M. Michel Mercier, rapporteur. Cette pratique existe déjà !
Mme la présidente. L'amendement n° 181 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 8, premières phrases
Remplacer les mots :
des articles 706-73 et 706-73-1
par les mots :
du 11° de l’article 706-73
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement devrait recueillir un avis favorable, puisque cette technique innocente ne sert pas à grand-chose (Sourires sur les travées du RDSE et du groupe CRC.), même si elle peut servir à lutter contre le terrorisme…
L’objet de cet amendement est donc de prévoir que cette technique ne servira qu’à la lutte contre le terrorisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. L’avis de la commission est identique à celui qu’elle a émis pour le précédent amendement défendu par M. Mézard.
M. Collombat le sait parfaitement, l’IMSI-catcher peut servir à poursuivre et confondre des trafiquants d’armes ou de drogue, qui peuvent ensuite verser dans le terrorisme. Vouloir limiter l’utilisation de cette technique aux seules infractions terroristes ne me semble pas très efficace.
Pour cette raison, je suggère à M. Collombat de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement partage le point de vue de la commission, non que votre argument ne soit pas convaincant, monsieur Collombat, mais parce qu’il souhaite que le texte porte sur la criminalité organisée. Il ne faut pas, à nos yeux, priver l’État des moyens de lutter contre la criminalité organisée.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Bis repetita…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Non placent ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Je pensais que, avec un peu de réflexion, M. le rapporteur serait convaincu par l’excellence de nos arguments. Je constate qu’il n’en est rien. (Nouveaux sourires.)
Quoi qu’il en soit, j’ai apprécié les explications techniques de M. le garde des sceaux, car il est important que l’on sache de quoi il s’agit, pour éviter toute spéculation sur un fonctionnement qui serait catastrophique pour les libertés individuelles, mais aussi pour en déduire les conséquences réelles par rapport au respect de celles-ci. Tel est la mission de la délégation parlementaire au renseignement.
Il serait opportun que nous ayons un jour un débat précis sur tout ce qui concerne les interceptions de correspondances et les écoutes téléphoniques, notamment. Au fil des rapports et des discussions, on entend que plusieurs dizaines de milliers d’interceptions seraient ordonnées tous les ans par le pouvoir exécutif. Je ne sais pas ce que l’on en fait, mais il serait tout de même intéressant…
Mme Cécile Cukierman. De savoir !
M. Jacques Mézard. … d’avoir une notion de ce qui se passe réellement, sans prendre de cas particuliers, et d’essayer d’en tirer la substantifique moelle, afin de remettre les choses dans un cadre précis, pour faciliter la sécurité, mais aussi pour favoriser le respect des libertés individuelles.
Nous maintiendrons donc cet amendement, car ses dispositions s’inscrivent dans la droite ligne de nos objectifs et de nos traditions. Nous considérons qu’il est dangereux d’étendre cette technique à tout ce qui concerne la criminalité organisée.
Mme la présidente. L'amendement n° 115 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bigot, Richard et Leconte, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Remplacer les mots :
dès qu’il apparaît qu’elles sont sans lien avec l’autorisation délivrée
par les mots :
lorsqu’il apparaît qu’elles sont sans lien avec l’autorisation délivrée, dans un délai maximum de trois mois
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Nous avons débattu assez longuement en commission des limites qu’il fallait apporter au stockage des informations issues de la collecte par IMSI-catcher. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil des explications de M. le garde des sceaux : il s’agit de toutes les données – numéros et identifiants informatiques – qui ont été collectées et qui ne présentent aucune utilité.
Sur notre demande, la commission a modifié l’article 706-95-10 du code de procédure pénale. Désormais, la destruction des données non utiles à l’enquête a lieu sous la responsabilité du procureur qui dirige cette dernière.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons ajouter que la destruction des données sans lien avec l’autorisation accordée doit avoir lieu dans le mois qui suit leur collecte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, d’abord, en raison des critères de fonctionnement de l’IMSI-catcher – je suis déjà intervenu sur ce point –, ensuite, parce que ces dispositions privent la défense de la capacité d’accéder aux données pour vérifier la probité des opérations conduites, et, enfin, parce qu’aucune précision ne figure sur l’autorité qui prendra la décision de les ordonner.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Il est écrit dans l’article que, dans tous les cas, c’est le procureur qui a cette responsabilité. Si vous souhaitez qu’il en reste des traces, pour que l’on sache quels numéros ont été collectés sans utilité, nous pouvons ajouter que le procès-verbal en sera dressé.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. En réalité, le Gouvernement est contre l’alinéa que vous évoquez à l’instant et sur lequel il souhaite des modifications dans le cadre de l’examen de l’article 2, comme j’aurai l’occasion de le dire prochainement.
S’agissant des interceptions, je suis parfaitement d’accord avec vous, monsieur Mézard, car il faut distinguer deux régimes : celui des interceptions judiciaires et celui des interceptions administratives. (M. Jacques Mézard acquiesce.) Or les deux régimes ne fonctionnent pas de la même manière, ce qui entraîne une confusion.
Selon mes informations, on compte chaque année environ 350 000 réquisitions judiciaires de données de connexion, pour 60 000 interceptions, à la réserve près que, dans le cadre judiciaire, une interception correspond à une ligne téléphonique, et il est donc possible que moins de 60 000 personnes soient écoutées. En revanche, quelque 6 400 interceptions administratives sont recensées. La différence est importante, mais chaque interception administrative peut valoir pour dix téléphones.
Par conséquent, les deux régimes ne sont pas comparables, et toute volonté du Parlement de clarifier à l’avenir la situation recueillera l’assentiment du Gouvernement.
Mme la présidente. Monsieur Richard, l'amendement n° 115 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Richard. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 182 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 16, troisième phrase
Remplacer les mots :
procureur général
par les mots :
juge des libertés et de la détention
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement tend à s’inscrire dans la droite ligne d’amendements que nous avions soutenus hier. La mention du juge des libertés et de la détention, le JLD, semble plus pertinente que celle du procureur général concernant les demandes de destruction de données inutiles collectées par la technologie IMSI-catcher, non parce que nous aurions une méfiance particulière à l’égard du parquet, mais parce que celui-ci a une autre vocation que le magistrat du siège.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit, au travers de cet amendement, de remplacer le procureur général par le juge des libertés et de la détention comme autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle les données sont détruites.
Je comprends le souci de M. Mézard de faire émerger le juge des libertés et de la détention compte tenu de l’objet de ce projet de loi, qui vise à exhausser le JLD et à envisager la présentation, dans des délais assez brefs, d’un statut du juge des libertés et de la détention, puisque la nature de ses fonctions est largement modifiée.
Très honnêtement, s’agissant de la destruction de données informatiques, il faut en rester aux règles habituelles selon lesquelles le parquet, c'est-à-dire le procureur de la République ou le procureur général, est compétent, et non le JLD, qui n’a pas les moyens de veiller à cette destruction.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement n’a aucun argument supplémentaire à ajouter aux propos de M. le rapporteur. Il émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. J’ajouterai pour ma part des arguments techniques.
Tout d’abord, la compétence est donnée au parquet général, c’est-à-dire au procureur général. À partir du moment où l’on cite le parquet général, les opérations auront lieu sous son autorité.
Ensuite, s’agissant des parquets, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, nous avons une certaine expérience concernant toute une série de dossiers. Il est malheureusement habituel, faute de moyens humains et matériels – il ne s'agit pas là de mauvaise volonté –, que les justiciables n’aient strictement aucune nouvelle les concernant : pour des centaines de milliers de dossiers, aucune notification n’est effectuée sur les classements sans suite, les poursuites inopportunes, etc. Je crains qu’il n’en aille de même pour les actes qui nous intéressent ici.
Mme la présidente. L'amendement n° 183 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toute personne concernée par les données ainsi collectées sans lien avec l’autorisation délivrée peut saisir le juge des libertés et de la détention afin d’obtenir la communication du procès-verbal de l’opération de destruction.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à aménager une voie de recours aux personnes qui, en raison de leur proximité géographique avec les personnes ciblées par la collecte de données au moyen de la technologie IMSI-catcher, verraient leurs données personnelles collectées, sans que cela soit utile à la procédure ayant justifié la collecte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement, qui s’inscrit dans le droit fil du précédent, vise à ce que toute personne ayant été concernée par la collecte de données sans lien avec l’autorisation puisse obtenir copie du procès-verbal de l’opération de destruction.
Cette précision est intéressante, mais, comme l’a dit lui-même M. Mézard lors des précisions qu’il a apportées sur l’amendement précédent, elle ne présente pas de portée pratique : comment une telle personne peut-elle être au courant que des données ont été recueillies et qu’elles ont ensuite été détruites ?
Mme Cécile Cukierman. C’est tout le problème !
M. Michel Mercier, rapporteur. Le tambour de ville ne va pas passer pour l’annoncer ! (Sourires.) Une telle voie de recours serait au surplus susceptible d’engorger les juridictions de nombreuses demandes. Par conséquent, pour des raisons pratiques, et même si je comprends bien l’intérêt théorique et intellectuel de l’amendement, qui est grand, le système qui nous est présenté ne peut pas fonctionner.
C’est pourquoi je demande instamment à M. Mézard de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, la commission sera contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement était aussi très dubitatif, puisque, au-delà du fait que chacun d’entre nous ne connaît pas son numéro IMSI, pas plus qu’il ne connaît son numéro IMEI, savoir que l’un de ses numéros a été collecté par un outil est assez peu plausible. De surcroît, je le rappelle, les outils collectent un grand nombre de numéros, et il est impossible de les relier entre eux, puisque seul le numéro de la personne recherché fait l’objet d’une autorisation.
Le Gouvernement ne comprend pas l’intérêt pratique de cette disposition. Il émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je vais tenter d’éclairer le Gouvernement, ce qui est difficile – parce qu’il est déjà très savant, bien sûr ! (Sourires.)
Nous constatons malheureusement tous les jours la porosité totale de tout ce qui concerne la justice avec les médias. C’est une réalité, le secret de l’instruction est une vaste farce dans notre pays ! Par conséquent, avec la loi relative au renseignement et une série d’autres dispositions législatives, un jour ou l’autre, il y aura un problème, qu’on l’appelle « scandale » ou autrement.
C’est inéluctable, et aucun gouvernement ne pourra y échapper, car cela va de pair avec ce type de législation. Un certain nombre d’éléments seront nécessairement communiqués au public : telle ou telle personne constatera qu’elle a été « prise dans le chalut » contre sa volonté. De telles situations ne sont pas des hypothèses d’école : si l’on peut espérer qu’elles ne surviendront pas de manière très fréquente, elles se produiront de manière inéluctable !
Mme la présidente. L'amendement n° 184 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le recours au recueil des données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation d’un équipement terminal utilisé, à l’aide d’un appareil ou d’un dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du code pénal est rendu public six mois après son utilisation.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Défendre un tel amendement reviendrait à se livrer à de l’acharnement thérapeutique… (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Dans certains cas, cela peut être utile ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard. Certes, cher collègue, mais je ne tiens pas à donner à M. le rapporteur l’occasion de développer davantage encore l’argumentation spécieuse qu’il a précédemment exposée !
M. Michel Mercier, rapporteur. Merci, monsieur Mézard !
M. Jacques Mézard. Aussi, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 184 rectifié est retiré.
L'amendement n° 167 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. 706-95-… – La mise en œuvre du dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du code pénal afin de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou d’un numéro d’abonnement de son utilisateur ne peut avoir lieu à proximité du bureau ou du domicile d’un député ou d’un sénateur sans que le président de l’assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d’instruction.
« La mise en œuvre du dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du code pénal afin de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou d’un numéro d’abonnement de son utilisateur ne peut avoir lieu à proximité du cabinet d’un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d’instruction.
« La mise en œuvre du dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du code pénal afin de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou d’un numéro d’abonnement de son utilisateur ne peut avoir lieu à proximité du cabinet d’un magistrat ou de son domicile sans que le premier président ou le procureur général de la juridiction où il réside en soit informé.
« La mise en œuvre de la technique prévue par le présent article pour un parlementaire, un avocat ou un magistrat ne peut être ordonnée que par décision motivée du président du tribunal de grande instance, statuant en qualité de juges des libertés et de la détention, saisi par ordonnance motivée du juge d’instruction, lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne a participé, comme auteur ou complice, à la commission de l’infraction.
« Le juge d’instruction communique aux personnes devant en être informées en application des trois premiers alinéas du présent article une copie de l’ordonnance du président du tribunal de grande instance, statuant en qualité de juge des libertés et de la détention. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Nous nous opposons à la mise en œuvre des IMSI-catchers en tant que tels. Toutefois, si ces derniers devaient être déployés, nous estimons que leur utilisation devrait être strictement encadrée.
Ce dispositif particulièrement intrusif permet une surveillance généralisée et indifférenciée. Aussi constitue-t-il un danger pour le secret professionnel des parlementaires, des magistrats et des avocats. Le secret associé à l’exercice de leurs missions est l’un des fondements d’une société démocratique. Il doit donc être préservé.
De surcroît, de telles techniques se heurtent frontalement et radicalement à l’exigence de proportionnalité, que doit respecter toute restriction au droit au respect de la vie privée et aux droits de la défense. En particulier, elles permettent de collecter des données relevant de la confidentialité des échanges entre un justiciable et son avocat.
Aussi, il convient d’exclure ces fonctions du régime des autorisations de recours au dispositif d’IMSI-catcher, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 23 juillet 2015, cette juridiction a confirmé l’importance de la protection du secret professionnel. À plusieurs reprises, elle a au surplus précisé que les atteintes portées au respect de la vie privée devaient être adaptées, nécessaires et proportionnées à l’objectif de prévention visé. Force est de le constater, suivant le lieu où il est installé, l’IMSI-catcher est susceptible de violer ces deux principes.
De même, le Conseil constitutionnel a défini l’impératif de « rigueur nécessaire », résultant de l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce principe suppose un contrôle de la proportionnalité entre la gravité des mesures portant atteinte à la liberté individuelle et les objectifs justifiant cette atteinte.
L’application au dispositif d’IMSI-catcher de ce principe de rigueur nécessaire met au jour les atteintes excessives que cette technologie inflige au droit au respect de la vie privée.
C’est la raison pour laquelle nous demandons un encadrement beaucoup plus strict.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. À mon sens, la technique d’enquête dont il s’agit ici ne peut être employée dans les conditions qui viennent d’être détaillées. Les dispositions du présent amendement me semblent donc totalement inapplicables. Comment savoir qu’un agent se situera à proximité d’un cabinet d’avocats, du bureau d’un parlementaire ou d’un autre des lieux visés ?
Au reste, de récents arrêts de la Cour de cassation ont traduit de profondes évolutions en la matière. Sauf erreur de ma part, la chambre criminelle de cette juridiction a, il y a peu, apporté des précisions relatives à un domaine similaire. Je ne vois donc pas comment le dispositif que cet amendement tend à instituer pourrait fonctionner.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Tout d’abord, nous demandons à être convaincus de la nocivité de la collecte du numéro IMSI ou IMEI : celle-ci n’est pas démontrée.
Ensuite, il est matériellement impossible de savoir au préalable si le domicile ou le cabinet d’une des personnalités évoquées sera compris, ou non, dans le champ d’action de l’appareil considéré. Si tel était le cas, la proximité des cabinets d’avocats pourrait devenir un refuge, du fait de l’interdiction de surveillance. On pourrait ainsi aboutir à des situations paradoxales !
Le Gouvernement émet donc, naturellement, un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 185 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 706-95-… – La portée de l’appareil ou le dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du code pénal afin de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation d’un équipement terminal utilisé, ne peut être d’un rayon supérieur à deux cents mètres.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Nous souhaitons nous assurer que l’usage des captations effectuées concernera un minimum de personnes collatérales, étant donné les capacités des technologies actuelles, dont le rayon varie entre deux mètres et quelques centaines de mètres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que l’IMSI-catcher ne saurait avoir une portée supérieure à 200 mètres. Cette mention est intéressante, mais, à notre sens, elle relève du pouvoir réglementaire. (M. Jacques Mézard rit.)
Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Monsieur Mézard, les IMSI-catchers n’émettent pas jusqu’à 200 mètres !
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. En fixant une limite si haute, vous élargissez considérablement l’usage potentiel de cet outil, nonobstant les précisions que j’ai précédemment fournies : en la matière, on cherche une triangulation. Plus l’espace ciblé est restreint, mieux c’est pour l’enquêteur.
Non seulement de telles mesures relèvent plutôt du champ réglementaire, mais, si vous souhaitez nourrir les normes en question, je vous invite à resserrer la focale. Je le répète, un plafond de 200 mètres est beaucoup trop élevé !
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l’amendement n° 185 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Si la commission et le Gouvernement le souhaitent, je peux rectifier mon amendement en limitant la portée des IMSI-catchers à cinq mètres… (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Disons 120 mètres !
M. Michel Mercier, rapporteur. Ou 129 mètres !
M. Jacques Mézard. Cette disposition est peut-être d’ordre réglementaire, mais, je le rappelle à l’intention de M. le rapporteur, qui peut le plus peut le moins !
M. Michel Mercier, rapporteur. Voyons, monsieur Mézard, et l’article 37 de la Constitution ?…
M. Jacques Mézard. Bien entendu, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 185 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis
(Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 229, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article 706-104 du code de procédure pénale est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 706-104. – Les mesures prévues par les sections 5 à 6 bis du présent chapitre ne peuvent être ordonnées à l'encontre d'un député, d'un sénateur, d'un magistrat ou d'un avocat à raison de l'exercice de son mandat ou de sa profession, sauf si elles sont indispensables en raison de l'existence préalable d'indices qu'il a participé à la commission d'une infraction. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement tend à rétablir un article figurant dans le texte transmis au Sénat, qui rappelle expressément les exigences conventionnelles et constitutionnelles protégeant les droits de la défense et la séparation des pouvoirs. Si cet article ne fait pas référence aux journalistes, c’est parce que les garanties propres à cette profession sont incluses dans la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, texte dont la Haute Assemblée est actuellement saisie.
Le présent amendement a pour objet les techniques d’enquête évoquées dans le présent projet de loi. Ses dispositions sont complétées par celles de l’amendement n° 234, pour le cas spécifique de la géolocalisation.
Pour l’ensemble de ces actes d’enquête, conformément aux décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, il est préférable que la loi énonce cette précision : ces mesures ne peuvent être ordonnées que si elles apparaissent indispensables, en raison de l’existence préalable d’indices laissant présumer la participation de professionnels concernés à une infraction.