Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Si la commission a supprimé cet article, c’est parce que les protections dont il s’agit sont déjà organisées par d’autres dispositions législatives. Cette mention nous a donc paru superfétatoire.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. On peut se demander s’il est nécessaire de réserver, en la matière, un traitement spécial aux députés, aux sénateurs ou à d’autres.
Pour ma part, je suis quelque peu surpris que les parlementaires, les magistrats ou les avocats bénéficient systématiquement d’un régime particulier.
Avec cet amendement, on permettrait d’espionner qui que ce soit, à l’exception des personnes exerçant lesdites fonctions. Néanmoins, pourquoi instaurer des protections supplémentaires en faveur des parlementaires et des avocats ? Et pourquoi ne pas ajouter à cette liste telle ou telle autre catégorie susceptible de bénéficier d’un traitement de faveur ?
Nous devons être traités comme tous les citoyens. L’opinion exprime déjà, à divers titres, suffisamment de réserves au sujet des parlementaires. Ce n’est pas la peine d’en rajouter !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je me permets de poser cette question : le Gouvernement confirme-t-il ce qu’avance la commission, à savoir qu’une disposition protectrice ayant le même effet figure déjà dans le code de procédure pénale ? Si tel est le cas, notre confrontation n’est peut-être pas utile.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement estime qu’il est parfois utile de rappeler des évidences. On peut certes lui reprocher de proposer un article déclamatoire. Néanmoins, ces dispositions ont compté pour beaucoup au titre des protections inscrites dans la loi relative au renseignement. Les rappeler dans un texte traitant non du domaine administratif, mais du champ judiciaire nous paraît donc judicieux.
M. Alain Richard. Cette mention ne figure donc pas dans le code de procédure pénale ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. En matière pénale, il existe des dispositions protectrices relatives aux perquisitions et aux interceptions, notamment pour ce qui concerne les correspondances, ou encore aux techniques spéciales d’enquête et à la géolocalisation. Ces mesures nous paraissent suffisantes. Il ne nous semble pas pertinent de les rappeler une nouvelle fois : l’objectif est déjà atteint à travers les lois en vigueur !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 bis demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 2 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 39, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 2 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'action civile d'une victime ou de ses ayants droit est irrecevable lorsque le crime ou le délit ayant causé le dommage à celle-ci a été la conséquence directe et immédiate d'un crime ou d'un délit commis volontairement par celle-ci. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. De nombreux faits divers mettent au jour le caractère trop restrictif de la légitime défense. Ce problème s’observe notamment pour l’utilisation des armes de service par les forces de police.
La police devrait, à ce titre, disposer des mêmes pouvoirs que la gendarmerie : quand un délinquant ou un criminel force un barrage de police, rien ne justifie que les fonctionnaires présents ne puissent automatiquement faire usage de leurs armes.
De surcroît, lorsque le motif de légitime défense n’est pas retenu, la famille de l’auteur d’une agression, ou l’intéressé lui-même s’il est encore vivant, peut se constituer partie civile contre une victime ou contre les forces de l’ordre ayant riposté dans le feu de l’action : c’est un comble selon moi, et la plupart de nos concitoyens sont de cet avis !
Le fait que les auteurs de crimes ou de délits ou leurs ayants droit puissent, hors le cas de légitime défense, se constituer partie civile contre leurs victimes, voire contre les forces de l’ordre, paraît choquant à bien des égards.
Aussi, le présent amendement tend à ce que l’action civile des intéressés devienne irrecevable lorsque le crime ou le délit leur ayant causé dommage est la conséquence directe d’un crime ou d’un délit commis volontairement par ladite victime.
Mes chers collègues, des cas de cette nature se présentent régulièrement. Récemment encore, dans le département dont je suis l’élu, un délinquant a été arrêté par un policier qui, pour l’intercepter, a dû lui lancer une poubelle. Ce délinquant roulait en moto : il s’est cassé la jambe. Il s’est donc porté partie civile contre l’agent de police, en l’accusant d’être à l’origine de son préjudice.
Voilà l’un des multiples exemples du laxisme de notre législation. À tout le moins, il serait souhaitable qu’une personne, lorsqu’elle commet un crime ou un délit, sache très bien qu’elle ne pourra pas, dans un second temps, réclamer des dommages et intérêts si ce méfait lui a valu des blessures.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Le présent amendement vise à rendre irrecevable l’action civile en réparation lorsque le dommage causé à la victime est la conséquence directe et immédiate d’un crime ou d’un délit commis volontairement par celle-ci.
À mes yeux, cette proposition est extrêmement discutable.
Mme Cécile Cukierman. Bien dit !
M. Michel Mercier, rapporteur. Elle s’oppose à un droit fondamental garanti pour tout citoyen, à savoir le droit au recours, que l’on ne saurait limiter.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Michel Mercier, rapporteur. Au demeurant – c’est une évidence –, le droit au recours n’implique en rien la satisfaction du recours.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Eh oui !
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Michel Mercier, rapporteur. En toute logique, si les représentants de l’ordre ont fait un usage proportionné de la force, le juge en tiendra compte et dédouanera le fonctionnaire poursuivi. A contrario, si la force a été employée de manière disproportionnée, il est normal qu’une réparation soit fixée par le juge.
Cet amendement tend à porter atteinte à ce droit fondamental dont dispose tout citoyen français qu’est le droit au recours : il ne peut donc que recevoir un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
La section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° L’article 706-96 est ainsi rédigé :
« Art. 706-96. – Si les nécessités de l’enquête relative à l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 l’exigent, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, autoriser les officiers et agents de police judiciaire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé.
« En vue de mettre en place le dispositif technique mentionné au premier alinéa du présent article, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l’introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l’article 59, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur ceux-ci. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d’autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous son contrôle. Le présent alinéa s’applique aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place.
« La mise en place du dispositif technique mentionné au premier alinéa ne peut concerner les lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2 et 56-3 ni être mise en œuvre dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7. » ;
2° Après l’article 706-96, il est inséré un article 706-96-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-96-1. – Si les nécessités de l’information relative à l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 l’exigent, le juge d’instruction peut, après avis du procureur de la République, autoriser les officiers et agents de police judiciaire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé.
« En vue de mettre en place le dispositif technique mentionné au premier alinéa, le juge d'instruction peut autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l'article 59, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci. S'il s'agit d'un lieu d'habitation et que l'opération doit intervenir hors des heures prévues à l'article 59, cette autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le juge d'instruction. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d'autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction. Les dispositions du présent alinéa sont également applicables aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place.
« La mise en place du dispositif technique mentionné au premier alinéa ne peut concerner les lieux visés aux articles 56-1, 56-2 et 56-3 ni être mise en œuvre dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes visées à l'article 100-7. » ;
3° Les articles 706-97 et 706-98 sont ainsi rédigés :
« Art. 706-97. – Les autorisations mentionnées aux articles 706-96 et 706-96-1 font l’objet d’une ordonnance écrite et motivée qui comporte tous les éléments permettant d’identifier les véhicules ou les lieux privés ou publics visés, l’infraction qui motive le recours à ces mesures ainsi que la durée de celles-ci. Cette ordonnance n’a pas de caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours.
« Art. 706-98. – L’autorisation mentionnée à l’article 706-96 est délivrée pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions.
« L’autorisation mentionnée à l’article 706-96-1 est délivrée pour une durée maximale de deux mois, renouvelable dans les mêmes conditions. » ;
4° Après l’article 706-98, il est inséré un article 706-98-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-98-1. – Les opérations mentionnées aux articles 706-96 et 706-96-1 sont effectuées sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées.
« Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision de ce magistrat ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. » ;
5° L’article 706-99 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui » sont remplacés par les mots : « Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire requis en application des articles 706-96 et 706-96-1 » et la référence : « à l’article 706-96 » est remplacée par les références : « aux mêmes articles 706-96 et 706-96-1 » ;
b) Au second alinéa, la référence : « par l’article 706-96 » est remplacée par les références : « aux articles 706-96 et 706-96-1 » ;
6° Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article 706-100, les mots : « Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui » sont remplacés par les mots : « Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire requis en application des articles 706-96 et 706-96-1 » ;
7° L’article 706-101 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui » sont remplacés par les mots : « Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire requis en application des articles 706-96 et 706-96-1 » ;
b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Aucune séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées dans les décisions autorisant la mesure ne peut être conservée dans le dossier de la procédure. » ;
8°Après l’article 706-101, il est inséré un article 706-101-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-101-1. – Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l’opération mentionnée à l’article 706-96 est informé dans les meilleurs délais par le procureur de la République des actes accomplis en application du même article 706-96 et des procès-verbaux dressés en application des articles 706-100 et 706-101. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 141 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 9.
Mme Cécile Cukierman. Le présent article permet au parquet de prendre des mesures de captation des données informatiques pour « les nécessités de l’enquête », sans donner davantage de précisions. Sont ainsi visées les enquêtes préliminaires et les enquêtes de flagrance. Or notre droit actuel n’accorde cette faculté qu’au juge d’instruction.
En outre, il s’agit de capter et d’enregistrer, non plus seulement les données qui s’affichent sur l’écran de l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données, mais l’ensemble du contenu stocké. Il s’agit donc de mener de véritables perquisitions informatiques. Ces dernières soulèvent un certain nombre de problèmes, que décrypte très bien l’association La Quadrature du net.
Toutes les données stockées sont visées, sans aucune limitation dans le passé. La technique est employée sans le consentement des intéressés, sans leur présence et sans celle de deux témoins, soit dans des conditions plus défavorables que les perquisitions dites « matérielles ».
Les données captées ne font pas l’objet d’une copie sécurisée : dès lors, rien n’assure qu’elles ne seront pas modifiées après coup. Enfin, dans le cadre des instructions, à la différence de l’enquête, les autorisations de captation de données peuvent être attribuées pour une durée de quatre mois renouvelables jusqu’à deux ans. Étant donné l’ampleur de l’intrusion opérée via ces techniques et via la captation massive de données, une telle durée ne semble pas justifiée.
Au total, ces mesures particulièrement intrusives portent atteinte à l’inviolabilité du domicile comme à la vie privée. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 141.
Mme Esther Benbassa. Dans la rédaction résultant des travaux de la commission, l’article 3 permet l’autorisation, sous conditions, de la sonorisation, de la fixation d’images et de la captation de données en enquête de flagrance ou préliminaire, ainsi que l’interception des courriels déjà archivés.
Nous ne souscrivons pas à la volonté d’accorder d’importants pouvoirs supplémentaires au parquet au titre des enquêtes préliminaires. De surcroît, la technique considérée nous paraît largement attentatoire aux droits de protection des données personnelles.
Nous avons déjà émis de nombreuses réserves quant à l’emploi des IMSI-catchers par les services de renseignement. Par cohérence, nous demandons donc la suppression de ces dispositions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Ces deux amendements identiques tendent à supprimer le présent article et, avec lui, la possibilité d’utiliser la technique de sonorisation dans le cadre des enquêtes préliminaires et de l’instruction.
Mes chers collègues, ces dispositions ont été adoptées par le Sénat le 2 février dernier : la Haute Assemblée ne saurait changer d’avis en moins de deux mois !
Je le répète, il s’agit d’assurer l’efficacité des procédures employées sous l’autorité du procureur, donc du pouvoir judiciaire. Ces méthodes seront autorisées dans le cadre des enquêtes préliminaires, conduites et dirigées par les magistrats.
Par définition, l’autorité judiciaire protège nos concitoyens de toute intrusion qui serait contraire à la loi et à l’objet de l’enquête : c’est ce que nous a rappelé le procureur général Beaume, lors de son audition devant notre commission. Or on ne peut pas suspecter M. Beaume d’être hostile aux libertés publiques !
Doter le parquet des moyens technologiques modernes qu’utilisent très largement les individus se livrant à la criminalité organisée me paraît la moindre des choses, si l’on veut que la justice lutte à armes égales contre les bandits ou les terroristes procédant en bande organisée.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est hostile à la suppression de cet article, lequel concerne les outils que l’on appelle en anglais keyloggers et, en français, « chevaux de Troie ».
Ces techniques permettront au procureur de sauvegarder des preuves. Leur utilisation requiert, certes, des garanties. Le texte en prévoit trois : premièrement, un champ d’application limité au crime organisé et au terrorisme ; deuxièmement, l’obligation du recours au juge, puisqu’une autorisation du juge des libertés et de la détention, le JLD, est nécessaire ; troisièmement, la limitation dans le temps, puisque l’autorisation est délivrée seulement pour un mois renouvelable pendant la durée de l’enquête menée par le parquet.
Avec ces garanties, l’outil mis en place dans cet article sera extrêmement efficace, dans l’intérêt de la sauvegarde des preuves.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 141.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 187 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 7
Remplacer les références :
des articles 706-73 et 706-73-1
par la référence :
du 11° de l’article 706-73
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Charles Revet. Il ne faut pas désespérer !
M. Jacques Mézard. Je ne désespère jamais, cher collègue. Notre groupe privilégie la cohérence et la continuité dans l’action !
Nous n’avons pas demandé la suppression de cet article et nous considérons que ces techniques peuvent être utilisées pour lutter contre le terrorisme. Nous posons toutefois toujours la même question, qui concerne l’éventail, très vaste, de ce qui peut constituer le crime organisé, selon le code pénal.
M. le garde des sceaux a utilisé le mot « efficace », lequel, nous en sommes d’accord, s’applique à ces procédés. Nous avons entendu que leur mise en œuvre serait conditionnée à l’aval du juge des libertés et de la détention, puisqu’elle nécessiterait une requête du procureur de la République. Il en va de même en ce qui concerne la limitation dans le temps.
En revanche, il s’agit de dispositifs techniques ayant pour objet la captation, la fixation, la transmission, l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, sans le consentement, évidemment, des intéressés.
Je n’aurai pas la cruauté de rappeler à certains les dérives auxquelles peuvent donner lieu les écoutes téléphoniques… Ceux qui nourrissent des velléités de durcissement continuel de la législation doivent savoir que ces dispositions ne vont pas sans certains inconvénients indirects. De tels procédés ne sont pas neutres. Ils sont efficaces, mais jusqu’où doit-on étendre leur utilisation ?
Les définitions issues des incriminations pour crime organisé nous paraissent extrêmement larges. De telles mesures pouvant être utilisées en cascade, elles présentent des inconvénients qu’il sera trop tard pour critiquer quand certaines affaires parviendront aux oreilles du public !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. M. Mézard a fait valoir sa cohérence absolue. C’est tout à fait exact.
Toutefois, je relève que son amendement vise à supprimer les alinéas 3 et 7 de l’article 3. Or le second de ces alinéas est présent dans notre droit depuis 2004.
M. Pierre-Yves Collombat. Pourquoi changer la loi maintenant, alors ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Nous vivons avec ces dispositions depuis douze ans sans que les craintes de M. Mézard se soient concrétisées. Cela prouve que l’autorité judiciaire remplit parfaitement son office.
Restreindre le champ d’application de la sonorisation douze ans après reviendrait probablement à priver de l’essentiel de leurs travaux les cabinets d’instruction d’une certaine juridiction interrégionale spécialisée, ou JIRS, située en dessous du quarante-cinquième parallèle ! Très honnêtement, il ne me paraîtrait pas normal d’agir de la sorte.
L’utilisation de cette procédure par les procureurs de la République est subordonnée à l’autorisation du JLD. Des garanties existent donc. Restreindre le champ de cette technique apparaîtrait, dès lors, comme un signe de défiance vis-à-vis de la justice, alors même que la loi relative au renseignement, qui vient d’être votée par le Parlement, prévoit que la technique de sonorisation peut être utilisée pour remplir tous les objectifs de l’action des services de renseignements.
M. Jacques Mézard. Je n’ai pas voté en sa faveur !
M. Michel Mercier, rapporteur. Elle n’en a pas moins été adoptée, monsieur Mézard.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Elle a également été validée par le Conseil constitutionnel.
M. Michel Mercier, rapporteur. Tout à fait, monsieur le garde des sceaux. On ne peut tout de même pas donner moins à la justice qu’à nos services de renseignement…
Monsieur Mézard, je suis certain que vous partagez ce sentiment au plus profond de vous-même ! Afin de vous aider à l’assumer, j’émets un avis défavorable sur cet amendement. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, même si je n’ai pas l’ambition de suivre le rapporteur dans le décryptage des idées profondes de M. Mézard. (Nouveaux sourires.)
Nous avons un désaccord. À mon sens, cette technique doit être utilisée pour divers objets. J’ai déjà eu l’occasion de défendre ce point de vue.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite revenir sur les arguments – ils sont toujours extraordinaires ! – énoncés par notre rapporteur.
Premièrement, l’avenir ne serait qu’au renforcement de la répression, pour tout. On ne pourra donc jamais revenir en arrière, ne serait-ce que parce que la situation se sera améliorée. Non, il faut toujours en rajouter ! Pourtant, il est toujours possible de modifier des textes dans un sens contraire.
Deuxièmement, si les mesures prévues à l’alinéa 7 s’appliquent déjà, pourquoi les réintroduire dans la loi ?
Les arguments présentés me paraissent donc tout à fait étranges. De même, si la justice et le renseignement sont la même chose, pourquoi avoir deux services ? Faisons donc comme dans les pays bien organisés, où renseignement et justice vont ensemble. Cela ne vous rappelle rien, monsieur le rapporteur ? Ah, ces systèmes sont efficaces ! (Sourires sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. L’amendement n° 241, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
, sans que la durée totale des opérations ne puisse excéder deux ans.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. De la même manière que pour l’IMSI-catcher, il est proposé de rétablir une limitation à deux ans, en instruction, pour une opération de sonorisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet article permet au parquet de réagir dans l’urgence en demandant la mise en place de ces dispositifs de captation de données afin de sauvegarder des preuves. La commission des lois a complètement réécrit le dispositif ; ce faisant, elle a supprimé la durée maximale de deux ans de recours à ces techniques et a diminué la durée initiale de quatre à deux mois dans le cadre de l’instruction.
Le présent amendement vise à rétablir une disposition du Gouvernement, en réintroduisant une durée maximale de deux ans de recours à la sonorisation et à la captation, ce qui permet d’harmoniser le recours aux techniques d’enquête spéciales.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis A (nouveau)
I. – La section 6 bis du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Les articles 706-102-1 à 706-102-3 sont ainsi rédigés :
« Art. 706-102-1. – Si les nécessités de l’enquête concernant une infraction entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 l’exigent, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire requis par le procureur de la République à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d’accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre, telles qu’elles sont stockées dans un système informatique, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données, telles qu’il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu’elles sont reçues et émises par des périphériques audiovisuels.
« Le procureur de la République peut désigner toute personne physique ou morale qualifiée, en vue d’effectuer les opérations techniques permettant la réalisation du dispositif technique mentionné au premier alinéa. Le procureur de la République peut également prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier.
« Art. 706-102-2. – Si les nécessités de l’information concernant une infraction entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 l’exigent, le juge d’instruction peut, après avis du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d’accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre, telles qu’elles sont stockées dans un système informatique, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données, telles qu’il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu’elles sont reçues et émises par des périphériques audiovisuels.
« Le juge d’instruction peut désigner toute personne physique ou morale qualifiée, en vue d’effectuer les opérations techniques permettant la réalisation du dispositif technique mentionné au premier alinéa. Le juge d’instruction peut également prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier.
« Art. 706-102-3. – À peine de nullité, la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction prise en application des articles 706-102-1 et 706-102-2 précise l’infraction qui motive le recours à ces opérations, la localisation exacte ou la description détaillée des systèmes de traitement automatisé de données ainsi que la durée des opérations.
« L’autorisation prise en application de l’article 706-102-1 est délivrée pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions. L’autorisation prise en application de l’article 706-102-2 est délivrée pour une durée maximale de quatre mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions. »
2° Le premier alinéa de l’article 706-102-4 est ainsi rédigé :
« Les opérations prévues à la présente section sont effectuées sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées, qui peut ordonner à tout moment leur interruption, et ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans les décisions de ce magistrat. » ;
3° L’article 706-102-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, la référence : « à l’article 706-102-1, » est remplacée par les mots : « aux articles 706-102-1 et 706-102-2, le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou » ;
– à la deuxième phrase, après les mots : « à cette fin », sont insérés les mots : « par le procureur de la République ou » ;
– à l’avant-dernière phrase, après le mot : « contrôle », sont insérés les mots : « du juge des libertés et de la détention ou » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, la référence : « à l’article 706-102-1, » est remplacée par les mots : « aux articles 706-102-1 et 706-102-2, le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou » ;
– à la deuxième phrase, après le mot : « contrôle », sont insérés les mots : « du juge des libertés et de la détention ou » ;
4° À l’article 706-102-6 et à la première phrase du premier alinéa de l’article 706-102-7, après les mots : « commis par lui », sont insérés les mots : « ou requis par le procureur de la République » et la référence : « à l’article 706-102-1 » est remplacée par les références : « aux articles 706-102-1 et 706-102-2 » ;
5° À la première phrase du premier alinéa de l’article 706-102-8, après les mots : « commis par lui », sont insérés les mots : « ou requis par le procureur de la République ».
II. – À l’article 226-3 du code pénal, après la référence : « 706-102-1 », est insérée la référence : « et 706-102-2 ».