Mme la présidente. Monsieur Leconte, l’amendement n° 102 est-il maintenu ?
M. Jean-Yves Leconte. Madame la secrétaire d’État, vous insistez sur le fait que ce travail ne constitue qu’une étape, et vous rappelez que le Gouvernement entend procéder avec prudence, compte tenu des enjeux dont il s’agit.
J’en conviens tout à fait, nous ne pouvons en rester à un dispositif fondé sur une définition du numérique, tel qu’il était en 1978. Cela étant, il faut bel et bien progresser par étapes. À ce titre, j’ai constaté, en écoutant vos propos, que nous avions des préoccupations en commun. Nous ne sommes qu’au début d’une réflexion vers une fusion de la CNIL et de la CADA, dont les missions convergent.
Aussi, je retire l’amendement n°102, avant de retirer les amendements suivants.
Mme la présidente. L’amendement n° 102 est retiré.
Je mets aux voix l’article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
(Non modifié)
Après l’article 15 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, il est inséré un article 15 bis ainsi rédigé :
« Art. 15 bis. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés et la Commission d’accès aux documents administratifs se réunissent dans un collège unique, sur l’initiative conjointe de leurs présidents, lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie. »
Mme la présidente. L'amendement n° 103, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 103 est retiré.
Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
(Non modifié)
L’article L. 341-1 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° Le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou son représentant ; »
2° À la deuxième phrase du douzième alinéa, les mots : « et 3° » sont remplacés par les mots : « , 3° et 6° ».
Mme la présidente. L'amendement n° 104, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Retiré !
Mme la présidente. L’amendement n° 104 est retiré.
Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
(Non modifié)
Après l’article L. 341-1 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 341-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 341-1-1. – La Commission d’accès aux documents administratifs et la Commission nationale de l’informatique et des libertés se réunissent dans un collège unique, sur l’initiative conjointe de leurs présidents, lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie. »
Mme la présidente. L'amendement n° 105, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 105 est retiré.
Je mets aux voix l’article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article 16 bis
(Supprimé)
Article 16 ter
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique rattaché aux services du Premier ministre, dont les missions concourent à l’exercice, dans le cyberespace, de la souveraineté nationale et des droits et libertés individuels et collectifs que la République protège. Ce rapport précise les moyens et l’organisation nécessaires au fonctionnement de cet établissement public.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 65, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
I. – Première phrase
Après les mots :
possibilité de
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
fusionner les missions actuelles de la Commission d'accès aux documents administratifs et celles de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en créant une entité unique.
II. – Seconde phrase
Remplacer les mots :
cet établissement public
par les mots :
cette nouvelle autorité administrative indépendante
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Je retire également cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 65 est retiré.
L'amendement n° 108 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Zocchetto, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Première phrase
Remplacer les mots :
Commissariat à la souveraineté numérique
par les mots :
Haut-Commissariat au numérique
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Avec cet amendement, nous abordons le thème de la souveraineté nationale.
Nous ne pouvons que nous réjouir de voir ce sujet prendre une véritable visibilité depuis les derniers mois : désormais, chacun prend la mesure de l’enjeu que représente la mutation numérique très profonde de nos sociétés pour nos modèles futurs.
L’Assemblée nationale a, elle aussi, manifesté cette prise de conscience en adoptant le présent article, qui demande au Gouvernement un rapport sur l’opportunité de créer un commissariat à la souveraineté numérique. Cette instance aurait notamment pour mission de réfléchir à la construction d’un système souverain.
Mes chers collègues, pourquoi demander la remise d’un tel rapport ? Il est difficile d’affirmer que l’on créera ex nihilo une nouvelle instance : vous le savez, lorsque les parlementaires défendent des dispositions de cette nature, leurs propositions tombent toujours sous le coup de l’article 40 de la Constitution.
M. le rapporteur s’est montré attentif à la question de la souveraineté numérique et soutient la remise d’un tel document. Il a proposé, ce me semble avec raison, de supprimer la définition précise des missions liées à l’établissement de ce commissariat à la souveraineté numérique. En effet, ce travail a vocation à être beaucoup plus large – je vais y revenir.
Le présent amendement tend à remplacer le nom de « Commissariat à la souveraineté numérique » par celui de « Haut-Commissariat au numérique ». Les enjeux de souveraineté sont de la première importance, ils conditionnent toutes les autres questions. À cet égard, l’intitulé de « Haut-Commissariat au numérique » renvoie, à mon sens, à une réalité plus large, plus englobante et plus pertinente.
Mme la présidente. L'amendement n° 107 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Zocchetto, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
I. – Première phrase
Après les mots :
dont les missions
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
seront de favoriser une meilleure coordination interministérielle des programmes et des actions technologiques au sein de l’État, de veiller à la cohérence des stratégies et des outils technologiques mis en place par les administrations, d’assurer une meilleure lisibilité des actions de l’État en matière de technologies, de favoriser une meilleure diffusion des savoir-faire stratégiques sur le numérique au sein de l’État et de participer aux négociations européennes et internationales portant sur les normes et standards ainsi que sur la gouvernance des technologies.
II. – Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L’ensemble de ces missions concourent à assurer la souveraineté numérique nationale.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement, dont les dispositions découlent du précédent, tend à préciser davantage encore les missions généralistes du Haut-Commissariat au numérique, qu’il me semble essentiel d’énoncer dans ce projet de loi.
Ces missions iront de la coordination des stratégies numériques publiques au service de notre souveraineté numérique à la formation aux outils technologiques et de diffusion des savoir-faire stratégiques en matière numérique au sein de l’État. Elles porteront également sur la participation aux négociations européennes et internationales relatives aux normes et aux standards, ainsi que sur la gouvernance des technologies.
Vous le constatez, ces attributions sont éminemment stratégiques pour l’ensemble des responsables publics. On le sait, les technologies numériques sont devenues des facteurs cruciaux du fonctionnement de l'État et du déploiement des politiques publiques. Il convient de le rappeler.
Bien sûr, il reviendra au futur rapport de détailler les moyens nécessaires pour mettre en œuvre cette cellule de coordination interministérielle de la stratégie gouvernementale, laquelle – j’insiste sur ce point – est devenue essentielle aujourd’hui.
Mme la présidente. L'amendement n° 229, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Seconde phrase
Après le mot :
précise
insérer les mots :
notamment, sous l’égide de ce commissariat, les conditions de maîtrise des lieux de stockage des données et de développement de protocoles de chiffrement, ainsi que
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout d’abord, je tiens à féliciter Mme Morin-Desailly. (Exclamations. – M. Loïc Hervé applaudit.) Les dispositions de son amendement tendant à créer, non un commissariat, mais un haut-commissariat, ne portent en rien atteinte aux finances de l’État. Elles ne sont donc pas menacées par l’article 40 ! Je tiens à saluer cette initiative économe. (Sourires.)
Mes chers collègues, si, à travers l’amendement n° 229, nous avions pris l’initiative de créer un commissariat, voire un haut-commissariat, nous serions évidemment tombés sous le coup de cette disposition.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous disons donc subtilement – est-ce d’ailleurs si subtil ? – qu’il serait judicieux d’écrire un rapport sur ce sujet. Ce procédé ne trompe personne.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non…
M. Jean-Pierre Sueur. Au-delà, vous le savez bien, nous sommes face à une question très importante, relevant de la philosophie fondamentale : internet abolit-il les spécificités des différentes nations, notamment de la nation française ? Constitue-t-il un univers uniforme où les identités nationales disparaissent ? À nos yeux, tel n’est pas le cas. Dans la sphère de l’internet comme ailleurs, il est nécessaire de faire prévaloir des impératifs de souveraineté, de puissance et d’indépendance nationales.
Selon nous, il n’est ni inutile ni ringard d’apporter ces précisions. Ces dernières sont, à l’inverse, tout à fait nécessaires.
Les deux points que nous proposons d’ajouter au présent article, à savoir la maîtrise des lieux de stockage des données et le développement des protocoles de chiffrement, sont extrêmement importants, en particulier pour notre défense nationale.
La lutte que nous menons contre le terrorisme est également une guerre du chiffrement et du cryptage. Si, avant le 13 novembre, nous avions pu intercepter diverses communications, nous aurions peut-être pu prévenir les dramatiques attentats que la France a connus. À présent, nous devons éviter de nouvelles attaques.
Le cryptage et le décryptement soulèvent un véritable enjeu de souveraineté nationale. Une plateforme nationale est dédiée à ce travail. La loi relative au renseignement accorde de fortes prérogatives à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Nous sommes donc face à une question qui est très loin d’être négligeable.
Voilà pourquoi nous défendons avec ardeur les dispositions de cet amendement, qui, à nos yeux, constituent un premier pas. Nous y tenons beaucoup sur le fond.
L’amendement suivant, déposé par M. Retailleau, a quant à lui pour objet de détailler les modalités de ce travail. Madame la présidente, vous le constatez, je fais même, gratuitement, la transition avec la suite de la discussion ! (Sourires. – M. le rapporteur rit.)
Mme la présidente. L'amendement n° 295 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Béchu, Bouchet et Buffet, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Commeinhes, Dallier et Danesi, Mmes Deromedi et Di Folco, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Grosdidier et Grosperrin, Mme Hummel, MM. Kennel, Leleux et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Magras et A. Marc, Mme M. Mercier, MM. Pillet et Savin, Mme Troendlé et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Seconde phrase
Remplacer les mots :
de cet établissement public
par les mots :
du Commissariat à la souveraineté numérique
La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Mme Catherine Troendlé. Monsieur Sueur, je vous remercie de cette transition !
Nous aussi tenons tout particulièrement à notre amendement.
Il ne faut surtout pas préjuger dès à présent de la forme juridique que pourrait prendre le commissariat à la souveraineté numérique. Un commissariat gouvernemental peut revêtir divers statuts. Il peut s’agir, par exemple, d’un établissement public ou d’une administration intégrée aux services du Premier ministre.
Au reste, le rapport mentionné au présent article aura également pour but de définir le meilleur statut juridique, garantissant la plus grande efficacité pour le commissariat à la souveraineté numérique.
Voilà pourquoi nous ne souhaitons pas préjuger de la forme juridique que pourrait prendre cette instance.
M. Jean-Pierre Sueur. Excellent !
Mme la présidente. L'amendement n° 230, présenté par MM. Gorce, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Il présente les différentes voies d’assistance que le commissariat pourra proposer aux administrations, ainsi que les modalités de diffusion des bonnes pratiques en matière de protection des données personnelles.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. J’indique simplement que nous devons rendre hommage à M. Gorce, lequel a eu l’idée de cet amendement tendant à compléter le présent article.
Madame la présidente, vous constatez qu’en l’occurrence, j’économise quelque peu le temps de la Haute Assemblée ! (Sourires. – Mme Catherine Troendlé rit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les cinq amendements restant en discussion ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Madame la présidente, pardonnez-moi par avance si je m’exprime un peu longuement : je tiens à répondre aux divers orateurs qui viennent de présenter leurs amendements.
Mme Morin-Desailly l’a souligné avec raison, la souveraineté numérique est un enjeu pour notre pays et, plus largement peut-être, pour l’Union européenne.
Nous avons consacré plusieurs auditions à ce sujet. Divers intervenants ont évoqué ces enjeux devant nous, au premier rang desquels M. Bellanger, qui a, entre autres dispositions, inspiré le présent article additionnel introduit par l’Assemblée nationale.
Cet article 16 ter vise à ce que le Gouvernement établisse un rapport de faisabilité portant sur un futur commissariat à la souveraineté numérique.
Lors des débats en commission, nous avons choisi une option assez claire par rapport au texte de l’Assemblée nationale : laisser le champ le plus large possible au Gouvernement, en évitant de restreindre son domaine d’investigation par des objectifs à atteindre ou par des missions à détailler.
Aussi le texte de la commission est-il assez simple : il indique simplement que « ce rapport précise les moyens et l’organisation nécessaires au fonctionnement de cet établissement public. »
Dans quelques instants, nous examinerons un amendement tendant à accroître encore la souplesse accordée au Gouvernement dans le cadre de ce travail.
Bien sûr, nous traçons les grandes lignes de ce commissariat à la souveraineté numérique. Il doit être rattaché aux services du Premier ministre. Ses missions doivent concourir à ce qui constitue, à nos yeux, le fondement même d’une telle instance, à savoir « l’exercice, dans le cyberespace, de la souveraineté nationale et des droits et libertés individuels et collectifs que la République protège ».
Hors de ce cadre, il serait contraire à nos objectifs d’entreprendre, dans ce rapport, d’imposer tel ou tel développement, comme le faisait le texte d’origine, qu’il s’agisse du système d’exploitation souverain ou des protocoles de chiffrement.
Dès lors que l’on entreprendrait une telle énumération, la liste se révèlerait non exhaustive. En conséquence, le Gouvernement pourrait très bien se cantonner dans les limites indiquées en refusant d’aller au-delà, et cette liste deviendrait par nature restrictive. Nous passerions ainsi à côté d’une occasion, celle de disposer d’un document véritablement complet.
Tel était l’objet de l’amendement que j’ai déposé en commission et que cette dernière a adopté : laisser le champ tout à fait libre au Gouvernement pour l’élaboration de son rapport.
Je parle sous le contrôle de Mme la secrétaire d’État, qui répondra mieux que moi à cette question, puisque la rédaction de ce rapport sera confiée au Gouvernement, même si un ou deux parlementaires seront peut-être appelés pour y concourir. Cette étude, consacrée à la faisabilité d’un commissariat à la souveraineté numérique, devra porter sur un champ de compétences complet. Je le répète, limiter aujourd’hui ce travail à certains domaines me semble, sinon hors du propos, du moins trop restrictif.
C’est la raison pour laquelle je demande le retrait des amendements nos 108 rectifié bis et 107 rectifié bis.
La souveraineté numérique constitue un sujet en soi, dans un contexte où les citoyens français perdent le contrôle de certaines de leurs données. S’agira-t-il d’un haut-commissariat ? Ce sera au rapport de décider de l’appellation de cette entité. Rappelons que les derniers hauts-commissaires étaient membres du Gouvernement.
L’amendement n° 230 a trait à la coordination ministérielle, que l’amendement n° 107 rectifié bis présenté par Mme Morin-Desailly aborde également. Or celle-ci relève du pouvoir réglementaire et est organisée par le Premier ministre. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
La commission estime qu’il convient de laisser ouverte la discussion et a donc repoussé l’amendement n° 229 présenté par M. Sueur, qui vise à détailler les missions de cet éventuel commissariat à la souveraineté numérique.
En revanche, conformément au choix de la commission de laisser au rapport le choix de définir la nature juridique de ce commissariat, l’avis est favorable à l’amendement n° 295 rectifié présenté par Mme Troendlé, qui tend à modifier la fin de l’article en remplaçant les mots « établissement public » par « Commissariat à la souveraineté numérique ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. En écoutant les interventions, j’ai parfois eu le sentiment que ce haut-commissariat avait déjà été créé ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. J’ai pourtant rappelé qu’il ne s’agissait ici que de commander un rapport !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Le Gouvernement a accepté l’idée de réfléchir à la notion de souveraineté numérique et, éventuellement, à l’opportunité de créer une structure de ce type. Toutefois, ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué !
Faut-il parler de commissariat à la souveraineté numérique ou de haut-commissariat au numérique ? Il me semble un peu tôt pour se prononcer à ce sujet. Je constate par ailleurs qu’il existe déjà beaucoup d’organismes commençant par le mot « haut » dans notre architecture institutionnelle : le Haut-Commissariat aux solidarités actives, le Haut Conseil aux finances publiques, le Haut-Commissariat de la République en Polynésie française, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, sans parler des « Hauts-de-France »… (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Il y a aussi le « Hé oh la gauche ! » (Rires.)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Plus sérieusement, au vu de l’importance des enjeux du numérique – sécurité et défense nationale, compétitivité économique, protection des données personnelles, enjeux sociaux, éducatifs et, pourquoi pas, de souveraineté agricole –, faut-il continuer à organiser l’État de manière interministérielle pour traiter de ce sujet ou faut-il au contraire mettre en place une structure unique plus centralisée chargée de coordonner l’action numérique ?
Je m’interroge quotidiennement à ce sujet dans l’exercice de mes fonctions, mais je n’ai pas la réponse idéale. Compte tenu de la tradition administrative française, il me semble toutefois qu’il faudrait tendre à la mise en place d’un secteur numérique puissant au sein de chaque ministère, couplé à une bonne articulation interministérielle, plutôt qu’à la création, finalement un peu artificielle, d’un organisme dont la mission serait de coordonner difficilement des ministères qui se considèrent tous – vous le savez bien – comme souverains.
Il est fondamental de s’interroger sur les enjeux de la souveraineté numérique, et je constate avec satisfaction que la question du système d’exploitation souverain n’est plus abordée ici. Cela ne me semblait ni opportun ni conforme à la réalité mondiale, très interconnectée et de plus en plus décentralisée, du numérique.
Parler de souveraineté numérique, c’est parler de technologie, de cybersécurité, de protection des systèmes d’information de l’État – nous l’avons fait à l’occasion des débats sur le logiciel libre – ou encore des opérateurs d’importance vitale. Ces sujets relèvent des compétences de l’ANSSI, l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, ou, lorsqu’il s’agit du strict domaine régalien, du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Il me semble important de maintenir une certaine tension au sein de l’appareil de l’État, car tout n’est pas noir ou blanc. Afin de garantir les arbitrages les plus éclairés, il est sans doute nécessaire de conserver des visions parfois divergentes.
La souveraineté numérique peut recouvrir également des enjeux de fiscalité et d’application de la loi. Madame Morin-Desailly, votre rapport a beaucoup éclairé les travaux du Gouvernement à ce sujet. Vous y faites preuve d’une conception large des enjeux de souveraineté, que le Gouvernement partage. J’ai donné l’exemple de l’agriculture. La capacité des agriculteurs de France, non seulement à collecter les données qui proviennent de leur terre, mais aussi à les exploiter et à les partager, plutôt que de les laisser exploiter par des tractoristes issus de grandes entreprises étrangères, peut être également considérée comme un enjeu de souveraineté.
Concernant la question des protocoles de chiffrement, les récents événements tragiques ont bien montré toute l’acuité du sujet en matière de souveraineté. Il faut toutefois faire preuve de nuance. Le Gouvernement a eu l’occasion de rappeler son attachement aux technologies de chiffrement, lesquelles assurent aujourd’hui encore la plus grande sécurité des organisations de l’État, des administrations générales, des entreprises et de nos concitoyens. Les attaques terroristes à Paris, par exemple, ont été synchronisées par des échanges de SMS en clair. C’est la raison pour laquelle j’ai récemment lancé un appel à projets pour promouvoir des technologies émergentes de protection des données personnelles, notamment par le chiffrement.
Ce texte de loi confère en outre une nouvelle mission à la CNIL, qui consiste à promouvoir les technologies de protection de la vie privée, parmi lesquelles celles qui relèvent du chiffrement.
Vous l’aurez compris, nous avons intérêt à prolonger la réflexion que vous aviez amorcée, madame Morin-Desailly, en publiant un rapport ambitieux sur le sujet. Toutefois, il faut rester prudent quant aux suites institutionnelles et organisationnelles qui pourraient être données à la publication d’un tel rapport. Voilà pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. J’ai bien entendu le rapporteur de la commission des lois, pour qui la souveraineté est de prime importance. C’est certain ! Je crois pouvoir dire, d’ailleurs, que les rapports sur le sujet ont été réalisés à partir des travaux du Sénat, dès 2012. Nous savons donc de quoi nous parlons.
Je propose l’appellation « Haut-Commissariat au numérique », avec en perspective l’objectif de la souveraineté, qui, comme l’a dit Jean-Pierre Sueur, ne saurait être un repli sur soi. Il s’agit de devenir acteur de notre destin numérique, c’est-à-dire de cesser de subir, comme nous le faisons depuis trop d’années dans ce monde en pleine évolution. Bon an, mal an, les choses se décident sans nous !
Dans la discussion générale, j’ai souhaité rappeler que les États-Unis, à la différence de l’Europe et, a fortiori, de la France, se sont organisés dès les années 1990 pour acquérir le leadership sur ces technologies. Ils ont pris des dispositions législatives et fiscales, mais aussi organisationnelles.
Aujourd’hui, le Président Obama est flanqué d’un chief technical officer, dont le rôle n’a rien à voir avec celui du SGMAP, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, madame la secrétaire d’État. Il occupe une position institutionnelle, il est opérationnel et il a autorité sur l’ensemble des départements et des politiques publiques, depuis la stratégie de développement industriel ou la défense jusqu’à l’éducation. Si nous avions disposé d’une telle cellule, aurions-nous commis des erreurs comme la signature par l’éducation nationale de ce contrat sans appel d’offres avec Microsoft, sans mesurer le degré de transparence qui en découlera pour les données relatives aux jeunes de l’éducation nationale ?
Nous souffrons d’une absence d’appréhension transversale. Je regrette donc que la législation soit saucissonnée avec, d’un côté, la loi Renseignement et les droits et libertés numériques et, de l’autre, la loi Macron II, qui devrait concerner l’économie, parce que nous manquons de transversalité au plus haut niveau. Il ne s’agit pas de tomber dans l’étatisme technologique, mais simplement de nous rassembler pour développer une stratégie politique et industrielle nous permettant d’être acteurs du monde numérique de demain. Une prise de conscience est nécessaire et doit intervenir en France comme en Europe.
Je répète, avec une vraie passion, que nous devons inscrire dans la loi ces dispositions, même s’il n’est pas très satisfaisant d’en passer par le biais d’un rapport.
De la même manière, j’ai regretté que soit rejeté mon amendement relatif aux marchés publics. Il aurait été efficace dans la mesure où il était suffisamment normatif pour garantir que les objectifs de l’attribution des marchés publics étaient bien atteints.
Je termine en disant à M. Frassa que je ne confonds pas les solutions et les objectifs à atteindre. Les missions que j’évoque constituent des objectifs, et non des moyens. Le système d’exploitation souverain est, lui, un moyen qu’il convient – je rejoins sur ce point Mme la secrétaire d’État – de ne pas inscrire dans le texte de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)