Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Je souhaite apporter une précision quant au champ de ce projet de loi.
Le titre Ier s’attache à l’économie et à l’innovation, autour du partage des données ; le titre II concerne à la fois les droits des consommateurs, la neutralité de l’internet et les données personnelles ; le titre III a trait aux territoires et à l’accessibilité du numérique aux personnes en situation de handicap ou aux publics les plus fragiles.
Ce texte a été rédigé par quatorze ministères différents et modifie quatorze codes différents. Le plus haut niveau de l’État a donc bien pris conscience que le numérique était devenu un objet politique transversal nécessitant un travail interministériel. Ne sous-estimez pas l’importance qu’accorde le Gouvernement aux enjeux de souveraineté numérique.
Monsieur Sueur, vous évoquiez la nécessité de s’interroger sur la localisation des données. Ces questions traversent tous les jours l’action du Gouvernement : à Bruxelles quand il s’agit de négocier le marché unique européen ou l’agenda « Free Flow of Data », relatif à la libre circulation des données, au cours des négociations commerciales avec les États-Unis sur le partenariat transatlantique, ou encore au moment de définir des exceptions propres aux données sensibles relatives, notamment, à la santé, à la défense ou à la justice.
Pour ces données, nous devons exiger une localisation sur le territoire national ou européen, qui emporte l’application du droit national ou de la législation européenne. C’est bien ce que dit notre droit et c’est cela que nous négocions à Bruxelles.
Ces questions sont donc présentes dans toute l’action numérique du Gouvernement. Il nous reste sans doute à expliquer plus précisément la transversalité des politiques numériques que nous menons.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 108 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 107 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 16 ter, modifié.
(L’article 16 ter est adopté.)
Chapitre II
Économie du savoir
Article 17 A
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 455, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la fin de la seconde phrase de l’article L. 312-9 du code de l’éducation, les mots : « et le respect de la propriété intellectuelle » sont remplacés par les mots : « , le respect de la propriété intellectuelle et de l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la lutte contre les violences commises au moyen d’un service de communication au public en ligne ».
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Le développement du numérique, en constante progression dans notre société, a rendu de plus en plus nécessaires l’apprentissage et la maîtrise d’outils qui lui sont propres, lesquels sont devenus aujourd’hui la condition sine qua non de l’intégration sociale et professionnelle.
Dans ce cadre, la loi de 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet a modifié l’article 3 de la loi de programme sur l’enseignement technologique et professionnel de 1985, passant de l’énoncé du principe d’initiation à la technologie et à l’usage de l’informatique à une véritable définition de ce que doit constituer cette initiation.
Chaque évolution technologique apporte avec le progrès une cohorte de nouvelles pratiques dangereuses. Il apparaît essentiel de préciser à nouveau aujourd’hui les contenus de l’enseignement relatif à la maîtrise de l’outil informatique. L’histoire dramatique de ces adolescents, plus souvent de ces adolescentes, victimes de revenge porn ne cesse de nous interpeller.
L’article 17 A ne conduit pas à rendre la loi bavarde, mais confère plutôt aux équipes enseignantes l’ensemble des outils nécessaires pour lutter contre toutes les formes de cyberviolence, dont une récente étude estimait que plus de 20 % des jeunes scolarisés en ont été victimes, avec des conséquences dramatiques pour ces jeunes et leur entourage.
La commission de la culture du Sénat a décidé de supprimer l’article 17 A, au motif que le véhicule législatif paraissait douteux et que la loi serait affaiblie par son maintien, eu égard à l’impossibilité de présenter une liste exhaustive des droits et des devoirs liés à l’usage d’internet. Nous ne souscrivons pas à cet argument, pour deux raisons : tout d’abord, il nous semble que la question de la lutte contre la cyberviolence a toute sa place dans un texte destiné à fonder une société du numérique ; ensuite, si la loi doit en effet arrêter des règles et des principes généraux, elle doit également se saisir de problématiques spécifiques. Il s’agit ici d’un phénomène de société qui ne relève malheureusement aucunement de l’anecdote.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Lors de sa réunion du 5 avril dernier, la commission a supprimé l’article 17 A. Il ne s’agissait pas de s’opposer à une sensibilisation à la lutte contre les violences commises au moyen d’un service de communication publique en ligne. La commission a seulement estimé que le vecteur juridique choisi – la loi – n’était pas opportun. Elle a en outre rappelé qu’il existe déjà une disposition dans le code de l’éducation prévoyant que, « dans le cadre de l’enseignement moral et civique, les élèves sont formés afin […] d’acquérir un comportement responsable dans l’utilisation des outils interactifs ».
Pourtant, lors de l’examen en commission de l’amendement tendant à rétablir cet article, la commission a émis un avis favorable. Je tiens néanmoins à préciser que, à titre personnel, je reste défavorable à cet amendement, qui me semble rendre la loi bavarde et moins lisible.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Je demande le retrait de cet amendement, qui me semble satisfait par l’article L. 121-1 du code de l’éducation, déjà cité. Celui-ci prévoit d’ores et déjà que l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes fait partie intégrante de l’enseignement scolaire et supérieur et qu’elle est adaptée, sur le fond comme sur la forme, aux évolutions techniques et culturelles.
Le plan numérique à l’école initié par le Président de la République comprend un volet de formation des enseignants comme des élèves à l’autonomie dans l’environnement numérique, afin de permettre un dialogue constructif entre les enfants et leurs enseignants sur ces sujets.
Pour ce qui concerne l’arsenal législatif, le projet de loi que nous examinons introduit une nouvelle disposition, vous l’avez citée, monsieur Abate, relative au phénomène de revanche pornographique. Le cyberharcèlement est devenu une infraction, réprimée par la loi. Il constitue également une circonstance aggravante depuis une loi du 4 août 2014, puisque le code pénal fait du harcèlement en ligne une infraction passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Il importe aujourd’hui de s’investir dans les actions de sensibilisation des jeunes, des enseignants et des parents. Ces actions sont menées. J’en veux pour preuve la diffusion d’un guide de prévention contre la cyberviolence à l’école, la mise en place d’un partenariat avec l’association e-enfance, qui forme très bien à ces problématiques, la mise en place du numéro vert national Net Écoute – 0800 200 000 – qui propose des moyens techniques, juridiques et psychologiques adaptés aux victimes de cyberharcèlement, à leur famille et au personnel éducatif.
Le Gouvernement considère qu’une nouvelle disposition législative n’est pas nécessaire pour continuer à avancer sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je ne suis pas convaincu par l’argument selon lequel le vecteur juridique – en l’occurrence cette loi – ne serait pas le bon. Cet argument pourrait être avancé pour de nombreux amendements !
Ce texte a pour ambition de rassembler les problématiques essentielles que recouvre la révolution numérique, dont cette question fait partie. Elle constitue peut-être même la plus discutée de ces problématiques, celle qui suscite une réaction de rejet de l’outil, que certains en viennent à considérer comme le lieu par excellence où la violence s’exprime sans encadrement.
Bien entendu, l’éducation nationale agit, et vous avez relevé les initiatives concrètes qui sont mises en œuvre.
Cet amendement ne vise qu’à rétablir ce que nos amis députés ont inscrit dans le texte. Ils ont autant que nous le souci de bien légiférer. Comme nous, ils sont conscients qu’une loi pour la République numérique qui évacuerait cette question passerait à côté d’un sujet qui appartient pourtant à son domaine global de pertinence.
Nos concitoyens attendent de nous qu’en discutant de la République numérique, c’est-à-dire de la manière dont les valeurs de la République, avec ses règles et ses principes, peuvent accompagner cette évolution qui bouleverse toute la société, nous abordions la question de la cyberviolence. En la mentionnant, nous montrerions que nous nous y consacrons avec insistance, en plus de l’importante action du Gouvernement en la matière et des dispositifs concrets existants. Il me semble donc que le rétablissement de la rédaction issue de l’Assemblée nationale serait judicieux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je suis également favorable au rétablissement de cet article, parce que, si nous sommes tous des enfants de la République, nous ne sommes pas tous des enfants de la République numérique. Nous verrons d’ailleurs en abordant les titres II et III un certain nombre d’autres problèmes. Nos débats sur le rôle de la CNIL ont déjà montré que ce qui paraît évident pour certains peut l’être moins pour d’autres.
Certes, les lois sont parfois trop bavardes, mais, en l’occurrence, ce bavardage-là est nécessaire pour affirmer notre vigilance envers les générations futures. La cyberviolence n’est pas une vue de l’esprit, mais une réalité contre laquelle il faut se donner les moyens de se défendre si l’on veut que le numérique ait une vraie place dans notre société.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. J’entends bien l’argument consistant à dire qu’un texte de loi ne doit pas être bavard ou reprendre des dispositions déjà prévues dans d’autres textes. J’entends bien aussi que vous vous préoccupez au moins autant que nous tous ici de ces problèmes de violence. En effet, il n’y a pas un camp qui serait favorable à l’expression de la violence contre un autre, dont nous serions, favorable à sa répression.
Il me semble important que le projet de loi et, au-delà, la démarche qui y préside soient transversaux. Ce projet de loi a par nature vocation à viser quantité de sujets qui sont déjà forcément plus ou moins traités dans d’autres textes de loi. Mais, au risque de quelques redondances, il me semble que la cyberviolence ne peut pas être absente d’un projet de loi sur le numérique.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 17 A demeure supprimé.
Article 17
Le chapitre III du titre III du livre V du code de la recherche est complété par un article L. 533-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 533-4. – I. – Lorsqu’un écrit scientifique issu d’une activité de recherche financée au moins pour moitié par des dotations de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, par des subventions d’agences de financement nationales ou par des fonds de l’Union européenne est publié dans un périodique paraissant au moins une fois par an, son auteur dispose, même après avoir accordé des droits exclusifs à un éditeur, du droit de mettre à disposition gratuitement dans un format ouvert, par voie numérique, sous réserve de l’accord des éventuels coauteurs, la version finale de son manuscrit acceptée pour publication, dès lors que l’éditeur met lui-même celle-ci gratuitement à disposition par voie numérique ou, à défaut, à l’expiration d’un délai courant à compter de la date de la première publication. Ce délai est de six mois pour une publication dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et de douze mois dans celui des sciences humaines et sociales.
« La version mise à disposition en application du premier alinéa ne peut faire l’objet d’une exploitation dans le cadre d’une activité d’édition à caractère commercial.
« II. – Dès lors que les données issues d’une activité de recherche financée au moins pour moitié par des dotations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des subventions d’agences de financement nationales ou par des fonds de l’Union européenne ne sont pas protégées par un droit spécifique ou une réglementation particulière et qu’elles ont été rendues publiques par le chercheur, l’établissement ou l’organisme de recherche, leur réutilisation est libre.
« III. – L’éditeur d’un écrit scientifique mentionné au I ne peut limiter la réutilisation des données de la recherche rendues publiques dans le cadre de sa publication.
« IV. – Les dispositions du présent article sont d’ordre public et toute clause contraire à celles-ci est réputée non écrite. »
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, sur l'article.
M. Patrick Abate. La recherche, en tant que source de progrès dans tous les domaines, ne saurait faire l’objet d’une captation par une minorité – je pense que nous serons tous d’accord –, surtout pour des motifs purement mercantiles – mais peut-être serons-nous un peu moins d’accord sur ce point ! Or, si l’on y regarde de plus près, c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui.
Dans ce cadre, la présence de l’article 17, bien que sa rédaction soit très timide, constitue une bonne nouvelle. Nous tenterons par le biais d’amendements de le faire avancer dans le bon sens, en revenant notamment sur le champ d’application de ses dispositions et en élargissant la liste des activités de recherche concernées. Il nous paraît en effet injustifié de fixer un seuil important, pour rappel de moitié, de financements publics pour lancer le processus de publicisation de la recherche, alors même que ce sont les institutions publiques qui souffrent le plus de la politique tarifaire prohibitive pratiquée par le secteur de l’édition.
Il nous semble toutefois que l’article, en l’état, passe à côté de l’enjeu central de la politique d’édition de la recherche. En effet, que penser de la non-régulation des relations contractuelles entre éditeurs et chercheurs, alors même que ces derniers sont aujourd’hui en position d’extrême faiblesse vis-à-vis des premiers ? De fait, il n’y a qu’un tout petit pas à franchir pour considérer que les chercheurs voient leur production captée par une minorité d’éditeurs que l’on aurait du mal à qualifier de précaires. Rappelons que les quatre principaux éditeurs du globe se partagent l’immense majorité d’un marché de près de 22 milliards d’euros annuels !
L’extrême concentration du marché, associée à la question vitale de la qualification de la recherche passant obligatoirement par l’édition dans des revues, conduit inévitablement à un déséquilibre important au moment de la signature d’un contrat entre un éditeur et un chercheur, au détriment de ce dernier, notamment en matière de droits d’auteur et de rémunérations.
Ainsi, si l’article 17 tend à améliorer les choses en ce qui concerne la publicisation des actes de recherche, il ne saurait pleinement nous satisfaire tant il règle de manière insuffisante le problème des conditions contractuelles entre éditeurs et chercheurs, alors même que ces derniers sont à la base de la recherche et que leur position les empêche de pouvoir négocier dans le cadre de la contractualisation.
Mme la présidente. L'amendement n° 456, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
1° Après le mot :
financée
insérer les mots :
directement ou indirectement
2° Remplacer les mots :
pour moitié
par les mots :
en partie
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. L’article 17 traite de l’élargissement de l’open access aux résultats de la recherche scientifique.
Tout au long de l’examen de cet article en commission s’est posée la délicate question du juste équilibre qu’il convient de maintenir entre le respect de la propriété intellectuelle et le développement de la recherche publique, dans un contexte où le numérique modifie les pratiques en profondeur. Dans la recherche de cet équilibre délicat, j’ai été soucieuse de favoriser une diffusion étendue des résultats de la recherche publique tout en veillant à ne pas mettre le modèle économique des éditeurs en péril.
En ce qui concerne l’amendement n° 456, la commission de la culture avait estimé, lors d’un premier examen, que le critère retenu pour définir le financement public, à savoir un financement au moins pour moitié par des dotations de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, par des subventions d’agences de financement nationales ou par des fonds de l’Union européenne, était clair et ne méritait pas d’être modifié. Pourtant, lors de sa réunion du 26 avril, un avis favorable a été donné sur cet amendement.
Personnellement, je reste fidèle à ma position première et voterai donc contre l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. La libre diffusion des connaissances et le partage des résultats de la recherche sont nécessaires au progrès scientifique et à l’innovation.
L’accès libre à l’information scientifique ne peut pas être complet sans une diffusion libre des résultats exposés dans les articles publiés par les chercheurs. C’est ce qu’on appelle l’open access, conforme au modèle de la science ouverte qui est lui-même conforme à la réalité des pratiques des chercheurs dans leur coproduction d’écrits au sein d’une communauté qui partage et diffuse les savoirs.
À l’heure où le principe de cette libre diffusion des connaissances s’impose chez nos voisins européens, en Allemagne notamment, mais aussi outre-Atlantique, en Amérique latine ou au Québec, il est temps de l’appliquer dans notre pays pour doter la recherche française des moyens de se maintenir à la pointe de la recherche mondiale. Tel est l’objet de l’article 17, qui accorde le droit à tout chercheur de mettre à la disposition du public ses écrits scientifiques au terme d’une durée qui est inscrite dans la loi dès lors que ses travaux sont issus d’une activité de recherche majoritairement financée par des fonds publics.
Cet équilibre trouvé dans la rédaction proposée est important et doit à mon sens être conservé. Il me paraît en effet indispensable de suivre les mêmes principes que les autres pays qui se sont pourvus d’une loi en la matière, afin de garder une cohésion a minima au niveau européen.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 264, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
une fois par an
insérer les mots :
ou dans des actes de conférences scientifiques
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à élargir au-delà des seules publications dans une revue scientifique la possibilité de mettre à disposition, sur volonté de leurs auteurs, gratuitement et dans un format ouvert, les données produites et exposées dans des colloques ou conférences scientifiques. Celles-ci représentent un important volume des publications en informatique, électronique, télécommunications et sciences de l’information.
Le consortium universitaire Couperin, qui rassemble les établissements universitaires, écoles et organismes de recherche autour des questions de documentation électronique, a réalisé des analyses récentes sur les bases de données citationnelles des fournisseurs Thomson Reuters et Elsevier. Il apparaît que la place des actes de colloques, congrès et autres conférences scientifiques est prépondérante dans les thématiques disciplinaires des sciences en technologie de l’information et de l’ingénierie. À titre d’exemple, ces actes de rassemblements scientifiques constituent près de 21 % des publications en STM – sciences, techniques et médecine – de la base de données Web of Science de Thomson, soit 39 millions d’articles. Ces articles sont issus des actes de plus de 3 700 000 conférences sur l’ingénierie, de 1 900 000 conférences sur l’informatique et de plus de un million en physique et astronomie, pour ne citer que ces disciplines.
Il serait paradoxal que le projet de loi pour une République numérique, qui a vocation à favoriser et à encadrer la diffusion du numérique dans la société, exclue de son champ d’action les productions de la recherche dans ce domaine et se prive de tout un pan des publications de recherche.
Les actes de conférences constituent la trace écrite de la présentation orale des travaux des chercheurs. Ils ne sont pas moins travaillés ni moins scientifiques que les publications couvertes par la rédaction actuelle de l’article 17. Rien ne justifie donc, à mon sens, que ces actes soient ignorés d’une libre diffusion quand ils sont le produit d’une recherche financée majoritairement par des fonds publics. Cet amendement vise donc à revenir au texte initial du Gouvernement, qui prévoyait cette disposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Je comprends la volonté des auteurs de l’amendement d’ajouter les actes de conférences scientifiques au champ d’application du droit d’exploitation secondaire, d’autant qu’ils figuraient dans la version initiale du projet de loi. Toutefois, les délais proposés étaient alors plus longs.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement. Je tiens néanmoins à vous faire part de ma crainte que, en adoptant cet amendement, nous ne remettions en cause un équilibre déjà fragile et contesté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Dans le cadre de l’élaboration du présent projet de loi, le Premier ministre a demandé au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche de proposer, en lien avec le ministère de la culture, un plan de soutien, d’incitation et d’accélération du passage au libre accès pour les éditeurs scientifiques français. Je présenterai ce plan ultérieurement dans la discussion.
Dans ce cadre, a été mis en place un groupe de travail composé d’acteurs représentant les différents métiers, fonctions et intérêts concernés au premier chef par cette transition numérique qui bouleverse profondément les modèles, y compris les modèles économiques, des acteurs impliqués. Un document contenant les premières propositions de ce groupe de travail a été transmis à Matignon.
L’ensemble des participants de ce groupe de travail, qui représente l’édition publique comme privée, a proposé l’exclusion de ce type de documents du périmètre d’application de la loi, du fait notamment de la particularité du modèle économique de ces ouvrages, qui sont collectifs, modèle qui n’est pas le même que celui des revues visées par l’article. Le maintien des actes de conférences scientifiques dans le périmètre de la loi serait susceptible de fragiliser trop brutalement, trop directement un secteur déjà vulnérable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Permettez-moi de faire remarquer que, en informatique, en électronique, en télécommunications, en sciences de l’information, beaucoup de publications, voire la plupart d’entre elles, font suite à des travaux menés lors de congrès, de colloques et d’autres réunions de ce type. Nous voterons donc l’amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 188 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 268 est présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
Après le mot :
est
insérer les mots :
au maximum
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 188.
Mme Corinne Bouchoux. Je vais considérer que l’amendement est défendu. Mon groupe soutient en effet les amendements de Dominique Gillot, qui a été rapporteur de textes portant sur la recherche et qui connaît très bien le monde des enseignants-chercheurs.
Pour décryptage, permettez-moi de préciser que, sous le terme d’équilibre, que j’ai plusieurs fois entendu, c’est en réalité le face-à-face entre le lobbying du Syndicat national de l’édition, le SNE, et les chercheurs qui se joue.
Nous sommes d’avis qu’il faut soutenir les chercheurs et voter les amendements de Dominique Gillot, mais je constate que le rapport de force ce soir ne penche, hélas ! pas dans ce sens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter l'amendement n° 268.
Mme Dominique Gillot. Je vais aller dans le même sens que notre collègue Corinne Bouchoux : il serait vraiment dommage d’exclure certains produits de la recherche scientifique d’un projet de loi qui se propose de rassembler dans un même texte tous les enjeux du numérique. Nous avons précédemment réussi à trouver un accord en matière de lutte contre les violences, je ne vois pas pourquoi nous n’y parviendrions pas sur ce sujet.
Faire une différence entre les textes qui sont édités dans des revues qui coûtent fort cher aux universités et les communications ou exposés donnés dans les multiples conférences et colloques scientifiques qui émaillent la vie des chercheurs est une véritable erreur. Nous devons soutenir les scientifiques français dans cette compétition scientifique internationale. Nous devons leur donner les moyens de pratiquer la recherche scientifique de la même manière que leurs collègues issus de pays dont la législation est plus ouverte que la nôtre.