera pas rétablie sans vérité.

Vous le savez : 86 % des Français pensent que ça ne va pas mieux. Nier l’évidence n’a jamais été une preuve d’autorité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Olivier Cadic applaudissent également.)

partenariat transatlantique de commerce et d’investissement

M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol, pour le groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. Philippe Esnol. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne les difficultés d’accès aux documents relatifs au TAFTA, le traité de libre-échange transatlantique, en cours de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis.

Je dois le dire, l’opacité régnant dans la négociation de cet accord commercial majeur, qui promet d’avoir des conséquences importantes sur de nombreux secteurs de notre économie et dont on sait qu’il inquiète l’opinion publique, me paraît proprement scandaleuse.

Trouvez-vous normal que tout parlementaire souhaitant prendre connaissance de l’avancée de la négociation, et consulter les documents afférents, soit contraint d’accomplir ce qui s’apparente à un véritable parcours du combattant ?

En effet, il faut tout d’abord prendre rendez-vous auprès du secrétariat d’État aux affaires européennes pour espérer être conduit, seul, dans la salle spéciale où sont précieusement conservés les documents.

Puis les choses se corsent. On apprend qu’aucune prise de notes n’est autorisée. Pire, si vous ne maîtrisez pas l’anglais comme si vous pouviez l’enseigner, passez votre chemin, car aucune traduction n’est proposée et il est impossible de se faire assister !

Je ne doute pas que bon nombre de mes collègues affectionnent et pratiquent la langue de Shakespeare, mais il s’agit ici d’un anglais technique, dont il faut saisir toutes les subtilités.

Aussi, monsieur le ministre, les mauvais esprits pourraient voir dans cet état de fait une volonté manifeste de décourager et de maintenir le secret. Que comptez-vous faire pour y remédier et restaurer la transparence que les Français sont en droit d’attendre sur un sujet de cette importance ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC. – MM. Jacques Legendre et Philippe Bas applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie.

M. André Vallini, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie. Monsieur le sénateur, je vous prie d’abord d’excuser l’absence de mon collègue Matthias Fekl, en déplacement en Russie.

Vous avez raison, l’opacité dans laquelle se déroulent ces négociations ne correspond pas à notre conception de la démocratie ni aux temps que nous vivons. En effet, la transparence dans les négociations commerciales est indispensable pour garantir la légitimité d’accords éventuels.

C’est pourquoi le gouvernement français n’a pas cessé de dénoncer cette opacité et a fait de la transparence une des priorités dans la négociation.

Depuis le début de l’année, une salle de lecture des documents relatifs au Transatlantic Trade and Investment Partnership, ou TTIP, est ouverte au Secrétariat général des affaires européennes et les parlementaires ont accès aux comptes rendus exhaustifs mais aussi aux documents consolidés.

Initialement, les États-Unis refusaient qu’un accès soit ouvert aux parlementaires à Paris, dans une administration nationale et ils voulaient contraindre les membres du Gouvernement comme les parlementaires à se rendre à l’ambassade américaine pour consulter les documents. C’était évidemment inacceptable, et nous l’avons refusé.

Nous avons conscience que les conditions d’accès au secrétariat général des affaires européennes ne sont pas encore idéales et restent contraignantes. Nous travaillons à les améliorer, mais elles sont identiques pour tous les parlementaires des pays d’Europe.

J’ajoute que de nombreuses informations relatives aux négociations ont été mises en ligne sur le site du ministère des affaires étrangères et du développement international, qui a été totalement rénové dans sa partie consacrée aux négociations commerciales.

Enfin, le Gouvernement a mis en place en 2013 un comité de suivi stratégique de la politique commerciale, pour associer les parties prenantes. À l’origine, il s’agissait des élus de la Nation et des fédérations professionnelles ; désormais, les représentants de la société civile, les syndicats et les ONG sont également concernés.

Tous ces efforts resteront vains, pour autant, si nos partenaires américains ne s’engagent pas, eux aussi, dans cette démarche de transparence. Or les premiers résultats du treizième cycle de négociations, qui s’est achevé à New York le 29 avril, indiquent que le changement d’état d’esprit des Américains n’est pas à l’ordre du jour.

Dans ces conditions, monsieur le sénateur, la position de la France est claire et constante : il n’est pas question, sous prétexte d’accélérer les négociations, de signer n’importe quel accord dans n’importe quelles conditions pour signer à tout prix.

C’est la raison pour laquelle la France ne soutiendra pas un accord qui se ferait au détriment de notre économie et de nos principes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol, pour la réplique.

M. Philippe Esnol. We’re lost in translation ! Such is life ! (Sourires. – Applaudissement sur plusieurs travées.)

M. Jean-Jacques Lasserre. Et la traduction ?

action de la justice pour lutter contre l’homophobie

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour le groupe écologiste.

Mme Corinne Bouchoux. Ma question s’adressait initialement à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Le 17 mai – comme vous le savez tous – est la journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Le vingtième rapport annuel de SOS homophobie, unique baromètre sur le sujet en France, est paru le 11 mai dernier.

Comme chaque année, l’association se fonde sur le nombre de témoignages recueillis, soit 1 318 signalements cette année.

Après le pic atteint lors des débats sur le mariage pour tous, SOS homophobie observe une baisse des actes homophobes en 2015, et nous pouvons tous nous en réjouir.

Cette diminution doit cependant être nuancée. Nous appelons à la vigilance face à une homophobie qui s’installe au quotidien et que l’association qualifie d’« homophobie ordinaire ».

Certains phénomènes sont inquiétants, comme le nombre d’agressions physiques, qui a augmenté proportionnellement au nombre de témoignages reçus. En outre, les victimes en milieu scolaire sont de plus en plus jeunes.

Comment le Gouvernement compte-t-il s’engager contre ces violences, en particulier en ce qui concerne le ministère de la justice, et comment prévoit-il d’intervenir pour que la justice réagisse de manière égale sur le territoire, notamment en termes de moyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. Philippe Madrelle applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame Corinne Bouchoux, vous avez raison de rappeler l’importance de cette journée et vous connaissez l’engagement très résolu du Gouvernement dans cette lutte contre les discriminations commises en raison du sexe et de l’orientation sexuelle.

Soixante-dix infractions donnent lieu, chaque année, à des condamnations. Dès juillet 2013, une instruction de politique pénale avait demandé qu’une réponse pénale ferme et adaptée soit apportée aux violences et discriminations commises en raison de l’orientation sexuelle.

Cela entre aussi, plus largement, dans une politique de lutte contre les discriminations. Nous avons invité les parquets à participer à des pôles de lutte contre les discriminations avec les associations et les autres administrations, de façon à mettre en œuvre une action permanente.

En matière civile et sociale, le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle renforce évidemment les sanctions. De la même façon, le Gouvernement a prévu une déclinaison de l’action de groupe en matière de discrimination, qui offrira ainsi la possibilité d’indemniser les préjudices moraux. Un amendement du Gouvernement a d’ailleurs rétabli le volet indemnitaire de l’action de groupe et l’a étendu au champ du droit du travail.

Ce renforcement passe bien sûr aussi par le soutien au tissu associatif. Ainsi, les associations déclarées depuis plus de cinq ans auront qualité à agir, y compris en matière de droit du travail.

Ces éléments me semblent répondre à votre interpellation tout à fait légitime en démontrant la globalité de l’action et de l’engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour la réplique.

Mme Corinne Bouchoux. La réponse qui a été donnée est satisfaisante dans son état d’esprit, mais la question des moyens demeure. S’il a été signalé que les prises en charge de victimes dans les commissariats et les gendarmeries ont été satisfaisantes cette année, reste la formation initiale et continue de tous les professionnels qui reçoivent le public. La formation à la lutte contre l’homophobie, c’est dans toutes les administrations, dans tous les services publics.

Nous comptons sur la volonté de tout le Gouvernement pour porter ce sujet, car, chaque jour, les discriminations demeurent trop nombreuses dans notre pays, y compris dans la vie quotidienne. Merci d’une action énergique ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. Philippe Madrelle applaudit également.)

cabinets dentaires

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRC.

Mme Laurence Cohen. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Les centres dentaires « à bas coût », ou « bas prix » défraient à juste titre la chronique. Leur seul objectif est celui de la rentabilité au détriment de la qualité des soins, laissant pour compte au moins 2 200 patients, si je me réfère aux victimes de Dentexia signalées à ce jour. Autant de patients mécontents, mal soignés, voire mutilés.

Ce scandale ne survient pas dans un ciel serein. Contrairement à ce qu’affirme la Cour des comptes, il ne s’agit pas d’« une faillite des politiques publiques face aux professionnels ». Depuis des décennies, les pouvoirs politiques ont fait de la santé bucco-dentaire le chantier expérimental de la privatisation du système de soins : faibles remboursements, place importante des assurances privées et des mutuelles, secteur 2 généralisé, absence de programme national de prévention. Et les choses ne se sont pas améliorées dans la dernière période avec l’ANI, l’accord national interprofessionel !

Je sais que Mme la ministre de la santé est sensible à cette problématique des centres dentaires low cost, car elle a diligenté un rapport auprès de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS.

Mais, au-delà de la réparation des préjudices, que compte faire le Gouvernement pour développer une vraie politique de santé publique dans le secteur bucco-dentaire, permettant un véritable accès aux soins à toutes et à tous sur l’ensemble du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous posez une vraie question, celle des soins dentaires, qui a effectivement défrayé depuis peu la chronique à la suite de l’affaire Dentexia.

La question n’est pas tant celle du développement des centres dentaires, qui ne pose pas réellement de problème en soi, que celle du respect des règles de qualité et de sécurité des soins, comme dans tous les domaines de soin.

Dans l’affaire que vous citez, des contrôles ont été effectués par les autorités sanitaires et ce sont précisément ces contrôles qui ont conduit à constater des manquements graves aux exigences fixées et à suspendre les activités de plusieurs centres.

Dans l’affaire dite Dentexia, le gestionnaire des centres ayant été mis en liquidation judiciaire, il s’agit à présent d’organiser la suite des soins, la qualité et la continuité.

Madame la sénatrice, sachez que le collectif des patients concernés a été reçu par le ministère de la santé. Un certain nombre d’actions concrètes ont déjà été décidées, comme la création d’une plateforme téléphonique déployée par les agences régionales de santé des régions concernées, c'est-à-dire l’Île-de-France et les régions Auvergne - Rhône-Alpes et Bourgogne - Franche-Comté, afin de répondre aux questions des patients et de faciliter leurs démarches et leur orientation dans la reprise des soins, car la question est bel et bien là. La ministre Marisol Touraine a également décidé qu’un bilan bucco-dentaire serait entièrement pris en charge par la sécurité sociale, de façon exceptionnelle étant donné la situation, afin de permettre une reprise des soins adaptée pour chaque patient. Enfin, un accompagnement médico-psychologique sera proposé aux patients concernés.

Comme vous l’avez dit, Marisol Touraine a saisi l’IGAS afin que celle-ci lui fasse des propositions sur la question de l’indemnisation des patients, mais plus généralement, et c’est le sujet de votre interpellation, sur celle des centres de santé dentaire dits low cost. L’affaire Dentexia doit en effet nous amener à apporter des réponses aux problèmes qu’elle soulève.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Les échanges avec le collectif des patients vont se poursuivre pour faire le point sur les mesures qui sont déjà mises en place et sur celles qui suivront.

Madame la sénatrice, soyez assurée que Marisol Touraine suit très attentivement ce dossier. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain ainsi que sur quelques travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. L’on ne peut dissocier la promotion de la santé bucco-dentaire, la mise en place d’un véritable système de santé publique et l’amélioration de la prise en charge des patients. Si les patients vont dans ce genre de centre, c’est parce qu’il y a un problème de remboursement. (Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Marie-France Beaufils opinent.) Il faut arriver à un remboursement des soins bucco-dentaires à 100 %, et c’est possible.

Permettez-moi d’y insister, car le département du Val-de-Marne dont je suis élue est le seul à avoir développé un programme de prévention qui a montré son efficacité (Mme Christine Prunaud et M. Jean-Pierre Bosino applaudissent.) : une politique de santé bucco-dentaire curative et préventive digne de ce nom passe par la fin des discriminations intolérables issues d’une prise en charge à plusieurs vitesses conduisant les praticiens à établir des plans de traitement différents en fonction de critères socio-économiques.

Force est de constater, et je le regrette vivement, que ce n’est pas la voie choisie par le Gouvernement, qui fait des milliards d’euros d’économie sur le dos des patients et des professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

violences lors des manifestations

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Sylvie Robert. Ma question s'adressait au ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve.

Depuis plusieurs semaines, Rennes subit des violences en marge des manifestations syndicales contre la loi travail, tout comme sa voisine, Nantes.

Vendredi dernier, la tension est montée d’un cran, car ma ville a été la proie de casseurs ultra-violents venus de plusieurs villes françaises et étrangères. Ils s’étaient donné rendez-vous pour un rassemblement non autorisé par la préfecture le lendemain. Ce rassemblement à haut risque de 700 personnes a été encadré avec une grande maîtrise par les forces de l’ordre, tout comme l’a été l’évacuation, la veille, d’une salle occupée illégalement en plein cœur de la capitale bretonne. Je veux à ce moment les saluer, car elles ont fait preuve d’un grand professionnalisme.

Pourtant, cette nuit du vendredi a plongé Rennes dans la peur et dans l’incompréhension. Si manifester est un droit, casser est un délit.

La venue du ministre de l’intérieur dimanche matin a été le signe de la mobilisation de l’État et de la solidarité nationale à l’égard d’une ville qui vient de vivre des événements exceptionnels, d’une très grande gravité.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer de votre plus grande fermeté contre ces casseurs – il ne peut y avoir de sentiment d’impunité –, pouvez-vous nous confirmer l’annonce de renforts de police dans les prochains jours et pouvez-vous, enfin, préciser les modalités de l’indemnisation qui a été évoquée en faveur des acteurs économiques qui, dans le centre-ville, viennent de subir d’importants préjudices ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Sylvie Robert, le ministre de l’intérieur et moi-même avons eu l’occasion d’exprimer notre très grande préoccupation il y a quelques instants à l’Assemblée nationale. En écho à votre question, j’ai notamment répondu à Mme Nathalie Appéré, députée et par ailleurs maire de Rennes.

Ce qui se passe à Rennes, à Nantes, à Paris au moment où nous parlons et dans d’autres villes est insupportable. Manifester est un droit, et nous nous battrons toujours pour le préserver, y compris dans le contexte de menace terroriste auquel nous faisons face et qui vous a conduit à voter la prolongation de l’état d’urgence. C’est précisément ce droit de manifester nos valeurs démocratiques qui a été attaqué en 2015.

Mais casser des commerces, du mobilier urbain, vouloir casser du policier ou du gendarme, quitte à mettre en danger la vie de ces hommes et de ces femmes soutenus par les Français et dont nous connaissons l’esprit de sacrifice face aux nombreuses responsabilités qui pèsent aujourd'hui sur leurs épaules – la menace terroriste, les troubles à l’ordre public, la maîtrise migratoire – est un délit, voire un crime.

Vous avez rappelé que le ministre de l’intérieur s’était rendu à Rennes dimanche matin. Au-delà des unités de forces mobiles qui ont été mobilisées pour faire face à cette violence, quatre-vingt-huit postes supplémentaires seront présents sur Rennes dans les prochaines semaines. Nous trouverons, le ministre de l’intérieur s’y est engagé, les dispositifs d’indemnisation nécessaires pour les commerçants qui ont été victimes de ces violences. Permettez-moi d’ailleurs de saluer l’engagement des maires de Rennes et de Nantes ainsi que de tous les élus qui font face à cette violence.

Je veux dire à tous ces casseurs, à ces Black Blocs et aux amis de M. Coupat, à toutes ces organisations qui au fond n’aiment pas la démocratie et qui en contestent les principes, qu’ils trouveront la plus grande détermination de l’État, de la police et de la justice.

M. Jean Bizet. Ce n’est pas suffisant !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je n’ai pas besoin de rappeler, le Président de la République l’a fait ce matin, le nombre d’interpellations réalisées et de décisions de justice rendues.

Madame la sénatrice, j’en appelle comme vous à la responsabilité de chacun. Quand on organise une manifestation, il faut bien l’organiser. Il faut condamner avec la plus grande fermeté ceux qui s’en prennent aux policiers, aux gendarmes, aux commerçants et aux biens d’une ville comme Rennes. Il ne peut y avoir la moindre complaisance en la matière. Il faut dénoncer ces tracts insupportables de la CGT à l’égard des policiers, et de manière générale, tout mot, tout tract, tout écrit qui encourage ces événements alors qu’un texte a été adopté par l’Assemblée nationale.

Je veux le redire à la représentation nationale : le Gouvernement est déterminé à faire adopter cette loi et à la faire publier cet été, après le débat qui a eu lieu au Palais-Bourbon et celui qui viendra au Sénat.

Nous sommes dans une démocratie. J’ai été interrogé il y a quelques instants sur la question de l’État de droit et la cohérence de notre action. Au nom de cette cohérence, parce qu’il y a la violence, parce qu’il a la radicalité, parce qu’il peut y avoir des victimes du côté des policiers et des gendarmes comme des manifestants, ceux qui manifestent aujourd’hui tranquillement, il ne peut y avoir la moindre complaisance. Il ne suffit pas de condamner les casseurs, il faut aussi que chacun assume ses responsabilités dans un moment difficile pour notre pays.

Dans un État de droit, il ne peut y avoir la moindre complaisance envers ceux qui s’en prennent aux lois et aux valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

réponse judiciaire aux violences lors des manifestations

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour le groupe de l'UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Gatel. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'intérieur. Il est profondément républicain, homme d’honneur et de devoir. Aussi, je n’aurais jamais imaginé devoir l’interroger sur la situation quasi insurrectionnelle qu’a connue à nouveau la ville de Rennes en plein état d’urgence.

Agressés par des sans-loi déterminés à provoquer les forces de l’ordre, à casser et à détruire, ceux que l’on peut appeler le peuple des invisibles, les habitants qui fuient la ville, les commerçants qui bardent leurs vitrines de planches de bois, craignent et ont peur. Ils sont indignés, car cette horde de sans-loi reviendra. Elle reviendra, galvanisée par un climat social délétère et par la prochaine consultation sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui aura lieu dans le département voisin, et où atermoiements et faiblesses ont laissé prospérer un terreau de violence. (M. Bruno Retailleau applaudit.)

Monsieur le ministre, sans polémique mais avec beaucoup de gravité, je vous interroge non pas sur le nombre d’interpellations qui sont intervenues, mais sur les dispositions judiciaires qui viendront sanctionner des gens qui s’emparent sauvagement d’une ville, et qui rendront de manière durable la ville aux habitants, aux commerçants, à ceux qui veulent juste vivre une vie normale. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE. – M. Jean-Jacques Filleul applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Gatel, je vous réponds comme je l’ai fait il y a quelques instants à Mme Sylvie Robert. Vous avez raison de dire que ces faits sont particulièrement graves. Depuis que je me suis engagé dans la vie politique, et bien jeune il y a déjà quelques années, je n’ai jamais considéré que l’on pouvait accepter la violence, d’où qu’elle vienne, et à l’occasion des manifestations.

Nous sommes un pays magnifique, où l’on peut manifester et donner son point de vue, où l’on aime le débat et la confrontation des idées. Donc, il ne peut y avoir la moindre excuse, la moindre tolérance vis-à-vis de ces violences, la moindre complaisance comme il y en a eu trop souvent ces derniers jours : au fond, on peut casser, on peut s’en prendre aux policiers, ceux-là mêmes qui nous protègent, on peut les mettre en cause, mettre en cause leur honneur, mettre en cause l’honneur du ministre de l’intérieur qui serait derrière ces agissements. Non ! Il est temps que cela s’arrête et que chacun fasse preuve de la plus grande responsabilité. Je citerai les bris de vitres de bâtiments publics, les bris de vitres de commerces ou de banques, les dégradations commises sur les abribus, des destructions de distributeurs automatiques de billets, l’incendie de véhicules, sans compter les permanences d’élus. Comment peut-on accepter – je n’ai parfois entendu aucune condamnation de ces faits – qu’une trentaine de parlementaires aient vu leur permanence mise en cause ? C’est intolérable, et vous avez raison, madame la sénatrice, non seulement il doit y avoir des interpellations, mais la justice doit suivre ! (Ah ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

C’est l’occasion pour moi de rappeler que les magistrats luttent aussi pour contenir et réprimer ces comportements. Ainsi, depuis le 24 mars 2016, il a été procédé à 499 interpellations, dont 164 de mineurs, qui ont notamment donné lieu à 11 ouvertures d’information – je rappelle qu’un individu de dix-huit ans auteur de violences graves sur les forces de l’ordre a été écroué ce week-end –, à 121 comparutions immédiates, y compris pour les individus dont le casier judiciaire était vierge, à 91 convocations devant le tribunal correctionnel par un officier de police judiciaire ou par procès-verbal et, concernant les mineurs, à 99 mesures de réparation pénale, liberté surveillée préjudicielle ou défèrement devant le juge des enfants.

Je ne me permettrai pas de porter un jugement sur les peines prononcées. Je ne commenterai pas les décisions judiciaires, les condamnations d’individus puisque ces éléments sont du seul ressort des magistrats qui jugent – faut-il le rappeler encore ? – en toute indépendance et impartialité.

En revanche, les réponses judiciaires sont bien apportées à chaque fait délinquant caractérisé et des mandats de dépôt ont été décernés pour les faits les plus graves.

Je salue de nouveau le travail particulièrement difficile de la police et de la gendarmerie. Nos forces de l’ordre doivent en effet agir dans un contexte extrêmement complexe du fait de ces casseurs qu’il leur faut distinguer des manifestants sincères.

La détermination du ministre de l’intérieur et de moi-même bien sûr est totale pour faire face à ces faits graves, insupportables, qui, comme je le soulignais voilà quelques instants, peuvent mener à des drames. Vos questions, mesdames les sénatrices, permettent de rappeler cet engagement absolu du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Notre-Dame-des-Landes !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour la réplique.

Mme Françoise Gatel. Monsieur le Premier ministre, vos déclarations sont fermes. Je souhaite, et c’est nécessaire, que les mesures judiciaires le soient tout autant. Une République ne peut vivre dans l’atermoiement, la faiblesse. Elle requiert de l’exigence et, surtout, le respect des libertés pour protéger celle des plus faibles. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et sur quelques travées du RDSE.)

rôle des maires dans la lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Paul Fournier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l’intérieur.

En matière de lutte antiterroriste, le constat est alarmant quant à la place que vous accordez aux maires ! Des échanges d’informations inopérants et le manque de dialogue patent entre les services régaliens de l’État et les collectivités territoriales nous empêchent de nous saisir pleinement de nos pouvoirs de police et de contribuer efficacement à la politique de prévention en la matière.

Comment se fait-il que je puisse découvrir dans la presse nationale que deux individus fichés « S », dont l’un était en possession de soixante-dix drapeaux de Daech, ont été arrêtés au cœur même de ma ville, condamnés à des peines de liberté conditionnelle, mais qu’ils se sont désormais volatilisés dans la nature ?

Les premiers magistrats de nos communes sont tenus à l’écart des principales affaires qui se déroulent sur leur propre territoire. Un partage minimal d’informations serait pourtant susceptible d’orienter judicieusement nos actions municipales. Nous ignorons, au sein même de nos services, s’il se trouve des agents municipaux fichés « S » ou si des intervenants d’associations partenaires de la ville sont eux-mêmes soupçonnés de radicalisation. Ce n’est pas admissible !

Dans le cadre local de la prévention de la radicalisation, les maires, qui sont ceux qui connaissent le mieux leur population et fournissent dès lors beaucoup d’informations aux services de l’État, devraient pouvoir bénéficier en retour de la part de l’État de renseignements utiles.

Le Gouvernement compte-t-il faire évoluer le renseignement territorial français en intégrant réellement le maire comme un véritable partenaire ? La communication des fiches de signalement des individus classés « S » liés à des enjeux terroristes ainsi que la situation dans laquelle se trouvent ces individus serait un bon commencement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Jean-Paul Fournier, je vous remercie de poser cette question à la fois utile et délicate portant sur l’association des maires et des responsables de collectivités territoriales à la lutte contre le terrorisme aux côtés de l’État.

À l’évidence, le Gouvernement réaffirme le rôle essentiel des collectivités territoriales pour prévenir en amont la radicalisation et prendre en charge les personnes radicalisées ou en voie de radicalisation.

Face à cet enjeu, le Premier ministre a mis en place un plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme visant à amplifier l’action de prévention, mais aussi à impliquer l’ensemble des acteurs de l’action publique.

Ce plan prévoit tout d’abord une plus grande association des collectivités territoriales. Ainsi, les conseils départementaux, qui participent déjà aux cellules préfectorales de suivi de la radicalisation et d’accompagnement des familles, seront dynamisés.

S’agissant des communes, qui font plus spécifiquement l’objet de votre préoccupation, le ministre de l’intérieur a proposé leur intégration dans le dispositif de prévention. À cet effet, une convention-cadre entre l’État et l’Association des maires de France, l’AMF, sera signée demain 18 mai, afin de mieux détecter les personnes qui se radicalisent, de favoriser la remontée des signalements vers les autorités compétentes et de mettre en œuvre, sous la coordination des préfets, un suivi social adapté à chaque situation.

L’implication des communes et des intercommunalités est un élément structurant de notre réponse publique à la radicalisation. Bien évidemment, il faut mettre à la disposition des élus des moyens nouveaux. Ainsi, des kits de formation sont désormais accessibles, tout comme des modules de formation en ligne sur la radicalisation, qui ont été créés par le ministère de l’intérieur pour permettre à chaque agent public d’être sensibilisé sur ces phénomènes de radicalisation.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Bref, à travers votre question, je veux remercier pour leur implication l’ensemble des élus de la République, qui, aux côtés des pouvoirs publics, mettent en œuvre cette politique de prévention de la radicalisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier, pour la réplique.

M. Jean-Paul Fournier. Nous verrons ce qui se passe après la signature de cette convention-cadre demain.

Je rappelle que les maires sont des officiers de police judiciaire, au même titre que les polices d’État et que nous sommes également tenus au secret professionnel. Je ne vois donc pas pourquoi une confiance ne s’instaure pas dans ce domaine. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

dette grecque

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Vincent Eblé. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances.

Après un long processus de négociation sur sa dette et l’important travail du Président de la République qui a permis d’aboutir aux accords de juillet dernier, l’économie grecque commence à redémarrer. (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Ces accords ont permis de remettre de la confiance entre les acteurs économiques et sociaux, et de faire bouger les lignes en évitant la sortie de la zone euro.

Il est important de saluer les réformes structurelles et les efforts budgétaires accomplis par le gouvernement Tsipras : hausses des recettes fiscales, fonds de privatisation, maîtrise des emplois publics. Tout récemment encore, le Parlement grec a voté une réforme des retraites.

Ces efforts réalisés par la Grèce peuvent lui permettre désormais de mettre en débat la question de l’allégement de sa dette. Ce sujet a d’ailleurs fait l’objet d’une première discussion le 9 mai dernier.

L’Eurogroupe a évoqué la possibilité du reversement à moyen terme des bénéfices réalisés par la Banque centrale européenne sur la détention de la dette grecque, soit 7,7 milliards d’euros, conditionné à la mise en œuvre de réformes complémentaires. La BCE et le Fonds monétaire international, le FMI, partageant la même orientation, les négociations promettent d’être extrêmement serrées.

S’il est clair que la Grèce doit maintenir ses efforts, doit-on pour autant lui imposer de nouvelles réformes parfois plus dures, comme une nouvelle baisse du niveau des pensions de retraite ? Le peuple grec a réalisé d’immenses efforts, et les décisions qui seront prises dans les prochaines semaines doivent également avoir pour objectif de veiller à la préservation de la cohésion sociale du pays. À un certain niveau de sacrifices par la population, c’est le « vivre ensemble » qui est menacé.

Au moment des accords de juillet, le Président de la République avait eu cette formule à l’endroit d’Alexis Tsipras : « Aide-moi à t’aider ». L’implication de la France avait permis de sauver la zone euro.

Toujours dans cet esprit, ma question est la suivante (Marques de satisfaction sur quelques travées du groupe Les Républicains.) : nous qui tenions tant à ce que la Grèce maintienne sa place dans la zone euro, quelle position allons-nous défendre lors de la prochaine réunion de l’Eurogroupe pour que la Grèce retrouve la croissance, et sa population de l’aisance, après des années d’efforts considérables ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur Vincent Eblé, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de Michel Sapin, retenu cet après-midi.

Vous avez eu raison de rappeler que la position de la France, notamment au mois de juillet dernier, a été claire et constante.

Nous avons tout fait pour nous opposer à la sortie de la Grèce de la zone euro et pour cela, nous avons effectivement demandé que l’on puisse intégrer dans un avenir qui aujourd'hui se rapproche des discussions sur la soutenabilité de la dette, après, ou en tout cas simultanément aux réformes qui lui sont demandées. Après plusieurs jours et une nuit de négociations, c’est la position qui a été prise le 13 juillet 2015, vous l’avez rappelé.

Que s’est-il passé depuis juillet dernier ? Le nouveau gouvernement d’Alexis Tsipras, issu des élections de septembre, a fait adopter et mis en œuvre des réformes profondes. Il s’est engagé à un assainissement indispensable des finances publiques et du système de retraites. Il s’est également engagé dans des réformes de l’administration publique, notamment fiscale. La France met à sa disposition tout son appui logistique pour aider la Grèce à se mettre au meilleur standard dans ce domaine.

La Grèce a tenu ses engagements. Il est donc légitime de passer à la deuxième phase, c'est-à-dire à la préparation de discussions sur la soutenabilité de la dette grecque. La France soutient une ligne, que certains refusent de franchir, en faveur d’une décote de la dette grecque. Mais de nombreuses marges de manœuvre existent, en jouant notamment sur des reports d’intérêt ou sur des allongements de maturité.

Nous ferons tout pour trouver des solutions durables et soutenables, notamment pour le peuple grec. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

classes bi-langues

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Bouvard. Ma question s'adressait à Mme Vallaud-Belkacem, qui a eu la courtoisie de me prévenir de son absence. Elle concerne les classes bi-langues, sujet qui avait fait l’objet d’une réponse ironique à nos collègues du groupe UDI-UC il y a quelques jours, prétextant que la majorité sénatoriale considérait que tout allait bien.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, nous sommes conscients de la faiblesse, pour ne pas dire du naufrage, de l’enseignement des langues dans notre pays. Cela entraîne une perte de compétitivité pour nos entreprises et d’attractivité pour notre tourisme.

C’est la raison pour laquelle nous sommes attachés à la réussite des classes bi-langues. Mme la ministre ayant annoncé leur maintien, mes questions sont simples et portent sur la transparence du dispositif de maintien. Les élus, les chefs d’établissement et les parents d’élèves seront-ils associés au choix des établissements maintenus ? Les moyens consacrés à ces classes bi-langues, notamment dans les territoires frontaliers, seront-ils les mêmes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)

M. Jean-Marie Bockel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous remercie pour votre question qui nous permet de préciser l’action du Gouvernement en matière d’apprentissage des langues vivantes.

Nous sommes évidemment tout à fait favorables au bilinguisme, qui est un gage de réussite, mais qui est aujourd'hui souvent réservé à un nombre trop restreint d’élèves. C’est précisément pour cela que la réforme du collège a avancé d’une année, de la quatrième vers la cinquième, l’apprentissage de la deuxième langue vivante et que 25 % d’heures supplémentaires seront offertes aux collégiens pour cette deuxième langue vivante.

La stratégie nationale pour les langues vivantes est aujourd'hui en place, elle se décline et se coordonne. Je souhaite ici rappeler que les dispositifs bi-langues de continuité, qui permettent aux élèves ayant étudié une autre langue vivante que l’anglais en primaire de commencer l’anglais en sixième, sont tous maintenus. Les dispositifs bi-langues de contournement, par ailleurs utilisés parfois par certaines familles mieux informées, sont à l’inverse supprimés.

Vous vous interrogez sur des inégalités territoriales. Il est vrai qu’elles étaient en train de se développer,…

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … et nous faisons tout aujourd'hui pour les limiter. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Il faut répondre à la question ! Vous n’avez plus que vingt-huit secondes !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je répondrai plus précisément à la question que vous posez concernant votre propre territoire dans votre académie, celle de Grenoble.

Le nombre de dispositifs bi-langues de continuité va plus que doubler. Ils passeront de 51 à 112. Un effort a également été fait en matière d’offre de l’italien, notamment dans le primaire : 80 écoles publiques proposeront ainsi un enseignement de l’italien à la rentrée 2016, soit 15 écoles publiques supplémentaires par rapport à la dernière rentrée.

M. François Grosdidier. Et l’allemand ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Monsieur Michel Bouvard, si l’on est de bonne foi, ces éléments concrets et précis permettent de mettre fin aux polémiques (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et de considérer que l’effort du Gouvernement est net en la matière. Le conservatisme, dans ce domaine comme dans d’autres, n’est pas le meilleur conseil. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Lenoir. Langue de bois !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour la réplique.

M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d'État, preuve de ma bonne foi, avant de poser cette question, j’ai pris la peine de faire un état des lieux.

Ma préoccupation actuelle concerne la transparence du système : il faut connaître les critères sur lesquels se font les choix,…

Un sénateur du groupe Les Républicains. Absolument !

M. Michel Bouvard. … ainsi que les moyens consacrés. Or nous sommes dans l’opacité la plus totale.

M. Michel Bouvard. Puisque vous avez eu la délicatesse d’évoquer la situation de l’italien, permettez-moi de parler du collège de Modane, qui se trouve à six kilomètres de la frontière avec l’Italie.

Les moyens reçus cette année par le principal du collège ont été divisés par deux.

M. Michel Bouvard. Cela signifie que deux fois moins d’enfants pourront apprendre l’italien, alors qu’ils habitent, j’y insiste, à six kilomètres de la frontière avec l’Italie. Or nous sommes dans la continuité linguistique : ce sont les autorités diplomatiques italiennes qui financent, dans le cadre d’une convention franco-italienne, l’enseignement de l’italien dans le primaire.

Aujourd'hui, il faut plus de transparence :…

M. Michel Bouvard. … les parents d’élèves et les élus doivent être associés aux décisions si nous voulons que celles-ci soient opérantes sur le territoire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

reconnaissance de la nationalité française aux tirailleurs sénégalais

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Ma question s'adressait à M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.

J’attire l’attention du Gouvernement sur la dette de la France à l’égard des tirailleurs sénégalais, qui souhaitent que l’État français leur reconnaisse la nationalité française.

Depuis le début du siècle, les unités de tirailleurs coloniaux, improprement appelés « tirailleurs sénégalais », ont combattu pour la France en participant aux côtés de leurs frères d’armes français à tous les conflits dans lesquels était engagé notre pays. Ces anciens combattants d’outre-mer ont mérité la reconnaissance de la France. Or, en fait de reconnaissance, ils se sont vu priver de la nationalité française au moment de l’indépendance de leur pays d’origine.

La possibilité a cependant été donnée, par la loi de 1960, aux personnes originaires des pays de l’Afrique noire et de Madagascar de faire reconnaître leur nationalité française par déclaration. Mais cette possibilité a été supprimée en 1973, puis remplacée par la procédure de réintégration par déclaration, qui, elle-même, a été supprimée en 1993.

Désormais, les anciens ressortissants de ces territoires désirant reprendre la nationalité française doivent recourir à la procédure de droit commun de la réintégration.

Beaucoup d’anciens combattants ont ainsi perdu leur nationalité française sans s’en rendre compte : ils s’en sont aperçus à l’occasion d’une démarche de renouvellement de leurs documents d’identité. Leur déception fut alors particulièrement vive.

Les conditions de résidence en matière de nationalité exigent que l’intéressé fixe en France le centre de ses intérêts. Elles ont ainsi écarté de la reconnaissance de la nationalité française un grand nombre de personnes qui ne souhaitaient pas faire venir en France leur famille ou n’en avaient pas les moyens financiers, alors même qu’elles y résidaient et manifestaient pour la France un réel attachement.

Aussi, je souhaiterais savoir si le Gouvernement est prêt à reconnaître à ces quelques centaines de tirailleurs sénégalais la nationalité française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Corinne Bouchoux et Sophie Primas ainsi que MM. Alain Bertrand et Michel Bouvard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur Gilbert Roger, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’intérieur, le code de la nationalité relevant de son ministère.

Vous avez attiré l’attention du Gouvernement sur la dette de la France à l’égard de ceux qu’il est convenu d’appeler « les tirailleurs sénégalais ».

Je souhaite avant tout affirmer que ces anciens combattants, à l’instar de tous les anciens combattants ayant consacré une partie de leur jeunesse et, souvent, versé leur sang, au nom de la liberté, en portant l’uniforme militaire de notre pays, bénéficient des droits liés à cette situation. Notre pays leur est éternellement reconnaissant.

Vous évoquez plus précisément le vœu de quelques-uns de se voir reconnaître la nationalité française qu’ils ont perdue lors de l’indépendance de leur pays d’origine où ils résident. En fait, votre question porte en elle-même, monsieur le sénateur, les éléments de réponse.

Vous avez rappelé à juste titre les décisions de la Cour de cassation et les précisions apportées par le législateur. Notre droit de la nationalité prend aujourd'hui en compte ces situations particulières.

En effet, le code de la nationalité française prévoit une voie d’accès spécifique pour toute personne ayant eu la nationalité française. Ainsi, l’accomplissement de services militaires dans une unité combattante de l’armée française peut justifier une dérogation à la condition de stage posée par les procédures de naturalisation.

En revanche, la condition de résidence en matière de nationalité exige que l’intéressé fixe en France le centre de ses intérêts. Cette disposition relève du code précité, qui ne souffre aucune interprétation. Déroger à cette règle, même dans le cas des personnes ici visées et dont les mérites sont avérés, suppose de mesurer tous les enjeux, car cela touche à la cohérence d’un droit qui s’est façonné au fil de notre histoire.

Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 26 mai, à quinze heures, et seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

9

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, j’étais retenu dans ma circonscription par une réunion organisée par le préfet au sujet de l’implantation d’une future clinique, lors des scrutins nos 221 et 222 portant respectivement sur le sous-amendement n° 317 rectifié bis et sur les amendements identiques nos 104 rectifié quater et 299 au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Fidèle à mon combat pour lutter contre toutes les formes de pollution qui sévissent dans mon département et mettent à mal les rivières comtoises et conformément à l’amendement n° 213 rectifié ter que j’avais cosigné lors de la première lecture de ce texte, je souhaitais voter contre, et non pas m’abstenir, lors du scrutin n° 221 et m’abstenir pour ce qui concerne le scrutin n° 222.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Retenu dans ma circonscription par la visite du ministre de l’agriculture pour aborder le thème de la grippe aviaire – les Landes sont très impactées ! –, je vous adresse, monsieur le président, la même requête que mon collègue et ami Martial Bourquin.

Aussi, je vous demande de bien vouloir prendre en considération cette demande de rectification de vote.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. N’ayant pu être présent à temps dans l’hémicycle, retenu par une réunion, je vous adresse moi aussi la même requête, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Ma requête est identique à celle de mes collègues, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vous adresse également à la même requête, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda.

Mme Gisèle Jourda. J’exprime moi aussi la même demande, monsieur le président.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.

10

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

11

 
Dossier législatif : proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue
Discussion générale (suite)

Stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue
Article unique

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue, présentée par MM. Gérard Longuet, Christian Namy et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 522, texte de la commission n° 595, rapport n° 594).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Longuet, coauteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet, coauteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe Les Républicains d’avoir accepté d’inscrire dans sa niche parlementaire l’examen de cette proposition de loi, qui aurait pu, qui aurait dû être portée par le Gouvernement.

M. Jean-Claude Lenoir. Tout à fait !

M. Gérard Longuet. Je remercie également celles et ceux qui ont accepté de cosigner ce texte, lui donnant ainsi toute son importance : notre débat concerne non pas seulement les élus de la Meuse et de la Haute-Marne, monsieur Namy, mais, au travers de la filière nucléaire, l’ensemble de notre pays.

Je voudrais aussi remercier le rapporteur, Michel Raison, qui, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, a conduit avec célérité et pertinence les travaux sur ce texte issu d’un travail collectif. En effet, je ne prétends pas avoir la compétence scientifique pour traiter tous les problèmes liés au nucléaire. C'est la raison pour laquelle ce texte emprunte beaucoup au travail réalisé par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, notamment par son président, le député Jean-Yves Le Déaut.

C’est une vieille affaire ; c’est une longue affaire. C’est une belle histoire, puisqu’elle a associé tous les courants politiques ayant gouverné notre pays depuis 1991, avec la volonté de donner enfin une situation stable aux déchets ultimes de la production nucléaire française.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes aujourd'hui que de constater l’exigence de dialogue à laquelle ce débat parlementaire satisfait très largement, alors qu’il s’agit de gérer des déchets de réacteurs nucléaires – cinquante-huit réacteurs sont en activité –, qui – je parle là sous le contrôle de mon collègue Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques – ont été de tout temps installés par les présidents et gouvernements successifs sans qu’il y ait jamais eu de débat parlementaire les autorisant à proprement parler. Cette discussion est une innovation réjouissante : un sujet majeur concernant la vie de tous nos compatriotes est débattu cet après-midi au Sénat et le sera prochainement, je l’espère, à l'Assemblée nationale.

C’est en 1991, lorsque le député Christian Bataille porte, au nom du Gouvernement, le projet de loi – M. Strauss-Kahn est alors ministre de l’industrie – que s’ouvre enfin le débat sur la façon de traiter les déchets de haute activité à vie longue. Je ne reviendrai pas sur la totalité du débat, souhaitant être très précis sur la question de la réversibilité.

Dès le 26 novembre 1993, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, a signifié au conseil général de la Meuse que son sous-sol lui permettait d’accepter l’une des hypothèses de stockage souterrain des déchets nucléaires à haute activité à vie longue, un sous-sol contenant de l’argilite, plus exactement du banc Callovo-Oxfordien – mes connaissances géologiques s’arrêtent à peu près là ! Il se porte donc candidat, tout comme d’ailleurs – les limites départementales ne correspondant pas nécessairement à des limites géologiques – le département voisin de la Haute-Marne, qui vote également le principe d’accueillir un laboratoire d’étude sur le stockage souterrain des déchets nucléaires.

Dans le département de la Meuse, la décision a été prise à l’unanimité, avec, cependant, une réserve majeure, qui a été défendue avec obstination, et qui l’est encore aujourd'hui bien sûr, par la totalité des élus du département, à savoir le principe de la réversibilité.

Pourquoi ce principe ?

D’une part, nous n’avons aucune certitude absolue en termes de sécurité. C’est donc une raison suffisante pour poser le principe de la réversibilité. Même si nous éprouvons le plus grand respect pour les scientifiques, nous avons quand même le droit d’observer et de tirer des leçons de l’expérience.

D’autre part, le stockage souterrain peut un jour utilement, économiquement, entrer en concurrence avec d’autres solutions pour les déchets nucléaires de haute activité à vie longue. Je ne pense naturellement pas à l’entreposage, qui est le fait de stocker les déchets sur le site même de production, une situation provisoire, même si cela dure trente ou quarante ans, mais je songe à la séparation-transmutation, qui serait une réutilisation des colis de déchets ultimes pour produire de nouveau de l’énergie.

Comme le département de la Meuse veut à la fois concilier la garantie de la sécurité et l’opportunité éventuelle que représente la possibilité d’utiliser différemment ces déchets, nous avons toujours défendu le principe de la réversibilité. Ce principe, qui ne figurait pas dans la loi de 1991, est mentionné à l’article 3 de la loi du 28 juin 2006, qui a été adopté par les deux chambres du Parlement : la loi fait obligation de définir par la loi la réversibilité avant tout préalable à l’autorisation d’une activité de stockage. Car la réversibilité est une conception assez complexe.

La première idée de bon sens, c’est de dire que les colis de déchets doivent être récupérables. On voit bien ce que cela signifie : il faut pouvoir aller les rechercher là où ils sont, c'est-à-dire à moins 450 mètres, dans des galeries, et pouvoir, le cas échéant, les ressortir. La récupérabilité est un service minimum de la réversibilité.

Tout l’intérêt de cette proposition de loi, qui émane d’un travail collectif – je n’en suis pas l’auteur exclusif, tant s’en faut ! –, c’est de montrer que la réversibilité doit tenir compte de facteurs globaux liés à la construction même du site de stockage : en particulier la construction progressive, la flexibilité des installations – les installations doivent permettre de descendre les colis de déchets, mais aussi de les remonter –, le fractionnement des galeries pour pouvoir isoler progressivement telle ou telle partie du dépôt et les rouvrir pour la ressortir. Nous proposons donc une définition de la réversibilité très ouverte sur le plan technique, mais aussi sur les plans scientifique et sociologique.

Sur le plan scientifique, car il faut pouvoir les mettre en œuvre les éventuelles solutions à venir. Imaginez donc, la construction de ce laboratoire va durer plus de cent ans. Pendant cette période minimale, nous avons le devoir absolu de tirer les leçons de l’expérience concrète.

Le débat public qui a eu lieu en 2013 a fait ressortir une idée forte, venue de la base, à savoir une période expérimentale industrielle grandeur nature de cinq ans, afin de juger de l’efficacité du système.

Nous sommes donc dans une logique de partenariat, de transparence : un organisme public déconnecté de toute préoccupation en termes de réussite économique, l’ANDRA, des partenaires exigeants, l’Autorité de sûreté nucléaire, la Commission nationale d’évaluation, et, naturellement, l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, sur le plan technique, avec une dimension internationale, l’application de directives européennes, le partenariat avec Euratom, mais également avec l’Agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire. Nous sommes dans un système ouvert et transparent. Et, sur le plan sociologique, la réversibilité est la conséquence de cette transparence : elle doit pouvoir être possible à tout instant.

Un dernier point : la réversibilité doit être soutenue d’un point de vue économique. À cet égard, je salue l’initiative du Gouvernement d’avoir fixé un premier coût d’objectif du projet Cigéo. Mais il est évident qu’il y a un lien entre l’activité nucléaire productrice d’énergie et de chiffre d’affaires, et donc productrice de marges permettant de financer le stockage et l’évolution de celui-ci, étant donné qu’elle finance la recherche, et ce texte sur la réversibilité.

Nous voici donc au début d’une phase de responsabilité au cours de laquelle, grâce à l’adoption de cette proposition de loi, préalable à la demande préalable de création, la DAC, le projet va pouvoir être lancé. Un nouveau rendez-vous législatif interviendra ensuite, en sorte que cette question d’une gravité exceptionnelle sera en permanence sous le contrôle du Parlement. Nous y reviendrons tout à l’heure lors du débat sur les amendements.

Je ne veux pas conclure sans remercier celles et ceux de nos collègues qui participent à cet exercice de responsabilité. Nous savons produire de l’électricité, mais nous savons également en assumer les conséquences ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Rémy Pointereau, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que MM. Yves Détraigne et Christian Namy applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je félicite Gérard Longuet pour sa sérénité, son pragmatisme et pour le talent pédagogique dont il a une nouvelle fois fait preuve.

Il nous revient cet après-midi, en nous prononçant sur la proposition de loi déposée par lui-même et Christian Namy, de statuer sur l’opportunité de poursuivre le projet Cigéo de stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde à Bure, entre la Meuse et la Haute-Marne.

Cette proposition de loi est la dernière étape du long processus de lancement du projet Cigéo, ouvert par la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Cette loi, qui a retenu le stockage en couche géologique profonde comme solution de gestion à long terme des déchets radioactifs, a eu deux conséquences principales : elle a lancé le projet Cigéo ; elle a imposé que ce stockage soit réversible, et que les conditions de la réversibilité soient définies dans une loi ultérieure, dont l’adoption serait le préalable au lancement du chantier de stockage profond. En application de cette loi, une nouvelle autorisation législative est donc nécessaire à la poursuite du projet. Or nous disposons aujourd’hui de tous les éléments nous permettant d’adopter un nouveau texte.

Un débat public a été organisé en 2013 sur le projet Cigéo par la Commission nationale du débat public, dont l’une des conclusions principales fut l’idée d’un nouveau jalonnement du projet, intégrant une étape de stockage pilote : c’est seulement à l’issue de cette étape que la décision de poursuivre la construction du stockage et de procéder à son exploitation courante pourrait être prise. L’objectif est de tester la faisabilité des conditions de stockage et, le cas échéant, de les adapter, notamment pour ce qui est de la technique de descente des containers.

Ce débat a également permis de définir la notion de réversibilité ; ce principe, dont la loi a fait une condition de la réalisation du projet, sera à n’en pas douter au centre de nos discussions.

En effet, la réversibilité est la clé de la proposition de loi. Elle ne doit pas être entendue comme un synonyme de récupérabilité : elle désigne la capacité à offrir à la génération suivante des choix sur la gestion à long terme des déchets radioactifs, qu’il s’agisse de sceller les ouvrages de stockage ou de récupérer les colis de déchets. Cette réversibilité est assurée notamment par les caractéristiques du développement du stockage, qui est progressif et flexible – un terme employé à propos d’un autre texte actuellement soumis au Parlement… (Sourires.)

M. Jean-Pierre Bosino. Dans le cadre duquel il est nettement moins bienvenu !

M. Michel Raison, rapporteur. Au reste, ce vocabulaire est peut-être mal choisi.

Sur la base des conclusions des travaux de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, et du débat public de 2013, plusieurs tentatives ont été faites ces dernières années, dans le cadre de différents véhicules législatifs, pour relancer le projet Cigéo. Je pense au projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte et au projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dit projet de loi Macron. Aucune de ces tentatives n’a abouti. C’est pourquoi nous devons nous réjouir que le Sénat prenne aujourd’hui l’initiative et qu’il assume ses responsabilités dans un dossier crucial.

Le sujet est indiscutablement des plus délicats, mais la proposition de loi apporte une réponse pragmatique aux enjeux auxquels nous sommes confrontés, pour le coup, sans réversibilité, puisque les Présidents de la République successifs et les différentes majorités parlementaires ont fait le choix du nucléaire ; l’existence de déchets est donc une donnée, et il faut bien les traiter.

Plus précisément, la proposition de loi apporte quatre modifications principales à la loi du 28 juin 2006 : la définition de la notion de réversibilité, le lancement d’une phase industrielle pilote qui marquera le début de l’exploitation industrielle du site, l’adaptation de la procédure d’autorisation et celle du calendrier initialement prévu en 2006.

En premier lieu, la proposition de loi définit la réversibilité comme « la capacité, pour les générations successives, à revenir sur des décisions prises lors de la mise en œuvre progressive d’un système de stockage ». En d’autres termes, la réversibilité doit permettre à tout moment de réévaluer les choix de gestion et, le cas échéant, de les adapter. Le dispositif prévoit que la mise en œuvre du principe de réversibilité fera l’objet de revues périodiques, au moins une tous les dix ans ; nous aurons l’occasion de revenir sur cette durée lors de l’examen des amendements.

En deuxième lieu, la proposition de loi prévoit, conformément aux attentes exprimées lors du débat public organisé en 2013, que l’exploitation du centre de stockage Cigéo débutera par une phase industrielle pilote, permettant notamment de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l’installation au moyen d’un programme d’essais in situ. Les colis de déchets devront rester aisément récupérables durant cette première phase.

La phase pilote fera l’objet d’une autorisation de mise en service restreinte. L’autorisation de mise en service pour les phases ultérieures ne pourra être accordée qu’après la promulgation d’une loi élaborée sur la base d’un rapport de l’ANDRA exposant les résultats de la phase industrielle pilote. Vous voyez, mes chers collègues, qu’on ne propose pas au législateur de signer un chèque en blanc pour la poursuite du projet Cigéo ! D’autres échéances législatives sont prévues, et la phase pilote nous garantit simplement l’identification précoce des problèmes, ainsi que, évidemment, la réalisation des ajustements nécessaires. (M. Gérard Longuet opine.)

En troisième lieu, enfin, l’article unique de la proposition de loi adapte le calendrier de mise en œuvre du projet.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté, sur l’initiative des auteurs de la proposition de loi, trois amendements procédant à des ajustements de rédaction. En effet, le texte déposé, qui figurait déjà dans l’avant-projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, était un peu daté, l’ANDRA ayant mené de nombreux travaux pour préciser le projet, en particulier le concept de réversibilité.

Pour finir, je tiens à souligner que le débat de cet après-midi n’oppose pas les pro-nucléaires aux anti-nucléaires (M. Ronan Dantec s’exclame.) : il s’agit, sans préjuger les choix de politique énergétique à venir, d’assurer la gestion des déchets radioactifs existants. Au demeurant, peut-être le Parlement débattra-t-il un jour du recyclage des panneaux photovoltaïques ou de l’approvisionnement en silicium… Car ne croyons pas que toutes les autres énergies sont simples à gérer !

La directive Euratom du 19 juillet 2011 nous impose de mettre en place un stockage des déchets radioactifs dans des installations appropriées qui serviront d’emplacement final, et non de lieu de stockage provisoire. Le simple entreposage des déchets, pratiqué par exemple à La Hague, ne peut donc constituer qu’une solution provisoire : il ne s’agit pas d’une alternative au stockage.

Quant au stockage à faible profondeur, Areva considère qu’il ne pourrait lui aussi qu’être provisoire ; sans doute ne s’agit-il que d’un avis, qui n’est pas forcément partagé dans tous les pays du monde, mais, sans faire une confiance aveugle aux scientifiques, comme l’a dit Gérard Longuet, on peut constater qu’Areva est reconnu comme l’un des principaux spécialistes mondiaux du nucléaire, voire le meilleur.

Pour autant, il nous faut nous prononcer avec humilité et prudence sur ces questions à la fois très techniques et à haut risque. De ce point de vue, le texte issu des travaux de notre commission offre de nombreuses garanties.

Premièrement, la phase industrielle pilote permettra de mesurer concrètement la faisabilité du projet et de tester les options de récupérabilité des colis de déchets.

Deuxièmement, la réversibilité impose un développement très progressif du stockage permettant de réévaluer régulièrement les choix opérés.

Troisièmement, le projet est placé sous le contrôle permanent de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs et soumis à l’autorisation de l’Autorité de sûreté nucléaire.

Quatrièmement, la proposition de loi impose un droit de regard du Parlement en prévoyant un jalonnement législatif à chaque étape de développement.

Compte tenu de ces dispositions très sécurisantes, notre commission a adopté la proposition de loi à la quasi-unanimité.

Mes chers collègues, l’autorisation législative qu’il vous est proposé d’accorder constitue une responsabilité incontournable pour assumer les choix énergétiques passés – et présents, car le nucléaire existe toujours, jusqu’à preuve du contraire ! – et pour permettre aux générations futures de conserver leur liberté de choix.

Je vous invite donc à adopter la proposition de loi, afin de permettre la poursuite du projet Cigéo dans des conditions garantissant à la fois la sûreté des installations, la réversibilité des choix opérés et un droit de regard final du Parlement. En agissant rapidement, nous prendrons nos responsabilités par rapport aux conséquences de nos choix énergétiques passés et nous faciliterons les choix des générations suivantes. C’est une affaire d’éthique et de continuité de l’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Rémy Pointereau, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que Mme Nelly Tocqueville et M. Jean-Jacques Filleul applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au début de la discussion de cette proposition de loi, il me paraît utile de la replacer dans le travail de long terme mené depuis plus de vingt ans en matière de gestion des déchets nucléaires.

Je salue l’initiative que vous avez prise, monsieur Longuet, en liaison avec l’ensemble des députés et sénateurs qui ont travaillé sur ce sujet. En effet, la proposition de loi que vous présentez constitue une étape importante d’un processus de long terme, qui dépasse les clivages politiques et relève directement de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures – un processus que le Gouvernement a également initié dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la France a fait le choix stratégique de l’énergie nucléaire en se dotant progressivement d’un parc de cinquante-huit réacteurs qui lui assurent la production d’une électricité décarbonée et compétitive.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. La filière d’excellence qui s’est structurée autour de ce choix a permis le déploiement d’installations industrielles productives et sûres, sous le contrôle permanent de l’État et des autorités de sûreté. Le maintien de l’énergie nucléaire comme une composante essentielle de notre production d’électricité a été confirmé dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui a fixé l’objectif de 50 % d’énergie nucléaire dans notre mix électrique à l’horizon de 2025.

Or nous savons tous que l’énergie nucléaire produit des déchets dont il nous faut assumer la gestion sur le long terme. Afin d’assumer pleinement les conséquences de cette orientation stratégique déterminante, la France s’est dotée d’un cadre législatif pour la gestion des déchets radioactifs par la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, dite loi Bataille. Cette loi a notamment fixé des axes de recherches pour la gestion à long terme des déchets les plus radioactifs : les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue.

Ces déchets, principalement issus de l’exploitation des réacteurs nucléaires de production d’électricité, représentent environ 3 % du volume de l’ensemble des déchets radioactifs, mais 99 % de la radioactivité totale que ceux-ci contiennent. La loi Bataille a instauré un cadre de gestion responsable de ces déchets à la fois par le Gouvernement et par le Parlement ; elle représente un enjeu essentiel de responsabilité de nos générations vis-à-vis des générations futures.

L’un des axes de recherche identifiés par la loi Bataille pour les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue est le stockage en couche géologique profonde. Les études dans ce domaine ont été confiées à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, établissement public créé par cette même loi et indépendant des producteurs de déchets.

Pour mener ses recherches sur le stockage de ces déchets, l’ANDRA a créé un laboratoire souterrain à Bure, dans le sud du département de la Meuse, à quelques centaines de mètres du département de la Haute-Marne. C’est dans la couche argileuse, située à 500 mètres de profondeur et âgée de 160 millions d’années, retenue pour ses propriétés de confinement de la radioactivité sur de très longues échelles de temps, que l’ANDRA a étudié la faisabilité du stockage de ces déchets.

En 2005, après quinze ans de recherches, l’ANDRA a remis au Gouvernement un rapport établissant la faisabilité industrielle du stockage des déchets dans la zone investiguée. Après évaluation de ces travaux scientifiques par la Commission nationale d’évaluation et par l’Autorité de sûreté nucléaire et au terme d’un débat public national, la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a retenu le stockage en couche géologique profonde comme solution de référence pour la gestion à long terme de ces déchets.

L’option retenue par la France en 2006 a d’ailleurs été confortée au niveau européen par la directive Euratom du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs, qui préconise le stockage géologique profond pour ce même type de déchets.

La loi du 28 juin 2006 confie à l’ANDRA le soin de concevoir et de préparer l’implantation d’un centre de stockage à proximité du laboratoire de Bure, où, parallèlement, les recherches en cours seront poursuivies.

Ce projet industriel d’envergure, nommé Centre industriel de stockage géologique, ou Cigéo, est prévu au centre de la région Grand Est, qui accueille depuis plus de quarante ans des installations importantes de l’ANDRA pour la gestion d’autres types de déchets radioactifs. Il aura un effet d’entraînement économique fort pour ce territoire.

La loi du 28 juin 2006 impose à l’ANDRA une caractéristique décisive pour la conception de son stockage : celui-ci doit être réversible. Elle prévoit qu’une loi nouvelle doit définir les conditions de cette réversibilité.

Ce complément que le législateur doit apporter à son travail de 2006 peut aujourd’hui bénéficier de dix années d’études supplémentaires, ainsi que des conclusions du second débat public national organisé sur ce projet, qui s’est tenu en 2013. Préciser le cadre dans lequel l’ANDRA doit poursuivre ses études permettra de rendre plus robuste le dossier de demande d’autorisation de création de Cigéo et fiabilisera la mise à disposition d’une solution de gestion pérenne et sûre.

La présente proposition de loi apporte les compléments prévus par la loi de 2006 : elle précise la notion de réversibilité applicable à Cigéo ; elle instaure une phase industrielle pilote au démarrage de l’installation, conformément aux conclusions du débat public de 2013 ; elle prévoit plusieurs dispositions techniques nécessaires à la poursuite du projet, notamment en ce qui concerne la maîtrise foncière, et aménage son calendrier pour mieux correspondre aux conditions de mise en œuvre du projet.

Ce texte n’est cependant en rien une autorisation du projet : celle-ci, qui n’interviendrait pas avant 2021, serait délivrée par décret en Conseil d’État après une instruction technique de l’Autorité de sûreté nucléaire, un avis de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, des collectivités territoriales concernées et de la Commission nationale d’évaluation et une enquête publique.

Cette autorisation permettra la réalisation de la phase pilote au cours de laquelle la démonstration de la sûreté de l’exploitation devra être pleinement apportée par l’ANDRA. Les résultats de la phase industrielle pilote feront l’objet d’un rapport de cet organisme, d’un avis de la Commission nationale d’évaluation et d’un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, transmis pour examen à l’OPECST. Si le rapport de l’OPECST en confirme la pertinence, le Gouvernement pourra alors déposer un projet de loi précisant les conditions du passage à l’exploitation courante du centre de stockage.

C’est au terme de l’analyse des résultats de la phase industrielle pilote que l’Autorité de sûreté nucléaire pourra délivrer l’autorisation de mise en service complète de l’installation, dont le caractère réversible sera réévalué tous les dix ans.

Le Gouvernement souscrit pleinement à la démarche des parlementaires d’horizons politiques différents qui proposent depuis plus d’un an des dispositions permettant de préciser les conditions de la poursuite du projet Cigéo.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons être fiers du dispositif élaboré en France depuis 1991 pour la gestion sûre et responsable de nos déchets radioactifs ; il marque notre souci de responsabilité vis-à-vis des générations futures. (M. Charles Revet opine.)

La présente proposition de loi complète et précise utilement ce dispositif. Aussi le Gouvernement la soutient-il sans réserve ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Namy.

M. Christian Namy. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi et que nos collègues Gérard Longuet et Michel Raison ont déjà largement présentée constitue une adaptation de la loi du 28 juin 2006, après le débat public de 2013, sur lequel, du reste, les avis divergent.

Compte tenu des enjeux locaux, il est important que cette proposition de loi soit défendue par les deux sénateurs de la Meuse et soutenue par nos collègues de la Haute-Marne, ainsi que par vous tous. C’est à la fois un symbole de l’intérêt général porté à ce dossier et un signe que le territoire tout entier s’engage derrière le projet Cigéo, même si, aujourd’hui, nous ne disposons pas de toutes les réponses qui permettraient une adhésion totale de notre territoire.

Je ne reviendrai pas sur les aspects techniques du stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs, ni sur la définition même de la réversibilité ; notre collègue Gérard Longuet en a parfaitement traité. Je soulignerai simplement que la réversibilité est une condition nécessaire pour laisser aux générations à venir la possibilité de faire des choix sur ces déchets. Être capable de faire des choix, laisser la possibilité de revenir sur ceux-ci ou bien de les conforter : c’est bien cela, le développement durable ; c’est s’inscrire dans le long terme sans jamais préjuger l’avenir.

Je souhaite également vous mettre en garde au sujet de la définition de la réversibilité. Il faut que celle-ci soit bien réelle, et non de façade. Je rejoins ainsi de nombreuses interrogations, qu’il faut savoir entendre.

Que l’on soit favorable ou non au développement de l’énergie nucléaire, ces déchets existent. Ils proviennent non seulement des centrales nucléaires, mais aussi de divers autres secteurs, notamment de la défense et de la santé. (M. Jacques Mézard opine.) En soi, nous pouvons être fiers de travailler au stockage de ces déchets, une opération qui nécessite des investissements importants pour les cent, voire cent cinquante années à venir.

La France, championne du nucléaire, doit être aussi la championne du retraitement et du stockage des déchets, d’autant qu’il s’agit de véritables filières économiques, que nous devons encore développer et conforter ; des milliers d’emplois industriels et de recherche sont concernés par ce secteur porteur pour notre pays.

Madame la secrétaire d’État, je regrette l’absence au banc du Gouvernement de la ministre chargée de l’énergie ; j’y vois une preuve supplémentaire de son désintérêt pour ce dossier. En revanche, compte tenu de mes propos à venir, votre présence devrait nous permettre d’obtenir des réponses aux questions liées au développement économique, en particulier à l’économie locale dans le département de la Meuse et son voisin. C’est sur cet aspect que je concentrerai la suite de mon intervention.

Les gouvernements successifs ont pris des engagements en matière d’accompagnement économique des territoires concernés par l’installation du centre de stockage des déchets. Cette contrepartie économique figurait même dans la loi Bataille de 1991. Il s’agissait alors de marquer la reconnaissance de la Nation pour les territoires participant aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité à vie longue.

Or force est de constater que cet accompagnement économique, pourtant promis, est bien maigre. Je le regrette, nous le regrettons vivement.

Les différents acteurs – EDF, le CEA et Areva – s’étaient engagés à créer des emplois sur notre territoire, mais ils n’ont rien fait, ou du moins ils ne l’ont pas fait assez. Seule EDF tient en partie ses engagements. Au total, tout cela est bien insuffisant.

Gérard Longuet a rappelé tout à l’heure l’adhésion des départements de la Meuse et de la Haute-Marne à ce projet. Christian Bataille, dont je salue la fille, présente dans notre hémicycle, avait proposé un large soutien au développement économique local en accompagnement du projet.

Seulement voilà : aujourd’hui, le laboratoire de Bure fournit un peu moins de deux cents emplois, dont 40 % proviennent d’emplois locaux. C’est bien, mais largement inférieur à ce que l’on pourrait attendre.

Dans le cadre du comité de haut niveau installé en 2005 par Patrick Devedjian, alors ministre de l’industrie, les trois producteurs de déchets radioactifs se sont engagés en faveur du développement économique local, via l’accès des entreprises locales à leurs appels d’offres et le soutien aux projets économiques. Ils se sont également engagés en faveur du développement énergétique, par le biais du soutien aux projets des particuliers et des établissements publics pour la maîtrise de l’énergie et la valorisation de la filière biomasse. Je ne suis pas convaincu que toutes ces actions soient réellement mises en œuvre, alors qu’elles sont nécessaires à l’acceptation du projet d’enfouissement.

Pour progresser dans ce domaine, il me semblerait nécessaire de réunir ce fameux comité de haut niveau, afin de redéfinir les possibilités pour chacun de concrétiser cet accompagnement économique. En effet, ce comité, chargé de renforcer et de coordonner les efforts dans ce domaine, n’a pas été convoqué depuis plus de deux ans, malgré les demandes réitérées des élus nationaux des deux départements de la Meuse et de la Haute-Marne, et en dépit des différentes promesses que nous a faites la ministre Mme Ségolène Royal.

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Christian Namy. Or cette absence de réunion du comité n’incite absolument pas les industriels de la filière nucléaire à respecter leurs promesses d’accompagnement économique de nos départements. Madame la secrétaire d’État, comptez-vous réunir ce comité, et quand ?

Par ailleurs, du côté des structures publiques, étant donné l’importance du site de Bure, pourquoi, madame la secrétaire d’État, ne pas envisager d’installer une agence comme l’ANDRA directement sur le territoire ? Cette implantation apporterait des emplois de haut niveau dans une zone qui en a fortement besoin ; elle serait aussi un bon signe de décentralisation.

Les objectifs généraux qui ont été convenus en accompagnement du laboratoire sont les soutiens au développement durable, au renforcement du potentiel scientifique local et au développement industriel et économique, ainsi qu’à la protection et à la valorisation de l’environnement dans une perspective d’insertion du laboratoire. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous faire le point sur les engagements de l’État en ce qui concerne ces différents axes d’accompagnement du territoire ?

J’imagine que vous ne pourrez pas répondre à toutes ces questions cet après-midi ; mais n’est-ce pas le moment de relancer un dialogue constructif entre nous ? Ce dossier ne devrait-il pas être suivi par le ministre chargé de l’industrie, comme cela fut le cas auparavant, plutôt que par celui qui est chargé de l’énergie, qui le refuse aujourd’hui ?

Vous l’aurez compris, j’ai à cœur, nous avons à cœur de défendre nos deux départements et leurs habitants. J’ai à cœur, nous avons à cœur, de les accompagner pour construire l’avenir, en ce qui concerne la réversibilité, mais aussi leur développement économique.

Je suis sûr que mon collègue Bruno Sido, avec qui j’ai fait avancer le dossier Cigéo, lui étant président du conseil général de la Haute-Marne et moi président du conseil général de la Meuse, et tous deux étant totalement en phase sur les objectifs, s’exprimera lui aussi en faveur des intérêts de son territoire. Nous avons toujours fait cause commune sur la gestion de ce dossier.

Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que mon groupe soutienne la proposition de loi. J’ajoute toutefois que l’État doit définir maintenant et clairement son action de soutien aux territoires par une forte incitation des opérateurs du nucléaire. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi à nouveau d’insister sur ce point, c’est une clause sur laquelle nous, élus locaux, ne pouvons transiger. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous entamons l’examen soulève une question essentielle, une question d’actualité dans notre pays depuis plusieurs années : quel mode de stockage des déchets nucléaires de longue vie choisir pour tenir compte au mieux des exigences très élevées de radioprotection et de sûreté de nos concitoyens et des générations futures, dans l’état actuel des connaissances ?

Dans un premier temps, je tiens à souligner que nous souscrivons au propos de M. le rapporteur : la recherche d’une solution de gestion des déchets radioactifs ne constitue pas par elle-même un moyen de pérenniser le recours à l’énergie nucléaire.

Ce dont il est question cet après-midi, c’est avant tout de la gestion des déchets passés et présents. Je rappelle que, en 2013, la France totalisait 1,4 million de mètres cubes de déchets radioactifs, dont environ 47 000 mètres cubes de déchets à vie longue et haute activité.

Même si la question des déchets futurs se posera aussi, évidemment, quand bien même il y aurait une évolution de notre mix énergétique avec une réduction de la part du nucléaire, ce dont il est question aujourd’hui, c’est de prendre nos responsabilités en mettant fin à un attentisme qui dure depuis trop longtemps.

Aucune solution satisfaisante n’a jusqu’à présent été trouvée pour éliminer les déchets radioactifs ni même pour réduire les risques qu’ils présentent, jusqu’à des centaines de milliers d’années pour certains d’entre eux. C’est pour cela que nous nous devons d’agir.

Nous pensons qu’il est essentiel de poser le principe de la phase industrielle pilote, qui verra le début de l’exploitation du site Cigéo. Il ne s’agit pas seulement de choix techniques dont les avantages et les inconvénients pourraient être discutés à l’infini, il s’agit aussi d’un choix politique. Un choix qui accompagne d’autres choix : celui du retraitement, de la valorisation du mox, du positionnement en matière de recherche, etc. C’est un choix politique en termes d’évaluation des risques et des priorités mises en avant pour assurer une meilleure sécurité et une prévention accrue des risques futurs. Ce n’est peut-être pas la meilleure solution, mais c’est sans doute la plus sûre à l’heure actuelle. Rappelons qu’au cours des vingt-cinq dernières années l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a publié dix rapports sur la question spécifique des déchets radioactifs, c’est-à-dire en moyenne un tous les trois ans !

Enfin, aujourd’hui, pour reprendre les termes d’un opposant au projet Cigéo : « Les immenses piscines de La Hague, en particulier, ont des toits qui ne sont pas plus solides que celui de ma maison et qui ne résisteraient pas à l’attaque d’un drone. » C’est pourquoi il nous semble opportun d’engager ce projet.

La proposition de loi donne, selon nous, une définition satisfaisante de la réversibilité, en précisant aussi la notion de récupérabilité et assure une intervention législative avant le lancement de la phase industrielle globale. C’est une bonne chose, car il s’agit justement de tester la récupérabilité des colis.

Toutefois, nous regrettons pour notre part la faiblesse de la concertation publique et de l’ensemble des parties prenantes, comme le proposait l’ANDRA à la suite du débat public - mon collègue Patrick Abate reviendra sur ce point crucial lors de la défense de l’amendement que nous avons déposé dans le sens d’une plus grande concertation, information et transparence, tant dans le plan directeur de l’exploitation que dans la périodicité de la revue de mise en œuvre du projet. En effet, si le risque est toujours présent, car il est intrinsèquement lié à la notion de déchets radioactifs, la perception de la menace qu’il représente ne pourra être atténuée que s’il y a une transparence totale à toutes les étapes du projet.

La gestion des déchets nucléaires représente un défi sans précédent qui requiert l’obtention d’une discipline et d’une vigilance de la société sur des durées bien plus longues que celles qu’ont connues les organisations humaines à ce jour.

C’est pourquoi, en plus du refus de l’opacité qui a trop longtemps prédominé dans la question nucléaire, il est déterminant de garantir l’indépendance de l’ANDRA, mais aussi de tous les acteurs publics - l’ASN, l’IRSN - qui interviendront dans ce projet, par des financements publics pérennes.

C’est pourquoi aussi nous sommes confortés dans l’idée qu’il faut une maîtrise publique du nucléaire dans toutes ses dimensions civiles et militaires, et de tous les acteurs, d’EDF à Areva, avec pour seul objectif, pour ces entreprises, non pas la rentabilité financière, mais la réponse aux besoins de notre pays, de nos concitoyens, une responsabilité sociétale.

Enfin, ne nous trompons pas : ce projet est un projet d’envergure, sur un temps très long qui nécessitera un financement très important aujourd’hui supporté notamment par les producteurs de déchets nucléaires via la taxe pour les recherches et études sur l’entreposage et le stockage des déchets. C’est la raison pour laquelle il faut initier le projet Cigéo aujourd'hui. De plus, les pays qui ont abandonné l’idée d’un stockage en couche géologique profonde l’ont souvent fait pour des questions budgétaires à court terme et non pour des questions environnementales. Nous pensons qu’il ne faut pas commettre les mêmes erreurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

MM. Bruno Sido et M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.

Mme Nelly Tocqueville. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre Haute Assemblée est tenue aujourd’hui d’examiner la « proposition de loi précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue ».

La complexité de cet intitulé n’a d’égale que la gravité du sujet que nous traitons en cet instant.

Cette proposition de loi, nous le savons, reprenait dans sa version initiale le texte déposé par plusieurs députés socialistes sur le bureau de l’Assemblée nationale en novembre 2015. Elle portait le même intitulé, et ses dispositions étaient quasi identiques, ce qui, manifestement, démontre le caractère consensuel et transpartisan de ce texte.

D’ailleurs, comme il est noté par ses auteurs, à l’Assemblée nationale, et repris par l’actuelle proposition de loi, depuis la loi Bataille de 1991, en passant par la loi de 2006, le dossier de la gestion des déchets radioactifs a été traité avec une remarquable continuité politique, et ce aussi bien par les gouvernements successifs que par la représentation nationale.

Nous le savons, le texte a maintes fois été déposé, et ce sous diverses formes, qu’il s’agisse d’un article de l’avant-projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, ou d’amendements à l’occasion de l’examen de ce même texte ou encore de celui du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Toutes et tous, nous nous rejoignions sur un même point : le sujet était d’une importance telle qu’il devait faire l’objet d’un texte particulier, afin que la représentation nationale puisse disposer d’un temps suffisant pour en débattre.

La loi de 2006 a décidé de la construction, à Bure, aux limites de la Meuse et de la Haute-Marne, d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde, communément appelée Cigéo, destinée aux déchets radioactifs à haute et moyenne activité à vie longue.

Une directive de 2011 est venue conforter ce choix, puisqu’elle impose à la France, pour les déchets de ce type, de mettre « en place un stockage dans des installations appropriées qui serviront d’emplacement final ». Elle précise également que « l’entreposage des déchets radioactifs, y compris à long terme, n’est qu’une solution provisoire qui ne saurait constituer une alternative au stockage ».

Tout comme celle de nos collègues à l’Assemblée nationale, l’actuelle proposition de loi prévoit des ajustements du dispositif législatif mis en place en 2006, indispensables à l’avancement du projet Cigéo. Ceux-ci prennent en compte les recherches et études menées ces dix dernières années par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, ainsi que les conclusions du débat public, organisé en 2013, et qui a fait apparaître de nouvelles attentes des citoyens, notamment celle de la création d’une phase industrielle pilote.

Par ailleurs, en application de la loi de 2006, les conditions de réversibilité doivent être fixées par une nouvelle loi, votée avant l’autorisation de création de Cigéo.

Cette proposition de loi vise trois objectifs que mon groupe ne peut que partager.

Non seulement elle définit non seulement la notion de réversibilité relative au stockage de déchets radioactifs, mais elle précise également que l’exploitation de l’installation de stockage en couche géologique profonde doit débuter par la phase industrielle pilote. Enfin, elle adapte la procédure d’autorisation d’une telle installation et le calendrier du projet.

S’agissant du premier objectif, qui définit la notion de réversibilité, il est important de noter que celle-ci ne doit pas être confondue avec la notion de récupérabilité. Le principe de réversibilité, comme l’indique l’ANDRA, se caractérise par l’impossibilité d’enfermer les générations futures dans les choix ou non-choix que nous ferions à la conception.

La réversibilité du stockage désigne bien la capacité à offrir à la génération suivante des choix sur la gestion à long terme des déchets radioactifs, y compris ceux de revenir sur les décisions prises par la génération antérieure. Et, comme la proposition de loi l’indique, elle inclut « la possibilité » de récupérer des colis de déchets déjà stockés. La récupérabilité n’est donc qu’un outil de la réversibilité, comme le précise l’ANDRA.

Par ailleurs, toujours selon l’Agence, la récupérabilité est nécessairement limitée dans le temps. Cigéo est conçu pour permettre le retrait sur toute sa période d’exploitation, au moins cent ans.

Concernant la phase industrielle pilote, qui ouvrira l’exploitation industrielle du site, laquelle est l’expression d’une large demande formulée lors du débat public qui s’est tenu en 2013, celle-ci permettra de tester dans les conditions d’exploitation les outils de la réversibilité, tels que la maîtrise des risques, le contrôle des performances des équipements industriels, la capacité à retirer des colis de déchets de leur alvéole de stockage, ou encore la capacité à sceller les galeries.

Là encore, nous ne pouvons qu’adhérer à ce processus de phase industrielle pilote, d’autant plus qu’elle exprime une demande forte du public.

Enfin, il fallait encore adapter le calendrier de la loi de 2006 pour reporter la date d’instruction de la demande d’autorisation de création à 2018.

Mes chers collègues, le sujet que nous traitons aujourd’hui est difficile et sensible, nous le savons bien, mais il ne s’agit pas ici de se prononcer pour ou contre le nucléaire ni d’en débattre. Il ne peut qu’au contraire nous rassembler.

C’est un fait, le nucléaire est une source énergétique essentielle pour la France, et les déchets radioactifs qui résultent de son exploitation existent. Il s’agit désormais d’assumer notre responsabilité en la matière, notamment à l’égard des générations futures. C’est une nécessité éthique, cela a été dit, que de trouver les moyens de les gérer. Nous devions trouver et mettre en œuvre une solution afin de stocker ces déchets, et c’est ce que nous avons fait avec le projet Cigéo. Nous devons nous en féliciter. Cela permet d’assurer, pour les années à venir, la protection des hommes et de la planète.

Je tiens, par ailleurs, à préciser que cette solution fait consensus au niveau international. Comme l’indique l’ANDRA, bien que les concepts et les milieux géologiques choisis varient en fonction des pays, tous ceux qui utilisent l’énergie électronucléaire, tels que la Finlande, la Suède, le Canada, la Chine, la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou encore le Japon, retiennent le stockage géologique comme solution de gestion définitive et sûre, à long terme, de leurs déchets. (M. Ronan Dantec hoche la tête en signe de dénégation.)

Bien entendu, la solution que nous examinons n’est pas la solution ultime et, pour cette raison, il faut poursuivre les recherches et inciter à l’innovation.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe socialiste du Sénat votera pour ce texte, mais nous serons attentifs à la transparence et à l’association du public à toutes les étapes, de la création à la gestion du site. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur l’auteur de la proposition de loi, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, Keynes, un peu provocateur, a écrit un jour : « Mieux vaut encore employer des gens à creuser des trous et à les reboucher, plutôt que plonger dans la récession et laisser le chômage s’installer ». Je ne pensais pas que nous débattrions un jour d’une proposition de loi de Gérard Longuet en hommage à l’un des grands théoriciens économiques de la gauche, ou à tout le moins d’une partie de la gauche…

Nous vivons aujourd’hui un moment historique, et pas seulement parce que Gérard Longuet se convertit au keynésianisme. Pour la première fois, l’une des économies majeures de la planète a vu la quasi-totalité de sa consommation électrique couverte par une production d’énergie renouvelable. Le 8 mai, à onze heures du matin, les quelque 50 gigawatts de consommation de l’Allemagne furent presque totalement couverts par cette production renouvelable, dont plus de 16 gigawatts de solaire.

M. Bruno Sido. Cela a coûté une fortune !

M. Ronan Dantec. Cela a d’ailleurs un peu désorganisé le réseau, et la surproduction était telle que les électriciens ont payé pour écouler leur production. Cet événement ouvre sur d’autres débats, et j’espère que nous les aurons.

Face à ce fait qui montre à quel point la transition énergétique est engagée en Europe, à quel point son inéluctabilité doit amener à revoir nos modèles, nous devrions, au Parlement, être en train de discuter de notre stratégie pour ne pas rater le train du progrès, avoir en tête les centaines de milliers d’emplois créés en Allemagne et soupeser cette stratégie pour que notre modèle énergétique, fleuron français s’il en est, ne soit pas marginalisé dans ce gigantesque marché mondial des énergies renouvelables en fort développement.

Je souligne en effet que les investissements en production électrique renouvelable ont mobilisé, en 2015, dans le monde, 286 milliards de dollars, soit plus du double de ceux qui ont été réalisés dans les centrales à charbon ou à gaz, et je ne parle évidemment pas des investissements dans le nucléaire, insignifiants à l’échelle mondiale en comparaison de ces masses financières.

Cependant, au lieu de nous concentrer sur ces enjeux économiques essentiels, dans un déni collectif qui engendrera sans nul doute beaucoup de travaux d’historiens et de sociologues dans les prochaines années, nous utilisons aujourd'hui une niche parlementaire pour accélérer le creusement d’un trou, certes le trou le plus cher de l’histoire - 35 milliards d’euros à terme, dont 6 milliards très rapidement -, mais quand même un trou, investissement non productif s’il en est !

Ce monde est-il sérieux ? J’avoue parfois en douter ! Nous avons une filière nucléaire en quasi-faillite, avec une opération de sauvetage d’Areva qui se fissure comme une vieille cuve de chaudière. Nous avons une préoccupation collective majeure avec le surendettement connu d’EDF, à qui l’on demande, en plus d’Areva, de supporter les 13 milliards d’investissement des EPR de Hinkley Point, mais aussi la cinquantaine de milliards du grand carénage des centrales existantes, et maintenant la relance de Cigéo ! Tout cela dépasse allégrement les 100 milliards d’euros dans les prochaines années. Nul besoin d’être un ancien directeur financier d’EDF pour savoir que c’est tout à fait impossible !

On finit par se dire qu’il y a une volonté forte d’en finir avec le service public à la française, en organisant la faillite d’EDF. Nous aurons d’ailleurs noté voilà quatre jours la menace d’une nouvelle dégradation par Moody’s de la note d’EDF, fait très problématique pour un opérateur déjà très endetté. Bref, changeons de logiciel avant qu’il ne soit trop tard, et ce n’est pas du tout la logique de Cigéo.

Je ne vais donc pas vous surprendre en vous disant que le groupe écologiste votera contre cette proposition de loi.

M. Jean-Claude Lenoir. Il est bien le seul !

M. Ronan Dantec. Parmi tous les pays qui produisent de l’énergie nucléaire, la France est le seul à réellement miser sur le stockage en couche géologique profonde, même si les autres l’ont inclus dans l’éventail des possibilités, alors que l’état actuel de la recherche ne permet pas de répondre à toutes les questions posées par cette technologie.

Les retours d’expérience montrent que la meilleure alternative aujourd’hui, ou la moins mauvaise en tout cas, car les écologistes se soucient, peut-être plus que d’autres, des déchets nucléaires, est clairement le stockage à sec en subsurface, qui est d’ailleurs l’un des trois axes de recherche identifiés par la loi Bataille de 1991. Cette technologie est aujourd’hui utilisée en Allemagne et aux États-Unis ; elle garantit une solution de stockage pendant des centaines d’années et répond évidemment à l’exigence de réversibilité. Elle coûte par ailleurs bien moins cher.

On joue beaucoup sur les mots en cette fin d’après-midi, notamment sur la réversibilité. Je suis désolé pour notre rapporteur, mais la réversibilité doit bien sûr être synonyme de récupérabilité, à tout moment, en cas d’accident ou si d’autres solutions de retraitement émergeaient plus tard. Il ne peut pas en être autrement. C’est notre responsabilité à l’égard des générations futures. En proposer aujourd'hui une autre définition – je salue à cet égard la tentative du rapporteur pour rendre acceptable l’inacceptable – est en fait prononcer l’oraison funèbre de Cigéo.

Cette réversibilité relève aussi du bon sens pour éviter de se retrouver avec des factures gigantesques en cas de problème. Citons l’exemple du centre de stockage Waste Isolation Pilot Plant, ou WIPP, situé au Nouveau-Mexique, aux États-Unis, projet suspendu depuis deux ans à la suite d’un incendie et à l’émission de fortes doses de plutonium. Même fiasco pour le centre de stockage d’Asse en Allemagne, où la mine de sel, qui devait être totalement étanche, s’est retrouvée rongée par les infiltrations. Dans ces exemples, les coûts s’annoncent faramineux pour récupérer les déchets déjà entreposés.

Au moins, je reconnais à cette proposition une honnêteté, soulignée ce matin en commission par le rapporteur. En couche profonde, au vu des mouvements des couches d’argile, nous savons qu’au-delà de cinquante ans la récupération sera quasiment impossible. Nous nous apprêtons donc à lancer, après quelques auditions et deux heures de débat, un investissement de 35 milliards d’euros à terme pour des déchets qui seraient là pour des centaines de milliers d’années.

Tout cela n’est absolument pas sérieux et je propose, mes chers collègues, que nous reprenions nos esprits en repoussant cette proposition de loi, que nous vous demandons d’enterrer en couche géologique profonde à la place des colis de déchets nucléaires.

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas un sujet humoristique !

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai commencé ma carrière professionnelle en tant qu’inspecteur des installations nucléaires, c’est donc un domaine que je connais relativement bien. Je peux donc dire en toute connaissance de cause, en ce qui concerne tant les enjeux de sécurité que le bilan économique, que l’on doit être partisan du développement de l’énergie nucléaire en France.

Je pense que c’est un point très positif pour la nation. Le plan élaboré lorsque Pierre Messmer était Premier ministre fut une véritable réussite. Certes, je déplore au premier chef les aléas actuels de la filière nucléaire, mais ceux-ci résultent peut-être plus des erreurs de ceux qui en étaient chargés que du reste. C’est dans cet ordre d’idées que, dans mon département, je défends sans réserve et totalement l’existence de la centrale nucléaire de Cattenom, que certains pays voisins voudraient voir arrêtée.

Il est évident que le recours à l’énergie nucléaire produit des déchets. Cela étant, je suis tout à fait persuadé qu’au cours des cinquante prochaines années on trouvera des moyens de traiter les déchets nucléaires…

M. Charles Revet. C’est très probable !

M. Jean Louis Masson. … et que, d’une manière ou d’une autre, des solutions autres que celles dont nous disposons actuellement existeront. C’est précisément pour cette raison que, sur le long terme, la solution de l’enfouissement des déchets radioactifs n’est à mon avis acceptable que si elle est totalement réversible. Or ce que j’appelle la réversibilité implique bien évidemment la récupérabilité. Dans les domaines scientifique ou technique, le principe de réversibilité suppose de pouvoir revenir en arrière. Il y a donc une certaine hypocrisie à vouloir jouer sur le langage. Lorsque l’on s’adresse à des personnes mal informées, on leur dit : Ne vous en faites pas, c’est réversible. Je réponds : Non, avec le texte qui nous est soumis on fait exactement le contraire de la réversibilité, et ce n’est pas admissible !

Dans les années quatre-vingt-dix, les débats parlementaires à l’Assemblée nationale avaient longuement porté sur l’enfouissement des déchets radioactifs et des déchets chimiques. Les déchets radioactifs concernaient déjà le département de la Meuse et les déchets chimiques, les anciennes mines de potasse d’Alsace. Le Gouvernement annonçait alors ouvertement un enfouissement irréversible. Aujourd'hui, on nous propose exactement la même chose, mais en le qualifiant de réversible : on nous trompe sur les mots. Il ne faut pas se moquer du monde !

À l’époque – j’étais député –, j’avais d'ailleurs déposé un amendement prévoyant que tout enfouissement de produits chimiques ou de produits radioactifs devait être réversible. L’amendement avait été adopté, ce qui avait beaucoup chagriné le ministre d’alors, M. Strauss-Kahn, et cette disposition avait été inscrite dans la loi. Un an après, ce dernier avait incidemment supprimé toute notion de réversibilité au détour d’un nouveau texte. Rappelez-vous ce qui s’est passé ! On nous disait alors, qu’il s’agisse du chimique ou du radioactif : il n’y a pas de problème. Des produits chimiques, ceux contre lesquels on se battait pour la réversibilité comme on se battait pour la réversibilité dans la Meuse, ont été stockés dans les mines de potasse d’Alsace et il y a dix ans on s’est rendu compte de la véritable catastrophe qui a résulté du fait de la suppression de réversibilité. Cela a coûté les yeux de la tête, et la situation n’est toujours pas réglée, d’énormes problèmes se posent. Le fait que le stockage ne soit pas réversible serait un grand malheur pour la Meuse. Je parle français : si un stockage est réversible, on peut enlever les matières stockées. Je le répète, si un phénomène physique ou mécanique est qualifié de réversible, cela signifie que l’on peut toujours revenir en arrière.

Je respecte ceux qui sont pour le stockage irréversible.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean Louis Masson. J’en termine, monsieur le président. (Exclamations sur de nombreuses travées.)

M. Jean Louis Masson. En revanche, je considère qu’il n’est pas honnête, à tous les niveaux, de vouloir faire adopter un stockage irréversible en faisant croire qu’il est réversible.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au-delà des choix en matière de politique énergétique qui s’imposent à un instant donné en fonction de l’état des technologies, de leur coût et de leur acceptabilité sociale et environnementale, il revient à l’État de régler pour l’avenir les conséquences qui peuvent en résulter en faisant preuve de responsabilité et de prospective.

La proposition de loi qui nous est soumise et que nous voterons unanimement est un texte de responsabilité. (M. Jean-Claude Lenoir opine.) Ces déchets radioactifs existent et sont source de bien des débats depuis très longtemps. Certes, une partie de ces déchets aura une vie très longue et mettre des décennies à trouver des solutions par rapport aux centaines de milliers d’années pendant lesquelles ils produiront des effets peut sembler court, mais pour nos concitoyens qui vivent aujourd’hui et qui vivront demain, il est nécessaire que nous prenions des décisions.

La récente loi relative à la transition énergétique a acté la réduction de 75 % à 50 % de la part du nucléaire dans la production électrique de la France à l’horizon 2025. M. Ronan Dantec aurait préféré que ce soit 0 %…

M. Ronan Dantec. Non ! Vous êtes trop ambitieux !

M. Jacques Mézard. … mais nous ne partageons pas du tout ses conceptions.

Lorsqu’on parle du traitement des déchets radioactifs, il faut aussi être capable de regarder en arrière, et je ne puis me résoudre à oublier le gâchis qu’a représenté l’abandon du réacteur Superphénix.

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Yvon Collin. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. Il est toujours dramatique qu’un accord électoraliste mette en jeu des intérêts fondamentaux de la Nation.

M. Yvon Collin. Tout à fait !

M. Charles Revet. Cela a été d’une totale irresponsabilité !

M. Jacques Mézard. De surcroît, nous disposions d’un surgénérateur qui fonctionnait : Phénix (MM. Gérard Longuet, Ladislas Poniatowski et Jean-Pierre Vial opinent.), dont le bilan fut totalement positif.

M. Ladislas Poniatowski. C’est bien de le rappeler de temps en temps !

M. Jacques Mézard. Certes, il s’agissait d’une puissance de 400 mégawatts. La France, mes chers collègues, avait vingt ans d’avance en la matière.

M. Bruno Sido. Et elle a tout perdu !

M. Jacques Mézard. Cette avance considérable, nous l’avons perdue. Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais d’ailleurs que le Gouvernement nous indique sa position concernant la relance des réacteurs de quatrième génération, autrement dit la surgénération, sur laquelle nos techniciens et nos chercheurs sont performants, et qui présentent l’avantage de consommer une partie des déchets radioactifs.

M. Jacques Mézard. On ne nous dit pas quelles sont les conséquences, y compris économiques et financières, de la destruction programmée de Superphénix. Il est bon de se rappeler ce genre de choses, parce qu’il est important d’avoir une vision prospective moderne de ce que doit être la politique de la Nation en matière de recherche.

Je suis de ceux qui considèrent qu’il faut des énergies renouvelables. Les membres de notre groupe l’ont toujours dit. Nous ne sommes pas opposés à ces énergies.

M. Bruno Sido. Personne ne l’est !

M. Jacques Mézard. Nous considérons que la diversité est nécessaire pour garantir demain l’indépendance énergétique. En France, nous avons fait le choix du nucléaire, mais ce choix n’exclut pas les autres sources d’énergie !

Or, s’il fallait, aujourd’hui, mes chers collègues, construire des barrages pour fabriquer de l’électricité d’origine hydraulique – ceux-là mêmes qui appellent à l’arrêt du nucléaire vantent les éoliennes tout en créant des associations, sur le terrain, pour que ces dernières ne soient pas construites à tel ou tel endroit (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également. – M. Ronan Dantec manifeste son agacement.) –, nous n’en construirions aucun.

M. Bruno Sido. La bougie !

M. Jacques Mézard. Il y a même aujourd’hui des associations qui se créent pour lutter contre les champs photovoltaïques !

M. Jacques Mézard. La seule attitude sérieuse qui vaille, c’est l’optimisme, la confiance en l’avenir et dans les capacités de notre pays à innover et à être aux avant-postes en matière de recherche. On n’investit jamais assez dans la recherche !

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Jacques Mézard. Le texte dont nous débattons aujourd’hui a la particularité d’être « transcourants » : des parlementaires de droite comme de gauche y souscrivent. Et il ne s’agit pas d’angélisme ! Il est bon que, sur des sujets fondamentaux, nous soyons capables de nous rassembler et d’essayer de trouver des solutions.

Appeler à ne rien faire n’est jamais une bonne solution.

En l’occurrence, nous cherchons à avancer, tout en tenant compte de la nécessité de communiquer avec nos concitoyens, ce qui est essentiel. Que ces textes soient portés par des parlementaires issus des départements concernés est aussi un message de responsabilité.

M. Jacques Mézard. Dès lors, mes chers collègues, les membres du groupe du RDSE voteront cette proposition de loi de manière unanime, et avec conviction. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Mmes Nelly Tocqueville et Delphine Bataille, ainsi que M. Jean-Jacques Filleul applaudissent également.)

M. Ladislas Poniatowski. L’évocation du Superphénix a été appréciée !

M. Gérard Longuet. Il renaîtra de ses cendres…

Un sénateur du groupe Les Républicains. On n’aurait jamais dû fermer Phénix !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme mes collègues l’ont rappelé voilà un instant à cette tribune, ce débat est extrêmement important.

Il s’agit tout simplement de l’indépendance énergétique de notre pays, de l’indépendance de la France.

M. Jean-Claude Lenoir. En effet, l’indépendance suppose une maîtrise totale de l’aval du cycle nucléaire, depuis l’approvisionnement jusqu’à la production, la distribution de l’énergie produite, mais aussi la maîtrise du devenir des déchets nucléaires.

Y songer pour les générations à venir est une attitude particulièrement responsable.

Ce sujet important n’est pas que français : un certain nombre de pays étudient la question depuis longtemps. Comme cela a été dit, au-delà de la France, des laboratoires y travaillent en Suisse, en Belgique, en Suède. En dépit du projet avorté de Yucca Mountain, auquel ils ont dû renoncer compte tenu de conditions géologiques défavorables, les Américains considèrent que le stockage en profondeur est la seule solution. Ils ne sont pas les seuls : l’Agence internationale de l’énergie atomique et l’Union européenne l’ont elles aussi souligné.

Pour autant, aujourd’hui, peu de pays ont des projets de site de stockage. Pour mémoire, je rappelle qu’il s’agit de la Suède, de la Finlande et, bien sûr, de la France, à la différence notable que nous n’envisageons pas d’enfouir en profondeur exactement les mêmes déchets que les pays auxquels je me réfère, car, en France, les déchets sont retraités à La Hague. Autrement dit, 97 % des déchets produits sur notre territoire ne sont pas destinés à ces centres de stockage souterrains ; seuls 3 % des déchets sont concernés. S’ils étaient entreposés dans un lieu unique, les déchets ultimes accumulés depuis que nous produisons de l’électricité à partir du nucléaire occuperaient l’équivalent d’un bassin de natation olympique !

Rappelons, d’ailleurs, qu’il n’y va pas seulement de l’électricité. Le nucléaire intéresse également le monde médical (M. Yvon Collin opine.), qui produit quantité de déchets, qu’il faut à la fois retraiter et stocker.

La proposition qui nous est faite par Gérard Longuet et un certain nombre de nos collègues s’inscrit dans une démarche à la fois « cohérente » et « responsable », pour reprendre les mots prononcés par plusieurs intervenants appartenant à des groupes politiques différents.

La démarche est cohérente, compte tenu de l’histoire du dossier.

C’est dans les années quatre-vingt que deux commissions, présidées respectivement par Raimond Castaing et Jean Goguel, ont commencé à se pencher sur la question. Surtout, à la fin des années quatre-vingt-dix, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques s’est emparé du sujet. C’est alors que Christian Bataille, député, rapporteur de l’Office puis du projet de loi nourri des conclusions des travaux de l’Office, a pris des initiatives courageuses.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir. À l’époque, il s’agissait d’engager un processus de recherche sur le devenir de ces déchets. D’ailleurs, la loi du 30 décembre 1991 – adoptée, donc, par une majorité de gauche –, qui en est résultée, prévoyait la possibilité de solutions, réversibles comme irréversibles, et fixait un délai de quinze ans pour que cette notion de réversibilité, qui, aujourd’hui comme hier, est au centre du débat – elle le sera encore longtemps –, soit précisée par une loi.

Quinze ans plus tard, en 2006 donc, une loi, votée, cette fois, par une majorité de droite, a défini de façon beaucoup plus précise la notion de réversibilité et a engagé un processus visant à ce qu’un centre de stockage puisse faire l’objet d’une étude approfondie.

La démarche de nos collègues est aussi, je l’ai dit, responsable. Je veux saluer ici la responsabilité de nos collègues Bruno Sido et Gérard Longuet, qui ont porté ce dossier, ainsi que d’autres élus des deux départements de Haute-Marne et de la Meuse. Je n’oublie pas notre collègue Christian Namy, dont la contribution a également été particulièrement importante.

L’esprit de responsabilité dont ils ont fait preuve sur ce dossier perdure. Comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, une version du texte qui nous est proposé aujourd’hui a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, avec, entre autres signataires, des membres de la majorité socialiste. (M. Gérard Longuet opine.)

Si je suis impressionné par ce large consensus, à peine égratigné par quelques interventions isolées (M. Ronan Dantec fait un signe de dénégation), je m’interroge : dès lors que nous sommes tous d’accord, y compris le Gouvernement, avec cette proposition de loi, j’en déduis que le Gouvernement ou la majorité des membres de l’Assemblée nationale l’inscriront, une fois que nous l’aurons votée, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale,…

M. Jean-Claude Lenoir. … pour que ce texte entre en vigueur sans plus tarder.

D’une part, cette proposition de loi est attendue, en ce qu’elle permet de tirer les conséquences de la loi de 2006 et de respecter le processus qui a été engagé.

D’autre part, confortée et améliorée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, elle apporte des précisions extrêmement utiles à la notion de réversibilité, engage un processus industriel et rappelle un calendrier, qu’elle modifie légèrement, d’actions obligatoires pour le Gouvernement – l’actuel ou le suivant. Une série de rendez-vous seront donc organisés sur ce sujet majeur, ce qui assoit la crédibilité de notre maîtrise du cycle nucléaire.

Enfin, j’ajoute que les territoires où ce centre de stockage sera sans doute réalisé en attendent évidemment des bénéfices sur le plan économique, en termes d’emplois.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Jean-Claude Lenoir. Je voudrais en conclusion flétrir la formule choisie tout à l’heure par l’un d’entre nous. Il ne s’agit pas de faire comme en 1830 – car c’était la référence, mon cher collègue –, quand on voulait calmer le peuple qui grondait en lui faisant creuser des tranchées sur le Champ-de-Mars, puis en les lui faisant reboucher. Non, cher collègue, les travaux dont il est question ici démontrent une fois de plus la forte maîtrise dont notre pays fait preuve dans les domaines où la technologie est au rendez-vous.

Nous sommes aujourd’hui sans doute les seuls à posséder cette maîtrise – en tout état de cause, nous sommes les premiers à la posséder. Saluons à la fois les chercheurs, les ingénieurs ainsi que, je le dis avec beaucoup de sincérité, toutes celles et tous ceux qui, dans nos assemblées parlementaires, soutiennent, avec lucidité et détermination, cette vaste entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du RDSE. – Mmes Anne-Catherine Loisier et Delphine Bataille applaudissent également.)

(M. Jean-Pierre Caffet remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre discussion porte sur un champ très encadré et prévu de longue date par la représentation nationale : celle de l’autorisation du lancement d’une phase industrielle pilote de stockage de matières et déchets radioactifs, ainsi que la définition de critères, dont la réversibilité, rendant la mise en service complète possible.

Nous nous situons donc à une étape, certes cruciale, de la mise en œuvre d’une solution de long terme pour gérer ces déchets.

Quels que soient les choix énergétiques retenus, la question du stockage des matières et déchets de haute et moyenne radioactivité se pose.

Le rapport d’information de nos collègues députés Christophe Bouillon et Julien Aubert, remis en 2013 au nom de la mission d’information sur la gestion des matières et déchets radioactifs, mentionne ainsi, parmi différents scénarios énergétiques, que même « l’arrêt de la production électronucléaire et du traitement du combustible usé se traduirait […] par la nécessité de gérer un volume moindre de déchets HA et de déchets MA-VL [et de] devoir opérer le stockage des combustibles usés ».

Or, si la responsabilité qui nous incombe est nationale, puisqu’il s’agit de la gestion de nos propres déchets tout autant que de notre indépendance énergétique, la réponse de notre pays à la gestion des stocks de déchets nucléaires est bien le fruit d’une coopération étatique, scientifique, associative internationale, qui n’a pas cessé de s’intensifier depuis plus de quarante ans.

Je veux, à ce titre, rappeler que nous sommes liés par les traités européens. Je pense bien évidemment à Euratom, l’un des traités essentiels de l’Union européenne. Son préambule pose très clairement comme principe fondateur un souci d’établir les conditions de sécurité qui écarteront les périls pour la vie et la santé des populations. Nous sommes également régis par une exigence de transparence et d’information sincère à l’égard de nos partenaires européens, notamment en cas d’accident. Très concrètement, enfin, la Commission européenne dispose de la possibilité d’envoyer des inspecteurs sur les sites, quels qu’ils soient. Je suis de ceux qui déplorent que cette coopération n’aille pas encore plus loin.

La coopération internationale scientifique est, pour sa part, mobilisée de manière institutionnelle par des accords-cadres avec l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, et ses homologues. De manière plus générale, l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, est reconnue pour la qualité de ses expertises.

Enfin, et c’est là un point majeur, nous disposons du retour d’expérience de pays plus avancés dans la procédure définitive de création. Ainsi, la Finlande a donné le feu vert, le 12 novembre dernier, à la création d’un centre de stockage définitif sur le site d’Onkalo, alors que l’ouverture de Cigéo est envisagée pour 2025. Nous serons également regardés avec la même exigence par nos partenaires européens, l’Allemagne en tête.

J’ai été convaincu, sur la foi notamment de ces expériences internationales, par la nécessité de gérer en responsabilité, sur le long terme, les déchets les plus nocifs. Certes, l’entreposage en surface et en subsurface sont des solutions choisies par différents pays, comme les Pays-Bas ou, après l’échec de Gorleben, l’Allemagne, mais il s’agit de solutions d’attente, qui plus est nous paraissant trop risquées.

Pouvons-nous attendre ? Qu’attendons-nous réellement ? La séparation-transmutation continue d’être étudiée, notamment par les équipes de l’ANDRA, mais la technique produit elle-même des déchets qu’il n’est, à ce jour, pas possible d’éliminer. La création de centres de stockages internationaux n’est plus d’actualité. La recherche sur l’envoi de colis dans l’espace est aujourd’hui considérée comme aussi dangereuse que fantaisiste, tandis que l’hypothèse du stockage en mer est heureusement enterrée depuis 1993.

Devons-nous attendre ? Je ne le crois pas. Les garanties de sécurisation sur le long, voire le très long terme de ces sites entreposés en surface ne me paraissent pas suffisantes, politiquement et, surtout, éthiquement. Le Gouvernement que je soutiens a fait le choix, à maintes reprises, d’assumer la responsabilité collective immédiate plutôt que de transmettre le mistigri aux générations futures : il a fait le choix de la transition énergétique, de la reconquête de la biodiversité, de la mise en place de politiques budgétaires responsables et volontaires. En matière de gestion des matières et déchets radioactifs, plus que sur tout autre sujet, nous ne devons pas attendre.

Dans leur rapport, MM. Bouillon et Aubert indiquent que « le consensus international des experts en matière de gestion des déchets estime qu’une installation technique à grande profondeur – stockage géologique – est la meilleure solution qui soit actuellement disponible dans un horizon prévisible ».

L’échange d’expérience et le consensus scientifique n’excluent pas une spécificité nationale, là encore validée par la communauté internationale.

La spécificité française tient à deux éléments : d’une part, à une classification exigeante des déchets qui prend en compte non seulement la radioactivité, mais aussi la durée estimée de nocivité ; d’autre part, au choix d’un futur centre sur le site de Bure, après que d’autres types d’implantations géologiques eurent été envisagées. La Finlande et la Suède ont, ainsi, retenu des implantations en zone granitique, tandis que l’Allemagne a fait le choix de mines de sel, ce qui, on le sait, pose problème. La France a, pour sa part, opté pour un environnement géologique argileux, réputé et éprouvé pour sa qualité de barrière naturelle. Les responsables scientifiques présents lors de la table ronde préalable au débat public sur Cigéo, un rapport de l’École des mines, comme les travaux parlementaires récents ont très clairement posé que la nature géologique retenue ne posait pas de problème en soi et qu’il importait également de prendre en compte la qualité des matériaux et les conditions du stockage.

Mais, à ce titre, la phase industrielle pilote, prévue dans tous les processus internationaux de centres de stockage en cours, sera sans nul doute déterminante. Elle donnera, après d’éventuels réajustements, des garanties supplémentaires, validées par plusieurs experts.

Je veux évoquer un dernier point, et non le moindre : la coopération internationale porte sur des échanges d’informations scientifiques, mais elle s’intéresse également aux conditions de concertation avec la population. Cette phase n’est pas négociable. Elle participe du pacte de notre nation avec le nucléaire.

J’ai, pour ma part, un souhait à formuler : les conditions de sécurisation du site, les contrats de sous-traitance, la sécurité des personnels et leur formation continue ne doivent en aucun cas être relégués en arrière-plan des préoccupations des industriels et des donneurs d’ordre. La sûreté du site en dépend.

Je souhaite que nous continuions à maintenir ce niveau de dialogue tout au long de la phase industrielle proprement dite, parce qu’il s’agit de la seule façon d’avancer en responsabilité. Ce dialogue doit être contenu, maintenu, intensifié s’il le faut. La réversibilité, nous devons en être conscients, est aussi la possibilité d’effectuer, à long terme, des choix différents.

En conclusion, au regard des coopérations internationales en cours et de l’état actuel des recherches, nous disposons d’éléments probants permettant d’autoriser cette phase industrielle pilote, sous réserve que la concertation et la sécurité soient assurées avec le plus haut niveau d’exigence possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Laborde et M. Christian Namy applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux, en guise de conclusion des nombreuses interventions qui ont jalonné la discussion générale et mis en perspective cette excellente et nécessaire proposition de loi, rappeler quelques éléments fondamentaux.

En premier lieu, comme Jean-Claude Lenoir l’a souligné, la pérennité de la filière nucléaire dépend de notre capacité collective à apporter une réponse responsable au défi du stockage des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue. Ce faisant, nous assumons les conséquences des choix énergétiques passés, qui ont doté la France de cinquante-huit réacteurs, représentant 75 % de la production d’électricité depuis des décennies. Ce faisant, nous confortons un domaine d’excellence français, dans lequel notre pays fait figure de référence mondiale, pour la qualité de ses chercheurs, de ses ingénieurs et de ses techniciens, surtout dans la période de turbulence actuelle.

Qu’est-ce qu’une réponse responsable à ce défi immense pour notre génération ? Il ressort des travaux menés en France comme à l’étranger que la voie du stockage en couche géologique profonde s’impose comme la solution techniquement maîtrisable, la solution de référence.

Pour autant, la gestion de ces déchets radioactifs s’inscrit dans le temps long – très long même. En conséquence, la mise en œuvre des solutions permettant la gestion de ces déchets implique plusieurs générations. Il convient de prendre en compte cette particularité, qui a des incidences politiques et sociétales évidentes.

Si notre génération doit prendre ses responsabilités, elle ne doit pas imposer aux générations futures un mode de gestion des déchets radioactifs sur lequel celles-ci ne pourraient plus agir.

C’est tout l’intérêt du concept de réversibilité, monsieur Masson : pouvoir adapter les modes de gestion futurs aux évolutions technologiques, aux retours d’expérience. Cette notion de réversibilité est importante. Le concept s’est enrichi au fil du temps ; il s’est affiné. Il permet de bâtir des solutions intelligentes, évolutives, flexibles, agiles, adaptables.

Cette démarche est d’ailleurs conforme à l’esprit de la loi de 1991, dite « loi Bataille », en matière de déchets radioactifs de haute activité et à vie longue : pas de décision brutale, mais plutôt des étapes, une progression pas à pas, beaucoup de pragmatisme et de réalisme.

C’est dans cet esprit que j’avais déposé un amendement, au dispositif d’ailleurs très voisin de celui de la présente proposition de loi, sur le texte du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. L’objectif était d’autoriser, par voie législative, la phase de réalisation du projet de Centre industriel de stockage géologique, Cigéo, comme le prévoit la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Dans cet hémicycle, la ministre Mme Ségolène Royal m’avait assuré qu’un projet de loi serait déposé en 2016 sur ce sujet spécifique. J’avais donc bien volontiers retiré mon amendement.

Dès lors, même s’il reste encore six mois, je me réjouis que notre collègue Gérard Longuet ait pris l’initiative de la présente proposition de loi, en ce milieu d’année, avec le soutien de Christian Namy. Cette initiative rappelle au Gouvernement son engagement et prévoit un véhicule législatif parfaitement adapté aux enjeux.

Mes chers collègues, quel beau symbole de responsabilité collective nous pourrions offrir à nos concitoyens en adoptant, avec le soutien du Gouvernement, la proposition de loi présentée aujourd’hui ! Celle-ci est l’aboutissement de multiples travaux, de nombreux débats, d’analyses fouillées.

Sur un tel sujet, qui, comme nous nous en sommes aperçus au cours de la présente discussion générale, dépasse les clivages partisans et les convictions de chacun sur ce qu’est le bon mix énergétique – puisqu’il faut bien gérer cet héritage du passé ! –, je forme le vœu que nous puissions aboutir à un consensus.

Mes chers collègues, vous savez que les départements de la Meuse et de la Haute-Marne sont particulièrement concernés par cette question, car le choix a été collectivement fait de localiser le projet Cigéo de l’ANDRA sur ces territoires.

Nous portons, avec mes collègues meusiens et haut-marnais, une vision partagée des enjeux liés à la gestion des déchets produits par notre filière nucléaire.

Ce texte en est une nouvelle illustration, d’autant qu’il a été encore amélioré par le travail de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, notamment de son rapporteur, Michel Raison, que je veux saluer.

Après des travaux scientifiques nombreux menés depuis plus de vingt ans, après des essais techniques réalisés dans le laboratoire souterrain Meuse - Haute-Marne de l’ANDRA, situé sous le territoire des communes de Bure et de Saudron, après des débats publics – ceux qui ont été organisés en 2013 par la commission désignée à cet effet par la Commission nationale du débat public et ceux qui ont eu lieu dans les collectivités ou au sein du comité local d’information et de suivi –, après bien des travaux d’évaluation, notamment au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, après tant de contributions, le projet Cigéo doit entrer dans une phase de concrétisation préindustrielle.

C’est l’intérêt de l’État et de nos territoires.

Afin de permettre à tous les acteurs concernés de mesurer l’ampleur de ce projet national et d’envisager concrètement sa réalisation, je renouvelle au Gouvernement, à la suite de Christian Namy, ma demande que puisse être rapidement organisé un comité de haut niveau…

M. Gérard Longuet. Absolument !

M. Bruno Sido. … sur le site de Bure-Saudron,…

M. Gérard Longuet. Par exemple !

M. Bruno Sido. … à l’instar de ce qui avait été fait, avec succès, sous la présidence de Mme Delphine Batho, lorsque celle-ci était chargée de ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Christian Namy et Jacques Mézard applaudissent également.)

M. Gérard Longuet. Remarquable !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue
Article additionnel après l'article unique

Article unique

I. – Au 2° de l’article 3 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, l’année : « 2015 » est remplacée par l’année : « 2018 ».

II. – L’article L. 542–0–1 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« La réversibilité est la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l’exploitation des tranches successives d’un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion.

« La réversibilité est mise en œuvre par la progressivité de la construction, l’adaptabilité de la conception et la flexibilité d’exploitation d’un stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde permettant d’intégrer le progrès technologique et de s’adapter aux évolutions possibles de l’inventaire des déchets consécutives notamment à une évolution de la politique énergétique. Elle inclut la possibilité de récupérer des colis de déchets déjà stockés selon des modalités et pendant une durée cohérentes avec la stratégie d’exploitation et de fermeture du stockage.

« Le caractère réversible d’un stockage en couche géologique profonde doit être assuré dans le respect de la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1. Des revues de la mise en œuvre du principe de réversibilité dans un stockage en couche géologique profonde sont organisées au moins tous les dix ans, en cohérence avec les réexamens périodiques prévus par l’article L. 593-18.

« L’exploitation du centre débute par une phase industrielle pilote permettant de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l’installation, notamment par un programme d’essais in situ. Tous les colis de déchets doivent rester aisément récupérables durant cette phase. La phase industrielle pilote comprend des essais de récupération de colis de déchets. » ;

2° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« - les deux dernières phrases du III de l’article L. 593-6, l’alinéa 2 du III de l’article L. 593-7 et l’article L. 593-17 ne s’appliquent qu’à compter de la délivrance de l’autorisation de mise en service mentionnée à l’article L. 593-11. Celle-ci ne peut être accordée que si l’exploitant est propriétaire des terrains servant d’assiette aux installations de surface, et des tréfonds contenant les ouvrages souterrains ou s’il a obtenu l’engagement du propriétaire des terrains de respecter les obligations qui lui incombent en application de l’article L. 596-5 ;

« - pour l’application du titre IX du présent livre, les tréfonds contenant les ouvrages souterrains peuvent tenir lieu de terrain servant d’assiette pour ces ouvrages ; »

3° Le quatrième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« . Le délai de cinq ans mentionné à l’article L. 121-12 est porté à dix ans. Le présent alinéa ne s’applique pas aux nouvelles autorisations mentionnées à l’article L. 593-14 relatives au centre » ;

4° Après le sixième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« - lors de l’examen de la demande d’autorisation de création, la sûreté du centre est appréciée au regard des différentes étapes de sa gestion, y compris sa fermeture définitive. Seule une loi peut autoriser celle-ci. L’autorisation fixe la durée minimale pendant laquelle, à titre de précaution, la réversibilité du stockage doit être assurée. Cette durée ne peut être inférieure à cent ans. L’autorisation de création du centre est délivrée par décret en Conseil d’État, pris selon les modalités définies à l’article L. 593-8, sous réserve que le projet respecte les conditions fixées au présent article ;

« - l’autorisation de mise en service mentionnée à l’article L. 593-11 est limitée à la phase industrielle pilote.

« Les résultats de la phase industrielle pilote font l’objet d’un rapport de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, d’un avis de la commission mentionnée à l’article L. 542-3, d’un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et du recueil de l’avis des collectivités territoriales situées en tout ou partie dans une zone de consultation définie par décret.

« Le rapport de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, accompagné de l’avis de la commission nationale mentionnée à l’article L. 542-3 et de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire est transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui l’évalue et rend compte de ses travaux aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. » ;

5° Le septième alinéa est ainsi rédigé :

« - le Gouvernement présente, le cas échéant, un projet de loi adaptant les conditions d’exercice de la réversibilité du stockage afin de prendre en compte les recommandations de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ; »

6° Le huitième alinéa est ainsi rédigé :

« - l’Autorité de sûreté nucléaire délivre l’autorisation de mise en service complète de l’installation. Cette autorisation ne peut être délivrée à un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs ne garantissant pas la réversibilité de ce centre dans les conditions prévues par la loi. » ;

7° L’avant-dernier alinéa est supprimé ;

8° (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les ouvrages souterrains des projets de centres de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde, l’autorisation de création prévue à l’article L. 542-10-1 dispense de la déclaration préalable ou du permis de construire prévus au chapitre Ier du titre II du livre IV du code de l’urbanisme. »

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article unique.

M. Jean Louis Masson. Je le répète, je suis tout à fait conscient que l’intérêt de la France est de développer l’utilisation de l’énergie nucléaire, comme je suis tout à fait conscient que nous sommes obligés d’éliminer les déchets radioactifs.

En revanche, je ne peux accepter certains propos qui ont été tenus, qui tendent à nous faire croire qu’il n’y aurait qu’une solution, l’enfouissement irréversible dans les couches profondes. Il s’agit bien, je le répète, d’un enfouissement irréversible. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. Jean Louis Masson. Dans cette affaire, on joue sur les mots pour tromper nos concitoyens. Quand on parle français, un enfouissement est réversible si on peut retirer ce qui a été stocké ; sinon, c’est qu’il est irréversible !

Le problème, le scandale de cette proposition de loi est qu’elle qualifie de « réversible » quelque chose que l’on enfouit sous terre de manière irréversible.

Je veux pour preuve de ce double langage l’alinéa 7 de l’article unique : « Tous les colis de déchets doivent rester aisément récupérables durant cette phase.», c'est-à-dire la première phase en cours. Cette rédaction implique bien que ces colis ne seront pas récupérables après cette phase et, donc, que l’on autorise un enfouissement irréversible, ce que je trouve scandaleux compte tenu de notre responsabilité à l’égard des générations futures.

Selon certains, l’enfouissement se justifie précisément par la responsabilité qui est la nôtre vis-à-vis de l’avenir. Non ! Il y a d’autres solutions, la première étant l’enfouissement réversible, véritablement réversible. Il ne faut pas faire de la réversibilité bidon comme celle que l’on nous propose ici !

Ce point est extrêmement important, compte tenu des progrès considérables que fera la science. Je rappelle qu’il est question de centaines d’années, etc. Je rappelle également que, en 1950, celui qui aurait affirmé que l’homme marcherait un jour sur la lune serait passé pour fou ! Par comparaison, il me paraît moins aberrant de penser, aujourd’hui, que l’on pourra retraiter les déchets radioactifs à haute intensité dans des réacteurs comme ITER.

Il est facile de se moquer des uns ou des autres sous le prétexte qu’ils défendent tel ou tel point de vue. Tous les points de vue sont respectables ! D’ailleurs, que certains défendent la non-réversibilité me paraît tout à fait normal, à condition qu’ils le disent et ne cherchent à tromper personne.

Pour ma part, je considère que la non-réversibilité est extrêmement dangereuse.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 24

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Il s’agit ici de supprimer les alinéas 2 à 24 pour bien montrer que notre divergence de fond n’est pas liée à l’existence du projet Cigéo.

En effet, le maintien de l’alinéa 1 offre le sursis nécessaire au dépôt de la demande d’autorisation de création du centre.

En revanche, je propose de supprimer les alinéas conduisant à une irréversibilité totale. On ne peut être d’accord avec la définition de la réversibilité donnée au II de l’article unique : « La réversibilité est la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l’exploitation des tranches successives d’un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion. »

Il est ici question de « faire évoluer les solutions de gestion », mais pas d’un éventuel retour en arrière. Or, le principe même de la réversibilité, c’est précisément de pouvoir revenir en arrière !

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Tout stockage souterrain de déchets radioactifs doit être réversible. La réversibilité implique qu’à tout moment dans l’avenir il soit possible de revenir à la situation antérieure dans des conditions techniques et financières acceptables.

La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Cet amendement vise à fixer la notion de réversibilité.

La définition que je propose est à la fois en bon français et honnête. Moi, je ne cherche pas à enfumer nos concitoyens !

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Abate, Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6, seconde phrase

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

trois

II. – Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de garantir la participation des citoyens tout au long de la vie d’une installation de stockage en couche géologique profonde, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs élabore et met à jour tous les trois ans, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes et le public, un plan directeur de l’exploitation de celle-ci.

La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Comme l’a souligné Christian Namy, nous considérons que la France est championne du monde en matière nucléaire, notamment dans la prise en compte des externalités, en particulier des déchets.

Trois conditions doivent être remplies pour que nous soyons effectivement « champion » : l’intérêt général doit toujours prévaloir, de manière indiscutable, dans les décisions de gestion et de pilotage de la production et de ses externalités ; cet intérêt général doit être porté par des acteurs publics ; la transparence doit être la règle. Jusqu’à présent, notre pays a pu s’enorgueillir d’avoir su remplir ces trois conditions.

S’agissant de la transparence, nous proposons, à travers cet amendement, de ramener le délai d’organisation des revues de mise en œuvre du principe de réversibilité de dix à trois ans. L’ANDRA devra ainsi élaborer et mettre à jour tous les trois ans un plan directeur d’exploitation après consultation, afin de mieux faire participer nos concitoyens, de les impliquer davantage, de manière plus régulière.

Personne n’ignore ici les oppositions au principe même de la création du site de Bure. D’une manière générale, personne n’ignore les craintes liées au nucléaire. Ces réticences peuvent être compréhensibles.

C'est la raison pour laquelle nous pensons qu’il est important d’ouvrir la concertation, de la favoriser le plus souvent possible. Nous devons nous prémunir contre toute opacité dans la prise de décision, dans l’avancement du projet et faire face au manque de confiance dans les experts, dans nos ingénieurs et dans cette capacité d’enfouir de manière absolument sécurisée et tout à fait réversible, cher monsieur Masson.

Car c’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui, de la participation de nos concitoyens et de la confiance qu’ils doivent avoir dans le processus mis en œuvre à travers cette proposition de loi.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Tocqueville, MM. Roux, Guillaume, Filleul et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani et Cornano, Mme Herviaux, MM. Madrelle, J.C. Leroy, Miquel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 19

1° Supprimer les mots :

, le cas échéant,

2° Remplacer les mots :

afin de prendre en compte

par les mots :

et prenant en compte, le cas échéant,

La parole est à Mme Nelly Tocqueville.

Mme Nelly Tocqueville. La réversibilité est une question sensible.

La proposition de loi prévoit de procéder par étapes pour fixer les conditions de cette réversibilité : au cours de la première étape, plusieurs rapports d’expertise doivent être réalisés pour rendre compte des résultats de la phase pilote – un rapport de l’ANDRA, un avis de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs, la CNE, et un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN ; la deuxième étape consiste dans la remise du rapport de l’ANDRA, accompagné des avis de la CNE et de l’ASN, à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – OPECST – pour évaluation ; enfin, troisième et dernière étape, l’OPECST rend compte de ses travaux aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

La proposition de loi initiale prévoyait une quatrième étape : la présentation, par le Gouvernement, d’un projet de loi fixant les conditions « d’exercice de la réversibilité du stockage pour la suite de son exploitation ».

Or l’adoption en commission du développement durable d’un amendement des auteurs de la proposition de loi a rendu en quelque sorte facultatif ce rendez-vous avec le Parlement.

Nous considérons au contraire que le dépôt d’un projet de loi est nécessaire. C’est à la loi qu’il revient de définir les conditions d’exercice de la réversibilité du stockage.

Le Gouvernement pourrait évidemment tenir compte de l’avis des collectivités locales situées dans la zone concernée. Toutefois, en matière de déchets nucléaires, nous ne pouvons rester dans une certaine opacité, notamment s’agissant de choix, de technologies, qui concernent les générations futures, comme cela a été dit à plusieurs reprises.

Nous souhaitons que le Gouvernement présente un projet de loi adaptant les conditions d’exercice de la réversibilité du stockage et prenant en compte, le cas échéant, les recommandations de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur Masson, j’ai bien noté votre incompréhension sur la définition même de la réversibilité. Cependant, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur votre amendement n° 3, qui vise à supprimer la quasi-totalité de la proposition de loi.

Votre second amendement est plus précis en ce qu’il cible plus particulièrement la réversibilité. Toutefois, il pose aussi un certain nombre de problèmes. Je peux comprendre que nous ne soyons pas d’accord sur la définition très particulière retenue dans le texte.

Cependant, votre amendement n° 2 dispose que « tout stockage souterrain de déchets radioactifs doit être réversible » et que la « réversibilité implique qu’à tout moment dans l’avenir il soit possible de revenir à la situation antérieure dans des conditions techniques et financières acceptables ».

Or, même si nous tombions d’accord sur la définition de la réversibilité, nous ne pourrions retenir une telle rédaction. En cas de désaccord sur un sujet aussi grave, on ne s’attarde pas sur les questions techniques et financières !

Pour ces raisons, la commission émet également un avis défavorable sur votre amendement n° 2.

Monsieur Abate, vous souhaitez revenir un peu plus souvent sur ce phénomène de réversibilité. Je comprends qu’un délai de dix ans puisse sembler long. Il s’agit d’une question de curseur. Vous proposez un délai de trois ans. Accepteriez-vous de modifier votre amendement pour passer à cinq ans ?

Dans la mesure où l’amendement de Mme Tocqueville semble satisfait, la commission souhaitait initialement en demander le retrait ; à défaut, elle aurait émis un avis défavorable.

Toutefois, je peux aisément comprendre qu’un dossier aussi difficile soulève de nombreuses interrogations. Cet amendement, qui n’est pas forcément nécessaire, ne perturbe pas l’équilibre du texte. C'est la raison pour laquelle, après avoir écouté vos arguments, j’ai décidé de m’en remettre à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. L’amendement n° 3 de M. Masson tend à supprimer quasiment l’ensemble de cette proposition de loi, à la vider de sa substance. Le Gouvernement y est donc défavorable.

Dans votre amendement n° 2, monsieur Masson, vous proposez une définition de la réversibilité qui renvoie à un caractère acceptable des conditions techniques et financières, sans limite de durée. L’adoption d’une telle disposition apparaît introduire une incertitude dans la mise en œuvre de ce principe essentiel.

Tout ouvrage, même le mieux conçu, finit par vieillir. Introduire cette réversibilité sans limite de durée n’est pas réaliste et fait peser un risque de blocage du projet.

Pour ces raisons, monsieur Masson, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.

Monsieur Abate, si vous acceptez la proposition du rapporteur de ramener le délai à cinq ans, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée sur votre amendement.

J’ai bien entendu vos arguments, madame Tocqueville, et j’émets un avis favorable sur votre amendement n° 1 rectifié.

M. le président. Monsieur Abate, acceptez-vous de modifier votre amendement n° 4 rectifié dans le sens proposé par le rapporteur ?

M. Patrick Abate. Oui, sur le principe, monsieur le président.

Toutefois, j’aimerais que le rapporteur, en qui j’ai la plus grande confiance, nous explique si ses réticences sont liées à des problèmes techniques ou s’il estime simplement que tous les trois ans, c’est trop.

Si un délai de trois ans n’offre pas le recul suffisant et ne permet d’aboutir qu’à un travail bâclé, cela ne sert effectivement à rien. L’objectif de transparence ne serait pas atteint, ce qui serait contre-productif.

Si vous nous dites ici, et Mme la secrétaire d’État aussi, qu’un délai de cinq ans permet de disposer du recul nécessaire pour travailler efficacement et rendre un bon rapport, et par conséquent accroître la transparence, nous serons d’accord pour bouger.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur. Soyez rassuré, monsieur Abate : quoi qu’il arrive, les organisations concernées recevront chaque année tous les éléments. La lourdeur tient plus à la remise d’un rapport tous les trois ans.

Toujours est-il que, sur un tel sujet, le travail ne saurait être bâclé.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur Abate, la durée de trois ans nous paraît trop courte et les éléments seront donnés annuellement. Je crois plus raisonnable de retenir une durée supérieure.

M. Patrick Abate. Dans ces conditions, je rectifie mon amendement, monsieur le président !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Abate, Bosino et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi libellé :

I. – Alinéa 6, seconde phrase

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

cinq

II. – Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de garantir la participation des citoyens tout au long de la vie d’une installation de stockage en couche géologique profonde, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs élabore et met à jour tous les cinq ans, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes et le public, un plan directeur de l’exploitation de celle-ci.

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Si vous me le permettez, monsieur le président, je m’exprimerai sur les quatre amendements, afin de gagner du temps.

M. Gérard Longuet. À mon collègue Jean Louis Masson, dont je connais la passion et dont je respecte la compétence – ingénieur des mines, c’est un esprit parfois surprenant (Sourires.), mais toujours réfléchi – je dirai, pour paraphraser une formule, que la réversibilité est un combat.

C’est un combat permanent contre trois risques. Le premier, c’est le risque géologique. C’est à mon avis le plus prévisible, le plus maîtrisé, et la stabilité géologique me rassure profondément.

Le deuxième risque est celui de la logistique cinétique, c’est-à-dire de la gestion, sur plusieurs dizaines d’années, de milliers de colis nucléaires. Il s’agit d’une affaire beaucoup plus compliquée. Comme l’a dit fort justement notre rapporteur, cela demande un très haut niveau de technicité, car nous sommes dans une logique de télémanipulation, de télécommande, de surveillance à distance où l’intervention humaine est extraordinairement difficile, avec une obligation absolue de compétence.

Le troisième risque est économique : il faut avoir l’argent pour faire fonctionner tout cela.

Des trois risques, le risque géologique est sans doute le moindre, même si je reconnais que l’argilite, par sa souplesse, assure l’étanchéité nécessaire. Toutefois, en raison d’une certaine souplesse toute relative, celle du béton, le retrait des colis est sans doute plus difficile que s’ils étaient enfouis dans le granit, par exemple – plus difficile, mais pas du tout impossible, monsieur Masson.

En revanche, chers collègues, considérez bien que la complexité d’approvisionnement va certainement amener les opérateurs et ceux qui les contrôlent à considérer qu’une fois les choses faites, il est préférable de ne pas prendre de risques supplémentaires. Et ce d’autant plus que se pose le problème du financement – certes non pas demain matin ni dans vingt ou trente ans, mais peut-être dans un siècle.

C'est la raison pour laquelle je pense que tous les rendez-vous de contrôle, tous les rendez-vous législatifs, sont pertinents. Ils permettront d’assurer le suivi de la réversibilité en direct et en fonction des découvertes que la création et l’exploitation du centre entraîneront.

Voilà pourquoi, cher monsieur Masson, si nous votons vos amendements, nous ne pourrons pas progresser intellectuellement. Et comme nous avons besoin de progresser intellectuellement, il faut voter le texte issu des travaux de la commission.

Cher collègue Abate, si je reconnais que, dix ans, c’est long, je pense que, trois ans, c’est trop court. Réfléchissez bien au fait que les investissements sont très lourds et qu’un industriel – sous-traitant, équipementier, systémier… – doit disposer d’une visibilité qui ne peut être remise en cause tous les trois ans. Cinq ans, je l’accepte ; j’aurais préféré en rester à dix ans, mais l’unanimité a un prix.

Je pense que l’amendement n° 1 rectifié n’est pas nécessaire, madame Tocqueville, si vous faites confiance au Gouvernement et au législateur ; nous, nous avons considéré que l’on pouvait faire confiance aux parlementaires, à travers l’OPECST. Mais votre amendement ne me pose franchement aucun problème, et si c’est le prix de l’unanimité, je suis prêt à le payer de bon cœur.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Si, à travers mon amendement n° 3, je souhaite supprimer les alinéas 2 à 24, c’est que je refuse d’entériner la non-réversibilité, c’est-à-dire l’irréversibilité !

Il est donc tout à fait logique que j’aie souhaité seulement maintenir le délai supplémentaire qui permet de se retourner et de recadrer les choses sur la base d’une réversibilité véritable.

S’agissant de mon amendement n° 2, la réversibilité suppose des conditions techniques et financières acceptables. C’est tout à fait clair, monsieur le rapporteur, et en tout état de cause c’est sans commune mesure avec la définition de la réversibilité qui est retenue dans cette proposition de loi.

Les dispositions de cet amendement pourraient même figurer dans le dictionnaire : il s’agit de la notion même, au sens physique du terme, de la réversibilité. Bien évidemment, je maintiens cet amendement.

Mme la secrétaire d’État a elle-même reconnu à l’instant le caractère irréversible de cet enfouissement en disant qu’au bout d’un certain nombre d’années, on ne pourra revenir en arrière. Madame la secrétaire d’État, vous avez parfaitement exprimé mon souci : sous l’apparence de la réversibilité, on fait de l’enfouissement irréversible !

Monsieur Abate, il me semble que, cinq ans, ce peut être la bonne jauge : trois ans, c’était un peu trop court ; dix ans, un peu trop long…

Toujours est-il que cet amendement n’apporte pas grand-chose : à partir du moment où l’on accepte le principe de l’irréversibilité, ça et rien, c’est pareil !

En revanche, je soutiendrai très activement l’amendement de Mme Tocqueville. Il me semble important de tenir un nouveau débat sur le sujet. Si cet amendement n’est pas plus rassurant que cela, c’est quand même mieux que rien !

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Mon explication de vote porte sur l’amendement de nos collègues du groupe CRC.

Par cet amendement n° 4 rectifié bis, M. Abate évoque les notions de confiance et de transparence. Il s’agit d’une question fondamentale.

À côté des sites nucléaires, dont Mme la secrétaire d’État a rappelé le nombre, et des établissements spécialisés, le rôle des commissions locales d’information doit être souligné. La loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite « loi TSN », a donné un fondement législatif à ces commissions.

Je peux apporter mon modeste témoignage en tant qu’ancien président de la commission locale d’information de la centrale nucléaire de Chooz. La concertation entre les membres des trois collèges – le monde économique, les élus et les représentants des associations liées à l’environnement – est essentielle.

Nous devons nous efforcer de faire confiance aux ingénieurs, aux scientifiques et à l’ensemble des services qui travaillent dans ce domaine. Les organismes tels que l’IRSN ou l’ASN sont aussi là pour garantir le sérieux et la transparence de cette filière

Je soutiendrai la proposition du groupe CRC.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. M. Longuet nous a expliqué que le risque géologique était le plus prévisible. En l’écoutant, je me disais que les ingénieurs allemands qui ont proposé du stockage en mine de sel ont dû tenir à peu près le même discours : pour eux, c’était encore là qu’il y avait le moins d’incertitudes… Las, ce n’était pas étanche et nos voisins d’outre-Rhin font face à un problème financier et environnemental extrêmement sérieux.

Je ne suis donc pas sûr que le risque géologique, surtout sur de longues durées, soit beaucoup plus prévisible que les autres risques.

Ce débat me surprend. Quand on aborde la question du nucléaire, l’acte de foi prend le dessus et l’on sort assez vite de la logique scientifique. (M. Bruno Sido sourit.) Il est difficile de voir dans le nucléaire la quintessence de notre capacité à trouver des solutions et d’admettre qu’il nous faut enfouir les déchets de manière irréversible faute de solution !

La logique scientifique est d’attendre, de ne surtout pas se mettre dans une situation irréversible. Or, comme l’a très bien dit Mme la secrétaire d’État, cet enfouissement est irréversible.

Je remercie M. Masson : par son amendement sur ce qui est récupérable ou non, il a totalement éclairci le débat. Dire que les déchets sont récupérables signifie que l’on a intégré techniquement le fait d’aller les rechercher pour un coût à peu près raisonnable.

Cet amendement est judicieux. L’avis défavorable du rapporteur et de Mme la secrétaire d’État est clair : il s’agit bien d’aller vers quelque chose d’irréversible, soit parce qu’on ne sait pas faire autrement, soit en raison du coût.

Je suis d’ailleurs très surpris qu’on ne parle pas davantage de l’aspect financier. Où allez-vous trouver les 6 milliards d’euros nécessaires selon l’ANDRA ? On ne les a pas !

Je ne comprends pas cette précipitation, si ce n’est en raison d’un autre élément qui n’est pas de même nature, mais qui a tout de même été évoqué par plusieurs intervenants : trouver de l’argent pour certains territoires en difficulté.

Je suis un fervent partisan de l’aménagement du territoire. Il me semble tout à fait légitime de ne pas laisser la concurrence entre les territoires fracturer notre pays comme cela se passe aujourd’hui entre l’Ouest et l’Est – et c’est un élu de l’Ouest qui en parle !

Il faut trouver aujourd’hui des financements pour des projets industriels sérieux pour l’est de la France. Ce projet n’est pas sérieux ! Discutons avec les élus de l’Est en vue d’un véritable aménagement du territoire. Ce n’est certainement ce projet qui le permettra !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. J’avoue que je n’avais pas prévu de prendre la parole, soucieux de ne pas prolonger les débats, mais ce que vient de dire notre collègue Ronan Dantec constitue un aveu.

Pourquoi les écologistes dénoncent-ils la solution industrielle proposée ? Il s’agit bien d’une solution industrielle : il n’est pas question de creuser des trous et d’enfouir des caissons pour les oublier. La France est d’ailleurs le seul pays au monde à s’engager dans un processus aussi élaboré.

Si les écologistes sont contre, c’est tout simplement parce qu’ils veulent tuer le nucléaire : comme ils ne peuvent y parvenir en s’attaquant aux maillons qui précèdent, ils essaient de s’en prendre au dernier. (M. Ronan Dantec s’exclame.) À l’Assemblée nationale, il y a eu une expression émanant d’un député, qui n’est pas de mon groupe politique, qui parlait de la constipation du nucléaire.

L’objectif avoué des écologistes est bien celui-là. Ronan Dantec l’a d’ailleurs exprimé en dénonçant en des termes étranges la solution à laquelle travaille un certain nombre de personnes.

Je sais que les écologistes estiment que les ingénieurs et scientifiques qui se penchent sur ces questions sont des incompétents et des incapables et que les parlementaires qui défendent à la fois ces entreprises et ces solutions à travers des lois qui sont votées ne valent pas mieux. Mais, ne l’oubliez pas, mon cher collègue, les lois votées sur le nucléaire ont rassemblé la quasi-unanimité des parlementaires,…

M. Ronan Dantec. De moins en moins !

M. Jean-Claude Lenoir. … à l’exception de ceux de votre groupe. Nous respectons votre position, mais n’avancez pas des arguments qui ne tiennent absolument pas la route,…

M. Ronan Dantec. Prenez au moins la peine de répondre à ces arguments, alors !

M. Jean-Claude Lenoir. … et qui, permettez-moi de vous le dire, sont tout à fait réversibles ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article unique, modifié.

(L'article unique est adopté.)

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l'article unique

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Mézard, est ainsi libellé :

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 542-12 du code de l’environnement, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Elle communique cette évaluation aux présidents des commissions parlementaires compétentes en matière de finances, d'énergie et de développement durable. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. L'estimation des charges du projet Cigéo fait l'objet de controverses entre les exploitants d'installations nucléaires et l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA.

L'article L. 542–12 du code de l'environnement prévoit que l'ANDRA propose au ministre chargé de l'énergie une évaluation des coûts afférents à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue selon leur nature.

Il revient au ministre chargé de l'énergie d'arrêter l'évaluation de ces coûts et de la rendre publique, après avoir recueilli l'avis des principaux producteurs de déchets radioactifs et après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire.

Notre amendement tend à prévoir la transmission de l'évaluation de l'ANDRA aux présidents des commissions des finances, des commissions des affaires économiques et des commissions du développement durable de chaque assemblée parlementaire.

Nous considérons que, eu égard au rôle du Parlement dont ce texte offre une nouvelle illustration, il s’agirait d’une avancée démocratique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. L’adoption de cet amendement permettra d’améliorer encore la transparence, notamment en matière de chiffres. Or nous savons combien l’amélioration de la transparence facilite l’acceptation du dossier lui-même.

Quelques questions ont été soulevées en commission sur le coût du site de Bure auxquelles je suis aujourd’hui en mesure d’apporter une réponse. Depuis sa création, Bure aura coûté, en fonctionnement et en investissement – le site compte 150 salariés – environ 2 milliards d’euros.

S’agissant du coût futur – M. Dantec en a parlé –, on peut se lancer dans une bataille de chiffres, mais cela n’aboutira à rien. En effet, entre 20 milliards d’euros et 35 milliards d’euros, il existe une marge ! Je le rappelle tout de même, ce coût est calculé sur 150 ans. Quoi qu’il en soit, il convient de procéder, le plus régulièrement possible, à des estimations.

La commission est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Monsieur Mézard, la proposition de l’ANDRA est rendue publique au moment où le Gouvernement arrête les coûts. Elle est donc a fortiori connue des présidents des commissions des finances, des commissions des affaires économiques et des commissions du développement durable de chaque assemblée parlementaire.

Ces commissions peuvent bien sûr auditionner l’ANDRA, afin de disposer de tous les éclairages nécessaires.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je me réjouis que M. Jacques Mézard ait présenté cet amendement et que M. le rapporteur y soit favorable.

Effectivement, on a absolument besoin d’une telle transparence à l’égard de l’opinion publique. Ce qui est proposé n’alourdit en rien le dispositif, bien au contraire. Je pense aussi à d’autres sujets, notamment ceux que nous avons évoqués la semaine dernière. Il s’agit d’un enrichissement.

Je voterai donc cet amendement, qui apporte à un sujet particulièrement passionné une transparence dont notre société a besoin.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Je m’abstiendrai sur cet amendement, pour deux raisons.

Tout d’abord, je m’étonne qu’il prévoie de transmettre le renseignement uniquement aux présidents des commissions. Selon moi, il serait plus pertinent de le transmettre à l’ensemble des membres du Parlement, afin d’assurer une information directe. En effet, les présidents des commissions concernées ne sont pas les seuls à s’intéresser à ce sujet.

Ensuite, il s’agit d’une proposition de loi technique et on dérive, par cet amendement, sur des problèmes financiers. L’enjeu, c’est le choix, ou non, de l’enfouissement et le choix, ou non, de la réversibilité. Avec cet amendement, on est un peu loin de l’objet même de la proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Christian Namy, pour explication de vote.

M. Christian Namy. Notre groupe, qui considère cet amendement comme tout à fait pertinent, le votera.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article unique.

Vote sur l'ensemble

Article additionnel après l'article unique
Dossier législatif : proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Les Républicains a demandé un scrutin public sur l’ensemble de ce texte. J’ai consulté les autres groupes, qui semblaient favorables à ce texte et allaient dans le même sens que nous. Il s’agit simplement d’affirmer que le Parlement prend ses responsabilités.

C’est un texte important, tout le monde l’a souligné, et il était également important que le Parlement soit associé, comme il l’a été, et continue de l’être. Depuis le début, c'est-à-dire depuis les travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le Parlement produit sa contribution sur ce sujet, et je m’en réjouis.

Je veux remercier les membres de la commission du développement durable, et plus particulièrement son rapporteur et son président. Nous l’avons vu, un large consensus s’est fait jour concernant les amendements déposés, dont l’adoption améliore encore le texte.

Madame la secrétaire d’État, nous attendions un autre ministre, même si nous avons bien sûr plaisir à vous accueillir. Ne le prenez pas en mauvaise part ! J’ai en effet beaucoup de respect pour vous et apprécie la relation existant entre le Sénat, notamment la commission des affaires économiques, et vous-même.

Je sais que Mme Royal était retenue à l’Assemblée nationale par le débat sur la ratification du traité de Paris, adopté à l’issue de la COP 21. Toutefois, Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de Mme Royal chargée de la biodiversité, a participé tout à l’heure à l’examen d’une proposition de loi ici même. Elle remplaçait M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports. J’aurais voulu la retenir ! En effet, il eût été important que le ministère directement concerné représente le Gouvernement sur ce texte.

Toutefois, nous tirons un avantage de la situation. En effet, vous exprimant, madame la secrétaire d’État, au nom du Gouvernement, vous vous êtes déclarée favorable au texte. Je le dis sans arrière-pensée, je suis convaincu que, dans un avenir assez proche, cette proposition de loi, qui sera approuvée par le Sénat dans quelques instants, sera inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Selon moi, une telle démarche serait logique et cohérente. Elle viendrait couronner un travail auquel nous avons été associés les uns et les autres.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Comme l’a dit notre collègue Jean-Claude Lenoir, il faut que le Parlement prenne ses responsabilités.

Pour ma part, je les assume complètement, et c’est la raison pour laquelle je ne peux voter ce texte, que je considère comme dangereux pour l’avenir. Il anticipe quelque chose qui peut être négatif pour les générations futures. Je suis très sceptique, car je sais comment les choses se passent en cas de problème avec le sous-sol.

J’ai été confronté, en Lorraine, aux affaissements des mines de fer. On nous disait pourtant, voilà quarante ans – je peux vous apporter des pages et des pages de pseudo-spécialistes – que ces mines ne poseraient aucun problème. Ce fut la même chose avec l’enfouissement de déchets chimiques dans les mines de potasse d’Alsace.

Quand la difficulté se concrétise ensuite, la situation devient dramatique. À mes yeux, nous n’avons pas le droit de prendre un tel risque. Dans cette affaire, nous jouons à la roulette !

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Je veux simplement remercier l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui ont participé à cette discussion.

Il s’agit d’une affaire de longue haleine, M. Christian Bataille ayant défendu, en décembre 1991, un projet de loi sur cette question, qui fut adopté par le Parlement. J’ai eu la responsabilité, en tant que ministre de l’industrie, de mettre en œuvre la loi qui en a résulté.

Cher Jean Louis Masson, vous me décevez. Je comprends très bien qu’on s’interroge sur tout, mais la seule chose qu’on ne puisse pas faire, c’est de refuser d’étudier, de comparer, d’approfondir, d’examiner. Ce texte permet de donner un signal fort à tous ceux qui sont impliqués dans la recherche d’une gestion durable et sûre des déchets nucléaires : ils pourront ainsi agir dans la confiance du pays tout entier.

Je souhaite, madame la secrétaire d’État, m’associant au vœu de Jean-Claude Lenoir, que vous usiez de votre influence, dont j’imagine qu’elle est considérable compte tenu de votre compétence sur ce sujet, pour obtenir une inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Mon collègue M. Bertrand Pancher, député de ma circonscription, comme d’ailleurs M. François Cornut-Gentille et M. Jean-Louis Dumont, qui appartient à votre famille politique, apporteront un soutien absolu à l’examen rapide de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Je rejoins les propos de Gérard Longuet, dont je pourrai reprendre mot à mot l’intervention : il ne faut jamais refuser d’évaluer et de comparer.

On s’apprête à voter quelque chose d’extrêmement lourd en termes d’engagement financier, notamment pour les générations futures. On ne dispose pas véritablement aujourd'hui d’un travail de comparaison des différents systèmes de traitement des déchets nucléaires à l’œuvre dans le monde. Il concerne tous ceux qui, engagés dans cette filière, s’en dégagent, plus ou moins progressivement. C’est le sens de l’histoire.

Selon moi, un travail beaucoup plus approfondi aurait été nécessaire en matière de choix économiques. Il faut absolument intégrer au débat la réalité de l’endettement de la filière électrique française, qui est aujourd'hui en grande difficulté. Le débat aurait pris du temps, mais nous ne sommes pas pressés ! Les déchets, qui sont aujourd'hui stockés, ne vont pas disparaître…

On ne peut donc que s’interroger sur une telle précipitation. En écoutant M. Jean-Claude Lenoir, on voit bien que les préoccupations politiciennes ne sont pas complètement absentes du débat. L’est de la France est confronté à une véritable question économique. Pour la traiter, il ne suffit pas de creuser ce trou à Bure.

Je comparerai la situation à la ligne Maginot : alors qu’elle craque, on continue d’ajouter des casemates, tout en sachant qu’elle sera emportée par le vent de l’histoire.

Ce débat est donc à mes yeux extrêmement inquiétant : on assiste à un déni absolu de réalité, à un déni économique, à un déni concernant l’avancée des technologies. Je suis très inquiet, même si l’unanimité annoncée sera mitée par de nombreuses abstentions. On va vers de très grandes désillusions, car on connaît le risque. De nombreuses personnes, y compris au sein même de la filière, tirent la sonnette d’alarme.

La responsabilité du Parlement, quelles que soient les sensibilités des uns et des autres, est de se mettre autour d’une table, pour trouver des solutions économiques, pour éviter un désastre susceptible d’entraîner la totalité du service public français de l’électricité. C’est cela qui est aujourd'hui sur la table ! Mais on préfère se réfugier dans une sorte de fuite en avant.

Bien évidemment, nous voterons contre. Ce débat, qui témoigne d’un déni de réalité, est extrêmement inquiétant.

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Je veux simplement rappeler qu’il ne s’agit pas de voter aujourd'hui un chèque en blanc. Nous nous mettons d’accord sur un ticket pour un prochain rendez-vous législatif. (M. Gérard Longuet opine.)

Je comprends et respecte la position des écologistes. Toutefois, leur alarmisme ne me semble pas de mise. (M. Jacques Mézard opine.) Concernant les coûts, nous devons maintenant récupérer un maximum d’argent sur la production nucléaire, tant qu’elle fonctionne encore, car nous ne sommes pas engagés dans cette filière ad vitam æternam. Tant qu’on produit du nucléaire, on doit récupérer des taxes nous permettant d’engager l’avenir.

Donc, ni alarmisme, ni défaitisme, ni catastrophisme financier. Je le répète : c’est simplement un ticket pour un prochain rendez-vous législatif. On a trois ans pour que ce « pilote industriel » fasse la démonstration, dans la transparence – nous y sommes particulièrement attachés –, de sa viabilité.

M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.

Mme Nelly Tocqueville. Le groupe socialiste votera en faveur de ce texte, pour les raisons qui ont été exposées.

Cela étant, l’adoption de ce texte n’empêche pas, bien évidemment, d’être attentif aux avancées de la recherche. C’est une question de responsabilité. Notre vote est donc conditionné par l’obligation qui nous est faite en matière de recherche.

Nous souhaitons également que cette proposition de loi soit examinée le plus rapidement possible par l’Assemblée nationale. (M. Jean-Jacques Filleul applaudit.)

MM. Jean-Claude Lenoir et Gérard Longuet. Très bien !

M. Bruno Sido. Merci !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 224 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 334
Contre 10

Le Sénat a adopté. (M. Jackie Pierre et Mme Nelly Tocqueville applaudissent.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue
 

12

Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

La liste des candidats établie par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Hervé Maurey, Jérôme Bignon, Mme Sophie Primas, M. Rémy Pointereau, Mme Nicole Bonnefoy, M. Jean-Jacques Filleul et Mme Évelyne Didier ;

Suppléants : MM. Claude Bérit-Débat, Patrick Chaize, Ronan Dantec, Daniel Gremillet, Mme Chantal Jouanno, MM. Philippe Madrelle et Charles Revet.

13

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 18 mai 2016 :

À quatorze heures trente : désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France.

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen)

Proposition de loi tendant à assurer la transparence financière et fiscale des entreprises à vocation internationale (n° 402, 2015-2016) ;

Rapport de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances (n° 590, 2015-2016) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 591, 2015-2016).

Proposition de loi visant à lutter contre les contrôles d’identité abusifs (n° 257, 2015-2016) ;

Rapport de M. Alain Marc, fait au nom de la commission des lois (n° 598, 2015-2016) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 599, 2015-2016).

À dix-huit heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)

Proposition de résolution, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle (n° 523, 2015-2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD