compte rendu intégral
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Demande de création d’une commission d’enquête
Mme la présidente. Par lettre en date du 29 mars 2016, M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, a fait connaître à M. le président du Sénat que son groupe exerçait son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une commission d’enquête sur les chiffres du chômage en France et dans les pays de l’Union européenne, ainsi que sur l’impact des réformes mises en place par ces pays pour faire baisser le chômage. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
La conférence des présidents sera saisie de cette demande de création lors de sa prochaine réunion.
3
Lutte contre le crime organisé et le terrorisme
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (projet n° 445, texte de la commission n° 492 rectifié, rapport n° 491, tomes I et II, avis nos 476 et 474).
Après avoir examiné, hier, les articles et amendements appelés par priorité, nous reprenons le cours normal de la discussion des articles.
Titre Ier (Suite)
Dispositions renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement
Chapitre Ier
Dispositions renforçant l’efficacité des investigations judiciaires
Article 1er
La section 4 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° A (nouveau) À l’article 706-89, les mots : « , selon les modalités prévues par l’article 706-92, » sont supprimés ;
1° L’article 706-90 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , selon les modalités prévues par l’article 706-92, » sont supprimés ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’urgence et pour les enquêtes préliminaires concernant une ou plusieurs infractions mentionnées au 11° de l’article 706-73, ces opérations peuvent toutefois concerner des locaux d’habitation en dehors des heures prévues à l’article 59 lorsque leur réalisation est nécessaire afin de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique. » ;
2° L’article 706-91 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Au premier alinéa, le mot : « instruction » est remplacé par le mot : « information » et les mots : « , selon les modalités prévues par l’article 706-92, » sont supprimés ;
b) (nouveau) Il est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Lorsque leur réalisation, dans le cadre d’une information relative à une ou plusieurs infractions mentionnées au 11° de l’article 706-73, est nécessaire afin de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique. » ;
3° L’article 706-92 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– la première phrase est complétée par les mots : « et qu’elles ne peuvent être réalisées pendant les heures prévues à l’article 59 » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Le magistrat qui les a autorisées est informé dans les meilleurs délais par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire des actes accomplis en application des articles 706-89 à 706-91. » ;
b) Au deuxième alinéa, les références : « par les 1°, 2° et 3° » sont remplacées par les références : « au second alinéa de l’article 706-90 et aux 1° à 4° ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. Les non-inscrits n’ont bénéficié que d’un temps de parole très limité lors de la discussion générale, et c’est un de mes collègues qui s’est exprimé dans ce cadre. Je profite donc de l’examen de cet article 1er du projet de loi pour formuler quelques remarques d’ordre général.
Ce texte cible directement et prioritairement le crime organisé et le terrorisme. J’en soutiens tout à fait le principe, puisque, effectivement, il y a là une priorité.
Toutefois, selon les récentes déclarations d’un ministre, et je crois qu’il a tout à fait raison, il existe en France une centaine de Molenbeek. Or le crime organisé et le terrorisme trouvent précisément leurs racines dans cette centaine de Molenbeek – je fais confiance au ministre quant à l’ordre de grandeur, le problème n’étant pas de savoir quel est le chiffre exact.
J’exprimerai donc deux regrets : d’une part, ce texte ne va pas assez loin ; d’autre part, les aspects spécifiques à l’existence de cette centaine de Molenbeek, notamment le communautarisme, ne sont pas pris en compte. Il me semble pourtant qu’il faudrait sanctionner pénalement les dérives du communautarisme.
Une telle dimension n’apparaît pas dans le projet de loi. C’est ce regret que j’aurais formulé dans le cadre de la discussion générale, si j’avais pu prendre la parole à cette occasion.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 138 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 7.
Mme Cécile Cukierman. L’article 1er du projet de loi vise à inscrire dans notre droit pénal ce qui constituerait, dans certains cas, une absence totale de respect de la vie privée.
Permettre au procureur de la République d’effectuer, à toute heure, des perquisitions dans des locaux d’habitation dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une procédure d’instruction n’offre pas suffisamment de garanties en matière de protection des libertés individuelles, notamment du droit à la vie privée et familiale.
La nécessité d’une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, le JLD, reste un rempart insuffisant.
Le couple de magistrats formé par le procureur et le JLD nécessite des garanties, pour l’instant inexistantes. Tout le monde connaît la « précarité » des juges des libertés et de la détention, leur manque de moyens et, par conséquent, leur difficulté à s’affranchir de toute dépendance à une hiérarchie.
Comme le souligne le Défenseur des droits, la perquisition de nuit au domicile d’une personne constitue une ingérence très grave dans le droit au respect de la vie privée et du domicile, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour européenne des droits de l’homme a déjà estimé, à plusieurs reprises, que, si les États peuvent recourir à de telles mesures pour établir la preuve matérielle d’infractions et poursuivre les auteurs de ces dernières, leur législation et leurs pratiques doivent offrir des garanties adéquates et suffisantes contre les abus et l’arbitraire, tout en respectant les principes de nécessité et de proportionnalité.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons la suppression de cet article.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les auteurs de cet amendement entendent supprimer l’article 1er, qui tend à prévoir des perquisitions de nuit en période d’enquête préliminaire.
La proposition de loi que nous avons adoptée le 2 février dernier comprend un mécanisme tout à fait analogue, et il n’est pas question de revenir sur cette position. Le procureur de la République de Paris, lors de son audition devant la commission des lois le 9 décembre 2015, avait justement insisté sur la nécessité de pouvoir procéder à des perquisitions de nuit, c’est-à-dire à des moments où vous n’êtes pas forcément attendus, alors que si vous entrez à six heures et une minute dans l’appartement, il se peut qu’on se soit préparé à vous accueillir…
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Nous avons défendu avec constance le principe de cet outil, qui a son utilité en termes d’efficacité des actions engagées et de protection des forces d’intervention et de l’environnement immédiat.
Le Gouvernement émet donc lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Pour parer à certains malentendus – il me semble souhaitable, en début de séance, de recadrer un peu les choses… –, je précise que, avec cette demande de suppression de l’article 1er du projet de loi, nous entendons remettre en cause non pas le principe d’un recours aux perquisitions de nuit en cas d’urgence, mais les conditions dans lesquelles celles-ci sont autorisées.
Par conséquent, évitons les méprises. Contrairement à ce que M. le rapporteur a pu laisser entendre, nous ne souhaitons pas que tous les criminels sachent par avance que, s’il y a perquisition, ce sera à six heures une. En revanche, nous ne voulons pas que les dispositifs mis en place dans les cas d’extrême urgence et de grave nécessité soient organisés comme il est prévu dans l’article 1er. C’est ce qui motive notre demande de suppression de cet article.
Hier, certains nous ont taxés d’angélisme. Il s’agit plutôt, mes chers collègues, d’une posture de respect du droit en vigueur, posture qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a pas montré sa nocivité !
Mme la présidente. L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet, MM. Reichardt, Bonnecarrère, Bockel, Gabouty, J.P. Fournier et Gournac, Mmes Gatel, Férat et Gruny, M. Lefèvre et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– à la première phrase, après les mots : « ordonnance écrite », sont insérés les mots : « ou électronique » ;
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est directement issu des travaux de la commission d’enquête qui a œuvré au sein du Sénat, précisément de sa proposition n° 84.
Je sais bien que les rapports sont faits pour rester dans les tiroirs ! Toutefois, monsieur le garde des sceaux, voilà qu’on nous présente, aujourd'hui, un véhicule législatif qui nous permettrait d’enrichir un dispositif – celui-là même que vous proposez à travers ce texte – qui est déjà très complet.
En matière de terrorisme, a fortiori dans des affaires impliquant des départs potentiels – on en parle tous les jours et, avec plus de 9 000 personnes signalées à l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, l’UCLAT, la situation est extrêmement sérieuse –, il est nécessaire de diligenter les enquêtes rapidement. Cela suppose, comme nous sommes en train de le prévoir, de pouvoir agir à toute heure du jour et de la nuit.
Pour améliorer la célérité des enquêtes, il importe de fluidifier autant que possible les échanges. L’article 706-92 du code de procédure pénale exige une ordonnance écrite pour les autorisations données par le juge des libertés et de la détention, alors que ces procédures pourraient utilement passer par une signature électronique.
La commission d’enquête a effectivement estimé que la signature électronique des actes de procédure d’enquête en matière de terrorisme pouvait très bien avoir cours.
Un certain nombre de membres de cette commission d’enquête, y compris moi-même, qui l’ai présidée, proposent donc de permettre au juge des libertés et de la détention de signer électroniquement les autorisations prévues par les articles 706-89 à 706-96 du code de procédure pénale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Sur le fond, nous ne pouvons qu’être favorables à l’idée de simplifier les procédures en autorisant le recours à la dématérialisation.
Toutefois, introduire une telle précision, par le biais de cet amendement, pour ce seul acte d’enquête pose un problème de méthode.
Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, dite « Bas », que nous avons adoptée, nous avions abordé cette question et choisi de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de définir les conditions dans lesquelles les actes d’enquête, d’instruction ou les décisions juridictionnelles pouvaient revêtir un caractère dématérialisé.
Je souhaite donc connaître la position du Gouvernement avant de rendre un avis définitif, car, je le répète, l’amendement tend à ne s’intéresser qu’à un seul acte, alors que celui-ci s’inscrit dans un ensemble.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cet amendement est satisfait par l’article 801-1 du code de procédure pénale, qui dispose : « Tous les actes mentionnés au présent code, qu’il s’agisse d’actes d’enquête ou d’instruction ou de décisions juridictionnelles, peuvent être revêtus d’une signature numérique ou électronique, selon des modalités qui sont précisées par décret en Conseil d’État. »
Le décret en Conseil d’État a été pris le 18 juin 2010. Il s’agit du décret relatif à la signature électronique et numérique en matière pénale et modifiant certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Goulet, l'amendement n° 59 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. L’excellent rapporteur de la commission d’enquête, qui se trouvait être un ancien président de la commission des lois, avait estimé, quant à lui, que l’article 801-1 du code de procédure pénale, tout juste mentionné par vos soins, monsieur le garde des sceaux, bien que visant l’exhaustivité des actes de procédure, ne s’appliquait pas forcément aux autorisations prévues aux articles 706-89 à 706-96, en raison de la nécessité expresse d’une « ordonnance écrite ». Le décret pris, semble-t-il, ne mentionnerait pas ce détail…
Je vais retirer donc mon amendement, au bénéfice de vos explications. Néanmoins, une grande confiance n’excluant pas une petite méfiance, je vérifierai tout de même les dispositions du décret. La navette nous permettra peut-être, si besoin, de revenir sur le sujet. En effet, s’il y a un secteur dans lequel on peut envisager d’accélérer les procédures, c’est bien la lutte contre le terrorisme !
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 59 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 166 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 92 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 92. – Le juge d'instruction peut se transporter sur les lieux pour y effectuer toutes constatations utiles ou procéder à des perquisitions. Il en donne avis au procureur de la République, qui a la faculté de l'accompagner, et en informe obligatoirement l’avocat de la personne perquisitionnée. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Alors que l’arsenal antiterroriste ne cesse de se développer, il convient de renforcer toutes les garanties juridiques nécessaires, afin de limiter les risques d’atteinte aux droits et libertés individuels, et éviter ainsi la permanence d’un État d’exception.
L’article 1er de ce projet de loi tend à permettre des perquisitions de nuit dans les locaux d’habitation. Il est en outre prévu, dans ce cadre, que les perquisitions de nuit puissent être opérées de façon préventive, lorsqu’il s’agira de « prévenir un risque sérieux d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ».
Jusqu’à présent, ces perquisitions n’étaient autorisées qu’en matière de criminalité ou de délinquance organisée, dans le cadre de l’enquête de flagrance. Au stade de l’enquête, cette mesure attentatoire aux libertés est désormais sous le contrôle du parquet, et l’exercice des droits de la défense n’est pas garanti. Pourtant, il n’y a pas de justice équitable sans avocat et de respect des droits de la défense sans contrôle des actions de l’autorité administrative !
Au 1er février 2016, quelque 3 210 perquisitions avaient été menées dans le cadre de l’état d’urgence. Or, seules deux procédures d’enquête ont été ouvertes, dont une ayant débouché sur une mise en examen. Depuis la fin du mois de novembre 2015, le Défenseur des droits a reçu 49 réclamations liées à des perquisitions et des assignations à résidence.
En janvier 2016, Human Rights Watch a recueilli une vingtaine de témoignages de personnes ayant indiqué avoir été soumises à des perquisitions abusives dans le cadre de l’état d’urgence. Les récits de ces opérations sont saisissants et, monsieur le garde des sceaux, posent quelques questions. Il ne faut évidemment pas généraliser, nous en sommes conscients, mais nous ne pouvons et ne devons pas les ignorer.
C’est pourquoi il nous paraît nécessaire de permettre à l’avocat, en qualité de garant des libertés individuelles fondamentales, d’être informé dès le début d’une perquisition nocturne, afin qu’il puisse s’assurer que les droits de la personne concernée sont respectés. Il s’agit là, pour nous, d’un rempart efficace face aux dérives qui pourraient advenir.
Nous proposons donc l’insertion, dans le texte, d’un article additionnel allant dans ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer les dispositions en vertu desquelles le juge d’instruction est toujours assisté d’un greffier et ses opérations font l’objet d’un procès-verbal.
Il me semble poser un problème de faisabilité, car une personne perquisitionnée n’a pas toujours d’avocat. En outre, la perquisition n’est pas une mesure de contrainte, puisque la personne perquisitionnée, si elle n’est pas mise en examen, n’a aucune obligation d’y assister. Dans ce cas, le juge d’instruction l’effectue en présence de deux proches ou, à défaut, de deux témoins.
Par ailleurs, l’objet de l’amendement vise les perquisitions de nuit, alors que son dispositif assujettit toutes les perquisitions à ce formalisme.
J’ajoute enfin que, si la perquisition débouche sur une garde à vue, les droits de la défense pourront alors s’exercer dans les conditions prévues par le code de procédure pénale.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement estime notamment que l’essentiel de cet amendement est satisfait par l’article 27 quinquies A, adopté par la commission des lois du Sénat. Cet article tend à prévoir que l’avocat de la personne gardée à vue est avisé en cas de décision du juge d’instruction de procéder à un transport dans le temps de la garde à vue.
Le Gouvernement partage également le point de vue du rapporteur. D’une part, toutes les personnes perquisitionnées – la perquisition étant le premier acte de l’enquête – n’ont évidemment pas désigné, au préalable, un avocat. D’autre part, les perquisitions peuvent être menées à bien chez des personnes qui détiennent des documents utiles, mais ne sont pas, elles-mêmes, directement suspectées. Dès lors, il n’y a aucune raison d’informer leur avocat.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Les dispositions de cet amendement, je tiens à le souligner, vont parfaitement à l’encontre des orientations du texte que nous examinons !
Compliquer l’action de la police et de la justice, c’est perdre en efficacité et, très honnêtement, si l’on s’appesantit souvent sur la question du jour ou de la nuit pour les perquisitions, il me semble que la différence n’est pas fondamentale. Je présume qu’il n’est jamais très agréable, dans l’absolu, de subir une perquisition, que celle-ci ait lieu le jour ou la nuit.
En tout cas, si c’est pour prévoir tout un encadrement des perquisitions, autant ne pas mener d’enquêtes ! Si l’on prévient Dupont, Durand ou je ne sais qui, il est évident qu’il n’y aura plus personne au moment où les forces de l’ordre viendront perquisitionner.
Je suis donc tout à fait hostile à cette proposition.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 166 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
La section 5 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est complétée par des articles 706-95-1 à 706-95-3 ainsi rédigés :
« Art. 706-95-1. – Si les nécessités de l’enquête relative à l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 l’exigent, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire requis par le procureur de la République à accéder, en tous lieux, aux correspondances numériques émises, reçues ou stockées sur une adresse électronique si cette dernière fait l’objet d’une autorisation d’interception en application de l’article 706-95, dans la limite de la durée de cette autorisation. Les données auxquelles il aura été permis d’accéder peuvent être saisies et enregistrées ou copiées sur tout support.
« Art. 706-95-2. – Si les nécessités de l’information relative à l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 l’exigent, le juge d’instruction peut autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire à accéder, en tous lieux, aux correspondances numériques émises, reçues ou stockées sur une adresse électronique si cette dernière fait l’objet d’une autorisation d’interception en application des articles 100 à 100-5, dans la limite de la durée de cette autorisation. Les données auxquelles il aura été permis d’accéder peuvent être saisies et enregistrées ou copiées sur tout support.
« Art. 706-95-3. – Les opérations mentionnées aux articles 706-95-2 et 706-95-3 sont effectuées sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées et ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision de ce magistrat.
« Le fait que les opérations prévues au présent article révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du magistrat qui les a autorisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. »
Mme la présidente. L'amendement n° 139, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 1er bis, issu d’un amendement du rapporteur, instaure un nouveau cadre légal permettant la saisie de correspondances à l’insu de la personne concernée, de manière indépendante de la perquisition.
Cette saisie serait possible dès lors qu’une interception de l’adresse électronique a été autorisée dans les conditions prévues aux articles 100 et suivants du code de procédure pénale.
Une telle mesure nous paraît pour le moins excessive et gravement attentatoire aux droits fondamentaux, notamment au droit à la vie privée. Par conséquent, nous en demandons la suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le régime de saisie de données de messagerie électronique, en l’assimilant à celui de la perquisition.
Or ce sont deux choses très différentes, et assimiler le régime de saisie de ces données de messagerie électronique à une perquisition reviendrait à rendre impossible cette opération ! L’instauration d’un tel régime de saisie répond à une demande ancienne des magistrats, et ceux d’entre eux que nous avons auditionnés à plusieurs reprises nous ont expliqué qu’elle répondait à un besoin très important dans la conduite de leurs enquêtes.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas faire autrement que d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Initialement, le Gouvernement n’estimait pas nécessaire de prévoir un régime de perquisition administrative informatique dans la mesure où le projet de loi autorisait la captation de données informatiques via des logiciels dédiés. Toutefois, le recours à ceux-ci, recommandé dans des enquêtes d’une particulière complexité, étant coûteux et ardu, le Gouvernement a évolué et comprend désormais le souhait du rapporteur de trancher une question jurisprudentielle soulevée par la Cour de cassation.
Par conséquent, le Gouvernement préfère débattre des propositions du rapporteur, plutôt que de supprimer l’article 1er bis. Il formulera d’ailleurs des suggestions, afin d’enrichir le texte de la commission.
M. Michel Mercier, rapporteur. Nous vous écouterons, monsieur le garde des sceaux !
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 180 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3, premières phrases
Remplacer les références :
des articles 706-73 et 706-73-1
par la référence :
du 11° de l’article 706-73
La parole est à M. Jacques Mézard.